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1 Rapport d'enquête sur l'accès à l'eau potable dans les quartiers de Douala, Cameroun Mars 2020 Association OnEstEnsemble

Rapport d'enquête sur l'accès à l'eau potable dans les quartiers de … · 2020. 3. 25. · (DHH), a en charge la conception, la formulation et la mise en œu e des statégies

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    Rapport d'enquête sur l'accès à l'eau potable

    dans les quartiers de Douala, Cameroun

    Mars 2020

    Association OnEstEnsemble

  • 2

    INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 3

    I. Gestion et fourniture de l'eau au Cameroun ................................................................................... 5

    L'accès à l'eau potable au Cameroun ................................................................................................... 5

    Les acteurs nationaux de l'eau ............................................................................................................. 6

    II. Inégalités face aux sources d'approvisionnement en eau de consommation .................................. 8

    Qui a accès au réseau d'eau urbain ?................................................................................................... 8

    Où s'approvisionnent les personnes qui n'ont pas accès au réseau d'eau ? ...................................... 12

    Quelles sont les différentes options pour les habitants de Douala ? ................................................. 13

    S'approvisionner en eau : un combat quotidien ................................................................................ 15

    Qu'en est-il du service public d'eau gratuite à Douala ? .................................................................... 16

    III. Le coût : principal facteur limitant dans l'accès à l'eau pour tous ................................................. 20

    Se connecter au réseau d'eau urbain : à quel prix ? .......................................................................... 20

    Comment faire quand on est éloigné du réseau ? ............................................................................. 21

    Qu'en est-il lorsque l'on ne peut pas se connecter au réseau ? ........................................................ 22

    VI. Les coupures : un autre calvaire pour les usagers du service public de l'eau ................................... 23

    Elle nous raconte ............................................................................................................................... 24

    CONCLUSION ......................................................................................................................................... 27

    Recommandations du rapport pour l'amélioration de l’accès à l’eau potable ...................................... 28

    ANNEXES ................................................................................................................................................ 29

    Information sur les personnes enquêtées ......................................................................................... 29

    Age des personnes enquêtées ....................................................................................................... 29

    Localisation des personnes enquêtées .......................................................................................... 29

    Répartition des genres des personnes enquêtées ......................................................................... 29

    Devis de branchement camwater ...................................................................................................... 30

    Facture d'eau ..................................................................................................................................... 31

    Couverture du réseau d'eau au quartier de Makepe missoke – vue satellite ................................... 35

  • 3

    L'accès à l'eau potable est reconnu comme un droit humain fondamental1 et l'un des objectifs de

    développement durable (ODD). Son absence constitue une menace importante pour la santé des

    hommes et des femmes. Les maladies d'origine hydrique représentent le principal problème de santé

    publique dans de nombreux pays. Le dernier rapport mondial des Nations Unies en la mise en valeur

    des ressources en eau2 indique que plus de deux milliards de personnes dans le monde n'ont toujours

    pas accès à l'eau potable et à l'assainissement en 2019. De plus, les changements climatiques appliquent

    une pression de plus en plus forte sur les ressources mondiales en eau3. Comme le Président d'ONU-

    Eau l'indique, "les populations pauvres et marginalisées seront affectées de manière disproportionnée,

    ce qui aggravera encore les inégalités". L'Afrique subsaharienne est l'une des régions les plus touchées

    par ces difficultés d'accès à l'eau, avec seulement 24% de la population qui a accès à une source sûre

    d'eau potable.

    Selon un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé4, 319 millions de personnes en Afrique

    subsaharienne n'avaient toujours pas accès à une eau potable en 2015. Trois ménages sur quatre vont

    chercher de l'eau hors de leur domicile. L'Afrique Subsaharienne, l'Afrique du Nord, l'Asie centrale,

    l'Océanie et la Caucase ont les niveaux de couverture les plus faibles en eau potable.

    Ce présent rapport d'enquête se concentre sur la situation des habitants d'une grande métropole

    africaine : Douala, au Cameroun. L'association OnEstEnsemble est implantée dans une dizaine de

    quartiers dits "précaires", à Douala, et ses membres soulèvent depuis plusieurs années les difficultés

    d'accès à l'eau potable. L'association ayant pour objectif la lutte contre les injustices et la défense des

    1 UNESCO, 2003 2 WWDR 2019, "Ne laisser personne pour compte", UNESCO - https://fr.unesco.org/water-security/wwap/wwdr/2019 3 Rapports du GIEC - https://www.ipcc.ch/report/ar5/syr/ 4 Rapport 2015 sur les progrès en matière d’assainissement et d’alimentation en eau : les principaux faits- https://www.who.int/water_sanitation_health/monitoring/jmp-2015-key-facts/fr/

    https://fr.unesco.org/water-security/wwap/wwdr/2019https://www.ipcc.ch/report/ar5/syr/https://www.who.int/water_sanitation_health/monitoring/jmp-2015-key-facts/fr/

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    droits sociaux, économiques et environnementaux de ses membres, elle a cherché à travers un travail

    d'enquête mené entre septembre 2019 et mars 2020, à rendre visible les difficultés d'accès à l'eau

    potable et les inégalités dans l'accès à ce droit fondamental. Des entretiens auprès de 300 habitants de

    Makepe Missoke (Arrondissement de Douala 5) ont été effectués, dans les secteurs couverts par le

    réseau urbain d'eau ainsi que dans les secteurs qui en sont éloignés. Antoine Noubouwo5 identifie

    Makepe Missoke comme faisant partie des « quartiers d’extension périphériques à étages » : construits

    dans la deuxième couronne de la ville, ils sont caractérisés par la présence de deux parties bien distinctes

    : un plateau non inondable où l’habitat est relativement de bonne qualité, bien connecté au réseau de

    voiries primaires, et une zone marécageuse en contrebas composée d’un habitat en matériaux

    provisoires et où les inondations sont fréquentes. La circulation dans cette zone est très difficile en

    raison de l’absence de voirie tertiaire et des cheminements piétonniers qui se terminent souvent dans

    les marécages. Près de 33 000 habitants6 vivent dans ce quartier, qui partage les caractéristiques de

    nombreux quartiers précaires de Douala. Des responsables techniques de l'entreprise publique

    Camwater ont également été rencontrés pour nourrir ce rapport. Le travail de recherche réalisé par

    Virginie Nantchop en 20157 est également une source importante d'information.

    Ce rapport se concentre ainsi sur trois dimensions qui constituent un frein à l'accès à l'eau potable pour

    une partie de la population : l'absence de réseau d'eau, le coût de l'eau, qui est en lien direct avec la

    qualité de l'eau, et les pannes sur le réseau d'eau.

    5 "Developpement urbain et stratégies d'acteurs dans les quartiers précaires de Douala au Cameroun", Antoine Noubouwo, Etudes urbaines, programme de l'INRS et de l'UQAM, Septembre 2014 6 MAETUR 2018 7 NANTCHOP, V., 2015, « L’action publique urbaine à l’épreuve des réformes du service d’eau à Douala (Cameroun) », Géocarrefour, vol 90, n°1, p.61-71.

    Source : Google Earth

  • 5

    Depuis la Conférence de Dublin sur l’eau et l’environnement de juin 1992 et la conférence des Nations

    Unies sur l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro la même année, la gestion des

    ressources d'eau est identifiée comme un enjeu essentiel à l'échelle internationale.

    Se fondant sur les recommandations du Sommet Mondial pour le Développement Durable (SMDD) de

    Johannesburg de 2002 relative à l’élaboration des plans d’Action Nationaux de Gestion Intégrée des

    Ressources en Eau (GIRE) et dans le cadre de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le

    Développement (OMD), le Cameroun, comme plusieurs pays d’Afrique Centrale, s'est engagé dans le

    processus de la GIRE19.

