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1 Le ciblage dans les systèmes de protection sociale Etude de ciblage comparative au Mali (cercle de Gao), 2016-17 - Rapport d’étude qualitative - Fabrice Escot Février 2018

- Rapport d’étude qualitative · 2018. 6. 21. · 1 Le ciblage dans les systèmes de protection sociale Etude de ciblage comparative au Mali (cercle de Gao), 2016-17 - Rapport

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Le ciblage dans les systèmes de protection sociale

Etude de ciblage comparative au Mali (cercle de Gao), 2016-17

- Rapport d’étude qualitative -

Fabrice Escot

Février 2018

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Liste des acronymes ACF Action Contre la Faim ADEMA Alliance pour la Démocratie au Mali ADC Agent de Développement Communal AG Assemblée générale AGR Activité génératrice de revenu ATT Amadou Toumani Touré BDD Base de données CCTS Cadre commun des transferts sociaux CSCom Centre de santé communautaire CSRéf Centre de santé de référence DRC Conseil danois pour les réfugiés DRDSES Direction régionale du Développement sociale et de l’Economie solidaire DS Développement social F bénéf Femme bénéficiaire F non bénéf Femme non bénéficiaire FS Filets sociaux GATIA Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés GIZ Agence de coopération allemande GTZ Agence de coopération allemande (ancien nom, toujours en usage) H bénéf Homme bénéficiaire HCR Haut-commissariat aux réfugiés HI Handicap International H non bénéf Homme non bénéficiaire IMAMA Association des Imams du Mali IRC International Rescue Committee MBA Master of Business Administration MINUSMA Mission des Nations Unies pour le Mali Ndr Note du rédacteur NRC Conseil norvégien pour les réfugiés OCHA Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies ONG Organisation non gouvernementale PAM Programme alimentaire mondial PNUD Programme des Nations-Unies pour le Développement RPM Rassemblement pour la Mali (parti présidentiel) SOL Solidarités International TM Transfert monétaire TMUM Transfert monétaire à Usages Multiples UP Unité de production URD Union pour la république et la démocratie UTGFS Unité Technique de Gestion des Filets Sociaux VAD Visite à domicile ZME Zone de moyens d’existence

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Sommaire I- Présentation de l’étude p. 4

1. Rappel du contexte p. 4 2. Rappel des objectifs de l’étude qualitative p. 4 3. Description des méthodes de ciblage à explorer et liens entre la sécurité alimentaire et la pauvreté p. 6 4. Rappel de la méthodologie p. 9

4.1. Choix des sites d’enquête p. 9 4.2. Cibles p. 9 4.3. Premier terrain, « HEA », réalisé en mai-juin 2016 p. 10 4.4. Second terrain, « PMT+ », réalisé en octobre 2017 p. 11

II. Résultats détaillés p. 12

1. En préambule, point sur les trois méthodologies de ciblage étudiées p. 12

2. La « théorie » : architecture des méthodologies p. 13 2.1. Trois registres de considérations président la formulation de la méthodologie de ciblage : la doctrine, les outils et l’anticipation des biais. p. 13

2.1.1. La « doctrine » du ciblage : définition du cahier des charges p. 13 2.1.2. Les contraintes et les outils pertinents : le choix du « tool kit » p. 15 2.1.3. L’anticipation des risques et des biais : prévention et mécanismes correctifs p. 16 2.1.4. Economie générale des trois méthodologies p. 18 2.1.5. Comparatif global des dispositifs techniques des trois méthodologies p. 20

2.2. Le montage institutionnel, juridique et organisationnel p. 21

3. Analyse en monadique des trois méthodologies p. 24 3.1. Méthodologie « HEA Tilemsi », mise en œuvre par Oxfam p. 24

3.1.1. Gouvernance – efficacité p. 24 3.1.2. Connaissance – perception - acceptance p. 32

3.2. Méthode « HEA Gounzoureyre » mise en œuvre par ACF p. 38 3.2.1. Gouvernance – efficacité p. 38 3.2.2. Connaissance – perception - acceptance p. 48

3.3. Mise en œuvre concrète de la méthode « PMT+ » p. 52 3.3.1. La gouvernance et l’efficacité des différentes étapes et leur articulation réelle p. 52 3.3.2. Connaissance – perception - acceptance p. 65

III- Conclusions p. 73

1. Principaux enseignements p. 73 2. Pistes d’optimisation des processus de ciblage p. 77

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I- Présentation de l’étude 1. Rappel du contexte Les filets sociaux sont en train de devenir un instrument clé des politiques visant une réduction de la pauvreté en Afrique sub-saharienne et constituent un élément de base des systèmes de protection sociale (PS) qui incluent la protection sociale adaptative (ASP). Les systèmes de PS visent à cibler à la fois les ménages chroniquement pauvres ainsi que ceux légèrement mieux lotis, mais vulnérables aux chocs et qui tombent facilement dans l’insécurité alimentaire conjoncturelle. Néanmoins, dans la plupart des cas, la discussion autour de la construction de systèmes de PS débouche sur l'examen des différences entre les méthodes de ciblage employées dans le cadre des programmes de filets sociaux. Cependant, il existe peu d'éléments en matière d'analyse de l'efficacité des méthodes de ciblage pour un programme particulier en comparaison avec d'autres méthodes visant la même population. Au cours des dernières années au Sahel, la plupart des acteurs humanitaires ont commencé à utiliser les critères de pauvreté structurels issus des profils de base HEA pour identifier les ménages à assister lors des interventions d'urgence (principalement des filets sociaux saisonniers, les transferts monétaires d'urgence, les distributions alimentaires). Ainsi, les agences humanitaires travaillant dans le secteur de l’assistance alimentaire ont concentré leurs interventions sur les ménages les plus pauvres afin de faciliter leur accès à une alimentation adéquate et suffisante - en particulier pendant la période de soudure. L'activité proposée vise à explorer l’efficacité des différentes méthodes de ciblage utilisées au Mali pour identifier les ménages pauvres et en insécurité alimentaire et de formuler des recommandations en vue de leur amélioration éventuelle et de l’identification de passerelles possibles. Elle vise également à mieux appréhender l’acceptabilité et la perception des méthodes employées par les communautés.

2. Rappel des objectifs de l’étude qualitative Le volet qualitatif de l’étude a eu trois objectifs centraux :

• Identifier et décrire les mécanismes de gouvernance associés à chaque méthode de ciblage et les contraintes qu’ils exercent sur la qualité du ciblage.

• Evaluer la perception et le degré d’acceptabilité par les communautés des deux méthodes de ciblage • Evaluer la qualité des deux méthodes de ciblage au regard des risques d’erreur d’exclusion / inclusion

associés à chaque méthode et des opportunités de contester les résultats Ces objectifs imposent d’étudier les mécanismes de ciblage du plus « en amont », au moment de leur élaboration et de leur formulation, jusqu’au processus de mise en œuvre (comment concrètement elle est déployée depuis la prise de contact avec les autorités, les questions d’information et de voies de transmission, d’outils mobilisés, etc.) et enfin au plus « en aval » à savoir les réactions communautaires. Ceci suppose d’étudier la gouvernance, la perception communautaire et la réaction communautaire.

• Il ne s’agira pas d’évaluer en soi les principes ou la pertinence du HEA ou du PMT+, mais d’apprécier comment, dans un contexte particulier (en l’espèce les deux programmes filets sociaux au nord Mali) : Ces deux méthodes sont concrètement formulées, appréciées et « programmées » par les acteurs

qui les utilisent (BM, ECHO, ACF, Oxfam, INSTAT, etc.) Comment sont-elles concrètement mises en œuvre sur le terrain en termes de missions de ciblage

(respect des protocoles) Comment elles parviennent ou non dans ce contexte spécifique à converger ou non, et pourquoi

(question en articulation avec le volet quantitatif) • Il s’agira donc d’évaluer divers points de performance de programmes de ciblages axés sur l’une et l’autre

méthode.

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Les questions de recherche ont ainsi été : Gouvernance – formulation

- Comment chaque méthode est-elle formulée ? Selon quelle théorie, quelles perspectives et quelles contraintes ? Qui sont les acteurs de l’élaboration et quel est l’apport théorique et technique de chacun ? Quels sont les arbitrages à opérer et comment sont-ils effectués ?

- Est-ce que les méthodes de ciblage sont modulées / adaptées en fonction des particularités du contexte ? Est-ce que les critères retenus correspondent aux critères locaux (entendus critères qui caractérisent la pauvreté et vulnérabilité locales) ?

- Apprécier comment le degré de complexité de chaque méthode est envisagé, anticipé et géré lors de la formulation ?

- Comment l’échantillonnage est-il effectué ? quelles sources d’information sont prises en compte ou non ? Est-ce que tous les sites / villages identifiés sont effectivement pris en compte ?

Gouvernance – communication et information

- Comment est-ce que les communautés sont informées ? Est-ce qu’il y a des personnes qui n’ont pas été informées ?

- Est-ce que la méthode utilisée est décrite de manière transparente aux communautés ciblées (critères, approche) ? Si la compréhension est faible et/ou que la méthode utilisée n’est pas explicite, quelles en sont les raisons ?

- Quel est la nature du discours utilisé pour informer les communautés (analyse de contenu) ? - Quels acteurs sont impliqués pour relayer l’information ? Quelles langues sont utilisées ? quels supports

pédagogiques ? Sont-ils compris par la population cible ? Gouvernance – mise en œuvre concrète

- Quelles sont les procédures de mobilisation et/ou de recrutement et quel est le profil du personnel utilisé par les ONGs pour le ciblage et qu’est-ce que cela induit ?

- Quelles sont les procédures de formation technique et éthique des personnels ? - Quelles sont les procédures de contrôle, les « manuels de procédure », les outils de soutien des personnels

impliqués ? - Apprécier le degré de complexité dans la mise en œuvre de chaque méthode » (comparer théorie et

traduction dans la pratique). Est-ce que le degré de complexité de chaque méthode est cohérent avec les contraintes de l’environnement local ?

- Dans quelle mesure et en quoi l’implémentation des méthodes diffèrent-elles de l’approche supposée standard (comparer réalité du terrain avec théorie) ?

- Quels sont les espaces / lieux de décision dans les différents processus de ciblage ? Qui en fait partie ? Qui n’en fait pas partie ?

- Est-ce que tous les sites / villages identifiés sont effectivement ciblés et enquêtés ? - Dans les villages, est-ce qu’il y a des quartiers / hameaux qui sont omis ou au contraire fictifs ? - Est-ce que les us et coutumes locaux et conventions sociales sont respectés lors de la mise en œuvre des

deux méthodes ? - Comment les situations d’imprévus ou de « doute » sont-elles anticipées et gérées ?

Gouvernance – implication communautaire

- Comment est-ce que les communautés sont associées au processus de ciblage ? - Quel est le rôle des élites dans le processus de ciblage ? - Dans quelle mesure l’approche communautaire et l’implication des leaders communautaires et des autorités

est-elle effective ? - Quelle est la place octroyée aux femmes et aux groupes potentiellement marginalisés (castes sociales,

groupes ethniques spécifiques, etc…) dans le processus de ciblage ? Gouvernance – facteurs méthodologiques d’inclusions/exclusion

- Existe-t-il des « failles » dans les mécanismes de ciblage qui peuvent mener à des cas d’exclusion / inclusion ? Si c’est le cas, quelles en sont les causes ?

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- Quels sont les mécanismes de plainte mis en place par chaque protocole et dans quelle mesure ces mécanismes permettent de corriger des erreurs d’exclusion / inclusion ?

Perception communautaire – programme de filets sociaux

- Quel regard les populations portent cibles portent-elles sur les programmes de cash transferts ? - Et notamment, comment ces programmes sont-ils perçus en termes d’équité, de justice (« différence entre

le dernier reçu et le premier recalé ») et de cohésion sociale ? - Dans ce contexte, comment la question du ciblage est-elle appréhendée par les différents groupes sociaux

(élites, non pauvres, pauvres, hommes, femmes…) Perception communautaire – compréhension

- Les deux méthodes sont-elles connues ? - Si oui, sont-elles différenciées ? Comprend-on les différences conceptuelles et pratiques ? - Qui a accès (en information, en compréhension) à ce type de considération, quelle partie de la population ?

Quid des autres ? - Identifier ce qui différencie les deux méthodes de ciblage du point de vue des communautés. Est-ce que les

communautés comprennent leurs objectifs ? Quels sont les avantages et inconvénients perçus de chaque méthode ?

Perception communautaire – acceptabilité

- Quels sont les avantages et inconvénients perçus de chaque méthode ? - Quelle est le degré d’acceptabilité des méthodes de ciblage par les communautés (d’un point de vue

conceptuel et du point de vue de la mise en pratique) ? - Dans quelle mesure l’approche communautaire et l’implication des leaders communautaires et des autorités

sont-elles acceptées par les communautés ? Que pensent-elles des Assemblées Générales ? Qui a la parole, qui ne l’a pas ? Quels en sont les codes et normes ?

Réaction communautaire – exclusion-inclusion et recours

- Quel est le risque de captation par les élites ? - Est-ce qu’il y a des risques avérés d’auto-exclusion ? Si c’est le cas, à quoi sont-ils liés (stigmatisation,

structure sociale, relations de dépendance,…) - Comment est-ce que les communautés pallient les erreurs d’exclusions/inclusions ? - Est-ce que les communautés connaissent les mécanismes de plainte et les utilisent-ils ? Quelles sont les

barrières empêchant les communautés d’utiliser les mécanismes existants ? 3. Description des méthodes de ciblage à explorer et liens entre la sécurité alimentaire et la pauvreté1

3.1. Analyse de l’économie des ménages – HEA

Le cadre HEA a été conçu pour améliorer la compréhension de l'économie des ménages en fonction des moyens d’existence (ou « modes de vie »). Les profils de base comprennent une description des critères locaux de la pauvreté et une catégorisation socioéconomique de la population réalisée à l’aide d’un processus participatif. Les profils de base quantifient également les sources de revenu et les dépenses des ménages, ainsi que leurs sources de nourriture, et ce pour chaque catégorie de richesse.

Au cours des dernières années au Sahel, la plupart des acteurs humanitaires ont commencé à utiliser les critères de pauvreté structurels issus des profils de base HEA pour identifier les ménages à assister lors des interventions d'urgence (principalement des filets sociaux saisonniers, les transferts monétaires d'urgence, les distributions alimentaires). Ainsi, les agences humanitaires travaillant dans le secteur de l’assistance alimentaire ont concentré leurs interventions sur les ménages les plus pauvres afin de faciliter leur accès à une alimentation adéquate et suffisante - en particulier pendant la période de soudure. Ceci est basé sur la reconnaissance du fait que le manque

1 Cette section a été rédigée par ECHO dans le cadre des TDR de l’étude.

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d'argent et de biens de production limite l'accès à une alimentation suffisante et que les ménages les plus pauvres sont par conséquence les plus exposés à des chocs et à l'insécurité alimentaire en raison de leur faible niveau de résilience. Cela signifie aussi qu'il ne devrait y avoir a priori aucune différence fondamentale entre ménages souffrant de «pauvreté chronique» et ceux souffrant d’«insécurité alimentaire» au Sahel et que les acteurs de développement et les acteurs humanitaires, dont ceux opérant des transferts monétaires/filets sociaux,visent à cibler en principe la même population. En plus de ces ménages pauvres de façon chronique, en cas de choc, d'autres ménages plus aisés peuvent tomber en insécurité alimentaire de manière conjoncturelle et devront être assistés également.

En termes de processus de ciblage basé sur le cadre HEA, il est à noter qu'il n'y a pas une seule démarche ; certaines agences utilisant des méthodes participatives à base communautaire, d'autres conduisent des enquêtes ménages quantitatives pour établir leur liste de ménages qui répondent aux critères de richesse. Par exemple, alors qu'au Niger le ciblage HEA dépend à la fois d’une formule et d’un processus à base communautaire, au Burkina l'approche de ciblage ne repose que sur ce dernier. Et, comme pour toute autre méthode de ciblage, y compris le PMT+, l'efficacité du ciblage peut varier grandement en fonction de la façon dont la méthode est finalement appliquée sur le terrain. 3.2. Evaluation des ressources par approximation– PMT+ Le PMT+, est aussi utilisé pour identifier les ménages pauvres chroniques. Il a été développé dans les années 80 au Chili et est utilisé depuis dans de nombreux programmes dans le monde. Dans cette méthode, étant donné que les données relatives au revenu ou à la consommation ne sont pas disponibles facilement pour les ménages candidats aux programmes ou sont soumises à des erreurs de mesure importante, le bien-être (consommation ou revenu) est estimé grâce à des variables facilement observables et vérifiables, et comparé à un seuil d’éligibilité.

L’approche PMT+ rencontre certaines limites, notamment : 1 / les variables utilisées pour estimer le niveau de pauvreté sont celles identifiées par l'enquête nationale de pauvreté qui comporte certains biais potentiels : l’enquête nationale ne tient pas compte des différences de modes de vie des populations qui influencent les critères de richesse. Elle ne recueille généralement pas les données sur les actifs «non durables» comme le bétail. Aussi, les économies d'échelle dont profitent les grands ménages, ainsi que la composition du ménage en termes d’âge ne sont généralement pas pris en compte dans le calcul des dépenses par tête ; 2/ les variables retenues et les pondérations y associées pour construire la formule PMT+ sont définies par des experts au niveau central et sont rarement discutés ouvertement avec les parties prenantes, débouchant sur une faible acceptation au niveau communautaire des listes de bénéficiaires établies qui sont parfois perçues comme étant le résultat d'une loterie.

3.3. En résumé, les deux méthodes visent à identifier les ménages les plus pauvres, même si elles sont basées sur des approches méthodologiques différentes.

Utilisées dans une même communauté, les résultats du ciblage devraient largement converger et déboucher sur la sélection des mêmes ménages. Cependant, les résultats préliminaires d'un exercice de simulation mené au Niger suggère que le chevauchement entre les ménages ciblés par le PMT+ et le HEA est extrêmement limité. La conclusion préliminaire établi par la Banque mondiale est que PMT+ pourrait être plus efficace à cibler des pauvres chroniques tandis que le HEA serait mieux à même à identifier les ménages en insécurité alimentaire pendant la saison sèche. Cependant, comme mentionné ci-dessus, la distinction entre un ménage chroniquement pauvre et un ménage en insécurité alimentaire au Sahel peut être largement questionnée, et l’intersection entre les deux méthodes devrait en principe être beaucoup plus grande. Les méthodes de ciblage ont été mises en œuvre en 2016 à base du cadre analytique HEA par les ONGs internationales ACF et Oxfam, membres du CCFS) et en 2016-2017 (« PMT+ ») par le programme filets sociaux Jigisèmèjiri

En ce qui concerne les interventions et méthodologies de ciblage prévues (cf. annexes 2 et 3) :

En ce qui concerne le programme Jigisemejiri, dans 6 communes de Gao cercle, le programme devait tester en 2016 une approche expérimentale du PMT+, appelé « PMT+ + » qui diffère à certains égards de la méthodologie « classique » (cf. annexe 2 décrivant la méthodologie). En effet, la sélection des bénéficiaires

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du programme se fera grâce à une liste préliminaire constituée des anciens bénéficiaires du programme Cadre commun des filets sociaux (CCFS), programme financé par ECHO en 2014, dans le cadre duquel un dénombrement exhaustif et un classement par niveau de richesse de l’ensemble des ménages avait eu lieu. Après sensibilisation, une enquête PMT+ sera conduite auprès des environs 7000 ménages assistés par le CCFS en 2014, afin d’en retenir 4241 ménages les plus pauvres comme bénéficiaires du programme. La liste finale sera dans un dernier temps publiée dans un but de permettre aux communautés d’exprimer des plaintes éventuelles.

En ce qui concerne les ONGs ACF et Oxfam, dans le cercle de Gao, le ciblage était basé en 2014 sur la réalisation d’un dénombrement exhaustif de la population présente dans les communes d’intervention, et qui avait été classée selon leur niveau de richesse, en prenant comme base les critères socioéconomiques tirés des profils HEA existants pour les zones de moyens d’existence concernées. Ce dénombrement a été actualisé en 2016.

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4. Rappel de la méthodologie 4.1. Choix des sites d’enquête Afin de répondre aux objectifs, et notamment de suivre les deux méthodes de ciblage de leur élaboration à la réaction communautaire, l’étude a été menée à Bamako, où elles sont formulées et d’où elles sont suivies, à Gao d’où elles sont pilotées par les équipes locales et les partenaires institutionnels régionaux et au niveau cercle, et dans deux communes concernées. Gounzoureye (ACF) au bord du fleuve (13 villages, population estimée à 4 744 ménages en 2014) et Tilemsi (Oxfam) plus agropastorale (19 villages et fractions, population estimée à 2 919 ménages en 2014). La commune d’Anchawadji, intéressante de par sa population pastorale, n’a pas été retenue pour des raisons sécuritaires. Dans chaque commune, l’étude a été réalisée dans deux villages : le chef-lieu de commune et un village plus enclavé, moins proche du pouvoir communal. Néanmoins, le second terrain ayant dû être reporté de plus d’un an, il n’a plus été possible de retourner, fin 2017, dans la fraction Kel Amdeliss de Tilemsi pour des raisons sécuritaires.

4.2. Cibles 6 cibles ont été approchées :

• Les personnels participant à la réflexion au sein des ONG Oxfam et ACF, des bailleurs (ECHO, BM) et de Jigisèmèjiri

• Des responsables, à Bamako, de l’ONG Stop Sahel et de l’INSTAT • Le personnel local du développement social • Le personnel local des deux ONG concernées/de Stop Sahel • Les élus et membres des comités de ciblage des deux communes et quatre villages étudiés • Les bénéficiaires et les non bénéficiaires des quatre villages étudiés

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4.3. Premier terrain, « HEA », réalisé en mai-juin 2016 Chaque mission de terrain a été menée par un binôme de consultants séniors, originaires du nord Mali, choisis pour leur connaissance de la zone, leur expérience, leur capacité d’analyse critique et leur capacité à gérer des terrains de façon autonome. Concernant le ciblage « HEA », 46 entretiens ont été réalisés du 27 mai au 13 juin 2016, répartis comme suit :

Site Cible Sexe Nb Période

Gao DRDSES Préfet

Hommes 3 Du 27 au 29/05 et le 12/06 2016

Equipes locales ONG Hommes 6

Total « villes » 9

Wabaria

Maire Membres du comité villageois

Femmes 1

Du 30/05 au 02/06/2017

Hommes 3

Bénéficiaires Femmes 1

Hommes 2

Non bénéficiaires Femmes 1

Hommes 2

Total Wabaria 10

Koima

Leaders : chef de village, imam, vice-présidente des femmes et secrétaire à l’organisation de la jeunesse

Femmes 1

Du 03 au 06/06/2017

Hommes 2

Bénéficiaires Femmes 2

Hommes 1

Non bénéficiaires Femmes 1

Hommes 2

Total Koima 9

Total Gounzoureye 19

Tin Awker

Maire Membres du comité villageois

Femmes 1

Du 07 au 09/06/2017

Hommes 3

Bénéficiaires Femmes 1

Hommes 2

Non bénéficiaires Femmes 1

Hommes 2

Total 9

Ifardane

Leaders : chef de village, imam, vice-présidente des femmes et secrétaire à l’organisation de la jeunesse

Femmes 0

Du 10 au 11/06/2017

Hommes 3

Bénéficiaires Femmes 0

Hommes 3

Non bénéficiaires Femmes 0

Hommes 3

Total 8

Total Tilemsi 17

Total Terrain « HEA » 45 entretiens dont 10 femmes

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4.4. Second terrain, « PMT+ », réalisé en octobre 2017 Concernant le ciblage « PMT+ », 37 entretiens ont été réalisés du 18 au 31 octobre 2017, répartis comme suit :

Site Cible Sexe Nb Période

Gao DRDSES Hommes 1

18 au 20/10 et 29-30/10 2017

Chef mission stop sahel ADC Stop Sahel Hommes

4

Total Gao 5

Wabaria

2ème adjoint maire Elu communal Membres comité de ciblage

Femmes 1

Du 21/10 au 22/10 2017

Hommes 3

Bénéficiaires Femmes 2

Hommes 2

Non bénéficiaires Femmes 0

Hommes 2

Total Wabaria 10

Koima

Membres comité de ciblage Femmes 1

Du 23/10 au 24/10 2017

Hommes 3

Bénéficiaires Femmes 3

Hommes 2

Non bénéficiaires Femmes 0

Hommes 2

Total Koima 10

Total Gounzoureye 20

Tin Awker

1er adjoint au maire Elu communal Membres du comité villageois

Femmes 1

Du 25/10 au 27/10 2017

Hommes 4

Bénéficiaires Femmes 1

Hommes 3

Non bénéficiaires Femmes 1

Hommes 2

Total Tilemsi 12

Total Terrain « PMT+ » 37 entretiens dont 10 femmes

Récapitulatif des 90* entretiens réalisés selon le site et la méthode étudiée

Bamako Gao

Gounzoureye Tilemsi

Wabaria Koima Tin Awker Kel amdeliss

HEA 2* 9 10 9 9 8

PMT+ 6* 5 10 10 12 /

Total 8* 14 20 19 21 8

39 29

* Plus de 10 entretiens additionnels, formels le plus souvent, ou plus informels pour complément d’information, ont avec les différents acteurs ont en outre été menés dans le cadre de l’étude sur les dynamiques locales, mais portant sur ces sujets. Le retard pris dans l’exécution du programme Jigisèmèjiri a entraîné un écart de plus d’un an entre les deux missions de terrain, avec l’exclusion de la fraction Ifardane dans la commune de Tilemsi pour des raisons sécuritaires, aggravées entre 2016 et 2017), et a créé des tensions communautaires qui ont gêné le travail de terrain en réduisant la disponibilité des personnes et la mémorisation des faits.

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II. Résultats détaillés 1. En préambule, point sur les trois méthodologies de ciblage étudiées Aucune des trois méthodologies étudiées, qu’elle s’inscrive dans la modélisation « HEA » ou « PMT+ », ne peut être qualifiée de standard, à supposer même qu’il existe des modèles purement théoriques applicables tels quels. En effet :

- La méthodologie de ciblage HEA mise en œuvre par Oxfam dans la commune de Tilemsi est très largement axée sur des processus communautaires (à l’instar des méthodes HEA utilisées au Burkina), y compris pour les données du dénombrement de 2014 réactualisées en 2016 utilisées pour le ciblage et la base de données ;

- La méthodologie de ciblage HEA mise en œuvre par ACF dans la commune de Gounzoureye dépend à la fois,

sur la base du même recensement, d’une réactualisation également opérée par enquête communautaire, puis d’un rapprochement d’une analyse statistique et d’un processus à base communautaire (proche des méthodes HEA utilisées au Niger d’après la littérature reprise dans les TDR), et l’on verra que dans les faits la « formule » peut tendanciellement prendre le pas sur le « communautaire ». Tout en demeurant dans les cadres stricts des principes techniques HEA, cette méthode se différencie ainsi très nettement de la précédente, dans son esprit comme dans la mise en œuvre concrète des différentes étapes ;

- La méthodologie de ciblage « PMT+ » mise en œuvre par Jigisèmèjiri dans les deux communes, d’une part

repose sur une pré-identification d’une liste « élargie » issue du dénombrement et d’un processus communautaire axés sur le HEA, d’autre part inclut un ciblage géographique avec des quotas différents selon les zones d’intervention tenant compte de données statistiques nationales (sans rapport direct avec les moyens d’existence et la HEA), d’autre part s’appuie dans sa phase finale sur un questionnaire assez proche dans ses rubriques de celui utilisé par les ONG, mais dont les données sont analysées selon des modèles statistiques ne relevant pas du HEA, mais plutôt des grandes enquêtes nationales. Cette méthode se différence ainsi des deux autres à la fois par les étapes de son dispositif technique et par les outils et référents statistiques utilisés.

Dans l’analyse qui suit, il ne s’agira ainsi pas d’opposer, comme le prévoyaient les termes de référence de l’étude, deux méthodes, soit une méthode « HEA » et une méthode « PMT+ », mais de comparer trois propositions singulières de processus de ciblage. Pour autant, et de façon intéressante pour l’analyse comparative, les trois méthodologies comportent deux éléments « techniques » transversaux (au-delà d’être mises en œuvre sur les mêmes territoires) :

- D’une part, elles sont fondées sur une première étape commune, à savoir le dénombrement des ménages et le renseignement de la fiche F3 réalisés en 2014 et réactualisés en 2016 par les ONG.

- D’autre part, elles s’inscrivent également dans une même définition de méthodologie de ciblage, qui pourrait être formulée comme « un ensemble d’opérations ayant pour double objectif de fournir une liste établie de ménages bénéficiaires et une base de données démographiques et socioéconomiques sur ces mêmes ménages ». Pour exemple, la méthodologie de ciblage opérée par Jigisèmèjiri dans les autres régions du Mali ne rentre pas dans cette définition, puisque la collecte des données nécessaires à la constitution de la BDD est réalisée ultérieurement à la publication de la liste finale des bénéficiaires, soit en dehors du processus de ciblage. 2, 3

2 Dans les autres régions, suite au ciblage communautaire, une enquête ménage par questionnaire est menée par l’INSTAT

auprès des seuls bénéficiaires de chaque village. 3 Le Processus de Ciblage Des Programmes de Transferts Sociaux - Formation Globale sur les AGR – Ségou, p.11, donne pour

définition du ciblage : « Le ciblage est le processus concret qui permet de définir, d’identifier et d’atteindre les bénéficiaires visés par une assistance »

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L’intérêt d’un exercice comparatif se trouve de ce fait renforcé par ces deux aspects : deux ancrages communs, l’un initial, l’autre dans la finalité, et le fait que les trois méthodologies diffèrent très largement par le nombre d’étapes engagées, leur chronologie relative, leur statut au sein du processus, enfin par l’étape qui clôt le processus et aboutit à l’identification de la liste définitive des bénéficiaires. Par certains aspects, la méthode HEA mise en œuvre à Gounzoureye par ACF apparaît comme une voie « médiane » entre les deux autres, avec un certain nombre de variations sur différents critères. D’où une présentation systématiquement dans l’ordre suivant :

- La méthodologie « HEA Tilemsi » mise en œuvre par Oxfam, la plus strictement fondée sur l’approche communautaire ;

La méthodologie « HEA Gounzoureye » mise en œuvre par ACF, où formule et communautaire sont utilisés en « parallèle » ;

La méthodologie « PMT+ » mise en œuvre par Jigisèmèjiri, où le communautaire est un préalable au ciblage par formule.

2. La « théorie » : architecture des méthodologies La formulation de chacune des trois méthodologies de ciblage étudiées s’appuie sur des schémas existants, pour autant aucune n’est une application sans adaptation d’un modèle « rigide » et purement théorique4. Nous considérerons comme relevant de la méthodologie de ciblage l’ensemble des éléments qui relèvent des trois domaines suivants et qui s’inter-influencent :

- La formulation de la « méthode » : la doctrine, les outils envisagés et les contraintes « techniques » prises en compte, enfin l’anticipation des risques liés à l’implémentation sur le terrain ;

- Le montage institutionnel : les différent acteurs impliqués (des plus institutionnels aux communautés elles-mêmes), l’attribution des activités, enfin les modes relationnels engagés ;

- Les protocoles détaillés de mise en œuvre élaborés pour chacune des étapes/chacun des « outils » prévus par la méthode, incluant les procédures préalables (ex. communication, formation, information, organisation, logistique) et celles en aval (ex. PV, formalisation, validation, transmission, voire arbitrages).

2.1. Trois registres de considérations président la formulation de la méthodologie de ciblage : la doctrine, les outils et l’anticipation des biais. 2.1.1. La « doctrine » du ciblage : définition du cahier des charges Le ciblage est donné comme une obligation éthique des programmes de transfert monétaires car lié à l’identification d’une population nécessiteuse, même si ceci fait l’objet de controverses, y compris parmi les acteurs des FS. La doctrine découle de la nature même du programme, de ses objectifs stratégiques et de la perception économique des communautés (justification de l’action) ; elle concerne la définition de la cible et les valeurs sous-jacentes au mécanisme de ciblage. La doctrine est généralement formulée par les acteurs institutionnels : ONG internationales, bailleurs, services de l’Etat. Elle est ainsi le fruit de courants de pensée et d’orientations stratégiques. Pour les ONG, la méthodologie a été formulée sur la base de modèles préconisés/imposés par les sièges internationaux (ACF Espagne, Oxfam), l’expérience des cadres des équipes nationales (Oxfam) et les nécessités des bailleurs.

4 Nous utilisons le terme « doctrine », employé lors des entretiens et ateliers sur les problématiques de ciblage menés auprès

des acteurs des FS dans le cadre de l’étude sur les dynamiques locales des communautés concernées par les processus de ciblage des programmes de filets sociaux engagées par les acteurs du CCTS. Il ne s’agit pas ici de reprendre les conclusions de cette recherche, pour autant les débats et réflexions que ces acteurs ont exprimé à cette occasion sont évidemment contributifs de la formulation des méthodologies étudiées ici, notamment celles des ONG.

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Pour les ONG, la formulation du processus a été opérée dans un contexte d’expérience capitalisée5 : • Une expérience du fait de CT réalisés en 2014 par les mêmes ONG sur les mêmes territoires

Avec notamment, un recensement de la population, une base de données existante Connaissance des milieux en soi et en termes de postures vs. les CT

Pour Jigisèmèjiri, une formulation du processus opérée dans un contexte d’expérience entièrement nouveau :

• Une expérience dans le « sud », mais pas dans les régions du Nord • Une expérience de ciblage sur base totalement communautaire • Une gestion déléguée à deux structures externes vs les ASL des autres cercles

Stop Sahel pour l’encadrement communautaire, L’INSTAT pour la collecte des données et les calculs statistiques, et l’établissement des cartes de

bénéficiaires • De plus, un nécessaire ajustement aux listes ONG pour éviter les superpositions, une position « en second »

Définition de la cible Les deux types d’acteurs (ONG/Etat) ont engagé des programmes de similaires, soit des transferts monétaires à des unités bénéficiaires identifiés comme des ménages, à raison de 120 000 Fcfa par an pour une durée de trois ans, avec des modalités de versement variables selon les programmes (ex. 30 000 Fcfa par trimestre pour Jigisèmèjiri, des versements en trois tranches annuelles dont la plus importante est délivrée en période de soudure pour certaines ONG). Les objectifs des programmes de FS des deux ONG, membres du CCTS à date de l’étude ont pu être formulés ainsi lors de la phase préparatoire : « Un modèle de filets sociaux saisonniers visant à couvrir les besoins alimentaires et non alimentaires des ménages les plus durement touchés par les crises alimentaire et politico-militaire de 2012 et 2013 dans les régions du Nord Mali est développé, documenté et partagé ». Les objectifs stratégiques du programme Jigisèmèjiri sont liés à l’extension géographique des filets sociaux appliquée dans les zones les plus pauvres du Mali selon un ciblage géographique. La formulation du ciblage prend ainsi trois fonctions : analyser qui a besoin d’assistance, où, quand et pourquoi ; décider quel type d’aide est nécessaire (et quel volume) ; déterminer comment elle sera distribuée et comment les bénéficiaires seront identifiés »6. La cible est qualifiée en termes de vulnérabilité économique, physiologique, sociale et politique. Les stratégies d’intervention intègrent des notion de gestion de crise, de développement et d’aide sociale, avec des objectifs divers : survie, résilience, stabilisation, cohésion. La caractérisation socioéconomique des ménages intègre les notions de pauvreté, de grande pauvreté et de vulnérabilité.

