8
60 L'ESCALE NAUTIQUE n o 58 Carnet de voyage Par Serge Charbonneau 1 2 Randonnée fluviale de la Manche à la Méditerranée Première partie: Le Havre-Paris

Randonnée fluviale de la Manche à la Méditerranée a med 1.pdf · pavés tant de fois foulés! L’Europe a un ... jugée puis brûlée vive sur la place du Vieux ... Il appuie

Embed Size (px)

Citation preview

60 L'ESCALE NAUTIQUE no 58

Carnet de voyage

Par Serge Charbonneau

1 2

Randonnée fluviale de la Manche à la MéditerranéePremière partie: Le Havre-Paris

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 60

61L'ESCALE NAUTIQUE no 58

La Seine vue depuis les hauteurs de Château-Gaillard. On aperçoit Velisedi au mouillage juste à droite de la péniche.

1 Max et Augustine à la vigie sur le pont. 2 Les péniches font partie du paysage de laSeine où le transport maritime a conservébeaucoup d’importance.

3 Péniches à couple à Conflans-Sainte-Honorine.

Véliserdi en escale à Rueil-Malmaison.

3

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 61

62 L'ESCALE NAUTIQUE no 58

Trois fois, j’avais mis les pieds en France.Chaque fois, j’étais fasciné. Le pays de

nos lointains ancêtres… être chez nos cousinsfrançais… partager leur pain, leurs vins etleurs fromages… marcher dans l’Histoire…mettre les pieds à des endroits où tant d’autresles ont mis avant… constater l’usure despavés tant de fois foulés! L’Europe a uncachet bien différent de l’Amérique.

En me promenant à travers cette France,j’ai souvent croisé des canaux et des coursd’eau. Cargos, péniches et bateaux de plai-sance les sillonnaient. Je me disais: «Wow!Ça doit être bien plaisant!» J’en rêvais unpeu! C’est resté là, dans un repli du cerveau etun coin du cœur, comme un rêve un peu fou,un rêve sans suite!

Août 2005, à bord de notre Véliserdi,notre bedonnant Corbin 39, nous entrons parl’une des principales portes maritimes del’Europe. Sur le pilier d’une tour de contrôlequi semble observer l’entrée de ce petit bateauarborant un pavillon fleur de lysé, on peut lire,de haut en bas: Le Havre, Porte de l’Europe.

Le Havre.

Eh! Oui! Ce rêve qui resta longtempsremisé dans le fouillis du cœur et de la raison,prenait forme. Nous venions de franchir laporte du continent européen. Le Véliserdiétait habité par toute une famille. Moi, Serge,ma compagne depuis toujours, Diane, l’artistedu bateau, Maxence, 11 ans, l’aideuse géné-reuse, Augustine, 7 ans, une amie de longuedate, Angela, et notre système d’alarmequadrupède, Mistrale, une labrador jaune etenjouée.

C’est presque avec un soulagement quenous quittions cette Manche avec ces fortesmarées et les courants musclés qui y sont

associés. Nous passions de marins d’eau saléeà marins d’eau douce.

C’est au Port de plaisance du Havre quenous louons les services d’une grue pourdémâter. Vingt-cinq minutes plus tard, notremât repose à l’horizontale. Nous sommes finsprêts pour nous rendre dans la France pro-fonde avec notre humble embarcation.

Notre mât ne nous aurait nullementempêchés de nous rendre à Rouen. En effet,sur les 120 km séparant Le Havre et Rouen, letirant d’air est de 50 mètres. Nous aurions puentrer directement dans la Seine en passantdevant Honfleur. Ça nous aurait évité le détourdu Havre. Par contre, ce passage est plussportif. On doit bien calculer son heure d’arri-vée parce que le courant de marée sortant de la Seine est assez costaud. En se rendant auHavre, nous nous retrouvons à l’entrée du canalde Tancarville. Avec deux écluses ajoutées auparcours, nous évitons les ennuis du courant.25 km de ligne droite qui nous amène sous lemagnifique pont de Tancarville.

