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13 rue Cambon – 75100 PARIS CEDEX 01 – T +33 1 42 98 95 00 – www.ccomptes.fr PREMIÈRE CHAMBRE ____ TROISIÈME SECTION 72186 RAPPORT PARTICULIER (articles L. 143-3 et R. 143-1 du code des juridictions financières) LES COMPTES ET LA GESTION DE LIMPRIMERIE NATIONALE EXERCICES 2009-2014 Janvier 2015

Rapport particulier Les comptes et la gestion de l ... · comité d’audit devrait être plus attentif aux sujets relatifs ... Les comptes de l’Imprimerie nationale se sont redressés

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13 rue Cambon – 75100 PARIS CEDEX 01 – T +33 1 42 98 95 00 – www.ccomptes.fr

PREMIÈRE CHAMBRE

____

TROISIÈME SECTION

72186

RAPPORT PARTICULIER (articles L. 143-3 et R. 143-1 du code des juridictions financières)

LES COMPTES ET LA GESTION DE

L ’ IMPRIMERIE NATIONALE

EXERCICES 2009-2014

Janvier 2015

2

3

SOMMAIRE

SYNTHESE ET AVIS SUR LA GESTION 5

LISTE DES RECOMMANDATIONS 9

INTRODUCTION 11

I. Une gouvernance améliorée 13

A. Un fonctionnement du conseil d’administration conforme aux règles de bonne gouvernance 13

B. Un fonctionnement régulier du comité de direction 16

II. Une organisation plus lisible 17

A. Une organisation juridique du groupe et de ses différents métiers héritée de l’histoire et qui permet de

séparer les activités concurrentielles des activités exercées sous monopole 17

B. Une organisation juridique qui ne correspond pas à l’organisation de l’activité de la société par

branches et qui doit donc s’accompagner d’un suivi précis des résultats de chaque branche. 19

C. Une modernisation progressive des outils de gestion qui doit se poursuivre pour améliorer le pilotage

de l’entreprise 21

III. Des résultats en nette croissance 24

A. Comptes consolidés 24

B. Comptes sociaux 31

C. Une augmentation des frais généraux à surveiller 31

IV. Un positionnement stratégique redéfini 33

A. Un repositionnement stratégique qui a permis à l’Imprimerie nationale de se redresser en passant

d’une activité d’impression classique à la fourniture de solutions technologiques dans les domaines de

l’identité et des données 33

B. Des résultats à mi-parcours satisfaisants mais qui posent la question du modèle économique de

l’Imprimerie nationale à terme 36

C. Le plan à moyen terme de décembre 2013 et Vision 2020 : une ambition de développement forte mais

un risque réel de ne pas atteindre les objectifs 38

D. Conclusion sur la stratégie de l’entreprise 40

V. Des facteurs de fragilité et des défis à relever 42

A. Un groupe encore très dépendant du monopole 42

B. Une augmentation générale de la rentabilité des branches mais qui reste concentrée sur la production

des titres régaliens 47

C. Branche Authentification des personnes et des biens : des efforts à poursuivre pour améliorer la

compétitivité-prix sur la production de titres sécurisés, mais qui passent aussi par une rationalisation de la

demande des administrations publiques 50

D. Branche Impression et Flux Numérisés : un problème persistant 56

E. Branche Services de confiance : un développement qui pourrait être facilité par l’accélération du

passage de l’administration au numérique 59

F. Atelier du livre : un centre de coûts dont le poids doit être désormais partagé avec d’autres institutions

culturelles et collectivités publiques 62

G. Conclusion sur les défis à relever 64

4

VI. Les facteurs clés de succès : politique de recherche et développement, politique

sociale, politique à l’exportation 64

A. Une politique de recherche et développement à mettre en place 64

B. Une gestion des ressources humaines à faire évoluer 66

C. Une politique commerciale et de développement à l’exportation à poursuivre 71

VII. Une diversification stratégique dont il faut assurer le succès : l’acquisition de Smart

Packaging Solutions (SPS) 74

A. Une restructuration progressive du portefeuille des différentes filiales, après des diversifications et

prises de participation plutôt hasardeuses 74

B. Une prise de contrôle de la société Smart Packaging Solutions qui soulève des interrogations portant

sur la décision de procéder à une acquisition intégrale de la société et sur le mécanisme de complément de

prix versé aux actionnaires fondateurs 78

5

SYNTHESE ET AVIS SUR LA GESTION

Le contrôle de la Cour a permis de constater une amélioration significative de la gouvernance, de la gestion et des résultats de l’entreprise. Il a aussi conduit à relever les facteurs de fragilité du modèle économique et les incertitudes liées à l’acquisition de la société Smart Packaging Solutions (SPS).

1) Une gouvernance améliorée

Les organes de gouvernance de l’entreprise jouent leur rôle. Les conseils d’administration sont réguliers, avec des ordres du jour permettant de traiter des principales questions affectant l’Imprimerie nationale (IN). Les personnalités qualifiées participent aux débats du conseil d’administration (CA) et à ceux des comités placés auprès de lui. Le fonctionnement de ces derniers paraît satisfaisant. L’agence des participations de l’État (APE) et le contrôle économique et financier sont tenus régulièrement informés des évolutions de l’entreprise et de ses principaux chantiers. Deux voies d’amélioration doivent être envisagées : le seuil de chiffre d’affaires pour le suivi des offres par le comité éponyme est élevé et celui-ci devrait être mis en situation d’examiner des offres d’un montant inférieur ; le comité d’audit devrait être plus attentif aux sujets relatifs au contrôle interne. Il conviendra, en outre, d’aménager les modalités de la gouvernance afin de faciliter la réussite de l’intégration de la société SPS.

2) Une organisation interne qui distingue les activités sous monopole des activités concurrentielles, mais une structure encore optimisable.

À la suite des réformes réalisées en 2005 et 2010, l’Imprimerie nationale a regroupé l’ensemble de ses activités concurrentielles – impression continue, vente de titres sécurisés sur les marchés concurrentiels, vente de services liés à des titres - au sein de la société Imprimerie Nationale Continu et Services (INCS) ou de sa filiale Chronoservices, tandis que les participations minoritaires sont détenues par la holding Imprimerie Nationale Participations SA (INP). La société Imprimerie Nationale SA (INSA) exerce à la fois des fonctions de tête de groupe, d’une part, de production des titres sécurisés et de vente de ces titres dans le cadre de l’activité sous monopole, d’autre part. La localisation dans deux sociétés distinctes des activités sous monopole et des activités concurrentielles ainsi que l’existence de règles de facturation de l’une à l’autre ayant pour objet la couverture du coût complet de production permettent d’éviter de subventionner les activités concurrentielles par les activités sous monopole.

Cette organisation juridique ne correspond toutefois plus à la segmentation des métiers exercés par l’Imprimerie nationale. S’éloignant du métier classique d’imprimeur de titres régaliens et de documents, du fait de la complexité croissante de ces titres (introduction de puces électroniques et de technologies de cryptage de données), d’une part, et de l’attrition1 de l’activité d’impression, d’autre part, l’Imprimerie nationale a constitué trois branches d’activité distinctes :

• branche «Authentification des Personnes et des Biens » (APB) pour la production de titres sécurisés pouvant donner l’accès, grâce aux puces électroniques qui y sont insérées, à des services, avec un savoir-faire qui s’exporte désormais à l’étranger

• branche « Impression et Flux Numérisés » (IFN) pour l’impression en continu de documents (chèques vacances, formulaires administratifs…)

1 Phénomène de perte de clientèle ou d’abonnés

6

• branche « Services de confiance » (SC) pour la vente de services associés à des titres, comme la prise en charge par l’Imprimerie nationale du processus d’inscription, de délivrance et de service après-vente de certaines cartes, ou le développement de prestations de numérisation et d’archivage.

Aucune de ces branches ne correspondant à une société du groupe, l’Imprimerie nationale a dû mettre en place, en s’appuyant sur la comptabilité analytique de chaque société, des comptes par branches permettant d’apprécier la performance de ces différentes activités. Dans ce contexte, la fiabilité et l’auditabilité de la comptabilité analytique sont essentielles. La réussite de la mise en place du progiciel de gestion intégré représente, à cet égard, un enjeu particulièrement important.

3) Des résultats qui se sont redressés, principalement grâce aux activités de monopole ; des perspectives de stagnation de la rentabilité.

Les comptes de l’Imprimerie nationale se sont redressés depuis quatre ans, avec un montant élevé d’excédent brut d’exploitation et de résultat net rapporté au chiffre d’affaires et aux capitaux propres. La situation financière a été assainie ; le niveau de capitaux propres est très important et le besoin en fonds de roulement en nette amélioration. Il reste que le redressement du groupe provient essentiellement des activités sous monopole, en raison d’une progression très dynamique des volumes. Le développement des services associés à des titres ainsi que le retour à l’équilibre du foyer de pertes traditionnel qu’est l’impression continue ont aussi contribué, mais dans une moindre mesure, au redressement constaté.

Le niveau des disponibilités atteignait, fin 2013, 58 M€ sur un total de capitaux investis de 148 M€ ; l’entreprise n’était pas endettée. Toutefois, sa profitabilité a atteint un palier depuis deux ans et il est probable, comme le prévoit le plan stratégique de décembre 2013, qu’on assiste à une stabilisation de cette profitabilité, en raison d’une pression à la baisse des prix des produits fabriqués sous monopole et de l’attrition rapide de l’impression continue.

4) Des activités qui ont significativement évolué

L’activité et les métiers de l’Imprimerie nationale ont fortement évolué à la suite des restructurations décidées dans le plan de 2005 avec l’abandon d’une grande partie des activités d’impression classiques, et du plan stratégique de 2009, régulièrement actualisé depuis cette date. L’Imprimerie nationale ne se définit plus comme une entreprise d’impression de titres régaliens sous monopole (titres de séjour, passeports, permis de conduire…) et de documents imprimés « standard » ou plus élaborés (brochures, catalogues, revues). Elle se présente désormais comme un fournisseur de titres sécurisés pour les administrations et les entreprises – avec des solutions technologiques complexes et différentes selon le type de clientèle – et de services associés (gestion de la distribution de cartes, numérisation et archivage de données).

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De fait, la composition du chiffre d’affaires a été modifiée. Les activités de fournisseur de titres sécurisés et de services représentaient, en 2013, 77 % du chiffre d’affaires contre 23 % pour l’activité d’impression, alors qu’en 2009 la proportion était encore de 65 % contre 35 %. Le plan stratégique de décembre 2013 donne une nouvelle impulsion à cette stratégie, avec l’objectif de renforcer les services associés à la fourniture de titres sécurisés afin de compenser la baisse inéluctable du chiffre d’affaires dans les activités d’impression classiques et la stagnation de la marge sur les activités de production de titres sécurisés. Ce plan parait très ambitieux : le chiffre d’affaires sur les titres à l’exportation, les services de confiance pour les collectivités et les entreprises, l’éditique2 doit ainsi être multiplié par 10 en trois ans. Le risque de non atteinte des objectifs est réel.