« Pour appuyer les cibles en situation d’urgence comme le veulent les critères validés entre ECHO et Oxfam pour une prise en charge. » Equipe locale, Oxfam

« Nous on cherche vraiment les critères de vulnérabilité, la résilience. » Equipe nationale, ACF « Ensemble pour éradiquer l’extrême pauvreté » Signature Jigisèmèjiri

7

« Jigisèmèjiri, lutter contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle!!! » Signature Jigisèmèjiri8

Le ciblage intègre une définition de l’unité bénéficiaire et d’un taux de couverture Le ménage est transversalement défini comme une unité de production et de consommation composée de plusieurs sous-ménages (homme, ses femmes et enfants) sous l’autorité d’une seule personne désignée comme le chef de

5 Capitalisée sur les même programmes et les même territoires, mais également, pour certaines ONG, sur des programmes de CT

sur la sous-région Sahel et des programmes CT mis en œuvre depuis plusieurs années. 6 Processus de Ciblage Des Programmes de Transferts Sociaux - Formation Globale sur les AGR – Ségou, p.12

7 Approche de ciblage des bénéficiaires à Gao et Tombouctou – « Proxy Means Test – PMT+, page finale

8 Processus de Ciblage Des Programmes de Transferts Sociaux - Formation Globale sur les AGR – Ségou, page finale

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ménage9. Le bailleur (ECHO) a introduit un critère additionnel, soit la présence au sein du ménage de femmes enceintes ou allaitantes (FEFA) ou d’enfants de – de 5 ans. Le taux de couverture10 (% des ménages bénéficiaires) est conditionné par le budget du bailleur et du montant distribué par bénéficiaire, ainsi qu’une analyse HEA mené par les acteurs. En 2014, les programmes de TM des ONG ciblaient 33% des ménages. Pour le programme 2016-2019, le taux de couverture est a été réduit à 18,3%, il est appliqué dans tous les villages. Le taux de couverture du programme de filets sociaux du mali (Jigisèmèjiri) s’établit à environ 14% au niveau du cercle, mais varie selon la commune, en fonction de la position de celle-ci sur le classement de pauvreté des communes du Mali de l’ODHD. 2.1.2. Les contraintes et les outils pertinents : le choix du « tool kit » Chacune des trois formulations prend en compte des contraintes de coût et de délai de réalisation des processus de ciblage, ainsi que sa pertinence. Chaque dispositif technique se distingue ainsi par les « outils » utilisés (enquête exhaustive, enquête partielle, comité villageois, questionnaire, formule) et par le schéma des opérations successives devant, à partir des données du dénombrement 2016, produire la liste définitive des bénéficiaires. Le principe même de la méthode HEA utilisée par les deux ONG repose sur la catégorisation des groupes socioéconomiques des ménages sur la base d’un outil dit dite « fiche F3 ». Cet outil est lié à une approche économique qui prend en compte les zones de moyens d’existence. Les trois méthodologies ont toutes comme étapes initiales celles qui conduisent à l’actualisation du dénombrement de la population à l’aide de cet outil. Le choix des ONG pour les outils HEA est lié, outre le fait que ces méthodes sont estimées relativement peu coûteuses en temps et en ressources (financières et humaines), à des considérations communautaires, un ancrage dans les réalités locales plutôt qu’institutionnelles, et des critères presque « émiques », énoncés par les communautés elles-mêmes, ce qui résonne avec la relation souhaitée par ces structures avec les communautés visées par les programmes. L’outil central de la méthode est un formulaire d’entretien dit « fiche F3 », utilisé pour le dénombrement par les deux ONG. Une version à destination des représentants des communautés permet de dresser le profil HEA d’une zone (commune, village), une version à destination des ménages permet de dresser leur profil individuel et de le classifier en fonction du profil de la zone. Les critères d’appréciation de la fiche utilisée sont indexés sur le profil HEA ML 13 ZME « Gao urbain ».11 La méthodologie du ciblage opérée jusque-là par Jigisèmèjiri dans les autres régions (au « Sud » du Mali) est axée sur une approche géographique, un ciblage communautaire incluant entre autres des critères catégoriels et de revenus. Le choix d’une méthode différente a ainsi été orienté par d’autres considérations, notamment l’anticipation des risques. L’ancrage institutionnel de Jigisèmèjiri, service de l’Etat (ministère de l’Economie, des Finances et du Budget), influe certainement sur la nécessité de s’inscrire dans les statistiques publiques, la documentation nationale, et vers des partenaires eux-mêmes étatiques (préfets, DRDSES, ST, INSTAT) concernant les organes de coordination comme les prestations techniques. Ceci inclue les méthodes de différenciation locale, avec l’utilisation de l’indice de pauvreté des communes établi par l’ODHD et intégré par l’INSTAT. Le choix d’une méthode d’analyse économétrique, avec la « formule PMT », soit un niveau d’analyse statistique complexe, résonne avec la nécessité de pouvoir corréler les résultats avec les modèles d’analyse de la pauvreté nationaux et internationaux, y compris ceux du bailleur, la Banque mondiale. Les données du proxy (identification d’un premier lot d’indicateurs, variables, poids relatifs, partant du principe que les zones rurales ont les mêmes proxys, avec des pondérations qui varient selon la

9 L’étude sur les dynamiques locales a montré que les différents acteurs, dans la réalité, ont une approche de l’entité ménage

plus différenciée, une voie moyenne correspondant à un ménage nucléaire, la plus « restreinte » étant une femme avec des enfants. 10

Nous utilisons ce terme dans la même acception que les responsables des ONG (en tout cas durant les entretiens menés dans le cadre de cette étude), pour lesquels la notion de taux de couverture participe de la formulation et correspond au pourcentage de ménages bénéficiaires au sein d’une zone ; pour Jigisèmèjiri, cette notion renvoie à un résultat d’efficience du ciblage, soit le rapport du nombre de ménages bénéficiaires par rapport à ce qu’il devrait être, compte tenu d’un taux d’inclusion/exclusion avéré. 11

Ce profil est notamment détaillé dans Profils des moyens d’existences, Profils Février à avril 2014, Oxfam-SAP et partenaires, 2014

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zone) ont été identifiées par Jigisèmèjiri à partir des données nutrition sur la pauvreté, ODHD, EMOP, avec la Banque mondiale. Le questionnaire est basé sur le modèle UTGFS, INSTAT et ONG. L’INSTAT propose le questionnaire et la formule statistique, qui sont validés par Jigisèmèjiri. L’organisation d’un atelier de « validation politique » à Sévaré auprès des représentants de l’Etat, des élus des communes de Gao et Tombouctou, des services techniques du Développement social et de la Santé (nutrition) pour valider les indicateurs retenus pour le ciblage PMT montre le désir d’ancrage institutionnel de la démarche au niveau des services déconcentrés de l’Etat et des collectivités territoriales. 2.1.3. L’anticipation des risques et des biais : prévention et mécanismes correctifs Chaque formulation a été influencée par la perception sociale et politique des communautés, ainsi que des structures de mise en œuvre. Le cercle de Gao est marqué par une forte instabilité politico-sécuritaire, une situation de crise ou « post-crise » climatique, économique et sociale, enfin une gouvernance locale parfois marquée par l’influence des leaders sur les programmes d’assistance (captation, orientation clientéliste notamment). Les équipes nationales sont conscientes que des problèmes de gouvernance peuvent se poser au niveau des équipes locales, soit de leur propre initiative, soit par effet d’intimidation par les interlocuteurs (la collusion entre certains leaderships locaux et les forces rebelles produisant un milieu parfois menaçant voire hostile)12. Enfin, les acteurs sont soucieux de la perception que les communautés ont de leurs interventions, dont le processus de ciblage. La formulation des méthodologies inclut ainsi des protocoles de mise en œuvre et parfois des étapes afin de prévenir les entraves logistiques, la dangerosité, la gestion des erreurs, la prévention des manipulations à tous les niveaux de l’intervention, la non-acceptance par les communautés. La méthodologie « HEA Tilemsi » est de fait, parmi les trois étudiées, la plus simple au sens technique et de montage institutionnel, et est résolument centrée sur les outils de ciblage communautaire (dénombrement, production des listes, validation, mécanismes correctifs). Cette formulation se base sur les procédures standard de la structure internationale (préconisations internes), le souci de simplicité, faisabilité et maîtrise des coûts, mais également le désir d’éviter les tensions avec les leaders locaux et/ou les populations. La méthodologie « HEA Gounzoureye », sur des bases similaires, a toutefois posé le principe de classement statistique. Le choix d’une méthode plus complexe, et ainsi plus coûteuse en temps et en argent, est justifié par l’ONG par le souci de maintenir un équilibre entre le respect des critères et des choix communautaires et le contrôle du niveau national sur les potentielles inclusions/exclusions. La méthodologie « PMT+ » a été conçue dans le souci de limiter l’influence des leaders sur les processus de ciblage (exclusions de masse ou individuelles, inclusions préférentielles ou clientélistes). Néanmoins, le modèle d’analyse économétrique PMT « classique » a été reformulé en vue d’une simplification. Le questionnaire utilisé est simple et reprend globalement les mêmes rubriques que la fiche F3, même si la structure de l’information et le niveau de détail sont différents. Le document d’explicitation du modèle PMT+ conçu par Jigisèmèjiri énonce que, dans le cadre du ciblage, « Il n’est pas efficient de mesurer directement la consommation (…) Au lieu de mesurer directement la consommation, faire une approximation en trouvant des caractéristiques des ménages qui sont très corrélées au niveau de consommation des ménages, qui sont facilement mesurables ou observables, et non manipulables. Exemples : qualité du logement, propriété des biens durables, structure démographique et de l’éducation et les professions des membres adultes. »13 Les méthodes incluent des étapes de ciblage collectives (emblématiquement, le comité de ciblage) qui sont censées être publiques (présence des AG) et des étapes individuelles, qui sont sensées être « privées » (à domicile, ex. administration de questionnaire). La conjugaison des deux méthodes permet, au final, de satisfaire plusieurs exigences :

12

L’atelier sur le principe de « Do no harm » réalisé en mai 2016 dans la cadre de l’étude sur les dynamiques locales a notamment permis à certains cadres des équipes nationales d’exprimer leur sentiment d’insécurité, pour leurs équipes au Nord voire pour eux-mêmes. 13

Approche de ciblage des bénéficiaires à Gao et Tombouctou – « Proxy Means Test, p.9

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- Le collectif, public : le respect des règles endogènes du milieu (critères de pauvreté), la légitimation par l’aspect démocratique (AG),

- L’individuel, privé : la qualité des données, la fiabilité. Le système de classification statistique (quel que soit le modèle d’analyse) issu d’une enquête « privée » donne ainsi de facto un rôle important à la population, qui limite le risque de manipulation par les leaders (la contestation des choix des comités en public lors des AG étant difficile, gênant voire dangereux, voire inaccessible à certaines catégories de populations dans certains milieux). En revanche, l’enquête par questionnaire est manipulable par les ménages, surtout lorsqu’ils connaissent les critères utilisés et les enjeux du ciblage. D’où le rappel de Jigisèmèjiri sur la nécessité de choix de critères observables et non manipulables. D’une façon générale, la « HEA Tilemsi » repose sur des déclaratifs collectifs et publics : réactualisation du dénombrement opéré en comités villageois, ainsi que le ciblage communautaire. En l’absence de traitement statistique des données de la fiche F3, le niveau de pauvreté des ménages est établi sur un principe d’auto-classification. La « HEA Gounzoureye » inclut un dénombrement par enquête communautaire qui donne lieu à une analyse statistique et une comparaison publique de la liste produite avec celles produites par les comités de ciblage communautaires, d’où toujours ce principe d’équilibre. Enfin la « PMT+ » repose en principe sur une alternance d’étapes publiques et privées : dénombrement public comité de pré-ciblage public collecte de données PMT privée validation des listes publique. Chaque méthode inclut des mécanismes rectificatifs ou d’ajustement. Les méthodologies des ONG prévoient deux dispositifs correctifs basés sur l’enregistrement des plaintes avec 10% de marge de rectification potentielle :

- Un dispositif communautaire : le comité de plainte - Un dispositif plus anonyme : le numéro vert

La « HEA Tilemsi » a conservé ce dispositif pour le ciblage 2016, ainsi la liste finale des bénéficiaires n’est pas le produit d’une étape unique de ciblage communautaire, La « HEA Gounzoureye » a maintenu le numéro vert par « esprit de vigilance » mais les plaintes enregistrées ne sont plus prises en compte ; ce dispositif entre dès lors dans le suivi-évaluation, mais ne participe plus de la méthodologie de ciblage. La liste validée à l’issue de la triangulation entre liste « statistique » et listes communautaires est de facto la liste définitive de bénéficiaires14, La « PMT+ » prévoit l’affichage des listes issues du classement statistique dans chaque commune (pour l’ensemble des villages de la commune) et dans chaque village pour sa population propre et l’enregistrement de réclamations au sein des communautés lors de l’affichage des listes. Les ménages identifiés par le pré-ciblage mais hors quotas constituent la « liste d’attente ».

14

Pour le programme 2016-2019, ACF, dans son dispositif de suivi-évaluation de l’efficience du ciblage, ne mesure plus que le taux d’inclusion, considérant que ce taux est égal à celui d’exclusion.

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2.1.4. Economie générale des trois méthodologies « HEA Tilemsi » (Oxfam)

1. Dénombrement de la population en 2014 Equipe locale, DS

2. Réactualisation des bases pour le programme 2016-2019

Redéfinition des critères et des quotas Equipe nationale, bailleur

Réactualisation des listes et de la BDD en 2016 – dénombrement communautaire

DRDSES, Equipe locale

3. Mise en place et préparation terrain du ciblage

Information Equipe locale

Mise en place des comités villageois Equipe locale, DS

4. Opération communautaire de ciblage

Production des listes définitives provisoires Equipe locale

Mise en place des comités de plainte Equipe locale, DS

5. Correction des erreur suite à plaintes et listes définitives Equipe locale, DS

« HEA Gounzoureye » (ACF)

1. Dénombrement de la population en 2014 Equipe locale, communautés, enquêteurs

2. Réactualisation des bases pour le programme 2016-2019

Redéfinition des critères et des quotas Equipe nationale, bailleur

Réactualisation des listes et de la BDD en 2016 – dénombrement par enquête ménage

Equipe locale, communautés, enquêteurs

Un nouveau traitement statistique a été réalisé sur la base de données réactualisée

Equipe nationale

3. Volet niveau inter-acteurs locaux, mise en place et préparation

Les comites sont mis en place dans la communauté : Le processus de ciblage s’effectue dans un cadre de collaboration avec à la fois les communes et les villages

Equipe locale

Information, communication radio Equipe locale

Mise en place du comité communal et des comités villageois Equipe locale

4. Opération communautaire de ciblage et listes définitives

Ciblage communautaire et triangulation avec la liste ONG Equipe locale

Validation des listes et transfert aux différents niveaux : commune, ONG locale, ONG Bamako

Equipe locale

5. Mécanismes rectificatifs, mais il n’a plus de marge de rectification en cas de plainte. Equipe locale

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« PMT+ » (Jigisèmèjiri)

0. Bases du ciblage géographique et individuel

a. Liste des ménages éligibles ONG

b. Ciblage géographique (pondération des quotas) Equipe nationale, INSTAT

1. Formulation du modèle Equipe nationale, bailleur

2. Validation du modèle a. Validation « politique » avec les leaders locaux (Sévaré)

Préfet, communes, DRDSES

b. Validation « statistique » via un test dans deux zones rurales

INSTAT

3. Mise en place des comités communaux et villageois

a. Convention de collaboration avec la commune Equipe nationale

b. Communication du processus de ciblage (principes, acteurs, nombre de bénéficiaires)

Stop Sahel

c. Formation communale sur les critères de ciblage - Approche communautaire

Stop Sahel, DS

d. Mise en place des comités communaux Stop Sahel, DS

e. Mise en place des comités villageois Stop Sahel, DS

4. Etablissement de la pré-liste

a. Identification des ménages potentiellement bénéficiaires (à partir des listes ONG).

INSTAT

b. Pré-identification communautaire des ménages bénéficiaires et édition de la liste préliminaire par les comités villageois

Stop Sahel, DS

5. Mise en œuvre de la PMT+

a. Préparation méthodologique et logistique Equipe nationale, INSTAT

b. Préparation communautaire Stop Sahel

c. Collecte des données / terrain d’enquête INSTAT, Stop Sahel

6. Traitement statistique et publication des pré-listes INSTAT

7. Validation communautaire des pré-listes Stop Sahel,

8. Correction des listes Equipe nationale

9. Edition de la liste définitive et des cartes de bénéficiaires INSTAT

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2.1.5. Comparatif global des dispositifs techniques des trois méthodologies a. Le dénombrement de 2014 réactualisé en 2016 : une base commune, des modes opératoires et des finalités différentes selon l’approche. Les trois méthodologies incluent une étape de collecte des données ménage opérée lors du dénombrement exhaustif de la population en 2014, réactualisé en 2016. Le statut et la fonction des données sont différents selon la méthodologie de ciblage :

- Le dénombrement est peu contributif au ciblage stricto sensu pour la « HEA Tilemsi ». La réactualisation des données est établie, certes sur les mêmes critères HEA, par les comités de ciblage. Oxfam n’a pas réalisé de traitement statistique pour le classement des ménages. Les données déclaratives des ménages (ou des comités) sont utilisées pour la BDD et le suivi-évaluation, compris l’auto-classement des ménages selon les catégories socio-économiques HEA ;

- La « HEA Gounzoureye » opère un traitement statistique des données pour classer l’ensemble des ménages

sur un indice de vulnérabilité, en 4 classes (très pauvres, pauvres, moyens, nantis), avec une pondération des critères. La liste des ménages les plus vulnérables est en théorie triangulée avec les listes établies par les comités de ciblage. Les mêmes données sont utilisées pour la BDD et le suivi-évaluation ;

- La méthodologie « PMT+ » utilise les listes produites par les ONG pour à la fois identifier les ménages les plus

pauvres et ceux déjà bénéficiaires des FS des ONG, opérations effectuées lors du pré-ciblage communautaire. Suite à cela, une deuxième enquête ménage est opérée sur l’échantillon partiel désigné par le communautaire (7 000 ménages au niveau cercle, soit 20% du total estimé) avec un autre questionnaire. Le traitement (formule PMT+) permet de classer les ménages selon un indice linéaire. Les mêmes données (issues des questionnaires) sont utilisées pour la BDD et le suivi-évaluation.

b. Le ciblage communautaire : une étape transversalement réalisée, mais des finalités et une contribution très différentes. Les trois méthodologies incluent chacune une étape de ciblage communautaire par comité villageois. Néanmoins, le statut et la fonction de cette méthode au sein du processus global de ciblage est très différent :

- Pour les ONG, le classement des ménages selon les critères HEA et critères par les communautés (membres des comités de ciblages choisis en AG).

o Est central et déterminant dans la « HEA Tilemsi », et uniquement modifiable via les mécanismes correctifs, eux-mêmes peu utilisés. L’exercice communautaire produit ainsi de facto la liste finale, même si de droit non définitive. (A noter que Oxfam utilise le terme de liste définitive provisoire à l’issue du ciblage communautaire)

o Est parallèle à un traitement statistique des données HEA produites lors du recensement, et ainsi participatif dans la « HEA Gounzoureye ». En revanche, cet exercice fournit la liste de droit et de fait définitive, les mécanismes d’enregistrement des plaintes étant documentaires mais non correctifs pour 2016-19.

- Un préalable pour la « PMT+ », puisque fournissant une base, restreinte au niveau villageois (limitant fortement les personnes non éligibles), élargie par rapport aux quotas. C’est le calcul statistique opéré sur cette base partielle, et validée par la communauté lors de l’ultime étape de cette méthodologie de ciblage, qui produira la liste définitive, de fait et de droit. l’enquête PMT+ étant l’outil déterminant dans l’identification des bénéficiaires et la BDD.

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Schéma récapitulatif des étapes déterminantes des trois processus « techniques » de ciblage étudiés

2.2. Le montage institutionnel, juridique et organisationnel Le montage institutionnel n’est pas indépendant de la formulation, et est conçu en amont et en parallèle de la formulation du ciblage. Les autorités communales sont toujours informées et impliquées dans le processus de ciblage communautaire, qui s’effectue essentiellement dans un cadre de collaboration avec les villages, mais pas avec le même statut. « HEA Tilemsi » : le montage institutionnel est réduit à la participation des services du Développement social, impliqué dans tout le processus de ciblage depuis l’information sur le projet jusqu'à l’identification des ménages très pauvres sur le terrain. « HEA Gounzoureye » : un organigramme simple, avec quelques domaines de délégation/partenariat :

- Tout le travail ACF dans la zone se fait accompagné du service du développement social. participation du DS pour supervision des comités/AG ;

- Pas de contractualisation avec les communes mais formation de comités communaux avec une mission de formalisation – validation des listes issues du ciblage communautaire).

« PMT+ » : un organigramme institutionnel impliquant de nombreux acteurs au sein de plusieurs organes :

- Comités de coordination régional et de cercle ; - Stop Sahel opère concrètement l’ensemble des activités de communication, de formation et d’animation des

comités, le bon déroulement et l’enregistrement des documents de type administratif et/ou juridique (PV, listes), le suivi, la transmission à l’UTGFS ;

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- Implication des communes, « partenaires », et contractualisation (atelier de Sévaré), comités communaux chargés d’informer voire de former les leaders et les comités villageois, enregistrement, formalisation et affichage des listes ; collationnement/compilation des PV des villages pour transmission au niveau supra ;

- Implication du DS et des ST pour les activités de terrain et le volet d’accompagnement ; le service du développement social du cercle fait le lien entre la mairie et JSJ, appuie la mairie pour l’adoption de la convention ;

- Implication de l’INSTAT pour méthodologie quantitative de ciblage et sa mise en œuvre (recrutement et formation des enquêteurs, organisation, collecte, logistique).

Chacune des méthodologies fournit un statut spécifique aux leaders et aux populations :

- HEA « Tilemsi » : le rôle des leaders est prépondérant voire déterminant, les communautés sont participatives dans la mesure où elles peuvent assister au ciblage opéré par les comités villageois voire émettre des plaintes via les comités dédiés ou le numéro vert.

- HEA « Gounzoureye » : les leaders sont partie prenante car ils effectuent le ciblage au sein des comités, pour

autant les communautés sont parties prenantes car ce sont les données déclaratives des ménages issues du recensement qui sont utilisées pour produire la liste « de référence » fournie par l’ONG, de plus la communauté peut assister au ciblage opéré par les comités villageois

- PMT+ : les leaders sont partie prenante car ils effectuent le pré-ciblage au sein des comités, pour autant le

rôle des communautés est déterminant, car ce sont les données déclaratives des ménages qui font fournir la liste PMT+, d’autre part les communautés peuvent participer au processus de validation des pré-listes.

Schéma récapitulatif du montage institutionnel et de poids des leaders/communautés dans les trois processus de ciblage étudiés

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Répartition des ménages selon leur statut après les processus de ciblage par commune

Données Commune

Nombre de villages

Nombre de ménages…

Commune Prévus ONG Pré-liste

PMT+ Enquêtés

PMT+ Prévus PMT+

Gounzoureye 13 4 744 100%

868 18.3%

1 245 26%

1 242 730 15 %

Tilemsi 15 2 919 100%

534 18.3%

450 15%

441 274 10 %

En nombre de ménages En % sur le nombre de ménages

0

1000

2000

3000

4000

5000

Gounzoureye Tilemsi

Bénéf HEA Pré-liste PMT + Attente PMT Non éligibles

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Gounzoureye Tilemsi

Bénéf HEA Pré-liste PMT + Attente PMT Non éligibles

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3. Analyse en monadique des trois méthodologies 3.1. Méthodologie « HEA Tilemsi », mise en œuvre par Oxfam 3.1.1. Gouvernance – efficacité Réactualisation 2016 du dénombrement de 2014-2015 La formulation de la méthodologie prévoyait une collaboration entre l’ONG et la DRDSES. Mais Oxfam, n’a pas, d’après l’équipe locale, eu accès à la base de données de la DRDSES. La base de données de 2014 – 2015 en sa possession a ainsi été utilisée pour réactualiser la liste en 2016. La DRDSES elle-même se déclare peu impliquée dans ce processus de collaboration.

« Depuis 2014 la DRDS est impliquée d’une façon progressive, pour le projet de 2016 elle s’occupera en plus de l’observation de la mise à jour de la base de donnée, et aussi assurer la centralisation des données. » Team leader Oxfam, Gao

« On nous a dit tout simplement qu’une équipe doit faire une actualisation des listes de 2014. » DRDSES, Gao. »

Les deux étapes de réactualisation du dénombrement et de ciblage communautaire ont ainsi été couplées, en une seule étape « globale ». L’AG villageoise de réactualisation des listes du dénombrement et celle liée au ciblage communautaire ont eu lieu au cours de la même tournée de terrain, soit le même jour au sein de chaque village/fraction. Il s’agit dès lors autant, voire plus, de réactualiser les listes de bénéficiaires que d’effectuer un recensement et un nouveau ciblage.

« Nous partons sur la même base de données de 2014 pour réactualiser la liste, c’est plutôt un rafraichissement pour enlever les personnes ayant changées de statut. Ce qui est sûr on savait que les listes 2014 sont là disponibles. Ça a permis d’abord de compenser le vide qui existait chez certaines personnes, ceux qui étaient bénéficiaires et qui se sont légèrement améliorés, c’était l’occasion de les remplacer par d’autres qui répondent mieux aux critères, c'est-à-dire ça a permis d’apporter un éclaircissement une amélioration des listes de bénéficiaires (surtout le cas des gens qui ont eu un statut meilleur. Maintenant par rapport au renseignement individuel c’est avec la personne. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« On est parti d’un recensement général de la population et de ce recensement on a tiré les familles pauvres et très pauvres en 2014. Aujourd’hui il y a des nouvelles familles qui sont revenues qui ont eu l’appui, qui n’étaient pas là en 2014. Nous on entend par réactualisation des lites, dans notre entendement quand même, on nous a fait savoir par exemple au moment des ciblages, en plus des bénéficiaires initiaux qui sont sur la liste en 2014 – 2015, si on se rend compte que l’AG communautaire trouve qu’il y a vraiment des familles qui sont vraiment vulnérables et que c’est pertinent, 2 ou3 familles, on les prend, on a eu à faire des rajouts comme ça. » Moniteur Oxfam 3, Gao

Pour cette étape finalement unique, l’ONG ne contractualise pas avec la commune et ne crée pas de comité communal. Pour autant, l’équipe locale fonctionne assez étroitement avec les élus communaux, en termes d’information, de communication et d’organisation, et certaines personnes parlent ainsi de comité communal. Pour des raisons sécuritaires, il n’y a pas eu de communication médias sur le ciblage. Le processus de ciblage a été annoncé par des courriers adressés aux mairies.

« Bon, un contrat je ne sais pas mais à chaque fois qu’on intervient on adresse une lettre aux autorités communales. Quand elles acceptent, elles donnent leur avis. Une copie reste au niveau de la commune et on revient avec une copie. Ça veut dire que la commune accepte notre activité. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Il n’y a aucune communication médias dans ce sens, je n’ai pas encore eu de consigne par rapport à ça. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Toutes les mairies des zones d’interventions ont reçu une lettre ça c’est un, mais par rapport à la population concernée directement, on n’a pas fait de radio on n’a pas fait ceci cela, un c’est une source d’insécurité. En disant à la radio que tel jour on sera dans la commune de Tilemsi certainement ceux qui sont mal intentionnés vont se positionner par rapport à notre arrivée, donc on ne l’a pas fait et on ne souhaite même pas le faire. » Moniteur Oxfam 1, Gao

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« Au niveau de la commune l’information est donnée par le maire et l’ONG. En général c’est l’ONG qui donne l’information. Il n’y a pas de médias. Ils adressent une lettre au maire de la commune qui se chargera de véhiculer l’information au niveau des chefs de fractions. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

La mission de ciblage a été effectuée, de façon conforme à la méthodologie, par les agents de terrain, accompagnés d’agents du Développement social

« Deux agents d’Oxfam sont en charge de ce travail de réactualisation et ces deux personnes sont assez limitées en termes de mobilité sur le terrain. Chaque mission de supervision des binômes Oxfam est accompagnée par un agent du Développement social, qui joue un rôle appui conseil en plus de l’observation. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Comme agent d’Oxfam il n’y avait que les moniteurs, il y avait le développement social aussi. On était deux équipes et chaque équipe avait un représentant d’Oxfam et un membre du développement social. » Moniteur Oxfam 3, Gao

Le processus de ciblage dans l’ensemble des sites de la commune est initié dans le chef-lieu (Tin Awker pour Tilemsi). Une réunion a été organisée avec les élus, sans implication de délégations villageoises à ce stade. L’équipe avait fait un planning prévisionnel du ciblage dans les différents sites de la commune, qui est revu et arrêté lors de cette rencontre.

« L’objectif de chaque mission de ciblage, on va directement dans le chef-lieu de la commune, on se présente, après la présentation, on rencontre les autorités. Le planning est revu et partant de là on va dans chaque point, le point-là c’est la fraction… Tous les villages ou bien tous les sites concernés dans la mission, leur fiche est renseignée. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Dans la zone, nous avons mis en place seulement des comités villageois/fraction, pas de comité communal. Il y a eu des réunions d’information durant les rencontres avec les leaders pour la réactualisation des listes, essentiellement le maire et les conseillers qui sont aussi membre du comité communal. J’étais présent, c’est une rencontre informelle. Il y avait seulement les représentants d’Oxfam et les leaders communautaires en charge du programme. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Le chef-lieu de la commune c’est la porte d’entrée de la commune, on va commencer par là pour tenir l’AG de la mise en place du comité de ciblage au niveau du chef-lieu de commune. Et là il y a la présence du maire et de son adjoint. On tient à ce que cette autorité soit présente. Le plus souvent c’est en présence du maire et s’il n’y a pas le maire il y a un de ses adjoints pour représenter la commune. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Dès l’ouverture, ils se sont présentés puis expliquer le programme cash, les raisons de leur présence (actualisation des listes), méthodologie de l’actualisation, explication des modalités, du nombre de bénéficiaires pour la commune. Ils ont dit que Oxfam les a envoyés pour l’actualisation des listes des bénéficiaires. Ils ont dit que le ciblage doit être fait avec le comité en assemblée puis ils ont expliqué les tranches, ils ont dit que chaque bénéficiaire aura 120 000. Ils ont dit qu’il y aura 534 ou 554 bénéficiaires au niveau de la commune. Je ne rappelle plus du chiffre exact. » 1

er adjoint au maire, Tin Awker

La mairie de Tilemsi, qui dans le même temps a dû organiser les ciblages des deux méthodologies, a conscience d’une organisation différente entre les deux programmes, ONG et Etat, et l’absence pour la première de session communale d’information réunissant tous les villages/fractions de la commune. Il est plausible que dans d’autres communes, des représentants des fractions aient été présents au cours de la réunion initiale dans le chef-lieu, mais cela peut relever d’une confusion avec le processus de ciblage entamé par Jigisèmèjiri au cours de la même période, qui prévoit quant à lui une formation communale avec des représentations de l’ensemble des sites.

« Moi quand je suis arrivé ici au cours de la restitution de l’atelier de Sévaré, j’ai donné l’information aux jeunes que normalement il y a Oxfam qui arrive sur le terrain encore pour mettre les comités de gestion des ciblages au niveau de chaque fraction. Donc j’ai dit que c’est une information qui doit être portée au niveau de chaque fraction. Les membres du comité entre eux ou les chefs de fractions organisent des réunions ou formations par rapport au ciblage avec Jigisèmèjiri mais pas dans ce projet. » 1

er adjoint au

maire, Tin Awker « On a informé les communautés pour leur annoncer cette étape à travers les leaders communautaires, à

travers des réunions d’information. J’étais présent. Il y avait les animateurs, les élus communautaires, et les chefs de fractions. » Moniteur Oxfam 2, Gao

Dans le cas de Tilemsi, l’information détaillée du processus a été délivrée aux autorités villageoises le jour du ciblage, toujours par des agents de l’ONG en présence des agents du Développement social, en présence (le plus souvent ?)

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d’un élu communal d’après les discours des interviewés. Pour autant, les personnels de l’ONG reconnaissent une difficulté de mobilité dans la zone. Les leaders et autorités effectuent le ciblage dans certains sites en tenant compte des consignes laissées par les agents, sans contrôle direct. En somme une partie du processus de ciblage n’est pas vue par les agents terrain à cause de la mobilité des communautés et la complexité du contexte sécuritaire, de plus du fait du délai très court imparti au ciblage sur l’ensemble du territoire communal, soit 19 sites. Et ce, d’autant plus que dans les plus gros villages, le processus peut prendre deux journées, une pour la réactualisation/le ciblage, une autre pour la validation en AG.

« Ça a pris 10 jours pour la réactualisation. Quand ils sont arrivés, ils avaient leur liste de 2014 et il s’agit d’actualiser la liste. Donc, ils ont organisé une assemblée au niveau de chaque fraction et ils font deux fractions par jour. » 1

er adjoint au maire, Tin Awker

« Le temps imparti pour le recensement exhaustif de la population était très court. Il faut un minimum d’un mois. Aujourd’hui on sait que les populations sont très dispersées donc pour toucher le maximum il faut avoir un temps plus long. Tous ces cas qui sont là c’était dans un délai de 10 jours, 15 jours, ce n’est pas possible. Donc il faut plus de temps. J’étais prestataire, le temps était un peu court pour atteindre le maximum de la population. Je connais la mobilité des gens du Nord, les gens sont très mobiles, en plus il y avait des gens qui étaient déplacés et qui sont revenus encore, et ceux-ci aujourd’hui ne sont pas concernés et ce sont aussi des familles très vulnérables. Dans un grand village comme Gargouna où le nombre de bénéficiaires était de plus de 100, on est obligé d’attendre deux jours pour que la liste soit validée. Le plus souvent, avec les petits villages, on arrive à faire le même jour, on valide la liste. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Le temps consacré au ciblage est très court et surtout la difficulté d’accessibilité est une réalité, donc il faudrait plus de temps pour cette étape, ce qui permettrait de bien améliorer la qualité du ciblage. » Moniteur Oxfam 2, Gao

L’assemblée villageoise (AG), dont la tenue doit toujours avoir été annoncée, est de fait relativement restreinte. De plus, le ciblage a souvent lieu au domicile du chef coutumier, ce qui restreint potentiellement l’accès de certaines couches sociales. Enfin, au sein de certaines communautés nomades, les femmes participent peu aux assemblées publiques. Les comités de ciblage sont ainsi face à des représentativités villageoises très réduites. Les agents semblent néanmoins tenter de mobiliser des témoins voire des « contrepouvoirs » à la sélection opérée par les leaders.

« Les gens qui nous aident dans le travail, d’abord on a l’appui des élus, on a l’appui des chefs des fractions et des conseillers villageois ou bien de fraction, on a aussi l’appui du comité de plainte et du comité de ciblage. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« A Tin Awker elle se tient à la mairie ou chez le chef de fraction. Comme c’est le maire qui est chef de fraction. Chaque fraction a un chef, ça se passe chez le chef de fraction. Quand il y a restitution, c’est les chefs de fraction qui sont concernés. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

« En moyenne le nombre de personnes dans l’AG ça va au-delà de 15. Dans la vallée du fleuve, quand tu demandes des rencontres tu vas plus facilement avoir des gens que dans la zone nomade. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Le plus souvent pour un peu moraliser les gens nous on demande que si l’imam est sur place qu’il vienne, on insiste beaucoup sur ça. Souvent ils nous aident beaucoup à avoir des listes fiables. En 2016 partout où on est passé, surtout avec la diminution du nombre de bénéficiaires, on a demandé à ce qu’ils contribuent pour qu’on ait la liste des gens. » Moniteur Oxfam 3, Gao

Dans les différents villages/fractions, les journées de ciblage sont animées par les agents ONG, ceux du Développement social et au moins un élu communal.

« Le développement social était présent mais ils sont arrivés indépendamment. Ils sont venus ici, ils les ont trouvés et ils les ont accompagnés. Les membres d’Oxfam étaient présents le jour où le comité de ciblage a été désigné. Ils informent sur comment il faut désigner le comité de ciblage qui à son tour désignera les bénéficiaires au niveau de la fraction. Le développement social a participé, ils prenaient des notes et s’ils remarquent quelque chose qui nécessite leur intervention, ils interviennent. Ils donnaient les conseils. Ils disent ce qu’ils peuvent. Ils ne sont pas là pour faire les simples secrétaires, ils représentent l’Etat. » 1

er

adjoint au maire, Tin Awker

Alors que la méthodologie « HEA Tilemsi » repose uniquement sur le ciblage communautaire, les agents n’ont pas reçu de formation détaillée concernant la mise en place du comité de ciblage et utilisent les guides méthodologiques formulés par leur structure. De fait, à la fois la formulation de la méthodologie et la façon dont les agents décrivent

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le rôle des comités montrent que le processus est totalement « délégué », en action comme en responsabilité, aux comités de ciblage. L’AG est perçue comme une source d’information, mais le comité est qualifié pour arbitrer.

« Pour permettre un ciblage à base communautaire et un suivi du processus en termes de redevabilité. Le comité joue un rôle très important dans l’identification des bénéficiaires. » Team leader Oxfam, Gao

« Ce qui est sûr, une formation proprement dites, non, en tout cas même si ça a eu lieu ce n’est pas durant la période où j’étais là. Ce qui est sûr, on a des documents qui nous disent comment ces comités sont mis en place, comment ces comités doivent fonctionner. Nous, en partant là-bas, on revoit la position du comité, on redynamise et s’il y a lieu on rappelle les rôles et les responsabilités de ce comité. Pendant la distribution ils se présentent pour savoir si vraiment les personnes qu’ils ont demandées sont là, si c’est les personnes demandées qui sont là. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Le ciblage opéré en 2016 repose sur la même procédure qu’en 2015, soit la création de deux comités, avec une question genre : soit deux comités mites, soit un comité masculin et un comité féminin. Le protocole prévoit la désignation de 6 à 12 membres : chef de villages, conseillers, représentants des femmes et des jeunes, imam.

« Les instructions, il faut d’abord une représentation des hommes et des femmes, des jeunes de la communauté, maintenant parmi ces hommes ces femmes, ces jeunes souvent on a des femmes des associations féminines qui représentent le coté femme ; Côté homme il y a des villages où on retrouve 2 imams, c'est-à-dire en fonction de la disponibilité du village. Et quelques fois les autorités locales, les conseiller du village même, ils ont leurs propres conseillers de fraction ou du village. Ce qui est sûr il nous faut les 3 quand même : la représentation féminine, la représentation des hommes, la représentation de la jeunesse. La composition est définie sur le site, il s’agit de choisir les 6 personnes qui sont les personnes qui répondent mieux. Généralement, après avoir écrit la liste des comités, la proportion d’hommes dépasse les trois quarts. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Cette règle, ou consigne, semble avoir été globalement respectée, néanmoins les discours sont relativement flous quant à la mise en œuvre très précise de mise en place des comités, de leur composition voire du nombre de leurs membres, sur cet aspect, pour deux raisons :

- Les communautés villageoises disposent de comités qui règlent différents aspects du collectif, et qui se recomposent selon les thématiques ou les circonstances. De fait, il semble que dans la plupart des villages, et pour les différents programmes d’assistance, les comités soient toujours les mêmes, souvent déjà en place lors du processus de « désignation » par l’assemblée. De ce fait, les agents ONG parlent souvent de « redynamisation » des comités et non de mise en place stricto sensu.

« J’ai participé à la mise en place du comité de ciblage au chef-lieu de commune de Tilemsi. La plupart des comités qu’on avait c’était des comités anciens qui existaient bien avant aujourd’hui. Généralement les gens disent qu’ils n’ont pas encore vu de faiblesse par rapport à leur travail donc il y a lieu de les reconduire. La plupart des cas de Tilemsi c’est juste une reconduction des comités. Je me souviens dans 2 ou 3 fractions ils eu à changer un ou deux membres quand même. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Oui ce sont généralement les mêmes membres, puisque cela fait partir de leurs prérogatives au sein des communautés. » Team leader, Oxfam, Gao

« Les comités sont toujours les mêmes qu’en 2014. » Moniteur Oxfam 2, Gao « Nous on a été formés, il y a eu une formation ici sur les méthodes de ciblage mais à notre arrivée on a

trouvé que le comité de ciblage a été formé par le programme DAG (la distribution alimentaire générale) programme PAM. Nous on a redynamisé les comités de ciblage. (…) Dans la méthodologie d’OXFAM on doit avoir 2 comités de ciblage mais dans la pratique on se réfère à la réalité du terrain. Au niveau du village tu peux trouver qu’il y a au moins 3 quartiers, les gens vont se regrouper au niveau de 3 points pour essayer de faire 3 listes. » Moniteur Oxfam 3, Gao

o Le chef-lieu de commune semble avoir respecté la consigne de former deux comités, pour autant, dans la fraction Ifardane et dans la fraction du premier adjoint au maire, les règles coutumières ont prévalu et un seul comité a été désigné, constitué de respectivement 12 et 11 membres, soit des comités élargis.