À la sortie du canal, nous sommes sur-pris par les dimensions de l’écluse. Lesénormes taquets d’amarrage sont distants d’aumoins 3 longueurs de Véliserdi. Nous devonsallonger nos cordages rapidement tout en con-trôlant nos symptômes de panique. Évidem-ment, nous ne sommes pas seuls dans ce vastesas, un cargo et une immense barge dirigéepar un remorqueur et un pousseur nous précè-dent et agitent l’eau du bassin. Les remouscausés par l’opération et par les grosses unitésnous côtoyant nous font danser allègrement.Après une descente de 4 à 5 mètres, l’immense porte ouvre et les gros, lorsqu’ils semettent en mouvement, nous envoient unebonne poussée d’eau dans l’étrave. Lorsqu’ilsnous libèrent la vue et nous permettent enfin desortir… Wow! Quel spectacle! Nous entronsdans la Seine! La marée est basse. Un mincechenal nous conduit sous le pont. Malgré l’étale, le courant subsistant veut nous entraînervers la mer. Le décor est pittoresque. Nousavançons lentement dans ce méandre dragué,regardant le paysage, les villages environnantset cette eau brune presque vaseuse.

La Seine est un long serpent brun. Laqualité de l’eau est déplorable, mais la beautéde ses paysages compense amplement. Aunord, des collines qui semblent en craie, au sud,des plaines plus boisées. La Seine nous obligeà louvoyer vers Paris. Ce n’est pas notre Saint-Laurent, large et droit. Ça ressemble plutôt ànotre rivière Richelieu, à peine plus large.

Porte-conteneurs.

Il y a passablement de circulation et l’on croise plusieurs cargos hauturiers. À unevingtaine de kilomètres de Rouen, on mouillel’ancre dans un coude, vis-à-vis d’un villagese nommant La Bouille.

Le lendemain, Rouen, notre premièreescale intérieure. À son approche, le paysagebucolique disparaît graduellement pour faireplace à des installations portuaires impor-tantes. Plusieurs bassins dédiés à la manuten-tion des conteneurs se suivent de part etd’autre. Lentement nous glissons sous lesnombreux ponts et découvrons peu à peu cepaysage urbain typiquement européen.

Quelques constructions récentes,agencées à des bâtiments d’une autre époqueavec des clochers ici et là. Victor Hugo a ditde Rouen que c’est la ville aux cent clochers.De la Seine, on peut le constater.

Bien que nous soyons au tiers du par-cours entre Paris et la mer, la marée et soncourant sont très présents. Arrivée au cœur dela ville, en plein milieu de la Seine, l’îleLacroix. C’est là où se trouve la HaltePlaisance. Aussitôt amarrés, nous avons droità un accueil vachement sympa du respon-sable:

«Vous êtes Québécois!?! … Ah! Lala, lavache! Vous avez traversé l’Atlantique?! …Ah! Putain! Vous savez, on n’a pas souventdes Canadiens! Alors là! Eh! bien!Bienvenue!»

Ah! Ces cousins français, quelle chaleur,quel accueil!

Rouen, une ville d’Art et d’Histoire. Celieu a été, à travers toutes les époques, un cen-tre névralgique. La cité aurait été fondée pen-dant le règne d’Auguste, c’est-à-dire entre 27 avant J.-C. et 14 après J.-C. Il en est passédu monde sur ce cours d’eau… Rouen a étéenvahie par les Vikings puis les Normands.Guillaume le Conquérant y prit ses aises…Dans un tombeau, la cathédrale Notre-Dameconserve toujours le cœur de Richard Ier, ditRichard Cœur de Lion, mort le 6 avril 1199.

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 62

63L'ESCALE NAUTIQUE no 58

C’est aussi là que Jeanne d’Arc a été accuséed’hérésie, jugée puis brûlée vive sur la placedu Vieux-Marché, le 30 mai 1431. Alors, lesmarques historiques, il y en a à tous les coinsde rue!

Plusieurs personnages célèbres y ontvécu. Entre autres, Pierre Corneille qui y estné en 1606. Nous sommes amarrés près dupont qui porte son nom et nous sommesmême passés devant la maison dans laquelleil a vécu! Une maison qui laisse à peine voirson âge! Dire que chez nous, les maisonscentenaires… ici, ce sont des maisonsrécentes!