    En 2005, le Cameroun se dote d’un Plan d’action national de Gestion intégrée des ressources en eau

    (PanGire). La lettre de politique sectorielle d’hydraulique urbaine8, élaborée en 2007, précise les

    engagements des autorités en matière d’hydraulique urbaine9, faisant de l’eau un bien du patrimoine

    national dont l’Etat assure la protection et la gestion.

    Pourtant, en 2010, un rapport sur le financement du secteur de l'eau au Cameroun10 souligne le manque

    de prise en compte de l'eau comme un secteur stratégique du point de vue économique et social. Selon

    le rapport, le Cameroun ne disposerait pas, à l'époque, d'une politique nationale de l'eau de manière

    formelle, et les investissements n'auraient pas été à la hauteur des enjeux et des engagements.

    L'accès à l'eau en 2010 au Cameroun est encore peu développé : le taux de desserte en eau potable

    (réseau d'eau public) était de 33% en 2010 selon la Banque Africaine de Développement11. Ce taux est

    très faible, si on le compare à celui du Sénégal pour la même année (98% en zone urbaine et 82% en

    zone rurale). Le rapport du Global Partnership Central Africa explique que "les grandes villes sont dans

    leur quasi-totalité équipées en système d'alimentation en eau potable, ce qui situe le taux de couverture

    à environ 86,2%", mais qu'en réalité "la situation d'approvisionnement en eau potable en milieu urbain

    est traduite par le taux d'accès direct des ménages à l'eau potable", qui serait, selon ce rapport, de

    l'ordre de 29% (près de 227 000 abonnés en 2010).

    Pourtant, les besoins en eau sont bien inférieurs aux ressources disponibles, correspondant aux

    ressources en eau contenues dans les différents compartiments hydrologiques. L'étude indique que

    pour l'ensemble du Cameroun, les besoins en eau correspondraient à seulement 4% des ressources

    disponibles. Le Cameroun dispose en effet d'importantes ressources en eau (267,88km3 pour les eaux

    de surface et 55,98km3 pour les eaux souterraines), et donc d'un immense potentiel.

    En 2018, le taux moyen d'accès à l'eau potable est de 77% en milieu urbain et 45% en milieu rural, selon

    L'INS. Selon les récentes données fournies par le Ministère de l’Eau et de l’Énergie, la production

    nationale d’eau potable du Cameroun est de 824  456 m3/jour en 2019, et le réseau de 6 875 km. Les

    interventions réalisées et les campagnes de branchements sociaux ont permis de porter le nombre

    d’abonnés en milieu urbain à 446  976 en 2019.

    8 https://www.pseau.org/outils/ouvrages/politique_sectorielle_d_hydraulique_Cameroun_urbaine_2007.pdf 9 La loi n°98/005 du 14 avril 1998 portant régime de l’eau au Cameroun 10 Développement d'une stratégie de financement du secteur de l'eau en Afrique centrale – Etude nationale sur le financement du secteur de l'eau – Global Water Partneship Central Africa, Juin 2010 11 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6814943/

    https://www.pseau.org/outils/ouvrages/politique_sectorielle_d_hydraulique_Cameroun_urbaine_2007.pdfhttps://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6814943/

  • 6

    Le Ministère de l’Energie et de l’Eau (MINEE), à travers la Direction de l’Hydraulique et de l’Hydrologie

    (DHH), a en charge la conception, la formulation et la mise en œuvre des stratégies d’alimentation en

    eau potable et d’assainissement dans les zones urbaines et rurales. Les actions de la DHH sont très

    majoritairement orientées vers l’élaboration et le suivi des programmes d’approvisionnement en eau

    potable.

    Les activités de production et de distribution d'eau potable ont, elles, été assurées par différents acteurs

    au Cameroun au cours du temps. En 1964, l'Etat décide de créer le Service Provisoire des Eaux du

    Cameroun (SPEC), qui deviendra la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC) en 1967, organisme

    national chargé en régime de concessions des activités de production et de distribution d'eau potable

    dans les agglomérations urbaines du pays. Le processus de privatisation par appel d'offres initié en 1999

    échoue, et est remplacé par la mise en affermage du secteur, à travers un Partenariat Public-Privé,

    organisant la gestion de l'eau en deux contrats principaux : la concession et la gestion des infrastructures

    d'une part, et l'affermage de l'autre. La Camwater est créée en 2005 comme société de patrimoine, à

    capital public, pour la gestion du patrimoine hydraulique et le contrôle de la qualité et de l'exploitation

    du service de production, de transport et de distribution d'eau potable. L'exploitation elle-même de la

    production et de la distribution d'eau en milieu urbain et périurbain est confiée à la Camerounaise des

    Eaux (capitaux privés majoritairement marocains) par un contrat d'affermage. En milieu rural12, la

    gestion est déléguée à une association d’usagers, chargée de superviser la gestion de l’ensemble des

    points d’eau du village ou du quartier.

    Le 1er mai 2018, le service est finalement renationalisé, pour répondre notamment aux nombreuses

    critiques sur la qualité du service, avec la reprise du contrat d'affermage par la Camwater. Le Syndicat

    National Autonome des Travailleurs de l'Energie, l'Eau et des Mines du Cameroun (SYNATEEC) conclut

    ainsi fin d'un atelier organisé en juin 201913, que la privatisation a fait disparaitre les fontaines publiques

    et que l'eau n'est plus en quantité et qualité suffisante. Le syndicat dénonce ainsi la naissance de conflits

    sociaux liés à l'eau au sein des quartiers, la charge de travail pour les femmes et les enfants, et les

    conséquences négatives sur la santé des forages créés par des particuliers. Deux ans après la

    renationalisation, il est encore tôt pour constater l'ensemble des impacts que ce type de gestion va avoir

    pour les usagers, mais cette enquête tente de mettre en lumière certains enjeux auxquels la Camwater

    va devoir faire face, notamment dans les grandes villes.

    12 Décret 2010/0239/PM transférant aux communes les compétences pour la réalisation et la gestion des puits et forages 13https://publicservices.international/resources/news/leau-du-cameroun-doit-rester-en-mains-publiques?id=10212&lang=fr

    https://publicservices.international/resources/news/leau-du-cameroun-doit-rester-en-mains-publiques?id=10212&lang=fr

  • 7

    Au quartier TSF-Cacao Barry, s'approvisionner en eau chaque jour est une épreuve pour de nombreux

    habitants. Les bonnes fontaines sont inexistantes, les forages payants ne fonctionnent plus, et tout

    le monde n'a pas pu se connecter au réseau d'eau géré par Camwater.

    Stéphanie NGUEMALEU habite le quartier depuis 6 ans, au Bloc A. Pour la consommation, elle se

    ravitaille à un seul point d’eau : le forage gratuit qui a été offert en 2015 aux habitants par la

    Boulangerie Mado.

    "Ce point d’eau est à environ 10 min de ma maison. On y trouve toujours du monde et, pour éviter du

    désordre, nous devons puiser l’eau par ordre d’arrivée. Parfois tu arrives à 7h, et tu quittes le point

    d’eau à 7h40".

    Ainsi, il lui faut compter plus d'une heure chaque jour pour aller s'approvisionner en eau.

    C’est le forage de la Boulangerie Mado qui ravitaille tout le quartier, pour les personnes qui ne sont

    pas connectées au réseau. Stéphanie explique que parfois, les médecins interdisent de consommer

    cette eau à des personnes qui tombent malades vraisemblablement à cause de l'eau. Autrefois,

    Stéphanie se ravitaillait au point d’eau public offert par la Station Bocom à Bépanda Ambiance. Mais,

    elle déplore sa qualité : "elle sent parfois le carburant, et même la rouille ».

    De plus, pour accéder à ce point d'eau, la route est accidentée et cela nécessite plus d'effort.