« Le comité qui s’occupe uniquement des problèmes de pauvres c’est le comité avec les 4 membres. Chaque année qu’une ONG apporte des aides les 4 membres du comité disent qu’ils ne peuvent pas faire le travail ils veulent des rajouts sur les membres du comité c’est qui donne les 12 personnes. Ils sillonnent tout le village pour voir concrètement quel pauvre a réellement besoin d’être aidé. Ils choisissent le plus nécessiteux d’entre eux. » Membre comité de ciblage, Ifardane

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« J’ai pris l’exemple des conseillers de Karabawané. On a gardé un seul comité. C’est comme d’habitude. Il y’a toujours eu un seul comité au niveau de la fraction, constitué des 11 conseillers ou les 11 membres élus s’ils ne font pas parti des conseillers. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

- La participation des femmes aux comités de ciblage est souvent une réalité, mais elle est minoritaire et non systématique. Le chef-lieu de commune prétend avoir largement « joué le jeu » et formé un comité masculin et un comité féminin, conformément à la préconisation de l’ONG. Mais ce rôle des femmes semble peu envisageable dans les communautés touarègues et surtout maures.

« L’assemblée est composée d’hommes, de femmes et des jeunes. Les hommes ont apporté leur liste de cibla, les femmes ont apporté leur liste de ciblage et ils ont confronté les deux listes. » 1

er adjoint au

maire, Tin Awker « Quand tu prends un village donné tu vas trouver que le comité du village, il y a des conseillers villageois là

dans, il y a les leaders d’opinion, il y a les jeunes qui sont représentés et souvent dans des endroits il y a même des femmes. Dans les fractions arabes les femmes ne rentrent pas là-dedans. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Lors des validations des listes en AG, très peu de femmes participent, donc souvent une sensibilisation est improvisée par les agents Oxfam. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« L’opération pour réactualiser dure 4 heures de temps. Au sein de la communauté du village il y avait les femmes, les jeunes et les vieux, ils ont mélangés il y’avait tout. L’équipe d’Oxfam ils étaient présents. Ils demandaient seulement et notaient ce qu’on leur donne. Ils posaient des questions sur les familles les plus démunies. Il y avait l’adjoint au maire. » Membre comité de ciblage, Ifardane

Les données ont été recueillies sur les nouveaux ménages.

- La taille du ménage - Le statut du ménage - L’informatisons sur le genre - La surface cultivable - Nombre de petits et gros ruminants - L’activité secondaire du ménage

Les ménages présents peuvent justifier de leur position sur les critères énoncés, les autres sont renseignés par les membres de la communauté participant à l’AG.

« C’est le chef de ménage qui vient, il donne tous les renseignements nécessaires de son âge à la taille de la famille jusqu’au cheptel les activités que ce soit les activités principales ou secondaires c’est le chef du ménage qui donne les renseignements du ménage. (…) Souvent quand on vient même si on n’arrive pas à avoir tous les ménages bénéficiaires, les communautés se connaissent entre elles et là pour quelque rare cas quelqu’un qui est absent, son voisin direct peut renseigner, ils se connaissent. Ça c’est le cas d’absence. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Généralement la plupart des renseignements sont en rapport avec HEA parce d’abord va demander à la personne combien de petit ruminants il possède, combien de gros ruminants il possède, combien d’enfants de moins de 2 ans, combien d’enfants de moins de 5 ans, tu vois les critères sont toujours en en-tête et doivent être renseigné en bas pour le suivi. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Donc la liste est d’abord préétablie, elle doit être revue en assemblée qui la valide, mais il y a des exceptions, la réalité de chaque milieu n’est pas égale à l’autre. Là pour les enfants, tout cours, tout ce qui est visible, tout de suite si je pose la question j’ai toute de suite les éléments de réponse. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Le critère FEFA et présence d’enfants de moins de cinq ans a été introduit. Vu la difficulté de valider ce critère plutôt public voire privé, et d’en débattre au sein d’une assemblée, l’ONG a choisi d’organiser des sessions féminines pour renseigner sur ces données.

« Nous avons reçu comme consigne d’ajouter les critères nutritionnels, sinon la méthodologie de ciblage reste la même, HEA. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Il faut avoir des petits enfants, une femme allaitante ou une femme enceinte dans la famille. » 1er

adjoint au maire, Tin Awker

« Le premier critère est d’avoir plusieurs enfants et en étant pauvre. » Présidente des femmes, Tin Awker « Mais par rapport à la femme enceinte là c’est un peu compliqué mais il y a des cas exceptionnels où à vue

d’œil on sait qu’elle est enceinte mais par rapport à l’autre là on te dit c’est oui ou on te dit c’est non, nous on n’a pas les moyens pour déterminer si c’est une femme enceinte ou pas. Tout compte fait, la

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question est posée quand même et au Tilemsi poser ces genres de question c’est même vexant pour d’autres. Aussi le contact des femmes aussi n’est pas une chose facile. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Les ménages avec femmes enceintes/allaitantes et enfants de moins de 5 ans ont été identifiés par des focus groupes mis en place par les communautés. » Moniteur Oxfam 2, Gao

Enfin, assez rare cas énoncé d’articulation entre différents programmes, le relevé des pièces d’identité a été opéré, en vue de renseigner NRC sur les besoins en la matière dans la zone.

« Chaque ménage devait aussi indiquer si le chef de ménage avait une pièce d’identité afin de coordonner avec NRC ayant un programme pour faciliter l’acquisition d’une pièce d’identité dans la zone d’intervention. » Moniteur Oxfam 2, Gao

Inclusions - exclusions Les cas d’exclusions de bénéficiaires antérieurs pour une meilleure distribution de l’aide à l’ensemble des « pauvres » sont apparemment très fréquents. Il s’agit, pour les communautés, d’une forme de partage, qui revient à une manipulation des quotas. Les inclusions correspondantes permettent d’intégrer des « ayant-droits » considérés comme légitimes par la communauté.

« Il y a des ménages qui ont été ajoutés pour remplacer ceux qui ont été exclus. Puisqu’on ne nous a pas dit de garder les fonds pour un seul ménage pauvre, on regarde au sein du village quels sont les ménages pauvres qui doivent bénéficier. Si on voit que quelqu’un a bénéficié une fois, deux fois trois fois jusqu’à deux (2) ans, on cible un autre. » 1

er adjoint au maire, Tin Awker

« Vu que ce qui vient ne suffit pas à tout le monde on procède à une rotation pour que tout le monde puisse bénéficier. » Présidente des femmes, Tin Awker

« Non il y’a quand même des différences parce qu’on a enlevé d’abord ceux qui avaient reçu des dons pour prendre des nouveaux bénéficiaires. » Membre comité de ciblage, Ifardane

Certains membres des comités de ciblage-distribution peuvent être inclus parmi les bénéficiaires. Néanmoins, pour le cas relevé (et assumé), rien ne permet de conclure que la présidente des femmes en question ne correspond pas aux critères.

« Les bénéficiaires de cette distribution d’argent sont les pauvres également ceux qui le distribuent. » Présidente des femmes, Tin Awker

Les agents témoignent de la difficulté à infléchir cette perception communautaire de la nécessité d’une rotation des bénéficiaires, d’autant que leur rôle se limite à l’animation du ciblage, sans capacité d’intervention. De ce point de vue, la modification des critères offre une justification au fonctionnement communautaire.

« Oui parce que c’est les critères qui vont amener les changements. Nous nous sommes l’interface de la structure, nous sommes avec les communautés, les communautés entre elles-mêmes souvent elles ne comprennent pas la structure, du fait que la structure est là en train d’appuyer les mêmes personnes pendant une longue durée. Ce n’est pas que les communautés ne comprennent pas, ils n’acceptent pas à ce que ça soit la même chose quoi, je ne sais pas si vous comprenez ? Nous sommes dans les villages on connait certes la situation des uns est meilleure par rapport aux autres mais en termes d’appuis, pour certains et pour d’autres, si on appuie ces gens cette année, l’an prochain il faudrait appuyer d’autres, amené l’équité entre les gens quelques part. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Bon pour commencer comme je n’ai pas fait 2014, ça je n’ai pas fait mais j’ai fait 2015. Parmi ces choses je ne m’en souviens pas exactement mais ce qui est sûr par rapport à 2015—23016, ça c’est une observation propre à moi, d’abord comme j’ai si bien dit les critères ont été modifiés et cela a permis un peu de répondre aux attente de la communauté et de pouvoir intégrer d’autres personnes à bénéficier des appuis ça c’est de mon point de vue. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Les inclusions de certains proches des leaders (qui pour certains ont la main sur les mécanismes d’entraide au sein du village ?15) sont avérées de la part des moniteurs comme d’un élu communal.

15

Ce type d’inclusion a été analysé lors de l’étude sur les dynamiques locales ; il en ressort que les AG peuvent valider ce genre d’entorse au protocole, qui résonne avec les mécanismes internes de solidarité villageoise et fournit une réponse à la faiblesse ressentie du principe de « quota ». Cette solution communautaire face à la contrainte posée par l’ONG s’articule de fait avec les mécanismes de redistribution.

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« Il y a à mon avis (des personnes qui sont bénéficiaires et qui ne devraient pas l’être) puisque l’influence des leaders est possible même en assemblée générale. Ce sont des proches des leaders, inclus car les leaders ont une influence conséquente sur le processus, même en assemblée générale. Les chefs de fractions et les leaders communautaires sont aussi les personnes qui jouent un rôle très important de cohésion social et d’aides aux pauvres dans les fractions et villages. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Q : Est-ce qu’il y a des gens qui ne sont pas bénéficiaires mais qui devraient l’être ? – R : Oui. Ce sont des gens dont on a souhaité qu’ils soient sur la liste. – Q : Pourquoi il y a des gens qui ne sont pas bénéficiaires mais qui devraient l’être ? – R : Parce que les ressources ne suffisent pas. Le quota ne suffit pas pour la population. Il y a des pauvres qui sont restés sans être inscrits, sans être pris en compte. » 1

er

adjoint au maire, Tilemsi « Il a fallu faire des sensibilisations des leaders lors des inclusions ou exclusions liées à l’influence des leaders

par les binômes d’Oxfam. » Moniteur Oxfam 2, Gao

En cas de débat ou de litige, les leaders gardent manifestement la main. L’AG semble surtout mobilisée pour valider le profil des ménages, semble exprimer parfois des contestations par rapport aux choix des comités, pour autant sa capacité de décision apparaît très imitée et son devoir de soumission acté.

« Dans les petits villages où le nombre de bénéficiaires n’est pas important tu vas trouver que ce que le comité apporte généralement on valide. En milieu nomade aussi tu vas trouver que les gens qui sont désignés pour aller désigner les gens, vraiment il n’y pas de problèmes. C’est dans les gros villages sédentaires qu’il y a beaucoup de problèmes. Les petits villages et les milieux nomades il n’y a pas de tiraillement sur la liste. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« En cas de divergence, l’assemblée tranche et choisit, connaissance de vraies cibles par les communautés donc bon choix des bénéficiaires, par contre les leaders sont très influents même en AG. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« Le cas qui a eu ici c’est le cas de remplacement. Ce remplacement ça n’a pas été automatiquement choisi par le comité mais dans l’AG il y avait un monsieur qui demandait que les deux ou trois noms qui correspondaient soient remplacés. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Au final, selon les acteurs témoins du processus, le ciblage opéré en 2016 a assez largement modifié les listes bénéficiaires des sites.

« Donc par rapport au ciblage terrain j’ai eu l’occasion de rencontrer les communautés avec lesquelles j’ai discuté en assemblée. Au cours de ces assemblées, on a longuement discuté des critères pour dire voilà la base selon laquelle les gens seront sélectionnés. Mais cependant on a l’ancienne liste, l’ancienne liste, elle est là, elle est valable si vous le voulez, elle n’est pas valable si vous pensez qu’il y a un changement par rapport aux critères. Donc partant de là, quelque part je dirais jusqu’à 70% des fractions il y a eu quelques changements dedans. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Ils ont essayé de toucher, de changer. Par exemple : s’il y a un des bénéficiaires dont sa situation s’est beaucoup améliorée, son nom est remplacé par un autre sur la liste. Mais ils n’ont pas retranché tous les noms. Toutefois, certaines fractions restent intactes parce que les gens restent pauvres. » 1

er adjoint au

maire, Tin Awker « Je dirais 75% de renouvellement. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Les dispositifs correctifs mis en place par l’ONG sont très peu mobilisés, pour des raisons à la fois culturelles et pratiques. Le comité de plainte est perçu par les agents comme un contrepouvoir à la mainmise des leaders lors des sessions de ciblage communautaire. Mais de fait, dans le milieu de la commune de Tilemsi, la notion même de plainte est socialement dévalorisée16, et surtout dans le contexte de l’assistance. De de fait le comité de plaintes, même s’il peut être amené à gérer des contentieux en interne, ne fonctionne pas comme mécanisme de remontée d’information et de modification des listes. Le numéro vert prévu est peu efficient dans la zone pour des raisons de manque de couverture de réseaux GSM

« Le comité de plainte composé de 6 à 7 membres, ça dépend de la taille du village. Cette structure a été mises en place depuis 2014. Elle intervient dans le ciblage, dans le suivi même de toutes les activités au

16

Cf. étude sur les dynamiques locales, milieu touareg où la position de faiblesse est considérée comme une « tare » sociale, d’où le fait de se plaindre a peu de sens.

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niveau du village concernant OXFAM. Elle est permanente contrairement au comité de ciblage qui est là pour cibler le jour du ciblage. Le comité de plainte quand même c’est un truc permanent qui reçoit des formations, des appuis pour former pour mieux maîtriser son rôle et aussi qui est redynamisé chaque année quand on voit qu’il y a des membres qui sont partis, on redynamise. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Il y avait un comité de sages composé de cinq membres. Et c’est ce comité de sages qui reçoit les plaintes. C’était composé d’hommes, femmes et des jeunes aussi. Les habitants des villages ou fractions ont le droit de se plaindre. Ils peuvent écrire au comité de ciblage. Normalement ils doivent écrire au maire au chef de fraction et au comité de ciblage. Dans notre milieu, on ne les utilise même pas. On le considère comme une mauvaise habitude. Dans ce qu’on donne, les gens se contentent de ce qu’ils gagnent. Tu vas écrire à cause de 30 000 francs ou 45 000 francs, même si tu les gagnes, ça ne peut pas garantir ta nourriture de deux mois. Tu vas salir ton nom pour rien. C’est leur habitude. Nous réglons nos problèmes à l’amiable. Chaque communauté règle ses problèmes. La communauté arabe règle ses problèmes, la communauté touarègue règle aussi ses problèmes. Aussi, les gens font confiance au comité de ciblage désigné lors de l’assemblée. Et le ciblage est fait par ce comité de ciblage. Il peut y avoir un opposant qui veut dire qu’on a inscrit quelqu’un qui n’est pas pauvre, dans ce cas il peut le dire. Le numéro d’appel, il n’y a pas de réseau. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

Des VAD ont été effectuées, corroborées par plusieurs membres des communautés

« Il y a eu des visites à domicile faites par des agents OXFAM pour contrôler les ménages. Même récemment ils en ont fait. C’est pour voir la réalité sur le terrain. C’est pour savoir si les ménages remplissent les critères. Ils vérifient est-ce que ces ménages ont réellement des femmes enceintes, des enfants, des aveugles. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

Les montants distribués ne correspondent pas aux transferts prévus. Ce fait rejoint les pratiques restituées dans le cercle de Gourma-Rharous dans le cadre de l’étude sur les dynamiques locales L’échantillon limité de l’étude ne permet pas d’indiquer la proportion et les différences réelles entre théorie et pratique. Ce fait semble néanmoins avéré et pose une question plus théorique : la distribution doit-elle être considérée hors du processus de ciblage (sa finalité) ou, finalement, comme la dernière et ultime étape du ciblage ?

« J’ai été bénéficiaire du programme de 2015. J’ai reçu 50 000 francs. J’ai bénéficié d’une seule distribution. En liquidité. » H bénéf 1, Tin Awker

« J’ai reçu les 50 000 francs précédés par 30 000 francs, 25 000 francs et 5 000 francs. » F bénéf, Tin Awker « Oui un moment OXFAM a donné de l’argent. Je ne sais pas exactement, l’année dernière, un moment ils

ont distribué 50 000 francs. On a vu des gens amener des cartes. » H bénéf 1, Ifardane « Je ne me rappelle que de 2014 où quelqu’un m’a informé que J’ai reçu 25 000 francs. Il y a deux ans de

cela. Et 50 000 francs. J’ai reçu juste une seule fois en main propre et l’autre somme, je l’ai reçue à travers quelqu’un qui l’a reversée à ma famille parce que je n’étais pas là. D’ailleurs j’en ai redistribué à d’autres qui n’ont pas reçu. » H bénéf 2, Ifardane

Certains montants perçus par des bénéficiaires se rapprochent de montants de redistributions dans ce mécanisme apparemment complexe de partage. Pour exemple, un bénéficiaire apparemment dépossédé de la distribution officielle mais ayant reçu une forme de compensation.

« J’ai reçu l’argent deux fois l’année dernière, la première fois 7 500 francs et la deuxième 2 000 francs. C’est quelqu’un qui me les a apportés ici chez moi. » H bénéf 2, Tin Awker

Certains leaders communaux admettent ne pas toujours tenir compte des listes de bénéficiaires afin de « partager » les fonds des programmes entre plus de ménages bénéficiaires.

« En 2014, 9 famille ont été choisi mais si on le donne seulement à ces 9 familles les autres n’auront rien, alors nous on prend cet argent et on le partage entre toutes les familles pauvres ici, on le donne pas seulement aux 9 qui ont été choisies. Nous faisons cela parce que c’est juste une somme donnée deux fois, du coup elle n’aura pas un effet conséquent. Peu importe le nombre de famille ciblées, nous, l’argent, nous le donnons à tout le monde sinon les autres n’auront rien et c’est pour ça que je ne peux vous dire ce que chaque famille a reçu. C’est simple, nous avons reçu 750 000 francs et nous les avons distribués à ceux qui étaient là, ceux qui n’étaient pas là n’ont rien reçu. En 2015 il y a eu une autre tranche qui a été distribuée. Il y a eu une distribution pour 15 ménages. Ils ont donné à chaque ménage 50 000 francs sur les 15 ménages. Ils sont différents de ceux d’avant, chaque fois ce sont des nouvelles

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personnes qu’ils choisissent, pas les mêmes qu’avant. La commune n’a rien à voir avec ça, elle se contente juste de nous dire le nombre de ménages bénéficiaires et d’envoyer la somme d’argent, le reste nous nous en chargeons nous-mêmes ici au sein de la communauté. » Membre comité de ciblage, Ifardane

« Je connais les montants des deux tranches qu’ils ont données ici. Une première fois ils ont sélectionné des personnes à qui ils ont remis 30 000 francs chacun. La deuxième fois, ils ont pris d’autres personnes dans la fraction pour leur distribuer 50 000 francs chacune. D’autres personnes, pas les précédentes. Depuis, ils ne sont pas venus pour distribuer de l’argent. Il y a environ trois mois peut être entre les deux tranches. » Membre comité de ciblage, Tin Awker

Enfin, des entorses à la bonne gouvernance sont également dénoncées au niveau village par rapport aux communes.

« Si toutefois les dons sont attribués aux bénéficiaires d’accord on peut parler de bienfaits mais dans le cas échéant non. Je dis cela parce que nous chaque fois qu’on dresse des listes de bénéficiaires ici nous constatons au retour des listes qu’elles ont été modifiées, les noms que nous envoyons ne reviennent pas ils sont remplacés par d’autres. » Conseiller villageois, Tin Awker

« Vous savez la commune ne se préoccupe pas de la bonne faisabilité des choses mêmes celui qui apporte l’argent jusqu’ici peut le détourner et vous verrez que la commune ne va pas lui demander des comptes. Nous sommes les derniers soucis de la commune. La commune ne fait que se débarrasser de l’argent elle l’envoi juste sans avoir à se soucier du reste. » Membre comité ciblage, Ifardane

3.1.2. Connaissance – perception - acceptance a. Du point de vue des communautés Hormis les leaders les plus influents sur les processus de ciblage et quelques personnes plus ouvertes sur l’extérieur (en tout cas mieux informées), les communautés ont un niveau d’information très faible sur les programmes d’assistance, les étapes de ciblage et encore plus sur les aspects techniques de ces derniers.

« Le critère sur les femmes enceintes, non, on ne sait pas, ce qu’on n’a pas vu là on ne sait pas. Non, on ne nous a jamais informés de cela, si je le savais je te l’aurais dit, même il y’a des associations féminines ils n’ont jamais parlé de ça. » Conseiller villageois, Ifardane

Le processus de ciblage proprement dit s’inscrit en résonnance avec les communautés, pour lesquelles à la fois un ciblage est pertinent et a nécessité de « revoir » les listes également. La fréquence des ciblages correspond ainsi aux représentations des populations comme des leaders.

« Comme je vous le disais c’était quelque chose dont les communautés avaient besoin, tout ça là, la réactualisation n’a pas eu d’inconvénient par rapport à ça, il n’y a pas eu de résistance par rapport à ça. C’était quelque chose attendue, ils voulaient ça donc leur vouloir s’est réalisé. Il n’y pas eu de polémiques autour de ça. » Moniteur Oxfam, Gao

La majorité de la population se repose sur les leaders pour gérer les aspects du collectif et constituer des interfaces avec les intervenants extérieurs, notamment les ONG. Sur ce même principe de confiance dans les leaders, le processus de ciblage communautaire est accepté par l’ensemble des membres des communautés qui en ont connaissance.

« Je préside l’association des femmes de la localité. Oui je prends part à certaines réunions mais pas à d’autres. Je me rappelle de l’intervention de plusieurs personnes mais je ne sais pas si ce sont les gens d’Oxfam ou d’un autre programme, ils viennent tellement que je ne saurais comment les distinguer. » Présidente des femmes, Tin Awker

« L’assemblée choisit ceux qui ne choisiront pas les gens injustement ceux qui ne prendront pas une personne qui n’est pas pauvre et qui n’est pas en nécessité. Les membres de cette commission doivent faire preuve de clairvoyance et d’équité. Ceux sont des gens sur qui ils peuvent compter quand ils leur confient une tache. L’assemblée est ceux sur qui elle peut compter. » Conseiller villageois, Tin Awker

« Il y a deux comités dans le village et il y a 12 membres par comité. Il y a des vieux et des hommes moyen qui ne sont pas très vieux moi je suis le plus jeune parmi eux. Il y a deux comité parce qu’il y a un comité qui part en ville pour nous apporter des informations et le deuxième lui s’occupe des taches à exécuter ici. Ils sont pris parce que c’est en eux que les gens ont confiance ils sont sérieux et pour ça l’assemblée

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leur confie cette mission. Et en plus ils connaissent les pauvres d’ici. » Membre comité de ciblage, Tin Awker

Parmi les bénéficiaires :

- Ne sait rien des processus de ciblage, n’est pas au courant des comités ou des AG, n’a pas essayé de savoir sur quels critères il a été sélectionné.

« Comme je vous l’avais dit je ne connais que le critère de la pauvreté. » Mohamed, H bénéf, Tin Awker

- Ne connait que le principe d’AG, a été prévenu que le dénombrement était en cours, s’y est rendu mais n’a pas pu assister à grand-chose puisque l’essentiel était déjà fait. N’est pas au courant de l’existence du comité de ciblage.

« La population se regroupe pour décider qui doit être ciblé ou pas. » Oulamine Ag Ahmad, H bénéf, Tin Awker

- Sait qu’il y a eu une AG mais ne connaît ni le nom de l’ONG, ni le principe de comité. A fait l’objet d’une VAD « Je n’étais pas là j’étais en brousse lorsque les regroupements pour les identifications se déroulaient. » F

bénéf, Tin Awker

- Connait le nom de l’ONG mais ne sait presque rien du processus de ciblage si ce n’est le rôle des leaders. « Je connais Oxfam qui distribue de l’argent. Je ne sais pas une fois les gens ont reçu 50 000 francs chacun.

En 2014. Ils ont donné une fois. A des pauvres. Ils ont retrouvé ces pauvres à travers le choix des chefs d’ici. Ils connaissent déjà ceux qui sont pauvres. C’est dans le regroupement que ce la se fait. En 2016 ils ont pris ceux qui sont réellement pauvres et non 2014. Je le sais à travers la croissance du nombre de personnes identifiées. En 2014 8 ménages ont été identifiés or qu’en 2016 12 l’ont été. » H bénéf, Ifardane

- N’a pas été informé du processus. Suppose qu’il y a un comité mais n’en est pas sûr. Ne connaît pas le principe d’AG.

H bénéf, Ifardane

Les non bénéficiaires expriment une distance encore plus importante. Ils sont très mal informés sur tantôt le nom de l’ONG Oxfam, les montants des transferts, les critères et le principe de ciblage. Ils ne sont pas témoins des processus de ciblage, se mettent à distance car non bénéficiaires et donc non concernés, et de fait certains se montrent très réticents à être interrogés sur le sujet.

« Bien sûr j’entends parler des ONG mais ce ne sont pas mes affaires je ne me mêle pas de ces trucs. Oui je sais qu’ils viennent ici pour donner de l’argent mais je n’ai pas assez d’informations sur ça, je ne sais pas comment ils le donnent ni pourquoi ils le donnent, je ne connais pas le mécanisme de ce don d’argent. (…) Je ne suis pas au courant. Je n’étais peut être pas là à ce moment. (…) Je ne suis pas au courant. Vous posez trop de questions. » H non bénéf, Tin Awker

« Je ne suis au courant que des deux tranches dans lesquelles ils ont donné deux fois 25 000 et dès lors ils ne sont plus venus, du moins je ne les ai pas vus ici. Il y a environ trois mois entre les deux tranches. (…) Vous savez je ne connais rien sur les détails concernant cet argent puisqu’on ne m’en donne pas. Ce sont des pauvres qui n’ont rien que l’on choisit, ce sont eux qui sont la plupart des bénéficiaires ici. » H non bénéf, Ifardane »

Le système de quotas représente le problème le plus important en termes de compréhension et d’acceptance.

« Chaque année ils reviennent, ils disent il faut reprendre le ciblage mais on leur fait comprendre que chaque année on ne peut pas reprendre le ciblage. En tout cas ce sont des populations qui demandent partout de reprendre le ciblage. Tous les villages nous disent qu’ils ne sont pas d’accord que ça soit les mêmes pauvres depuis 2014 qui sont assistés, vraiment il faut reprendre il y a d’autres très pauvre aussi. Je ne sais pas maintenant qu’est-ce qu’il faut faire, est ce qu’il faut reprendre un autre ciblage ? Moniteur Oxfam 3, Gao

Le fait que le volume de l’assistance ne permette pas de couvrir tous les ménages et impose une sélection est globalement bien compris rationnellement par les communautés. Néanmoins, la question des « quotas » pose problème à deux niveaux. D’une part, certains villages ou fractions sont perçues comme plus pauvres que d’autres et plus nécessiteuses, ce qui ne semble pas pris en compte par les deux méthodes HEA (absence de ciblage géographique). D’autre part, la réduction perçue du nombre de bénéficiaires de 2014 à 2016, (18% au lieu de 33%,

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même si ces pourcentages ne sont pas connus), rend la question du ciblage encore plus sensible et induit un sentiment d’injustice… ou en tout cas d’insuffisance, et cela pour les programmes des ONG à l’étude comme pour d’autres, cf. NRC dans la commune de Tilemsi

« Les fractions sont nombreuses, je prends l’exemple de la fraction de Karbawané, il y a des sites où il y a beaucoup de pauvres mais qui ne sont pas tous touchés. Le pauvre NRC qui cible 24 pauvres de Karbawané, qu’est-ce que tu vas dire de ça ! » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

« Oxfam n’a pas couvert la population de la commune de Tilemsi, donc c’est un ciblage d’un nombre. Tu crois que 534 couvrent les besoins des pauvres de la commune de Tilemsi ? » 1

er adjoint au maire, Tin

Awker « C’est des populations très pauvres, des ménages vulnérables. En 2014 c’était des ménages très pauvres et

certains pauvres, en 2015 c’est uniquement les ménages très pauvres, parce que de 33% de la population très pauvre et pauvre on est revenu à 18% cette année. » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Ma première question est de savoir pourquoi dans une fraction de 600 habitants ou de 700 même il n’y a que 9 ou 10 bénéficiaires ? » Membre comité de ciblage, Ifardane

Les critères d’appréciation de la pauvreté Les critères employés pour définir la pauvreté dans les milieux considérés peuvent être classés en trois registres très présents aux esprits. L’insuffisance alimentaire, qui correspond à un symptôme de la pauvreté, est le critère le plus spontanément et le plus unanimement utilisé transversalement aux différents types d’acteurs : a minima ne pas pouvoir se nourrir et survivre de l’aide des autres, a maxima ne pas préparer à tous les repas.

« Oui, ce sont les très pauvres qui sont visés. Ils disent « Alfgarou» ceux qui n’ont rien du tout, c'est-à-dire même les 3 repas quotidiens ils ont du mal à suivre. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Même les populations disent « talké » c’est le terme qu’elles utilisent quand nous on leur demande, c’est quelqu’un qui n’arrive pas à se nourrir, qui n’a pas les 3 repas quotidiens pendant ces périodes de soudures, quelqu’un qui n’arrive même pas à assurer le minimum de ses frais d’ordonnance ils disent eux ils appellent ça « talka », d’ailleurs ils disent « talka bili » (très pauvre). » Moniteur Oxfam 3, Gao

« Chez les Peuls ils disent que c’est celui qui n’a pas la nourriture du jour. » 1er

adjoint au maire, Tin Awker « C’est la fraction qui les choisis, on sait qui est le véritable pauvre, il y en a plusieurs mais vous savez il y a

des pauvres qui n’allument même pas un feu pour préparer un repas ce sont eux que l’on choisit. » Membre comité de ciblage, Tin Awker

« Le pauvre, il est facile à identifier, c’est celui qui ne parvient pas à assurer même deux repas par jour et même faire la cuisine tous les jours lui est impossible. » Conseiller villageois, Tin Awker

Ensuite, des critères biologiques : le handicap, la vieillesse, ou sociaux : la veuve, l’orphelin, le déplacé. Ce second registre, assez largement détaillé correspond à des critères moraux : des personnes dans l’incapacité de travailler, en rupture, et que la communauté se doit ainsi de prendre en charge.

« Le deuxième critère c’est le fait d’être aveugle et avec charge un vieux ou un handicapé qui a une charge familiale. Je l’ai su par simple observation. Et aussi le comité qui s’occupe de la définition de ces critères. » Présidente des femmes, Tin Awker

« On regarde dans chaque grande famille les plus pauvres ou les vielles personnes, les orphelins les handicapés, les réfugiés qui sont de retour et c’est parmi eux qu’on choisisse les bénéficiaires. On n’a pas de méthodes spéciale pour ça, c’est juste qu’on les connait, ils sont devant nous, il y a des veuves. » Membre comité de ciblage, Ifardane

« La fraction a choisi les gens qui sont pauvres, handicapés, aveugles, des veuves ou qui ont des orphelins à leur charge pour leur destiner cet argent. Ce sont eux qui sont plus atteints par la pauvreté. » Membre comité de ciblage, Tin Awker

Les critères économiques sont parfois énoncés mais semblent venir plus en arrière-plan : le cheptel détenu par les ménages (et le manque de terres de pâture) est emblématique et correspond à cette région d’élevage. L’habitat et les activités non agricoles sont également cités dans ce registre de « moyens d’existence » qui semble destiner à désigner plutôt des « pauvres » que les « très pauvres », lesquels relèvent plutôt des deux registres précédents.

« Un pauvre ici c’est une personne qui n’a que deux chèvres, qui a une famille à charge, il n’a ni âne ni vache ni chamelle ni mouton et n’exerce aucune activité commerciale. » Conseiller villageois, Tin Awker

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« Pour être ciblé il faut être un pauvre qui n’a qu’une chèvre. On ne peut pas nous opposer aux critères de choix. Nous avons pris connaissance à travers Oxfam. Chez nous un pauvre c’est quelqu’un qui n’a que deux chèvres ou une chèvre. » 1

er adjoint au maire, Tin Awker

« Il y a beaucoup de pauvres ici, il y a des gens pauvres qui n’ont que 5 têtes d’animaux, eux aussi sont pauvres. » Membre comité de ciblage, Tin Awker

« Ceux qui ont perdu leurs pâturages et d’autres qui ont perdu leurs maisons à cause de la pluie. » Membre comité de ciblage, Ifardane

Le registre FEFA est accepté car il relève à la fois d’un registre moral et concret, et s’appuie sur un critère nutrition parfois spontanément restitué (nécessité de maintenir la femme enceinte et son enfant en bonne santé, éviter l’amaigrissement de la femme allaitante, etc.).

« Est-ce que vous savez que les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans doivent être dans les familles bénéficiaires ? - Oui et c’est une très bonne initiative. - Qu’est-ce que aider ces gens-là peut apporter ? - C’est pour leur entretien et ça va considérablement apporter pour cette couche de la société pour leurs soins médicaux et rehausser leur niveau de vie. » H bénéf, Ifardane

Les résultats du ciblage suscitent de nombreux contentieux au sein des communautés. Chacun valorise le mécanisme de « partage par rotation », pour autant les bénéficiaires des premiers transferts n’acceptent pas toujours d’avoir été délaissés au profit d’autres.

« Il y en a souvent qui se plaignent de la façon de faire des distributeurs mais au finish personne ne se plaint puisque tout le monde gagne. Je vous ai dit que nous ne donnons pas seulement aux familles ciblées nous donnons à tout le monde, pour cela il n’y a aucune contestation. Chaque fois que vous bénéficiez d’une somme, cela est mentionné que nous avons reçu, et ceux qui sont bénéficiaires et pauvres doivent recevoir ces dons et convenablement. » Participant aux distributions, Ifardane

b. Perception du processus par l’équipe locale L’équipe locale monte un profil plutôt ancré dans une approche « humanitaire » du programme et de la relation aux communautés.

- Niveaux d’études bac - Expérience très locale, agents/animateurs d’ONG, certains n’ont jamais travaillé hors de la zone - Approche et discours souvent technique, pour autant très marqués par le sensible, l’émotionnel, le

relationnel, l’empathie pour les personnes, le respect des règles communautaires « Pour que les ménages pauvres pris en charge puissent se relever et garder leur dignité. » Moniteur Oxfam

2, Gao « En fait on les appelle les humanitaires d’urgences c’est à dire des gens qui sont dans l’urgence

humanitaire, qui exercent des programmes d’urgence. ECHO les objectifs en fait c’est des programmes humanitaires qui sont donnés pour atténuer la souffrance des populations pendant ces temps de crise. C’est pour instaurer la dignité. Les gens sous la crise ont perdu la dignité. C’est pour aussi essayer de stimuler l’économie locale, leur apporter un peu pour que leur commerce là, les rendre viable. Et les sous là eux même ils le disent vraiment. » Moniteur Oxfam 3, Gao

Plus anxieux face à des populations peu contrôlables, parfois violentes

- L’influence des leaders semble impossible à canaliser - Et le contexte d’insécurité nourrit cette anxiété

Les membres de cette équipe, et surtout les animateurs, qui sont de fait les agents de terrain au contact des communautés et qui animent la mise en œuvre concrète des différentes étapes du ciblage, se montrent parfois critiques sur leurs conditions de réalisation du ciblage :

- Formations non systématique de tous les moniteurs - Inadéquation perçue entre les RH et le travail à fournir

« La formation qui était là et qui était nécessaire dans la présentation du projet dans sa globalité les gens ont eu à porter d’abord des questions d’amendement et de précision mais sans oublier que dans les

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critères de ciblage là, on nous fait une petite formation en HEA pour savoir la méthode, l’approche. Bon une formation mais pas une formation mais c’est une formation quand même puisque… Je dirais parce qu’une formation c’est un délai de 2 ou 3 jours pour mieux comprendre et généralement ici c’est au cours de 24 heures. On l’a faite en interne, bon, j’ai même du mal à appeler formation, bon c’est une formation, c’est vraiment une formation, en projection. C’est en français, au sein du bureau c’est en français. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Il se peut que je connaisse la fiche en tant que telle parce que toutes les fiches de terrain, nous avons possession de ces fiches mais l’expression fiche F3, ça je ne connais pas l’expression. Maintenant si vous pouvez me faire un complément d’information j’en ai besoin. Nous on l’appelle généralement la fiche du ciblage. Non seulement ils sont ciblés mais après la fiche doit être renseignée pour plus d’informations, les informations complémentaires, c’est entre le bénéficiaire et l’ONG. Cette fiche de ciblage est renseignée sur tous les sites. » Moniteur Oxfam 1, Gao

Les agents minimisent le risque de sites fictifs ou oubliés. En revanche, ils sont conscients des enjeux du dénombrement et d’une estimation au plus juste des populations et du nombre de ménages de chaque site. Dans ce contexte, ils ont conscience que la population de la commune de Tilemsi a pu être sous-évaluée dans les données officielles, et que le dénombrement (de 2014 surtout) a permis de rétablir une base plus réaliste et ainsi d’élargir la cible de bénéficiaires, vu le principe de quotas indexés sur la population estimée.

