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Rapport de fin de licence Travail sur les églises munichoises dans le cadre de mon année erasmus analyse de la relation entre le chœur et la nef grâce à trois exemples représentatifs de leur époque
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UNE ÉGLISE : ESPACE ET ESPACES ANALYSE DE LA RELATION ENTRE LE CÉLÉBRANT ET L’ASSEMBLÉE DANS UN CORPUS D’ÉGLISES MUNICHOISES
Laure DuvalRapport d’étude, 3e année
École d’architecture de la ville et des territoires à Marne-la-ValléeTUM (Technische Universität München)
Laurence Mayeur 2014-2015
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3
Sommaire
Sommaire
Introduction.
1. Caractéristiques d’une église catholique
1.1. Une liturgie duale : la Parole et l’Eucharistie
1.2. Eléments immuables d’une église
2. Le chœur face à la nef : trois visions du culte
2.1. Un peuple tourné vers son Dieu la Frauenkirche (église Notre Dame)
2.2. Les fidèles derrière leurs guides spirituels : la Theatinerkirche (église des Théatins)
2.3. Une communauté en prière : la Heilige Dreifaltigkeitkirche (église de la Sainte Trinité)
3. Usages des églises : illustrer une vision du culte
3.1. L’église comme lieu sacré
3.2. L’église comme lieu de ressourcement personnel
3.3. L’église comme lieu de rassemblement
Conclusion.
Bibliographie
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Introduction.
La Bavière est une région du Sud de l’Allemagne connue
pour ses traditions et le grand nombre d’églises baroques que
l’on peut y trouver. Sa capitale, Munich est ce que l’on pourrait
nommer une “ville à églises”, et a été appelée la Deutsche Rom
(Rome Allemande) au XVIème siècle pour cette raison.
On peut dénombrer plus de 250 églises dans toute l’ag-
glomération et, en centre ville, dans l’Altstadt, on trouve une
église tous les 300m en moyenne (cf. schéma I.1.). Dans ce corpus
fourni, on trouve des bâtiments de toutes les époques et de tous
les styles. La plus ancienne est l’église St Peter qui date du 12ème
siècle mais on peut aussi noter l’église St Michael, de la fin de la
Renaissance, l’Asamkirche, chef d’œuvre rococo, St Johann von
Capistran, exemple de reconstruction d’après la seconde guerre
mondiale ou bien l’église du Sacré Cœur, cube de verre contem-
porain (cf. illustration I.2.).
Ce que tous ces édifices ont en commun, c’est leur
fonction. Ce sont des lieux de culte propre à une religion, la re-
ligion catholique. Leur fonction première est la célébration de
la Messe qui implique deux protagonistes : le célébrant et l’as-
semblée dont les relations liturgiques ont évolué au fil du temps,
influençant ainsi les espaces de l’édifice. Comme lieu de culte,
les églises se doivent de fournir aux fidèles un espace de prière
et une atmosphère recueillie, de même qu’un espace de culture
marqués par des symboles propres à illustrer leur foi.
I.1. Un centre ville riche en églises
Asamkirche
Eglise St Michael
St Peterkirche, l’Alte Peter
6
Ce bâtiment sacré cherche à établir une atmosphère propice au
recueillement, à la prière et à la célébration.
Mais le sacré est une notion tellement diffuse et fruit d’une expérience
si personnelle que l’on est en droit de se demander comment il est pos-
sible de le rendre perceptible dans un unique espace1. Car la notion
de sacré dépend aussi du contexte historique, politique et religieux et
l’architecte et son commanditaire font passer leur vision de la religion
à travers ces constructions. Elles sont une illustration de l’idéal religieux
de leur époque. Au fil du temps la pratique religieuse a changé et cela
se lit notamment par la relation qu’entretiennent l’assemblée et le
célébrant.
Dans cet essai, nous nous demanderons quels outils architec-
turaux permettent à une église d’ illustrer une pensée et des principes
théologiques. Comment met-elle en relation les rôles du célébrant et
de l’assemblée par l’espace ? Quels éléments nous aident à compren-
dre cet état d’esprit en visitant ces églises aujourd’hui?
Nous nous intéresserons en premier lieu à l’église en tant que
bâtiment propre à une religion : le catholicisme. Puis nous étudierons
dans le détail trois églises parmi le corpus munichois avant des les
mettre en relation pour comprendre les usages des l’églises dans le cad-
re de la pratique religieuse.
1 Rudolf Stegers, “Church architecture Past and Present”, Eva-Maria Kreuz , “Light in Sa-cred Buildings”, in Rudolf Stegers, Sacred Buildings, Germany, Birkhäuser Verlag AG, A Design Manual, 2008, p10 à37
I.2. Quelques églises munichoises
Eglise du sacré choeur
St Johann von Capistran
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9
1. Caractéristiques d’une église catholique
1.1. Une liturgie duale : la Parole et l’Eucharistie
Une messe de rite catholique comporte quatre parties.
Chacune ayant son rôle qui entraîne un usage particulier de l’es-
pace.
L’accueil : L’ouverture de la célébration fait le lien entre le temps
«laïc» de la vie quotidienne et le temps sacré de la messe. Les
prêtres et leurs assistants entrent en procession dans l’église,
depuis l’entrée jusqu’au chœur. Leur déplacement comme les
paroles et les chants sont un symbole de cette liaison entre le
quotidien et le sacré.
La parole : Dans ce temps d’enseignement sont d’abord lus des
extraits de la Bible suivis de l’homélie par le prêtre ou le diacre2.