5) Plusieurs leviers à mobiliser pour assurer la réussite du plan

La réussite du plan stratégique passe par la poursuite et le renforcement des actions de productivité menées par l’Imprimerie nationale : amélioration de la productivité du travail, augmentation de l’utilisation des machines, diminution des heures non productives et amélioration de la qualité. Leur mise en œuvre doit permettre une réduction progressive du prix des titres produits dans le cadre du monopole.

En outre, l’Imprimerie nationale doit être en mesure de consacrer un effort plus important à la recherche-développement sur les technologies qui la concernent (authentification de la personne, sécurisation des titres et des données, utilisation des objets portables). Compte tenu des enjeux représentés par la vente à l’exportation, la mise en œuvre et le suivi d’une politique de développement commercial sont également indispensables.

La politique de ressources humaines doit sensiblement évoluer, d’abord pour lier l’évolution des rémunérations à la performance de l’entreprise et ainsi maîtriser la progression aujourd’hui très dynamique du coût moyen par agent, ensuite pour faire évoluer les compétences et les qualifications requises par la transformation de l’Imprimerie nationale.

Le succès du plan stratégique suppose enfin une amélioration du dialogue de gestion entre les clients publics de l’Imprimerie nationale et cette entreprise. En effet, compte tenu du poids de la production de titres régaliens et de documents publics qui, pour des considérations de sécurité, relèvent du monopole, l’État restera le principal client de l’Imprimerie nationale. Dans ce cadre, celle-ci doit pouvoir proposer aux administrations des leviers d’économies. Les administrations, de leur côté, devraient évaluer les avantages éventuels de l’externalisation à l’Imprimerie nationale de tâches pouvant être réalisées par cette entreprise, qu’il s’agisse de la personnalisation de documents d’identité ou de la mutualisation de la fabrication de cartes d’agents publics.

6) Des incertitudes liées à l’acquisition de SPS

Après plusieurs opérations de désengagement de participations contestables, la décision de l’Imprimerie nationale, approuvée par l’État, de prendre le contrôle de la société Smart Packaging Solutions (SPS) en mars 2014 – par l’acquisition des parts du Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE) - et d’être en situation d’acquérir la totalité de ses parts en 2016 – par l’acquisition des 49 % de capital restant auprès de ses dirigeants et fondateurs- soulève des interrogations.

2 Néologisme qui désigne l’ensemble des outils, services et moyens informatiques appliqués à l’édition de

documents.

8

L’activité de cette société, qui fournit des composants (inlay) pour l’Imprimerie nationale, présente sur le marché de l’identité comme sur le marché bancaire, apporte à l’Imprimerie nationale une diversification stratégique et industrielle incontestable.

Toutefois, l’achat de la totalité des parts de SPS va consommer la quasi-totalité des ressources financières actuelles de l’entreprise. Le choix opéré exerce un réel effet d’éviction sur d’autres investissements dans des technologies ou des sociétés présentes sur le versant aval de la chaîne de valeur du métier de l’Imprimerie nationale, notamment sur les services, segment sur lequel celle-ci entend pourtant se développer. En outre, la taille de SPS est de nature à poser un problème d’intégration de la nouvelle filiale ; les modalités de gouvernance et de gestion de l’Imprimerie nationale en seront nécessairement affectées. Enfin, l’institution d’un mécanisme de complément de prix versé aux dirigeants de SPS pour l’acquisition des 49 % de parts restantes, en cas d’atteinte des objectifs financiers fixés à SPS, suscite des réserves, d’autant plus qu’elle ne s’accompagne d’aucune contrepartie à la baisse si ces objectifs ne sont pas atteints.

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LISTE DES RECOMMANDATIONS

- Recommandation 1 : s’agissant du fonctionnement des comités du conseil, étendre les attributions du comité des offres en abaissant le seuil d’examen ;

- Recommandation 2 : renforcer le suivi du contrôle interne dans les travaux du comité d’audit ;

- Recommandation 3 : mettre en place un suivi de la rentabilité de chaque activité concurrentielle, notamment à l’intérieur d’INCS ;

- Recommandation 4 : organiser des discussions régulières entre les principaux ministères concernés et l’IN sur le prix des produits fabriqués sous monopole par l’Imprimerie nationale, sur les prestations offertes par celle-ci et sur les différents leviers de réduction des coûts ; prévoir dans ce cadre des mécanismes d’arbitrage ;

- Recommandation 5 : veiller dans l’exécution du plan d’affaires à la mise en œuvre des actions prévues de réduction des prix sur les produits sous monopole ;

- Recommandation 6 : pour le secrétaire général pour la modernisation de l’action publique, recenser les tâches d’impression de titres, de cartes et de documents encore assurées par les administrations publiques et évaluer l’intérêt économique d’une externalisation (à l’Imprimerie nationale ou à d’autres prestataires) de ces tâches ;

- Recommandation 7 : maîtriser l’évolution de la masse salariale en ne dépassant pas l’inflation pour les augmentations générales et en développant les éléments individuels et variables de rémunération ;

- Recommandation 8 : mener rapidement à terme le chantier de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences ;

- Recommandation 9 : préciser, dans le plan moyen terme (PMT) 2015-2017, les axes de développement de l’Imprimerie nationale sur les segments de l’authentification et des services, notamment les modes de développement externes.

10

11

INTRODUCTION

Jusqu’à 1993, l’Imprimerie nationale était un service central du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, doté d’un budget annexe. La loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 l’a transformée en une société anonyme de droit privé dont l’État est l’unique actionnaire.

L’Imprimerie nationale bénéficie d’un monopole légal institué par la loi précitée pour la réalisation de « documents déclarés secrets ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, et notamment les titres d’identité, passeports, visas et autres documents administratifs et d’état civil comportant des éléments spécifiques de sécurité destinés à empêcher les falsifications et les contrefaçons ». Ce champ constitue cependant une réduction sensible de périmètre du monopole au regard des activités précédentes.

Le changement de statut et la réduction du champ de son monopole ont eu pour effet de placer l’Imprimerie nationale dans un environnement concurrentiel difficile. L’Imprimerie nationale a tenté de développer ses activités sur le marché concurrentiel, en vain. La dégradation des résultats n’a pu être évitée et les premières pertes sont apparues en 1997.

En dépit de plusieurs plans stratégiques, la dégradation s’est poursuivie, ce qui a conduit le comité central d’entreprise à voter une résolution d’ouverture de la procédure du droit d’alerte le 16 juin 2001, puis les commissaires aux comptes à déclencher à leur tour une procédure d’alerte. La poursuite des pertes et l’apparition de capitaux propres négatifs dès 2003 ont conduit l’État à solliciter de la Commission européenne l’autorisation d’accorder une aide au titre du sauvetage d’une entreprise en difficulté. Cet accord a été obtenu le 18 février 2004 sous réserve d’un plan de redressement approuvé par le conseil d’administration le 8 juillet 2004 puis par la Commission européenne le 20 juillet 2005.

Ce plan de redressement comprenait quatre volets : une recapitalisation d’autant plus indispensable que les fonds propres de l’entreprise étaient devenus négatifs ; un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoyait une forte baisse des effectifs ; la cession de nombreuses activités ; la filialisation des activités conservées en dehors du monopole, afin de séparer les comptes et de garantir l’absence de subventions croisées entre secteurs sous monopole et secteur concurrentiel.

Le recentrage sur un petit nombre d’activités, principalement la réalisation de documents régaliens ou cartes professionnelles comportant des signes de sécurité, constituait le cœur de la nouvelle stratégie de l’entreprise. La plupart des autres activités (édition, impression sur rotative de catalogues et impression sur feuilles de produits à faible tirage) devaient être cédées et fermées, à l’exception des activités d’impression en continu.

Le coût du plan était estimé à 233 M€, financé par un apport de 197 M€ de l’État, par la vente du siège social (immeuble de la rue de la Convention) mais aussi de différents sites de productions en 2005, ainsi que par un emprunt bancaire.

12

La mise en œuvre de ce plan de redressement s’est traduite par une diminution forte du chiffre d’affaires, qui est passé de 176 M€ en 2003 à 131 M€ en 2009. L’effectif a diminué plus encore, puisqu’il est passé de 1 609 personnes en 2003 à 526 personnes en 2009. Les résultats se sont progressivement redressés ; le résultat net est passé de – 105 M€ en 2003 à + 198 000 € en 2009. Toutefois, le montant des capitaux propres restait, fin 2009, inférieur de moitié au capital social de l’Imprimerie nationale, en raison de résultats 2007 et 2008 plus dégradés que prévu, liés eux-mêmes à des surcoûts de restructuration importants (18 M€). La situation était donc critique, puisqu’en vertu de l’article L. 223-42 du Code de commerce, cette situation imposait à l’État, soit de décider la dissolution anticipée de la société dans un délai de 4 mois, soit de reconstituer ses capitaux propres, soit de réduire son capital social.

Après avoir mené à bien le plan de redressement, le président-directeur général n’a pas été renouvelé le 30 juin 2009, l’État jugeant nécessaire de passer à une nouvelle étape de consolidation des résultats et de redressement. Par ailleurs, des difficultés dans le respect des procédures financières, s’agissant notamment des contrats à l’exportation, étaient apparues, justifiant le licenciement du directeur financier en février 2009. Venant de Thomson dont il était directeur général adjoint, M. Didier Trutt a été nommé en août 2009 président-directeur général de l’Imprimerie nationale.

Après avoir réalisé des contrôles qui ont donné lieu à des rapports particuliers en 2002 et 2007, la Cour a consacré à l’Imprimerie nationale une insertion dans son rapport public annuel de 2008, puis une insertion de suivi en 2010. Elle y notait que l’amélioration du résultat d’exploitation depuis 2006 était positive, tout en soulignant le maintien d’un résultat net négatif élevé et la dégradation continue des fonds propres. Elle appelait l’entreprise à poursuivre ses efforts de productivité, à redresser l’activité d’impression continue et à développer de nouvelles activités pour ne pas être liée exclusivement au monopole. Elle recommandait également aux tutelles d’améliorer la gouvernance par la création d’un comité stratégique et d’un comité des rémunérations, souhaitait que l’agence des participations de l’État (APE) affirme mieux son rôle d’actionnaire et préconisait que l’Imprimerie nationale se dote d’un plan d’affaires pluriannuel.

Le présent contrôle de la Cour sur l’Imprimerie nationale examine la mise en œuvre de ces recommandations, les résultats du plan de redressement ainsi que les choix stratégiques d’une entreprise publique dont les activités de monopole (60 % du chiffre d’affaires) s’effectuent dans un contexte de tension accrue sur les prix et dont les activités concurrentielles d’impression classique (23 % du chiffre d’affaires) sont en décroissance forte et dégagent une marge quasi nulle.

En application des dispositions de l’article L. 143-1 du code des juridictions financières, le présent rapport, dès lors qu’il est rendu public, ne contient pas d’information relevant d’un secret protégé par la loi.