Rouen fut aussi un lieu de vie et de créa-tion pour plusieurs grands peintres; Monet,Sisley, Manet, Morisot, Pissarro, Renoir,...Les plus grands impressionnistes ont tiré leurinspiration des lumières et paysages verdo-yants de cette région. Le musée des Beaux-Arts expose plusieurs chefs-d’œuvre de cesgrands maîtres.

Mais, outre l’Histoire et la Culture, c’està Rouen que se trouve le premier bureau desVoies navigables de France. Pratiquementtout le réseau navigable français est régi parcet organisme. Les VNF c’est 6 700 km decanaux et rivières aménagés, 1 595 écluses,

494 barrages, 65 barrages-réservoirs, 74ponts-canaux et 35 tunnels-canaux. Bref, onpeut sillonner la France pendant des mois, etce, sans se ruiner. En effet, pour un bateaumoyen de 25 à 40 m2 (le prix est selon de lasurface du bateau, c.-à-d.: la longueur multi-pliée par la largeur), il en coûte 240,50 eurospour une année civile complète, 216,40 eurospour 4 mois ou 93,5 euros pour 30 jours(prix 2008).

Le bureau VNF est situé sur l’îleLacroix, tout près de la Halte Plaisance. C’estlà que nous allons chercher notre permis.Encore une fois, l’accueil est fort sympa-thique. Le responsable, tout en savourantnotre accent québécois, nous remet notrevignette et un sac-cadeau qu’il prépare spé-cialement pour nous. Un guide fluvial (PetitFuté), crayons, stylos pour les enfants, fanions VNF et tous les documents de ren-seignements pouvant nous être utiles. Nousvoilà prêts pour attaquer la France fluviale.

Rouen se trouve à six écluses de Paris.230 kilomètres nous séparent de la Villelumière. Le retour à la navigation fluvialetranquille va nous reposer. Notre semaine devisite intense dans les méandres historiqueset culturels rouennais nous a presque épuisés.

Le Havre

Estuaire de la Seine

HonfleurRouen

Canal de Tancarville

Les AndelysChâteau-Gaillard

Poses-Amfreville

La Bouille

Giverny

Rolleboise

L’Oise

Conflans-Sainte-Honorine

Rueil-Malmaison

Paris

La Marne

Rouen, au second plan, la Halte Plaisance.

Rouen. La place du Vieux-Marché.

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 63

64 L'ESCALE NAUTIQUE no 58

La veille du départ, un joli bateau d’unjaune éclatant se met à quai. Ce sont nosamis du Tétaihou. Un dériveur lesté quenotre ami, José, a mis plusieurs années àconstruire. Plusieurs années où ses enfantsl’accueillaient en lui disant: «T’étais où,Papa?».

Nous sommes bien heureux de les voirarriver. Nous les avions rencontrés àCherbourg, cette capitale du Cotentin, sur lapointe de la Normandie. Aussitôt amarrés, ilsnous invitent pour l’apéro qui se termine parun souper communautaire. Ils remontentrapidement vers Paris, les vacances sontfinies. Nous repartons ensemble le lende-main matin.

Nous sommes déjà fin août, le temps estmagnifique. La veille nous avons fait part ànos amis de notre surprise de voir ces éclusessurdimensionnées pour les plaisanciers etnotre aventure stressante à l’écluse deTancarville. Il nous conseille leur méthodequi leur réussit bien. Vous vous amarrez à unseul point et contrôlez la valse des remousavec des coups de moteur. Bon! Nousessaierons!

Poses-Amfreville, première écluse surla Seine, à 40 km en amont de Rouen.Toujours de dimension pour accueillir lesgros gabarits. Nous essayons donc la méthode Tétaihou. Nous relions nos amarresavant et arrière à un point central. Tout semble bien aller. Nos amis de l’éclair jaunesont derrière nous, amarrés, au bollard suivant. Les énormes portes se referment, onva bientôt monter.