    Si la famille de Stéphanie n'est pas connectée au réseau d'eau urbain, ce n'est pas par choix. Elle

    explique ses raisons :

    "Je suis locataire et je n’ai pas de certificat de propriété comme le demande Camwater, encore moins

    de taxe foncière à déposer dans la constitution du dossier. Notre bailleur dit avoir la volonté de nous

    connecter, mais il déplore le montant très élevé de l’abonnement. Nous ne sommes donc toujours pas

    branchés"

  • 8

    Comme on l'a vu, le réseau d'eau géré aujourd'hui par Camwater est loin d'être accessible à l'ensemble

    de la population camerounaise, même en ville, où la couverture est pourtant plus importante qu'en

    zone rurale. En se basant sur les chiffres les plus récents fournis par le MINEE, de 446  976 abonnés en

    milieu urbain en 2019, on peut estimer le nombre de personnes étant connectées au réseau d'eau.

    Les ménages camerounais ayant une taille moyenne de 5,9 personnes14, on peut estimer que 2,6

    millions de personnes sont connectées au réseau urbain d'eau, dans l'ensemble du Cameroun. Les villes

    de Douala et Yaoundé représentant à elles seules près de 8 millions d'habitants, tandis que 4 autres

    villes dépassaient déjà les 200 000 habitants en 2001, une minorité de la population est effectivement

    connectée au réseau d'eau urbain géré par Camwater.

    14 Selon l'enquête auprès des ménages de l'Institut National des Statistiques Camerounais mise à jour en 2015 - http://nada.stat.cm/index.php/catalog/26

    Source : L'action publique urbaine à l'épreuve des réformes du service d’eau à Douala (Cameroun),

    Virginie Laure Nantchop Tenkap 2005 - https://journals.openedition.org/geocarrefour/9686?lang=fr

    Réseaux et infrastructures de distribution d'eau à Douala

    http://nada.stat.cm/index.php/catalog/26https://journals.openedition.org/geocarrefour/9686?lang=fr

  • 9

    Les Enquêtes Camerounaises Auprès des Ménages (ECAM 2 et 3), réalisées par l'Institut National de la

    Statistique du Cameroun, indiquent que le pourcentage de personnes s'approvisionnant en eau de

    boisson auprès du réseau Camwater a fortement diminué entre 2001 et 2007, passant de 75% à 6615%.

    L'évolution peut être expliquée notamment par la forte croissance démographique. Si des données plus

    récentes ne sont pas disponibles, on peut penser que la pression démographique continue de peser sur

    le taux d'accès au réseau d'eau, avec une population estimée aujourd'hui à plus de 25 millions, et un

    taux de croissance annuelle de près de 2,4%.

    Douala, capitale économique du Cameroun, abrite près de 3,6 millions d'habitants. Le taux

    d'accroissement annuel de la population est de 6,4%16. L'accès à l'eau est un enjeu croissant face à la

    pression démographique. La ville de Douala a une capacité de production journalière d’environ 66 000

    m3 d’eau17.

    Ainsi, une partie importante des personnes n'ont pas accès au réseau urbain d'eau, particulièrement

    dans les quartiers précaires, et tout particulièrement les poches urbaines en mutation à la périphérie

    du centre (comme Camp Yabassi, New Bell, ou la partie basse de New Deido), dans les quartiers en

    première couronne urbaine (comme Oyack, Diboum I ou Nklmintag), ou encore les quartiers

    d'extensions périphériques (comme Mambanda, Maképé Missoké, Bepanda Yoyong et Petit Wouri)18.

    15 Voir Tableau sur l’évolution du principal mode d’approvisionnement en eau de boisson entre 2001 et 2007 16https://populationstat.com/cameroon/douala 17 L'action publique urbaine à l'épreuve des réformes du service d'eau à Douala (Cameroun), Virginie Nantchop, 2015 18 Développement urbain et stratégies d’acteurs dans les quartiers précaires de Douala au Cameroun, Antoine Noubouwo, 2014

    https://populationstat.com/cameroon/douala

  • 10

    La situation dans les quartiers précaires de Douala : la couverture du réseau

    d'eau urbain à Makepe Missoke

    Cette carte a été effectuée à partir d'une enquête sur le terrain et la rencontre des représentants des

    autorités locales, chefs de blocs et chef de quartier. On peut observer que de nombreux blocs,

    représentants plusieurs milliers de personnes, sont situés hors secteur couvert par le réseau d'eau

    urbains (voir détails en vision satellite en annexe). L'entreprise Camwater stipule, sur les documents

    d'information concernant le branchement : "la longueur de votre branchement ne pourra pas excéder

    50 mètres linéaires". Tout foyer se situant trop loin des canalisations principales ne pourra donc pas

    être connecté.

    Source : Google My Maps

  • 11

    Entre les personnes situées en dehors du réseau et celles qui ne sont pas connectées, une très faible

    par (moins de 30%) des personnes interrogées sont connectées au réseau à Makepe Missoke.

    Par ailleurs, de nombreux habitants ont témoigné de leur difficulté à constituer les dossiers pour

    effectuer une demande de branchement : difficulté à accéder à l'information pour certains, difficulté de

    rassembler les documents nécessaires pour d'autres.

    En tant que propriétaire, les

    documents à fournir pour un

    branchement ou abonnement à

    Camwater sont la Carte Nationale

    d'Identité et le Titre de Propriété. Mais

    aussi une autorisation écrite et

    légalisée de traverser les concessions

    d'autrui. Ces documents ne sont pas

    toujours faciles à obtenir.

    En tant que locataire, il faut fournir un

    contrat de bail et l'autorisation écrite et

    légalisée du propriétaire. Aujourd'hui

    au Cameroun, et particulièrement dans

    une ville comme Douala où l'accès au

    logement est très difficile, ces documents ne sont pas toujours faciles à fournir. Certains propriétaires

    ne réalisant pas de contrat de bail, ou refusant de donner leur autorisation. Par ailleurs, le locataire doit

    fournir une facture de l'ancien abonné ou ancienne liasse de devis de branchement. Les locataires ne

    disposent généralement pas de ces documents, ce qui rallonge la procédure, et souvent les coûts, car

    un agent doit se déplacer sur le terrain. De plus, si l'abonnement précédent présente un solde débiteur,

    c'est au locataire de régler les impayés, pour pouvoir bénéficier d'un abonnement.

    29%

    71%

    Part des personnes connectées au réseau d'eau urbain Makepe Missoke

    Connectées au réseau

    Non-connectées

    "J'ai décidé l'année dernière de me connecter au service

    d'eau de la Camwater, à l'agence ils m'ont indiqué que je

    devais fournir : une lettre manuscrite adressée au chef

    d’agence, une photocopie de la carte nationale d’identité,

    un plan de localisation et le certificat de vente du terrain

    légalisé, ou une photocopie du titre foncier, ou une

    photocopie du titre de propriété. En regroupant les pièces

    constitutives, j’ai été bloqué car l’Etat ne délivre plus de

    titre foncier. Je me suis rapproché d’un chef de bloc dans

    mon quartier qui me demande 30.000 FCFA. N’étant pas à

    mesure de lui donner cette somme, je suis actuellement

    coincé car les frais d’abonnement sont déjà exorbitants et

    plus cette somme que me demande le chef de bloc »

    Samuel, habitant de Bépanda Omnisports

  • 12

    Les ménages qui n'ont pas accès au réseau urbain d'eau doivent pourtant s'approvisionner en eau. La

    fourniture d'eau de consommation est l'enjeu principal. Les différentes options présentes chacune des

    difficultés ou inconvénients spécifiques.

    L'étude ECAM 3 menée par l'INS indique qu'en 2007, le mode principal d'approvisionnement à Douala

    (derrière l'eau fournie par Camwater) est le forage (24,5%), le reste étant réparti entre les puits et

    sources aménagées (6,8%) et les rivières, marigots, lac et autres (2,5%).