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I. Une gouvernance améliorée

A. Un fonctionnement du conseil d’administration conforme aux règles de bonne gouvernance

À la suite du plan de 2005, l’Imprimerie nationale a structuré ses activités autour de la société mère (Imprimerie nationale SA) et de deux filiales, gérant l’une les activités concurrentielles (IN Continu et Service SASU), l’autre les participations du groupe (IN Participations SA).

N.B. : organigramme au 31/12/2013

Le conseil d’administration se réunit au moins une fois par trimestre et était composé, au 31 décembre 2013 :

• d’un président (M. Didier Trutt) ; • de représentants de l’État nommés intuitu personae : Mme Mireille Campana,

issue de la direction générale des entreprises du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ; M. Cyril Bouyeure, issu de l’assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières (ADETEF) ; M. Philippe Kaspi, issu du contrôle général économique et financier (CGEFI) ; M. Jacques Maire, issu du ministère des affaires étrangères et du développement international ; M. Henri Serres, issu du conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) ; M. Bruno Vincent, issu de l’agence des participations de l’État (APE) ;

14

• de personnes qualifiées : M. Philippe Burtin, président-directeur général de Nexter ; M. Didier Floquet, liquidateur de la Société financière de radiodiffusion (SOFIRAD) ; M. Michel Gonnet, président du cabinet Eudoxia et ancien secrétaire général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ; M. Dominique Thillaud, président du directoire des aéroports de la Côte d’Azur ; M. André Viau, président-directeur général de la société de financement pour la réforme et le développement d’entreprises (SOFIRED) dans les départements touchés par les restructurations du ministère de la défense) ;

• et de représentants élus des salariés.

Depuis 2009, la gouvernance de l’entreprise a été remodelée et renforcée par la création progressive de quatre comités dépendant du conseil d’administration, à la suite notamment de recommandations de la Cour :

- un comité stratégique chargé d’examiner les projets de développement de l’entreprise (participations et création de sociétés), les projets de diversification stratégique, les projets d’organisation juridique, les plans stratégiques et leur mise en œuvre. Il est présidé par une personnalité qualifiée, M. Dominique Thillaud ;

- Un comité des offres, extension du comité stratégique, qui est depuis décembre 2011 saisi de toutes les offres dépassant 50 M€ (sur plusieurs années la plupart du temps) et d'examiner, pour avis, sur saisine du président du conseil d’administration, des offres hors normes commerciales usuelles ;

- Un comité d’audit consacré principalement aux comptes et au budget. Ce comité est chargé d’examiner la pertinence et la permanence des méthodes comptables adoptées pour l’établissement des comptes, d’examiner les comptes sociaux et consolidés, ainsi que leurs annexes, d’examiner les budgets de l’entreprise, d’expertiser les conditions financières dans lesquelles sont proposées les cessions et/ou les acquisitions et de procéder à un examen régulier des principaux risques encourus par l’entreprise dans ses activités. Il a aussi traité des questions liées aux rémunérations de 2009 à 2011, date de création du comité des rémunérations. Il est présidé par une personnalité qualifiée, M. Michel Gonnet ;

- Un comité des rémunérations, extension du comité d’audit à partir de 2012, qui examine la politique de rémunération de la société.

Ces comités se réunissent 3 ou 4 fois par an. Depuis 2011, des jetons de présence sont accordés aux personnalités qualifiées (800 euros pour une présence au conseil d’administration et 400 euros pour une présence aux comités).

La mise en place de ce dispositif constitue une amélioration par rapport aux modes antérieurs de gouvernance.

L’examen des procès-verbaux des conseils d’administration permet de relever une information satisfaisante du conseil sur les sujets intéressant la vie de l’entreprise, ainsi que la participation active des administrateurs. De même, les travaux des différents comités sont de qualité et sont retransmis régulièrement au conseil d’administration. Tant les procès-verbaux des comités d’audit que ceux des comités stratégiques montrent un suivi de l’ensemble des enjeux de l’entreprise ainsi que des échanges entre administrateurs et direction sur la gestion de l’entreprise.

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En dépit de ces améliorations incontestables dans la gouvernance de l’entreprise, quelques faiblesses persistent :

• le seuil d’examen des offres par le comité éponyme pourrait être abaissé compte tenu du chiffre d’affaires moyen d’une offre et du montant du chiffre d’affaires total de l’Imprimerie nationale (150 M€) : aujourd’hui, ce seuil de 50 M€ aboutit à faire examiner par le comité deux offres par an. Une solution alternative consisterait à user plus largement de la possibilité de convoquer le conseil en-dessous de ce seuil, en précisant ce qu’on entend par normes commerciales usuelles (durée du contrat, garanties données, etc.) avec l’objectif de concilier l’impératif de souplesse (pas de convocation systématique du comité dès lors qu’un certain nombre de principes sont respectés) et l’impératif de contrôle (nécessité d’avoir un visa du comité pour toutes les conventions ne respectant pas ces principes) ;

• le comité d’audit pourrait traiter davantage des sujets relatifs au contrôle interne. Les revues annuelles des commissaires aux comptes sur les processus pourraient y être davantage évoquées, ainsi que les suites à leur donner, compte tenu des points d’attention qui demeurent (achats, immobilisations, stocks). La sensibilisation de la direction financière aux problématiques de contrôle interne est, en revanche, réelle avec la mise en place d’un audit en 2011, une amélioration des procédures et des contrôles réalisés manuellement en attendant la mise en place des contrôles automatiques dans le cadre de l’installation de l’ Enterprise Resource Planning (ERP) ;

• la gouvernance des filiales importantes du groupe pourrait être renforcée. Certes, la société INP est bien constituée sous forme de société anonyme (SA). Mais INCS et Chronoservices ont le statut très simplifié de société par action simplifiée unipersonnelle (SASU), dont les règles juridiques sont particulièrement adaptées pour des créations d’entreprise mais pas nécessairement pour des filiales pérennes. Pour contrebalancer ce défaut de formalisme, il a été décidé de créer un « comité de surveillance » limité à 3 personnes pour INCS et Chronoservices. Ces trois personnes sont néanmoins toutes salariées d’IN SA, il n’y a donc pas de personnalité extérieure à l’Imprimerie nationale (personnalité qualifiée ou représentant de l’État) qui suive l’activité de ces deux sociétés, chargées, l’une de l’activité classique et déficitaire d’impression continue, l’autre de l’activité de services de confiance. L’importance de ces filiales pourrait justifier la présence à leur « comité » d’une personnalité indépendante. ;

• Enfin, s’agissant de SPS (Smart Packaging Solutions), l’acquisition des parts du FCDE par le groupe Imprimerie nationale en mars 2014 (Imprimerie nationale ne disposait jusqu’à cette date que de 14 % des parts) va conduire à la constitution d’une filiale contrôlée majoritairement par lui, représentant plus d’un tiers de son chiffre d’affaires, ayant une activité connexe et présente sur un site séparé. Cette situation pourrait justifier, à terme, la présence à son conseil de surveillance ou à un comité ad hoc à créer en fonction des dispositions du pacte d’actionnaires, d’un représentant de l’État ou d’une personnalité qualifiée. À tout le moins, compte tenu de l’importance du chiffre d’affaires de SPS et du caractère nouveau de son activité, l’intégration de SPS dans le groupe Imprimerie nationale nécessite la mise en place d’un pilotage serré et d’un « reporting » normalisé de SPS vers IN SA, au niveau de son comité de direction et également de son conseil d’administration.

16

L’information des administrateurs doit être de la même qualité que celle dont ils disposent sur les autres sociétés du groupe.

B. Un fonctionnement régulier du comité de direction

Le comité de direction qui devra être reconfiguré du fait de l’acquisition de SPS, se réunit chaque mois. Les questions transversales sont toujours abordées (résultats, indicateurs du groupe et des branches, trésorerie) ainsi que, dans la plupart des cas, les sujets relatifs aux branches. Pour chaque point sont prévus, depuis 2011, une date d’exécution et un responsable. Le comité de direction se réunit, par ailleurs, en formation restreinte pour examiner les questions liées aux risques, à la politique de ressources humaines et aux investissements.

Les membres du comité disposent désormais d’un tableau de bord donnant la synthèse des résultats financiers, globalement et par branche, le suivi du PMT, les faits marquants par branche et les indicateurs (commerciaux, industriels, financiers y compris le niveau de trésorerie et les données relatives aux ressources humaines).

On note, en revanche, l’absence parmi les indicateurs opérationnels et industriels (taux de gâche, stocks, délais de livraison) d’indicateurs de coût de production sur des produits phares. Il serait souhaitable de disposer de cette information sur les produits standardisés de masse (passeport, etc.) au regard de l’enjeu de réduction des coûts de production de l’Imprimerie nationale dans les prochaines années. L’achèvement de la mise en place d’ADERE, début 2015, devrait faciliter ce suivi des coûts.

- Recommandation n° 1 : s’agissant du fonctionnement des comités du conseil, étendre les attributions du comité des offres en abaissant le seuil d’examen

- Recommandation n° 2 : renforcer le suivi du contrôle interne dans les travaux du comité d’audit

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II. Une organisation plus lisible

A. Une organisation juridique du groupe et de ses différents métiers héritée de l’histoire et qui permet de séparer les activités concurrentielles des activités exercées sous monopole

Comme mentionné supra, l’Imprimerie nationale, à la suite du plan de 2005, a structuré ses activités autour de la société mère (IN SA) et de deux filiales, gérant l’une les activités concurrentielles (INCS), l’autre les participations du groupe (IN Participations SA).

La société INP continuait cependant à porter, d’une part des filiales à 100 %, d’autre part des participations minoritaires. L’organisation a été précisée fin 2010, avec un regroupement de toutes les filiales sous INCS et de toutes les participations minoritaires sous INP. La société Chronoservices, dont le capital était détenu par INP et une autre filiale de l’Imprimerie nationale, a ainsi été transférée d’INP à INCS. Cette opération a été l’occasion de réévaluer la valeur de l’actif de la société IN SA et, par voie de conséquence, de redresser le niveau de ses fonds propres sans augmenter pour autant son capital. À cette occasion, différents abandons de créances ont été autorisés (la plus importante étant la créance d’INSA sur INP d’un montant de 32,4 M€) sous réserve d’un retour à meilleure fortune.

Ces différentes modifications d’organigramme ont eu essentiellement pour objet de séparer les activités sous monopole des activités concurrentielles et, également, de rationaliser les différentes participations selon leur degré de contrôle par l’Imprimerie nationale :

• les activités de fabrication de titres sécurisés sous monopole sont exercées au sein de IN SA, la société mère du groupe, qui porte ainsi une double responsabilité de « holding » (siège) et de « branche » (production de titres sécurisés, branche « authentification des personnes et des biens » (APB)) ;

• toutes les activités concurrentielles, qu’il s’agisse de l’impression continue et de la plate-forme graphique (branche « impression et flux numérisés » (IFN)), ou de la vente des titres sécurisés sur les marchés concurrentiels, sont réalisées au sein d’INCS ;

• la filiale d’INCS, Chronoservices, exerce les nouvelles activités de services de confiance (branche « services de confiance » (SC)), en l’occurrence l’activité de « data » (numérisation et archivage de documents) et de services (gestion par l’Imprimerie nationale de l’ensemble du processus de conception, de fabrication, de distribution et de maintenance de certaines cartes) ;

• IN Participations gère les participations minoritaires dans des sociétés dont le potentiel technologique est intéressant pour l’Imprimerie nationale ;

• afin de garantir l’absence de subvention des activités de monopole par les activités concurrentielles, la fabrication de titres sécurisés destinée à la vente à l’exportation fait l’objet d’un prix de transfert entre INSA et INCS établi selon des règles auditées (en pratique, coût de revient + 5 %), INCS devant après imputation de ses frais commerciaux vendre ces titres, éventuellement enrichis par d’autres prestations, au client final3.

