Les Ftes des Rameaux et de Pques en Algrie. Extrait de "Chez
nous en Algrie, la mditerrane tait au nord"
Pour les Rameaux, mon pre confectionnait des petits arbustes de
papier color et brillant ; chaque branche se balanaient des fruits
confits, des mandarines confites, des sucreries, mais on navait le
droit dy goter quaprs la messe ! La vitrine de la boulangerie
devenait une merveille de couleurs, le papier de soie brillait sous
les rayons du soleil et ondulait au moindre souffle dair. Ma
grand-mre mavait tricot un petit cache coeur en laine angora blanc,
je ladorais, il tait si doux. Je lai gard longtemps. Elle mavait
aussi confectionn de ravissantes petites chemises, bretelles, en
coton trs fin, rebordes dune guirlande de petites fleurs de toutes
les couleurs. Un jour mon amie Sylvette vient dormir la maison. Je
lui prte une de ces chemises, et elle en tombe amoureuse, jamais
elle navait vu (disait-elle) daussi jolies chemises. Le lendemain,
je lui dis de la garder, elle tait ravie. .
*** Baraki, Pques ma grand-mre faisait toutes sortes de gteaux :
des canollis fourrs de crme, dun ct vanille lautre ct chocolat, des
oeufs dcors, un gteau en couronne avec de vrais oeufs durs, des
corbeilles doreillettes, des mantcaos, petits gteaux la cannelle et
pour cacher dans le jardin, des oeufs durs peints de toutes les
couleurs et un seul oeuf cru. La maison embaumait la fleur
doranger. Les traditions, cest ce qui fait les souvenirs. Nous
partions mon frre et moi, un panier sous le bras, ds notre arrive
la recherche de tous ces oeufs. Ctait celui qui en trouverait le
plus ; mais ctait aussi sans compter sur lastuce dont faisait
preuve ma grand-mre, pour inventer ses cachettes. Le jardin en
regorgeait, sous les fleurs, dans les arbres, dans lherbe haute
parseme de vinaigrettes aux petites fleurs dun jaune clatant et aux
tiges acidules. Et toute la famille nous suivait en poussant force
exclamations. Lorsque nous avions trouv tous les ufs, restait
chercher celui qui tait cru. Pour cela mon grand-pre soffrait en
victime et nous cassions sans remords les oeufs sur son front jusqu
ce que bien sr nous arrivions loeuf cru.
Que de cris et de trpignations ; nous sautions de joie pendant
que mon pauvre grand-pre, stoque, gardant son sourire, sessuyait le
front avec son grand mouchoir carreaux. lpoque, ces grands
mouchoirs jouent un rle de tous les jours, tantt cest pli en deux
en triangle un foulard pour attacher mes cheveux, tantt cest avec
un noeud chaque coin un ravissant petit chapeau, tantt encore cest
tremp dans leau glace du puits un pansement pour nos genoux
corchs.