Et voilà! Les puissants remous s’amor-cent. Des tonnes d’eau nous arrivent d’en

dessous. Nos amis du Tétaihou ont le sourireaux lèvres, de notre côté, la valse qui com-mence nous fait plutôt plisser le front. Nousconstatons que notre rondeur et l’importancede notre quille submergée sont des élémentsmajeurs pour favoriser la valse. Le Tétaihouavec son arrière pratiquement aussi large queson centre se balance à peine. Il appuie unebonne surface de son flanc sur le mur du sas.Et sa dérive est remontée, ce qui fait que sesquelques centimètres dans l’eau n’ont pasbeaucoup de prise. C’est une toute autre his-toire pour nous. Avec notre rondeur, nousn’avons qu’un seul point d’appui au mur etnotre quille a une surface considérable. Sitôtqu’elle offre prise au courant, le moteur et la

barre ne suffisent pas à ramener le tout. Toutl’équipage tente de son mieux de maîtriser cefauve qu’est devenu notre Véliserdi. Lesextrémités du mât qui débordent en avant eten arrière sont les points sensibles à sur-veiller. C’est là que l’appui s’exerce lorsquele derrière veut passer à l’avant, et vice-versa. Heureusement, antenne, girouette etfeu ont été enlevés lors du démâtage, sinon,nous aurions eu beaucoup de dégâts. Ce fut lepire éclusage de notre vie. Plus jamais d’amarrage à un seul point. En tout cas, avecun Corbin! Que d’émotions!

Nous jetons l’ancre, tout juste après l’écluse, près du joli village de Poses. Lemouillage est magnifique. Nous y restonstrois jours. Nous avons besoin d’une pausepour refaire notre énergie et surtout, nousdevons démarrer l’école. Finies les vacancesscolaires. Nos deux monstres doivent s’ymettre. L’environnement calme et bucoliqueest ce qu’il y a de mieux pour faire un peud’école. Par contre, les fins d’après-midi sontplus mouvementées. On découvre que laSeine est l’endroit de prédilection pour lesadeptes de ski nautique. Un sport qui sembleprisé par les gens du coin ainsi qu’à bien desendroits sur la Seine.

Après ces quelques jours d’étude et derepos, nous reprenons la route. On pourraits’arrêter tous les cinq km tant la vallée de laSeine est riche en histoire. Nous réussissonstout de même à en faire une bonne trentaine.

Nous mouillons l’ancre aux Andelys.

Dans l’écluse d’Amfreville.

Mouillage près du village de Poses

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 64

65L'ESCALE NAUTIQUE no 58

C’est là où se trouve Château-Gaillard, lechâteau fort de Richard Cœur de Lion. Unsite qui nous plonge dans l’époque de Robindes Bois. Une forteresse construite en uneannée seulement. Une folie désirée, conçue etbâtie par le brave duc de Normandie et Roid’Angleterre, Richard 1er, dit «Cœur deLion». Un projet ambitieux qui lui coûta lapeau des fesses et qui fut réalisé avec l’aidede plus de 6 000 hommes. Commencé en1197, il est achevé en 1198. Richard s’excla-ma alors: «Qu’elle est belle, ma fille d’un an! Que voilà un château gaillard!»

Presque malgré nous, nos connaissanceshistoriques s’améliorent de jour en jour. LaFrance est un musée à ciel ouvert, il y a tantde choses à voir que parfois, on peine à lesdigérer.

La forteresse de Château-Gaillard.

Tout au long de la Seine, il y a toujoursun petit coin où l’on peut jeter l’ancre sansdéranger personne. Ici aux Andelys, il y abien une petite marina, mais elle n’offre àpeine qu’un mètre d’eau et de toute façon,nous préférons l’économie et la tranquillitédu mouillage forain.

La remontée vers Paris se fait bien.Beaucoup de péniches ou d’immenses bargesmues par de puissants pousseurs équipés de magnifiques habitacles surélevés.Plusieurs ont des cabines de conduitereposant sur des cylindres hydrauliques donton ajuste la hauteur pour pouvoir passer sousles ponts.