« Par rapport à ce point-là nous travaillons directement avec la communauté et nous donnons l‘avantage à cette communauté qui se connait entre elle de tenir les rênes de cet étape de ciblage. Toutes les fractions concernées existent. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Il y a eu une implication très forte de la mairie du chef-lieu du Tilemsi dans le processus ce qui minimise le risque d’omission. On n’a pas eu de cas de hameaux fictifs ou nouveaux depuis 2014. » Moniteur Oxfam 2, Gao

« En tout cas les zones que j’ai eu à faire Bamba, Gabéro je n’ai pas entendu parler des villages qui n’existent pas. Les cas que j’ai vus, c’est au moment du recensement où les populations étaient sous-évaluées ou sur évaluées ; j’ai eu à voir des cas comme ça et tout est parti du recensement exhaustif. Et là je peux même donner des exemples concrets. Par exemple la population qui était sous-évaluée dans la commune de Bamba. » Moniteur Oxfam 3, Gao

En revanche, concernant la réactualisation de 2016, selon les moniteurs, le délai imparti à cette opération complexe semble trop limité pour pouvoir réaliser un travail exhaustif. Ce caractère rapide du dénombrement en AG entraîne nécessairement, du point de vue des animateurs eux-mêmes, une faille sur deux registres, l’AG ne pouvant rassembler la totalité de la population, et les membres présents ne pouvant toujours répondre, dans un contexte d’interprétation déjà complexe de ce qui sépare les « derniers servis » des « premiers non servis » :

- De possibles exclusions par omission, - Des erreurs dans les données fournies, notamment pour les ménages non représentés et pour lesquels

l’information est délivrée par des tiers, ce qui peut entraîner des erreurs d’appréciations plus ou moins conscientes.

« Surtout le cas de Tilemsi, c’est des sites un peu éparpillés donc au cours des assemblée, ce n’est pas facile d’avoir l’information automatiquement, on va perdre un peu de temps à remplir. La représentation par site, ça on peut l’avoir, mais dire que tout le monde sera là, c’est un peu compliqué. Il y a une représentation, c'est-à-dire chaque village ou chaque hameau est représenté parce que les chefs de fraction, les conseillers vont participer à l’assemblée. Dans le cas de Tilemsi, je dis responsable parce que chaque fraction a son chef de fraction, il y a les conseillers, en dehors de ça il y a quelques leaders et là où l’assemblée se tient, les personnes aux alentours vont automatiquement participer. » Moniteur Oxfam 1, Gao

« Les erreur d’inclusion et d’exclusion là, vraiment cette année même on dit qu’il y a des gens très pauvres qui ne sont pas dedans, je dis bon tout est parti du recensement exhaustif, si la personne au moment de nous donner des renseignements de la recenser peut être elle n’était pas présente elle n’a pas été recensée, c’est une autre personne qui a donné des renseignements à sa place, il va de soi que souvent que nos information soient biaisées et qu’il y ait des erreurs comme ça, c’est ce qui arrive. Je dis, je reviens encore, au moment au recensement exhaustif là, il y avait un temps souvent c’est d’autres personnes qui viennent renseigner, qui donne des renseignements sur la famille de la personne, sur le ménage de la personne qui peut être a voyagé ou qui est en déplacement, qui est empêchée. Donc il ya tout ça et c’est la situation sociale qui sort après. Nous, on dit qu’on s’en tient à la liste de départ. Cette année il y a eu une petite ouverture, on a dit voilà si vraiment il y a des cas pertinents que chaque année

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on nous répète que vraiment c’est des…, ces gens il faut les impliquer. Cette année on a eu à prendre ces gens-là en compte. » Moniteur Oxfam 3, Gao

Nous l’avons vu, les agents sont très conscients des dérives et « failles » d’une méthodologie qui, en étant axée sur un protocole purement communautaire, laisse une très grande latitude aux leaders et offre une faible capacité des populations, y compris lors des AG, de faire valoir leur opinion. Du point de vue des agents, le niveau d’insatisfaction des populations est prégnant.

« Il est difficile de mesurer cette étape de ciblage communautaire puisque le dispositif ne parait pas très satisfaisant. Les plaintes recensées se font de bouche à oreille, généralement on le sait lors des passages des leaders au bureau d’Oxfam. Les plaintes reposent généralement sur de la jalousie entre les bénéficiaires de 2014 et ceux de 2016. Ceux de 2014 estiment être toujours dans le besoin donc certains qui ne figurent plus dans les ciblés de 2016 manifestent une frustration. Les non bénéficiaires sont généralement jaloux et frustrés puisque même dans la catégorie des pauvres tous ne peuvent être pris en charge pour des raisons de plafond budgétaire. » Team leader Oxfam, Gao

« L’autre jour j’ai vu le cas, quand on avait fini il y a certaine qui sont venues à dernière minute pour dire ah ! qu’il y avait un oubli, qu’il y avait quelqu’un parmi les 102… J’ai dit ‘’Non, c’est en AG que vous avez désigné les gens. L’AG a été tenue dans la nuit pour que tout le monde y soit, on a dit que les gens sont dans les maisons et d’attendre le soir, tout le monde, on était au clair de la lune et comment ça se fait que tu viennes dire qu’il y a des gens qu’on a oubliés ? Vous vous êtes des responsables.’’ Ce sont des chefs de quartier, des conseillers villageois. Il y avait 3 nom qu’ils voulaient changer, je dis qu’il n’en est pas question, ce n’est pas possible. Une liste qui a été dictée le jour de l’AG si le jour de la distribution on trouve que ces 3 noms ont été changés, qu’est-ce que vous allez dire ? Il y a tellement de politique autour de ça ! Ce n’est pas possible. (…) Parce qu’à la 1ere distribution, tu va trouver qu’à la distribution, tout le monde vient à la distribution bien vrai que les gens ont assisté à l’AG, à la distribution aussi les gens viennent voir ceux qui ont reçu l’argent. Maintenant à cette étape aussi il y a des gens qui viennent, ils disent voilà un tel il a bénéficié, vous dites que vos critères c’est, par exemple je prends les cas de certains ils disent les critères c’est les enfants de moins de 5ans, 2 ans, les femmes allaitantes mais un tel il fait partie de ce mot mais il n’a pas bénéficié. Nous on dit qu’ s’il n’a pas été sélectionné comment on peut savoir qu’il répond à ces critères ? Ensuite on les fait comprendre que ce n’est pas tout le monde qui peut avoir. Il y a un quota, il ya un pourcentage qu’on ne peut pas dépasser, ce n’est pas tout le monde. Peut-être c’est à cette phase là que tu peux savoir mais là aussi si tu tiens des critères ça veut dire qu’il n’y a pas d’exclusion. Le jour de la distribution les gens viennent. Tu vas voir des vieux qui viennent ils vont dire qu’eux ils sont vieux, vulnérable mais on ne les a pas choisi. Mais ce sont des gens qui ne maîtrisent pas les critères de sélection. C’est pourquoi ils trouvent que, pour eux ils sont, c’est eux qui méritent cette sélection mais qu’ils n’ont pas été sélectionnés, quand ils viennent on leur fait comprendre. Quand il y a l’argent les gens viennent et ce sont surtout les vieux. Ils viennent dire qu’ils sont très pauvres et qu’ils n’ont pas été sélectionnés. » Moniteur Oxfam 3, Gao

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3.2. Méthode « HEA Gounzoureyre » mise en œuvre par ACF 3.2.1. Gouvernance – efficacité La méthodologie de ciblage 2016 de l’ONG a été modifiée suite à l’expérience des programmes 2014-2015. Le remaniement du protocole par rapport au ciblage précédent a été formulé au niveau du siège (international).

« Je sais que le guide de ciblage a été réaménagé, le guide il a été réécrit cette année. Je ne connais pas les critères antérieurs. Je suis arrivé de Niamey fin mars donc j’ai pris le train en marche. Je sais quand même qu’un guide a été élaboré, validé par le siège de l’ACF à Madrid et qui nous a été renvoyé. C’est avec ce guide qu’on a fait pratiquement le ciblage des bénéficiaires des filets sociaux. » Chef projet ACF, Gao

L’objectif même du programme a été redéfini, d’une assistance ancrée dans l’urgence à une assistance plus ancrée dans le développement, tout en restant, dans la « doctrine », axé sur la notion de résilience des ménages et la vulnérabilité aux chocs.

« Les personnes les plus vulnérables, les ménages les plus vulnérables de la communauté tout en leurs expliquant que la vulnérabilité c’est l’incapacité de faire face à un choc. En fait quand on veut apporter de l’aide à une communauté, vous conviendrez avec moi ce n’est pas les plus nantis qu’on va aider. Donc le contexte de la zone fait que les gens ont traversé une grande crise 2012-2013 et ce sont les plus vulnérables qui ont vraiment pâti. Donc c’est un problème de relèvement des communautés, et par relèvement ce sont les plus vulnérables qu’on essaie d’assister. » Chef projet ACF, Gao

« A mon avis c’est pour lutter contre l’insécurité alimentaire parce que, si les gens trouvent pendant les trois périodes 45 000F ça peut lutter contre l’insécurité alimentaire ils pourront au moins subvenir à quelques besoins familiaux. Même si ce transfert monétaire n’a pas une longue durée, ça peut satisfaire un peu les besoins, même si ce n’est pas tous les besoins. » Animateur ACF, Gao

« La cible de ce programme, ce sont les pauvres identifiés suite à une catégorisation socio-économique dans les 13 village de la commune de Gounzoureye. Pour diminuer le taux de pauvretés, les bénéficiaires reçoivent des enveloppes les permettant de subvenir à leurs besoins et même la création d’activités génératrices de revenus. » Animateur 2 ACF, Gao

La collaboration avec les services du Développement social est engagée vers des protocoles de formalisation, encore non réalisés à date de l’étude. Pour autant, la participation des agents du DS semble effective pour une partie des opérations (ou des sites), et de fait, le chef de projet mentionne la politique nationale du Mali en matière de protection sociale, ce qui suppose une volonté d’inscrire l’action de l’ONG en cohérence avec l’action de l’Etat.

« Dans le processus du ciblage, avant même le démarrage des activités de ce projet nous avons eu à signer un protocole de collaboration avec la direction régionale du développement social de l’économie solidaire. Un protocole d’accompagnement. Parce qu’ils ne font pas qu’observer, ils apportent aussi des appuis-conseils, ils nous orientent parce que c’est eux qui connaissent la politique nationale de la protection sociale. Donc ils nous orientent dans ce sens-là. Grosso modo c’est la supervision de nos activités, c’est aussi des séances de formation. On ne l’a pas encore fait mais c’est prévu dans le programme. Il va venir nous former, on n’a pas encore défini le contenu. Ils ont été pris par le temps sinon ils voulaient l’organiser avant la première distribution. » Chef projet ACF, Gao

« Notre rôle est le suivi et la supervision des activités sur le terrain et nous sommes une interface entre les ONG et l’Etat et nous menons des séances de sensibilisation avec les bénéficiaires c’est-à-dire leur donner une idée sur l’objectif du filet social comment ils doivent gérer cet argent dans leur ménage et nous mesurons aussi l’impact de ce transfert sur l’économie de cette famille et nous entretenons également avec les comités de ciblages et de plaintes car pour une bonne identification on leur explique les cibles à identifier. » Chef de division protection sociale, DRDSES, Gao

« Le Développement social joue un rôle autre qu’observateur aux : Appui conseil sensibilisation auprès des communautés. » Agent du Développement social, Gao

Le processus de ciblage de la méthodologie « HEA Gounzoureye » mise en œuvre par ACF repose de fait sur deux étapes distinctes :

- La réactualisation 2016 du dénombrement de 2014 - Un processus de ciblage communautaire triangulé avec un traitement statistique des donnnées du

dénombrement

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Réactualisation 2016 du dénombrement de 2014 Le dénombrement exhaustif est un élément imposé par les manuels de ciblage. Il s’agit de recenser l’ensemble des ménages habitant sur un site donné, et de renseigner une base de données concernant, ainsi, la totalité de la population de la zone couverte par l’ONG. La réactualisation, dans un délai assez court après le premier dénombrement, est justifiée par la nécessité de renseigner sur l’identité des chefs de ménage (succession en cas de décès, nouveaux ménages, et donc le « renouvellement des générations ») et sur les mouvements de population, notamment du fait des mouvements de masse liés à la situation politique et climatique.

« On doit utiliser les dénombrements pour les ONG. On a fait un dénombrement en 2014, la base de données est déjà à (Bamako). C’est à travers cette base des données que nous sommes revenus pour faire l’actualisation. On a vu que pendant la crise beaucoup de personnes se sont déplacées, d’autres sont parties en exode et d’autres se sont réfugiées ailleurs. On s’est dit que peut-être il y d’autres ménages qui sont revenus. On est donc reparti dans les sites, dans ; les villages on a fait l’actualisation de la base des donnés. On était parti avec des listes, on a fait l’actualisation, c’est à dire les gens qui sont décédés de 2014 à nos jours, on les a remplacés par des mandataires c'est-à-dire leur épouse ou leur enfants. On a procédé au recensement des nouveaux ménages aussi. On s’est dit que de 2014 à 2016 il y a eu de nouveaux ménages, des jeunes qui se sont mariés. On a tenu compte de ça aussi et puis des ménages qui sont de retour. On nous demande de remplacer les personnes décédées par leur veuve ou leur fils et de recenser les ménages qui sont revenus, les chefs de ménages retournés et les nouveaux ménages encore, je crois que c’est une étape qui s’est bien déroulée. Il y a aussi le cas de binômes, par exemple les 2 noms qui se ressemblent. Deux codes sont identiques, pour ce cas on nous demande d’en supprimer un et de retenir l’autre. Il y a aussi les cas des inconnus, par exemple quand on appelle un nom les communautés disent qu’elles ne connaissent pas la personne, dans ce cas on la supprime de la liste et des bases de données. Ça, ce sont les instructions par rapport à la réactualisation. » Animateur ACF 1, Gao

« Oui, je me rappelle, tout le monde a été recensé, hommes et femmes, il se trouvait qu’il y avait deux jeunes garçons de la famille du chef qui étaient nouvellement mariés, nous les avons recensés, et même les nouveaux mariés qui étaient pris en charge par leurs parents ont tous été répertoriés et recensés comme chef de famille. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

Le dénombrement s’apparente ainsi à une enquête ménage (et de fait certains discours laissent penser un travail de type enquête individuelle). Il s’agit d’une étape d’envergure, qui mobilise un personnel important et des personnels du Développement social. Elle se déroule au niveau des chefs de fraction, et mobilise une partie de la population pour renseigner sur les ménages non présents.

« Nos agents ont sillonné toute la commune, partout où il y a ce qu’on peut appeler ‘’attroupement d’individus’’. Les agents sont avec les chefs de fractions. » Chef de projet ACF, Gao

« Lors du recensement de 2016 on a fait comme en 2014, on est passés ménage par ménage. On demandait au chef de ménage s’il y a des femmes allaitantes ou des femmes enceintes ou des enfants de moins de 5 ans, des choses comme ça. Il y avait 2 animateurs, 2 superviseurs, et peut-être 6 enquêteurs. Les 2 superviseurs, nous avons tous un rôle commun, on est chargé tous de faire le même travail, parce qu’on était répartis dans les différents villages par 2 ou 3. Il y avait des gens du développement social à cette étape, 2 ou 3. Leur travail est d’observer, de voir comment on procède à l’actualisation, si vraiment on fait un bon travail sur le terrain. » Animateur ACF 1, Gao

L’outil du dénombrement est la fiche F3, utilisée et restituée comme maîtrisée par les communautés par les agents ONG.

« La fiche F3, c’est une fiche de catégorisation socioéconomique. La fiche permet de classer les populations selon les catégories. En fait, le problème avec nos communautés c’est que beaucoup de gens ne disent pas la vérité. Sinon, si les gens répondent correctement aux questions, il n’y a pas de problèmes. La fiche permet seulement de donner l’image de la communauté à travers les catégories de la population, à condition qu’on donne les bonnes réponses. Si un nanti donne la mauvaise réponse, naturellement il va se retrouver dans la catégorie des pauvres. » Chef de projet ACF, Gao

« On l’utilise pour assurer une catégorisation socioéconomique de l’ensemble des sites. Selon le retour des agents terrain, il n’y a eu aucune remarque particulière, elle a été renseignée dans de bonnes conditions et sur tous les sites dans l’ensemble de la zone d’intervention. Selon le retour terrain les communautés arrivent à bien maîtriser les critères. » Superviseur ACF, Gao

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Les agents interviewés restituent assez clairement les registres de données enregistrées, démographiques notamment, et économiques. Le recensement des FEFA, difficile à établir en AG, mais important car correspondant à une demande spécifique du bailleur, a fait l’objet d’un volet spécifique auprès du CSCom.

« On a d’abord pris les noms des nouveaux chefs de ménages, après le prénom, il y a l’âge, il y a le code, le numéro de la carte NINA, la possession des charges, il y a si le chef de ménage possède une terre, s’il possède la terre on veut connaître la superficie. Si le chef de ménage a un numéro de téléphone on le prend. Si le chef de ménage est basé là-bas ou si pendant l’hivernage il se déplace pour amener des troupeaux ailleurs, la possession du bétail c'est-à-dire le nombre de bovins, de caprins… Après il y a aussi le nombre d’enfants, la taille du ménage, le nombre d’enfants de moins de 5 ans, le nombre d’enfants de 6 à 23 mois, les personnes handicapées s’il y en a, les personnes de plus de 60 ans. » Animateur ACF 1, Gao

« Pour les nouveaux ménages on demande le nom, l’âge, le cheptel, la taille du ménage, la surface cultivable… à l’aide des fiches de renseignements. Pour les femmes enceintes et allaitantes, l’identification a été faite au niveau CSCom et les ménages sont intégrés dans la base de donnée. » Animateur ACF 2, Gao

Les résultats du dénombrement sont restitués au niveau communal. Il s’agit à la fois de formaliser les listes (aval des élus, de la communauté), mais également de faire émerger les données erronées, d’inclusions ou d’exclusions de masse notamment. Cette étape a fourni une occasion (apparemment assez inédite) de collaboration entre les deux mécanismes de ciblage, HEA et PMT+

« Après le recensement on fait une restitution avec les communautés elles-mêmes, au niveau commune. C’est dans le but, comme d’habitude de diminuer les sites fictifs et aussi de voir ceux qui ont été oubliés, si on peut rectifier le tir, vérifiez les erreurs d’inclusion et d’exclusion. Il y a le maire et tous les conseillers sans exception, toutes les personnes ressources de la commune. Et cette réunion je l’ai faite avec le coordinateur de Jigisèmèjiri, M. Keïta. C’était sa toute première sortie sur le terrain. » Chef projet ACF, Gao

L’implication d’une large partie des communautés garantit l’exhaustivité du recensement et d’après l’ONG la fiabilité du recensement. La gouvernance du dénombrement est néanmoins remise en cause par certains, y compris des membres des comités de ciblage, deux jeunes hommes L’un d’entre eux mentionne des exclusions de masse (hameaux oubliés), l’autre des omissions individuelles (ménages « oubliés ») et un principe d’auto-exclusion en référent des ménages qui se seraient volontairement soustraits à l’AG et au dénombrement. Néanmoins, ces critiques n’ont pas été explicitées (quel hameau, quel ménage, pourquoi), par ailleurs les deux personnes en question se montrent extrêmement critiques sur le principe des quotas, cf. infra.

« Quand la base de données est arrivée on l’a comparée avec la base de donnée de 2014. Ceux qui étaient déjà là, tant mieux mais les nouveaux ménages qui ont été identifiés ont été introduits et les anciens ménages qui ne sont pas revenus ont été enlevés. Donc on est sur l’actualisation des bases de données. » Chef de projet ACF, Gao

« L’implication des communautés dans le processus est l’aspect qui écarte ces risques. Nous n’avions jamais trouvés de nouveaux hameaux ou des hameaux fictifs. » Animateur ACF 2, Gao

« Le nombre de bénéficiaire est très insuffisant par rapport au nombre de pauvres du village. Cette distribution ne fait que créer des problèmes, durant cette étape beaucoup de hameaux ont été oubliés, et les enquêteurs et les équipe d’ACF ne veulent pas le reconnaitre. » Membre comité villageois, leader des jeunes, Wabaria

« Il faut trouver les moyens d’intégrer les absents, les critères ne sont pas applicables à Wabaria puisque tous les ménages sont pauvres et c’est pour cela qu’il y a une redistribution de l’argent systématique après au sein de la communauté. Il faudrait aussi faire évoluer le nombre de ménages bénéficiaires et non le réduire. Il y a des ménages non pris en compte, ce sont des ménages non présents durant la journée et des ménages qui ne se sont pas présentés par choix. » Secrétaire comité de gestion villageois, Wabaria

Le traitement des données prévoit un calcul statistique par « formule », chaque critère étant pondéré à partir de l’analyse des données HEA. Il semble que l’équipe locale de Gao ait proposé une première formule, et que l’équipe nationale ait statué sur une pondération différente des critères. Le fait que les deux formules aient produit des listes apparemment très différentes de bénéficiaires montre l’importance des taux de pondération, et surtout l’impact de l’intégration du critère FEFA et enfants de moins de 5 ans, sur l’identification de la cible.

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« La présence des femmes enceintes, femmes allaitantes ou les enfants de moins de 5 ans pour l’appartenance à une catégorie socioéconomique, en fait avec ces données, nous avons essayé de faire une pondération. Au départ, on disait un ménage vulnérable où il y a une femme enceinte a d’office 5 points. Donc on a fait une première pondération, on a produit des listes, ensuite de Bamako on a reçu certaines instructions pour revoir les points de certains critères à la baisse. Quand on les a introduits, la liste a complètement changé. Je veux dire que la présence des femmes allaitantes, enceinte en soit n’est pas un problème mais tout dépend des points qu’on leurs attribue. Donc quand la base des données a été actualisée, comme je vous ai dit les critères concernant la présence de femmes enceintes, de femmes allaitantes, d’enfants de moins de 5 ans ou bien le nombre de têtes de bovins détenues par la personne ou bien la présence d’une moto, donc à chaque critère on a accordé des points. Ces points ont été introduits dans la base de données pour produire une liste qui catégorise les ménages en fonction de la vulnérabilité, parce que plus un ménage a des points, plus il est vulnérable, donc on a fait une liste pondérées avec ces critères-là. » Chef de projet ACF, Gao

Etape de ciblage communautaire L’ONG ne communique pas par média sur les transferts monétaires, contrairement aux autres volets (WASH) qui font quant à eux l’objet d’une campagne radio.

« On a signé une convention avec une radio locale pour diffuser le message et là c’est surtout les messages sur les pratiques d’hygiène, mais pas sur le processus de ciblage, les critères il n’y a pas eu de communication médias. » Chef projet ACF, Gao

L’ONG organise une tournée d’information dans l’ensemble des sites pour informer la population du programme, de ses objectifs et des modalités d’action. Cette activité semble également mobiliser l’équipe locale de façon conséquente. Elle est restituée par les membres des communautés comme une étape distincte, notamment des actions de ciblage et de distribution.

« Chaque localité a son comité de ciblage. Nous avons sur le terrain un animateur et un superviseur. A chaque fois qu’il y a une activité, on leur envoie l’information, ils font tout le tour de la commune. Ils doivent informer les communautés. Ils parlent la langue locale, ça fait partie des critères de recrutement. Ils partent rencontrer les gens en personne. Il n’y pas de communication par média, ni de formation. Nous levons toute une mission avec le chef de base, les responsables du programme pour aller rencontrer les communautés pour leur dire que voilà nous comptons déployer un tel projet au niveau de votre communauté. Nous leur expliquons quels sont les objectif de ce projet, quels sont les résultats qui sont attendus, quels sont les indicateurs qu’on va mesurer, qu’on va suivre durant tout le processus. On fait ça pour tous nos programmes. Ça c’est une démarche à faire. C’est fait par le chef de base, le responsable du programme, le responsable de la logistique et le chef de projet s’il est là. Moi je n’ai pas pris part à cette phase parce que je n’étais pas encore en poste. Il n’y a pas de communication sur un sujet spécial, c’est sur tout le programme. C’est une discussion ouverte. On, essaye de mettre les gens à l’aise. Comme moi je ne comprends pas la langue locale et que je suis avec des interlocuteurs qui ne comprennent pas le français, le superviseur ou l’animateur traduit ce que je dis et ils me traduisent ce que les gens racontent en retour. Au niveau communal, il n’y a pas de problème, le maire c’est un agent de la Croix-Rouge, il est agent d’ONG aussi, il parle français. » Chef projet ACF, Gao

« Les messages sont véhiculés à travers les assemblées par les équipes terrain que je supervise. » Superviseur ACF, Gao

« On est passés dans les différents sites. On a informé la communauté à travers une AG qui a été tenue dans chaque village. J’étais là-bas en tant qu’animateur. En plus de moi il y avait mon responsable du volet transfert monétaire, mon chef de projet, le superviseur, il y avait un autre animateur. Et les gens de la communauté, des jeunes, des femmes, des vieux. On avait fait les communiqués à la radio mais pas pour ça. Quand on veut aller faire l’AG on informe puisque j’ai déjà le numéro du chef du village et des conseillers, je les informe 2 ou 3 jours avant notre arrivée. Moi-même j’ai fait une information à Wabaria avec les responsable volet transfert. C’était destiné au comité, au chef du village, 3 de ses conseillers, un représentant des jeunes et un des femmes. Ça a pris un jour seulement. Ça se fait sur la base de discussions. » Animateur ACF, Gao

« On a connu les critères lors de la rencontre d’information avec l’équipe d’ACF. Les conseillers du village ont fait circuler le message au sein des quartiers. Il y a eu la présence des hommes, des jeunes et des femmes du village, du chef de village et de l’équipe ACF. » Secrétaire du comité de gestion villageois, Wabaria

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« Chaque ONG a une mission bien déterminée, quand ACF est venu ils nous ont expliqué leur mission, et nous les avons compris, après ils ont pris des gens que l’on a réunis ici à la mairie, ils ont donné du riz, du mil, de l’huile et du haricot, après encore ils ont pris ces mêmes gens et leur ont donné leurs tickets, et signé un pacte avec les commerçants. Et ce pacte consiste à déposer une somme de 40 000 francs chez les commerçants, et les bénéficiaires partent prendre ce dont ils ont besoin jusqu'à épuisement de la somme. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

La mise en place des comités de ciblage est également détaillée dans le manuel méthodologique fourni par le niveau national (en fait, le siège).

« On utilise la méthodologie de mise en place des comités, le guide méthodologique. » Superviseur ACF, Gao

Le processus ne prévoit pas de contractualisation avec les communes, mais la création d’un comité communal relativement informel, qui a pour fonction d’être une interface avec les communautés. Cf. la restitution des résultats du dénombrement au chef-lieu de commune. De fait, ce comité est très peu mentionné lors des étapes ultérieures du ciblage.

« Nous ne signons aucun contrat avec les communes » Chef projet ACF, Gao « La mise en place du comité communal concerne tous les aspects du projet mis en place dans la zone et ce

comité joue plus un rôle dans le processus d’appui aux collectivités que sur le ciblage des bénéficiaires du volet transfert monétaires. Ce comité est vraiment un outil de pilotage et de suivi du projet dans l’ensemble. La commune de Gounzoureye ne joue pas de rôle directement dans le processus ; le processus de ciblage est et se passe au niveau village et non communal. » Superviseur ACF, Gao

La méthode de ciblage par comité villageois permet à l’ONG de s’affilier la respectabilité des membres, qui garantit la validité sociale des choix de ciblage. Le comité de ciblage a ainsi une responsabilité, à la fois dans la désignation des bénéficiaires (et des inévitables arbitrages afférents, vu le système des quotas) et dans la distribution de l’assistance, afin de veiller à ce que les personnes ciblées soient effectivement les récipiendaires des transferts.

« Le comité de ciblage ou villageois joue un grand rôle dans ce genre de situation de transfert, c’est pour que les gens ne disent pas que c’est nous-mêmes les gens d’ACF qui avons ciblé comme ça les gens ou bien pris des gens comme ça à la hâte sans passer par une AG, par un comité. La fonction du comité de ciblage dans le ciblage, c’est de bien voir si le nombre des bénéficiaires a été atteint ou si le montant qui doit être remis à chaque bénéficiaire a été remis réellement. Ce sont les deux comités qui font le ciblage. C’est très bien, les communautés sont impliquées et eux-mêmes choisissent les bénéficiaires, et appréhendent mieux le processus. L’identification des ménages a eu lieu en assemblée générale au sein du village, avec les facilitateurs d’ACF. Des membres du Développement social étaient présents comme appui conseil et observateurs. La communauté est impliquée dans le processus pour s’assurer de la transparence mais aussi de l’identification de vraies cibles. Cette étape nécessite de la rigueur et du temps pour que les communautés soient unanimes sur le choix des bénéficiaires. La DRDS devra être renforcée pour prendre le lead sur ces types d’activités. Du fait de la participation et l’implication de toutes les couches sociales aucun cas d’omission n’est possible dans le processus. » Superviseur ACF, Gao

Le ciblage opéré en 2015 prévoyait la création de deux comités : un comité de ciblage et un comité de plaintes, mis en place par la même session d’assemblée villageoise. En 2016, la méthodologie a été modifiée, avec la suppression du comité de plainte et l’instauration d’un comité de ciblage en deux « bureaux », qui doivent travailler en parallèle. D’après l’équipe locale ACF de terrain, cette modification de la méthodologie a été opérée dans le but d’éviter les collusions entre les agents ONG et les leaders, ou d’une façon générale les manipulations, par effet de triangulation, de « contrepouvoirs ».

« Après cette phase on est revenu dans les différents villages pour mettre les comités en place. Cette fois-ci ACF a décidé de mettre deux comités de ciblage en place. L’année dernière c’était un seul comité, cette année ils ont décidé de faire 2 comités. On a mis les 2 comités, chaque comité est composé de 7 personnes. » Animateur ACF, Gao

« On a mis en place deux comités de ciblage pour avoir une transparence plus conséquente qu’en 2014 et ça permet de briser les complicités entre agents et communautés. » Animateur 2 ACF, Gao

Les agents ONG ont pour fonction d’informer les communautés du protocole de la session (principe d’AG, mise en place des comités, mode de ciblage) et de veiller au bon déroulement des différentes étapes. Les agents du DS sont

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présents lors des sessions de ciblage communautaire avec une fonction de supervision. De fait, le personnel du Développement Social rencontrés à Gao semble être assez distant de ce processus.

« Pendant la mise en place du comité j’étais chargé de leur expliquer brièvement ce qu’ils doivent faire et le nombre de gens qui doivent constituer le comité. Avant de constituer le comité je leur ai expliqué ce qu’ils doivent faire durant tout le processus. Dans la pratique ça s‘est bien passé, ça s’est passé d’une manière, ce jour-là moi j’étais avec un collègue. Nous avons tous le même rôle, nous sommes tous animateurs, donc nous expliquons aux comités ceux qu’ils doivent et ce qu’ils ne doivent pas faire. » Animateur ACF, Gao

« ACF et la DRDS étaient représentés comme facilitateur. » Superviseur ACF, Gao « Le rôle du développement social, il y avait un agent du développement social avec nous. Il était assis à

côté de nous, nous on observait, c’était le jour où avait lieu le ciblage. Moi je suis l’animateur là-bas, il me demandait de lui dire le nombre de bénéficiaires par site, par village et puis comment on a procédé au ciblage. » Animateur ACF, Gao

« L’agent du Développement social se rassure de la méthodologie de ciblage et fait de l’appui conseil auprès des intervenants et communautés. » Animateur 2 ACF, Gao

« Donc vous collaborez avec le comité de ciblage ? – Oui pour savoir comment le ciblage a été fait et on les supervise s’ils ont bien fait ou pas. – Pourquoi il y a deux comités de ciblage par ACF ? – Je ne suis pas au courant ça. – Cette année vous avez participé à la mise en place du comité de ciblage ? – Je n’ai jamais assisté à mise en place du comité du pilotage. – Qu’est-ce que vous avez entendu sur la mise en place du comité ? – Juste que c’est le village qui choisit. – Qui est membre du comité ? – Je ne sais pas pour cette année mais en 2015 c’était composé du chef du village, les représentants des femmes et des jeunes. » Chef de division protection sociale et de l’économie solidaire, Gao

Composition des comités Le protocole prévoit la désignation de 7 membres : chef de villages, conseillers, représentants des femmes et des jeunes, imam. Cette composition, dans son énoncé, est formulée pour garantir une forme de représentativité des diverses composantes sociales face aux intérêts des seuls leaders communautaires17 ; de fait elle semble avoir été très largement respectée. Dans les faits, le comité est déjà connu ou supposé :

- Tantôt les comités sont toujours les mêmes selon les programmes, déjà en place - Composés des leaders (chefferie et conseillers, imams, présidente des femmes, président des jeunes), donc

des désignations largement guidées par les préséances villageoises plutôt que par processus réellement « démocratique »

- Rôle prépondérant des leaders dans les modes de désignation communautaires Les modalités concrètes des désignations ont ainsi pu varier, néanmoins le profil « théorique » des comités, relativement figé, finit toujours par être respecté. De fait, la mise en place des comités s’apparente plus à une formalité plus qu’une opération « critique »

« Les personnes ayant les compétences pour assurer un rôle au sein des communautés sont déjà connues, l’assemblée générale permet juste une désignation/nomination en fonction du nombre et aussi permet de partager l’information sur le rôle de chaque membre en garantissant la représentation de toutes les couches et secteurs géographique du village. Il y a sept personnes, les femmes et les jeunes plus les leaders communautaires, un représentant religieux. La désignation a lieu en AG devant la représentation communautaire de toutes les couches. Généralement les membres sont ceux qui sont impliqués dans l’orientation et les prises de décision au sein du village et qui en ont une bonne connaissance et aussi ayant une image de bonne conduite. Des responsables avec une bonne connaissance du village, volontaires. » Superviseur ACF, Gao

« C’est les conseillers et le chef du village qui ont choisi les membres du comité. C'est-à-dire ils se concertent entre eux et ils choisissent de façon consensuelle sur la base de connaissance des gens, sur la base de la sagesse aussi, des gens qui sont respectés mieux écoutés dans le village. Au moment où ils choisissent les membres du comité nous sommes à coté, on observe. Ils ont choisi le chef du village, des conseillers, un imam, une représentante des femmes, un représentant des jeunes et un notable du village. Le protocole c’est la présence du chef du village dans le comité et puis 2 de ses conseillers ou 3 comme ça, la représentante des femmes, un représentant des jeunes, un imam, un notable du village. A mon avis personnel il n’y rien à améliorer c’est un bon processus puis que déjà le chef du village est là, 2 ou 3 de ses conseillers, un imam, une femme et un jeune. Je crois qu’il y a la représentativité donc si on me

17

L’étude sur les dynamiques locales a montré que les leaders « mineurs » que sont les présidents des femmes, des jeunes, etc., sont très souvent membres des familles de la chefferie et/ou de familles aisées et influentes, et en partagent les intérêts

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demande je dirais que c’est bien comme ça parce que ce sont les personnes-ressource du village, les personnes mieux écoutées. » Superviseur ACF, Gao

« Il y a deux comités pour ne pas être juge et partie, plus de transparence. Les membres sont désignés durant l’assemblée générale, ce sont des personnes pouvant jouer ce rôle et qui sont écoutés au sein de la communauté. » Secrétaire du bureau du comité de gestion villageois, Wabaria

« Il y a Jigisèmèjiri qui intervient- là-bas aussi. Donc eux ils ont mis un comité dans chaque village, un comité de 5 personnes dans chaque village Nous on a décidé que comme Jigisèmèjiri a déjà un comité de 5 personnes là-bas on est tenu de prendre les personnes qui sont déjà là et on les divise en deux, donc il y a trois personnes dans un premier bureau et deux personnes dans l’autre. On a exigé que le chef de village soit dans le premier bureau, accompagné de deux membres. Ensuite il faut compléter chaque groupe pour faire 7 membres. Il y a le chef du village, 2 conseillers, l’imam, un représente des femmes, un représentant de jeunes et un notable. Ça c’est la représentativité. Par l’AG ce sont eux qui font, c’est eux qui connaissent le village. Dans chaque bureau il y a soit 2 conseillers, un représentant, des jeunes. Tu trouveras que dans le 2

ème bureau il y a 2 notables et un imam. » Animateur ACF, Gao

« Le premier comité c’est les chefs de villages plus deux conseillers plus un imam plus une représentante des femmes plus un des jeunes plus un notable. Le deuxième il y a trois conseillers plus un imam plus une représentante des femmes plus un des jeunes plus un notable. » Animateur 2 ACF, Gao

« Le jour de leur arrivée, ils ont formé un comité dont je faisais partie, certains jeunes, les conseillers, ainsi que l’imam, ils nous ont réunis tous, afin que nous regroupions tous ceux ou celles qui n’ont pas les moyens. Je vous disais qu’on avait mis en place un comité, moi qui suis la présidente des femmes j’en faisais partie, le président des jeunes, l’imam. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

A Koïma, il semble que le comité de ciblage déjà en place ait de fait créé trois « sous-comités », qui représentent les composantes sociales : un groupe de conseillers, un de femmes, un de jeunes.

« Pour la confection des listes ACF informe le chef de village comme quoi ils doivent établir des listes, ils viennent avec des papiers sur lesquels il est demandé un nombre précis de personne à cibler, vous partez dans votre population vous ciblez les plus vulnérables. Les jeunes choisissent, les sages choisissent et les femmes aussi. Chaque groupe choisit de son côté et après on confronte les choix des trois groupes. Chaque groupe choisit les personnes qui lui semble les plus vulnérables. » Non bénéficiaire témoin de l’AG, Koïma

« Les conseillers les regroupent pour prendre les noms retenus. Nous avons créé 3 groupes qui établissent séparément les listes et après nous regroupons les listes et nous les vérifions après avoir remarqué les noms qui reviennent plusieurs fois dans les listes on les prend pour constituer une liste définitive. » Membre comité de ciblage, Koïma

« Nous avons fait des groupes. Trois ou quatre groupes… Il y a les gens du comité de ciblage parmi ces groupes, Je crois qu’on est 5 personnes. Il y a une femme, un jeune, deux conseillers et une personne ressource je crois bien. Le jour où il y a eu la réunion ils ont pris des gens parmi ceux qui étaient présents pour les associer à nous, membres du comité, c’est ce qui a donné naissance aux groupes. Il y a des jeunes, des femmes, bref tous ceux qui étaient présents. » Membre comité de ciblage 2, Koïma

Le travail de ciblage proprement dit suppose de passer la population en revue, selon des critères posés par l’ONG et des critères émiques (internes à la communauté et à sa perception de la pauvreté, de la vulnérabilité) pour identifier les ménages les plus nécessiteux.