3 Le même mécanisme vaut pour les prestations réalisées par la société INSA pour Chronoservices

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Cette organisation juridique et ces règles de facturation entre sociétés ont pour but, à défaut de pouvoir séparer totalement, dans deux sociétés distinctes, la fabrication de titres sous monopole et la fabrication de titres concurrentielle (ce qui n’a pas de sens techniquement), de s’assurer de l’absence de subvention des activités concurrentielles par les activités sous monopole. Ce dispositif a fait l’objet d’un audit par le cabinet Price Water House (PWC) en 2011, dont les recommandations, visant à corriger à la marge le dispositif de répartition des charges, ont été en grande partie suivies :

• Répartition des frais de structure : à la différence des effectifs de production qui sont totalement dédiés par société, les effectifs commerciaux sont répartis entre INSA (15) et INCS (35) et certains coûts de fonctions support (personnels, coûts associés…) sont partiellement répartis sur plusieurs sociétés. Ces frais font l’objet d’une addition puis sont ensuite répartis entre sociétés selon des clés préétablies, avec le chiffre d’affaires comme variable de répartition la plus couramment observée. Ceci conduit plutôt à reporter sur l’activité de monopole la plus lourde part de frais de structure, et non à l’alléger. Les recommandations de PWC visant à ne pas se borner à une répartition de ces frais selon la société d’appartenance des personnels et des coûts ont donc été suivies d’effet ;

• Cession interne : le prix de cession d’une prestation d’une société du groupe à une autre correspond au prix de revient direct auquel on ajoute les frais de structure désormais répartis comme indiqué ci-dessus et une marge interne de 5 %, ce qui permet de couvrir le coût complet de fabrication. Il reste cependant à s’assurer de l’existence d’une marge réalisée par INCS sur la vente de ces produits sur les marchés concurrentiels, marge qui, comme on le verra, n’est pas toujours élevée.

L’audit de PWC notait par ailleurs d’autres points de progression possibles :

• la qualité de l’imputation des frais directs. Celle-ci ne pourra cependant être totale qu’avec l’achèvement de la mise en place du progiciel de gestion intégrée (ERP) et d’un changement de pratique ;

• éventuellement, la prise en compte des écarts entre le coût réel et le coût prévisionnel dans l’imputation des frais de structure : ceux-ci restent répartis selon leur estimation au budget ;

• la justification des transactions internes réalisées.

Il sera nécessaire, en 2015, de vérifier, éventuellement par un nouvel audit, l’apport positif de la mise en œuvre de l’ERP au processus de facturation interne, s’agissant notamment des prix de cession interne, particulièrement d’INSA vers INCS.

L’organisation juridique de la société a ainsi pour but de séparer, comme dans d’autres groupes publics, les activités sous monopole des activités concurrentielles. Ce choix explique le fait que l’organisation juridique ne reflète que partiellement l’organisation des activités de l’Imprimerie nationale en trois différentes branches et que chaque activité ne corresponde pas à une société.

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B. Une organisation juridique qui ne correspond pas à l’organisation de l’activité de la société par branches et qui doit donc s’accompagner d’un suivi précis des résultats de chaque branche.

1. L’articulation entre les différentes sociétés du groupe et ses branches d’activité est matricielle et doit donc s’accompagner d’un suivi particulier

La correspondance entre branches d’activités et entité juridique n’est jamais parfaite, sauf dans le cas de produits totalement distincts, ce qui n’est pas le cas de l’Imprimerie nationale. En effet, la fourniture de services est souvent adossée dans le cas de la société à une production de support (ce qui implique une prestation d’une branche pour une autre) et, inversement, la production de support est de plus en plus rarement dissociable d’une fourniture de services (sauf dans le cas restreint de quelques titres régaliens). Pour autant, pour garantir la clarté des comptes et un bon exercice de la responsabilité managériale et financière, il est important que les comptes d’une branche soient immédiatement lisibles et en tout cas articulés avec des comptes de sociétés auditées ; que les comptes d’une société permettent de lire en toute clarté, au moyen d’une comptabilité analytique fiable et auditée, la rentabilité d’activités différentes qui y seraient logées ; que les dirigeants d’une société disposent de la majeure partie des leviers d’action sur les comptes de sociétés dont ils répondent.

Dans le cas de l’Imprimerie nationale, les comptes d’une branche d’activité ne correspondent pas nécessairement aux comptes d’une société :

• INSA regroupe à la fois des fonctions de support et de direction pour l’ensemble du groupe, et des fonctions de production relatives à la principale branche d’activité – APB, production de titres sécurisée, régaliens ou non - qui représente près de 60 % du chiffre d’affaires ;

• INCS gère en pratique, comme déjà mentionné, à la fois les activités de commercialisation des titres sécurisés hors monopole (exportation, marchés concurrentiels) et l’impression en continu. Les comptes des deux activités sont, par conséquent, mêlés dans la même structure juridique, ce qui rend plus difficile l’identification des résultats liés à chaque activité. Sans se reporter à la comptabilité analytique, dont la lecture n’est, du reste, pas évidente, il est en effet impossible de connaître la réalité des résultats détaillés de l’activité concurrentielle ; Le recentrage d’INCS sur l’activité d’impression continue et la création d’une société dédiée à la vente des titres sécurisés (qui serait rattachée à la branche APB) pourraient se justifier à terme d’autant plus que cette dernière activité à l’exportation a vu son chiffre d’affaires augmenter ces dernières années et que cette évolution doit s’accélérer aux termes du plan d’affaires 2014-2016. Elle permettrait de faire coïncider la branche IFN (« impression et flux numérisés ») avec une seule société ;

• L’activité de Chronoservices est, en revanche, bien identifiée, même si cette société doit faire appel à la branche APB pour une partie de ses activités.

L’acquisition de SPS ajoute une activité nouvelle à l’entreprise : la fabrication de composants. Elle gagnerait sans doute à s’accompagner d’une clarification définitive entre l’activité d’impression continue et ses services connexes d’une part, et l’activité de production de titres avec le développement croissant des services associés d’autre part. À cet égard, le

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projet de réunir dans une seule branche l’ensemble des activités de production de titres et de support papier aboutirait à créer une branche avec deux types d’activités totalement distincts et réalisant surtout 95 % du chiffre d’affaires de l’Imprimerie nationale actuelle. Sa mise en œuvre devrait s’accompagner d’un suivi comptable ainsi que d’une attribution de responsabilités opérationnelles précises sur le périmètre de chacune de ces deux activités, voire de comptes de branches audités, ce qui garantirait leur fiabilité

2. L’affectation des produits à chaque branche d’activité est bien définie mais les périmètres précis de chaque branche sont parfois fluctuants

À chaque branche correspond un type de produits (« solutions » dans le langage de

l’Imprimerie nationale) :

• Pour l’authentification des personnes et des biens, la production de titres sécurisés, plus ou moins complexe selon le degré de personnalisation et de sécurité introduit. C’est APB qui possède les installations de production des titres et d’insertion des puces, de personnalisation des puces et de cryptage ;

• Pour l’impression et flux numérisés, l’impression et tous les services qui gravitent autour de cette activité, qu’il s’agisse de la conception (plate-forme graphique), de l’édition (personnalisation des documents types) et de l’envoi ;

• Pour les services de confiance, la fourniture de services autour des cartes produites par APB, qu’il s’agisse de la prise en charge du processus d’enregistrement des personnes, des questions d’identité ou du service après-vente.

Quelques problèmes de frontière apparaissent cependant :

• « Solution identité » est principalement portée par la branche SC à l’exception de la carte Santé, qui relève de la branche APB : cette situation trouve en partie sa justification par la nature monopolistique de la production de cette carte mais ne correspond ni à une approche liée au client ni à une logique de produit ;

• « Editique » est assurée par la branche APB pour les permis à points et non par IFN ;

• « Offre Pass In » est proposée par la branche SC mais avec certains produits assimilables comptabilisés dans la branche APB (carte Orange). En l’absence de service particulier (gestion du processus d’enrôlement et de distribution), il est difficile de distinguer le produit Pass In de la fabrication d’un titre sécurisé

• « Carte Judo » relève de la branche IFN (plate-forme graphique) alors que sa fabrication est insérée dans un produit contenant du service

Dans ce dernier cas, il est vrai que l’attrition de l’activité principale de la branche IFN (l’impression) peut justifier qu’on y place des produits plus dynamiques afin d’y localiser de la marge et de maintenir l’équilibre de la société concernée (INCS).

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3. L’introduction de marques complète la logique de branches d’activité et de produits par une approche liée aux clients

La création des marques (approuvées lors du CA du 27 juin 2013) répond non à une logique de produits mais de relations aux clients et introduit donc un fonctionnement matriciel supplémentaire :

- IN : produits destinés aux administrations (qui peuvent concerner les trois branches)

- IN international : produits fournis aux États étrangers (qui peuvent là aussi concerner les trois branches)

- IN entreprises : produits concurrentiels fournis aux sociétés et entreprises privées.

Cette logique de marques permet de gommer pour le client la subtilité des différences entre les produits offerts par chaque branche.

C. Une modernisation progressive des outils de gestion qui doit se poursuivre pour améliorer le pilotage de l’entreprise

1. Une mise en place réussie du projet d’ERP mais qui doit être finalisée

Un audit sur les systèmes d’information a été lancé en 2011 afin d’identifier les forces et les faiblesses des systèmes d’information à l’Imprimerie nationale. Cet audit a relevé que les coûts de SI étaient maîtrisés et que certaines fonctions dites de « front office » étaient exercées de façon satisfaisante, en particulier les fonctions de gestion commerciale ; l’audit notait, en revanche, qu’il manquait un progiciel de gestion intégré pour gérer les fonctions de « back office » (comptabilité, gestion de la production, achats). Beaucoup de fonctions de production et de gestion de l’Imprimerie nationale étaient ainsi mises en œuvre manuellement ou sur des logiciels non interconnectés, ce qui entraînait un risque d’erreur et obligeait à mettre en place des contrôles manuels. À la suite de cet audit, la décision a été prise de doter l’Imprimerie nationale d’un logiciel de type ERP afin de permettre une gestion en flux tendu de la production de l’Imprimerie nationale, sans interface. L’entreprise a choisi un ERP pré-paramétré plutôt que des mises à jour de chaque logiciel ou l’adoption d’un produit spécifique, ce qui était, en effet, préférable.