Plus on avance sur la Seine, plus on al’impression de déambuler dans un tableaude Monet, de Renoir, ou de tant d’autrespeintres impressionnistes qui se sont inspirésde ces paysages. À Giverny, nous passonsdevant la maison de Monet où il vécut de1883 jusqu’à sa mort en 1926. C’est à cetendroit qu’il réalisa la plupart de ses grandesœuvres.

Parfois on rencontre une berge bétonnéequi permet l’amarrage. On s’évite alors l’an-

crage et l’on peut se délier les jambes sansavoir à mettre l’annexe à l’eau. C’est le cas àla sortie de l’écluse de Méricourt. La borduregazonnée permet à notre système d’alarmequadrupède, Mistrale, de s’en donner à cœurjoie. On lit dans ses yeux et surtout sur salangue pendante, que c’est un peu mieuxpour courir que le pont du Véliserdi.

4 septembre, c’est la journée la pluschaude que nous ayons eue depuis notrearrivée en France. La soirée est douce etmagnifique. Pendant que le reste de l’équi-page prend du repos, nous nous éclipsons en douce, Augustine et moi, pour allerapprécier le calme du village de Rolleboise.Au coucher du soleil, la France semble s’assoupir. La frénésie de l’activité diurne se calme, la quiétude envahit les rues. Peu de passants, quelques fumeurs de pipe, certains cafés ou bistrots un peu plus animés. Les Français donnent l’impressionde profiter de la vie. On bosse sans trops’éreinter le jour et on jouit de la vie ensoirée. Une bonne bouffe, un peu de rouge,on rencontre les copains, on respire l’air de lasoirée, on râle un peu, parce que ça fait leplus grand bien de râler un peu. C’est la viequoi!

Notre marche dans Rolleboise nous faitgoûter cette ambiance. Les lumières de rue,peu nombreuses, nous maintiennent dans unedemi-pénombre comme pour ne pas romprele charme. C’est une belle marche en com-pagnie de ma grande fille.

Au petit matin, nous larguons les amarres pour continuer notre jolie balade sur la Seine. L’utilisation d’un carto-guide estessentielle. En plus de nous fournir une mul-titude de renseignements concernant les lieuxque l’on traverse, il nous informe sur lesrègles de conduite variant tout au long duparcours. Parfois, nous tenons notre route ensuivant la berge de droite, comme sur nosroutes, parfois nous devons changer de rive etopter pour une conduite à l’anglaise. Toutdépendant des courants et du tracé que lecours d’eau emprunte. Il faut porter uneattention particulière à ces directives, sinon,on risque de se trouver face à face avec uneénorme barge qui nous arrive, à bonne allure,droit devant. Donc, les directives du carto-guide sont à surveiller: «Montants: serrez lebord du chenal; ne pas couper la courbe» ouencore: «Navigation à gauche obligatoireentre PK 173 et PK 174». PK signifie Pointkilométrique. En effet, les cours d’eau sont

balisés à tous les kilomètres comme desbornes routières.

Après l’écluse d’Andrésy, qui nous élèveà peine de trois mètres et qui s’est avérée êtrela plus facile, nous nous sentons, peu à peu,quitter le monde rural pour le monde urbain.Nous arrivons à Conflans-Sainte-Honorinequi tient son nom du fait qu’elle se trouve auconfluent de l’Oise et de la Seine. Le Sainte-Honorine qui s’y ajoute pour la distinguer desautres Conflans représente cette sainte, parti-culièrement vénérée ici, puisque, paraît-il, sesreliques s’y trouvent depuis 876. Ladite sainte aurait sauvé une embarcation dunaufrage en épargnant ainsi, par miracle, la viede l’équipage. Il n’en fallait pas plus pouralors la reconnaître comme sainte patronnedes mariniers…

Conflans-Sainte-Honorine est considé-rée comme la capitale française de la batel-lerie. On pourrait définir la batellerie par toutce monde de la navigation fluviale. Tous lesans, au mois de juin, on y célèbre une fêteintitulée Pardon national de la batellerie. Un flambeau allumé sur la tombe du soldatinconnu à Paris descend la Seine, accompa-gné d’un cortège de bateaux jusqu’àConflans. Arrivée au confluent des deuxcours d’eau, la flamme allumée à Parisenflamme une torche devant le monumentaux morts de la batellerie.

