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1 INVESTIR DANS LES ENFANTS, C’EST BÂTIR LE CONGO Rapport de la première session de sensibilisation Comment accroître les fonds publics pour donner de meilleures opportunités d’éducation et de santé aux enfants congolais? Après plusieurs années de sous-financement durant lesquelles les structures scolaires et sanitaires étaient privées de ressources pour assurer leur bon fonctionnement, le financement public en faveur des secteurs sociaux en RDC a repris progressivement ces dix dernières années. Les dépenses publiques de 2013, y compris l’aide au développement déclarée, ont représenté 6,1 % des dépenses totales pour la santé et 14,8 % des dépenses totales pour l’éducation, représentant ensemble 20,9 % des dépenses publiques. Ceci est une augmentation comparée à 2011 et 2012. Cependant, pour garantir le droit à l’éducation primaire et aux soins de santé de base pour tous les enfants, les moyens consacrés ne suffisent pas et les ménages continuent à financer significativement la scolarisation et la santé. Il s’avère donc nécessaire d’accroître la part du budget national allouée aux deux secteurs. En même temps, il faudrait mobiliser plus de ressources pour envisager un accroissement du budget global. Les discussions lors de la première session de sensibilisation sur le financement des secteurs sociaux en RDC se sont focalisées sur la nécessité de mobiliser plus de ressources et d’accroitre le budget, en mettant en évidence les facteurs qui restreignent l’espace fiscal et les opportunités non-exploitées. Le thème de la décentralisation et du financement des secteurs sociaux en province a aussi été abordé. « ‘Faibles recettes publiques et fuite de revenus de l’Etat’ sont l’équivalent de la ‘limitation des perspectives de réalisation des programmes et projets publics’. Ainsi, pour accroître les capacités de réalisation des programmes de Gouvernement, il s’avère impérieux d’augmenter les recettes. » Daniel Mukoko, Vice-premier Ministre, Ministre du Budget Tableau 1 : Part de l’éducation et de la santé dans le budget 1980 - 2013 Exécuté Alloué 2011 2012 2013 2014 Education 12.3 12.8 14.8 14.4 Santé 4.3 4.5 6.1 10.8 Total 16.6 17.3 20.9 25.2 Ministère du Budget, exécution (2011-2013) et allocation (2014) par fonction, dont res- sources des partenaires, dans le budget et Banque Mondiale % budget total 2000 8.0 1.9 9.9 1980 24.3 © UNICEF RDC 2014 Benoit Almeras

Rapport de la premiere session de sensibilisation 12janv14

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INVESTIR DANS LES ENFANTS, C’EST BÂTIR LE CONGO

Rapport de la première session de sensibilisation

Comment accroître les fonds publics pour donner de meilleures opportunités d’éducation et de santé aux enfants congolais?

Après plusieurs années de sous-financement durant lesquelles les structures scolaires et sanitaires étaient privées de ressources pour assurer leur bon fonctionnement, le financement public en faveur des secteurs sociaux en RDC a repris progressivement ces dix dernières années.

Les dépenses publiques de 2013, y compris l’aide au développement déclarée, ont représenté 6,1 % des dépenses totales pour la santé et 14,8 % des dépenses totales pour l’éducation, représentant ensemble 20,9 % des dépenses publiques. Ceci est une augmentation comparée à 2011 et 2012.

Cependant, pour garantir le droit à l’éducation primaire et aux soins de santé de base pour tous les enfants, les moyens consacrés ne suffisent pas et les ménages continuent à financer significativement la scolarisation et la santé. Il s’avère donc nécessaire d’accroître la part du budget national allouée aux deux secteurs. En même temps, il faudrait mobiliser plus de ressources pour envisager un accroissement du budget global.

Les discussions lors de la première session de sensibilisation sur le financement des secteurs sociaux en RDC se sont focalisées sur la nécessité de mobiliser plus de ressources et d’accroitre le budget, en mettant en évidence les facteurs qui restreignent l’espace fiscal et les opportunités non-exploitées. Le thème de la décentralisation et du financement des secteurs sociaux en province a aussi été abordé.

« ‘Faibles recettes publiques et

fuite de revenus de l’Etat’ sont

l’équivalent de la ‘limitation des

perspectives de réalisation des

programmes et projets publics’.