Faite depuis l’ambon, c’est un commentaire sur la Parole de Dieu
entendue précédemment. Autrefois le prêtre se tenait sur une
chaire au milieu de la nef de manière symbolique.
L’Eucharistie : Cœur de la célébration. Après l’offertoire, le prêtre
consacre «in Personna Christi» le pain et le vin, Corps et Sang du
Christ, que les fidèles reçoivent, en procession, à la communion.
Cette liturgie a lieu sur l’autel, dans le chœur, de manière à ce que
l’assemblée puisse s’y joindre.
2 Le diacre est un homme consacré à Dieu. Contrai-rement au prêtre, il est marié et a une vie de famille. Il ne peut participer à certaines partie de la célébration com-me le prêtre mais ne peux pas consacrer les offrandes
10
L’envoi : Fortifiés dans leur foi, les fidèles sont renvoyés dans leur
vie quotidienne. Les célébrants et les fidèles, à nouveau en pro-
cession sortent de l’église pour entrer dans l’espace de la ville : la
communauté se retrouve sur le parvis, espace propice à nouer
des liens fraternels après la célébration .
1.2. Eléments immuables d’une église
Liés au déroulement de la célébration, différents lieux
et aménagements se sont développés et font maintenant par-
tie intégrante de l’église en tant que bâtiment. Leur disposition
peut varier d’une église à l’autre mais ils sont toujours placés en
fonction de leur usage.
L’autel : Lieu de célébration de l’Eucharistie, l’autel est un élément
sacré de l’église. Sa place a varié au cours des siècles. D’abord
placé au fond de l’église, le prêtre célébrait dos à l’assemblée.
Celle-ci était donc tournée physiquement dans une seule direc-
tion celle de l’officiant. Lorsque la réforme protestante apparait,
elle préconise de placer l’autel au centre de l’assemblée. Il faudra
attendre les réformes du concile Vatican II pour que l’autel soit
placé au centre de l’assemblée.
Le tabernacle : Reliquaire où le pain consacré durant la célébra-
tion est conservé. Les fidèles catholiques croient que Dieu est
physiquement présent dans ce pain et qu’ils peuvent venir L’ador-
er ainsi. Le tabernacle est le lieu le plus sacré de l’église. Il n’a pas
de place définie mais il reste souvent proche de l’autel pour des
raisons pratiques, à moins qu’il n’ait sa propre chapelle afin que
les fidèles puissent prier en silence.
Dreifaltigkeitkirche Autel
FrauenkircheChapelle du tabernacle
11
L’ambon : Lieu de la proclamation de la Parole de Dieu com-
mentée ensuite par le prêtre ou le diacre lors de l’homélie. Situé
aujourd’hui près de l’autel, dans le chœur, il remplace la chaire
surélevée d’autrefois. Celle-ci était placée au centre de l’assem-
blée pour des raisons acoustiques et pour des raisons symbol-
iques, à l’image de Jésus enseignant au milieu de la foule.
Le baptistère : lieu du Baptême, sacrement d’entrée dans la com-
munauté chrétienne ; aucune règle ne fixe sa position, voire
même sa présence. Certaines églises lui dédient une chapelle ou
un bâtiment particulier en dehors de l’église alors que d’autres
n’en ont pas. On le retrouve souvent à l’entrée de l’église pour
symboliser cette entrée dans la communauté chrétienne.
TheatinerkircheChaire
Eglise saint Laurent (Munich)Chapelle du baptistère
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2. Le chœur face à la nef : trois visions du culte
2.1. Un peuple tourné vers son Dieu : la Frauen-kirche (église Notre Dame)
Historique :
a) Contexte
“La Frauenkirche est, comme tous les bâtiments sacrés, le
point de rencontre de différents intérêts. Ainsi, l’histoire de sa con-
struction reflète celle de ses mécènes. C’est un jeu de pouvoir et
d’initiative entre la bourgeoisie, le souverain et l’Eglise.3” Les trois
forces en présence participèrent au financement de cette nouvelle
cathédrale, d’où sa magnificence.
La bourgeoisie : Les premiers à réclamer cette église sont
les citadins membres de la municipalité. L’organisation d’une com-
mune est en fait la cohésion des citadins contre le pouvoir féodal.
Les bourgeois cherchent à développer le commerce et la vie cita-
dine dans un monde encore majoritairement rural. La construction
de l’église intervient juste au moment où l’unification de la Bavière
met en danger la position de la ville.
3 Norbert Knopp, Die Frauenkirche zu München und st Peter, Verlag Müller und Schindler, Grosse Bauten Europas Band 3, 1970, 128p
14
Le souverain : Le duc Sigmund der Anstoß (l’impulsif )
a entre ses mains la Bavière enfin unifiée mais il voit les villes
de ses vassaux gagner en influence. Les plus grandes villes de
Bavière comme Ingolstadt ou Straubing ont déjà leur cathédrale
gothique. En construisant la Frauenkirche, le duc affirme la place
de Munich comme capitale d’un royaume unifié.
L’Eglise : Dernière puissance en présence, le Vatican. Au-
torité spirituelle de l’Europe, il n’a pas, contrairement à d’autres
époques de l’histoire, à appuyer son rôle de leader religieux, puis-
que ses ordonnances règlent déjà la vie de tous. Cette cathédrale
comme toutes celles qui parsèment l’Europe continue à attester
son statut.
b) Analyse
La Frauenkirche est une église à trois nefs sans transept
conçue par le maître d’œuvre Jörg von Halsbach. C’est un type
d’église très courant en Allemagne que l’on appelle Hallenkirche.
