Radios et voyages communautaires - le web renforce les liens sociaux

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  • 8/14/2019 Radios et voyages communautaires - le web renforce les liens sociaux

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    Titre : radios et voyages communautaires : le web renforce les liens sociaux.

    Par Vianney Meunier et Luc Bretones

    De nos jours lorsquon parle de Web 2.0, la premire ide qui surgit est celle des rseaux

    sociaux usage personnel ou professionnel. Toutefois, la palette stend lorsquon imaginelensemble des services offerts par Internet et orients utilisateur. Voici la prsentation de deuxde ces sites pourvoyeurs de lien social et qui ont innov sur la base de services pralables auWeb tout en se servant des outils mis leur disposition par les nouvelles technologies.

    Depuis Edison et la RTF, la radio a bien volu. Les moyens dcouter de la musique chez soi ouen nomade ont chang. On parle aujourdhui beaucoup du streaming et les radio web se sontmultiplies, offrant une myriade de choix aux utilisateurs. Mais quil sagisse de la radiotraditionnelle ou des radio web, les choix de programmation sont toujours laisss des quipesqui les dterminent sur la base de critres forcment subjectifs : popularit dun titre ou dunartiste, politique musicale de la station, accords avec certains labels On est toujours dans unelogique de diffusion univoque, o un petit nombre de personnes dcident de la musique qui seracoute par un grand nombre dauditeurs. Ces dernires annes, un nouveau type de radio a fait

    son apparition, il sagit des services de radio personnalisables et communautaires. Le siteLast.fm en fait partie.

    Avec last.fm on aborde un niveau de personnalisation trs fin puisquil nexiste plus une radiomais autant de radios que dauditeurs. Fonde parFelix Milleret Martin Stikselau dbut desannes 2000, la radio innove vritablement lorsquelle incorpore la technologie delaudioscrobbling invente par Richard Jones dans sa chambre dtudiant aux Etats-Unis.Cette technologie repose sur une reconnaissance dun flux musical cout, que ce soit sur laversion flash du site last.fm ou dans le logiciel client install chez lauditeur ou mme, et cest ltout son intrt, dans le baladeur numrique ou le lecteur multimdia de son choix. Chaquemorceau cout pendant suffisamment de temps est scrobbl , cest--dire que lesinformations le concernant (Artiste, Titre, Album, Pochette) et celles concernant lutilisateurenregistr sur last.fm sont rcupres par le serveur pour tablir un profil dcoute musical. A

    mesure que lauditeur coute des morceaux sur son ordinateur et que son profil stoffe, unalgorithme dintelligence collective permet de proposer cet auditeur des morceauxcorrespondants ses gots musicaux lui permettant ainsi de dcouvrir des artistesmconnus car peu mdiatiss ou des titres inconnus dun artiste quil apprcie.

    Mais la dimension sociale de cette radio dun genre nouveau prend tout son sens avec lacration de communauts : chacun peu entrer en contact avec des voisins dfinis comme des auditeurs ayant des gots musicaux similaires aux siens , ou de faire partager ses amis choisis, certaines dcouvertes musicales.

    Linteractivit est massivement utilise sur last.fm puisque les utilisateurs peuvent commenterles morceaux, se les recommander entre eux, annoncer leur participation des concertsdans une ville o lartiste se produit et crire les biographies dartistes grce la mthode

    collaborative du Wiki, popularise par Wikipedia. La communaut dpasse sa dimensionvirtuelle lorsque des groupes de voisins se retrouvent pour un concert dans la vraie vie,faisant connaissance, pouvant devenir vrais amis, prolongeant les conversations quilspeuvent avoir eu en ligne. Cest ainsi que, partant dun site de radio web, les liens sociauxentre les individus se dveloppent autour de gots musicaux et dintrts communs.

    Voici donc un exemple de service communautaire totalement personnalisable qui permet, lafois aux passionns de musique de dcouvrir de nouveaux artistes et aux simples auditeurscurieux, de faire de nouvelles connaissances.

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    Dans le mme esprit, un site internet de partage dhbergement a vu le jour la fin desannes 90. Veit Khne, un internaute allemand engag a vu lintrt que pourraient tirerdinternet des voyageurs rpartis travers le monde. Il sagissait de mettre en relation despersonnes avides de rencontres et de dcouvertes pour trouver des hbergementsgratuits et il a fond le site Hospitality Club. Le concept de ce site est simple : je planifie unvoyage au Vietnam. Je vais donc rechercher qui, parmi les utilisateurs inscrits dans ce pays, est

    susceptibles de maccueillir et je vais leur adresser un message en leur demandant sils peuventmoffrir un toit pour la priode considre. En retour lorsque des voyageurs visiteront ma ville, jeleur offrirai le mme service. Lide de rciprocit est simple mais encore fallait-il la mettre enuvre. Le site est donc form dune grande communaut dutilisateurs enregistrs dansdiffrents pays qui utilisent la messagerie, le chat, les forums pour changer et secontacter lorsquils ont besoin dtre hbergs quelque part dans le monde.