Ainsi, pour accroître les

capacités de réalisation des

programmes de Gouvernement,

il s’avère impérieux

d’augmenter les recettes. »

Daniel Mukoko, Vice-premier Ministre, Ministre du Budget

Tableau 1 : Part de l’éducation et de la santé dans le budget 1980 - 2013

Exécuté Alloué

2011 2012 2013 2014

Education 12.3 12.8 14.8 14.4

Santé 4.3 4.5 6.1 10.8

Total 16.6 17.3 20.9 25.2

Ministère du Budget, exécution (2011-2013) et allocation (2014) par fonction, dont res-sources des partenaires, dans le budget et Banque Mondiale

% budget

total 2000

8.0

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© UNICEF RDC 2014 Benoit Alm

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1. Un espace fiscal limité face à d’importants besoins de financement dans les secteurs sociaux

Il est nécessaire d’élargir l’espace budgétaire pour une meilleure prise en charge des secteurs sociaux. Pour Marco Banguli, cette exigence requiert une bonne identification des niches de recettes, une analyse des facteurs qui affectent l’efficience des services mobilisateurs des recettes, ainsi que de ceux qui entravent le recouvrement optimal des recettes publiques, afin d’envisager courageusement les mesures correctives.

La reprise de l’économie a entraîné une hausse moyenne de 48,9 % des recettes publiques entre 2001 et 2012. En 11 ans, les recettes sont passées de 64,4 milliards à plus ou moins 4 000 milliards de CDF, soit une multiplication par 60. Cette performance procède du retour et de la consolidation de la croissance économique ainsi que du succès des réformes mises en œuvre par le Gouvernement dans le secteur des finances publiques.

Si l’on tient compte des besoins à satisfaire pour l’ensemble du pays et particulièrement dans les secteurs sociaux de base, cette évolution n’est pas suffisante. Aussi, elle ne correspond pas au réel potentiel économique et fiscal du pays.

Figure 1: Des besoins énormes à satisfaire

• Un gap de ~ 815 millions USD pour réaliser les OMDs en éducation pour 2013 & 2014

• 1.1 milliard USD en tant que cout additionnel pour la mise en œuvre du cadre d’accélération des OMDs 4 et 5 pour 2014 & 2015

Source: Ministère de l’EPSP et Ministère de la Santé

Figure 2 : Recettes publiques en RDC: 2001 - 2012

Source: Elaboré à partir des données de la Banque Centrale du Congo (BCC)

2. Les raisons de l’étroitesse de l’espace budgétaire de la RDC

Plusieurs facteurs limitatifs de l’espace budgétaire de la RDC ont été relevés pendant la session, notamment la sous-évaluation des recettes (mauvaise prévision), les faiblesses organisationnelles des régies financières (aussi bien au niveau central que provincial), les faiblesses de la législation fiscale (code minier, code forestier, code des hydrocarbures), la fraude, l’évasion fiscale et les détournements des deniers.

Sous-estimation des recettes publiques

Les prévisions de recettes budgétaires sont en règle générale sous-

estimées. Selon Jean-Lucien Busa, les actes générateurs identifiés par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du budget correspondent à

± 65 % des actes reconnus par la Loi. Parmi les actes non-répertoriés, il y a des actes qui pourraient rapporter davantage d’argent au Trésor public. Aussi, pour certains postes de recettes, les méthodes d’analyse sont un peu défaillantes et pour d’autres, les projections sont délibérément biaisées.

© UNICEF RDC 2013 Diana M

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© UNICEF RDC 2013 Brett M

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Inefficience dans la collecte des recettes

Autant que le gouvernement accorde des crédits budgétaires importants aux efforts de stabilisation macroéconomique, Marco Banguli et Jean-

Lucien Busa estiment qu’il devrait le faire pour la maximisation des recettes. Il y a ainsi nécessité d’approfondir les reformes des régies financières et d’améliorer la rémunération des agents commis à la collecte des fonds publics au niveau central et provincial. La fraude fiscale, l’évasion fiscale et les détournements des deniers publics qui ont élu domicile dans le pays sont connus de tous mais les autorités (gouvernement et parlement) ne prennent pas des sanctions pour y mettre fin.

Encadré 1 : Le potentiel fiscal

C’est le taux de prélèvement at-tendu compte tenu de la structure économique du pays et de l’archi-tecture des régies financières (effort de collecte). Lorsque le prélèvement fiscal est supérieur au potentiel fiscal, cela traduit un effort de collecte positif. Au cas contraire, l’effort est dit négatif.

Figure 3: Pression fiscale en RDC: 2001 - 2012

Source: Elaboré à l’aide des données de la BCC

Figure 4: Part des mines et hydrocarbures dans le budget (en %)

Source: ITIE/RDC

Sous-fiscalisation de l’économie

Généralement, les pays à faible revenu ont une faible pression fiscale [15 - 20 %] à cause des performances des régies financières ainsi que de la non-prise en charge de certains secteurs par le système fiscal y compris l’économie informelle. En RDC, on assiste à une hausse mais instable de la pression fiscale (Figure 3) qui est passée de 7.5 % en 2002 à 20.9 % en 2012. Cette performance tient en partie aux réformes opérées dans les régies.