    Evolution du principal mode d’approvisionnement en eau de boisson entre 2001 et 2007

    Source : INS, ECAM 2, 3

    Régions géographiques

    Eau CAMWATER Forage Puits, source aménagée

    Rivière, marigot, lac et autres

    2001 2007 2001 2007 2001 2007 2001 2007

    DOUALA 75,7 66,2 8,0 24,5 11,4 6,8 4,9 2,5

    LITTORAL SANS DOUALA

    53,2 55,0 1,8 10,8 9,3 16,1 35,7 18,1

    REGION DU LITTORAL

    67,9 63,3 5,8 20,9 10,7 9,2 15,6 6,6

    CAMEROUN 41,9 38,9 8,6 9,9 15,8 17,2 33,7 34,0

  • 13

    • Certaines habitations bénéficient d'un forage personnel : un captage vertical permettant

    l’exploitation de l’eau d’une nappe phréatique. L’eau peut être remontée au niveau du sol grâce

    à une pompe, manuelle ou motorisée. Un forage est fermé, contrairement à un puits. Son eau

    n'est généralement pas traitée, et la qualité de l'eau fournie dépend notamment de la

    profondeur, et de la composition du sol. Plus le forage est profond, plus l'eau est protégée de

    la pollution des surfaces. Cependant, tous les foyers n'ont pas les moyens de creuser des forages

    suffisamment profonds pour garantir la qualité de l'eau. Le coût pour ce moyen

    d'approvisionnement correspond au coût du forage et à l'entretien de la pompe. L'eau est

    librement accessible ensuite

    • Des puits sont plus communément disponibles, cependant, leur eau est contaminée par la

    pollution de surface, notamment via les cordes et seaux utilisée pour puiser l'eau. Cette eau

    nécessite un traitement ou un filtrage pour être potable, ce qui n'est pas accessible à tous. Les

    seuls coûts correspondent au forage et à l'entretien. Des puits privés peuvent être utilisées par

    plusieurs personnes de la communauté, en échange d'une participation financière.

    • L'eau des rivières, lacs et autres points d'eau est moins disponible en ville, et constitue donc

    une source d'eau de boisson pour moins de monde (2,5% à Douala en 2007). Cette eau n'est

    pas protégée de la pollution de surface, et ne peut pas être consommée sans traitement ou

    filtre sans risques. Mais pour ceux qui n'ont pas de puits ou forage, elle constitue souvent la

    seule source en libre accès.

    Selon une étude menée en 2018 sur la commune de Douala V19 , 85% des personnes interrogées ne

    traitent pas l'eau avant sa consommation. Les méthodes de traitement sont principalement le filtre (en

    grande majorité), la chloration, et l'ébullition.

    19 Accès à l'eau potable et à l'assainissement : cas de la commune d'arrondissement de Douala V (Cameroun), Juillet 2019, D. D. Tekam, N. Vogue, C. C. Nkfusai, M. E. Ela, S. N. Cumber, The Pan African Medical Journal

  • 14

    Pour avoir accès à une eau de meilleure qualité, certaines

    personnes qui ne disposent ni d'un forage personnel, ni du

    réseau d'eau urbain, se tournent vers des intermédiaires : des

    points d'eau sont parfois mis à disposition par des tiers à la

    communauté, mais les conditions varient selon la source.

    - Certains privés, souvent des commerçants (stations-

    services, boulangeries, etc.) disposant d'un forage

    mettent à disposition en libre-service leur eau, pendant

    des créneaux limités sur la journée (souvent de 5h à 9h

    puis de 16h à 22h).

    - Des privés qui disposent d'un branchement au réseau

    d'eau urbain revendent parfois l'eau à d'autres

    personnes du quartier. A Makepe Missoke, 74% des

    personnes interrogées ont déclaré se ravitailler à ce type

    de robinet de tiers. Ces robinets privés mis à disposition

    de la population sont à usage commercial. Cependant,

    ces opérateurs privés ne disposent pas d'autorisation officielle qui leur permet de

    commercialiser l'eau. Si au départ cette offre s’est développée dans les espaces "coupés" du

    réseau, on observe de plus en plus sa généralisation à l’échelle de la ville.

    Tableau des sources d’approvisionnement des ménages interrogés au quartier Makepe 1 Missoke

    Sources d’approvisionnement en eau de

    consommation

    Nombre de personnes

    enquêtées Pourcentage %

    Robinet personnel 20 6,66%

    Robinet Privé à usage commercial 158 52,66%

    Puits collectif 59 19,66%

    Forage privé distribué gratuitement

    aux habitants

    17 5,66%

    Forage personnel 46 15,33%

    Total 300 100%

  • 15

    La qualité de l'eau est très différente selon chaque source. Sur les personnes interrogées, plus d'un

    quart estiment que leur eau de consommation est de mauvaise qualité. Même concernant l'eau du

    réseau urbain, gérée par Camwater, les informations sur la qualité de l'eau ne sont pas disponibles au

    public et aux consommateurs, malgré ce qui est communiqué sur le site internet (aucun lien ne

    fonctionnant pour la rubrique "Infos Pratiques").

    Pour la grande partie des habitants qui doivent s'approvisionner en dehors de leur foyer, la quête n'est

    pas sans obstacle.

    Tout d'abord, la distance : sur les personnes n'étant pas connectées au réseau urbain d'eau, 80% des

    personnes interrogées déclarent se trouver à plus de 5 minutes à pieds d'un point d'eau potable, dont

    15% sont à plus de 10 minutes, et 5% à plus de 30 minutes à pied. Certaines personnes doivent prendre

    des mototaxis pour aller chercher de l’eau à plusieurs kilomètres. Selon l'étude citée plus haut20, environ

    un ménage sur deux de la zone urbaine parcourt entre 1 à 5km pour avoir de l'eau à boire.

    Ensuite, les points d'eau sont très

    sollicités, et il faut faire la queue avec

    des dizaines de personnes pour y

    accéder.

    Chaque jour à l'aube, les queues se

    forment autour de ces points d'eau

    mis à disposition pour quelques heures

    en accès libre par des benfaiteurs.

    20 Accès à l'eau potable et à l'assainissement : cas de la commune d'arrondissement de Douala V (Cameroun), Juillet 2019, D. D. Tekam, N. Vogue, C. C. Nkfusai, M. E. Ela, S. N. Cumber, The Pan African Medical Journal

    35%

    34%

    26%

    5%

    Qualité de l'eau pour la consommation humaine

    Bonne

    Assez bonne

    Mauvaise

    Ne sait pas

  • 16

    On constate que très peu de personnes déclarent s'approvisionner à des points d'eau publics gratuits.

    Nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable via le réseau urbain, l'Etat contribue à l'accès à

    ce service essentiel principalement à travers deux mécanismes en zone urbaine : les fontaines publiques

    (ou bornes fontaines), et les cuves d'eau (appelées bâches).

    Les fontaines publiques

    Des habitants de Douala témoignent qu'il y a plusieurs années de cela, il existait plusieurs fontaines

    publiques, où la population pouvait s'approvisionner librement en eau potable. D'après eux, la quasi-

    totalité de ces fontaines a disparue, il est très difficile d'en trouver. Les habitants dans le besoin ont

    donc pris l'habitude de se tourner vers les points d'eau de privés.

