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Raideurs et ankyloses du coude C. Fontaine, C. Chantelot, C. Blondeau (Lille)

Raideurs et ankyloses du coude - Tout un programme ... · PDF fileDéfinitions • Raideur: limitation de la mobilité • Raideur « chirurgicale »: limitation du secteur fonctionnel:

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Raideurs et ankyloses du coude

C. Fontaine, C. Chantelot, C. Blondeau(Lille)

Définitions• Raideur: limitation de la mobilité• Raideur « chirurgicale »: limitation du secteur

fonctionnel: 120°/-30°/50°/50° au coude (125, voire 130° pour Morrey)

• Ankylose: perte « spontanée » de toute mobilité– Ankylose fibreuse– Ankylose osseuse

• Extra-articulaire• Articulaire

• Arthrodèse: fusion chirurgicale de deux os

Définitions

• Raideurs en extension, limitant la flexion (les plus gênantes) 20%

• Raideurs en flexion, limitant l’extension10%

• Raideurs mixtes, limitant la flexion et l’extension (les plus fréquentes) 70%

• Raideurs de la pronation-supination

Quantification de la raideur selon ce qui reste du secteur utile

• Très grave de 0 à 30° 14• Grave de 31 à 60° 9• Modérée de 61 à 90° 1• Minime de 91 à 120° 0

C FontaineSymposium Lille 1983

Étiologies• Raideurs post-traumatiques +++ 26• Ostéochondromatose primitive 4• Arthrose

– Primitive, volontiers à corps étrangers– Secondaire

• Traumatismes épiphysaires ou métaphyso-épiphysaires• Surmenage sportif (lancers, haltérophilie, gymnastique)• Surmenage professionnel (marteau-piqueur)• Ostéochondromatose

• Para-ostéo-arthropathies neurogènes POAN 5• Brûlures 2C Fontaine

Symposium Lille 1983

Raideurs post-traumatiques• Risque de raideur après traumatisme correctement

traité (Symposium SOFCOT 1971)– Sus et inter orthopédique 32%– Sus et inter opérée 25%– Supracondylienne orthopédique 15%– Supracondylienne opérée 15%– Condyle externe 10%– Tête radiale 12%– Olécrane 6%– Luxation + fracture parcellaire 10%– Luxation isolée 9%– Tous traumatismes 12%

Raideurs post-traumatiques• Sus et inter condylienne 10• Supracondylienne 2• Condyle externe 3• Capitulum 2• Luxation + fracture 7• Luxation pure 2• Tête radiale isolée 0• Olécrane isolé 0

C FontaineSymposium Lille 1983

Lésions anatomo-pathologiques

• Causes intrinsèques intra-articulaires• Causes extrinsèques péri- et extra-

articulaires

Causes intrinsèques intra-articulaires

• Altérations de la surface articulaire (dont cals vicieux)

• Corps étrangers intra-articulaires (ostéochondromatose primitive, arthrose,ostéochondrite)

• Ostéophytes– Butoirs osseux– Comblement des fossettes– Mise en tension de la capsule

• Augmentation de volume de la synoviale• Adhérences intra-articulaires

Causes extrinsèques péri- et extra-articulaires

• Rétraction capsulaire• Rétraction des ligaments collatéraux (rare)• Rétractions musculo-tendineuses (brachial)• Ostéomes péri-articulaires

– Post-traumatiques (brachial)– POAN, volontiers postéro-médial englobant le

nerf ulnaire

Causes des raideurs en flexion

• Facteurs postérieurs– Comblement de la fossette

olécranienne (os ou parties molles)

– Ostéophyte de l’olécrane et des berges de la trochlée

• Facteurs antérieurs– Rétraction de la capsule ant.– Adhérences +/- rétraction du

brachial

Causes des raideurs en extension

• Facteurs antérieurs– Comblement des fossettes

coronoïdienne et radiale (os ou parties molles)

– Hypertrophie de la tête radiale– Ostéophyte du processus

coronoïde• Facteurs postérieurs

– Rétraction de la capsule post.– Adhérences +/- rétraction du

triceps

Causes des raideurs

• « Leur responsabilité respective dansl’enraidissement du coude est difficile à établir puisque, très souvent, c’est seulement lorsque le dernier obstacle est levé que le coude se libère sans que cela implique qu’il soit la cause primordiale de la raideur » (A Deburge et P Valentin, Symposium SOFCOT 1971)