« Les critères de ciblage c’est les communautés qui les définissent. » Chef projet ACF, Gao « Alors !!! Ici dans ce village nous nous connaissons tous, et même si nous savons que tout le monde est

dans le besoin, on connaît les habitudes de tout un chacun, nous donnons la priorité aux plus nécessiteux. Le village dans lequel on naît, on doit normalement connaitre tout le monde. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

Les personnels de l’ONG restituent des sessions relativement harmonieuses, les communautés procédant de façon consensuelle et autonome, sans ingérence des observateurs.

« Là où j’ai été il n’y a pas eu de discussions. Ils ont choisi les bénéficiaires de façon consensuelle entre eux. » Animateur ACF 1, Gao

« J’ai participé au ciblage de Wabaria. Les comités c’est le même schéma classique des assemblées villageoises, nous avions une représentation de toutes les couches, (femmes, jeunes, hommes, notables, conseillers…). L’assemblée s’est tenue chez le chef de village. ACF et la DRDS étaient présents, mais je ne me souviens pas si d’autres organisations étaient là aussi. Pour préserver notre neutralité nous n’avions pas pris part aux discussions entre les comités durant cette étape. » Animateur 2 ACF, Gao

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Mais dans les faits, cette apparente « neutralité » de l’ONG semble relativement biaisée par le fait que les comités disposent de la pré-liste (issue de la formule de pondération des critères) préalablement à leur sélection, là où le protocole prévoit explicitement une triangulation post-ciblage communautaire avec la liste « statistique ». Dans les deux villages, les membres des comités reconnaissent l’influence de la préconisation ONG dans leur propre sélection et leur « soumission » à la pré-liste. Le mode de ciblage devient alors plutôt une validation communautaire d’une sélection statistique, ce qui rapproche la méthode de la « PMT » (mais sur des critères et outils HEA).

« Ce sont eux qui ont fait le ciblage. On a donné une liste à chaque comité pour qu’il cible les bénéficiaires dont nous avons besoin. On leur donne la liste et ils partent cibler là où ils veulent et ils nous ramènent la liste de façon consensuelle entre les deux comités. La liste a été pondérée à base de la liste des données à travers des critères. On a amené une liste restreinte à la phase de ciblage qui a été pondérée à la base de la liste des données. Ensuite nous avons amené une liste à chaque comité pour faire le ciblage des bénéficiaires, après ils nous ramènent les fiches, ils ont déjà choisi les bénéficiaires entre eux de façon consensuelle. Et maintenant on procède au ciblage sur la liste-même. Eux ils ont leur cahier, ils partent avec les listes dont je parlais, ils vont consulter ces liste. Chaque personne signalée vulnérable, ils vont trouver le nom de cette personne dans leur cahier parce qu’ils ont leur cahier à côté d’eux. S’ils finissent de cibler les bénéficiaires ils nous ramènent les listes. Les noms qu’ils ont retenus dans le cahier, ils nous disent, nous les cherchons sur la liste et on les coche. Le quota de leur site, le nombre de bénéficiaires de leur site. » Superviseur ACF, Gao

« Chaque comité a récupéré une pré-liste et a effectué son ciblage dans son coin. Les comités ont délibéré en assemblée générale. » Animateur 2 ACF, Gao

« Les deux comités ont travaillé de façon séparée jusqu'au moment de la comparaison des listes. Les comités ont utilisé et se sont soumis à cette liste ACF. » Secrétaire du comité de ciblage, Wabaria

« Nous leur avons donné des listes. Ces listes viennent d’ACF. Ils ont reçu les mêmes listes pour faire le travail. Ils ont pris une liste définitive sur laquelle on retrouve tous les noms cochés dans la première liste qu’ACF a donnée. Ce sont ceux qui ont été sélectionnés par tous les groupes. » Membre comité de ciblage, Koïma

Cette influence n’exclut pas certaines formes de transgression La potentielle inclusion de certains membres des comités bénéficiaires pose la question entre légitimité (certains membres des comités pouvant de fait faire partie de ménages vulnérables) et « reconnaissance » moins légitime du travail communautaire. Le seul cas de superposition « cibleur-bénéficiaire » recensé par l’étude concerne une femme de 70 ans fabricante de nattes de paille, qui semble admettre elle-même la normalité de la « rétribution », sans possibilité de statuer sur la légitimité de cette situation.

« Si je prends mon cas, le fait d’être membre de ce comité, ne me permet pas d’être chaque fois parmi les bénéficiaires. Et si j’ai un privilège c’est une marque de considération de tout le village à mon égard. Et c’est le seul privilège dont je jouis. » Membre comité de ciblage, femme, Wabaria

La pré-liste peut comporter des inclusions, soit du fait de données erronées (fausses déclarations, erreurs…), soit du fait du mode de calcul, qui peut classifier comme très pauvres certains ménages non reconnus comme tels par la communauté (cf. l’impact des pondérations des variables dans la composition de la liste).

« Une grande majorité des ménages recensées sur la liste ACF sont bien les plus pauvres, mais pas tous. » Secrétaire du comité de ciblage, Wabaria

L’exclusion de bénéficiaires antérieurs pour une meilleure distribution de l’aide à l’ensemble des « pauvres » par « rotation » revient à une forme de reformulation du ciblage, de façon similaire à ce qui a été observé pour la méthodologie précédente. A noter que la pré-liste limite normalement fortement cette pratique communautaire, dont la propension est exprimée par l’ensemble des leaders.

« Bon chez nous, ce qu’ils font, c’est que chaque fois qu’une personne trouve c’est fini, on prend une autre qui n’a pas trouvé, on les prend par groupes, si hier un groupe trouve et qu’aujourd’hui il y a de nouveaux dons, on donne à ceux qui n’ont pas reçus ainsi de suite jusqu’à ce que toute la communauté en bénéficie. » Conseiller communal, Wabaria

« Ceux qui ont eu la chance de bénéficier lors de la première, deuxième et troisième fois, ont les remplace par ceux qui n’ont pas eu la chance de bénéficier même une seule fois. Il y a des gens qui n’ont pas eu la chance même une seule fois, et c’est ceux-là qui vont bénéficier cette fois-ci. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

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« L’année dernière on avait pris 100 personnes, cette année nous avons pris 50 personnes – Est-ce que parmi les gens que vous avez pris cette année il y a des gens de l’année dernière ? – Non. » Membre comité de ciblage, Koïma

On notera néanmoins une contradiction des mêmes leaders et membres des comités, qui à la fois déclarent valider la pré-liste dans sa majorité et remplacer les bénéficiaires dans leur grande majorité… de fait, des exagérations dans les deux sens, et une réalité qui doit vraisemblablement s’établir à l’équilibre entre les deux. Validation des listes Quoi qu’il en soit, le processus parvient à l’établissement d’une liste consensuelle, par définition validée par l’ONG et les comités, mais également par la communauté via les membres présents à l’assemblée. A Koïma, le travail de sélection se fait à huis-clos et la liste des bénéficiaires n’est rendue publique que dans sa version définitive, afin d’éviter les faux-espoirs et les frustrations, mais également de se prémunir contre le ressentiment des populations.

« Nous n’informons pas la population en vérité puisque nous craignons que certaines choses interviennent pour annuler leur ciblage comme par exemple si un nom est retiré de la liste. Nous attendons d’abord qu’ACF dévoile sa liste définitive. Et en plus c’est pour notre sécurité, ce n’est pas simple de prendre une centaine de pauvres ensuite venir leur dire que juste une dizaine d’entre eux ont été choisis. Cela risque de créer quelques soucis parce que c’est vraiment dur. » Membre comité de ciblage, Koïma

Au niveau villageois, le protocole choix des comités par la communauté validation des listes devant la même AG est destinée à garantir la transparence et l’adhésion

« C’est une étape qui a fait ses preuves. Ça nous permis d’éviter même la mise en place d’un comité de plainte parce que si c’est le village lui-même qui choisit ses bénéficiaires qui va se plaindre ? Grâce à cette méthode les communautés se sont senties vraiment considérés, elles ont été mises au centre de

tous les processus, c’est quelque chose qu’elles ont vraiment appréciée. » Chef projet ACF, Gao

« Transparence et validation du processus par les communautés. » Superviseur ACF, Gao « S’ils ont choisi les gens, déjà ils ont tous les noms des bénéficiaires dans le cahier chez eux-mêmes. On

leurs voilà les personnes que vous avez choisies de votre propre mais sans que nous nous intervenons. Sans que nous les agents d’ACF nous intervenons voici les gens que vous avez choisis donc on coche les noms de bénéficiaires sur la liste même, on relit les noms qu’on a cochés sur la liste en leur présence. On lit seulement les noms qu’ils nous ont dit de cocher. On lit pour savoir si réellement ce sont ces gens-là qui sont écrits dans leur cahier et à la présence du chef du village et ses conseillers et tout le comité, on lit. C’est comme ça qu’on fait. Ça se fait en présence du reste de la population. Au même moment. On précise le chef du village et les autres là partent à coté, comme ils connaissent déjà les gens du village ils choisissent les gens. L’étape suivante c’est de relire les noms entre nous et tout le monde qui est là avec même la présence même d’une partie de la population. Il y a les femmes, les jeunes et même certains handicapés étaient venus ce jour-là, des hommes de jeunes filles jeunes hommes. C’était chez le chef du village. » Animateur ACF, Gao

Formalisation au niveau des villages, pas au niveau communal. Le village est responsable en gros.

« Après ciblages, les listes sont signées déjà au niveau du village. » Chef projet ACF, Gao « Le comité villageois a une grande responsabilité dans le processus de ciblage, il est en charge du ciblage

des vrais bénéficiaires et aussi l’interface entre l’ONG et les communautés. » Secrétaire du bureau du comité villageois, Wabaria

« La liste est déjà faite, on a gardé une copie et une autre copie a été donnée aux gens d’ACF. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

L’ONG a abandonné le système de comité de plainte au profit d’un numéro vert. Néanmoins, ces deux mécanismes correctifs semblent peu efficients car peu en phase avec les pratiques communautaires.

« L’année dernière c’était 2 comités mais un comité de plainte et un comité de ciblage. Cette fois ci (l’équipe nationale) a décidé de faire 2 comités de ciblage. Ils ont dit qu’ils ont une personne à Bamako qui gère un numéro vert et qui s’occupe uniquement des cas de plainte. Elle va gérer toutes les plaintes. » Chef projet ACF, Gao

« La suppression des comités de plaintes est apparemment une bonne chose, puisque ces comités étaient pas aussi fonctionnels, même si je me demande si les communautés feront des plaintes. Nous mettons le

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numéro vert à la disposition des communautés et nous ne cherchons plus à savoir pour ne pas frustrer les communautés. Mais les gens n’ont pas la notion d’appeler pour se plaindre. On communique sur le numéro vert juste pour expliquer à quoi ça sert, et aussi le côté confidentiel des appels pour que les communautés soient bien à l’aise. » Animateur 2 ACF, Gao

A date de l’étude, le protocole prévoit des VAD, mais pas un mécanisme correctif.

« Pour l’instant le stade du projet n’a pas encore permis de définir les points concernant cette étape de visite à domicile mais normalement ce sera sur une base de 10/100. (…) en interne les plaintes sont collectées et analysées et ensuite une documentation est faite après vérification pour le respect des principes de redevabilité. Superviseur ACF, Gao

A Wabaria, le principe de quotas crée des frustrations parmi des personnes qui s’estiment nécessiteuses mais qui ne sont pas retenues comme bénéficiaires. Les plaintes sont gérées par le « social », notamment via l’espoir d’être retenu parmi les prochaines assistances. Néanmoins, au besoin si la personne ne cède pas à ces arguments de consensus, les leaders semblent prêts à exercer des formes de pression sociale pour « rappeler à l’ordre les fauteurs de troubles ».

« Ceux qui n’auront pas la chance d’être parmi les bénéficiaires, ils pourront aller se plaindre au niveau du comité de ciblage. Et nous leur dirons aussi que c’est une question de chance, selon les critères et il se peut qu’il fasse partis du lot prochain. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

« Si quelqu’un se plaint, si c’est une personne qui remplit les critères alors ils lui diront d’attendre la prochaine fois elle aura, mais si c’est une personne qui n’a pas les critères des bénéficiaires alors ils lui diront que c’est un don destiné à certaines couches de la population, pas à tout le monde. (Ce genre de réponse suffit) parce que vous savez une personne, quelle que soit votre situation, il y a toujours quelqu’un de plus pauvre et de plus nécessiteux que vous. Et avec cela le plaignant doit laisser tomber sa plainte et accepter cela. » F bénéf, Wabaria

« Bon pour les autres villages je ne sais pas mais au niveau de Kadji, quand il y en a on demande à la personne qui se plaint d’attendre les prochains dons. Chaque fois on ne cesse d’améliorer la façon de faire alors ça évolue soit pour rectifier des erreurs ou encore appliquer un nouveau truc. Par exemple si une personne dit que tel conseiller n’en fait qu’à sa tête alors on rappelle la personne à l’ordre, les semeurs de troubles on les raisonne et on essaie de les calmer afin que le travail puisse être fait. » Conseiller communal, Wabaria

La question des plaintes est très peu abordée à Koïma, et de fait, les frustrations ou les ressentiments semblent être gérés dans le privé, sans dimension officielle ou publique, et sans contentieux déclaré.

« Vous savez ici les gens ont déjà le même niveau de vie excepté quelques-uns alors des plaintes il y en a toujours mais lorsqu’ils se plaignent ils ne vont pas voir les gens qui choisissent pour leur demander des explications, ils se contentent juste d’exprimer leur mécontentement entre eux et d’ailleurs vous entendez toujours certains en parler. » H bénéf, Koïma

Les distributions de 2014-2015 sont assez bien restituées, dans le protocole et les trois transferts, avec quelques déformations néanmoins, et un total qui varie entre 100 000 et 120 000 francs selon les interviewés18.

« Le jour où ils sont revenus, ils ont appelé le chef pour informer la population bénéficiaire de se présenter avec leur carte. Alors ils ont donné de l’argent à tous ces bénéficiaires et ont enregistré toutes les doléances. Après quelques mois, on a réuni les cartes et nous les avons remises. Ils sont revenus, ils ont donné des tickets aux bénéficiaires pour aller chez les commerçants et commencer à prendre les denrées de leurs choix, après ils sont repartis. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

« A leur arrivée, ils nous ont donné chacun 40 000 francs la première fois, après 3 mois ils ont donné 30 000 francs et à la clôture, ils nous ont donné 30 000 francs en argent liquide chacun. » H bénéf, Wabaria

« Ils donnent 30 000 francs deux fois et la troisième fois ils nous ont donné 40.000. » H bénéf, Koïma « Nous en avons bénéficié 3 fois. Moi-même je n’en faisais pas partie mais mes deux enfants étaient parmi

ceux qui ont bénéficié. C’est bien trois fois que nous avons reçu les 40 000. » F bénéf, Wabaria « Non c’est 45 000 francs pour les 2 premières tranches et 30 000F pour la 3

ème tranche. Ce que fait les

120 000 par année. » Membre comité ciblage, Wabaria

18

Soit exactement comme à Diré lors de l’étude sur les dynamiques locales

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3.2.2. Connaissance – perception - acceptance a. Du point de vue des communautés Qu’il s’agisse des leaders ou des « simples citoyens », les communautés ont un niveau d’information très élevé sur les programmes d’assistance, les étapes de ciblage voire sur les aspects techniques de ces derniers. Les programmes de TM sont globalement perçus dans un objectif de résilience et d’appui aux plus démunis, avec une forme de liberté (usage discrétionnaire des fonds) par rapport à d’autres types de distributions plus ciblées (nourriture par exemple).

« Ils donnent cet argent aux gens nécessiteux pour les aider afin de pouvoir régler quelques difficultés de leur quotidien. Ils ont besoin d’être soutenus sinon leur situation risque d’empirer. Je ne sais pas comment ils disent, mais lorsqu’ils donnent cet argent c’est pendant des périodes difficiles et ça aide beaucoup les gens. H bénéf, Koïma

« Ils ont remis à tout un chacun son argent et qu’il le gère à sa guise. Ils n’ont exigé de personne une manière d’utiliser son argent, tu fais comme tu veux avec ton argent. » Membre comité de ciblage et F bénéf, Wabaria

« Selon moi cette aide est faite pour que le pauvre résolve directement les problèmes de son choix parmi ses problèmes. » Membre comité de ciblage 2, Koïma

De façon mineure, à Koïma, l’assistance financière aux plus démunis est perçue comme pouvant renforcer la résistance aux sirènes du banditisme et maintenir la cohésion villageoise.

« Absolument sinon les enfants risquent de devenir des rebelles puisque c’est la pauvreté qui pousse les jeunes à adhérer à la rébellion. Ils choisissent ces gens pour les aider pour que leurs enfants ne deviennent pas des bandits. » Membre comité de ciblage, Koïma

Le processus de ciblage proprement dit s’inscrit en résonnance avec les communautés, pour lesquelles à la fois un ciblage est pertinent et la nécessité de « revoir » les listes également. La fréquence des ciblages correspond ainsi aux représentations des populations comme des leaders. La majorité de la population se repose sur les leaders pour gérer les aspects du collectif et constituer des interfaces avec les intervenants extérieurs, notamment les ONG. Sur ce même principe de confiance dans les leaders, le processus de ciblage communautaire est accepté par l’ensemble des membres des communautés qui en ont connaissance.

« Selon moi (s’il y a un comité …) c’est pour que les pauvres soient choisis par des gens qui les connaissent pour que d’autres personnes ne soient pas choisies à leur place. C’est la majorité de la population qui les choisit. La population prend ceux qui sont considérés comme étant des personnes crédibles auprès de la majorité. » Membre comité villageois, Koïma

Parmi les bénéficiaires :

- Se souvient du dénombrement et du comité de ciblage devant AG, de choix consensuels, des données recueillies sur les ménages

« Ce sont les conseillers et leurs délégués qui s’en chargent, ils réunissent la population chez le chef et ensuite ils font le travail. Ils choisissent aussi des jeunes qui partent sillonner tous les villages environnant pour recenser et se renseigner sur la population. Ces jeunes vous demandent tout ils vous demandent même le nombre de poulet que vous avez ; ils se renseignent sur tout votre patrimoine. (…) C’est un comité qui a été mis en place pour cela qui s’occupe de la sélection des gens qui bénéficient. Et ce sont des gens qui connaissent les problèmes de notre population. Cela se passe dans une assemblée après une longue discussion et beaucoup d’échanges. Ils prennent les gens sur les quels tout le monde s’entend des gens qui sont le choix de toute la population. » F bénéf, Wabaria

- Connait L’ONG, le principe de ciblage, d’AG, de comité de ciblage et de mode de sélection avec rapprochement de plusieurs sélections, le nombre de comités, de membres du comité et l’identité d’au moins trois d’entre eux, le nombre de bénéficiaires.

« Je dis juste le don d’argent d’ACF. Ils disent juste ACF donne de l’argent. Ils savent faire la distinction entre les ONG. Ils donnent cet argent aux gens nécessiteux pour les aider afin de pouvoir régler quelques difficultés de leur quotidien. Il y a 7 personnes dans la commission qui donne l’argent. La seule

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information nouvelle dont je dispose c’est le fait que d’après certains l’année dernière ils ont pris plus de 100 personnes et cette année ça sera juste 38 personnes. Pour recenser les gens ils créent deux groupes ensuite ces deux groupes prennent les noms des pauvres, chaque rupe dresse sa liste à part. Après ce travail les listes des deux groupes sont rassemblées. Si l’on retrouve le nom d’un pauvre dans les deux liste, ce dernier est immédiatement sélectionné, si le nom d’un pauvre est juste sur une seule liste dans ce cas on vérifie si réellement il est pauvre afin de le sélectionné. Il y a également le cas où un pauvre n’est mentionné dans aucune des deux listes dans ce cas on rectifie les listes en y insérant le nom de celui ou ceux qui ont été omis. Dans le comité, il y a le chef de village, le directeur de l’école, il y a Abdoulaye qui représente le village et comme tous les autres. Je n’y étais pas, mais à chaque fois qu’il y a une assemblée et que je suis au village j’y participe. J’ai juste appris pour le renouvèlement des membres du comité pas comment ils l’ont fait. » H bénéf, Koïma

Les non bénéficiaires ont également un très haut niveau d’information, du programme, du processus de ciblage et de ses modalités, et y témoignent un certain intérêt du fait que le processus vise à assister une partie de leurs communautés. La circulation de l’information et la participation des hommes voire de certaines femmes aux événements du collectif favorise l’appropriation. Le non bénéficiaire du village de Koïma, présent lors de l’AG, est emblématique, car c’est l’une des personnes les plus au fait du processus de ciblage, quand bien-même il n’est aps concerné.

« Les gens d’ACF ils nous donnent des vivres. Cette année c’est le don d’argent. Je ne me rappelle plus de la somme exacte. Ils donnent du sucre, du poisson séché, du riz, du mil, de l’huile et du haricot et une poudre sous forme de farine. Pour les vivres c’est une seule fois mais pour l’argent ils ont donné ca pendant quatre mois je crois. Pour choisir les gens bon ce travail ce ne sont pas les ONG qui le font. Ce sont les gens de la communauté qui écrivent les noms des gens qui seront choisis pour bénéficier des dons. Ce sont eux qui sont aptes à faire ce travail ce sont eux qui connaissent la population d’ici. Ce sont ceux qui écrivent les noms des gens. Ce sont les dirigeants de la communauté et ceux qu’ils ont désigné ce sont ces gens qui choisissent. (le recensement de 2014) R : Oui bien sûr je m’en souviens, ça s’est passé chez le chef. » F non bénéf, Wabaria

« ACF ils font des distributions d’argent, 100 000 francs en 3 tranches en 2014, et 100 000 francs en 3 tranches en 2015. Il y a eu une assemblée, j’ai été informée à travers une rencontres d’information au niveau du village. Dans l’assemblée il y avait les hommes, femmes jeunes et leaders du village et des hameaux. C’était chez le chef de village. Les gens d’ACF étaient là et ont facilité les choses durant l’assemblée. C’était dirigé par le chef de village. Le rôle du comité c’est pour informer les communautés du déroulement des processus concernant le projet. Il y avait 2 comités pour avoir plus de transparence, dans le choix des bénéficiaires. » H non bénéf, Wabaria

« Je ne suis pas bénéficiaire et ne connais pas trop puisque c’est mon mari qui a eu les informations. Je pense avoir entendu la distribution de 100 000 francs en 3 tranches 30 000 plus 30 000 plus 40 000 francs en 2016, sur 2014 c’était aussi 100 000 francs. Ceux qui reçoivent sont des ménages pauvres du village désignés par les leaders. Je ne sais pas comment et je fais confiance à ces leaders pour déterminer les bonnes procédures et choisir les personnes prioritaires. » F non bénéf, Wabaria

« La fois dernière quand même ceux qui ont reçu de l’argent parlent de 30 000. Plusieurs fois, est-ce que ce n’est pas chaque trois mois ? Je ne sais pas avec précision mais cela doit varier entre deux ou trois mois. Le développement social joue un rôle capital dedans parce qu’il accompagne les gens sur comment le ciblage se fait et il conseil les gens sur le ciblage, en tout cas c’est ce que j’ai vu. Il conseille les gens pour qu’ils prennent vraiment les nécessiteux. En 2016, bon ils ont juste rappeler que c’est destiné aux pauvres et ils ont parlé d’une limite, un nombre de bénéficiaires qu’ils ne doivent pas dépasser ils ont aussi exigé qu’il y ait le numéro du mandataire et celui de la personne ciblée également le numéro de la carte NINA. Ils ont mis en place un comité qui s’occupe de la distribution et un autre qui s’occupe des plaintes au cas où il y a quelqu’un qui n’a pas perçu son argent. Bon vous savez j’imagine que c’est comme cela, puisque nous ne sommes pas bénéficiaires je ne peux pas savoir avec précision ce qui se passe. Pour la confection des listes ACF informe le chef de village comme quoi ils doivent établir des listes, ils viennent avec des papiers sur lesquels il est demandé un nombre précis de personne à cibler, vous partez dans votre population vous ciblez les plus vulnérables. Les jeunes choisissent, les sages choisissent et les femmes aussi. Chaque groupe choisit de son côté et après on confronte les choix des trois groupes. Chaque groupe choisit les personnes qui lui semble les plus vulnérables. Parfois les gens se divisent en trois groupe chaque groupe de son côté choisit et vient montrer les démunis qu’il a pu cibler. On demande à chaque groupe de lire sa liste si c’est 20 ou 30 ils lisent la liste et celui qui y trouve son nom en bénéficie. La consigne est la suivante : voilà vous avez votre village devant vous, choisissez les plus vulnérables. Il ne s’agit pas de jeunes ou de vieux quel que soit la tranche d’âge l’important c’est le statut de vulnérable. Ce sont ceux qui sont d’office retenus, pour les gens qui ont leurs noms sur juste

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une liste, alors on choisit parmi ces personnes la plus vulnérable. Il y a les conseillers du chef de village qui sont des sages alors ils connaissent tout le monde et ils veillent à ce que personne ne soit oublié. Il y a un comité, ans ce comité toutes les couches de la population sont représentées, il y a les jeunes, les femmes, les responsables du village, les marabouts, tout le monde y est représenté pour que chacun apporte sa contribution en termes de choix. Ils sont choisis en assemblée. J’ai participé à l’assemblée dans laquelle ils ont été choisis. » H non bénéf, Koima

Les résultats du ciblage suscitent ainsi peu de contentieux au sein des communautés. Le système de quotas pose néanmoins problème en termes de compréhension et d’acceptance. Il est perçu avec une certaine ambiguïté : la communauté intègre le principe d’une aide circonscrite et la pertinence de la diriger vers les ménages les plus nécessiteux (discours « raisonnable »), dans le même temps les mêmes personnes conçoivent difficilement l’équité d’un partage qui exclut des ménages aussi pauvres que les bénéficiaires, et propose souvent, de façon pragmatique, de distribuer à l’ensemble des ménages. D’où la velléité de modifier les listes de bénéficiaires selon les transferts.

« L’entraide d’ici et l’aide qui vient d’ailleurs ne sont pas les mêmes. Parce que l’aide que tu vois et sur laquelle tu comptes n’est pas comme une aide extérieur et imprévisible qui vient d’ailleurs. (Les gens acceptent l’aide qui vient d’ailleurs) bien sûr d’autant plus que les gens sont pauvres, même si l’aide vient d’aussi loin que l’Amérique elle reste une aide et elle est bénéfique puisque cela les aide, puisque si vous n’en trouver pas votre voisin va en trouver et cela vous allège les choses pour vous deux parce que souvent entre nous on s’aide. Si on vous donne 5 millions à partager vous donnerez peu à tout le monde ou bien assez aux pauvres. Que tous les gens puissent trouver, c’est mieux ici tout le monde est pauvres nous sommes dans une localité de pauvres. » Femme bénéficiaire, Wabaria

« Lorsque une somme vient au nom de tout le village, selon moi on doit le partager pour éviter les frustrés. » Membre comité villageois, femme, Wabaria

« En 2014 on a eu 100 personnes et cette année ça sera juste 38 personnes. Le problème qu’il y a c’est que les gens ont presque le même niveau de vie presque tout le monde est pauvre, il n’y a pas un grand écart entre les gens. Et c’est dur avec une population de 3 500 habitants dont le niveau est le même, choisir 20 ou 30 personnes est vraiment difficile. » Non bénéficiaire, Koïma

« C’est une bonne chose de privilégier les plus pauvres quand on ne peut pas donner à tous, mais ça crée la frustration des non bénéficiaires s’il n’y pas de sensibilisation. Mais il n’y a pas de risque puisque les plus pauvres sont épaulés par les communautés en termes de partage. » Membre comité villageois, Koïma

Les critères employés pour définir la pauvreté dans les milieux considérés sont surtout catégoriels, biologiques : le handicap, la vieillesse, les petits enfants, ou sociaux : la veuve, l’orphelin. Ce registre, assez largement détaillé correspond à des critères moraux : des personnes dans l’incapacité de travailler, en rupture, et que la communauté se doit ainsi de prendre en charge. Dans cette acception, le critère FEFA est souvent perçu comme pertinent car en soi facteur de vulnérabilité, et de fait, dans les discours, les femmes enceintes sont rapprochées des veuves et handicapés, soit des personnes « vulnérables ».

« Oui effectivement, ils nous l’ont bien expliqué, et nous en avons bien tenu compte. Ils ont demandé que dans la liste : les orphelins, les veuves il faut que leurs noms apparaissent. (Avant) ce n’était pas les mêmes critères, mais on donnait toujours la priorité aux femmes car elles sont nombreuses et beaucoup sont en nécessité. Les femmes enceintes, les enfants de moins de 5 ans et les handicapés sont des nécessiteux puisque c’est une couche de la population pauvre qui a besoin d’aide. » Membre comité villageois, Koïma

« Les très pauvres, hommes et femmes, les veuves et les handicapés. Cette année il y a plus de critères de vulnérabilité. » Secrétaire du bureau du comité villageois, Wabaria

L’insuffisance alimentaire, les critères économiques et la taille du ménage sont parfois énoncés, néanmoins, certaines personnes ont conscience que, au-delà des très pauvres, ce sont ces critères qui font la différence entre les pauvres ou moins pauvres. De façon marginale, un interviewé (très informé, Koïma) pose une définition plus holistique de la pauvreté, qui combine l’ensemble de ces facteurs biologiques, économiques et sociaux pour définir les plus nécessiteux.

« Ils donnent à ceux qui n’ont même pas le repas d’un jour. Alfoukarey les pauvres. Ils les aident pour qu’ils puissent vivre sans faire des choses mauvaises pour essayer de vivre. Ils sont venus cette année et nous avons même choisi les gens pour eux. » Membre comité villageois, Koïma

« Si vous avez une ou deux têtes de vaches ils ne vous donnent pas. » Conseiller communal, Wabaria « Ils ont juste notifié le fait de prendre des ménages où le chef a 7 à 8 membres à sa charge. » Membre

comité villageois, Koïma

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« Il y a des familles dans lesquelles vous verrez qu’il n’y a même pas une poule parce que tout ce qu’ils ont, ils le vendent ils ne cherchent pas à réserver mais juste chercher de quoi à manger. Ces gens ne sont pas dans le même cadre que leurs voisins qui ont des petits ruminants ou comme nous qui sommes des salariés, leurs caractéristiques sont qu’à longueur de journée ils sont à la recherche de quoi manger. Par exemple les femmes avaient pour activité le tissage des nattes et maintenant il n’y a plus les matières premières pour exercer cette activité qui leur permettait de gagner un peu d’argent, surtout les veuves, les personnes âgées, avant les gens s’entraidaient mais maintenant chacun s’occupe de son foyer. Le pauvre on est obligé de le voir. Il y a des gens ici qui toute leur vie n’ont pas pu construire une maison. Ils cherchent de quoi survivre. » H non bénéf, Koïma

Seul bémol, une minorité reproche l’absence de rétribution des leaders impliqués.

« Les problèmes qui surviennent sont le fait que les membres du comité laissent leurs activités dans lesquelles ils gagnent leurs vies au profit de ce travail qu’ils font pour le village (…) le chef de village n’a même pas le temps de faire son travail, c’est lui qui reçoit les gens, il ne peut plus exercer son travail. Donc ce sont des gens qui doivent être aidés puisqu’ils laissent leur travail pour s’occuper de ce travail pour le village. » Non bénéficiaire, Koïma

b. Perception du processus par l’équipe locale L’équipe locale monte un profil plutôt ancré dans une approche « techniciste » du programme et de la relation aux communautés. Certains animateurs ont des diplômes du supérieur (ex. maîtrise en sociologie, agent de santé…) et globalement l’équipe a une approche et un discours souvent techniques, maîtrise des outils, des concepts. Ils sont (très) peu critiques sur leurs conditions de réalisation du ciblage et confiants dans les objectifs, les processus, la fiabilité des opérations. Ils sont néanmoins très proches des communautés, leaders ou populations, à l’aise pour négocier avec les leaders voire imposer certaines normes, dans un contexte où les leaders sont néanmoins relativement conciliants avec les ONG. Par exemple, pour expliquer (et convaincre) convaincre sur la pré-liste injectée dans le processus de ciblage communautaire.

« Ils disent seulement que ce n’est pas tous les gens du village comme ça, mais on dit bien vrai que ce n’est pas tous les gens du village mais cette liste a été pondérée sur la base des critères dans la liste de la base des données. Quand nous leurs expliquons ça ils disent qu’ils ont compris. En réalité ils nous ont posé la question, j’ai dit cette liste a été pondéré quand j’explique ça ils comprennent. » Animateur ACF, Gao

Le critère FEFA introduit en 2016 est assez largement jugé pertinent car facteur de vulnérabilité (de la même façon que les communautés le comprennent).

« La version officielle c’est que c’est le bailleur qui nous a imposé ces critères-là. ECHO a décidé cette année que l’argent doit principalement aller aux ménages qui répondent à ces critères. C’est ECHO qui a demandé que son argent aille dans les ménages qui comportent les femmes enceintes allaitantes et les enfants de moins de 5 ans. C’est pertinent. » Chef de projet ACF, Gao

« Sinon personnellement je pense que c’est la franche de la population qui est aussi la plus vulnérable, la plus facilement touchée lors d’un choc. C’est pertinent. » Chef de projet ACF, Gao

« La nécessité d’identifier les femmes enceintes et allaitantes et les enfants de moins de 5 ans provient du fait que c’est une catégorie de personnes vulnérables dans la zone. C’est très pertinent parce que c’est des vulnérables. Les communautés ne comprennent pas facilement ce critère puisque beaucoup ne sont pas des vulnérables. Mais comprennent très bien qu’une vigilance particulière doit être portée sur les FEFA et les enfants de moins de 5 ans. » Animateur 2 ACF, Gao

« Il s’agit des ménages les plus vulnérables. Par exemple dans un ménage s’il y a une femme enceinte ou bien une femme allaitante, un handicapé ou bien des personnes âgées. Pour parler de la population ciblée, on le dit en sonrai, on dit ‘boreï yala fanti’, c’est le même terme que les communautés utilisent pour désigner la population ciblée, ça veut dire des gens qui n’ont même pas quelque chose à manger. » Animateur ACF 1, Gao

- Il est minoritairement jugé non pertinent car non discriminant et non facteur de vulnérabilité « Ce n’est pas très pertinent selon moi parce que certaines femmes enceintes et allaitantes ne sont pas

économiquement vulnérables et on retrouve des FEFA dans tous les ménages. » Superviseur, ACF Gao

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3.3. Mise en œuvre concrète de la méthode « PMT+ » 3.3.1. La gouvernance et l’efficacité des différentes étapes et leur articulation réelle 3.3.1.1. La validation de la formulation A la différence des deux autres méthodologies étudiées, celle formulée par Jigisèmèjiri ne s’ancre pas dans une expérience dans la zone. La méthodologie de l’action dans le Nord Mali a été formulée sur une base très différente de celle utilisée habituellement dans le « Sud », tout en reprenant certaines méthodes. La méthodologie de la méthode prévoyait une étape singulière par rapport aux deux autres méthodologies, validation de la méthodologie constitue l’étape charnière entre formulation et mise en œuvre. Dans le cas de la PMT+, cette validation a été opérée en deux étapes :

- La validation technique du questionnaire - La validation « politique »

3.3.1.2. La validation technique du questionnaire Un test a été réalisé en collaboration avec l’Instat à Kolokani et à Baroueli auprès d’une centaine de ménages pour tester la formule et vérifier si les scores permettaient d’identifier les ménages les plus pauvres, suivi par un classement communautaire. La version finale du questionnaire élaboré pour la « PMT+ » à Gao est ainsi presque exactement la même que celle utilisée par Jigisèmèjiri dans les autres régions, mais des variables ont été ajoutées, et notamment les critères HEA ont été étudiés à cet effet, même si d’un point de vue de la théorie, la « PMT + » se distingue de la « HEA » en considérant que les critères de pauvreté en milieu rural sont assez transversaux aux différentes régions du Mali19

3.3.1.6. La validation politique20 de la méthode L’atelier de Sévaré (juin 2016) Cet atelier a été réalisé avec trois objectifs : délivrer aux acteurs impliqués une information globale sur le programme et les étapes du processus de ciblage, obtenir la validation politique de la méthode de ciblage par ces mêmes acteurs (ce qui relève partiellement de la formulation), enfin contractualiser avec les communes et obtenir l’engagement et l’implication des mairies, ce qui relève du montage institutionnel et organisationnel.

« Sur la collaboration avec le projet, parce que le ciblage relève des collectivités, on a dit aux maires de mettre en place leurs comités de ciblage et de nous faire parvenir les documents, ça c’est les collectivités ; donc on les a formés et outillés pour ça. Parce qu’il faut qu’ils se sentent responsabilisés par rapport à ça, qu’ils prennent le projet comme leur affaire. » Chef équipe locale Stop Sahel

De fait, cet événement a rassemblé les représentants du programme (UTGFS, Stop Sahel), de l’Etat (gouverneurs de régions, préfets, services techniques dont le Développement social), des collectivités territoriales (élus de chaque commune, 1er ou 2ème adjoint au maire pour les deux qui intéressent l’étude), avec une forte tonalité officielle et institutionnelle et une couverture médiatique. Les deux ADC actifs à date de l’étude dans les communes de Gounzoureyte et Tilemsi n’ont pas participé à cet atelier car ils ont été recrutés ultérieurement. L’ADC de la commune de Soni Ali Behr était en revanche présent.