    TABLEAU : CES FONTAINES PUBLIQUES QUI ONT DISPARU DE LA VILLE DE DOUALA

    N° QUARTIER LIEU OBSERVATIONS

    01 BEPANDA TSF-CACAO

    BARRY

    Carrefour

    ambiance

    Fermée depuis plusieurs années, les habitants

    de ce secteur se ravitaillent pour la plupart au

    forage de la station BOCOM installée depuis

    peu et en libre accès sur des horaires définis

    02 BEPANDA TSF Carrefour

    La Fontaine (one

    to one)

    Fermée depuis plusieurs années, la borne a été

    détruite et sur l’espace a été construit un

    espace commercial

  • 17

    03 BEPANDA

    BONEWONDA

    Carrefour peuple Fermée depuis plusieurs années

    04 BEPANDA TSF Carrefour fin-

    goudron Defosso

    Fermée depuis plus de 5ans, l'ancienne borne

    est encore visible, mais inutilisable

    04 DIBOUM 2 Carrefour Espoir,

    vers l’hôpital des

    sœurs

    Fermée depuis plusieurs années

    05 MAKEPE MISSOKE Bloc 1 Forage public créé par la mairie, a été en panne

    pendant près de 3 a été en panne, puis a été

    réhabilité en 2019 à la demande des habitants

    06 DEIDO GRAND

    MOULIN

    En face foyer

    BANA

    Fermée depuis plusieurs années

    07 BEPANDA YONYONG Petit marché Fermée depuis plusieurs années

    08 NEW-BELL Vers carrefour

    Monkam

    Fermée depuis plusieurs années

    09 NEW-BELL Kassalafam, vers

    commissariat du

    6ème

    Fermée depuis plusieurs années

    10 NEW-BELL Quartier source A été fermée il y a plusieurs années, avant

    d'être réhabilitée par un particulier qui

    aujourd'hui commercialise l'eau

    11 AKWA Face polyclinique

    d’Akwa

    Fermée depuis plusieurs années

    12 NKONGMONDO Carrefour

    Nkongmondo

    Femée depuis plusieurs années

    13 NEW-BELL NKOLMITAG vers

    l’échangeur

    Fermée depuis plusieurs années

    14 NEW-BELL Eglise Bandjoun Fermée il y a plusieurs années, avant d'être

    réhabilitée par un particulier qui aujourd'hui

    commercialise l'eau

    15 AKWA Fontaine Bebey

    Eyidi

    Fermée depuis plusieurs années

    16 MAKEPE MISSOKE Après école

    publique

    Fermée depuis plusieurs années

    Ce tableau est issu d'un travail d'enquête sur le terrain réalisé en février 2020, il ne reflète pas de manière

    exhaustive l'ensemble des fontaines publiques qui ont disparues à Douala.

    Ancienne fontaine publique

    qui ne fonctionne plus

  • 18

    Les cuves de ravitaillement d'eau

    Pour pallier au manque d’eau dans la ville,

    l'entreprise publique Camwater a installé

    en décembre 2016, 114 bâches (cuves

    d’eau) de 5000 litres chacune sur 56 sites

    couvrant l’ensemble des arrondissements

    de Douala, et qui devaient être

    rechargées trois fois par semaine.

    Cependant, de nombreux habitants

    dénoncent le non-respect de ce

    programme de remplissage21 des cuves,

    alors qu'elles sont vidées en à peine

    quelques jours, la demande étant très

    élevée.

    Patrice GUCABOU, habitant du quartier

    Bépanda TSF-Cacao Barry, raconte : "ici,

    les cuves d’eau n’ont pas été rechargées

    depuis deux mois, nous n’arrivons pas à

    recueillir de l’eau potable. Moi je ne

    dispose pas de robinet, et je ne consomme

    pas l’eau issue du forage. Je suis contraint

    d’acheter de l’eau minérale en bidons de

    10 Litres à 1200 FCFA".

    Un responsable technique de l’entreprise publique Camwater qui a souhaité garder l’anonymat,

    interrogé sur la question, répond : "En principe, ce n’est pas du ressort de la Camwater de fournir de

    l’eau gratuite à la population, cette initiative a été adoptée dans le cadre de la RSE [Responsabilité sociale

    de l’entreprise] par notre entreprise. En effet, c’est la Communauté urbaine de Douala (CUD) qui devrait

    assurer ce service notamment créer des fontaines publiques pour alimenter les habitants des quartiers

    défavorisés".

    Tableau : Etude sur le fonctionnement des cuves CAMWATER – mars 2020

    N° QUARTIER SECTEUR OBSERVATIONS

    01 BEPANDA TSF CACAO BARRY Derrière commissariat

    7ème

    Non ravitaillée en eau depuis près

    de 5 semaines

    02 BEPANDA TSF CACAO BARRY Rue en pavés Mallah Non ravitaillée en eau depuis près

    de 3 semaines

    03 BEPANDA BONEWONDA Bloc 5, Derrière le lycée

    de bepanda

    Ravitaillée à une fréquence

    irrégulière selon les habitants,

    parfois pas pendant plusieurs

    semaines

    04 BEPANDA BONEWONDA Carrefour Etoile d’Or Cuve enlevée pour cause des

    travaux du boulevard de la

    République

    21 Voir courrier en annexe

    Photo 2 d’une bâche (cuve d’eau) asséchée au quartier

    Tsf Cacao Barry

  • 19

    05 BEPANDA TSF Carrefour pasteur N’est plus ravitaillée depuis

    plusieurs mois

    06 BEPANDA TSF Rue en pavés derrière

    one to one

    N’est plus ravitaillée depuis des

    mois

    07 BEPANDA TSF Face Ecole martin Luther

    King

    N’est plus ravitaillée depuis des

    mois

    08 MAKEPE MISSOKE Derrière chefferie N’est plus ravitaillée depuis des

    mois

    09 DEIDO GRAND MOULIN A côté de l’école

    maternelle Douala 1er

    Non chargée depuis près de 5 mois

    pour cause d’aménagement de la

    route

    Ce tableau est issu d'un travail d'enquête sur le terrain dans 5 quartiers de Douala, mais ne reflète pas

    de manière exhaustive le fonctionnement de l'ensemble des cuves disposées dans les quartiers.

    Ainsi, la fourniture d'eau potable gratuite pour les personnes qui en ont besoin, comme service public,

    s'est fortement détérioré pendant la période de privatisation de la gestion de l'eau au Cameroun, pour

    les habitants des quartiers précaires de Douala. Avec l'installation de cuves, ce service est réapparu,

    mais il est très insuffisant en comparaison aux besoins des habitants. Ces cuves sont en nombre

    insuffisant et se sont pas ravitaillées à une fréquence suffisante pour répondre à la demande de la

    population privée d'autres moyens de fourniture en eau potable à un prix accessible.

  • 20

    Comme on l'a vu, certaines personnes ont accès au réseau d'eau, tandis que d'autres non. Différentes

    sources d'approvisionnement sont disponibles, mais les coûts correspondants à chacune de ces options

    sont très différents. Ainsi, le prix de l'eau potable est un autre facteur d'inégalités.

    Pour les personnes qui ont la chance d'être situées sur la zone couverte par le réseau de tuyaux

    approvisionnant les ménages en eau traitée par Camwater, encore faut-il qu'elles puissent payer les

    frais de branchement et d'abonnement. En effet, le tarif minimum pour la connexion au réseau

    Camwater, sur le secteur de Douala, est de 120 000fcfa22, mais un devis est nécessaire avant chaque

    branchement et détermine le prix. Le coût réel de branchement ou simplement d'abonnement n'est

    pas clair pour la plupart des usagers. Comme l'enquête le montre, 90% des personnes interrogées disent

    ne pas avoir d'idée précise du coût du branchement à Camwater, et aucun chiffre n'est disponible sur

    le site internet de l'entreprise. Le devis détaille les frais de branchement (frais de fourniture et pose en

    vigueur répertoriés dans le bordereau des prix23), les frais d'abonnement (avances sur la consommation

    et les frais de pose compteur), et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à hauteur de 19,25%. Or, au

    Cameroun, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), est de 36 270fcfa, et ce depuis 2014.

    Selon la Banque Mondiale (données 2016), le revenu

    mensuel moyen au Cameroun est d'environ 70 000fcfa.