Bilan d’une raideur du coude

• Interrogatoire– Profession– Sports– Antécédents traumatiques– Côté raide– Côté dominant ou non dominant– Symptômes

• Raideur• Douleurs• Troubles neurologiques

Bilan d’une raideur du coude

• Inspection: axe du coude (cubitus valgus ou varus)• Palpation: repères osseux, points douloureux• Goniométrie F/E/P/S• Force (cotation internationale)• Stabilité du coude, étudiée sur le coude fléchi à 30°

– Valgus appliqué sur l’humérus en rotation externe maximale

– Varus appliqué sur l’humérus en rotation interne maximale

• Bilan nerveux MSR, surtout nerf ulnaire

Bilan d’une raideur du coude

• Évaluation fonctionnelle (index de performance de la Mayo Clinic)– Douleur

• Aucune 45• Légère 30• Modérée 15• Sévère 0

– Mobilité• Arc entre 50 et 100° 15• Arc < 50° 5

Bilan d’une raideur du coude

• Évaluation fonctionnelle (index de performance de la Mayo Clinic)– Stabilité

• Stable 10• Modérément instable 5• Instable 0

– Activités quotidiennes• Se peigner 5• Main bouche 5• Toilette 5• Mettre une chemise 5• Mettre des chaussures 5

Bilan d’une raideur du coude

• Évaluation fonctionnelle (index de performance de la Mayo Clinic)– Excellent 90-100 points– Bon 75-89 points– Moyen 60-74 points– Mauvais <60 points

Bilan d’une raideur du coude

• Imagerie: modalités– Radiographies de face et de profil (obliques ?)– (Tomographies)– (Scanner)– Arthro-scanner– (IRM)– Arthro-IRM– Intérêt des reconstructions 3D– (Scintigraphie pour la maturation des POAN)

Bilan d’une raideur du coude

• Imagerie: renseignements sur– Surfaces articulaires– Corps étrangers (la localisation peut varier entre

l’imagerie et l’opération)– Ostéophytes– Comblement des fossettes– Synoviale

Bilan d’une raideur du coude

• Examen électrophysiologique en cas de troubles neurologiques pré-op– Sévérité de l’atteinte– Stratégie opératoire (transposition)– Suivi de la récupération

Une ankylose est-elle acceptable ?

• « L’ankylose à angle droit ne doit plus être dorénavant l’idéal du chirurgien. La résection donne un membre plus utile qu’un coude ankylosé, même dans la meilleure position »

L OllierTraité des résections1869

Place de la mobilisation sous anesthésie ?

• « On doit apporter une certaine circonspection dans l’exécution de ces mouvements trop brusques et point assez ménagés, il causeroient de la douleur et pourroient l’engorgement et même la carie des parties articulaires »

A BoyerLeçons sur les maladie des osFaculté de Médecine de Paris1803

Possibilités thérapeutiques

• Abstention thérapeutiques (raideurs trop modérées)

• Arthrolyse– Sous arthroscopie (raideurs modérées, obstacles

localisés)– À ciel ouvert +++

• Arthrolyse avec interposition et/ou distraction si remodelage des surfaces

• Prothèse totale

Principes généraux

• Récupération per-opératoire du maximum de mobilité: ce qui n’a pas été obtenu en cours d’intervention sous l’effet de la pesanteur ne le sera pas par la rééducation +++

• Conservation de la stabilité frontale et sagittale: respect des ligaments collatéraux

• Éviter les calcifications post-op: – Technique atraumatique– Lavage abondant– Radio per-op

Anesthésie pour chirurgie mobilisatrice

• Générale• Loco-régionale par bloc sensitif pur

(Marcaïne® + Adrénaline) avec cathéter si possible (48-72 h)– Anesthésie per-op– Antalgie post-op autorisant l mobilisation

précoce

Voies d’abord

• Voie latérale (column procedure)• Voie médiale, première ou complémentaire

de la voie latérale• Vois postérieure limitée pour arthropathie

microtraumatique• Voies postérieures extensives pour

arthroplastie totale• Arthroscopie

Voie latérale 1

Voie latérale 2

Voie latérale 3

• Trouver l’interstice entre extenseur ulnaire du carpe et anconé

Voie latérale 4

• Décoller les épicondyliens latéraux de la capsule d’arrière en avant et de bas en haut