Les deux caractéristiques principales de ce modèle sont une ab-
sence de transept et une coupe uniforme où les trois nefs par-
allèles font la même hauteur (cf. schéma 2.1.1.).
L’espace de l’église peut être séparé en quatre sous-espac-
es, définis par la manière de s’y déplacer (cf. schéma 2.1.2.). Le
premier où l’on pénètre est le narthex : l’entrée. Il est, au pied
des tours, un espace de rencontre entre les fidèles. Le deuxième
espace est composé des deux nefs latérales reliées par le déam-
bulatoire. C’est un espace de circulation et de prière personnelle
qui fait le tour de l’église. Le troisième est la nef, espace dédié aux
fidèles lors de la célébration de la messe. Il est tourné vers le qua-
trième espace, le chœur, où se tient le clergé lors de la célébra-
tion. Celui-ci est surélevé de quelques marches par rapport au
2.1.1. Coupe typique d’une Hallenkirche : trois nefs sensiblement identiques
2.1.2. Plan des sous-espaces : Un espace central isolé de l’extérieur par un autre périphérique
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reste de l’église.
La nef et le chœur, bien qu’ayant un usage différent, sont
reliés par la présence d’une voûte commune. En effet, rien ne
vient interrompre le motif sur la voûte de la nef centrale : il n’y a
pas de transept ni de changement de rythme (cf. schéma 2.1.3.).
La régularité de cette voûte se lit aussi sur les piliers qui la sup-
portent. Que ce soit le long de la nef ou du chœur, ils gardent les
mêmes dimensions et le même écartement.
Les colonnes en question ont été dimensionnées de
manière particulière. En effet, alors que le gothique est connu
pour être une architecture dont la technique permet d’ouvrir
d’immenses fenêtres dans les murs, aucune ouverture sur l’ex-
térieur n’est visible lorsque l’on regarde en direction du chœur.
Plutôt qu’une colonnade, l’observateur perçoit deux murs par-
allèles dirigeant son regard vers le fond de l’église et le chœur.
Cette perspective vers le chœur est accentuée par le dis-
positif qui permet de le clore. En effet Jörg von Halsbach a choisi
un système qui donne l’impression que la nef ne s’arrête pas. Au
fond du chœur, au lieu de dessiner une rotonde, il a seulement
rapproché les deux dernières piles : le motif de la voûte est pr-
esque inchangé et la perspective semble plus prononcée4. De
plus, ce fond d’église peu commun implique un déambulatoire
de faible largeur, plaçant la fenêtre du fond de l’église juste dans
le prolongement du chœur. L’église parait ainsi n’être qu’une
seule nef aboutissant à une fenêtre lumineuse (cf. photo 2.1.4.).
c) Vision du culte
Cette église est une Hallenkirche à trois nefs grandement
ouverte sur l’extérieur par des vitraux allant du sol au plafond.
4 idem
2.1.3. Motif de voute fermant le choeur Il est dans la continuité de celui du reste de l’église
2.1.4. Perspective sur le choeurL’église dirige le regard vers la fenêtre au fond
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Mais la réalité perçue est tout autre. L’église tout entière est
tendue dans une direction : la seule fenêtre visible, au fond du
chœur, représentant symboliquement Dieu.
Si l’on se souvient que lors de la construction de cette
église le prêtre célébrait en tournant le dos à l’assemblée, on
comprend alors que le bâtiment emmène les croyants vers un
même objectif. Le prêtre est ici un chef de file. Seule l’estrade du
chœur le met en valeur puisque la voûte et les colonnes qui en-
tourent les fidèles et le clergé les réunissent dans une même en-
veloppe.
17
2.2. Les fidèles derrière leurs guides spirituels : la Theatinerkirche (église des Théatins)
Historique :
a) Contexte
La construction de la Theatinerkirche intervient dans un
contexte d’instabilité religieuse. En effet, depuis un siècle des re-
ligieux et des hommes d’Eglise se révoltent contre la toute-puis-
sance de Rome et cherchent à réformer l’Eglise. Rejoints par le
peuple notamment dans les pays anglo-saxons et germaniques,
ils sont un danger pour l’Eglise catholique qui se voit donc
obligée d’évoluer.
Le protestants reprochent beaucoup de choses au clergé
qui, selon eux, ne se comporte pas selon les préceptes de la Bible.
Ils rejettent la papauté corrompue qui agit depuis des années
de manière despotique et ils cherchent à faire évoluer le clergé
séculier5 qui est mal formé et pratique la religion d’une manière
mécanique6.
Pour répondre à ces accusations, l’Eglise décide de se
réunir en Concile (réunion des autorités de l’Eglise), à Trente. Ce
Concile cherche à faire évoluer le clergé de manière à répondre
aux critiques des protestants. Il en résulte la fondation de nou-
veaux ordres missionnaires comme les capucins, les jésuite ou les
5 Religieux ne faisant pas partie d’un ordre monastique6 « la Réforme » http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_R%C3%A9for-me/140523
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théatins dans lesquels les religieux seront des modèles de savoir,
de discipline et de vertu.
L’envoi de frères dans les régions encore catholiques com-
me la Bavière et la construction d’églises sont donc devenus un
enjeu important pour l’Eglise catholique. La construction de cette
église et du monastère auquel elle appartient (cf. image 2.2.1.)
est un moyen d’appuyer l’autorité du Vatican sur les terres qui lui
restent, le Vatican étant encore une puissance politique autant
que religieuse.
b) Analyse
La Theatinerkirche est une église baroque en croix latine.