« Il y a eu la signature de protocole avec des maires des six communes, et qui a été même, je pense filmée par l’ORTM ; un représentant de chaque commune, il y a le maire, le coordinateur des filets sociaux, les gouverneurs des régions concernées parce que ce n’était pas seulement la région de Gao, il y avait Tombouctou aussi. Bon les activités, tout d’abord le coordinateur a fait un discours concernant le programme de filet sociaux Jigisèmèjiri, il y a eu des projections tout, tout, concernant même les filets sociaux ; le partenaire financier c’était la Banque mondiale et la coopération suisse, il y a eu tout ça ;

19

Entretien UTGFS 20

Le terme est employé par l’UTGFS

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après on nous a expliqué le processus du déroulement du ciblage et la responsabilité de chaque partie, de chacune des, c'est-à-dire les maires, les partenaires tels que les ONG et l’INSTAT (l’institut national de la statistique) étaient aussi présents, voilà ; il y a eu des échanges par rapport à ça ; ça a été bien déroulé, le jour de l’atelier, la formation s’est bien déroulée, on a été bien initiés et ça s’est bien passé ; Ça a duré trois jours, mercredi, jeudi, vendredi, trois jours, de 08h jusqu’à 16h et souvent à 17h. » ADC Sony Ali Behr, Gao

Un an et demi après l’atelier, les élus communaux concernés restituent clairement le point central de l’atelier, soit l’implication de la commune et son rôle par rapport au niveau villageois. Les informations plus techniques, par exemple celles délivrées par l’INSTAT concernant la collecte des données et le traitement, semblent, de façon prévisible, avoir été plus malaisées à intégrer et à retenir.

« C’est en 2 jours qu’on l’a fait. On a trouvé que c’est un très bon programme. Les régions dans lesquelles ça se passe, les résultats étaient vraiment encourageants. Ce que je retiens, le rôle de la mairie est de suivre le projet du début jusqu’à la fin. La mairie est impliquée dans toutes les structures, au niveau communal, villageois et régional, ça c’est l’engagement de la mairie. » Conseiller communal, Gounzoureye

« Je sais que la convention, c’était sur 3 ans. L’engagement de la commune, le maire s’engage sur le fait que les fonds seront gérés dans la transparence, dans la légalité. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

« Les points aisés à comprendre c’était d’abord, ce que je venais de dire, c'est-à-dire le ciblage et le rôle de chaque acteur, c'est-à-dire les maires, les agents des ONG et l’INSTAT, voilà. Au moment de la formation, au niveau de l’intervention des représentants de l’INSTAT concernant la saisie des ménages, on a eu un peu de mal, parce que c’était des… pas l’explication mais la façon même de procéder, voilà, c’était un peu flou ; Bon, les termes très techniques, voilà, mais après, avec les experts et les échanges des pauses café et autres, on a pu, moi quand-même, j’ai pu m’en sortir. » ADC Sony Ali Behr, Gao

Lors de cet atelier, les représentants des collectivités devaient signer les conventions les liant au programme. Chaque convention indiquait le nombre de ménages bénéficiaires de la commune. Or, les termes de référence de l’étude, rédigés début 2016, mentionnent que « du côté de Jigisèmèjiri il y a eu deux estimations de nombre de bénéficiaires à cibler dans le Cercle de Gao » : une estimation provenant des données issues du recensement général de la population (RGPH) de 2009, une autre provenant des données 2016 de la Direction régionale de la Planification, de la Statistique et de l’Informatique, de l’Aménagement du territoire et de la planification (DRPSIAP). Le différentiel entre les deux estimations est important : +55% de ménages bénéficiaires à l’échelle du cercle selon la deuxième estimation, et concerne particulièrement la commune de Tilemsi : +450%. Les conventions proposées aux maires lors de l’atelier de Sévaré étaient indexées sur les données RGPH. La convention de collaboration entre l’UTGFS et la commune d’Anchawadj21 (non signée) indique une pré-liste de 562 ménages pour 285 bénéficiaires finaux, ce qui correspond aux données du RGPH.

« Le quota par commune, ils ont fait ça à partir du RGPH. » Chef de mission Gao Stop Sahel « Pour les premiers ciblages, on a fait tout le tour du Mali, c’est un ciblage communautaire, mais on a déjà

une idée, en termes de communes, qui sont vraiment pauvres, avec le RGPH 2009, on a fait la cartographie monétaire du pays. On identifie des communes bénéficiaires. Ça commence donc avec le ciblage géographique. Ensuite JSJ fait des ciblages communautaires avec les relais, on fournit la liste des bénéficiaires définitifs. » Entretien INSTAT

Estimation sur la base des données RGPH de 200922

Cercle Communes Population Nombre de village

Nombre de ménage bénéficiaires calculés

Gao Anchawadj 2 412 41 285

Tilemsi 434 19 50

In Tililt 2 417 16 289

Gabéro 4 422 16 587

Gounzoureye 4 621 13 577

Soni Ali Ber 7 155 13 945

Total 06 Communes 21 461 118 2 733 Ménages

21

Nous avons pu en obtenir une copie au niveau de Stop Sahel, Gao. 22

Nous reproduisant les tableaux fournis par les agences. On remarquera que le premier considère la population en nombre de ménages, le second en nombre d’habitants, sans que le mode de calcul du nombre dee ménages soit explicité.

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Estimation sur la base des données actualisées par la DRPSIAP en janvier 2016

Cercle Communes Population Nombre de village

Nombre de ménages bénéficiaires calculés

Gao Anchawadj 25 210 38 503

Tilemsi 12 079 15 274

In Tililt 27 327 46 594

Gabéro 31 418 16 742

Gounzoureye 33 414 13 730

Soni Ali Ber 58 392 13 1398

Total 06 Communes 187 840 141 4 241 Ménages

Les quotas de bénéficiaires par commune ont ainsi été remis en cause lors de l’atelier, car les élus les considéraient comme nettement insuffisants. Les données du RGPH défavorisaient notamment la commune de Tilemsi, qui n’aurait compté que 2% des ménages, et qui dès lors ne serait vu attribuer que 50 ménages bénéficiaires (soit 2% des 2 733 prévus par Jiisèmèjiri dans le cercle sur cette base). Les conventions ont été signées, toutefois sous promesse d’une augmentation des quotas.

« La convention est signée par le 1er

adjoint au maire. Moi-même, j’ai signé ça à Sévaré mais avec des conditions. J’ai dit si l’ONG accepte un nombre pour la commune de Tilemsi qui a 22 000 habitants, je vais signer. Au départ on avait 50 bénéficiaires. J’ai signé devant le gouverneur de la région de Mopti, les représentants de Gao et celui de Mopti. Les représentants de la région de Gao, devant le préfet du cercle de Gao et celui de Mopti. Les représentants des ONG aussi y étaient. J’ai dit que je ne signe pas tant qu’ils n’ont pas tenu compte de la situation de la commune de Tilemsi. Ils ont garanti qu’ils vont augmenter. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

« Le problème qu’on a évoqué, c’était le quota des bénéficiaires. C’était très faible. » Conseiller communal, Gounzoureye

Les documents officialisés ont été remis aux mairies conformément au protocole prévu. Néanmoins, rapidement, l’arbitrage est opéré pour l’estimation de population de la DRPSIAP, qui a sensiblement modifié les quotas de bénéficiaires par commune et par village, et qui, sur ce point, a rendu caduques les conventions signées avec les mairies. Les élections communales de 2016 ont entrainé des renouvellements de bureau communal (Tilemsi). De fait, ces documents ne sont plus tellement utilisés, ils sont potentiellement archivés, pour autant l’engagement pris par les communes n’a pas été remis en cause (d’une certaine façon, l’accord continue même si le support n’est plus très important).

« Ils ont rendu la convention au maire principal sortant. Ils sont partis avec les documents et après ils les ont remis au maire sortant après une ou deux semaines. Je ne sais pas si le nouveau maire a la convention. (…) Pour nous aujourd’hui, il n’y a même pas de convention car ce n’est pas respecté. » 1

er adjoint au

maire, Tilemsi

3.3.1.4. Les comités de coordination au niveau région et cercle Le comité régional, qui implique notamment le gouverneur et les directions régionales des ST, n’a pas été créé, le programme n’étant effectif que dans un seul cercle.

« Normalement si le niveau régional était fonctionnel, il devrait faire une circulaire au niveau du gouvernorat pour dire au gouverneur aussi de prendre un acte pour la mise en place du comité de coordination régionale, parce que la coordination régionale, ça c’est le gouverneur ; et le comité de coordination locale, ça c’est le préfet ; il y a le gouverneur et il y a le préfet ; Bon au niveau gouvernorat je ne saurais vous dire grande chose parce que je n’ai pas un contact direct, donc vous voyez un peu, donc je ne pourrais pas vous dire grande chose. » Chef équipe locale Stop Sahel

Si l’absence d’une coordination régionale peut s’expliquer par le fait que le programme actuel de Jigisèmèjiri est effectif uniquement au niveau du cercle de Gao, celle du comité de coordination local semble plutôt liée à une faible implication des acteurs locaux. Ni le gouverneur, ni le préfet, ni les services techniques ne semblent réellement impliqués, bien que ces acteurs aient été présents à l’atelier de Sévaré. Hormis les personnels de Stop Sahel, les seuls actifs sur le terrain sont les élus et les leaders villageois.

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« Je vais avec le chef de service dans les formations, nous, nous faisons l’atelier ; l’unité technique de Jigisèmèjiri organise ses formations à Sévaré, donc à chaque formation, l’unité technique envoie les TDR techniques à tous ces services techniques, deux semaines avant et ils prennent part aux formations ; maintenant après, depuis juillet 2016 ce comité devrait voir le jour mais jusqu’à présent non. Hier j’ai fait une mission avec le chef de service local parce que l’ancien est parti à la retraite, mais le nouveau m’a dit qu’il va essayer de redynamiser, qu’il va tout faire pour que ce comité voie le jour dans un bref délai. Ce comité, normalement avec une décision du préfet ; le préfet doit prendre un acte pour donner une base juridique à ce comité. » Chef équipe locale Stop Sahel

« Oui, normalement les comités dont je vous ai parlés, le comité de coordination local ; ça c’est le développement social. Ça c’est un organe qui n’a jamais vu le jour à Gao. Ensuite, il y a comité de coordination régionale. En tout cas je n’en ai pas connaissance. L’atelier qu’on a eu en Juin 2016, on l’a fait. On avait même donné un délai aux gens d’envoyer une composition des organes qui sont parties prenantes du projet. Jusqu’à présent, pour le cas de Gao, aucun comité n’a vu le jour. » Equipe Stop Sahel Gao

Or, les comités de coordination ont des fonctions définies par le protocole. Ils jouent d’une part un rôle institutionnel, juridique, de validation formelle des documents produits (listes, PV, compte-rendu), et ainsi du processus de ciblage. Ils participent d’autre part à la planification des activités prévues par le volet accompagnement.

« Présentement je peux vous dire que le comité n’a pas encore vu le jour ; parce que moi je travaille beaucoup plus avec les chefs de services, parce que normalement c’est ce comité qui est chargé d’approuver notre rapport d’activité avant sa transmission à Stop Sahel à Bamako, ensuite Stop Sahel transmet à son tour à l’unité technique. De plus, notre programmation trimestrielle d’activité aussi on doit soumettre ça à l’appréciation du comité, parce que moi je dois faire une présentation en plénière du rapport et défendre le rapport ; c’est juste une rencontre d’à peu près quinze à trente minutes qu’on doit faire mais normalement la convocation, ce n’est pas à l’initiative de l’ONG, normalement ce sont les services techniques qui doivent faire ça ; dans chaque formation ils sont formés, ils sont outillés mais l’application ça c’est autre chose. Donc le plan d’action, l’ONG, les activités qu’on doit faire pour le trimestre, ils doivent aussi à approuver notre rapport d’activité ; donc c’est ça le rôle un peu du comité. » Chef équipe locale Stop Sahel

Le directeur régional du Développement social a apparemment eu un rôle actif dans la mise en œuvre du ciblage, tout au moins à ses étapes initiales. La personnalité du directeur local du Développement social semble avoir influé sur la faible participation au niveau plus infra. A date de l’étude, un changement de personnel semble augurer d’un plus grand dynamisme dans la mise en œuvre du comité au niveau cercle.

« Le directeur régional, a presque participé à tous nos ateliers depuis le lancement ; or le préfet je n’ai pas le souvenir qu’il ait participé même à un atelier communal ; mais il est quand même au courant du projet. (…) Le nouveau responsable local du Développement social s’est engagé quand même à ce que le comité voit le jour et il devrait être mis en place dans un bref délai, hier même, on était ensemble à Anchawadj, on a fait une mission ensemble et il m’a rassuré quand même que dans un bref délai, ils vont mettre en place ce comité ; donc ça c’est le niveau local. » CM SS

3.3.1.5. La communication institutionnelle du programme Le programme a été communiqué à travers des messages radiophoniques, conformément au protocole, mais de façon apparemment très limitée, et ne permet pas de véhiculer une image claire du programme ni du ciblage. Les informations pertinentes circulent plutôt au gré des réunions, formelles ou plus informelles, et par les leaders, qui peuvent à titre personnel informer certaines personnes de leurs villages.

« C’est à travers les radios privées. Agar, Annian et Adrakoïma. Les messages sont en sonrai. Mais les informations, bon, généralement c’est dans les grins. » Adjoint au maire, Wabaria

3.3.1.6. Mise en place des comités communautaires Le dispositif prévoit une formation au niveau communal et la mise en place de deux types de comités, aux attributions hiérarchisées :

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- le comité communal, présidé par la mairie, avec une fonction de pilotage des activités de ciblage au niveau villageois, et de validation des actes de nature juridique (PV, listes)

- un comité villageois mis en place suite à une information par le comité communal, chargé de la mise en œuvre effective du ciblage, et qui doit rendre compte à ce même comité communal.

« Maintenant il y a le comité aussi de ciblage, les comités communaux de ciblage et le comité villageois et fraction de ciblage (…) Nous avons une convention de collaboration avec toutes les ma iries, toutes les collectivités ; donc ils ont signé les conventions, d’ailleurs la mise en place de ces organes au niveau local relève de la responsabilité des collectivités. Qui doit faire partie, ils savent ça, ils ont été formés et outillés pour ça ; qui et qui doivent figurer dans le comité communal et qui et qui doivent figurer dans le comité villageois de ciblage et de fraction de ciblage, parce qu’il y a les villages et les fractions. » Chef équipe locale Stop Sahel

a. Mise en place des comités communaux et formations communautaires Les six comités communaux ont été mis en place suite à l’atelier de Sévaré. Le chef de mission de Stop Sahel et le directeur régional du Développement social ont pris une part active à cette étape « fondatrice » au niveau communal (participation à toutes les formations). Ces formations semblent s’être déroulées de façon conforme aux attendus, en présence d’élus, de représentants de la commune et de délégations villageoises, représentant chaque localité ou fraction. De la part des élus eux-mêmes, la présence des représentants de l’Etat dans a commune de Tilemsi est peu probable vu les relations politico-sécuritaires de la commune. Cette étape est validée par un PV authentifié par la mairie, qui ensuite suit le canal de transmission, et est entre autres conservé au niveau de l’ONG locale.

« Stop Sahel avait le mandat de conduire les opérations de ciblage communautaire. Il fallait d’abord former, organiser les ateliers communaux pour expliquer d’abord ce qu’est le ciblage, le comité. Pour cette étape j’ai organisé six ateliers communaux avec le développement social comme co-facilitateur, j’étais avec le directeur régional et ainsi que le chef de service local, donc ensemble on avait organisé ces ateliers pour expliquer aux communautés comment mettre en place les différents comités de ciblage et leur composition. » Chef équipe locale, Stop Sahel

« On a fait 2 ateliers de formation, je pense. C’est l’équipe qui faisait la formation. Il devait y avoir aussi un agent du développement social. Je crois que le préfet était venu. Il y a le maire. Je crois que c’est le comité communal qui chapeaute, même le programme au niveau du ciblage en relation avec les comités villageois. Je crois que c’est 7 personnes, le maire, le secrétaire général, deux représentants de chaque chef de village… On ne choisit pas, on leur communique l’information et ils envoient quelqu’un. Le comité communal chapeaute au niveau communal et il véhicule les informations au niveau du comité villageois. » Conseiller communal, Gounzoureye

« Avant le comité villageois, il y a eu un comité communal, avec 7 membres. Il y a eu une formation. La formation a eu lieu à Tin Awker même. Il y avait des gens de Stop Sahel. Je ne me souviens plus si le Développement social était là. – Est-ce qu’il y avait le préfet ou le sous-préfet ? – Tu crois qu’ils vont oser venir à Tin Awker ? Il y avait le maire, les membres du comité communal et les membres du comité villageois ? » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

« C’est lors de la formation qu’on a fait part du comité communal. Le bureau communal notamment le maire, les 3 adjoints et le secrétaire général. Je n’ai pas vu Stop Sahel, mais Djigisémi était là, c’est eux qui ont fait la formation. (…) Donc dans chaque village, ils ont pris une personne plus le bureau communal. C’est les partenaires même qui ont fait la formation. » Membre comité villageois 2, Wabaria

La formation des comités communaux et des délégations villageoises a ainsi été effectuée par les représentants du programme (ONG de mise en œuvre et Développement social) devant les représentants communautaires prévus. L’information a porté sur la mise en place des comités villageois (nombre et types de personnes), la fonction du comité, le nombre de personnes à identifier et les critères (notamment, l’exclusion des bénéficiaires des autres programmes d’assistance). Le principe de liste préliminaire plus importante que la liste finale est explicité et a bien été intégré lors de cette étape.

« L’agent devrait expliquer à chaque commune, d’abord dans ta commune en ciblage préliminaire, nous avons besoin de telle nombre de personne ; 1 245 pour Gounzoureye par exemple, c’est ces 1 245 qui ont été répartis entre tous les village en fonction de la population » CM SS

« On demande de faire une liste qui dépasse le quota. Par exemple, chez nous, le quota est 730. Mais, les personnes ciblées peuvent aller jusqu’à 1000. Les enquêtes que l’ONG va mener, c’est ce qui va réduire

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les gens jusqu’au quota normal. Je crois que l’ONG doit corriger avec un nombre. Ce n’est pas le comité qui prend des gens mais, on leur demande de choisir tel nombre. Le comité prend exactement le nombre. On leur dit que c’est provisoire. » Conseiller communal, Wabaria

« Il accompagne aussi, le service technique, oui parce qu’ils sont partie prenante du projet ; parce que le comité de coordination locale, ils doivent être représentés, eux ils sont partie prenante. Stop Sahel c’est comme si on arbitre, nous on ne fait que s’asseoir et voir, si ça ne se fait pas dans les règles de l’art on va dire ‘’non mais attendez ce n’est pas comme ça que ça doit se faire’’, donc nous on reste comme ça. » Chef équipe locale, Stop Sahel

Les membres du conseil communal assistent à la formation des délégations villageoises sur le ciblage communautaire. L’indépendance des choix communautaires villageois face à une pression des élus communaux est clairement explicitée. Le rôle de la commune est d’être relai d’information, garant des procédures, mais sans intervention dans la sélection des bénéficiaires potentiels.

« Le maire n’a rien à avoir dans le ciblage. Le maire explique et donne les critères de choix c’est tout. Maintenant il appartient à chaque couche de choisir ses représentants à qui ils ont confiance. Donc les jeunes choisissent leur représentant, les femmes, les conseillers ainsi de suite. Dans chaque village, c’est le chef du village et les autres membres du comité à savoir un imam, un jeune, une femme, deux ou trois sages et deux ou trois conseillers. Ça dépend des villages, certains sont composés de 7 membres, d’autres 8 ou 9 membres parce qu’il y a des villages qui demandent deux jeunes leaders, deux conseillers ainsi de suite. Même après le ciblage les membres des comités font le compte rendu pour l’approbation de tout le monde. » Adjoint au maire, Gounzoureye

Plusieurs membres des comités, peut-être rétrospectivement vu la complexité du processus de ciblage au global, préconisent des formations plus poussées et auprès de plus de membres des villages.

« Par exemple la formation, on a fait un seul de jour. Je pense il fallait au moins une semaine parce que les gens n’ont pas la même compréhension. Certains comprennent vite d’autres ne comprennent pas vite. C’est vrai que les gens sont responsables mais un jour est vraiment insuffisant. » Membre comité villageois 2, Wabaria

« Moi j’aurais aimé avoir une formation, je ne suis pas au courant de tout. » Membre comité villageois 1, Wabaria

b. Mise en place des comités villageois et pré-ciblage communautaire Le comité villageois quant à lui est mis en place (selon les personnes interrogées) par les chefs de village et de fraction. Les modalités de constitution des comités de ciblage sont connues : un représentant femmes, un jeune, imam et conseillers. Mais les comités semblent comprendre essentiellement des conseillers villageois ou de fraction. La présence des services du Développement social n’est pas évoquée. Stop Sahel est représenté par l’ADC. Une grande disparité existe au niveau du nombre de membres qui doivent composer les comités de ciblage. Les membres sont parfois cinq et d’autres fois sept. Les personnes interrogées ne semblent pas toujours savoir le nombre exact de membres. A Wabaria , le comité a été composé de la chefferie, des conseillers, d’un imam, d’une femme, d’un jeune. A Koima, le comité a été composé de trois conseillers, d’une femme et d’un jeune. A tin Awker, il a été composé de deux conseillers de fraction, d’un notable, d’une représentante des femmes et d’un représentant des jeunes. Ces personnes semblent être assez largement mobilisés pour les différents comités (cf. le recours aux mêmes personnes par ACF)

« Nous étions 7. C’est moi qui ai été choisi par la jeunesse. il y a une association des jeunes du village qui a un bureau. On a demandé à la jeunesse d’envoyer un représentant. Chacun joue son rôle. Par exemple le représentant des jeunes dans le comité a comme rôle de faire le compte rendu aux jeunes. Dans notre village, c’est le même comité pour toutes les ONG. C’est le même comité qui fait tous les ciblages.. » Membre comité villageois 2, Wabaria

« Chacun des 13 villages de la commune a son comité. Les membres ont été désignés parmi les responsables du village. Les femmes, les hommes, les jeunes, les imams, tous étaient là ce jour. Toutes les règles ont été appliquées. » Femme, membre comité villageois 3, Wabaria

« C’était lors d’une assemblée générale de tout le village. Chez le chef de village lors d’une assemblée. C’est le comité villageois qui invite tous les villageois qui doit mettre le comité sur place, environ 5 ou 7 personnes. Dans notre village, c’est le même comité pour toutes les ONG. Je suis membre du comité de ciblage en tant que représentant du chef de village. C’est un comité de ciblage qui est mis en place,

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composé du conseil de village et de l’ONG, des femmes, des jeunes et même l’imam souvent pour la fiabilité. Il y’avait deux agents de l’ONG. » Membre délégation villageoise, Wabaria

« A la commune le préfet n’était pas présent, pour le développement social je ne sais pas, mais Stop Sahel à participé, avant la mise en place du comité villageois. Je suis parti avec des représentants des jeunes, des femmes et quelques conseillers du village. Pour le comité villageois, ce sont les femmes qui ont proposé leur représentante, et les jeunes aussi ils ont donné leur représentant, et moi je propose les conseillers du village. » Membre comité ciblage, Koïma

« C’est le conseil de fraction qui a choisi les bénéficiaires. Les 5 membres, c’est des gens crédibles. » Conseiller communal, Tilemsi

L’objectif de l’AV/AG a toujours été communiqué et est connu des membres du comité. Pour autant, ce premier ciblage n’est pas toujours réalisé en plénière. Les comités de Wabaria et Tin Awker ont choisi de délibérer à huis-clos et ensuite de présente les listes aux communautés, dans les faits une assemblée parfois restreinte, afin d’éviter les conflits. A Koïma, les différents membres ont apparemment mené une réflexion avec des membres de la communauté avant de faire des proposition au comité, puis à nouveau de rendre compte à leurs « administrés »

« Ce n’est pas en assemblée générale parce que le comité travaille de côté ensuite fait le compte rendu à la commune. Ça a des avantages. En en revenant à la base pour donner l’information du coup tout le monde est au même niveau d’information. Donc cela va nous épargner de contestation sur le choix des bénéficiaires. Car certains pensent que c’est le jour des dons même que les bénéficiaires ont été choisis. Alors en donnant l’information à temps ça peut éviter ces contestations. » Membre comité de ciblage, Wabaria

« Toutes les couches sont représentées. Comme ça en cas de difficultés, chaque couche peut facilement interpeller son représentant. » Femme, membre comité ciblage 3, Wabaria

« C’est toujours le chef de fraction et le comité qui ont choisi les noms ; » Membre comité de ciblage, Tin Awker

« Le conseiller valide ses propositions avec le quartier avant d’aller au comité de ciblage. Et une fois la liste établie, chaque conseiller la partage avec son quartier. » H bénéf, Koïma

« Chaque quartier a son quota, et chaque responsable de quartier choisi ce nombre parmi les personnes vulnérables du quartier. Ensuite c’est à lui d’informer les personnes qu’il a choisies. » Femme membre comité de ciblage, Koima

Les élus communaux suivent d’assez près cette étape, dans le chef-lieu de commune voire dans d’autres villages. Un élu de Gounzoureye rencontré déclare s’être rendu à plusieurs sessions dans sa commune pour « inspecter » les procédures concrètes, ce qui traduit une implication importante dans le processus (ou un désir de contrôle ?). Les sessions sont systématiquement animées par un agent de Stop Sahel, potentiellement accompagné d’un agent du Développement social, mais les interviewés identifient souvent mal les personnes extérieures à leurs communautés, et le questionnement a été effectué 16 mois après le travail des comités, qui rend les restitutions parfois floues. L’ADC saisit la liste des bénéficiaires sur tablette, sans s’immiscer dans les choix des ménages opérés par les comités.

« Bon une fois le Développement social, ils sont venus faire des dons ici. A part ça je ne sais pas trop. (…) Je ne sais pas parce que tous les agents qui viennent dans ce cadre on les appelle les agents de Djigisémi. Même si les agents du gouvernement viennent ou autres on les appelle agents de Djgisémi. » 2

ème adoint

au maire, Wabaria « Ils ont fait les listes l’établissement des listes des bénéficiaires. Un ADC de l’ONG est présent, mais il

n’intervient pas, il est juste là pour accompagner et expliquer le processus, l’accompagnement technique. L’agent doit même être basé dans le chef-lieu de la commune, voilà, pour expliquer le ciblage ; maintenant l’établissement des listes des bénéficiaires, donc on avait des Smartphones, chaque agent avait un Smartphone pour saisir les listes. » Chef équipe locale, Stop Sahel

« C’est des rencontres qu’on a faites. Ils travaillent essentiellement dans la langue en sonrai. Il y a des villages dans lesquels il y a un lieu public, d’autres fois, c’est chez le chef de village. J’ai assisté à une assemblée de ciblage à Arhabou, un village. Je suis parti et je voulais réellement connaitre si les prescriptions données sont respectées. Il y a toujours un agent de Stop Sahel mais pas le Développement social. » Conseiller communal, Wabaria

Alors que le programme prévoit une rétribution des membres des comités communaux et villageois, il semble que les défraiements ne soient pas fournis, ce qui soulève des protestations (peu exprimées par les interviewés eux-mêmes, mais restituée par les ADC avec qui ils sont en contact).

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« C’est la motivation, parce qu’à chaque fois ils disent qu’on fait des animations, on ne donne pas de motivation, donc ça les décourage souvent. Concrètement ça veut dire qu’après chaque séance, ils veulent les frais d’essence, des perdiem. A chaque fois ils disent ‘Jigisèmèjiri ne nous donne rien, ils nous convoquent seulement, on fait des réunions, on ne trouve rien’. Ils le réclament même parce qu’à chaque fois ils nous disent que ‘cette ONG pourrie nous convoque et ne nous donne rien’. » ADC Gounzoureyre, Gao

« Tout le monde a besoin d’aide. Toi-même si tu n’avais ton transport, tu n’allais pas pouvoir faire ce travail. De même ceux qui laissent leurs occupations personnelles pour la cause du village doivent être aidés. Sans motivation notre travail ne saurait perdurer. » Femme, membre comité de ciblage 3, Wabaria

c. Validation communale des pré-listes villageoises Les listes villageoises sont normalement réceptionnées et collationnées au niveau de la commune, puis validées de façon formelle au niveau villageois à travers une nouvelle assemblée. Cette étape, soit n’a pas été réalisée, soit a été oubliée par les acteurs locaux ; elle n’est jamais restituée. Les élus communaux des deux communes relatent avoir envoyé les listes avalisées au niveau village suite au travail du comité à Stop Sahel. Il est plausible que la validation ait été entérinée au niveau villageois lors de la même journée que la sélection par le comité, ou le lendemain. Quoi qu’il en soit, le pré-ciblage communautaire n’a pas donné lieu à contestation, et les PV ont été enregistrés.

« Aux niveaux communes, toujours l’agent est là pour accompagner et ouvrir maintenant la voie pour les plaintes parce que s’il y a des plaintes est-ce que la liste là est consensuelle pour voir si c’est une liste consensuelle au niveau du village. Je peux dire que la validation s’est passée de la même manière dans les six communes, parce qu’il n’y a pas eu de contestation, il y a eu une unanimité autour des pré-listes. Les listes sont validées, avec PV, avec un procès-verbal de validation. » Chef équipe locale, Stop Sahel

« On a fait un premier ciblage qu’on appelle une pré-liste. Après ils ont établi une autre liste appelée liste définitive. Je ne sais pas où ça se joue mais quand on a fait une pré-liste, on a remonté la liste au niveau communal. » Membre comité village, Wabaria

« Ce n’est pas le comité communal mais le comité de ciblage de la fraction. Ils reviennent sur la même liste et faire une autre assemblée. Un autre jour après. Ils enlèvent, on supprime certains. Il y a des critères pour ça. Pour avoir la liste avec le quota demandé par le projet. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

L’ONG triangule la liste avec celle des ONG pour voir s’il n’y a pas de superposition/doublon. Quelques entorses ont été relatées par rapport au principe de non cumul des assistances et d’extraction des bénéficiaires ONG. A Wabaria, trois femmes ont été sciemment incluses dans les deux listes (plus celle de NRC) du fait de leur situation d’indigence. L’équipe de Stop Sahel a relevé quelques cas dans la commune de Gabéro Ces cas semblent ainsi très minoritaires. D’autant que, cf. infra, le fait de « partager » les assistances des deux programmes et de ne pas cumuler les bénéficiaires résonne très nettement avec les modes de fonctionnement des communautés, cf. les « partages » des transferts des ONG en 2014-2015. Les cas relevés ne sont pas restitués aux communautés mais transmis à l’INSTAT.

« Je vous montre cette liste des bénéficiaires de l’ACF. Il y a trois femmes qui sont de même mère et même père mais elles sont toutes devenues aveugles et n’ont qu’un garçon qui est le fils d’une d’elles. Donc celles-ci bénéficient de tous les programmes. Et il y en a d’autres cas, c’est à l’unanimité qu’on prend ces cas-là. » Adjoint au maire, Wabaria

« Bon il y a eu qu’à Gabéro, c’est à Gabéro que, deux communes que il y a eu que quatre cas, moi je n’ai relevé que quatre cas dans la triangulation ; c'est-à-dire les noms que j’ai vus dans les listes d’Oxfam et qui ont été répétés et reproduits. Quand on l’a constaté, je l’ai signalé, pas au niveau communal, moi je l’ai fait remonter à ma hiérarchie et ils ont signalé à l’unité technique. Donc maintenant ce cas devrait être traité parce qu’eux aussi ils informent en fait ; c’est l’INSAT en dernier ressort qui doit finaliser les listes. » Chef équipe locale Stop Sahel

3.3.1.7. Une rupture dans la mise en œuvre du ciblage : le retard de contractualisation pour la mise en œuvre de la phase « PMT » Le programme a enregistré un délai important dans le processus de contractualisation avec l’INSTAT, chargé de mettre en œuvre le volet statistique du ciblage. Cette activité n’a pu être reposée dans la programmation qu’en 2017.

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Au plan local, ce délai a entrainé une désorganisation du planning, notamment l’arrêt temporaire du ciblage. Stop Sahel sait quelle est la nature du retard, mais non impliqué, subit.

« Le retard en réalité, ce n’est ni l’ONG, ni les communautés. Les ciblages communautaires se sont faits il y a longtemps, on a fini depuis 2016. C’est ni l’ONG ni les partenaires, ce retard c’est entre l’INSTAT et Jigisèmèjiri. Leur histoire de contrat que la Banque mondiale a rejeté et les notions de procédure et ainsi de suite, c’est compliqué. » CM SS

« A ce que je sache, c’est des raisons de procédures entre l’INSTAT et Jigisèmèjiri, c’est ce qu’on m’a raconté car le premier contrat a été rejeté par la Banque mondiale pour des raisons de procédure etc. Si vous voulez savoir les vraies raisons, il faut interroger l’unité technique par rapport au retard. » Equipe locale Stop Sahel

Ce retard de mise en place institutionnelle a eu deux conséquences en termes de gouvernance du programme :

-La mise à l’arrêt du volet financier et le ‘stand-by’ du programme « Quand tu vas dans les communes, tu dis Jigisèmèjiri, ils connaissent mais seulement c’est les transferts

monétaires qui ont trop trainé, jusque-là les premiers transferts n’ont pas encore démarré, or c’est une composante essentielle du programme. » Chef d’équipe locale Stop Sahel, Gao

-La mise en place des mesures d’accompagnement préalablement au démarrage du volet TM Stop Sahel a un contrat avec jigisèmèjiri qui prévoyait un volet d’accompagnement indexé sur les calendriers de transferts

- Mise en place d’une campagne de communication sur ces mesures d’accompagnement parallèlement aux premiers transferts

- Activités d’accompagnement des ménages avec une programmation sur les trois ans de durée des transferts o Année1 : « philosophie » des filets sociaux, principalement lutter contre l’insécurité alimentaire, une

sensibilisation des ménages pour que les fonds reçus soient prioritairement utilisés pour l’alimentation familiale ;

o Année2 : les autres besoins prioritaires, la santé, o Année3 : , on va parler des AGR

Chaque semestre, un comité de pilotage au niveau national doit identifier les thèmes de la communication pour les bénéficiaires.

« La dernière formation, c’était sur l’alimentation de complément des enfants de 06 mois à 59 mois ; parce qu’il s’agit d’expliquer un peu aux communautés que à partir de six mois le lait maternel ne suffit plus pour couvrir tout le besoin nutritif de l’enfant et qu’il faut compléter cette alimentation du jeune enfant par autre aliment ; donc faire passer ce message-là dans les séances de causerie éducative etc. donc dans les séances de 30 maximum 45 minutes, de faire passer ce message ; ça c’était le premier thème ; le deuxième thème c’est l’adhésion aux organisation de l’économie sociale et solidaire, notamment la protection sociale, c'est-à-dire la mutualité ; il s’agit un peu d’expliquer aux partenaires quels sont un peu les avantages d’adhérer à une mutuelle de santé, donc ça aussi c’est un travail qui incombe un peu à l’ONG. » Chef équipe locale, Stop Sahel

Dans le contexte de ‘stand-by’, et pour respecter une partie des activités contractuelles avec les communes, Stop Sahel a démarré les mesures d’accompagnement. Cf. le fait que l’ADC de Gounzoureye, qui a remplacé l’ADC ayant participé aux activités de ciblage, place les mesures d’accompagnement comme premier volet d’activité au lieu des TM.

« Pourquoi les mesures d’accompagnement ? Par rapport à la convention de collaboration, c’est 3 ans et c’est entre les communes et l’unité technique. » Equipe locale Stop Sahel

« Dans le cadre des mesures d’accompagnement, bon, maintenant le cas de Gao est une exception parce que dans les autres, au sud par exemple c’est les transferts monétaires qui ont précédé les mesures d’accompagnement mais pour le cas de Gao ça a été l’inverse, c’est les mesures d’accompagnement qui ont précédé. » Chef équipe locale, Stop Sahel

« Dans la commune de Gounzoureye, on a deux principales activités ; la première c’est l’accompagnement des femmes allaitantes ou bien en âge de procréer, soit sur l’alimentation ou bien allaitement maternel ; le premier filet, ça c’était l’allaitement maternel, dès la naissance de l’enfant jusqu’à six mois ; mais

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cette fois-ci, on a changé, c’est l’alimentation de complément, ça commence à partir de six mois jusqu’à deux ans. La deuxième activité, c’est le transfert monétaire lui-même. » ADC Gounzoureye, Gao

Ces activités ont été menées de façon assez discrète, et certains ADC ont ressenti une certain malaise. A Gounzoureye, le comité communal et les élus ont aidé à l’organisation des activités d’accompagnement, avec une certaine efficience des sessions. En revanche, le fait d’entamer ces activités d’accompagnement en l’absence de transferts a été source de rupture avec la mairie de Tilemsi.

« La présence de Stop Sahel n’était pas visible je dirais que, ce n’est pas parce que vous êtes tombés sur des gens … Je peux dire que peut-être c’est par rapport au retard du transfert. Si tu leur dis que tu arrives, ils diront de ne pas venir sans argent. Je leur fais savoir que c’est pour les mesures d’accompagnement. Donc ça se fait avec les femmes. Le chef informe les femmes et on fait avec elles. (…) J’ai toujours dit qu’on a mis la charrue avant les bœufs car partout c’est d’abord l’argent et ensuite, on accompagne. Les gens que vous avez interrogés n’ont pas d’information sur les mesures d’accompagnement. Sinon, les mesures, on les tenait chaque mois au niveau de chaque fraction. La communication même de Stop Sahel par rapport au projet… » Equipe locale Stop Sahel

« Cette valeur est que, arrivé dans la commune, s’il y a des activités, c’est la commission qui invite les gens ; la commission mise en place, c’est ça qui nous aide sur le terrain, vraiment à faire sortir les gens pour notre animation. Oui, parce qu’avant même d’aller même sur le terrain on informe la commission ; si je veux aller demain, dès aujourd’hui je les informe, je viens demain ; donc c’est eux qui font la motivation. » ADC Gounzoureye, Gao

« Après ça le maire même nous a interdit de venir avec les mesures d’accompagnement. Il m’a formellement interdit de venir avec les mesures d’accompagnement à Tin Awker. » ADC Tilemsi, Gao

3.3.1.8. La collecte de données INSTAT La mission de collecte des données de l’INSTAT a été précédée d’une information et d’une organisation des villages.