Dans un premier temps, l’Imprimerie nationale a décidé de sortir du projet la gestion des relations avec les clients, qui faisait l’objet d’une application séparée, et l’activité d’impression continue, et de se concentrer dans ce premier lot sur la modernisation de ses outils de gestion (comptabilité générale et analytique, processus achats, gestion de la production).

Le calendrier a été le suivant :

• La mise en place de l’ERP sur les fonctions achats hors production et comptabilité générale/ analytique : la bascule a été effectuée en mai 2013 (lot 1 A)

• La mise en œuvre, un an après, des fonctions d’approvisionnement, d’administration des ventes, et de gestion au sens large de la production (planification des ressources - machines et hommes - et suivi de leur consommation) : la bascule a été effectuée en mai 2014 (lot 1 B).

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C’est ce deuxième volet qui devrait permettre d’effectuer un saut qualitatif dans le contrôle interne, en reliant et automatisant des tâches aujourd’hui séparées (exemple du processus de commande et de suivi de l’achat débouchant sur la constatation de charges à payer) ou à risque du fait d’un manque de contrôle automatique (possibilité pour la même personne de créer et comptabiliser des factures de vente manuelles, valorisation manuelle des stocks). C’est également ce deuxième volet qui devrait donner la possibilité d’un suivi analytique des coûts précis par affaire et par produit, facilitant la comparaison avec les coûts standard, permettant de piloter l’utilisation ex ante et ex post des ressources, renforçant la mise en œuvre d’actions de productivité, du moins sur la branche APB : les coûts étaient auparavant calculés à l’occasion d’une offre ou d’un devis avec l’aide des services opérationnels et des contrôleurs de gestion mais ne pouvaient être suivis de façon permanente.

Un deuxième lot, qui devrait être mis en production début 2015, achèvera la mise en place de l’ERP sur la branche IFN et permettra une gestion par affaires et par produit de cette activité.

Le projet ADERE a été présenté au conseil d’administration du 11 juillet 2012 pour une mise en place au 1er janvier 2013 et un coût de 2,1 M€. Le conseil d’administration a approuvé le projet mais demandé la mise en place d’un pilotage très serré compte tenu de la rapidité de mise en œuvre et de la date choisie, au moment de la clôture des comptes.

Le bilan au 30 juin 2014 du projet fait apparaître un léger dépassement du coût du projet de l’ordre de 15 %, soit + 300 000 €. Des difficultés ont été constatées pour les processus relatifs aux achats (cas de règlement de factures sans enregistrement comptable préalable, erreurs d’interfaçage), à l’ADV (vitesse d’impression des factures), aux stocks (écart de 4 % en valeur entre le stock comptable et le stock physique inventorié), aux finances (flux parfois erronés entraînant une utilisation forte des journaux d’ajustement, perturbation du processus de clôture en 2013) mais elles font l’objet de mesures correctrices. Par ailleurs, l’outil de comptabilité analytique va progressivement devenir opérationnel et permettre de comparer les coûts réels aux coûts standards.

La mise en œuvre de l’opération doit donc continuer à être suivie attentivement, s’agissant d’un chantier structurant pour la gestion de l’Imprimerie nationale.

2. Un pilotage financier amélioré mais qui pourrait gagner en lisibilité sur certains points

Le pilotage financier a été progressivement amélioré depuis 2009 :

• Réajustement régulier des prévisions (en juin, en octobre et en décembre) et explications détaillées au comité d’audit et au CA, avec comparaison entre l’année N-1 et le budget ;

• Présentation depuis 2012 des résultats et du budget par branche/ métier et par société ; présentation des résultats à l’intérieur de chaque branche par « type de produits » ;

• Comptabilité analytique qui devient plus détaillée (suivi séparé du produit ASIP, du contrat Gabon…) ;

• Suivi du besoin en fonds de roulement et de la trésorerie ; • Mise en place d’un plan stratégique chiffré et révisable ; • Répartition « auditable » et sur des critères clairs (majoritairement le CA

externe) des frais généraux entre les différentes activités.

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Quelques points d’attention subsistent :

• La lecture des documents financiers avec la double entrée société/ branche-produit, qui résulte de l’organisation juridique du groupe, n’est pas toujours aisée, même si les tableaux de correspondance existent pour identifier la branche concernée par un produit quelle qu’en soit la société support : une clarification des produits rattachés à chaque branche et une stabilisation de leur périmètre serait utile ainsi qu’à tout le moins une présentation du tableau de suivi analytique selon une logique de branche et non de société ;

• Il serait souhaitable de stabiliser dans les documents diffusés aux comités concernés la comptabilité analytique, qui a atteint un bon niveau de précision, afin de suivre l’évolution des différentes activités et produits : le suivi séparé de quelques contrats emblématiques est justifié mais le niveau de détail n’est pas le même pour tous les produits (les produits sous monopole sont regroupés dans un seul agrégat) ;

• Les frais généraux ont été imputés sur plusieurs sociétés (INSA, INCS et Chronoservices), avec des clés de répartition qui ont fait l’objet de l’audit précité en 2011. Cette imputation dans des sociétés différentes de même que l’existence de refacturations internes résultent de l’organisation du groupe et ne rendent pas la lecture facile : le total des frais généraux n’apparaît pas immédiatement et l’analyse de leur évolution requiert des informations complémentaires.

Surtout, il est essentiel de disposer désormais d’une comptabilité analytique par produit et non pas seulement par type d’activité. Le bon achèvement du projet ADERE devrait permettre d’atteindre cet objectif.

- Recommandation n° 3 : mettre en place un suivi de la rentabilité de chaque activité concurrentielle, notamment à l’intérieur d’INCS.

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III. Des résultats en nette croissance

Les résultats des comptes consolidés montrent que le redressement de l’Imprimerie nationale est massif et réel. Les comptes sociaux témoignent du fait que ce redressement concerne principalement, sur le plan quantitatif, les activités de production de titres sous monopole, gérées par la société mère du groupe. Les autres activités reviennent à l’équilibre (impression continue), ou améliorent leurs résultats (partie vente concurrentielle de titres sécurisés et services de confiance), mais cette amélioration pèse moins et reste encore fragile4. Un dernier point d’attention concerne l’évolution récente des frais généraux.

A. Comptes consolidés

1. Compte de résultat : une amélioration de l’ensemble des soldes de gestion

En € 2009 2010 2011 2012 2013 CA France 124 557 000 150 726 000 144 022 000 150 255 000 155 304 000 CA export 6 512 000 4 632 000 2 304 000 4 938 000 8 996 000 Production exercice

128 122 000 154 711 000 146 264 000 155 564 000 166 689 000

Achats consommés

-86 980 000 -105 180 000 -86 043 000 -88 988 000 -99 573 000

Valeur ajoutée 41 142 000 49 531 000 60 221 000 66 575 000 67 115 000 Impôts et taxes -2 131 000 -2 693 000 -2 948 000 -3 122 000 -3 273 000 Charges de personnel

-27 939 000 -30 450 000 -31 699 000 -34 545 000 - 36 602 000

EBE 11 071 000 16 387 000 25 573 000 28 907 000 27 238 000 EBE/CA 8,5 % 10,5 % 17,4 % 18,6 % 16,3 % Reprises 12 351 000 3 867 000 3 765 000 4 124 000 2 234 000 Amortissements et provisions

-20 481 000 -11 892 000 -13 381 000 - 8 858 000 - 8 414 000

Résultat d’exploitation 2 202 000 8 306 000 16 281 000 23 463 000 20 873 000

Résultat exceptionnel

-1 752 000 -1 416 000 482 000 3 602 000 -613 000

Résultat groupe 198 000 5 688 000 16 639 000 27 385 000 17 695 000

L’ensemble des soldes intermédiaires de gestion se redresse depuis 2009 :

• Le chiffre d’affaires a connu une augmentation de + 25 % entre 2009 et 2013, soit + 6 % par an. Cette hausse s’explique par :

o Le remplacement du passeport électronique par le passeport biométrique ;

o le nouveau système d’immatriculation des véhicules et, depuis septembre 2013, le permis de conduire électronique.

4 La partie IV consacrée à l’examen des performances des différentes branches, qui est issue sur le plan financier

de l’examen de la comptabilité analytique, permet d’étayer et d’affiner ce constat.

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• Les achats liés à la production augmentent, en revanche, beaucoup moins vite (+ 14 %), ce qui s’explique par la diminution de la part de l’activité liée au papier bien qu’on constate en 2013 un ressaut lié au permis de conduire ;

• la progression des charges de personnel reste relativement maîtrisée même si elle est soutenue et plus rapide que celle du chiffre d’affaires (+ 31 %), essentiellement en fin de période, ce qui s’explique par une croissance modérée des effectifs du groupe et la progression relativement dynamique du salaire moyen ;

• l’excédent brut d’exploitation est multiplié par 2,5 de 2009 à 2013. Sa baisse en 2013 s’explique par la décroissance de l’activité d’impression continue et par la baisse de l’activité chronotachygraphe (cycle de renouvellement des cartes) ;

• le résultat d’exploitation est multiplié par 9, en raison de la progression de l’excédent brut d’exploitation et de la diminution des soldes « amortissements et provisions »5 ;

• le résultat net passe de 0 à 17,5 M€, après un pic en 2012 lié notamment à la reprise de provisions sur le contrat avec l’Imprimerie roumaine (effet positif exceptionnel de la résolution du litige : 4,5 M€).

Pour autant, la rentabilité de l’Imprimerie nationale a atteint un palier imputable au contexte concurrentiel et au plafonnement de la marge des produits sous monopole :

• en dépit de la croissance du chiffre d’affaires, l’excédent brut d’exploitation a légèrement diminué en 2013, ce qui s’explique par la décroissance de l’activité d’impression continue ;

• les résultats attendus en 2014 montrent une stabilité à 16,4 % du ratio excédent brut d’exploitation /chiffre d’affaires (20 % fin août), mais ceci doit beaucoup à un chiffre d’affaires en hausse sur les titres régaliens comme les passeports ;

• les projections de ratio excédent brut d’exploitation /chiffre d’affaires sont, dans le plan d’affaires 2013-2016, plus conservatoires (15,2 % sur la période) en raison d’une prévision à la baisse des marges sur les titres régaliens.

2. Bilan : au-delà du retour à une situation nette positive, un excédent de trésorerie considérable qui posait fin 2013 la question de son utilisation

L’actif du groupe est en nette croissance (+ 46 % de 2009 à 2013) du fait du retour à des résultats positifs. Cette hausse se traduit moins par une augmentation du capital productif que de la trésorerie disponible.

5 Le montant très élevé des amortissements et provisions en 2009 s’explique par la passation d’une écriture

exceptionnelle de provisions pour dépréciation de l’actif circulant (stock et créances clients), allant au-delà de la reprise de provision sur le même poste. Il correspond aussi à un changement de méthode comptable à partir de 2010 : jusqu’en 2009, l’écriture de provisions de fin d’année consistait à reprendre intégralement les provisions et à passer une nouvelle écriture de manière globale ne correspondant pas aux événements de l’année.