Comme beaucoup d’églises, elle est composée de plusieurs sous
parties. Mais ici, il existe deux façons très différentes de subdivis-
er l’espace. La première, très classique, utilise le critère de l’usage.
On y retrouve alors un narthex, une nef, des bas-côté, un transept
et un chœur.
La seconde , utilisée ici, se base sur les subdivisions struc-
turelles et décoratives et donne un résultat plus étonnant. (cf.
schéma 2.2.2.). La partie centrale est ici le dôme, bordé par qua-
tre arches surdimensionnées le soutenant. Sur chacune des faces
de ce volume se développe un autre espace : à l’Est, se trouve
le chœur, simple abside adossée au dôme. En face on retrouve
la nef, bordée par deux rangées de bas-côté. Là où les bras du
transept devraient se situer, on trouve deux autels fermant l’es-
pace du dôme. Au lieu d’une église en crois latine traditionnelle
composée de deux nefs perpendiculaires, on peux voir ici trois
espaces juxtaposés.
Dans cette église, le chœur et la nef sont séparés par la
croisée du transept et son dôme. (cf.schéma 2.2.3.). Cette sépara-
2.2.1. Monastère des ThéatinsVolume de l’église mis en avant
2.2.2. Plan de la Théatinerkirche La croisée du transept sépare la nef du choeur
19
tion est surtout lisible au niveau du plafond. La présence du dôme
établit une différence d’intensité lumineuse entre la coupole et le
reste de l’église. La croisée du transept est illuminée par le lan-
terneau alors que les voûtes de la nef et du chœur sont éclairées
par de simples fenêtres au bas de la voûte et donc plus sombres.
De plus, la toiture n’a pas la même forme de chaque côté du tran-
sept. Alors que, du côté de la nef, on a une voûte en berceau sur
toute la longueur, du côté du chœur, l’arc en demi-cercle qui sup-
porte la voûte, laisse tout de suite place à un demi-dôme.
Les éléments architectoniques dessinés sur les murs
participent aussi à la séparation de ces deux parties. Sur les
voûtes dont nous parlions précédemment, les files structurelles
dessinées changent de direction (cf. photo 2.2.3.). Alors que dans
la nef elles sont perpendiculaires à la voûte, dans le chœur, elles
forment un éventail pour dessiner l’abside. Ce changement de
motif découle de la différence de forme de la voûte et rend celle-
ci lisible. On peut aussi noter la présence de pilastres disposés
sur les murs de la nef entre les chapelles, correspondant aux files
structurelles. Si celles-ci se prolongent sur le mur ouest où se
situe l’entrée et dans la croisée du transept en dehors de la ques-
tion structurelle, le chœur en est exempt, ce qui l’isole du reste de
l’église.
La mise en scène de celui-ci est un autre des éléments
qui le mettent à part. Premièrement, il est mis à distance par la
croisée du transept et surélevé comme une estrade pour que
toute l’église puisse le voir. Mais le plus important est sa décora-
tion. Il possède un mur en son centre pour garder les moines hors
de vue des fidèles, comme le voulait la tradition. Le maître-autel
étant derrière ce mur, la célébration ne pouvait qu’être entendue
par l’assemblée. Le seul élément qui s’offrait à eux était un en-
2.2.4. Le ChoeurMise en scène grâce à une succession de plans
2.2.3 Voûtes Les files structurelles changent de direction
2.2.3. Coupe sur l’église La croisée du transept lumineuse sépare l’église en
deux
20
semble de quatre statues représentant les quatre évangélistes
(cf. photo 2.2.4.)..
c) Vision du culte :
Ici, le clergé est montré comme une entité supérieure : il
est mis à l’écart, surélevé et mis en scène.
En ces temps de schisme, de nombreux chrétiens refusent
de reconnaître l’autorité du Vatican et se tournent vers une nou-
velle pratique de la religion. En se présentant comme des êtres
puissants par le biais de ce type d’église, l’Eglise cherche à mon-
trer qu’elle est toujours la référence spirituelle par excellence.
21
2.3. Une communauté en prière : la Heilige Dreifaltigkeitkirche (église de la Sainte Trinité)
Historique :
a) Contexte :
Au moment de la construction du « Monastère des Dem-
oiselles Anglaises » dont fait partie la Dreifaltigkeitkirche, l’Eglise
catholique est en plein questionnement théologique. Le passage
des deux guerres mondiales et la libéralisation de la société mè-
nent à une pratique religieuse plus personnelle et plus proche de
la vie quotidienne.
Le Concile Vatican II est la réponse de Rome à ces change-
ments. Il marque d’énormes évolutions liturgiques et un change-
ment de perception de la pratique religieuse. C’est cette réunion
de l’Eglise qui va répandre la célébration de la Messe dans la
langue vernaculaire et la célébration face à l’assemblée. Ce Con-
cile marque aussi une évolution pastorale puisque l’Eucharistie
et la vie de communauté deviennent les éléments centraux de
la célébration. Les fidèles n’assistent plus à la Messe, ils y partici-
pent.