    Au Cameroun, le secteur informel occupe

    officiellement 90% de la population active du pays. On

    y rencontre des maçons, menuisiers, tapissiers, chauffeurs de taxi, aides de ménage, agriculteurs et

    petits éleveurs, petits commerçants, coiffeurs, etc. Dans les quartiers précaires, la part de travailleurs

    informels est particulièrement élevée. A Makepe Missoke, 73% des personnes interrogées déclarent

    avoir un revenu mensuel inférieur à 40 000fcfa. Près de 95% des personnes interrogées déclarent

    gagner moins de 80 000fcfa par mois.

    22 Selon le chef d'Agence de Bonnamoussadi 23 Voir Annexe : Bordereau des Prix

    "Se connecter au réseau d'eau

    coûte plus de trois fois le SMIG"

  • 21

    Ainsi, 71% des personnes interrogées à Makepe Missoke déclarent que si elles ne sont pas connectées

    au réseau, c'est faute de moyens.

    Par ailleurs, l’entretien avec un agent technique de la Camwater, a révélé que le tarif du raccordement

    des ménages au réseau d'eau urbain à Douala et Yaoundé est plus élevé que dans les autres villes et en

    milieu rural.

    Le coût du branchement simple, lorsque les tuyaux sont à 5 mètres maximum du logement, est déjà

    conséquent pour bons nombre de ménages. Mais ce coût augmente encore dès que le logement

    s'éloigne des canalisations principales, chaque mètre de tuyau de raccordement supplémentaire étant

    à la charge du client. Ainsi, sur les personnes interrogées, les coûts de connexion payés vont jusqu'à 650

    000fcfa. Plus de la moitié des personnes indiquent avoir payé plus que le montant minimum de 120

    000fcfa pour pouvoir être connectées au réseau.

    Je m’appelle Takam Brigitte, je vis au quartier Deido grand moulin, je suis abonnée à Camwater

    depuis 2000. A l’installation de mon branchement, l’absence du conduit d’eau près de mon domicile

    a forcé les agents techniques de Camwater à me connecter à plus de 50 mètres. Quelques années

    ont passé, et j’ai constaté une surfacturation, alors que je n’avais pas régulièrement accès à l’eau à

    la maison. Si le compteur était proche de mon domicile, je pourrais vérifier et contrôler ma

    consommation en permanence. Entre les fuites et les vols, il est très difficile de sécuriser sa

    consommation si le compteur est trop éloigné.

    A cet effet, j’ai essayé de me rapprocher des agents de la Camwater et de l’agence par rapport à

    cette situation, sans succès. Le problème a perduré et s’est empiré au fil du temps. Eu égard à cette

    situation, j’ai arrêté de payer ma facture d’eau du fait de l’absence totale d’eau au pendant un mois.

    Quelques semaines plus tard, un agent de Camwater m’a remis deux factures correspondant

    respectivement à l’avis de coupure et à l’entretien compteur avec un montant global de 25 000

    FCFA. Ce montant est exorbitant car je n’ai pas utilisé l’eau tout au long de ces semaines. Mais j’ai

    dû régler ces factures, pour éviter la résiliation de mon abonnement, je n'avais pas le choix. Mais

    après ça, la situation est restée inchangée. Découragée de payer inutilement ces montants irréels,

    j’ai finalement décidé de résilier mon abonnement. Si les tuyaux principaux passaient plus près des

    habitations, il n'y aurait pas ce genre de problèmes : on aurait une visibilité sur nos compteurs et sur

    les pannes régulièrement causées par les véhicules qui cassent les tuyaux au long des ruelles.

  • 22

    Les personnes qui n'ont pas les moyens de se raccorder au réseau, ou celles qui sont trop éloignées, ou

    totalement hors du secteur couvert par le réseau urbain, doivent recourir, comme on l'a vu

    précédemment, à d'autres sources d'approvisionnement. Les sources qui assurent une meilleure qualité

    de l'eau ont un coût (direct pour les robinets privés payant, ou indirect en temps pour les forages privés

    mis à disposition pour lesquels il y a une très forte demande sur les créneaux ouverts).

    Lorsque l'on bénéficie de l'eau du réseau urbain Camwater, le prix est de 293 fcfa le m3 d'eau, toutes

    taxes comprises, si l'on consomme moins de 10 m3 par mois (tranche sociale 1 sur laquelle la TVA n'est

    pas applicable). En 2020, le tarif pour la tranche sociale 224, au-delà de 10m3, est de 364fcfa (pas de TVA

    applicable). A cela s'ajoutent les frais mensuels de location compteur, qui s'élèvent à 1860 fcfa TTC25.

    Cependant, il est important de noter que les tarifs de Camwater pour l'eau consommée et la location

    du compteur ne sont pas transparents. En effet, ils ne sont pas disponibles sur le site internet de

    l'entreprise, et les informations diffusées par différentes sources sont parfois contradictoires. Des chefs

    d'agence commerciale de Camwater à Douala, ainsi

    que des responsables techniques, ont répondu à la

    question sur les tarifs de l'eau qu'il s'agissait d'une

    "donnée confidentielle".

    Or, le tarif moyen à Douala pour s'approvisionner en

    eau à un revendeur privé est de 25f les 20 litres, soit

    1250fcfa pour 1000 litres d'eau (1m3). Ce sont pourtant souvent les personnes les plus pauvres, qui

    n'ont pas les moyens d'installer un branchement, ou qui se trouvent dans les quartiers les plus précaires

    de la ville, non couverts par le réseau.

    L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique : "Un minimum vital de 20 litres d’eau par jour et par

    personne est préconisé pour répondre aux besoins fondamentaux d’hydratation et d’hygiène

    personnelle". Il faudrait selon l'OMS 50 litres d'eau par jour et par personne pour vivre décemment. Les

    pays qui consomment le plus (Canada, USA, Japon, Australie, Suisse) ont une consommation supérieure

    à 250 litres par personne et par jour26. Les chiffres seraient de 10 à 20 litres / personne / jour en Afrique

    Sub-Saharienne.

    Selon l'étude menée sur l'arrondissement de

    Douala V en 201927, chaque individu dans un

    ménage consommait en moyenne 1,89 litre

    d'eau/jour. Si l'on se contente de calculer

    l'eau de boisson, sur une année, pour un

    foyer moyen (5,9 personnes), le surcoût

    pour l'eau de consommation est de

    3800fcfa, pour un approvisionnement

    auprès d'un revendeur, auquel il faut ajouter

    l'effort du déplacement. C'est la double

    peine des personnes les plus pauvres.

    24 Voir factures en annexe 25 Voir factures en annexe 26 Sources Eurostat + Ifen + Conseil mondial de l’eau : Centre d'Information sur l'Eau 27 Accès à l'eau potable et à l'assainissement : cas de la commune d'arrondissement de Douala V (Cameroun), Juillet 2019, D. D. Tekam, N. Vogue, C. C. Nkfusai, M. E. Ela, S. N. Cumber, The Pan African Medical Journal

    L'eau de consommation est 4 fois

    plus chère pour les personnes qui

    n'ont pas accès au réseau d'eau

    urbain

  • 23

    Les personnes qui ont accès au réseau d'eau urbain (qui sont connectées directement ou

    s'approvisionnent à ce réseau, à travers des intermédiaires), n'ont pas pour autant un quotidien sans

    embuches, pour se fournir en eau. En effet, le service de distribution s’est considérablement dégradé à

    Douala, et les pertes techniques enregistrées sont de l’ordre de 30% à 40%28. Mais surtout, le mauvais

    état du réseau provoque des pannes très fréquentes : lors de l'enquête menée sur le terrain, près de

    73% des personnes interrogées affirment avoir déjà été confrontés à une panne. Différentes pannes ou

    problèmes sont cités par les habitants, clients de Camwater : dysfonctionnement du compteur, faible

    débit, problèmes concernant les factures, coupures.

    Mais 80% des personnes interrogées indiquent qu'il

    s'agit le plus souvent de tuyaux cassés, provoquant des

    coupures.