    Outre son intrt conomique manifeste pour les voyageurs petit budget, ce site permetsurtout de rencontrer des personnes de cultures et denvironnements extrmement variset de partager lespace de quelques jours des conversations passionnes et des points devue sur le monde.

    Ce concept stant dvelopp par le bouche--oreille, la communaut des membres

    dHospitality Club organise rgulirement des rassemblements dans certaines villes afinde se rencontrer entre accueillants et accueillis et dchanger sur les pays visits.

    Pour ses fondateurs, le concept de confiance tait fondamental lorigine. Il sagit daccueillirquelquun dont on ignore tout au dpart. Pour cela, un systme de recommandations a t misen place afin de permettre aux membres dindiquer sils font confiance telle personne ,sils ont t son hte ou son invit et de laisser un commentaire. Ainsi lors dune nouvelledemande, un hte peut aller vrifier le srieux dune personne sur le site.

    Nous avons galement pos la question Jean-Louis Pags, co-auteur avec Jean-YvesHegron dun ouvrage sur les nouvelles formes de voyage : Voyager presque gratuit. Il sestpench sur les sites comme Hospitality Club ou Couch Surfing. Selon lui, ces sites ne sontque la continuit dune cinquantaine dautres et qui ont tous pour but de mettre en relation des

    voyageurs. On peut citer Pasporta Servo qui runit les Esprantistes du monde entier, ouencore WAYN, acronyme de Where are you now ? qui regroupe quelque 15 millions demembres et dont un Marseillais, Jrme Touz, est lorigine. Cependant pour Jean-LouisPags, le passage du papier linternet sest accompagn dune perte en ligneidologique au cours du temps. Les communauts qui existaient avant larrive de ces sitestaient bases sur des convictions idologiques fortes : pacifistes, cologistes, et le terme decommunaut prenait vraiment son sens (cercle des cyclistes, communaut homosexuelle,..).Tous avaient des points communs entre eux avant le got du voyage. Le site Servas France,par exemple abrite notamment une communaut de pacifistes. Aujourdhui des gens qui sontattirs par un site comme Couch Surfing recherchent plus une solution dhbergementconomique et si CS connat du succs aujourdhui, cest grce son ct trs corporate linstar des grandes entreprises amricaines nous indique-t-il.

    Bien entendu Hospitality Club fait un usage important des contenus utilisateurs : profils desmembres, groupes, forum, commentaires sur les autres membres, la communaut senrichit deses membres chaque jour un peu plus et fonctionne finalement bien. Couch Surfing atteind 1million de membres en mars 2009. Mais ces sites restent trs ancrs dans une technologie1.0. Ils nont pas franchi de cap majeur nous rappelle Jean-Louis Pags. Des sites commeWAYN ou le rcent site brsilienYowtrip sont plus avancs sur ce point. WAYN noffre dailleurspas que lhospitalit mais galement un rseau social de plusieurs millions de membres.

    Pour Jean-Louis Pags, le Web 2.0 marque une vritable rvolution socitale dans lafaon de voyager. Dans un avenir proche, on peut imaginer quil ny aura plus besoin deprparer autant son voyage en amont pour trouver un hte. Via les terminaux portables, le

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    voyageur sera go-localisable et pourra trouver dans un rayon de quelques kilomtres o quil setrouve, les htes disposant dune place disponible et les prvenir directement.

    Aujourdhui Hospitality Club et autres mules nont pas de but lucratif. Des volontairesaniment donc la communaut. Chez Hospitality Club, chacun est responsable dun aspect dusite en particulier et de ses relations avec lextrieur. On peut sinterroger sur la prennit de

    sites qui noffrent pas de business models pour durer. Couch surfing qui demande une donationpour accder certaines fonctionnalits et tre un membre vrifi a fait montre dun modleconomique plus entrepreneurial. Et ceci fonctionne. Daprs Jean-Louis Pags, ces sites ontencore des chances dexister sils dveloppent des technologies performantes et novatrices.Lidologie na pas besoin dtre le ciment de ces communauts. En revanche, pour les sites dontle but premier nest pas la recherche de voyages bas cot mais de permettre aux gens de seretrouver autour dautres centres dintrt, ces sites l nont pas vocation disparatre.Limportant est davoir de la biodiversit dans un rseau conclue-t-il et on a parfois plus dediversit dans un rseau dune centaine de membres que dans un hub de 15 millions. Cest cettebiodiversit qui va subsister.

    Finalement, lexprience Hospitality Club nous montre quaprs plusieurs annes, lacommunaut continue dexister et crot mme rgulirement. Ceci pose donc la question de la

    viabilit de communauts qui ne sont pas guides par le profit mais par une exprience humainede partage et de solidarit. Les contours du web social sont ds lors bien dfinis.

    Vianney Meunier, Trsorier Rflexions & StratgiesLuc Bretones, VP Rflexions & Stratgies, reprsentant Institut G9+