Cette évolution liturgique s’illustre dans l’architecture des
églises construites à cette époque. Les plans centrés de celles-ci
insistent sur la présence et le rôle de l’assemblée, de même que
l’autel placé au centre de l’église met en valeur l’importance de
l’Eucharistie. On peut aussi noter que les architectes s’emparent
2.3.1. Nazarethkirche, Sep Ruf, Munichle toit en forme de tente est un symbole de rassem-blement
22
de nombreux symboles bibliques pour concevoir cette nouvelle
génération d’églises.
b) Analyse :
La Dreifaltigkeitkirche est une église à plan centré occu-
pant la moitié de l’espace du monastère dont il fait partie. On
peut dénombrer 3 grands espaces dans l’église elle-même (cf.
schéma 2.3.2.). La première est de forme circulaire et abrite l’es-
pace de célébration à proprement parler. Elle s’inscrit dans la sec-
onde de forme carrée qui fonctionne comme un déambulatoire.
Et le long de celle-ci se situe la troisième qui est une petite nef
dédiée à l’adoration, élément important de la vie des religieuses.
L’espace de célébration central est mis en valeur par de
nombreux éléments, en particulier sa toiture. En effet, alors que
le reste de l’église est couvert par une dalle de béton caissonnée,
une ouverture circulaire est percée au dessus de cette partie et
surmontée par un toit en bois en forme de pliage ou, plus partic-
ulièrement, en forme de tente. Cette forme est symbolique étant
donné que, dans la Bible la tente est symbole de réunion du peu-
ple de Dieu mais elle permet aussi de mettre en valeur l’espace
dédié à la messe. Déjà par la structure qui la supporte : le cercle
de douze colonnettes supportant l’anneau de béton et la toiture,
délimite l’espace. Puis, par les grandes ouvertures créées par les
plis qui sont les seules sources de lumière naturelle de l’église (cf.
photo 2.3.3.). Ainsi, le cercle au centre de l’église est abondam-
ment éclairé mais, de plus, c’est la seule partie lumineuse du vol-
ume, ce qui attire inévitablement le regard sur lui.
Cet espace de célébration est non seulement mis en val-
eur mais il est aussi très centré. En effet, l’effet centripète du toit
de forme conique est accentué par le travail du sol. La matérial-
2.3.2. Plan du monastère La partie église est séparée en trois parties
2.3.3. Vue sur l’espace de célébration Les fenêtres font un lien avec le monde extérieur
2.3.3. Coupe sur la toiture pliageLa luminosité de l’espace central le met en valeur
23
ité de ce sol le distingue de celui du reste de l’église (cf. photo
2.3.4.). Alors que l’ensemble est revêtu de travertin blanc dont le
calepinage correspond à la grille du plafond, le revêtement de sol
de la partie centrale est composé de petits morceaux de marbre
blanc orientés de manière circulaire vers l’autel. De plus, le sol
est légèrement creusé. Il s’incline imperceptiblement vers l’autel
permettant de “discrètement mais sensiblement rassembler les
effets de la salle7”.
Malgré cet effet centrifuge accentué, une axialité est tout
de même perceptible qui met en valeur la place de l’autel dans
la célébration (cf. schéma 2.3.5.). En effet, le fidèle qui entre dans
l’église par le narthex se trouve face à une allée formée par les
sièges au bout de laquelle se trouvent l’autel sur une estrade et le
tabernacle derrière lui. Ainsi, même si cette église accentue prin-
cipalement l’effet de centralisation et la notion de communauté,
cette mise en valeur de l’autel et du tabernacle replace l’Eucharis-
tie au centre de l’espace.
c) Vision du culte :
Ainsi, tous ces éléments de centralisation de l’espace per-
mettent de donner une sensation de rassemblement. Cet espace
est mis en valeur par rapport au reste de l’église et l’assemblée
entoure l’autel.
C’est un symbole illustrant la nouvelle idée que tous
sont réunis autour du Christ. Le dialogue entre les fidèles et le
célébrant est une des révolutions apportées ensuite par Vatican
II dans toutes les paroisses. Cette église est très avant-gardiste
puisqu’elle porte les prémices de ces changements liturgiques,
de même que de nombreuses autres, en Bavière en particulier.
7 Ilka Backmeister-Collacot, Josef Wiedermann, Leben und Werk eines Münchner Architekten, 1910-2001, edition altavilla, Architekturmuseum, 2006, 232p
2.3.5. Vue sur l’espace de célébrationLa matérialité du sol singularise cet espace
2.3.5. Plan de sol de l’égliseLe calepinage du sol, la position des siège et l’aligne-
ment de la port, de l’autel et du tabernacle créent une axialité
24
25
3. Usages des églises : illustrer une vision du culte
3.1. L’église comme lieu sacré
L’église, comme tout édifice dédié au culte, est un lieu
sacré. D’après le dictionnaire Larousse, “Le sacré est le lien médi-
ateur entre le profane et le divin.8” Ainsi l’église en tant que bâ-
timent religieux cherche par son architecture à tourner le fidèle
vers Dieu. Celui-ci est un être invisible, supérieur à l’homme et
hors du monde. Mais l’homme ayant besoin d’un moyen de
représentation, Dieu est rendu présent par le tabernacle où les
chrétiens voient la présence réelle du Christ et sur l’autel au mo-
ment de la Consécration.
Une des façons de représenter la sacralité de l’église est
de se référer à la Bible et de construire un bâtiment symbolique
comme, par exemple, la Dreifaltigkeitkirche.