Conflans est vraiment la ville de lapéniche. Des récentes, en service avec leurchargement, ou des péniches retraitées, amé-nagées par d’anciens mariniers les ayantmanœuvrées à travers toute l’Europe pendantleur vie active. Souvent, ces loups fluviauxn’ont eu que leur embarcation pour uniquedemeure. Arrivés à leur retraite, ne se rési-gnant pas à la vendre, ils la convertissent enrésidence. Quelquefois luxueuse, mais plussouvent dans un piteux état.

La ville est toute en longueur sur la rivenord de la Seine. Des centaines de pénichestout au long. Elles sont à couple à deux, troiset même parfois six. Pour nous amarrer, nousavons réussi à débusquer un trou trop petit

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 65

66 L'ESCALE NAUTIQUE no 58

pour accommoder une péniche, mais parfaitpour nous.

C’est notre première ville «banlieue deParis». De pittoresques «rues» piétonnes sillonnent une petite falaise. Un beau parc et surtout des péniches délabrées. C’est malheureux à dire, mais Conflans est pluspittoresque sur les dépliants touristiquesqu’en réalité pour ce qui est des péniches.Nous avons un choc en constatant, à certainsendroits, ce dépotoir flottant. Un monde detristesse et de désolation le long de la berge.

Nous traversons une passerelle et marchons vers le «port de plaisance» situé sur la rive sud. Pour s’y rendre, une routedésaffectée traverse des champs de tour-nesols. Le «port de plaisance» est très exigu.On ne pourra pas venir y faire le plein d’eau.Il n’y a pas d’espace pour se bouger et probablement pas assez d’eau à l’entrée.C’est là où repose le Tétaihou, tout coincé,pour passer l’hiver.

Puis, nous disons au revoir à Conflans.Une dizaine de kilomètres plus loin, nousarrivons à Sartrouville, là où habitent nos amisdu Tétaihou. Nous ne pouvons passer notrechemin sans nous arrêter pour les saluer.

Finalement, c’est neuf jours que l’onpasse à Sartrouville, par deux fois, nousallons festoyer chez nos copains. Cham-pagne, bonne bouffe, bon vin. On nous faitdéguster un Château Corbin. On ne se doutaitpas que le nom de Corbin désignait autrechose que des bateaux. Château Corbin, ungrand cru classé Saint-Émilion! Hummm! Ila la robustesse et la douceur d’un Corbinaffrontant le courroux de la mer.

On s’est dit que nous allions chercher cenectar dans les épiceries françaises. Quelquesjours plus tard, nous en dénichons un. Ah! Ce sacré José! Il ne nous avait soufflé mot

du prix! Même, ici, en France, c’était au-dessus de nos maigres moyens.

Nous sommes à une cinquantaine dekilomètres du centre de Paris. Les facilités dutransport en commun sont à notre portée.Nous décidons donc de profiter de cetemplacement gratuit pour le Véliserdi pouraller visiter Versailles.

À notre première sortie en RER (Réseauexpress régional), Augustine aperçoit la TourEiffel! Avant même qu’elle ouvre la bouche,tous, nous lui voyons les yeux agrandis parl’étonnement. Reprenant difficilement sesesprits, elle nous demande: «Aie! Est-ce quec’est la tour Eiffel ça?» D’un mouvementcommun, nous jetons notre regard dans ladirection indiquée. «Oui, ma coquine, c’estbien la tour Eiffel! Wow!».

Comme une famille de fous, nous étionstous rivés à la fenêtre, les yeux remplisd’émerveillement. «Oui, c’est bien elle!» Parcontre, ce jour-là, nous n’allions pas à Paris,mais à Versailles. Maxence, notre historiendu bord, avait tout lu depuis des années sur cepalais construit par son idole dont il arbore lacoiffure: Louis XIV. Aussitôt descendu dutrain, notre guide commence à nous décrireles alentours. Les immenses écuries en facedu château, les modifications au paysagequ’avaient engendrées les aires de station-nement, etc. Ce fut une visite qui régalanotre Roi (de par sa chevelure, sans plus!)tant et si bien que j’y retournai seul avec luile lendemain pour compléter la visite desjardins.