« Moi, mon équipe a accompagné, parce que le mandat de mon équipe, de mes agents, c’était la mise en relation de l’INSAT avec les parties prenante au projet. » Chef équipe locale, Stop Sahel

« Dès l’arrivée de l’équipe de l’INSTAT à Gao, on a expliqué que, pour les ménages bénéficiaires là, il y a une équipe de l’INSTAT qui devrait venir dans chaque village de chaque commune pour faire leur enquête, faire des photos et les emporter au niveau de Bamako. Nous étions présents avec l’INSTAT, il y avait le service du développement social, je crois. Et le comité. » ADC Gounzoureye, Gao

Les équipes de 6 enquêteurs plus deux superviseurs ont passé à peu près deux jours par village (de un à trois selon les interviewés). Les enquêtés comme les observateurs restituent un questionnaire d’une durée de 30 mn en moyenne, avec des questions jugées claires, et une saisie des données sur tablettes.

« Oui, c’est commencé en avril cette année. Huit personnes, deux équipes de 4. » Conseiller Wabaria « Bon je n’étais pas là mais je suis au courant que les enquêteurs sont venus demander les noms des

bénéficiaires que le comité communal leur a donnés. Et ils ont questionné ces bénéficiaires pour savoir s’ils sont vraiment des nécessiteux. Ils ont trouvé qu’effectivement c’est ça. » Adjoint au maire, Wabaria

« On intervient pour faire les photos, on fait passer un questionnaire chef de ménage qui permet de voir la liste : sexe, âge, sur une seule page, on a un remplaçant si le chef n’est pas présent, on prend la photo pour faire la carte des bénéficiaires. Il y a aussi un questionnaire ménage sur la taille des ménages, les comportements alimentaires, les actifs productifs, etc., qui tient sur 3 pages. » Entretien INSTAT

« Ils sont venus il y a longtemps. Chez le chef du village. Tout le monde y était. Ils ont répartis les gens en groupes. A tour de rôle chacun passait pour répondre à des questions telles que ‘êtes-vous marié ? Combien d’enfants avez-vous ? Qui est votre héritier en cas de décès ?’ L’âge, si vous êtes marié combien d’enfants, monogamie ou polygamie, êtes-vous scolarisé, en cas de problème qui prendra votre place dans le cadre de ce projet ?’. A la fin ils te remerciaient et appelaient le suivant. L’enquête a duré du matin au soir. Elle s’est passée sans soucis » Femme, membre du comité villageois 3, Wabaria

« Un questionnaire, c’est à peu près 30 minutes comme ça ; Les questions c’étaient à propos de la famille ; Sur la famille, il y a les moyens de subsistance, les repas ; le nombre de repas par jour ; il y avait la taille du ménage aussi ; (champs, cheptel) Oui, oui, ils parlaient ça aussi, après il fait les images ; De la personne bénéficiaire ou bien son remplaçant parce qu’il y avait certains chefs qui n’étaient pas sur place ; Voilà, ils sont décédés ou bien ils sont en déplacement, à défaut de ça on prend la femme du ménage (…) Difficilement répondre ? non ; Compréhensibles, très claires, oui. » ADC Gounzoureye, Gao

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Le recrutement des enquêteurs a été opéré à Bamako parmi des personnes ayant l’expérience de travailler avec l’INSTAT, mais ne parlant pas les langues du nord (sonrai, touareg, maure, peul). Le questionnaire, pour la majorité des enquêtés, a été administré en bambara ou en français avec une traduction opérée, tantôt par les ADC, tantôt par les membres des comités, tantôt par les leaders… Exercice très diversement restitué selon les personnes. Globalement, les personnels de Stop Sahel désapprouvent la méthode et le recrutement d’enquêteurs non autochtones, d’autant qu’ils ont été mobilisés comme interprètes. Pour autant, du point de vue des communautés elles-mêmes, cet aspect de l’enquête, bien qu’il ait été remarqué, ne semble pas avoir suscité de commentaires particuliers.

« Moi-même j’ai été étonné de ce que l’INSTAT a fait. D’abord le recrutement du personnel. Ils les ont recrutés à Bamako. Et la direction régionale de la statistique, normalement les personnes qui doivent être consultées pour le recrutement, c’est les ONG et les représentants ici, des gens qui parlent la langue du milieu et qui ont une facilité de pénétration aussi. » Chef équipe locale Stop Sahel

« Voilà, ce qui m’a impressionnée, ça c’était la langue ; Oui, oui, parce qu’ils ne connaissent pas la langue d’ici ; Quand même à Gounzoureye, ils ne parlent pas la langue locale ; Voilà, c’était un peu difficile à ce propos, parce qu’à chaque fois il faut qu’on traduise. Au début nous, on pensait qu’on allait recruter des gens du village ici pour pouvoir faire l’enquête, mais on a vu qu’ils sont venus de Bamako. Il y avait le traducteur, parfois dans les villages tu trouveras que le chef du village ou bien les membres du village les aidaient à traduire. Ça n’a pas posé de grand problème, ça s’est bien passé. » ADC Gounzoureye, Gao

« Ils ont envoyé des gens qui ne parlent pas la langue de la population. Ils ne parlent que Bambara seulement et français. Ils ne parlent ni Tamasheq ni Sonrhaï, ni Arabe. Ils ont refusé de prendre des traducteurs. Nous même, les agents, étions avec eux. Je les ai accompagnés jusqu’à ce qu’ils aient fini leur travail car je vois qu’ils avaient des difficultés. Ils ne peuvent pas parler avec les gens car ils ne comprennent pas la langue. La personne avec qui ils parlent aussi ne comprend pas ce qu’ils disent. Il faut des traducteurs. Il faut prendre des agents ici. C’est ce qui a fait qu’il y a eu des erreurs. Sinon dans ma commune là, comme je suis avec eux. A Soni Ali Ber, ça a été la catastrophe. » ADC Sony Ali Behr, Gao

« On avait des traducteurs, l’ONG stop sahel nous a accompagnés sur le début, mais ils nous ont lâchés car ce n’est pas leur mandat, au niveau de chaque village, ils ont donné qu’un qui a facilité la tâche. Les membres du comité villageois, ceux qui ont fait le ciblage. » INSTAT, Bamako

En revanche, bon nombre de questionnaires ont été administrés en public et hors du domicile, ce qui semble une entorse plus importante à la gouvernance de la collecte, qui dans sa formulation impliquait une enquête à domicile avec des questions vérifiables par l’observation. Si certains ménages ont effectivement été visités à domicile, il semble que bon nombre d’enquêtés aient été « convoqués » chez le chef de village, la mairie, la demeure d’un conseiller. Les ADC et certains observateurs semblent considérer que la majorité des personnes ont été enquêtées à domicile, mais la plupart des bénéficiaires (voire certains non bénéficiaires), au contraire, témoignent d’une enquête « publique ». L’administration du questionnaire était couplée avec la prise de photographie pour les cartes de bénéficiaires (le fait de photographier des personnes dont le statut de bénéficiaire n’est pas encore établi étant, comme nous le verrons, facteur de confusion). Les observateurs comme les communautés valorisent l’enquête à domicile (et ce en accord avec la méthodologie) qui garantit la fiabilité du ciblage, formalise le désignation des bénéficiaires et apporte une certaine transparence à l’ensemble du processus (scientifique, objectif, fiable…). En revanche, et pour les mêmes raisons, les personnes enquêtées en public montrent un certain scepticisme sur ces critères.

« On l’a fait chez le chef de village. C’était pour savoir la vulnérabilité des gens. A mon avis, les regrouper aussi dans un endroit ne peut pas distinguer leur vulnérabilité. Ils ont fait leurs enquêtes pendant 2 jours car ils avaient 53 bénéficiaires. Ils ont pris les photos en même temps et ils sont partis comme quoi, il ne reste que les cartes des bénéficiaires. » Membre comité de ciblage, Wabaria

« Ils ont pris les photos à l’aide de téléphone. Sans nous expliquer. L’enquête dure 1h par personne. C’était-il y’a 3 mois. Ils ont posé des questions sur notre vie quotidienne, si tu as une voiture, moto ou télévision. Nous n’avons pas d’électricité donc pas de télé. (Les moyens de voir la véracité de vos réponses) c’est leur affaire à eux. Moi je réponds aux questions. Ils ne sont pas venus chez nous, ils nous ont convoqué chez le chef du village. » H bénéf, Wabaria

« Ils étaient 5 ou 6 avec A. (ADC). Il y a un qui prenait les photos et ceux des tablettes qui s’occupaient des données. Il nous a demandé le nom, le prénom, combien d’enfants et d’autres questions que j’ai oubliées. C’était au bureau de la mairie. Ils ont fait 3 à 4 jours ici. Ils ont posé les questions en français mais moi j’ai répondu en sonrai car je sais parler sonrai. » H bénéf, Tin Awker

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« Ils ont fait ménage par ménage, il y avait beaucoup des agents pour prendre les photos. Ils parlent songhoy, il y avait des Bambara mais pour eux ont interprète. Ils nous ont demandé même le nombre de poule de ton poulailler, J’ai une impression positive, car c’est pour exploiter les informations pour apporter des solutions aux populations. » F bénéf, Koima

« Ils sont venus ici pour me donner un papier et je me suis rendu chez le chef de village, pour la photo. Ils m’ont posé des questions : comment je m’appelle ? Qui est ton mari ? Tu as combien d’enfants ? Est-ce que je mange ? Est-ce que tu as des bœufs ou des poulets ? J’ai répondu à toutes leurs questions, après ils ont pris ma photo. » F bénéf, Koima

« C’est Stop Sahel (qui est venu faire l’enquête). Ils sont allés dans les familles. Ils ont des fiches de questionnaire qu’ils posent aux chefs de famille et ils répondent. C’est pour voir le pouvoir d’achat. On regarde s’il n’y a pas d’aide qui lui parvient. Cette étape-là est très importante. Parce que sur le terrain, si on voit physiquement la personne, c’est bien. D’aucuns ne savent même pas qu’ils sont ciblés. Les noms ne se prennent pas dans l’assemblée où tout le monde vient. C’est le comité qui se réunit et qui connait le village. Donc, les gens les plus démunis donnent leurs noms. Cette enquête permet de connaitre la réalité des personnes démunies. L’agent vient chez le chef de village pour dire qu’il va enquêter. Après son accord, il rentre dans les familles. » Conseiller communal, Wabaria

« L’équipe allait dans les ménages ; Dans chaque ménage ; Pour faire l’enquête ; avec quelqu’un qui traduisait ; Des gens du village, les gens du village, ils ont fait ensemble avec les gens du village. Les familles ciblées avec le chef du village ; Les personnes enquêtées ; il y avait une liste; les personnes enquêtées, il y avait déjà leur liste ; Oui, oui, il y avait la liste, la liste de chaque village ; donc à chaque village qu’ils partaient, il y a la liste, donc ils procèdent à leur ; Non, non, ils ont trouvé ici ; Ils vont faire l’enquête dans chaque village ; Et se déplacer donc de ménage à ménage Accompagné donc du traducteur. Les responsables du village les ont aidés dans la traduction Dans la traduction oui ; Oui, ils les ont même aidés. Il vérifiait, mais si tu rentres dans une famille là, tu poses tes questions, tu vois ; Tu observes, sans rien dire tu observes, tu essais de comparer à ce que la personne dit. » ADC Gounzoureye, Gao

La quasi-totalité des ménages inscrits sur la pré-liste ont été enquêtés au cours de la collecte, dans les deux communes : Gounzoureye 1 242 sur 1 245 et Tilemsi 441 sur 450. Selon l’INSTAT, les ménages non enquêtés ne sont plus dans la commune et se sont déplacés. 3.3.1.9. Le calcul PMT+ L’INSTAT a procédé à la vérification des données, et au-delà de quelques données manquantes et/ou erreurs vraisemblablement inévitables lors des enquêtes (bénéficiaire âgé de 120 ans, code commune erroné), le nettoyage des fichiers n’a pas entraîné d’élimination de questionnaire (pas d’exclusion à ce niveau). D’après Stop Sahel, un test d’analyse a été effectué dans la commune de Gabéro, suivi d’un recoupement des listes (validation devant commune) par l’équipe Stop Sahel pour 5 villages. A cette occasion, les noms de quelques ménages étant inconnus des communautés, Stop Sahel a proposé de les remplacer (liste d’attente). Hormis ce point apparemment non expliqué, il semble que les villages testés aient validé les listes, la formule a ainsi été apliquée à l’ensemble des ones.

« Pour le reste des communes parce qu’il fallait d’abord voir clair. Donc le cas de Gabéro, c’était juste un pré-test, pour voir d’abord la méthodologie. Après Gabéro ils ont traité les autres communes, c’est à ce moment qu’ils ont envoyé la liste des bénéficiaires ainsi que les listes d’attentes à GAO ici pour faire les validations. » Chef équipe locale, Stop Sahel

Le traitement statistique fournit un indice permettant de classer les ménages sur une échelle de pauvreté. La méthodologie prévoyait un classement à l’échelle villageoise, puisque les quotas sont établis au niveau village. Néanmoins, l’INSTAT a fourni des listes avec un classement des ménages au niveau communal, et a retenu le quota de ménages alloué à la commune. Ce biais de méthode a faussé les quotas villages, ceux comptant le plus de « plus pauvres » au sein de la commune ayant été alloués d’un nombre excédentaire de bénéficiaires par rapport aux quotas prévus, ceux comptant à l’inverse moins de « très pauvre » ayant reçu des listes avec moins de bénéficiaires que prévus.

« On s’est aperçus après coup qu’ils n’avaient pas fait les listes par villages mais par commune, ce qui fausse la répartition des bénéficiaires. Stop Sahel et les mairies l’ont remarqué. » Jigisèmèjiri, Bamako

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« Dans certains villages, on a remarqué que l’INSTAT a dépassé le quota, dans d’autres ils ne l’ont pas atteint. Normalement les communes doivent rectifier, prendre là où il y a trop pour mettre là où il manque : dans la zone de Gao il y a des maires qui ne veulent pas s’engager, si le maire enlève, ça pose problème » Stop Sahel, Bamako

« Ils enlèvent les bénéficiaires d’une fraction, par exemple, une fraction qui a 20 bénéficiaires, ils vont diminuer pour les mettre à 15. Au niveau du ciblage communautaire, la fraction a 20 et ils donnent 15. L’autre fraction qui a 10, ils lui donnent 15. Ils diminuent chez certains et en rajoute chez d’autres. Et pour Soni Ali Ber, c’est pire. » ADC Tilemsi, Gao

« Le problème est que le nombre est le même mais il y a eu des chevauchements au niveau des fractions. On enlève à certaines fractions et on rajoute à d’autres. Le problème est que, si on dit qu’une fraction a 22 bénéficiaires, on retranche 2 bénéficiaires parmi eux. Par exemple, on dit dans la première liste, une fraction a 15 bénéficiaires. Sur la liste définitive on dira qu’ils ont 13. Mais les 2 qui disparaissent, vont être sur une autre liste. » 1

er adjoint au maire, Tilemsi

3.3.1.10. Validation communautaire des listes provisoires fournies par l’INSTAT Le protocole de validation des listes a été appliqué à l’échelle communale, Les maires ayant reçu les listes de Stop Sahel Gao, signé les décharges et affiché les listes à la mairie pendant une semaine.

« Chaque chef du village a regroupé ses bénéficiaire ensuite l’aval a été donné au maire pour ouvrir l’enveloppe. Non les villages d’ici ne connaissent pas ces genres de chose. Ce qu’on connait ici on fait le ciblage après on fait l’appel des bénéficiaires. Maintenant c’est en ce moment s’il y a des plaignants ils font leur plainte après avoir eu l’unanimité autour des listes on clos ça. Et ça c’est fait. » Adjoint au maire, Wabaria

« Il faut une décharge pour dire que Stop Sahel a transmis en bonne et due forme la liste des bénéficiaires de Jigisèmèjiri, je dois avoir une décharge de la commune, et on doit donner ces livrables-là, on doit faire remonter tous ces livrables, nous on remonte à notre direction, à l’ONG, et l’ONG à son tour fait remonter au niveau de l’unité technique. Chaque commune quand même a fait une décharge pour dire qu’ils ont eu les listes. Le comité communal met son cachet et il signe et c’est contresigné aussi en deux parties pour Stop Sahel, il y a l’agent aussi qui signe parce que c’est fait en sa présence, il a un œil sur ça ; donc lui aussi il contre signe et il y a, il faut aussi une décharge pour dire Stop Sahel a transmis en bonne et due forme la liste des bénéficiaires de Jigisèmèjiri. » Equipe locale Stop Sahel

L’affichage des listes n’a pas suivi la méthodologie. Une fois en leur possession, les mairies sont supposées diffuser les listes au niveau des villages, où elles doivent également être affichées. Néanmoins, les mairies ne l’ont pas fait, et l’ONG non plus en estimant que cela ne relève pas de ses attributions. Les représentants des villages ont ainsi dû venir au chef-lieu de commune et saisir manuellement les listes (sur papier, sur téléphone, etc.) et rendre compte à leurs villages respectifs, notamment informer chaque bénéficiaire.

« Voilà nous faisons les impressions ici et on envoie au niveau des communes pour affichage, c’est les comités communaux qui se chargent de l’affichage des listes des bénéficiaires au niveau villageois pour consultation pendant au moins une semaine. Après une semaine, l’agent fixe une date pour tenir la rencontre de validation. Au niveau des communes. La rencontre de validation c’est par comité communal ; c’est six comités communaux, six P.V. de validation qu’on envoie. S’il y a eu problème c’est le comité villageois qui vient avec ça au niveau des communes, on le signale, on le consigne dans le PV. S’il n’y a rien, ils viennent, ils disent que la liste est bonne, qu’ils se reconnaissent dans la liste. Ils valident par un procès-verbal et contre une décharge du comité communal, c’est le comité communal qui est responsable du ciblage en réalité, parce que nous on donne les listes au niveau des maires. » Chef équipe locale Stop Sahel

« Quand les listes ont été affichées, on a amené à la mairie et la mairie a donné à chaque village son quota. Pas avec des photos, seulement des noms. Il n’y a pas eu un affichage dans le village, c’était seulement à la mairie. Chaque village prend sa liste. Ce matin j’étais là et j’ai enregistré tous les numéros de mon village. Au retour j’appelle les personnes retenues par téléphone pour les informer. » Membre comité villageois, Wabaria

« Même l’affichage des listes, on donne aux communes et ils affichent. Ce que j’ai compris, c’est que, donner l’information est l’étape la plus importante. Maintenant, c’est important pour les agents de rentrer dans les bases pour dire les informations au niveau des fractions… C’est la commune qui est chargée de ça et non nous les ONG. Le maire a retiré la liste ici. » Equipe locale Stop Sahel

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Les communautés ont ainsi découvert les listes « augmentées ou diminuées », néanmoins Stop Sahel a rétabli les listes « conformes » au lieu de faire refaire le classement à l’INSTAT (pour une question de délai, soit une conséquence du contexte du retard), et a préféré reprendre les ménages en trop où à rajouter à la main. Cette nécessité correspond à une adaptation pour éviter une exacerbation des conflits autour de la publication des listes, pour autant cette intervention n’est pas conforme à la méthodologie, Stop Sahel n’étant pas habilité à modifier les listes. Sur cette base, les autorités villageoises (malgré l’avis de certains conseillers, cf. infra sur la perception de cette tape), ont transmis les PV de commentaires au comité communal, où d’autres PV ont été établis par les maires, qui les ont transférés au Développement social du cercle qui doit à son tour les transmettre à Stop Sahel qui les enverra à l’UTGFS. Or, toujours dans un souci de respecter des délais déjà menacés, Stop sahel a scanné les PV dès réception (en court-circuitant le parcours administratif prévu) et directement renvoyé à l’UTGFS qui les a transmis à l’INSTAT pour la publication des listes définitives. Par manque de communication, l’INSTAT a pensé que Stop Sahel avait à disposition des listes informatiques à envoyer sous version électronique… ce qui renvoie à des problèmes de méconnaissance de part et d’autre des processus de fonctionnement des autres acteurs impliqués dans les différentes étapes du ciblage. A date de l’étude, l’INSTAT était en cours de production des listes définitives et de fabrication des cartes de bénéficiaires. 3.3.2. Connaissance – perception - acceptance a. Du point de vue des communautés La perception du programme et de son ciblage s’organisent autour de trois thématiques très contrastées :

- Le programme souffre, après un an et demi de sa mise en œuvre contrariée, d’une assez faible notoriété et d’une identité peu construite auprès de la population

- Les principaux principes du ciblage prévu par la méthodologie sont favorablement perçus par ceux qui les connaissent, leaders villageois et communaux surtout

- Mais l’incompréhension des retards et les tensions communautaires qui en découlent rendent la situation très problématique

-Un programme sans identité très affirmée Qu’il s’agisse des leaders ou des « simples citoyens », les communautés ont un niveau d’information très diffus sur le programme Jigisèmèjiri, les étapes de ciblage voire sur les aspects techniques de ces derniers. Le nom Jigisèmèjiri, relativement nouveau par rapport à celui des ONG et autres structures plus anciennement implantées dans la zone, semble difficile à prononcer dans toutes les langues nationales et ainsi à mémoriser. Il est appelé Jigisèmè ou Jigisèmi dans plusieurs entretiens à Wabaria (et apparemment dans d’autres communes), et souvent sur relance des chercheurs. Le fait que les transferts n’aient pas encore commencé lors de la mission de terrain renforce cette identité encore peu assise.

« Pour notre reconnaissance, pour l’identité, la reconnaissance de notre identité, vraiment. Seulement comme Jigisèmèjiri, c’est l’arbre de l’espoir, mais c’est un vocable bambara tu vois, hier même j’étais à Anchawadj, ils disent Jigi Seme, car Jigisèmèjiri, c’est difficile de prononcer, ce n’est pas facile pour eux » Chef équipe locale Stop Sahel

« Les gens connaissaient seulement Oxfam ou ACF car ils ont fait des transferts depuis 4 ans. Donc, c’est eux qu’ils retiennent en tête. (…) Jigisèmèjiri quand même, pour prononcer le mot, c’est très difficile. » Equipe locale Stop Sahel

« Bon on ne connaît même pas Djgisémi parce qu’ils n’ont rien fait d’abord. Je veux dire que depuis qu’ils ont affiché les listes en 2016.Mais ACF a commencé à donner dès leur première arrivée. Et puis les gens reconnaissent ACF à travers même leurs chauffeurs et leurs voitures. Donc pour le moment on ne peut pas les comparer. » Membre comité villageois 2, Wabaria

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« Je ne connais que Stop sahel, sinon je ne l’ai pas vu, je n’ai pas bénéficié. » H bénéf, Tin Awker « Je ne peux encore rien dire sur le projet, il faudra qu’on collabore pour connaitre le programme, la

dernière fois ils nous ont que les cartes des bénéficiaires ne sont pas encore réalisées à Bamako, c’est ce qui fait trainer les activités du projet. » Membre comité villageois, homme, Koima

Le fait que Jigisèmèjiri soit un programme de l’Etat est très peu connu, parfois jugé sans réelle portée du point de vue des communautés. Il peut être perçu comme une ONG, et de façon plus large comme un « projet » au sens générique des toutes les formes d’interventions dans les communautés.

« On a dû me dire que c’était l’Etat, mais je ne fais pas attention à ce genre de choses » F bénéf, Koima

La complexité du processus dans son ensemble, le caractère relativement « bureaucratique » du montage institutionnel, la multiplicité des niveaux et des acteurs intervenant lors des différentes étapes, l’absence d’ancrage local (hormis les ADC de Stop Sahel, qui semblent bénéficier d’une opinion positive au sein des communautés), induisent une dilution des points de contact, des participations, du partage des connaissances sur le programme. Et ce, d’autant plus que les communautés ont tendance à prévoir voire « reconstruire » les événements sur la base des modèles existants… dont celui des ONG et des autres programmes, qui sont (parfois) mieux appropriés et qui reposent sur des mécanismes plus directs : identification des bénéficiaires par les leaders et assistance rapide en cash ou en vivres.

« C’est des gens qui connaissent non seulement la commune mais aussi qui sont habitués à faire ces genres de travail. C’est de professionnels. Ils connaissent tout le monde. » Adjoint au maire, Wabaria

« C’est celui qui maitrise une zone qui peut la gérer. A chaque fois à la place des agents du programme on nous envoie d’autres, pendant que eux ils restent à Gao. Ceux que nous voulons rencontrer sont toujours bloqués à Gao. Chacun vise son intérêt. Cet entretien que nous faisons, si c’était avec un bambara, est-ce que nous allons pouvoir le faire ? Il allait juste remplir ses fiches et prendre congés. Il faut laisser les ressortissants agir dans leur communauté. Si tu n’es pas de Wabaria, qu’on t’envoie travailler chez toi à Gabéro. C’est toi qui en connais les réalités. A chaque fois les ressortissants sont retirés au profit des autres. » Membre comité villageois 2, Wabaria

La Convention de collaboration avec les communes est très peu évoquée. Elle semble complètement oubliée. Les deux élus signataires ne se rappellent pas de son contenu ni de sa portée et, rappel, peuvent la considérer comme caduque. Les membres des communautés =, y compris certains leaders, ne savent rien de cette convention.

« Je ne savais même pas si ce n’est pas maintenant que la commune a signé une convention avec Jigisèmèjiri. » Membre comité villageois, Wabaria

Le niveau d’information est très contrasté parmi les bénéficiaires, certains étant assez au fait du processus et d’autres n’en sachant quasiment rien :

- Ne connaît ni le nom du programme ou de l’ONG, ni les montants, la fréquence ou la durée des transferts, sait que les leaders communautaires ont choisi les bénéficiaires et a su qu’elle en faisait partie par annonce d’un conseiller du village, ne sait pas quelles sont les cibles visées par le programme.

« On m’a juste dit que mon nom figure sur les listes des bénéficiaires, mais je n’ai pas connaissance des autres noms, donc je ne peux pas te dire qu’il y a des riches ou des personnes aisées. On m’a juste dit que je suis sélectionnée. Si c’est pour donner des vivres, je n’attends que ça. » F bénéf, Koima

- Connaît l’ADC de la commune (et le désigne par son prénom), la durée du programme, le principe de complémentarité avec les transferts d’Oxfam, les montants mais peu les fréquences de transferts, associe les membres du comité de ciblage villageois au conseil communal, l’enquête et la prise de photo. Se sait bénéficiaire par annonce d’un leader, ne sais pas sur quels critères

« Pour nous l’argent est parti à jamais. Je me suis tu, j’ai attendu. » H bénéf, Tin Awker

- Connaît le nom du programme, lui associe le dénombrement de la population, connaît le principe d’accord de la mairie de comité de ciblage et sa composition, le travail en AG, la durée du programme, , l’enquête et la prise de photo. Ne connaît pas les critères de ciblage, pense que son ménage (en fait son père) a été sélectionné car il est aveugle et du fait de la taille élevée du ménage.

« J’enseigne à l’école de Tirissoro, mais je suis de Koïma, je représente mon père aujourd’hui. Je suis simplement un responsable des jeunes. On est bénéficiaires parce que nous avons besoin d’aide car on est nombreux, mon père à deux femmes ; moi aussi j’ai deux femmes avec les enfants et les petits enfants, mon père est aveugle. Dans les radios et mes amis du village m’ont raconté que Jigisèmèjiri effectue des sensibilisations dans le village, pour expliquer les objectifs et les domaines d’intervention du

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projet. La semaine dernière un agent du projet était ici, le chef de village m’appelle pour le transporter à Gao, mais je n’étais pas village donc j’avais instruit à une personne de le faire. » H bénéf, 49 ans, Koïma

- Ne connait pas le nom du programme (ni celui d’ACF), mais connaît le montant, la fréquence et la cible « vulnérables » des transferts.

« Je suis bénéficiaire parce qu’à chaque fois ils prennent une trentaine de personnes. Cette fois, c’est notre tour. » H bénéf, Wabaria

- N’a pas mémorisé le nom du programme et l’appelle Jigisèmi, connait le nom d’ACF, ne connaît pas le montant et la fréquence des transferts, suppose un processus de sélection des bénéficiaires par la mairie et les chefferies, et a eu vent de réunions, mais n’a jamais participé. Sait qu’elle est bénéficiaire car a été informée par un conseiller. A connaissance d’une liste de bénéficiaires affichée restreinte par rapport à la liste des gens enquêtés chez le chef de village.

« Si je trouve ça va me soulager et je vais aussi donner un peu à mes proches et vice versa. Les gens ont exprimé leur mécontentement par rapport aux retenus parce que dans chaque village plus de 100 bénéficiaires ont été ciblés mais lors de l’affichage il n’y a eu qu’une cinquantaine de bénéficiaires.. » F bénéf, Wabaria

Les non bénéficiaires, y compris des personnes enquêtées, sont très peu au fait du programme, voire des différents programmes intervenant dans la zone (certains ne citent pas Oxfam ou ACF, on peut citer le HCR, les « vivres » de façon générale). Ces personnes peuvent avoir entendu parler de comité, d’AG, d’enquête, de photo, de liste, de bénéficiaires, mais de façon très éparse dans le temps et selon les différents programmes, et la plupart n’a aucune vue d’ensemble.

« Les agents de ce projet ont une fois passé par ici nous enquêtés et ils nous ont enregistrés, après un moment ils ont affiché des listes à la mairie pour que nous passons vérifier si nos noms sont sur les listes. Honnêtement je ne sais pas, dans mes estimations je pense que ça vaut 6 mois ; mais je ne sais pas exactement si c’est le même projet, nous ne pas pouvons les identifier. » H non bénéf, Wabaria

« Je sais que les ONG interviennent ici elles donnent des aides aux populations mais je ne les connais pas car je ne suis pas instruit. J’ai entendu parler des photos plusieurs fois mais je ne connais pas le nom. » H non bénéf, Tin Awker

« Je ne sais pas, je ne cherche pas les informations sur aucun projet, je ne vais pas là où je peux avoir les informations. » H non bénéf, Tin Awker

« Jigisèmèjiri, on en parle depuis l’année dernière. La sélection, elle s’est effectuée de la manière suivante, les responsables de chaque quartier du village ont donné les noms des pauvres de leurs quartiers. Le programme est venu aider la population, en donnant de l’argent aux gens, mais j’ai oublié la somme exacte et la période. » H non bénéf, Koima

Les principaux principes du ciblage prévu par la méthodologie sont favorablement perçus

-Le ciblage communautaire Ce principe est favorablement perçu puisqu’il laisse « la main » aux communautés elles-mêmes, et ce, de la même façon que pour les deux méthodologies développées par les deux ONG. Les communautés se reposent sur les leaders pour statuer sur les listes de bénéficiaires, et comme décrit plus haut, bénéficiaires comme non bénéficiaires valident (lorsqu’ils en ont connaissance) le principe aussi bien du comité que de l’AG, qui assure le principe de consensus.

« Les comités ça sert à éloigner l’ONG, car dans les villages c’est le comité villageois qui reconnaît vraiment les ménages pauvres. Donc c’est nécessaire que l’ONG passe par le comité. La pré-liste, on le fait avec le chef en discrétion. Il n’y a pas d’assemblée pour ça. Ensuite chaque programme vient avec son quota, donc c’est dans cette liste qu’on puise le nombre qu’il faut et on sensibilise les autres à attendre un autre programme. » Membre comité de ciblage, Wabaria

« Le système de ciblage, c’est au niveau du chef de village. Il est mieux placé pour connaitre les familles. La mairie accompagne le processus. On sélectionne un grand nombre et après ça, l’agent va dans les familles et mener des enquêtes. Ça c’est les préliminaires. Tous ceux qui ont été sélectionnés, ce n’est pas forcement eux qu’on doit prendre. C’est après les enquêtes qu’il y aura le nombre qu’on va prendre. C’est au niveau du village qu’ils ont fait ces choix. Je n’ai pas les documents sur le nombre de membres du comité villageois. Il y a le chef de village, les conseillers communaux, les jeunes, les femmes sont

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représentées, les coopérations, l’imam. Qui connaissent très bien les lieux. C’est des gens sérieux. » Conseiller communal, Gounzoureye

Ce ciblage communautaire perçu par les leaders comme une étape réalisée de façon conforme aux attendus, et qui a produit des listes de personnes réellement nécessiteuses.

« Dans mon village c’est parfait il n’y a eu que ceux qui méritent sur les listes à l’unanimité. C’est des vrais nécessiteux. C’est connu et accepté par tout le monde. C’est une bonne chose parce que ça va permettre de bien faire le travail. » Adjoint au maire, Wabaria

Les critères d’appréciation de la pauvreté Cette section a été, conformément à la méthodologie de l’étude, moins développée que lors des entretiens menés durant la première mission de terrain, les deux missions étant menées auprès des mêmes communautés. Les données recueillies sont, en toute logique, cohérentes. Les critères employés pour définir la pauvreté dans les milieux considérés sont surtout catégoriels, biologiques : le handicap, la vieillesse, les petits enfants, ou sociaux : la veuve, l’orphelin. Ce registre, assez largement détaillé correspond à des critères moraux : des personnes dans l’incapacité de travailler, en rupture, et que la communauté se doit ainsi de prendre en charge.

« Bien sûr, nous choisissons les personnes vulnérables : les veuves, les personnes âgées et sans soutien etc. » Membre comité ciblage, femme, Koima

« Je ne vois pas de problème qu’une femme veuve soit prise comme chef de famille parce que son mari n’est plus. Et puis chaque bénéficiaire a un mandataire. Par exemple pour le cas de femme chef de famille, on prend son fils ainé comme son mandataire. » Conseiller villageois 2, Wabaria

« Les démunies (…) Ce sont des orphelins, des aveugles, des hypertendus, des veuves, des femmes non mariées et des personnes âgées. » Femme membre du comité villageois 3, Wabaria

« Même aujourd’hui là, je viens de quitter dans une famille, c’est deux jumeaux, deux garçons tous les deux paralysés par la maladie, ils ont de la tension. C’est le chef du village même qui est parti me le montrer, ils ont leur nom sur la liste. Il dit que vraiment si eux ils trouvent, quand même, il n’y a pas de problème, c’est des ayants droits. C’est la femme qui fait tout pour son mari qui est paralysé, un autre est aveugle. » ADC Gounzoureye, Gao

L’insuffisance alimentaire, les critères économiques et la taille du ménage sont parfois énoncés, notamment la possession du bétail, à Tilemsi vu l’importance de l’élevage, mais également à Gounzoureye. Le fait de ne pas bénéficier d’appui a été marginalement mentionné.

« Parce que tu vas dans certaine famille-là, tu trouves que le repas quotidien trois fois par jour-là, eux ils ont ça, mais d’autres ne mangent que deux fois ou une seule fois dans la journée. Donc si on dit de prendre les plus vulnérables, tu vas donner à ces gens-là. » Membre comité de ciblage Tin Awker

« Une seule tête de bétail et pas d’appui extérieur éleveur. » Adjoint au maire, Wabaria

De façon marginale, le mode de ciblage opéré par Jigisèmèjiri a pu être jugé hâtif comparativement à ces opérés par les ONG par des personnes qui ont compris que cette étape aboutissait à la sélection définitive des bénéficiaires. Il est bien perçu surtout par la majorité des leaders qui comprennent que le comité ne CHOISIT PAS, mais PROPOSE, et que ce sont les résultats de l’enquête par questionnaire qui vont permettre de définir les bénéficiaires. -L’enquête ménage par questionnaire Le fait d’organiser, en sus du ciblage communautaire, un enquête par questionnaire individuel est ainsi très bien compris et valorisé car participant à la justesse et à la fiabilité du processus, surtout lorsqu’il est réalisé à domicile, (d’où les interrogations sur les enquêtes réalisées en public cf ; supra). On valorise à la fois un questionnaire détaillé vs. des critères « rapides » et la possibilité pour l’enquêteur de vérifier les données collectées. Sur le fond, la formulation de la méthodologie « PMT+ » trouve un écho favorable parmi les personnes impliqués dans sa mise en œuvre.

« Je pense que, pour une autorité crédible, ça suffit car tout chef est censé connaitre les pauvres de son village, c’est incontestable. Pour être sûr de ce que tu fais, j’ai toujours opté pour les enquêtes à domicile. Ça c’est pour donner une autre crédibilité. C’est l’ONG qui vient avec ses principes. C’est à elle de dire aux bénéficiaires de rester chez eux et qu’ils vont faire des enquêtes. Ça va nous rassurer. Moi,

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j’ai toujours privilégié les femmes veuves. Donc si l’enquêteur vient et se rend chez elles, il verra les réalités. » Membre comité de ciblage, Wabaria

-Le principe de non superposition avec les programmes ONG Le fait d’exclure des listes les bénéficiaires des ONG du CCTS est non seulement accepté mais va assez résolument dans les sens des perceptions des communautés, leaders comme non leaders, qui favorisent une cible assez large (et dont les modes de ciblage voire de distributions le cas échant s’organisent afin de favoriser le partage plutôt que le cumul). Dans cette perspective, la question des quotas, très décriée pour les ONG, et surtout car ils étaient revus à la baisse, est moins sujette à critiques dans le cadre du programme, qui intervient comme un « complément ».