Dans cette église, le toit, élément architectural le plus marquant
est aussi un symbole important pour les chrétiens. La forme de
tente, illustrée par le pliage, représente la tente de l’Arche d’Alli-
ance commandée par Dieu pour abriter Sa Parole : “Et ils devront
me faire un sanctuaire car je devrai camper au milieu d’eux.” (Ex-
ode 25,8). Cette tente est un lien symbolique fort entre Dieu et
l’homme mais aussi un lien physique entre l’espace sacré et l’es-
pace profane. En effet, alors que tous les murs sont fermés et que
l’église ne dispose d’aucune ouverture, les immenses fenêtres
ouvertes sur les arbres laissent voir la réalité terrestre depuis l’es-
8 « Sacré », Larousse, http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/sacr%C3%A9/89590 20/06/15
3.1.1. Photo en direction de l’espace de célébration
l’ouverture des fenêtre en tant que source de lumière et vue extérieure crée un lien entre l’espace sacré et
laique
26
pace sacré isolé du reste du monde (cf. photo 3.1.1.).
La structure soutenant le toit est un autre élément de ce symbol-
isme. L’anneau de béton sur lequel repose la toiture est porté par
un cercle de douze colonnettes. Le chiffre 12 est ici une référence
aux apôtres du Christ et leur disposition en cercle autour de l’as-
semblé est une façon d’illustrer le soutien qu’ils peuvent apporter
aux chrétiens dans leur foi.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’objet le plus sacré, le
tabernacle, est mis en valeur par un processus d’axialité (cf. 2.3.b.).
Mais le lieu le plus sacré, l’espace d’adoration, est placé à l’écart
(cf. schéma 3.1.2.). Là encore cet éloignement est inspiré par la
Bible : “Quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la
porte et prie ton Père qui est présent dans le secret.9” (Mt 6,6).
Mettre cette installation en dehors du carré principal derrière
une rangée de colonnes et dans une semi-obscurité était une dé-
cision symbolique accentuant le caractère sacré du lieu.
Une autre manière d’insister sur la sacralité de l’église est
d’utiliser la monumentalité. En effet, c’est une manière de faire
ressentir au visiteur la puissance de Dieu et sa propre petitesse
par rapport à Lui.
Dans la Frauenkirche par exemple, la faible largeur de la nef par
rapport à sa hauteur, de même que le rapprochement des col-
onnes accentuent la verticalité de l’édifice, représentant Dieu au
ciel (cf. photo 3.1.3.).
Dans la description de l’église (cf. 2.1.b.), nous avons vu que
depuis la nef principale, les ouvertures des fenêtres n’étaient pas
perceptibles. Cela a deux conséquences. En premier lieu, le fait de
ne voir qu’une fenêtre à travers laquelle on ne peut pas regard-
er, isole l’espace central de l’extérieur ce qui donne le sentiment
9 Evangile selon saint Matthieu, in La Bible
3.1.3. Piliers Verticalité accentuée de la structure
3.1.4. Perspective depuis la nefLa lumière semble émaner des parois
3.1.2. Plan de l’espace d’adoration L’espace est mis à part par son exclusion du carré, son axialité et son éclairage
27
d’être dans un monde en soi. Et ensuite, il est impossible de voir
la source de la lumière. Pourtant les piliers ont un écartement suf-
fisant pour laisser pénétrer cette lumière jusqu’au centre de la
nef. Ainsi, le fidèle baigne dans une lumière éthérée qui semble
venir des parois et non de fenêtres (cf. image 3.1.4.).
Dans la Theatinerkirche, la monumentalité se lit en particulier
dans la croisée du transept. La présence du dôme fait entrer une
grande quantité de lumière solaire venant du ciel. Cet éclairage
par le haut est souvent utilisé dans l’architecture et la peinture
sacrée pour signifier la présence de Dieu (cf. image 3.1.5.). De plus,
ce dôme est supporté par quatre arches surdimensionnées. Leur
décoration et le fait qu’elles soient supportées par des colonnes
romaines les font ressembler à des arcs de triomphe, symbole de
victoire et de puissance, illustrant celles de Dieu. D’autant plus
que ces arcs de triomphe se prolongent dans la nef à chaque file
structurelle.
Dans ces trois églises, la façon de contempler Dieu est en-
core une fois liée à la façon de pratiquer propre à l’époque de
la construction. Ainsi, la Frauenkirche et la Theatinerkirche, con-
struites avant Vatican II, sont des temples dédiés à ce Dieu dont
la puissance est insaisissable : ce sont des illustrations de force et
de grandeur. Au contraire, la Dreifaltigkeitkirche est une église
plus petite cherchant Dieu par des symboles impliquant une in-
terprétation personnelle, plutôt que dans la force.
3.1.5. Fran Angelico, Annonciation.La présence de Dieu est marquée par le rayon doré
venant du ciel
28
3.2. L’église comme lieu de ressourcement personnel
Une des caractéristiques de la religion est la prière. En ef-
fet, pour renforcer leur foi, les croyants ressentent le besoin de
se tourner vers leur Dieu pour établir avec Lui une relation per-
sonnelle. Cette prière individuelle est un élément central de la
pratique religieuse et, pour cela, il est nécessaire d’avoir un es-
pace lui étant dédié dans le bâtiment de l’église. La prière pou-
vant prendre plusieurs formes, l’espace lui étant dédié a aussi des
caractéristiques particulières.
Elle peut prendre la forme d’un arrêt, d’une mise à l’écart.
L’isolation de l’espace d’adoration dans la Dreifaltigkeitkirche (cf.
3.2.) en est un exemple mais c’est aussi un phénomène observ-
able dans la Theatinerkirche. Ici ce sont les bas-côtés qui sont at-
tribués à ce type de dévotion. Ils sont composés d’une enfilade
de cinq chapelles.