Marco Banguli a noté que le potentiel fiscal de la RDC est estimé à 30 % du PIB. Les réalisations actuelles de recettes sont inférieures aux prévisions budgétaires et a ce potentiel réalisable même si, de 2002 à 2012, les recettes se sont multipliées. Les contributions moyennes au budget de l’Etat ont été de 36.9 % pour la DGDA, 33 % pour la DGI et 11.9 % pour la DGRAD. En 2012, les recettes fiscales étaient de 3612.7 milliards de CDF, soit

3.8 milliards USD [20.9 % du PIB]. Le potentiel fiscal étant de 30 %, la RDC aurait dû mobiliser ± 5.5 milliards

USD comme recettes fiscales. Cela représente un manque à gagner de ± 1.7 milliard.

Certains segments de l’économie sont sous-fiscalisés alors que selon la loi, ils sont tenus de payer des impôts ou des taxes. Les industries extractives qui constituent le principal levier de la croissance de l’économie depuis 2002, contribuent faiblement aux recettes fiscales et donc au PIB du pays (Figure 4). Le code minier ne permet pas au Trésor de mobiliser les recettes que devrait gagner le pays sur l’exploitation des ressources minières. Il en est de même pour les hydrocarbures.

© UNICEF RDC 2013 Diana M

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Mobilisons des moyens pour que les enfants puissent aller à l’école et être en bonne santé

Certes, les recettes publiques sont en progression, mais il existe encore des marges de progrès. Il faudrait aligner l’objectif de mobilisation des recettes au potentiel économique du pays. Des efforts sont à conjuguer pour capter au maximum les recettes potentielles. La collecte des recettes publiques n’est pas encore efficiente car l’assiette fiscale du pays est faible et le secteur des ressources naturelles y contribue faiblement alors qu’il dispose d’un grand potentiel de croissance.

Intervenants de la session

Marco Banguli, Ministre Honoraire des Finances, de l’Economie, et de l’Industrie

Jean-Lucien Bussa, Député National/membre de l’ECOFIN

Jean-Bosco Nsuami, Professeur à l’UNIKIN et à l’UPC

Joseph Cihunda Hengelela, Consultant SARW RDC

Modératrice : Mailan Chiche, Conseillère en Gouvernance, DFID

Recommandations de la session

• Améliorer la qualité du processus d’élaboration des prévisions des recettes publiques.

• Instituer des chaines de la recette publique tant au niveau central que provincial pour un meilleur suivi de la collecte des recettes publiques.

• Réviser le Code minier et le Code des hydrocarbures afin d’accroître leurs participations dans le budget de l’Etat.

• Approfondir les réformes menées et investir dans les régies financières, y compris en termes de ressources humaines.

• Créer un cadastre fiscal pour une meilleure identification des contribuables ou personnes (physiques et morales) assujetties à l’impôt.

3. La décentralisation et le financement des secteurs sociaux en province

Au niveau provincial, les recettes publiques ont aussi augmenté, mais leur collecte est inférieure au potentiel réalisable. Les principaux contributeurs au budget national sont Kinshasa, le Katanga et le Bas-Congo. Jean-

Bosco Nsuami a relevé que la faible collecte en province tient d’une part, à la nature et à la répartition géographique des activités dans les provinces, et à l’inefficience et au cadre organique défaillant des services commis à la collecte des recettes au niveau provincial.

Lors de la discussion, la rétrocession et l’effet sur la collecte des recettes en provinces a aussi été noté. Le taux d’exécution faible du transfert des 40 % des recettes à caractère national collectées en province représente un facteur limitatif pour les budgets dans certaines provinces et limite leur capacité à financer les secteurs sociaux.

Série de sessions de sensibilisation

La première session de sensibilisation s’est tenue le jeudi 25 septembre 2014 à Kinshasa.

C’était la première session de la série. Elle s’est penchée sur la mobilisation des ressources et es facteurs limitatifs de l’espace budgétaire congolais tout en indiquant les progrès existant et en rappelant l’importance de la prise en compte de la dimension « enfant » dans les questions budgétaires.

Thèmes des trois sessions :

i. La mobilisation des ressources,

ii. L’allocation et la distribution des ressources, et

iii. L’exécution des ressources.

Figure 5: Rétrocession au profit des provinces en 2012

Source: Ministère du Budget