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 « J'aime la femme pour son secret, son my stère et le repos qu'elle peut do nner ... » La Femme... il la voit sous deux aspects magiques : « Les princesses de la Vie »et « les belles  plébéiennes ». Belles naturellement, car toujours pour lui la beauté doit être à la proue. Il a en horreur les petites bourgeoises et les jeunes filles, « sottes, ignorantes, complètement étrangères à la grandeur de l'Amour... » (1) 49 La femme « chef d'industrie » représente exactement le contraire de ce qui peut lui plaire dans la femme. C'est aux modèles de Vermeer de Delft que vont ses préférences, aux femmes de Memlinc et des primitifs flamands. Une autre finesse que celle de la parisienne les habite, cette finesse éclairée d'un reflet, celui de l'eau et du ciel conjugués projetant sur leur peau blonde l'aura de leur âme calme et douce. Il condamne le mouvement « féministe » et les femmes qui se veulent « l'égale de l'homme ». Il les aime très « femmes », très poétiques, très détachées des contingences terrestres... Pour lui la femme représente « Le repos du guerrier » … douceur, bonté, discrétion, poésie, gentillesse, tendresse … en somme il lui demande beaucoup. Très difficile d'ailleurs. Esprit critique très aiguisé il n'est pas l'homme aux « illusions ». Le moindre signe de bêtisse, de basessse ou d'intrigue chez une femme le fait l'abandonner aussitôt. « … J'aime l'Amour avec un grand A, l'amour à essence de bonté et attentif les autres sont des  formes attirantes et magnétiques d e vie, mais con duisent toujours à la morne platitude à l'ennui ou à la catastrophe. Je n'ai de goût ni pour l'un ni pour l'autre. Oui, compréhensif, comprends bien ce mot dans toute sa plénitude. Il est si lourd de sens ... » « Il est faux et bête que la femme soit et veuille être l'égale de l'homme. Il est ridicule de considér er le mariage comme une association. C'est idiot et je dirai impie. Le domaine de la femme est le  foyer, pas le foyer dans le sens bourgeois du mot dans le sens poétique, ce foyer ou elle doit faire régner toute la beauté que la vie peut offrir et toute la paix qui ne s'obtient que par une discipline continuelle mais qui doit rester invisible. J'ai horreur des femmes qui donnent des baisers en  public, qui car essant la main de l'être, aimé devant tout le monde par exemple, manqu e de goût et de distinction et de cette divine pudeur qui fait tout le charme de la femme et qui l'enveloppe de mystère et de poésie. Ne te dis pas que ce sont là des considérations d'homme froid, homme froid! comme si la chaleur était des sens... les imbéciles... 'Connais-tu le caractère des femmes de Shakespeare ? Leur ravissante fraîcheurs, leur simplicité si douce, leur bonté silencieusemen t attentive m'enchante. Les femmes ne sont désirables et gagnent les cœurs que pour autant qu'elles  possèdent c e don d’enfance qui réveille en e lles tout ce que n ous cher chons en toute s... ».  Non seulement toute sa vie il a recherché l'amour avec un grand A mais il l'a espéré dans la certitude.  Il croit que le vrai climat de l'Amour ne peut-être que celui de la « Certitude amoureuse ». « C'est dans la certitude que se déploient toutes nos joies. La certitude est le vrai climat de l'amour, et la vie se mêle d'insére r dans la plus grande certitude toujours assez de doute, pour nous offrir le bonheur merveilleux de la retrouver intacte et armée d'un sourire plus beau et grave. Je suis très exigeant en amour, en amitié et en toutes choses et j'aime que ceux qui m'affectionnent soient exigeants à mon égard. Ce n'est évidemment pas de l’exigeance mesquine au sujet des choses qui déterminent la vie. C'est à cause de cette exigence que toujours je me suis retiré dans le rêve, que toujours j'ai transposé la réalité, que toujours je me suis placé dans un monde que j'animais moi- même et ou la vision subjective que j'avais des personnages m'était plus réelle que celle que me donnait l'analyse objective.  Si dures ont été les déceptions toujours et si multiples que je suis devenu un fanatique de certitude. » « … ce qu'on aime appeler ma timidité n'est la plupart des fois que mon respect, non pas un respect  formaliste et distant m ais ce r espect qui jaillit du c œur et est la fleur de la For ce. Mais tant de  femmes sont de venues 'dém ocratiques' e t aiment à l'êtr e. Elle ont per du toute leur be auté et on ne  peut plus ape rcevo ir en elles même l 'âme conscien te et personne lle  ». Vis à vis des « étrangers » à la vie de son cœur, son hermétisme devient total. Personne n'y à accès.