    La ville de Douala est alimentée par deux

    canalisations de 800mm de diamètre,

    captées à la station de traitement de

    Japoma. Tout le réseau de Douala est

    alimenté par ces deux canalisations : l’une

    arrose la partie basse de la ville tandis que

    l’autre alimente la partie haute. Un

    responsable technique de la

    Camwater explique : "la fréquence des

    pannes varie en fonction du type d’ouvrage

    réalisé dans la ville. Elle peut être causée par

    le réaménagement des voiries urbaines

    comme c’est le cas en ce moment de grands

    travaux de route". Cependant, les habitants

    témoignent de pannes beaucoup plus

    fréquentes que celles dues aux travaux

    urbains, même si ces derniers peuvent en

    effet causer des coupures prolongées (voir

    le témoignage de Rebecca Motie). Ils

    expliquent l'existence de coupures

    régulières, ou de périodes avec un très faible

    débit.

    28 Négocier les règles d’accès au marché d’eau urbain à Douala, Virginie Nantchop , 2017

    "Dans mon secteur, les tuyaux ne sont

    pas enterrés assez profondément, ils

    sont régulièrement cassés, par les

    passages sur la voie publique, et l'eau se

    déverse parfois pendant plusieurs jours

    avant que ce soit réparé"

  • 24

    Mon époux a souscrit à un

    branchement au réseau en 1993,

    auprès de la SNEC à l'époque.

    Tout allait bien à cette période, il

    y avait un fort débit en eau, et on

    connaissait peu de coupures à la

    maison. A partir des années

    2000, j’ai commencé à observer

    de nombreuses irrégularités :

    faible débit, coupures d’eau

    intempestives et changement de

    la coloration de l’eau. Face à ce

    problème, mon mari et moi

    avons demandé au releveur des

    index [agent SNEC] de nous

    donner des explications. Ce

    dernier nous a expliqué que les

    grandes canalisations étaient

    en chantier, raison pour laquelle l’eau avait une coloration presque jaune, mais que la situation allait se

    rétablir d’ici peu. Nous avons patienté pendant trois mois, mais la situation est restée inchangée. Les

    enfants étaient contraints de se lever à 4 heures du matin, pour parcourir 2 kilomètres à la recherche de

    l’eau, et ensuite, faire la queue.

    Dépassés par la situation, de coupures prolongées et très fréquentes – il ne se passait pas une semaine

    sans qu'il y ait une coupure, des fois pendant plusieurs jours - mon mari et moi avons décidé de résilier

    notre contrat d’abonnement en 2005, malgré l’énorme préjudice que cela pouvait nous causer, car il

    n'est pas facile de s'approvisionner en dehors du réseau.

    Après le décès de mon mari en 2008 et le déplacement des enfants vers d'autres villes, c'était très difficile

    pour me ravitailler en eau potable compte tenu de la distance du forage privé où j’achetais de l’eau à 10

    FCFA, le récipient de 20 litres à cette époque. Face à ce calvaire, j’ai décidé en 2010 de me réabonner au

    service d'eau CDE [Camerounaise des Eaux]. J'espérais qu’avec l’arrivée de ce nouveau concessionnaire

    la situation allait changer, que le service d'eau c'était amélioré. Mais les coupures d'eau persistaient et

    ma facture était toujours élevée. Le calvaire recommençait.

    En 2013, les travaux de construction de la route par le génie militaire sont venus aggraver la situation

    avec la destruction de la canalisation principale qui alimentait ma maison : l'eau a été totalement

    coupée. Malgré de multiples descentes à l’agence CDE Bonamoussadi pour signaler l’absence d’eau

    pendant plusieurs semaines puis mois, rien ne changeait. Nous n'avions pas d'eau, et je continuais à

    recevoir les factures d’entretien compteur à 930fcfa chaque mois. Mais je ne pouvais pas résilier une

    nouvelle fois, et on ne savait pas quand l'eau allait être remise, ça pouvait arriver à tout moment. Mais

    5 années se sont écoulées, avant que je fasse la découverte en octobre 2018 de l'association

    OnEstEnsemble qui est au quartier. J'ai pu leur faire part de mon problème. Une vingtaine de ménages

    étaient touchés par ce problème. Avec les autres personnes concernées, nous avons décidé, par le biais

    de cette association dont je suis membre aujourd’hui, de nous organiser afin d’adresser le problème au

    Directeur Général de Camwater. Nous avons dû persévérer, mais notre démarche a payé. Après plusieurs

    Rebecca Motie épouse Foyou, 66 ans, habitante du quartier

    Bépanda Bonewonda

  • 25

    courriers adressés aux responsables du service restés sans réponse, nous avons décidé de nous rendre

    en collectif à la Direction Générale à Bonanjo, pour interpeller directement le Directeur. Grace à cette

    mobilisation, nous avons pu le rencontrer le jour même, et nous avons été reconnectés au réseau d’eau.

    De plus, les frais d’entretien compteur cumulés depuis ces 6 années passées sans eau ont pu être

    compensés par de l’eau gratuite pendant la période qui a suivi.

    Aujourd’hui, j’ai de l’eau qui coule de manière régulière et ne me donne pas de maladie hydrique, comme

    la diarrhée. Il est important de se mettre ensemble car à plusieurs nous avons pu être plus forts et obtenir

    la résolution de nos problèmes, lutter contre cette injustice.

    "J'habite au quartier Bépanda Bonewonda, au lieu-dit Bonabo. Je suis abonné à la Camwater depuis une

    quinzaine d’années. J’ai trop de difficultés pour m’approvisionner en eau, et pourtant je suis branché en

    toute régularité et le château d’eau est à 5 kilomètres de mon quartier. La Camwater n’avertit pas, ne

    donne aucune explication aux consommateurs. Parfois, il y a coupure le matin et ça ne revient pas avant

    le soir. Souvent, l'eau est coupée durant une journée entière, revient à 2 heures du matin pour repartir à

    5 seures, comme si en journée, la demande était trop élevée ailleurs pour pouvoir nous approvisionner.

    Cela peut même se prolonger, avec des coupures d’eau qui durent 2 à 3 jours. Malgré cela, les factures

    d’eau viennent toujours avec le même montant, je ne comprends plus ce qui se passe. Ma femme et moi

    sommes obligés de nous affairer pour puiser de l’eau à 6h du matin dans un point de forage payant. Il faut

    faire le ménage, apprêter les enfants qui vont à l’école, préparer le petit déjeuner. Et à cette heure de la

    matinée, ce point d’eau est très fréquenté. Mes enfants qui se lèvent très tôt le matin ont du mal à obtenir

    de l’eau pour prendre leur bain.

    Cette eau du forage est vendue par les particuliers à raison de 25 FCFA le bidon de 20 Litres et 50 FCFA et

    pour 30 Litres. Quand j’évalue, je me retrouve par mois à payer deux factures : celle de Camwater et celle

    du forage. Même l’agence n’arrive pas à donner de solution à mon problème.

    Par ailleurs, au sein de l’établissement où j’officie comme Infirmier, les enfants ont du mal à s’abreuver

    en eau potable pendant les récréations au vu des coupures permanentes. Paradoxalement à la fin du mois,

    les factures viennent avec des montants exorbitants, au grand désarroi du fondateur de l’école qui ne

    comprend pas comment c'est possible. "

    Joseph Attesse, 55 ans, infirmier de l’école privée palme d’or

  • 26

    Par ailleurs, les habitants qui témoignent expliquent que dans 75% des cas, ce sont eux qui assurent le

    dépannage, contre seulement 25% des situations où c'est un agent technique de Camwater qui se

    charge de la réparation. Le coût moyen de ces réparations par les particuliers est de 6000fca. Lorsque

    c'est un agent Camwater qui doit intervenir, certains dépannages sont gratuits, mais d'autres peuvent

    aller jusqu'à 150 000fcfa, parmi les exemples cités.