« Non, le conseil communal a vraiment pris des mesures pour ça pour le ciblage. Ils ont dit à la population, qu’on ne va pas les inscrire dans un autre programme. On va donner la chance aux autres car vous avez déjà bénéficié. C’est ce qu’ils ont fait dans notre commune. » ADC Tilemsi, Gao

« Les démunies (…) Ce sont des orphelins, des aveugles, des hypertendus, des veuves, des femmes non mariées et des personnes âgées. (…) ce n’est pas de l’arbitraire, les choix sont fait à tour de rôle. Par exemple ceux qui ont bénéficiés de dons ACF ont été écartés au profit de ceux qui n’en ont pas eu. Depuis l’an passé nous avons pris le soin de ne pas mettre les noms des 53 bénéficiaires sélectionnés pour ce programme sur les listes de dons dans la commune. » Femme membre du comité villageois 3, Wabaria

« Je ne sais pas pour Gounzoureye mais dans mon village, ils ont pris 40 bénéficiaires. Le quota est important parce qu’il a aussi ACF qui avait pris 50 bénéficiaires. Ceux-ci ont bénéficié des sacs de riz de valeur de 40 000 FCFA par mois en trois tranches. » Adjoint au maire, Wabaria

-Les cartes de bénéficiaires avec photo Tous les bénéficiaires interrogés apprécient la présence d’une photo sur la carte de bénéficiaire, qui garantit l’accès aux fonds pour les bénéficiaires. A noter toutefois que certains groupes nomades n’ont pas apprécié qu’il leur soit demander d’ôter leur turban en public, en soi et surtout dans des assemblées mixtes, ce qui s’oppose aux codes sociaux.

« Bon surtout du fait qu’ils ont réuni les hommes et les femmes. Parce que dans notre culture peulh on ne met même pas les vieux et les vielles ensemble à plus forte raison que les femmes ôtent leurs foulards devant les hommes pour prendre des photos. Ensuite on les a questionnés. En dernière position on a demandé à chaque bénéficiaire de donner son suppléant. Surtout qu’ils n’ont rien reçu jusque-là. Parce que les autres ONG ont fait facilement les choses et ils ont fait leurs dons sans passer par tout ça. Eux ils ont tellement fait des enquêtes mais ils ne sont jamais revenus. Ils n’ont fait que questionner les bénéficiaires. Donc s’ils viennent qu’ils nous expliquent clairement les choses. Que tout le travail se passe dans la convivialité dans le respect de l’un et de l’autre sans humiliation. Mais actuellement les gens sont pas à l’aise de la façon dont le programme a fait en plus ils n’ont rien eu, voilà. » Adjoint au maire, Wabaria

Néanmoins, sur cette base favorable, le retard pris dans l’exécution du ciblage a suscité à la fois un mécontentement et une incompréhension (le temps passant) de la méthode, avec une situation extrêmement tendue à date de l’étude. -L’incompréhension des retards et les tensions communautaires qui en découlent Les différentes étapes de ciblages se sont manifestées par plusieurs interventions très espacés dans le temps, ce qui est d’autant moins compris que les programmes d’assistance opèrent en général des étapes peu nombreuses et fournissent des distributions dans un délai bref. Ce calendrier est peu compris et laisse aussi bien les leaders que les communautés dans l’expectative.

« Ce n’est que l’autre jour qu’ils sont venus juste pour afficher les noms et repartir pour ne plus revenir. » Femme membre du comité villageois 3, Wabaria

« J’en ai entendu parler. Je suis membre du comité de ciblage. Mais nous sommes sans nouvelles d’eux. Ils étaient venus prendre les informations et organiser une formation. » Membre comité de ciblage, femme, Koima

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« Nous pensions qu’ils allaient donner quelque chose depuis. Parce qu’avec les autres ONG c’est comme ça mais eux ils ne font que questionner, on n’a encore rien vu. Les gens pensent que, soit ils doutent des bénéficiaires, soit ils n’ont rien à donner aux bénéficiaires. Maintenant on ne fait qu’attendre. Les bénéficiaires s’impatientent mais s’ils voient des agents tout de suite ils pensent que c’est pour leur donner de l’argent. Ce n’est pas une bonne méthode avec toutes ces enquêtes. » Adjoint au maire, Wabaria

Les comités de ciblage villageois étant également impliqués dans les distributions se sentent dans ce contexte sans objet.

« Mais le problème est que ça ne commence pas. Pour voir la fonctionnalité de ces structures-là, il faut que ça commence. » Conseiller communal, Wabaria

« Le comité villageois a du mal à fonctionner car stop sahel n’a plus donné de nouvelles après sa mise en place. » Femme, membre comité villageois 3, Wabaria

Le retard est perçu comme d’autant moins justifiable ou « excusable » que les TM sont appréhendés dans un contexte d’urgence, d’une cible très pauvre, nécessiteuse. Le programme est ainsi perçu comme fautif, avec une forme de responsabilité morale vis-à-vis des communautés.

« Ils ont dit que c’est un programme qui assiste les démunis et les personnes âgées. S’ils veulent donner, ce n’est pas le médecin après la mort. (…) Si tu dis à un assoiffé d’attendre tu vas lui apporter de l’eau. Il va penser que tu viendras d’un moment à l’autre. » Adjoint au maire, Wabaria

« Certains bénéficiaires sont même décédés entre temps. Ils sont partis sans connaitre leur sort. » Femme membre du comité de ciblage 3, Wabaria

« Cette procédure, c’est trop difficile pour un misérable. Il y a eu trop de choses en termes de temps. L’année passée ici, il y a eu une très mauvaise récolte et les gens sont fatigués. » Membre comité de ciblage, Wabaria

Dans le contexte d’un partage de l’assistance des « très pauvres » avec les ONG, les communautés perçoivent une inégalité de traitement entre un « vrai programme » et un « faux programme », avec pour ceux en attente le sentiment d’avoir été lésés.

« Ils disent que les gens qui sont dans d’autres programmes ne peuvent pas être dans celui de Djiguisémé yiri. Là, on a beaucoup insisté sur ça. On disait qu’il y avait beaucoup de ménages vulnérables car de la crise à nos jours, il y a beaucoup de ménages vulnérables comme ils interviennent avec les ménages, ils ont divisé chacun 50%. Oui et même les bénéficiaires d’ACF sont entrain de rire des gens car ils ont bénéficié avant les autres. » Membre comité de ciblage, Wabaria

« Ces bénéficiaires-là aussi sont à l’attente. Certains disent même qu’on a mis par affection les uns avec ACF et les autres par négligence avec Jigisèmèjiri. » Adjoint au maire, Wabaria

« Ils sont vraiment impatients jusqu’à ce que le nom de Jigisèmèjiri, dans les communes, ce n’est pas facile de le dire, dès que tu le dis, on te répond que cette ONG ne fait que bluffer les gens tout le temps. » ADC Gounzoureye, Gao

Cette situation crée des tensions avec les leaders comme avec les ADC de Stop Sahel, qui peuvent être suspectés d’avoir détourné l’assistance à leur profit. Ces derniers tentent de maîtriser le ressentiment, mais en l’absence de contrôle sur le processus, cela les amène à toujours promettre de « meilleurs lendemains », ce qui au fil du temps renforce la distance entre les acteurs de la mise en œuvre et les populations.

« Souvent on est obligé de mentir en leur disant que ça va dans ces deux jours. Souvent même ils pensent que nous avons mangé l’argent. » Adjoint au maire, Wabaria

« Je pense que Jigisèmèjiri, c’est un bon projet. Malgré le retard, c’est un projet qui a de l’avenir. La population nous harcèle, on ne sait même pas quoi leur dire. Car les gens qui sont là-dans n’ont pas de l’autre côté. On a trouvé que c’était beaucoup plus sérieux pour eux. sinon on est même devenu des menteurs car on leur dit tout le temps que ça va venir. » conseiller communal, Wabaria

« Non, ça c’est clair. Je dis à tout le monde que l’agence de paiement a été recrutée par Jigisèmèjiri. Ils ont déjà contractualisé. J’ai dit à chacun de transmettre ce message aux communautés. Donc à ce niveau c’est très clair. On sera là seulement pour accompagner. On va accompagner le processus du début jusqu’à la fin. Donc cette information-là, j’ai dit aux collègues de la donner parce que quand vous avez l’information, ça va au moins les soulager car certains disaient que Stop Sahel a mangé l’argent. » Equipe locale Stop Sahel

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La très longue période écoulée entre le pré-ciblage communautaire et l’affichage des listes statistiques a également eu une conséquence très fâcheuse pour l’image du programme et l’acceptance du ciblage. D’une part, bon nombre de personnes ont pu oublier que la pré-liste comportait les noms des bénéficiaires potentiels que l’étape statistique avait pour objectif de restreindre. De plus, le fait de photographier des personnes en vue d’établir les cartes bénéficiaires est assez largement considéré comme une officialisation du statut de bénéficiaire. Les ménages de la pré-liste que le classement statistique n’a pas retenus ont le sentiment d’avoir été « évacués » (voire, de manipulation des listes), or, environ 40% de la pré-liste est surnuméraire, ce qui crée une forte population de mécontents.

« Justement on ne comprend pas cette façon de faire. C’est étrange pour nous. On peut te demander aujourd’hui après 6 mois ils reviennent ensuite un an après. Ah finalement les gens en ont même marre. Sinon on ne voit pas l’importance de toutes ces enquêtes. A ce niveau il faut surtout accélérer les choses pour que les bénéficiaires puissent percevoir la première tranche. Parce qu’ils ne sont pas habitués tellement à des enquêtes interminables. Ensuite il faut dire qu’ils traversent des moments difficiles donc il faut que la première tranche puisse venir. » Adjoint au maire, Wabaria

« Nous au niveau de Wabaria, on a donné 200 personnes. Après ça ils sont venus prendre les noms des retenus. Ensuite un autre jour ils sont venus pour afficher les noms, c’est en ce moment qu’il y a le problème parce que parmi les retenus dont on a pris les photos certains noms ne sont pas retenus. Parce que chez ACF, on prend les photos de bénéficiaires directs et on leur fait des cartes. Dès qu’ils prennent ta photo, tu es considéré bénéficiaire direct. C’est ça qu’ils connaissent. Donc c’est un problème un peu partout c’est-à-dire comment le comité va devoir s’expliquer. On prend ta photo comme bénéficiaire, mais après l’affichage des listes ton nom n’apparait pas. Comment on peut expliquer ça. » Membre comité villageois, Wabaria

« Ce que nous vivons actuellement, ce qui n’ont pas eu leur nom sur la liste-là, eux, ils sont en train de se plaindre ; Oui, ils sont en train de se plaindre, parfois ils disent même qu’ils ont pris leur image, c’est pour aller enlever leur argent et puis bouffer. Après avoir fait les photos, comment est-ce qu’ils vont enlever leur noms là, dire qu’ils ne sont pas des bénéficiaires, c’est là que eux là, n’arrivent pas comprendre, à digérer ça du tout Ils ne le cachent même pas. Ils le disent ouvertement. » ADC Gounzoureye, Gao

Pour les élus communaux, ce mécanisme renvoie de plus aux objections faites sur les quotas de bénéficiaires exprimées lors de l’atelier de Sévaré. Le nombre de ménages pré-ciblés avait été perçu comme une réponse à cette demande, et dès lors très favorablement accueillie. Le nombre final de bénéficiaires constitue à leurs yeux, dans ce contexte, un déni de promesse

« On a été surpris car dans le premier atelier, quand on a envoyé ça, ils ont tenu compte de ça et amélioré. A notre grande surprise après, ils sont revenus sur les trucs passés. Ils sont revenus sur les 730 de départ or ils ont amélioré et nous ont envoyé une liste de 1000 et quelque. Mais sur la liste définitive, c’est les 730. C’est ce qui nous a eu comme difficulté car on a beaucoup de démunis qui doivent bénéficier. La liste qu’on nous a rapportée, c’est uniquement 730, ça nous a beaucoup étonnés. Nous pensons que c’est les bailleurs. Il y avait une liste avant ça qui est supposée être la liste définitive. Cette liste est issue de l’enquête. » Conseiller communal, Wabaria

« Les populations se plaignent à tout moment. Ils viennent chez moi pour me dire qu’ils ont pris leurs photos. S’ils ont mangé l’argent au moins il faut qu’ils nous donnent nos photos. Si les cartes sont établies, on va grader les cartes avec les photos ou ce qu’on veut, on voit que Tilemsi n’a pas de problème. Pour les rajouts et ceux qui sont retranchés, on va réviser la convention. » 1

er adjoint au

maire, Tilemsi

Certains leaders locaux impliqués dans les conseils villageois ont par ailleurs tenté de bloquer la validation des listes, jugées n’acceptent pas, mais l’échelle hiérarchique fait que c’est validé.

« On a accepté, comme ils le disent, il faut valider. Et après, on a renvoyé. Rien ne s’est passé. Tous les villages ont accepté. Il n’y a pas eu de réaction de l’ONG. On ne m’a pas dit qu’il y a eu des réactions quand même, je leur aurais dit de ne pas valider. C’est la mairie qui fournit le PV de validation des listes. » Conseiller communal, Wabaria

« Un moment les chefs des villages disaient qu’ils vont se réunir pour en parler. Pour moi ce n’est pas compréhensible. Personnellement j’ai du mal à l’expliquer aux gens. Même s’ils avaient averti les gens dès au départ ça pourrait être compréhensible. Mais après avoir pris les photos de soi-disant bénéficiaires, vous nous revenez avec 53 noms. Tu vois c’est un peu compliqué. Et ce n’est pas ici à Wabaria seulement c’est dans toutes les communes. Je vous ai dit qu’un moment donné, les chefs voulaient même rencontrer les partenaires par rapport à ça. » Membre comité villageois, Wabaria

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« La méthode utilisée par l’ONG est vraiment incongrue. C’est le blocage car les chefs de village ont demandé de rajouter les bénéficiaires retirés alors que le projet dit ne pas pouvoir le faire. Ce n’est pas ici que ces noms ont été retirés. Nous juste été mis devant le fait accompli. La mairie n’a pas donné des informations à ma connaissance. Peut-être que le chef de village est au courant. Aucune réunion n’a été organisée dans le village pour nous expliquer cette situation. Jusqu’à preuve du contraire, ceux qui ont vu leurs noms écartés de la liste ont voulu réclamer leur droit. Pour eux, il n’y a pas de justification à ça. On ne sait pas ce que la mairie a envoyé comme PV à l’ONG. J’ai demandé mais ils disent que le problème les dépasse. Au lieu des distributions, on nous amène une liste modifiée. On ne sait vraiment pas à quel niveau le problème peut exister. J’ai dit au maire de ne pas valider cette liste là car s’il validait cette liste, c’est qu’il donne raison à l’ONG alors que les bénéficiaires sont là qui ont vu leurs noms pris avec leurs photos. Si on essaye de radier leurs noms sur la dernière liste, ça ne va pas. A ma grande surprise, ils ont validé. Je n’ai pas d’explication à donner à mes bénéficiaires qui ont vu leurs noms sur la liste définitive. On ne sait même pas où le problème se situe. Moi, je n’ai plus le contact de l’ONG. » Membre comité de ciblage, Wabaria

La question des modalités de versement des transferts inquiète, et en l’absence de réponse claire, chacun reste dans l’expectative. Certains envisagent un report du programme dans son ensemble, d’autres un un « rattrapage » avec le versement d’une année lors du premier transfert.

« Qu’elles soient bonnes ou mauvaises les informations, selon moi l’important c’est de nous dire ce qu’il en est du programme. De nous mettre au courant de l’évolution du projet. Si le programme s’est retiré qu’on nous en informe et s’il est toujours encours qu’on nous le dise. Le manque d’information crée de la suspicion et des conflits. Les leaders et autorités communautaires peuvent être accusé de favoritisme et de détournement à cause de cette situation. Comme on le dit chez nous l’oiseau ne peut se fâcher contre l’arbre. Ce que nous voulons, c’est qu’ils éclairent nos lanternes par rapport aux causes du long silence qu’ils ont observé depuis le processus de sélection. Qu’ils nous expliquent les décisions et nous donnent la suite du projet. » Femme, membre comité villageois 3, Wabaria

« Quand ils viendront c’est en ce moment qu’on va leur poser ces questions s’ils vont faire un rappel de l’année passée ou les 2 ans qui restent ? On ne sait pas. » Membre comité de ciblage, Wabaria

« Ça n’a pas été discuté. On a rencontré l’ONG par rapport à ça. Quelle que soit la date à laquelle on commence, ils vont faire 3 ans à partir de la date, c’est ce que nous pensons. C’est notre avis car c’est la convention. » Conseiller comunal, Wabaria

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III- Conclusions 1. Principaux enseignements a. La méthode HEA mise en œuvre dans la commune de Tilemsi par Oxfam repose sur une méthodologie qui privilégie la rapidité du ciblage et l’économie des ressources, qui délègue largement aux communautés les choix des ménages bénéficiaires et qui est également pensée pour prévenir les conflits frontaux avec les leaders locaux. Dans la pratique, cette « ligne de conduite » est renforcée par une équipe elle-même très soucieuse et respectueuse des pratiques communautaires, qui n’est pas particulièrement formée ou dotée de ressources pour leur imposer des protocoles ou procédures, et qui n’en ressent pas la nécessité. Le processus de dénombrement couplé au ciblage se limite en termes d’opérations déterminantes à une unique séance d’identification communautaire. L’influence des leaders, qui de façon coutumière est très peu contestée et surtout dans les petites fractions, se trouve renforcée par la faiblesse des contrepouvoirs (présence d’observateurs improbable du fait de questions sécuritaires, AG de fait très réduites, comités permanents, mécanismes correctifs peu efficients). Les communautés, y compris les bénéficiaires, ont un niveau de connaissance très bas du programme de TM et surtout de son processus de ciblage. Les possibilités d’inclusions ou d’excusions sont ainsi importantes. Mais, de façon plus saillante, deux pratiques, que l’on pourrait désormais qualifier de coutumières23, viennent battre en brèche le principe de ciblage tel que défini par la « doctrine » des programmes de TM :

- Le partage de l’aide en remplaçant les ménages bénéficiaires d’un ciblage à l’autre selon un principe de « rotation »

- Les distributions non conformes : changements de bénéficiaires, montants parfois partiels, suspicions de malversations. De fait, ce qui concerne les distributions est marqué par une forte opacité.

Les grands traits de la mise en œuvre de cette méthodologie sont ainsi :

- Peu de moyens mis au service de la gouvernance (protocoles, formalisations, partenaires…), - Discontinuité du ciblage, dans l’espace (critères finalement très discrétionnaires, émis par les

communautés/leaders de chaque fraction) et dans le temps (rotations des ciblages et des distributions), - Principe d’adaptation « permanente » du protocole à la réalité, sachant que ce protocole lui-même est forgé

sur un principe très adaptatif (communautaire pur, étape unique, mécanisme correctif reposant lui-même sur des pratiques culturellement connotées).

Les variations entre la méthode utilisée en 2014-15 et celle utilisée en 2016 (simplification de la procédure en une assemblée et abandon du principe de double comité de ciblage) témoigne d’un pragmatisme assez marqué. Cette méthodologie, par rapport aux deux autres étudiées dans le cadre de l’étude, est celle qui repose le plus largement sur une stratégie de « laisser faire », en anticipant sur les capacités des communautés à manipuler, pendant ou après le ciblage, les programmes d’assistance et à les adapter selon leurs propres conceptions. De fait, la mise en œuvre de la méthodologie, hormis le couplage du dénombrement et du ciblage proprement dit, est assez fidèle à la théorie, voire elle en constitue une version très aboutie. En termes d’acceptance, cette méthodologie pose une certaine ambiguïté : autant elle repose sur des principes communautaires, autant elle semble susciter des mécontentements au sein de la population (peu exprimés aux chercheurs, mais plutôt restitués par les acteurs eux-mêmes, certainement du fait de la relation compliquée des populations avec l’extérieur, avec leurs leaders, et de la gestion communautaire de la « plainte). Ce qui semble résonner avec des mécanismes communautaires finalement peu équitables. b. La méthode HEA mise en œuvre dans la commune de Gounzoureye par ACF repose sur une méthodologie soucieuse d’équilibrer la rapidité du ciblage et l’économie des ressources d’une part et la conformité aux principes « doctrinaux » du ciblage d’autre part. Elle prévoit une adaptation aux critères et réalités communautaires, via les

23

Qu’il s’agisse de la commune de Tilemsi, avec une dominante des fractions touarègues, ou la commune de Gounzoureye, avec une dominante de villages sonrais, à la fois la logique interne de chaque milieu et les différences entre les deux sont, de façon frappante, très similaires à celles observées lors de l’étude sur les dynamiques locales entre le milieu à dominante touarègue de Rharous et celui à dominante sonrai de Diré, jusque dans les modalités effectives de distribution des TM.

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outils HEA et le fait de procéder au dénombrement, à la collecte des données et à la sélection des ménages bénéficiaires en assemblées villageoises. Elle pose néanmoins des principes qui permettent de canaliser, le cas échéant, les failles d’inclusions et d’exclusions : méthode statistique « ad hoc » qui fournit une pré-liste propre à l’ONG, double comité de ciblage. Dans la pratique, cette « ligne de conduite » est renforcée par une équipe elle-même assez technicienne et qui, tout en restant soucieuse des représentations communautaires, tente d’imposer (convaincre, négocier, arbitrer) les protocoles prévus et est dotée de ressources internes (formations) ou externes (enquêteurs, présence plus régulière d’observateurs/partenaires, dont le DS). La méthodologie du ciblage se découpe en étapes distinctes et progressives : dénombrement, traitement statistique, enfin ciblage stricto sensu. L’influence des leaders, qui de façon coutumière est moins autoritaire dans la vallée du fleuve que dans les zones pastorales, se trouve contrebalancée par des contrepouvoirs (communautés elles-mêmes, observateurs) et surtout par le principe de double comité et la nécessité de composer avec la pré-liste « ONG ». Les communautés, y compris les non-bénéficiaires, ont un niveau de connaissance assez élevés du programme de TM et de son processus de ciblage. Les possibilités d’inclusions ou d’excusions semblent ainsi maîtrisées. Pour autant, la mise en œuvre peut varier entre les sites, selon la façon dont la liste statistique est proposée aux comités (avant leur propre ciblage ou ensuite pour triangulation). Le dénombrement communautaire ne garantit pas contre les risques d’exclusions, ne serait-ce que par omission, voire par manipulation, et des critiques ont été émises en ce sens. Le traitement statistique « ad hoc » exige une très grande rigueur dans l’élaboration de la formule (chaque pondération modifiant très sensiblement la liste des bénéficiaires), or en l’absence de référent scientifique ou statistique très fiable, celle-ci peut dès lors désigner des classes de bénéficiaires moins pertinentes. Les comités mis en place peuvent être des comités « permanents » ou recomposés pour la circonstance, mais pas ad hoc pour le programme, et dans les faits ces comités ont une propension à opérer la pratique coutumière, de la même façon que dans la commune de Tilemsi, à partager l’aide en remplaçant les ménages bénéficiaires d’un ciblage à l’autre selon un principe de « rotation », même si les distributions semblent plus conformes aux principes de bonne gouvernance. Les grands traits de la mise en œuvre de cette méthodologie sont ainsi :

- Des moyens conséquents mis au service de la gouvernance (équipes, outils, protocoles, formalisations, partenaires…),

- Continuité du ciblage, dans l’espace (critères plus uniformes, notamment du fait du traitement statistique), mais pas forcément dans le temps (rotations des ciblages),

- Procédures relativement standardisées, voire imposées. De fait, le fait que la pré-liste établie par l’ONG soit fournie aux comités de ciblage avant leur propre délibération semble très fortement influencer ces choix « communautaires ».

Les variations entre la méthode utilisée en 2014-15 et celle utilisée en 2016 (abandon des mécanismes rectificatifs) témoigne d’une forme de « validation » interne de la méthode, et de façon pragmatique de l’acceptation d’une certaine marge d’erreur. Cette méthodologie, par rapport aux deux autres étudiées dans le cadre de l’étude, repose sur une stratégie d’équilibre entre la communauté et la structure d’intervention, mais avec le désir manifeste de « garder le contrôle », en anticipant notamment sur un certain respect des protocoles (communautés « démocratiques », équipes « en capacité »). Néanmoins, le principe de triangulation des listes statistiques et communautaires pose une question de fond :

- Soit la liste ONG est prépondérante, auquel cas la méthode s’apparenterait plus à la « PMT », sur des bases techniques différentes, avec une stabilité des procédures, mais du fait d’une entorse à la gouvernance et une notion d’équilibre plus superficielle et formelle qu’efficiente ;

- Soit les listes communautaires sont prépondérantes (ce qui serait favorisé par la présentation de la pré-liste après délibération des comités), auquel cas la méthode s’apparenterait plus à la « HEA Tilemsi », avec néanmoins des protocoles permettant plus de garantie de fiabilité : dénombrement exhaustif, séparation des étapes, possibilité de rattraper des exclusions ou inclusions par la triangulation des listes.24

De fait, la mise en œuvre de la méthodologie est assez fidèle à la théorie, néanmoins le respect du protocole de triangulation des listes détermine fortement la gouvernance, mais également la stratégie et au final la qualification même de la méthodologie et de fiabilité du ciblage. De façon comparative, la méthode « HEA Gounzoureye » est celle qui permet le plus de solutionner :

24

Il serait intéressant à ce titre de comparer les pré-listes et listes finales selon les sites.

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- les cas d’exclusions d’une part, le traitement statistique exhaustif de la population (vs. partiel pour la « PMT+ ») permet d’intégrer tous les ménages dans le classement relatif et de réintégrer tout ménage potentiellement perçu comme exclu lors des validations

- les cas d’inclusions d’autre part par triangulation des listes en AG, ce qui offre une occasion de questionner les choix litigieux,

En termes d’acceptance, cette méthodologie semble bien accueillie par les populations, à la fois par confiance vis-à-vis de l’acteur (connu, image de fiabilité, de sérieux) et par validation des méthodes (systématisme, mécanismes communautaires). c. La méthode « PMT + » mise en œuvre dans des deux communes par Jigisèmèjiri repose sur une méthodologie qui privilégie l’efficacité, la fiabilité et la formalisation du ciblage, avec un investissement très important en temps et en ressources financières et humaines, et qui est également pensée pour « dépasser » les conflits avec les leaders locaux. Dans la pratique, cette « ligne de conduite » est renforcée par une conception relativement « bureaucratique » du processus (comités régional, cercle, commune, village, formalisation de chaque étape et sous-étape, circuit de validation et d’enregistrement assez complexe des documents afférents), la délégation à deux structures de terrain, l’une (Stop Sahel) résidente, à charge d’organiser les activités locales et de mettre en œuvre les étapes communautaires, dont le pré-ciblage, l’autre (INSTAT), à charge de mettre en œuvre la partie quantitative et statistique de la méthodologie. Cette méthode est dès sa formulation caractérisée par sa complexité, qu’il s’agisse de la formulation du ciblage et de la relation avec les communautés. A la fois la présence des agents de l’ONG et les étapes de formation-formalisation avec les communes et les comités villageois ont à l’initiale favorisé l’appropriation du ciblage par les communautés. Le fait que les conventions signées avec les communes aient mentionné des quotas provisoires, peu en phase avec le caractère très formaliste de la méthodologie, n’a pas réellement posé problème dans ce contexte initial de bonnes relations entre communautés et programme. Le retard pris dans l’exécution du programme peut ne pas être considéré comme une question de gouvernance si l’on considère l’enchaînement des étapes techniques, mais peut l’être si l’on considère les engagements pris avec les communautés, le fait qu’il ait modifié le calendrier relatif des transferts et des mesures d’accompagnement, et qu’il ait affaibli la compréhension du ciblage par les communautés. Au-delà, le problème de gouvernance posé est le fait que les questionnaires ménages aient, au moins partiellement, été administrés dans des lieux « publics » et non au domicile des enquêtés. Le ciblage en trois étapes (dénombrement opéré par les ONG, pré-ciblage communautaire animé par l’ONG et ciblage statistique opéré par l’INSTAT) compose ainsi une méthodologie en « entonnoir » dont chaque composante est reconnue comme pertinente par les acteurs comme les communautés. L’influence des leaders a pu s’exercer lors du dénombrement/ciblage communautaire, néanmoins la méthode quantitative, qui repose sur des données recueillies à titre individuel (et en privé, à domicile, avec la possibilité de vérifier certains déclaratifs et la cohérence des données selon la procédure), donne finalement le pouvoir à la population elle-même. Les communautés, y compris les bénéficiaires, ont un niveau de connaissance très inégal du programme de TM et de son processus de ciblage. Les possibilités d’inclusions sont prévues lors du pré-ciblage (40% environ de ménages excédentaires par rapport à la liste finale) mais aucun mécanisme n’est prévu pour corriger les cas potentiels d’exclusions à ce stade (ces ménages ne seront pas pris en compte lors de l’enquête ménage et non renseignés). Par convention avec les autres intervenants dans la même zone, le ciblage opéré par Jigisèmèjiri conditionne deux aspects :

- Par principe, ce programme prévoit un partage de l’aide en imposant que les ménages bénéficiaires ne figurent pas sur les listes des autres programmes, ce qui revient au principe de « rotation »

- Sa cible se situe parmi les « plus pauvres » mais pas les « plus pauvres des pauvres », qui sont censés avoir été pris en compte par les ONG. Pour autant, vu les pratiques de ciblage, il est plausible que les bénéficiaires 2016 des ONG n’aient pas systématiquement été sélectionnés parmi les « plus pauvres », et que certains parmi ces derniers aient été de nouveau sélectionnés pour ce programme. De ce point de vue, les cibles effectives des deux types de programmes pourraient être plus semblables que ne le prévoit la théorie des « deux processus », qui associeraient aux ONG une cible plus pauvre.

Les grands traits de la mise en œuvre de cette méthodologie sont ainsi :

- Des moyens très conséquents mis au service de la gouvernance (équipes, protocoles, formalisations, partenaires…), mais un montage peut-être très bureaucratique (trop pour le niveau local ?) et très formaliste

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(cf. le retard de contractualisation), au détriment du programme lui-même (les transferts monétaires). D’une certaine façon,

- Une grande continuité du ciblage dans l’espace (critères finalement très discrétionnaires, émis par les communautés/leaders de chaque fraction), sans recul dans le temps, néanmoins conditionné par les modalités effectives des ciblages ONG, qui déterminent largement la cible, cf. supra.

- Une méthodologie très réfléchie et très élaborée de fait, mais une faible capacité d’adaptation du protocole à la réalité, ce dernier étant fondé sur une des procédures et protocoles rigoureux. De fait, l’administration des questionnaires en langues non locales, avec traducteur et en lieux publics traduit une absence d’anticipation des conditions très concrètes de mise en œuvre.

De fait, la mise en œuvre de la méthodologie est diversement fidèle à la théorie, essentiellement pour des raisons liées à sa complexité et à l’impossibilité de s’ajuster aux contraintes par rigidité des procédures :

- Atelier de Sévaré et conventions avec les mairies avant la décision finale des quotas alloués au programme pour le cercle, dû certainement à l’impossibilité de décaler cet atelier extrêmement formel et protocolaire ;

- Mise en œuvre effective du pré-ciblage communautaire en l’absence de calendrier de l’étape suivante (de fait, environ un an a séparé les deux étapes)

- Mise en œuvre des mesures d’accompagnement préalablement aux premiers transferts - Enquête ménage formulée sans prise en compte des réalités du terrain (cf. supra), mais également, il est

apparu lors des entretiens réalisés à Bamako ultérieurement à l’enquête ménage que l’UTGFS considérait que l’INSTAT avait utilisé le questionnaire RSU (12 pages), ce qui est infirmé par l’INSTAT qui a utilisé le questionnaire validé lors du test effectué à Koulikoro et Kolokani. D’une façon générale, il semble que la complexité du montage institutionnel et du processus ait amenuisé l’efficacité de la communication entre acteurs ;

- Calculs des listes par commune et non par village par l’INSTAT, et obligation pour Stop Sahel d’établir des modifications de façon non conforme à ses attributions

- Nécessité pour Stop Sahel toujours de transmettre directement les PV à l’INSTAT A date de l’étude, le programme souffrait d’un réel problème d’acceptance, à tous les niveaux, avec des incompréhensions fortes, y compris des acteurs locaux, des élus, des leaders et des populations. Pour autant, il ne semble pas que ce problème d’acceptance soit lié à la formulation elle-même, dont les différentes composantes sont au contraire validées, mais surtout au retard des transferts en parallèle d’une méthodologie longue, de multiples étapes de mise à contribution des populations, avec trois « événements malheureux » dans ce contexte :

- La mise en place de l’accompagnement avant les transferts - L’enquête ménage par des personnes exogènes, et notamment la question des prises de photos en public.

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2. Pistes de réflexion sur l’optimisation des processus de ciblage a. Dilution de la méthodologie dans les pratiques communautaires Le principe de partage de l’assistance par « rotation » des bénéficiaires au sein d’une majorité des ménages des communautés ou par distributions dissociées du ciblage, et les réactions de certains ménages « lésés », reflètent l’ambiguïté entre perception collective et sentiment individuel, et la superposition de deux formes de « droit » : celui des acteurs et celui de la communauté, avec un certain niveau de conflit entre les deux. La règle communautaire semble prévaloir au final. L’analyse des trois méthodologies aurait vraisemblablement produit des résultats différents lors d’un « premier » ciblage opéré par un seul acteur par zone, sans partage des bénéficiaires entre plusieurs programmes de surcroît. Les ciblages de 2016-17 ont été conditionnés par ceux de 2014-2015 (rotation des bénéficiaires) et du fait de leur complémentarité (d’où le fait que ce ne soit pas forcément les ménages les plus vulnérables qui ont été ciblés lors de la HEA, pourtant « premier volet » de l’articulation ONG-Etat). De ce point de vue, une conclusion possible est celle de l’inutilité d’une méthode complexe, longue et coûteuse en ressources (humaines, financières), puisqu’au final, sur le terme, les communautés vont produire des listes similaires quelle que soit la méthode ; la fréquence des ciblages (du même acteur ou de plusieurs acteurs) et des programmes nuit ainsi à la gouvernance et à la fiabilité de chacun d’entre eux. En d’autres termes, dans ce contexte, la multiplicité des acteurs et des programmes dans le temps nuit à l’efficacité de chacun des ciblages du point de vue des acteurs, puisque paradoxalement elle permet à la communauté de limiter le mécanisme même de ciblage (priorisation des indigents, mais inclusion de l’ensemble des « pauvres en général »), en n’excluant que les (ou partie des) familles réellement non nécessiteuses. Un « simple » processus de ciblage communautaire par comité villageois semble ainsi apporter autant de garantie qu’une méthode très complexe et très coûteuse, qui sera tout autant contournée. b. Optimisation de la fiabilité des méthodes : dans quelles dimensions/quelle stratégie ? L’optimisation des méthodes doit tenir compte des conditions dans lesquelles elles sont formulées, soit les contraintes de temps, de ressources, la nécessité de la fiabilité et de l’acceptance. Le contexte de l’intervention conditionnant les priorités, il n’y a pas de « meilleure méthodologie ». Chacune des trois propositions étudiées représente le fruit d’une chaîne d’arbitrages. De ce point de vue la méthodologie « HEA Tilemsi » semble la méthode la plus appropriée à une intervention d’urgence : rapide, simple, garantissant l’acceptance des leaders, potentiellement au détriment de la fiabilité. A l’opposée, la méthodologie « PMT + » semble moins adaptée à l’urgence, mais se fonde sur des critères de fiabilité et vise une perspective long-termiste, parfois même au détriment de l’acceptance (ex. photos de non bénéficiaires). Le critère de fiabilité de la méthodologie s’impose plus fortement dans la perspective de transferts multi-annuels, avec un nombre très limité d’acteurs (voire un seul acteur). Au-delà de la gouvernance des différentes étapes, les conditions nécessaires à la fiabilité incluent le contrôle sur la population (la cible), les leaders (les acteurs principaux) et les distributions (l’action). Dans cette perspective, les éléments positifs à retenir sont ainsi :

- Un dénombrement exhaustif de la population avec constitution d’une base de données, o L’exhaustivité de l’enquête ménage permettrait à la méthode PMT de rattraper de potentiels

mécanismes d’exclusion o Sachant que le coût (temps, RH, argent) est proportionnel… mais que dans une perspective à plus

long terme, et de façon analogue à ce qui été opéré dans le cercle en 2014-2016, l’étape dénombrement/enquête ménage peut être envisagée différemment et servir à différents acteurs, étatiques ou non.

- Un contrôle sur le ciblage communautaire, qui finalement peut facilement constituer le « maillon faible » de

la fiabilité, notamment par articulation avec un traitement statistique et l’intégration d’une étape « formule »,

o Soit par triangulation (Gounzoureye)

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o Soit par mécanisme « en entonnoir » (PMT +)

- Un système « comptable » renforcé lors des distributions. Cette étape doit être intégrée à la méthodologie de ciblage (même si stricto sensu elle en est dissociée) puisque les communautés peuvent contourner le ciblage lors des transferts. La sécurisation de l’identité des bénéficiaires (cartes avec photos, documents d’identité) renforce ainsi l’ensemble du processus, y compris aux yeux des populations.

c. La communication est à considérer comme une composante même du processus : information et formation. L’information favorise globalement l’acceptance, mais aussi la gouvernance de processus impliquant des acteurs divers, élus, leaders et « administrés » qui peuvent fonctionner en contrepouvoirs. Il semble illusoire d’associer l’information à la fiabilité, notamment face à la propension des communautés à partager l’assistance (en fait, face au désaccord sur les termes du ciblage entre assistants et assistés). Pour autant, l’incompréhension est l’une des sources (même si non la seule) de la non-acceptance, notamment, et le cas de la PMT en est malheureusement emblématique, lorsque des problèmes techniques de mise en œuvre viennent perturber l’appropriation de la méthode sans explication. De ce point de vue, la communication apparaît comme un mode relationnel qui peut contribuer à stabiliser certains aspects du processus de ciblage. Le ciblage communautaire est plus difficile à manipuler face à une AG importante et bien informée. Les organes de tutelle/coordination (comités communaux, villageois) sont plus efficients lorsqu’ils sont formalisés (mise en place de protocoles simples), avec l’engagement de différents types de personnes à différents niveaux, et le partage d’une vision d’ensemble commune du processus. Ceci suppose une communication de masse (radio) et/ou une méthode de diffusion de l’information (point focal, dissémination/décentralisation aux niveaux plus locaux).