Rachel Baes - Joris Van Severen, Un Âme (Extraits)

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  • J'aime la femme pour son secret, son mystre et le repos qu'elle peut donner... La Femme... il la voit sous deux aspects magiques : Les princesses de la Vie et les belles plbiennes . Belles naturellement, car toujours pour lui la beaut doit tre la proue.Il a en horreur les petites bourgeoises et les jeunes filles, sottes, ignorantes, compltement trangres la grandeur de l'Amour... (1) 49 La femme chef d'industrie reprsente exactement le contraire de ce qui peut lui plaire dans la femme. C'est aux modles de Vermeer de Delft que vontses prfrences, aux femmes de Memlinc et des primitifs flamands. Une autre finesse que celle de la parisienne les habite, cette finesse claire d'un reflet, celui de l'eauet du ciel conjugus projetant sur leur peau blonde l'aura de leur me calme et douce.Il condamne le mouvement fministe et les femmes qui se veulent l'gale de l'homme . Il les aime trs femmes , trs potiques, trs dtaches des contingences terrestres... Pour lui la femme reprsente Le repos du guerrier douceur, bont, discrtion, posie, gentillesse, tendresse en somme il lui demande beaucoup. Trs difficile d'ailleurs. Esprit critique trs aiguis il n'est pas l'homme aux illusions . Le moindre signe de btisse, de basessse ou d'intrigue chez une femme lefait l'abandonner aussitt.

    J'aime l'Amour avec un grand A, l'amour essence de bont et attentif les autres sont des formes attirantes et magntiques de vie, mais conduisent toujours la morne platitude l'ennui ou la catastrophe. Je n'ai de got ni pour l'un ni pour l'autre. Oui, comprhensif, comprends bien ce mot dans toute sa plnitude. Il est si lourd de sens... Il est faux et bte que la femme soit et veuille tre l'gale de l'homme. Il est ridicule de considrer le mariage comme une association. C'est idiot et je dirai impie. Le domaine de la femme est le foyer, pas le foyer dans le sens bourgeois du mot dans le sens potique, ce foyer ou elle doit faire rgner toute la beaut que la vie peut offrir et toute la paix qui ne s'obtient que par une discipline continuelle mais qui doit rester invisible. J'ai horreur des femmes qui donnent des baisers en public, qui caressant la main de l'tre, aim devant tout le monde par exemple, manque de got et de distinction et de cette divine pudeur qui fait tout le charme de la femme et qui l'enveloppe de mystre et de posie. Ne te dis pas que ce sont l des considrations d'homme froid, homme froid!comme si la chaleur tait des sens... les imbciles... 'Connais-tu le caractre des femmes de Shakespeare ? Leur ravissante fracheurs, leur simplicit si douce, leur bont silencieusement attentive m'enchante. Les femmes ne sont dsirables et gagnent les curs que pour autant qu'elles possdent ce don denfance qui rveille en elles tout ce que nous cherchons en toutes... .

    Non seulement toute sa vie il a recherch l'amour avec un grand A mais il l'a espr dans la certitude. Il croit que le vrai climat de l'Amour ne peut-tre que celui de la Certitude amoureuse .