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L’actif immobilisé est, en effet, quasiment stable de 2009 à 2013 (- 1 %), ce qui s’explique par :

• un maintien de la valeur des actifs incorporels (licences), avec des acquisitions venant compenser les dépréciations progressives. Une partie des acquisitions concerne toutefois l’ERP ; en outre, l’entreprise ne dispose pas de brevets sur les technologies directement liées à son activité qu’elle achète à l’extérieur ;

• une diminution de – 13 % des immobilisations corporelles nettes du fait : o d’une légère diminution de la valeur nette des constructions :

l’accroissement de la valeur brute, surtout lié en fin de période à des mises aux normes, est compensé par une augmentation des dotations aux amortissements ;

o une diminution continue de la valeur nette des installations techniques et outillages, qui traduit un vieillissement de l’appareil productif, déjà amorti à près de 90 % (57 M€ sur 65 M€ de valeur des installations nettes). On note, en fin de période (2011-2013), un infléchissement de cette évolution avec un investissement dans de nouvelles installations techniques (essentiellement sur la partie APB : mise en service d’une plate-forme de personnalisation, création d’un « data center » – salle informatique hébergeant les serveurs de toutes les applications de l’Imprimerie nationale) et l’augmentation modérée de la valeur des installations nettes (de 4 M€ à 7,5 M€)

• Les immobilisations financières restent à un niveau faible (4 M€) ; elles ont donné lieu à des dépréciations successives des titres détenus dans le cadre d’une rationalisation progressive des participations :

o Keynectis, dont les titres ont été dépréciés à hauteur de 100 %, avant reprise de la provision, à la suite d’une augmentation de capital à laquelle Imprimerie nationale n’a pas participé et à un redressement de la société. La participation a été cédée définitivement en janvier 2014.

o ATS, dont les titres ont été également dépréciés à hauteur de 100 %, avant liquidation de la société en 2012. La société avait pour objet de mettre en place un système d’authentification et de traçabilité des spiritueux.

o L’Imprimerie nationale a également pris en 2011 une participation de 14 % au capital de la société SPS dans le cadre d’un partenariat technologique, avant de monter à son capital pendant l’année 2014.

o L’Imprimerie nationale a également ramené à zéro la valeur des titres RRD-IN mis en équivalence en 2013.

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En € 2009 2010 2011 2012 2013 Actif 100 894 000 101 232 000 96 496 000 121 227 000 148 211 000 Actif immobilisé 29 095 000 24 498 000 25 302 000 25 776 000 28 911 000 Dt incorporel 2 037 000 2 231 000 1 896 000 1 924 000 2 666 000 Dt corporel 25 294 000 21 023 000 19 805 000 20 208 000 22 202 000 Actif circulant 70 620 000 75 382 000 70 300 000 94 849 000 119 031 000 Dt stocks 11 625 000 9 321 000 11 958 000 12 423 000 16 503 000 Dt créances clients 21 766 000 27 229 000 19 112 000 25 278 000 36 632 000 Dt VMP 30 556 000 32 513 000 35 040 000 50 863 000 58 552 000 CCA/ écarts 1 178 1 352 893 601 268 Passif 100 894 000 101 232 000 96 496 000 121 227 000 148 211 000 Capitaux propres 15 282 000 20 971 000 37 611 000 64 996 000 77 578 000 Dt capital 34 500 000 34 500 000 34 500 000 34 500 000 34 500 000 Dt réserves -19 416 000 -19 217 000 -13 520 000 3 112 000 30 496 000 Dt résultat 198 000 5 688 000 16 639 000 27 385 000 17 695 000 Intérêts minoritaires 7 7 7 7 7 Provisions 15 421 000 11 963 000 11 427 000 8 529 000 11 577 000 Dettes 58 583 000 59 487 000 42 871 000 43 500 000 56 690 000 Dt dettes fournisseur 16 892 000 22 215 000 15 742 000 15 321 000 19 152 000 PCA/ écart 11 399 8 603 4378 5193 2358

L’actif circulant connaît une croissance forte (+ 68 % entre 2009 et 2013, dont + 27 % en 2013), liée à près de 60 % à l’augmentation des valeurs mobilières de placement.

• Les stocks nets augmentent de 41 % dont 32 % en 2013. De 2009 à 2012 l’augmentation des stocks bruts est de 14 %, chiffre inférieur à la hausse de la production de l’Imprimerie nationale, ce qui traduisait une bonne maîtrise du besoin en fonds de roulement. L’augmentation de 32 % en 2013 s’explique par la nouvelle activité des permis de conduire mais illustre la nécessité de maintenir une vigilance et de mettre en place des actions correctrices ;

• Après une période de dépréciation forte, le montant des provisions pour dépréciation de stocks reste relativement stable sur la période (21 % du montant du stock), en dépit d’une méthode de dépréciation prudente sur le plan comptable (100 % de dépréciation pour des articles dont le taux de rotation est supérieur à deux ans). Cette stabilité traduit une relative maîtrise du processus d’approvisionnement, dans la mesure où le ratio entre les commandes et les quantités de matières nécessaires est globalement constant. Le risque existe néanmoins d’arriver à une maîtrise du besoin en fonds de roulement grâce à la mise au rebut d’articles en surnuméraire. Il convient donc de veiller à diminuer la proportion d’articles commandés en excès ;

• Les créances clients nettes ont connu une progression plus modérée que celle du chiffre d’affaires de 2009 à 2012 (+ 16 %), mais avec des mouvements erratiques qui témoignent de l’existence de marges de progression dans le processus de facturation et dans le recouvrement. Toutefois, le montant des créances recommence à augmenter à partir de 2012 : + 45 % en 2013, essentiellement à cause de l’agence nationale des

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titres sécurisés (ANTS) qui a reporté au début 2014, en raison de difficultés budgétaires, près de 20 M€ de paiements dus par elle dans le cadre des conventions signées. Début 2014, l’ANTS a également décidé de réduire de 40 % à 20 % les acomptes sur commandes, ce qui impacte le besoin en fonds de roulement (BFR) total du groupe de 2 M€. L’Imprimerie nationale ne bénéficiera plus à l’avenir d’acomptes importants ou de dispositifs de préfinancement de ses investissements en machines, qui contribuaient à améliorer de façon importante son BFR ;

• Les provisions pour dépréciations de créances diminuent et passent de 6,6 M€ en 2009 à 3,3 M€ en 2013, ce qui est positif. Le taux de dépréciation de 50 % des créances sur clients privés de moins de 12 mois est certes prudent mais l’Imprimerie nationale suit de façon détaillée ses créances provisionnées. Par ailleurs, on doit noter les efforts réussis pour solder le litige historique avec l’Imprimerie nationale roumaine (INR) : après trois ans de bataille juridique, le contentieux a débouché sur une condamnation de l’INR à réparer le préjudice résultant de l’absence de paiement des différents lots (13,5 M€ dont 7,3 M€ impactant la trésorerie compte tenu des sommes dues par ailleurs).

• Enfin, les valeurs mobilières de placement connaissent une augmentation considérable (+ 91 %), ce qui posait la question de leur utilisation. En 2014, une partie de ces liquidités a été utilisée pour l’acquisition d’une part majoritaire dans SPS.

Au total, si le montant de l’actif circulant a été globalement maîtrisé entre 2009 et 2013, l’augmentation de celui-ci, même si elle n’est pas du seul fait de l’Imprimerie nationale, appelle des mesures de vigilance. Celles-ci sont d’autant plus nécessaires que le versement d’acomptes de commandes à un niveau important, qui permettait de maîtriser le besoin en fonds de roulement, va se tarir. Le budget pour 2014 prévoyait ainsi une stabilisation du besoin en fonds de roulement d’exploitation hors dettes sociales et fiscales, de 19 M€ fin 2012 et 23 M€ fin 2013 à 21 M€ fin 2014, nonobstant la diminution des acomptes versés par l’ANTS (- 6 M€). Le réajustement d’août 2014 montre un dépassement de cet objectif avec un besoin en fonds de roulement d’exploitation hors dettes fiscales et sociales à 24 M€. Les mesures d’ajustement possibles concernent essentiellement les stocks.

La structure du passif est redevenue saine, à la suite des résultats positifs et de la bonne gestion de l’exploitation, mais posait fin 2013 le problème de l’utilisation des capitaux propres, avec un ratio dette/fonds propres quasi nul :

• Alors que les capitaux propres du groupe restaient en 2008 et en 2009 inférieurs de moitié au capital social, le retour des bénéfices à partir de 2010 a conduit à un niveau de capitaux propres (77 M€) plus de deux fois supérieur au capital social ;

• Dans un contexte d’endettement faible, le ratio dette / fonds propres est ainsi passé en 4 ans de 0,8 à 0,02, ce qui traduit une résorption de l’endettement, parvenu à un niveau très faible (de 12,5 M€ à 1,2 M€).

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Les provisions pour risques et charges accusent une forte diminution sur l’ensemble de la période (de 22 M€ en 2008 à 15 M€ en 2009, 8 M€ en 2012 et 6,5 M€ en 2013, hors retraitement de 5,1 M€ liés aux engagements de retraites comptabilisés en 20136) :

• les provisions pour litiges restent faibles et diminuent légèrement à 2,3 M€ ;

• l’essentiel, hors provisions pour retraites directement versées aux salariés, est constitué des provisions pour le PSE, qui diminuent fortement au fur et à mesure de sa mise en œuvre et sont quasiment éteintes fin 2013.

On note, enfin, l’absence au bilan d’une comptabilisation d’impôts différés actifs (IDA) liés aux déficits reportables, qui sont de 111 M€ fin 2013. Même si les perspectives financières de l’Imprimerie nationale montrent à l’horizon de 5 ans une probabilité très forte de poursuite des bénéfices et donc d’imputation des déficits reportables dans les limites désormais prévues par la loi, la non comptabilisation de ces IDA obéit à une logique de prudence et aussi de permanence dans la lecture des résultats, dans la mesure où une constatation comptable conduirait à augmenter le résultat net de l’Imprimerie nationale dans des proportions significatives, ce qui ne traduirait aucune création de valeur.