S’il est possible de passer d’une chapelle à l’autre, celles-ci sont
tout de même assez fermées pour que l’ensemble soit une juxta-
position d’espaces plus qu’une nef à part entière. De plus, les cha-
pelles de forme cubique sont plus basses que la nef et couvertes
par une voûte sphérique : l’effet de ce volume lié à la semi-obscu-
rité de la lumière indirecte fait de ces pièces des espaces intimes
(cf. photo 3.3.1.).
Ces chapelles se trouvent uniquement au bord de la nef, l’enfi-
lade est interrompue par le transept et ne se prolonge pas dans
le chœur. Ce qui est au départ un moyen d’accentuer la mise
en scène du chœur en ne le dotant pas d’ouverture est aussi un
moyen d’opposer encore celui-ci à la nef (cf. 2.2.b.). Le chœur
est uniquement dédié à la célébration et à sa mise en scène, par
conséquent, il ne s’étend pas au-delà de ce qui est visible. La nef
3.3.1. Photo des chapelles latéralesLa semi obscurité et leur ouverture résuite sur la nef en font des lieux intériorisés
29
au contraire s’adresse au peuple. C’est un espace où pratiquer et
elle offre donc au fidèle les lieux pour cela en lui permettant de
prier seul ou en communauté.
La prière individuelle peut aussi prendre la forme d’une
déambulation sur le principe d’un cloître. Cette manière de prier
est proposée dans la Frauenkirche et dans la Dreifaltigkeitkirche.
Dans la première, l’espace de déambulation est composé des
deux nefs latérales et du déambulatoire derrière le chœur. Cet
espace est non seulement rythmé par la colonnade qui le relie
à la nef centrale mais aussi par les chapelles situées le long de la
façade entre les contreforts. Ces chapelles de la hauteur de la nef,
complètement vitrées et extrêmement étroites sont plus des au-
tels devant lesquels le fidèle s’arrête que de vrais lieux d’intériori-
sation (cf. schéma 3.3.2.). La prière se fait en se déplaçant pour se
recueillir devant ces chapelles. Cet espace en longueur entoure
toute l’église. Ainsi, non seulement il permet d’isoler la nef cen-
trale de l’extérieur mais en plus, il relie le chœur et la nef. En effet,
il crée une enveloppe autour d’eux renforçant l’unité donnée par
la voûte (cf. 2.1.b.).
Dans la seconde , l’espace de la célébration est intégré dans l’es-
pace de la déambulation. On peut en effet considérer l’église
comme un espace carré dans lequel vient s’inscrire un espace
circulaire. La grille régulière de la dalle caissonnée est en effet
interrompue par l’anneau de béton délimitant le cercle (cf. photo
3.3.3.). L’espace de prière est un espace uniforme et neutre. Au-
cun des murs n’est mis en valeur par un calepinage différent et
les quelques lieux de recueillement (baptistère ou statues) sont
disposés devant les murs et non pas intégrés à ceux-ci.
L’espace de prière est un espace neutre dans lequel tous les
types de dévotion peuvent s’inscrire. Cette conception de l’église
3.3.2. Chapelles latérales de la FrauenkircheLeur faible profondeur fait que l’on s’arrete devant au
lieu de les pénéter.
2.3.4. Photo de la toiture caisonnée L’anneau viens interrompre l’uniformité de la grille
30
découle d’une conception de la religion. Avec l’avènement de
Vatican II, la pratique de la religion a évolué, de nombreuses com-
munauté se sont développées renouvelant la façon de prier. Prier
est devenu un acte personnel, intime et libre, bien plus que ce
qu’il avait pu être, d’où cette apparente neutralité.
La prière est le centre de la pratique d’une religion et par
conséquent, elle a évolué en même temps que celle-ci. Dans les
trois églises que nous avons vues, les volumes dédiés à la prière
jouent un rôle déterminant dans la relation établie entre le chœur
et la nef.
31
3.3. L’église comme lieu de rassemblement
L’Eglise est depuis ses origines une religion de commu-
nautés. On peut lire dans l’Evangile : “Là où deux ou trois sont
réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.” (Mt 18 : 20) La pra-
tique des premiers chrétiens consistait majoritairement à vivre
ensemble et à se réunir pour prier. Ils habitaient dans une maison
commune, la domus ecclesiae (maison de l’assemblée de Dieu)
dans laquelle une pièce était réservée à la célébration (cf. docu-
ment 3.2.1.). C’est l’évolution de celle-ci qui a donné les églises.
Toutes les églises sont subdivisées en différents espaces, en par-
ticulier le chœur et la nef mais il y a toujours un ou plusieurs élé-
ments architecturaux qui viennent donner une unité à l’ensem-
ble.
Dans le cas de la Frauenkirche et de la Dreifaltigkeitkirche,
c’est la toiture qui relie le prêtre et l’assemblée et qui unifie le
reste de l’édifice.
Dans la Frauenkirche, la voûte en longueur et le dispositif d’ac-
centuation de la perspective donnent en réalité la perception
d’un seul espace. De nos jours, il n’y a que les quelques marches
à l’entrée du chœur qui le désignent comme un espace à part en-
tière, ce qui rend cette unification du volume plus sensible. Mais
même à l’époque où le jubé faisait partie des éléments essenti-
els d’une église, la voûte filant au-dessus le rabaissait au rang de
meuble religieux plus que de mur de séparation (cf. photo 3.2.2.)
Le chœur et la nef deviennent donc un seul et même volume et
le reste de l’église (dont la voûte suit globalement le même motif
et la même hauteur sous plafond) devient une extension de cet
espace central.