Voie latérale 5• Prolonger le décollement entre capsule et long extenseur

radial du carpe pour exposer le ligament collatéral latéral ?• Conserver un pont de tendon commun qui recouvre le lig.

collatéral latéral +++

Voie latérale 6• Récliner les muscles antérieurs grâce à des

écarteurs contre-coudés spéciaux

Voie latérale 7• Réaliser la capsulectomie antérieure de

dehors en dedans, en avant du plan du ligament collatéral latéral

Voie latérale 8

• Capsulectomie antérieure

Voie latérale 9• Identification du ligament collatéral latéral

permettant d’effectuer des gestes identiques sur le versant postéro-latéral du coude

Voie latérale 10

• Fermeture par réinsertion des musclesépicondyliens latéraux et du LERC

Voie médiale 1

• Identification et écartement du nerf ulnaire

• Désinsertion des fléchisseurs-pronateurs de l’épicondyle médial

Voie médiale 2

• Décollement entre les fléchisseurs-pronateurs et la capsule

Voie médiale 3

• Capsulectomie antéro-médiale

• Conserver un pont de tendonépicondylienmédial recouvrant lelig. collatéral ulnaire

Voie médiale 4• Décollement entre le vaste médial du triceps et la capsule permettant d’effectuer des gestes identiques sur le versantpostéro-médial du coude

Voie postérieure limitée 1

• Voie postérieure en décubitus dorsal

Voie postérieure limitée 2

• Le vaste médial est récliné de dedans en dehors, jusqu’à exposer la capsule jusqu’à l’olécrane et sa fossette

• Abord sous-périosté de l’olécrane

Voie postérieure limitée 3

Voie postérieure limitée 4

• Exposition de l’ostéophyteolécranien

• Excision de l’ostéophyteolécranien

Voie postérieure limitée 5

Voie postérieure limitée 6

• Excision de l’ostéophyteolécranien

Voie postérieure limitée 7

• Creusement des fossettes

Voie postérieure limitée 8

• Creusement des fossettes

Voie postérieure limitée 9

• Ablation de l’ostéophyte coronoïdien

Voie postérieure limitée 10

• Cire d’Horsleyet gaze résorbable hémostatique

• Fermeture par du fascia recouvrant le nerf ulnaire

Voie postérieure limitée 11

• Cas clinique• Avant• Pièces excisées• Après

Voie postérieure limitée 12

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 1

• Décubitus latéral ou ventral

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 2

• Installation moins pratique en– Décubitus dorsal– Semidécubitus dorso-latéral

• Incision cutanée contournant plutôt l’olécrane par le dehors que passant par son sommet

Voie postérieure extensive pour

arthroplastie totale 3

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 4

• Voietranstricipitaleen V renversé

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 5

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 6

• Voietranstricipitaletransversale

• Joshi RP, Yanni O, Gallanaugh SC. A modified posterior approach to the elbow for total elbow replacement. J Shoulder Elbow Surg1999 ; 8 : 606-611

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 7

• Division longitudinale de l’appareil extenseur

• Campbell, Langenbeck, Gschwend

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 8

• De dedans en dehors

• ExtensileMayo approach

Voie postérieure extensive pour arthroplastie totale 9

• De dehors en dedans

• Kocher, modifiée par Bryan et Morrey

Choix des voies d’abord

• Libération première du nerf ulnaire si souffrance pré-op ou s’il a déjà été disséqué lors du geste initial

• Voie latérale de première intention• Voie médiale si gain insuffisant• Éviter la reprise d’une voie postérieure

Succession des gestes opératoires

• Ablation première des ostéomes musculaires• Capsulectomie antérieure et postérieure respectant

les ligaments collatéraux• Ablation des corps étrangers libres• Résection des becs ostéophytiques +/- tête radiale• Résection des calcifications (insertions capsulaires)• Creusement des fossettes • Désinsertion des muscles brachial et/ou triceps• Section des lig collatéraux sous les muscles

épicondyliens

Succession des gestes opératoires• En pratique

– L’arthrolyse s’effectue pas à pas– L’opérateur passe alternativement en avant,

puis en arrière• En fin d’opération

– Enlever les matériels d’ostéosynthèse– Tester la mobilité obtenue et la stabilité– Radiographie: fragments osseux– Lavage au sérum– Lâcher de garrot et hémostase– Drainage– Suture étanche ne limitant pas la mobilité

Soins post-opératoires

• Bloc sensitif, si possible par cathéter laissé 48 à 72 h

• Bras surélevé• AINS (prévention des calcifications):

Indométhacine 100mg/j en 4 prises• Attelles de posture entre les séances de

rééducation• Radiothérapie 7-10 Gy ?