En définitive, la structure des capitaux investis fin 2013 posait la question de l’importance des capitaux propres (pour une valeur de 77 M€) investis dans des valeurs mobilières de placement (58 M€) qui représentent le double de l’actif immobilisé (29 M€) :

• Le groupe Imprimerie nationale présente la caractéristique singulière d’avoir un endettement financier net fortement négatif (dettes hors exploitation – valeurs mobilières/trésorerie de – 59 M€ en 2013), compte tenu de la faiblesse de ses dettes financières et de l’importance de ses disponibilités (30 M€ en 2009, 58 M€ en 2013) et un besoin en fonds de roulement quasi nul ;

• Les actifs immobilisés de l’entreprise sont, dès lors, intégralement financés par ses capitaux propres, avec un recours très faible à l’endettement ;

• Les résultats positifs de l’entreprise ont, dans la période récente, servi essentiellement à grossir ses valeurs mobilières de placement : les risques de poursuite d’une telle politique sont évidents, avec un renouvellement limité des actifs et le risque d’un manque de compétitivité future dans un contexte de plus en plus concurrentiel ;

• Enfin, la rentabilité des capitaux investis du groupe (Return On Capital Employed = REX – IS / capitaux investis) est, en 2012 et 2013, respectivement de 100 % et de 60 %, ce qui traduit certes l’exceptionnelle rentabilité de l’Imprimerie nationale, mais aussi le caractère « non durable » de celle-ci

6 L’annexe aux comptes indique que ces engagements consistant en des indemnités de départs à la retraite

pour les ouvriers d’État restants (donc des avantages postérieurs à l’emploi) auraient dû être comptabilisés dès 2000 comme provisions pour risques. Ils l’ont été rétrospectivement en 2013 par augmentation du montant des provisions et, corrélativement, ajustement à la baisse du montant des capitaux propres

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Cette situation financière singulière s’expliquait par le souhait de l’Imprimerie nationale dans un premier temps de retrouver une rentabilité sur son métier de base et son activité nationale avant de relancer une politique d’acquisition et de diversification qui s’était révélée néfaste il y a quinze ans. Elle conduisait toutefois à thésauriser à l’Imprimerie nationale des fonds qui pouvaient être utiles, soit ailleurs (par remontée de dividendes), soit à l’Imprimerie nationale elle-même en investissant sur des technologies d’avenir.

3. Le choix par l’État d’une stratégie de développement de l’entreprise

Deux stratégies étaient donc envisageables :

• Une stratégie de retour à l’actionnaire, voire au client public, de la profitabilité retrouvée de l’Imprimerie nationale, sous forme de remontée de dividendes exceptionnelle et/ou de baisse des prix : le risque de cette stratégie pouvait être d’affaiblir de façon trop forte la capacité de l’Imprimerie nationale à investir sur les technologies essentielles pour son métier de base et de l’empêcher de se développer sur des métiers connexes et des marchés à l’exportation

• Une stratégie de croissance et de développement, qui nécessitait des investissements technologiques plus importants, notamment pour rivaliser avec les acteurs du secteur : le risque de cette stratégie pouvait être de s’éloigner du cœur de métier et de compétence de l’Imprimerie nationale en y consacrant de surcroît des ressources trop importantes.

Approuvé par l’État, le nouveau plan stratégique du groupe adopté en décembre 2013 (Plan à Moyen Terme 2013-2016) a fait le choix d’une stratégie de croissance et de développement, associée, il est vrai, à une exigence accrue en termes de remontée de dividendes et de baisse des prix au client public ANTS :

• D’un côté, baisse maîtrisée des prix et distribution de dividendes à l’État actionnaire à hauteur de 30 % : l’Imprimerie nationale a versé son premier dividende, égal à 30 % du résultat net, en avril 2014 (5,3 M€) ;

• De l’autre, légère augmentation de l’effort d’investissement, à un niveau de 5 % par an ;

• Et surtout, choix de laisser le cash-flow libre augmenter la trésorerie disponible et permettre des opérations de croissance externe, sans vouloir le ponctionner par des remontées de dividendes exceptionnelles. La trésorerie disponible passant de 60 M€ à 78 M€ à l’horizon 2016, l’Imprimerie nationale disposait, dans le cadre de son plan d’affaires, d’une capacité de mobilisation de 120 M€ pour la croissance externe, par l’effet conjugué de l’utilisation de la trésorerie et de la capacité d’endettement.

En pratique, la quasi-totalité des ressources disponibles et de la capacité d’endettement de l’IN a été utilisée pour cette stratégie de développement, concrétisée en mars 2014 par l’acquisition de la totalité des parts de SPS.

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B. Comptes sociaux

Le tableau suivant montre l’évolution du résultat net des principales sociétés du groupe.

Du fait de l’absence de correspondance entre les différentes activités du groupe et les sociétés formant l’Imprimerie nationale, il est difficile de dégager de la lecture des résultats de ces sociétés une vision de la performance des différents métiers. Plus que la lecture des comptes consolidés, ils permettent toutefois, en complément de la lecture des documents de gestion et de la comptabilité analytique de chaque société, de formuler les constats suivants :

• Le redressement très significatif sur la partie monopolistique de l’activité de production des titres sécurisés de l’Imprimerie nationale (INSA) ;

• La croissance des bénéfices sur INCS, qui regroupe tant le retour au « petit équilibre » sur l’activité d’impression que la croissance sur les marchés concurrentiels de production de titres sécurisés (à l’export et en France) ;

• L’augmentation forte des résultats de Chronoservices, traduisant l’essor des activités de service.

C. Une augmentation des frais généraux à surveiller

L’ensemble des frais généraux et administratifs du groupe est identifié depuis 2012 et a connu une augmentation forte entre 2012 et 2013, passant de 35 M€ à 42 M€. Il comprend :

• pour 19 M€, l’ensemble des services support des branches (70 personnes, 6,5 M€) ainsi que le personnel des fonctions administratives support (94 personnes) et commercial (48 personnes) ainsi que, de façon plus discutable, l’atelier du livre (soit au total 225 personnes dont stricto sensu 142 constituent des fonctions support) ;

• pour 20 M€, des achats et charges externes (maintenance pour 5,6 M€, prestations informatiques pour 3,1 M€, études et honoraires pour 5,6 M€) ;

• pour 2,6 M€ le montant des impôts et taxes ; • l’augmentation constatée entre 2012 et 2013 s’explique en partie par des

prestations informatiques nécessaires pour répondre au contrat ASIP et refacturées dans ce cadre (+ 3 M€) et par des honoraires et prestations diverses dans le cadre du plan stratégique, de la mise en place d’ADERE, de la mise en sécurité incendie, du déménagement et de la communication (+ 3 M€).

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Un sous-ensemble plus pertinent est constitué par les frais généraux du groupe, hors fonctions support des branches. Leur augmentation est régulière mais s’explique :

- en 2010, par un effet de reclassement de certaines fonctions en frais généraux ;

- de 2010 à 2012, par la montée en puissance de certaines fonctions support (juridique, informatique, finances) ;

- en 2013, par les coûts exceptionnels liés au plan stratégique, aux dépenses de mise en sécurité et au déménagement du siège de l’Imprimerie nationale.

S’agissant de ce dernier, l’échéance du bail de son siège en juin 2014 a obligé l’Imprimerie nationale à analyser ses besoins et à repenser l’organisation de ses locaux. La situation boulevard Gouvion Saint-Cyr près de la porte Maillot n’était pas optimale du fait d’un manque de place, notamment pour des salles de réunion et des espaces de démonstration et d’accueil. Différents emplacements ont été visités, et le choix s’est porté sur le 104 avenue du président Kennedy, aux dépens d’une adresse plus prestigieuse mais aussi légèrement plus coûteuse rue de Prony. Le loyer annuel est de 1 M€, soit le même montant que le site de la porte Maillot, avec un montant de travaux à réaliser équivalent. L’ensemble du projet a été mené en interne, comme d’autres projets de réorganisation en cours (réaménagement du site de Douai par exemple).

D’une manière générale, on ne note pas de dépenses manifestement excessives ou a fortiori somptuaires.

Sans atteindre un niveau exagérément élevé, compte tenu des chantiers à mener (ERP notamment), les dépenses liées aux frais généraux devraient toutefois continuer à augmenter en 2014, du fait des prestations liées à l’acquisition de SPS. Il importera donc en 2015 de revenir à un étiage compatible avec la trajectoire financière de l’entreprise.

Frais généraux 2009 2010 2011 2012 2013 en € 8 037 000 10 975 000 11 236 000 12 119 000 14 375 000 En % du CA 6,2 % 7 % 7,7 % 7,8 % 8,6 %

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IV. Un positionnement stratégique redéfini

A. Un repositionnement stratégique qui a permis à l’Imprimerie nationale de se redresser en passant d’une activité d’impression classique à la fourniture de solutions technologiques dans les domaines de l’identité et des données

1. Une phase de restructuration après 2005 et de cession de la plupart des activités d’impression classiques

À la fin des années 1990 et à la suite d’une politique ambitieuse d’acquisition, l’Imprimerie nationale était présente, en direct ou par participations interposées, sur quatre marchés :

- Les produits fiduciaires et parafiduciaires, c’est-à-dire la production de titres sécurisés, avec une présence forte et rentable liée en grande partie au monopole sur les titres d’identité ;

- L’impression en continu (textes, documents, images) ; - L’impression sur rotative (produits de communication et de promotion,

catalogues industriels et commerciaux, revues périodiques) ; - L’impression sur feuilles (produits à faible tirage).

La baisse de l’activité de l’imprimerie en général, la concurrence avec le numérique, la perte du marché de l’annuaire du téléphone mais aussi la concurrence d’acteurs privés sur des marchés d’impression très morcelés comme ceux de l’impression sur feuille ou sur rotative ont amené l’État à présenter un plan de restructuration en 2004. Il a imposé, en contrepartie d’une augmentation de capital, un recentrage sur les deux marchés de la production de titres sécurisés et de l’impression en continu, en misant sur les nouvelles technologies de la sécurité et le développement de nouveaux produits.

À la suite de l’approbation de ce plan de restructuration par la Commission européenne, le 20 juillet 2005, l’Imprimerie nationale a progressivement abandonné les activités d’impression sur rotative et sur feuille, fortement concurrentielles et déficitaires, pour se recentrer sur son cœur de métier tout en développant de nouvelles activités à partir du savoir-faire acquis sur la production de titres sécurisés. Cette dernière activité est réalisée pour l’État dans le cadre du monopole défini par la loi du 31 décembre 1993 complétée par le décret du 24 novembre 2006 ou pour d’autres collectivités ou entreprises hors monopole.

2. Une phase de redéfinition stratégique à partir de 2009 autour de la fourniture de solutions technologiques et de services

Dans son rapport public de 2008, la Cour des comptes demandait à l’Imprimerie nationale de formaliser un plan d’affaires pluriannuel identifiant les perspectives liées à ses nouvelles activités. Un premier plan stratégique a été présenté au conseil d’administration du 12 juin 2008 et approuvé en avril 2009, pour 4 ans (2008-2012). Ce plan indiquait qu’après une phase de restructuration il était nécessaire de passer à une « phase de réorientation stratégique axée, non plus sur l’impression « classique » de documents papier indifférenciés, mais sur la fourniture de solutions technologiques et de services concernant la conception, la production, la gestion et l’archivage de documents sécurisés, sur l’ensemble de la chaîne de valeur ». Il prévoyait un développement de plus de 50 % de l’activité des titres sécurisés, sous monopole ou non (« fiduciaire ») ; un retour à l’équilibre des activités d’impression « classiques » et notamment d’impression en continu ; un maintien du chiffre d’affaires et de la performance de l’activité de plate-forme graphique ; un développement exponentiel (300 %) des activités de prestation de services autour de la sécurisation et de l’archivage des données.

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Le bilan du plan au terme de quatre années est positif. Certes, la croissance du chiffre d’affaires a été moins rapide que prévu, notamment sur le métier des titres sécurisés mais aussi sur les nouveaux métiers de numérisation et de gestion intégrée des flux d’information. Le retour à la rentabilité a toutefois été atteint grâce à une maîtrise des charges et à l’abandon des segments d’activités déficitaires.