    De plus, le délai de réaction de la Camwater, pour les pannes sur lesquelles les particuliers ne peuvent

    pas intervenir, est très variable, et peut aller à plus d’une semaine.

    Cependant, une fois le dépannage entamé, les clients indiquent que dans 95% des cas, le problème est

    réglé en moins de 24h.

    Plusieurs habitants de quartiers qui ne sont pas résidentiels ou administratifs déclarent que les coupures

    sont beaucoup plus courantes dans leurs quartiers que dans d'autres secteurs, qui seraient préservés.

    L'information sur les coupures n'étant pas disponible (les communiqués de panne sur le site internet de

    l'entreprise Camwater ne font état d'aucune coupure sur la ville de Douala pour toute la période 2019-

    mars 2020, alors que de très nombreuses coupures ont pu être observées), cette information est

    impossible à confirmer ou démentir.

    MBEMMO Sylvain, SIMEU-ABAZI Zineb et

    TAMO TATIETSE Thomas expliquent que

    dans un réseau de distribution d’eau potable

    où les problèmes récurrents sont

    généralement dus aux fuites, la

    maintenance curative devient inefficace et

    économiquement non viable29. Ils

    recommandent l’implantation d’une

    maintenance préventive, qui permet de

    réduire les fuites au niveau des

    canalisations.

    29 Diagnostic et maintenance d’un réseau de distribution d’eau potable : Application au réseau principal

    de BONABERI à Douala – Cameroun ; MBEMMO Sylvain, SIMEU-ABAZI Zineb et TAMO TATIETSE Thomas,

    2007

  • 27

    En 2020 malgré les engagements qui sont pris depuis des années sur l'amélioration du service d'eau

    potable, l'accès à l'eau potable n'est pas encore garanti pour une grande partie de camerounais et

    camerounaises, même en ville, où le réseau d'eau est pourtant plus développé.

    Ce droit fondamental n'est pas assuré, et ce sont les personnes les plus pauvres qui sont les plus

    affectées, car non seulement elles doivent redoubler d'effort pour s'approvisionner en eau, mais elles

    sont souvent victimes de surcoûts, de par la distance à leur compteur, à cause des pannes récurrentes

    sur des réseaux mal entretenus, ou car elles doivent payer un intermédiaire pour avoir de l'eau potable.

    Plus grave encore, elles le paient parfois par la qualité de l'eau, ce qui aura nécessairement un impact

    sur leur santé et les frais liés. Différentes inégalités apparaissent ainsi en matière d'accès à l'eau potable.

    Par ailleurs, la qualité du réseau semble être très disparate également selon les quartiers de la ville. Une

    prochaine enquête pourra être menée sur cette question.

    A Douala, la couverture du réseau d’eau reste insuffisante et il y a une très forte demande en matière

    de branchements et d’extension du réseau.

    Des quartiers comme Makepe Missoke sont caractérisés par un développement anarchique et dense

    de l’habitat, sur des zones en pente, et à proximité de drains fluviaux. Il faut noter que ce quartier figure

    parmi les 33 quartiers non structurés et sous-équipés qui ont été identifiés dans les arrondissements de

    Douala 3, 4 et 5 pour bénéficier du projet PIGEDEA (Programme Intercommunal De gestion Durable de

    l’Eau et de l’Assainissement), qui vise la réhabilitation des forages et l'amélioration de l’accès à l’eau

    potable. En octobre 2017, le comité de gestion de l’eau et de l’assainissement de Makepe 1 Missoke a

    été élu et les travaux de réhabilitation devaient commencer en janvier 2018. Deux ans plus tard, le

    comité de gestion n’a toujours pas été officialisé par la Mairie de Douala V, qui pilote le projet, et un

    seul forage a été réhabilité sur les 4 identifiés.

    La réhabilitation du réseau d'eau semble également importante au

    regard des nouveaux enjeux climatiques et environnementaux. Les

    pertes importantes dans le circuit de distribution ne peuvent pas

    être prises à la légère à l'aube des crises provoquées par le

    changement climatique, mis explicitement en lien avec les

    ressources en eau par les experts du GIEC dans leur rapport de

    2008, l'eau étant impliquée à tous les niveaux du système

    climatique (atmosphère, hydrosphère, cryosphère, surface des

    terres et biosphère). Cette ressource essentielle doit être gérée

    comme un bien commun, et son accès comme un service public.

  • 28

    A partir des observations effectuées lors de l'enquête, de la consultation des habitants des différents quartiers où l'association OnEstEnsemble est implantée, et d'ateliers menés sur la question, voici

    quelques pistes qui ont pu être identifiées pour améliorer le service essentiel de fourniture d'eau potable.

    • Faciliter les procédures de branchement et d'abonnement au réseau pour les

    propriétaires et mieux prévoir les modalités pour les locataires. Il a en effet été constaté

    que de nombreux habitants désireux de se connecter au réseau, ne parvenaient pas à

    constituer le dossier demandé. Les documents à fournir ne sont pas en adéquation avec

    la réalité du foncier au Cameroun, particulièrement dans les quartiers d'habitat

    précaire. En janvier 2020, une nouvelle pièce à fournir a été ajoutée dans la constitution

    du dossier de branchement (reçu de la taxe foncière), qui va à l'inverse de cette logique.

    La procédure est discriminatoire et ne permet pas l'accès à l'eau pour tous

    • Mettre en place des tarifs sociaux de branchement au réseau, pour faciliter

    l'accessibilité au réseau d'eau urbain pour les personnes à bas revenus

    • Réduire les délais de connexion suite à la demande de branchement d’un client

    • Améliorer la couverture du réseau d’eau dans la ville en multipliant les extensions dans

    les quartiers

    • Effectuer un contrôle et une maintenance permanents des infrastructures (grandes

    canalisations et tuyauterie) pour améliorer le débit d’eau, enterrer plus profondément

    les tuyaux pour les protéger sur les voies de passage

    • Mettre en place une transparence totale des tarifs de l'eau (branchement, abonnement

    et consommation) vis-à-vis du droit à l'information pour les citoyens-usagers, et pour

    faciliter le travail des associations de consommateurs. Rendre visible à chaque instant

    les prix réels, prenant en compte les évolutions, résultants notamment des nouvelles

    lois de finances chaque année.

    • Réguler et plafonner les prix de commercialisation de l'eau en dehors du réseau urbain

    • Informer en amont quand c'est possible et sinon en temps réel de toutes les pannes et

    coupures sur le réseau d'eau

    • Information libre et accessible sur la qualité de l'eau fournie par Camwater

    • Développer le service public d'eau gratuite : réaménager les fontaines publiques,

    alimenter plus fréquemment les cuves à eau

    https://journals.openedition.org/vertigo/2377#tocfrom2n6https://journals.openedition.org/vertigo/2377#tocfrom2n6

  • 29

    31%

    69%

    HommesFemmes

    Age des personnes enquêtées

    Localisation des personnes enquêtées

    Quartiers Blocs Nombre de répondants % des personnes

    rencontrées par bloc

    Makepe 1 Missoke Bloc 1 33 15,94%

    Bloc 2 22 10,62%

    Bloc 3 24 11,59%

    Bloc 4 31 14,97%

    Bloc 5 14 6,76%

    Bloc 6 23 11,11%

    Bloc 10 48 23,18%

    Bloc 11 10 4,83%

    Bloc 12 02 0,96%

    Total 207 100%

    Répartition des genres des personnes enquêtées

  • 30

  • 31

  • 32

  • 33

  • 34

    Approvisionnement en eau potable et assainissement au Cameroun : Traduire les financements en

    services, à l’horizon 2015 et au-delà, rapport CSO2 du Conseil des Ministres Africains en charge de l’Eau

    (AMCOW) , 2009/2010 _ P 11

  • 35

    Source : Google My Maps