    C'est dans la certitude que se dploient toutes nos joies. La certitude est le vrai climat de l'amour,et la vie se mle d'insrer dans la plus grande certitude toujours assez de doute, pour nous offrir le bonheur merveilleux de la retrouver intacte et arme d'un sourire plus beau et grave. Je suis trs exigeant en amour, en amiti et en toutes choses et j'aime que ceux qui m'affectionnent soient exigeants mon gard. Ce n'est videmment pas de lexigeance mesquine au sujet des choses qui dterminent la vie. C'est cause de cette exigence que toujours je me suis retir dans le rve, que toujours j'ai transpos la ralit, que toujours je me suis plac dans un monde que j'animais moi-mme et ou la vision subjective que j'avais des personnages m'tait plus relle que celle que me donnait l'analyse objective. Si dures ont t les dceptions toujours et si multiples que je suis devenu un fanatique de certitude. ce qu'on aime appeler ma timidit n'est la plupart des fois que mon respect, non pas un respectformaliste et distant mais ce respect qui jaillit du cur et est la fleur de la Force. Mais tant de femmes sont devenues 'dmocratiques' et aiment l'tre. Elle ont perdu toute leur beaut et on ne peut plus apercevoir en elles mme l'me consciente et personnelle .

    Vis vis des trangers la vie de son cur, son hermtisme devient total. Personne n'y accs.

  • Cependant la conclusion reste vaste, chaleureuse, vibrante : Je suis exigeant oui, je le sais, et je sais qu'il faut l'tre si on veut donner un style sa vie. Or il faut absolument donner du style sa vie, j'entends de la noblesse en tout. Cette ncessit qui n'est pas un ncessit politique (entendue au sens lev et prcis : Art de gouverner la Cit) mais une ncessit qui jaillit de la vie tout entire dans un milieu donn peut blesser la sensibilit (non la raison, non) d'une jeune femme. Un choix simpose alors : 'choix de la Raison', 'choix du cur' et ce choix doit tre fait mon got avecune noble entiret, avec une gnrosit qui ne se reprend pas... . Mais en fin de compte, je me dis que ce sont l 'toutes complication inutiles' et qu'il faut prendre la vie 'en prise directe' comme ces soldats coloniaux de Kipling pour qui la femme est vraiment :'Lerepos du guerrier' avec toute la posie que cela suppose

    A vrai dire sa conception de l'Amour est celle de l' Amour Fou de Breton, c'est toujours le grande amour qu'il a cherch, car il tait trop attach la notion quasi mystique de l'Amour unique pour s'abandonner sans arrires penses et autrement qu' l'occasion de crises passagres auxsortilges de l'omniprsente beaut fminine...

    Il m'avait lu des passages de l'Amour Fou St. Michiels au dbut de 1937. Il admirait l'intgrit, la puret de Breton. Et puis : ne faut-il pas tout prendre, tout goter, tout revivre en soi, et, dominant tout, tout vivre et transformer par la posie et la comprhension ? (8) 56 ???Sa dfinition prfre de l'Amour tait celle de Suars : l'Amour c'est le besoin de la prsence... .

    Je ne pense pas comme toi que la prsence relle n'est pas d'une importance capitale. Les heures de prsence relle sont l comme la condensation de la vie du cur pendant l'absence, comme leur plnitude et leur rponse merveilleuse et ncessaire. Il faut l'amour l'aliment continuel de cette prsence et des souvenirs directs de cette prsence : heure, jour, ambiance, et tous les petits incidents qui sont peut- tre sa posie la plus dlicieuse (9) 57

    Rachel BAES

    (1) A Rachel Baes, 18 fvrier 1939.(2) A Rachel Baes,18 fvrier 1937.(3) A Rachel Baes, 4 mars 1937, St. Michiels.(4) A Rachel Baes 28 septembre 1937, St. Michiels.(5) A Rachel Baes, St. Michiels fvrier 1937.(6) A Rachel Baes, St. Michiels 14 juin 1937.(7) Claude Mauriac : Andr Breton . (8) A Rachel Baes, mars 1939.(9) A Rachel Baes, 14 juin 1937.

    Baes, R. (1965). Joris Van Severen, Une me. Zulte: Editions Oranje, p. 130-134.