À l’approche de Paris, la Seine noussemble encore plus sale. Sur la berge, toutprès de l’endroit où l’on accoste avec notreannexe, c’est le royaume des rats. Il y a pour-tant un magnifique parc, mais les rats y gambadent allègrement, nuit et jour, sans

être trop effarouchés par les passants. Nous n’avons jamais vu tant de rats. La nuit,nous avons l’impression de les entendrenager tout autour du bateau. Parfois, je crainsqu’ils ne montent à bord par notre ligne demouillage.

Après neuf jours, il était temps de leverl’ancre. Le fond de la Seine est d’une saletéépouvantable. Une forte odeur de pétrole sedégage de ce cambouis noir et salissant. Sans doute que la lie du fleuve recèle plus depétrole que les sables bitumineux albertains.On parvient difficilement à remonter notremouillage, il semble que nous ne montionspas seulement la chaîne. Après une dure miseà l’épreuve de nos muscles, nous découvronsenfin un lourd cadeau que la Seine nousoffre. C’est une ancre d’une autre époque.Notre chaîne s’y est solidement entortillée.Un beau souvenir, mais d’une saleté! Enplus, elle pèse une tonne! Nous l’avonsremise à sa place, au diable le souvenir!

20 km plus loin, nous accostons à un jolipetit quai, Rueil-Malmaison (quel nom!).L’emplacement est magnifique, pratiquementdésert et… gratuit. L’endroit est de toutebeauté. Nous sommes au milieu de la lumièreet des couleurs des tableaux de Monet ou de Renoir. Juste en face, il y a l’île desImpressionnistes, on y trouve l’Auberge duPère Fournaise. C’est sur la terrasse de cetteauberge, au printemps 1881, que Renoir aréuni ses amis et modèles pour créer soncélèbre tableau «Le déjeuner des Canotiers».Encore aujourd’hui, l’ambiance du fabuleuxtableau est identique. La Seine, avec sesberges verdoyantes et fleuries, a gardé toutson charme.

Par le RER, nous sommes à vingt min-utes de Paris. Nous en profitons donc pouraller faire nos premières visites à la métropole.

Conflans-Sainte-Honorine, capitale de la batellerie.

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 66

67L'ESCALE NAUTIQUE no 58

Pendant huit jours, ce magnifique emplace-ment nous a servi de lieu de résidence.

27 septembre. Les jours passent sansqu’on les voie. 40 km et une écluse nousséparent du centre de la Ville lumière. En selaissant glisser sur la Seine, c’est tout douce-ment que nous entrons dans cette villelégendaire. Les gratte-ciel du quartier de laDéfense viennent à notre rencontre. Parisnous apparaît soudain bien moderne. Nouspassons tout près du cimetière des chiens puis quelques ponts plus loin, parce que desponts, il y en a, nous passons sous le pont de l’avenue Charles-de-Gaulle qui relie laGrande Arche de la Défense avec l’Arc deTriomphe. Quelle entrée!

À la hauteur du bois de Boulogne, nousmontons la dernière écluse. Nous sommesenfin, bel et bien, à Paris,

Paris, la magnifique Ville lumière!Quelle magie que d’y entrer en bateau.

Sur son bateau… Je prends conscience que mon rêve est

devenu réalité! L’entrée dans Paris.

Voiles neuves, le meilleur rapport qualité/prix

Design informatisé

Plus de 1000 plans de voilure en répertoire

Service de réparations, vérification de vos voiles à l'automne

Enrouleurs Profurl

Cours de conception et de fabrication de voiles offert gratuitement à des groupes

Cours de réparation de voiles,appelez-nous pour plus d'informations

Voiles Larsen1890 Marie-Victorin, Saint-Bruno, Qc, J3V 6B9

(450) 653-6636 (800) 568-5624 FAX: (450) 653-3357email: [email protected]://www.larsensails.net

ES 58-2 09/06/08 16:15 Page 67