Dans le cas de la Dreifaltigkeitkirche, c’est la forme de pliage
de la toiture qui va créer cette unification. L’ensemble des élé-
2.3.1 Domus ecclesiae, ruines de Dura Europos.
Premiere ruine de lieu de culte chretien
3.2.2. Vue de l’église dpuis le choeur Le jubé n’interrompt pas la continuité de la nef
32
ments contribuant à la tension centripète que nous avons vue
précédemment (2.3.b.) que ce soit la voûte circulaire, la forme co-
nique, le sol, les colonnes ou la lumière, tout contribue dans cet
espace à créer une sensation d’unité ou de rassemblement. Ici,
l’absence de chœur et donc l’absence de différenciation entre le
célébrant et l’assemblée est un élément majeur de la sensation
de communauté.
La Dreifaltigkeitkirche ne montre pas seulement l’idée de com-
munauté par l’espace de célébration mais aussi par le volume de
l’ensemble de l’église (cf. schéma 3.2.3.). Celle-ci est toute entière
contenue par un mur de brique percé uniquement en deux en-
droits : l’entrée et l’autel d’adoration. Tous les espaces sont réu-
nis dans une enveloppe commune. De plus, ceux-ci ne sont pas
séparés par des parois de quelconque nature, seuls des aligne-
ments de fines colonnes viennent créer une distinction entre les
usages. La toiture uniforme et sans direction accentue encore cet
espace uniforme qui devient en premier lieu un endroit pour se
rassembler plus qu’une église.
Le cas de la Theatinerkirche est plus complexe. Nous
avons en effet vu qu’elle était constituée de trois volumes juxta-
posés et que le chœur et la nef étaient séparés par une croisée du
transept surdimensionnée.
Dans la nef, l’ensemble des fidèles est rassemblé sous une même
voûte en berceau. Cette forme arrondie crée un effet d’envelop-
pement qui réunit la foule. De l’autre côté, les prêtres ont face
à eux, une abside en demi-cercle. Etant donné qu’ils regardent
dans cette direction, ils ont eux aussi une sensation d’envelop-
pement. Mais ces deux dispositifs, même s’ils communiquent vi-
suellement entre eux, ne créent pas de rassemblement entres les
personnes placées dans l’une ou l’autre des parties.
3.2.3. Axonométrie éclatée de la Dreifal-tigkeitkirche Le mur est une enveloppe qui réunie tous les espaces
33
Pourtant, un dispositif est mis en place qui restaure cette unité
dans l’ensemble de l’église. En effet, au bas de la voûte une épaisse
corniche est sculptée et cette corniche fait le tour de l’église. C’est
en fait le seul élément qui va unifier l’ensemble de l’église et relier
la nef et le chœur (cf. photo 3.2.4.). Le chœur et la nef sont deux
espaces différents faisant partie d’un même bâtiment. Ce que
l’on peut voir comme une métaphore de l’église selon saint Paul
: “Prenons une comparaison : le corps ne fait qu’un, il a pourtant
plusieurs membres et tous les membres, malgré leur nombre, ne
forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ.10”
Ainsi, quelle que soit l’époque et donc l’état des relations
entre le clergé et les fidèles, l’église reste toujours un bâtiment
unifié. “Une des premières caractéristiques qui font d’un groupe
humain une religion, c’est le fait qu’il fonctionne à la manière
d’une communauté11”, L’Eglise catholique ne fait pas exception
à cette définition et transmet cette notion dans l’architecture de
ses églises.
10 Saint Paul, Première lettre aux corinthiens 12 ,1211 « Religion », Larousse, http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/reli-gion/87050
3.2.4. Photo du plafon de la TheatinerkircheLa présence de la corniche redonne son unité à l’église
34
Conclusion.
Nous avons ici étudié 3 églises munichoises de trois épo-
ques différentes. Chacune était inscrite dans un contexte religieux
et politique particulier qui a influencé sa construction. La percep-
tion de la religion qu’avaient les commanditaires a été un facteur
important dans la conception de ces églises, que ce soit sur l’archi-
tecture ou sur la décoration.
Ce qui est le plus influent dans le processus de création, et
notamment dans cette relation entre l’assemblée et le célébrant,
c’est la puissance et le point de vue des responsables liturgiques
à ce moment précis. L’évolution que l’on peut noter dans le trait-
ement de cette liaison s’explique par l’évolution de la liturgie. On
passe du Moyen-Age où les paysans peu cultivés croyaient aveu-
glément et avaient besoin de se raccrocher à un guide spirituel,
aux Temps Modernes où la religion est un choix et où la commu-
nauté est le lieu vital pour garder la foi.
L’observation de ces églises dont le style illustre l’état d’es-
prit de leurs contemporains nous permet de comprendre combien
la religion est un élément sociétal en constante évolution.
Aujourd’hui dans ces églises, le rôle du prêtre est encore
visible lorsque la messe est célébrée. Il y a même des églises mu-
nichoises où le célébrant dit la messe dos aux fidèles pour garder
intacte l’idée exprimée par l’architecte au moment de la construc-
tion.
35
Ainsi, même si les rites et la compréhension de la litur-
gie ont évolué au cours du temps, la tension que les créateurs de
l’église ont créée entre ceux qui assistent et ceux qui célèbrent la
messe reste toujours lisible.
A la suite de cette constante évolution, nous pouvons nous
demander en tant qu’architecte ce qu’est le sacré. Existe-il un moy-
en architectural d’exprimer cette sensation à travers les siècles
malgré l’instabilité de la société? La question du sacré est-elle une
atmosphère universelle et intemporelle?
36
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Laurence Mayeur 2014-2015