Rééducation post-opératoires

• Immédiate, le soir de l’intervention• Passive sur arthromoteur et active• Relais par des attelles de posture alternées• Progressive, mais intensive pendant les 15

premiers jours• Douloureuse: intérêt du bloc sensitif• Centre ou kinésithérapeute libéral ?

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• Critère d’appréciation: le gain relatif (en %)

Gain relatif =Gain absolu x 100

Gain possible

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• Selon le gain relatif– Excellent gain > 7% 7– Bon gain entre 40 et 69% 9– Moyen gain entre 20 et 39% 2– Médiocre gain entre 0 et 19% 5– Mauvais aggravation (gain négatif)

C FontaineSymposium Lille 1983

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• Perte de 40% du gain per-opératoire (surtout entre 2ème et 3ème semaines post-op)

• Perte moyenne de 25° en extension et de 15° en flexion (Fontaine 1983)

• Meilleur gain final en extension (25°) qu’en flexion (15°) (Blondeau 2003)

• Secteur utile – > 90° dans > 70%– >100° dans > 50%

Résultats des arthrolyses: Mobilité

3840°95°55°59Blondeau

2441°89°48°30Ménouillard

8538°90°52°23Chantelot

4036°104°68°28Mansat

4243°92°49°38Morrey

Recul en mois

Gain finalArc post-op

Arc pré-opNombreSérie

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• La mobilité finale est acquise à la fin du 2ème mois (Blondeau): Flexion

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• La mobilité finale est acquise à la fin du 2ème mois (Blondeau): Extension

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• La mobilité finale est acquise à la fin du 2ème mois (Blondeau): Mobilité globale

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• Facteurs influençant les résultats– Type de raideur: mixte meilleur que flexion ou

extension– Gravité de la raideur– Étiologies: POAN (72%) > post-trauma (40%)

> chondromatose (30%) > arthrose (15%)– Aspect de l’interligne: à terme, les 3

arthrosiques opérés ont reperdu de la mobilité

Résultats des arthrolyses: Mobilité

• Facteurs n’influençant pas les résultats– Age– Sexe– Côté dominant– Ancienneté de la raideur– Voies d’abord– Modalités de rééducation

Résultats des arthrolyses: Douleurs

• Sur 6 cas avec des douleurs pré-op– 3 améliorations– 2 identiques– 1 aggravation (état de la surface articulaire)

C FontaineSymposium Lille 1983

Complications des arthrolyses

• Hématomes 6• Infections 6• Complications nerveuses ulnaires 16• Complications nerveuses radiales 3• Complications vasculaires 1• Instabilité 2• Ossifications 15• Algodystrophie

Symposium SOFCOT 1971

Mécanisme des complications ulnaires post-opératoires

• Aggravation d’une souffrance pré-op rare car le nerf est alors libéré au début del’arthrolyse +/- transposé en fin d’opération

• Dissection trop étendue• Traumatisme direct (voie latérale isolée

poussée trop loin)• Étirement d’un nerf non libéré lors d’un

gain important de mobilité (Fontaine 1983)

Quand opérer ?

• Pas simultanément au traitement d’une pseudarthrose

• Jamais avant 6 mois +++– La fracture doit être consolidée– Il est souhaitable de pouvoir enlever le matériel– Il faut avoir épuisé les possibilités de la

kinésithérapie• « Tout ce qui est raideur s’arrange avec le

temps »René Leriche

Indications opératoires

• Abstention thérapeutiques (raideurs trop modérées)

• Arthrolyse– Sous arthroscopie (raideurs modérées, obstacles

localisés)– À ciel ouvert +++

• Arthrolyse avec interposition et/ou distraction si remodelage des surfaces

• Prothèse totale chez le sujet âgé