Résultats du plan 2008-2012

En M€ Résultats 2008 Objectif 2012 Résultats 2012 Chiffre d’affaires 127 185 155 Dont titres sécurisés 72 113 92 Dont impression (continu et plate-forme)

54 58 50

Dont plate-forme de confiance

11 37 18

EBE 6 27 28 Résultat d’exploitation

0 15 23

NB : le total du CA est inférieur à la somme des CA en raison de mouvements entre activités

3. Cap 2015 et la mise en place d’un plan par branches

À la suite de ce premier plan, un nouveau plan stratégique a été défini en 2012, intitulé « Cap 2015 ». Il s’agit d’un plan « glissant » sur 3 ans, réactualisé chaque année. Il est, cette fois, assorti de données chiffrées. Le recentrage de l’activité de l’Imprimerie nationale autour de la production de titres sécurisés avec des offres intégrées allant au-delà de l’activité classique d’impression y est renforcé, avec une organisation autour de trois branches et de quatre types de produits (« solutions ») offerts :

• La Branche APB regroupe l’offre de services liée à la conception et à la fabrication des titres sécurisés (branche « authentification des personnes et des biens », APB) : « solution titres »

o Il s’agit essentiellement de la fabrication de titres régaliens sécurisés comme les cartes d’identité, les passeports biométriques, les cartes de séjour, les permis de conduire. Cette activité est totalement couverte par le monopole ;

o Est concernée, pour une part significative, la fabrication de titres régaliens à l’exportation, ou de titres sécurisés sur des marchés concurrentiels, avec parfois en plus de la vente de titres, la fourniture d’infrastructures de production de titres personnalisés (plate-forme de production et de personnalisation des titres et des puces insérées) et de cryptage (infrastructure de gestion de clés) permettant au client de maîtriser ultérieurement sa production dans des conditions de sécurisation optimales. Tel est le cas du contrat passé avec l’État gabonais obtenu en 2013 ; la livraison clé en main de la plate-forme avec transfert de compétence permet au Gabon de conserver en interne la fabrication de ses titres en sélectionnant ultérieurement les fournisseurs de son choix.

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Cette branche est devenue le cœur de métier de l’Imprimerie nationale et celle sur laquelle elle a retrouvé une rentabilité par l’optimisation des processus de production, le maintien d’une capacité technologique et d’une expertise couplé au recours à la sous-traitance. C’est aussi l’activité sur laquelle elle envisage de forts développements à l’exportation. Sur ce marché, comme sur tous les marchés nationaux de production de documents d’identité, il s’agit moins de se voir confier la fabrication de ces titres sécurisés, qui reste dans la plupart des pays une prérogative de l’État ou de ses établissements publics, qu’une prestation de services consistant à transférer des compétences en matière de production de titres et à livrer une plate-forme de production et des solutions de fabrication et d’archivage sécurisés.

Ce marché de titres sécurisés à haute technologie devrait connaître une forte croissance dans les années à venir, compte tenu des tendances de fond que constituent la dématérialisation des titres papiers, l’utilisation de composants, de formats et de matériaux innovants, le codage des données, l’évolution des services associés et le renforcement du besoin en sécurité. Les concurrents sont des établissements d’imprimerie nationale « classiques » (en Allemagne, en Espagne), qui peuvent chercher à étendre leurs parts de marché à l’exportation ainsi que, sur certains segments de ce marché faisant appel aux technologies de cartes à puce, des entreprises privées (Oberthur, Gemalto, GND) qui peuvent y voir un débouché naturel de leurs savoir-faire. C’est de la compétitivité coût et hors coût de l’Imprimerie nationale sur ce marché que dépend son avenir.

• La Branche IFN (branche « impression et flux numérisés », IFN) recouvre l’activité classique de plate-forme graphique et d’impression en continu, autour du pilotage des flux numérisés et de leur impression en recourant aux services de la plate-forme graphique : « solution flux ». Il s’agit notamment d’imprimés de gestion et de produits de grand volume (factures, déclarations d’impôt, chèques déjeuners…) pour des collectivités, fédérations et administrations. Se greffent autour de cette activité des prestations d’envoi de courrier, de personnalisation de documents et de gestion de fichiers, telles que celles qui sont offertes depuis 2013 à la Fédération française de judo.

Cette activité historique s’exerce dans un contexte de marché en baisse continue depuis plusieurs années, avec une fragmentation des intervenants, une forte concurrence des sociétés privées, des prix extrêmement serrés et des marges nulles. Il s’agit donc pour l’Imprimerie nationale de gérer la décroissance progressive de ce marché, en essayant de maintenir le chiffre d’affaires, de flexibiliser son processus de production (75 % du chiffre d’affaires donne lieu à sous-traitance), de prendre des marchés nouveaux (ministère de la défense) et de maîtriser la diminution inévitable d’effectifs induite par les gains de productivité. Le développement des autres activités de service liées à cette activité (aide à la conception graphique, édition de documents personnalisés, envoi standardisé de courrier…) ne peut en effet compenser le recul progressif de l’impression en continu qui se traduit par une baisse du chiffre d’affaires mais aussi de l’emploi en raison d’une productivité plus forte du travail, liée aux machines, sur les activités de services annexes à l’impression (1 M€ de chiffre d’affaires pour moins de 1 personne dans les activités d’éditique contre 1 M€ de chiffre d’affaires pour 5 personnes dans l’activité d’impression).

• La branche Services de confiance (SC) recouvre l’activité de prestations de services liée aux deux activités classiques et historiques que sont la production de titres et la production d’imprimés :

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o d’une part, la « solution identité » : elle concerne la gestion de

l’ensemble du processus d’enregistrement des personnes, de fabrication des titres, de distribution, de service après-vente et surtout de renouvellement pour les cartes professionnelles ou autres documents d’identité également sécurisés pour les collectivités publiques comme pour les entreprises. On peut citer, outre la carte chronotachygraphe obtenue par délégation de service public qui a représenté le premier exemple de cette offre, la licence de conducteur de train, la carte de qualification de conducteur et la carte de transport de matières dangereuses pour le secteur des transports, la carte professionnelle de santé pour le ministère de la santé. Une grande partie de la production effectuée pour les administrations publiques concerne le ministère de l’écologie, de l’énergie et du développement durable et est réalisée dans le cadre du monopole ;

C’est également dans ce cadre qu’est développée l’offre Pass In, carte à puces associant à la reconnaissance de l’identité l’accès à une gamme de services et d’accès physiques ou logiques ; elle est proposée désormais à l’ensemble des entreprises.

o d’autre part, la « solution data » consistant dans la numérisation, le traitement et l’archivage de données sensibles et plus généralement la dématérialisation et la gestion de documents électroniques et de données dématérialisées, en utilisant la capacité technologique et de stockage sécurisé de l’Imprimerie nationale notamment à Douai. Elle constitue la part la plus faible du chiffre d’affaires mais représente un marché en croissance à condition d’investir dans les technologies nécessaires. C’est dans ce contexte que l’Imprimerie nationale a été conduite, en plus d’un investissement dans la société Chronoservices, à investir dans la société Sakarah (plate-forme de dématérialisation), même si ce choix s’est révélé peu fructueux.

B. Des résultats à mi-parcours satisfaisants mais qui posent la question du modèle économique de l’Imprimerie nationale à terme

À mi-parcours de Cap 2015, et en comparant les plans à moyen terme successifs, le tableau suivant dresse un bilan des résultats obtenus et des perspectives initiales et révisées pour les années à venir.

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En M€, 2012 prev

2012 réel

2013 prev

2013 réel

2014 prév

2014 reprév

2015 Prév

2015 Reprév

Activité titres CA 81 92 106 110 127 123 137 127 EBE 24 26 26 27 28 28 Activité impression

CA 48 50 46 43 45 40 46 42 EBE 0,3 0,3 0,4 0,4 0,5 0,8 Activité services

CA 18 18 17 21 20 19 25 26 EBE 3,5 4 4 2 6 2 CA total 140 155 162 166 185 175 199 188 EBE total 20 28 23 27 28 26 31 28 EBE/CA en %

14,2 % 18,5 % 14,2 % 16,3 % 15,1 % 15,2 % 15,6 % 15,2 %

N.B. : la comparaison est effectuée entre le PMT de décembre 2012 et le PMT de décembre 2013, sauf pour l’année 2012 qui sert de référence au plan pour laquelle on a repris le PMT de décembre 2011. La différence entre les SIG des 3 Branches et le compte consolidé est dû aux flux interbranches s’agissant du CA et au résultat de l’Atelier du Livre, continuellement négatif à – 1 M€, s’agissant de l’EBE (ainsi que pour une petite part aux frais généraux de 2 M€ non imputés aux Branches)

Deux constats se dégagent de la lecture de ce tableau :

• de 2009 à 2013, l’Imprimerie nationale a augmenté ses résultats et dépassé ses objectifs financiers pour trois raisons principales : la bonne tenue de l’activité des titres sécurisés, effectuée en quasi-totalité sous monopole ; le redressement de l’activité d’impression dans un contexte de maintien relatif du chiffre d’affaires ; le développement de l’activité de services

• la dynamique devrait être à l’avenir moins forte, ce dont tient compte la révision du PMT ; le résultat devrait se stabiliser sous l’effet d’une tension sur les prix de l’activité sous monopole (fin de la « rente ») et d’une attrition de plus en plus rapide de l’activité d’impression.

Il est donc possible que les objectifs de Cap 2015 ne soient pas atteints, même si les résultats 2014 devraient rester satisfaisants grâce à l’activité sur les titres sécurisés.

Le risque existe donc que l’Imprimerie nationale ait une période difficile devant elle : l’évolution de son marché pourrait conduire à une diminution de son résultat, de ses investissements et, à long terme, à une situation comparable à celle connue à la fin des années 2000.

Un nouveau plan stratégique a été élaboré en décembre 2013, qui se fixe comme objectif d’éviter l’affaissement de la rentabilité de la société par le développement de nouvelles activités plus créatrices de valeur. Il reste que cette ambition, nécessaire et par ailleurs étayée par des plans d’actions précis, nécessitera dans les quatre années à venir une mutation quasiment aussi importante que celle qui a été réalisée depuis 2009.

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C. Le plan à moyen terme de décembre 2013 et Vision 2020 : une ambition de développement forte mais un risque réel de ne pas atteindre les objectifs

Le Plan Moyen Terme de décembre 2013 part du constat que l’Imprimerie nationale est peu à peu passée du statut de fournisseur de titres et de papiers à celui de fournisseur de solutions technologiques et de services autour de l’identité des personnes mais qu’elle doit poursuivre sa transformation en se fondant sur les considérations suivantes :

• s’agissant des titres sécurisés régaliens (solution « titres »), les produits confiés à l’Imprimerie nationale devraient faiblement augmenter en volume dans les années à venir, compte tenu du report sine die de la carte d’identité électronique. La pression sur les prix sera accrue sur le marché national, y compris sur les titres faisant l’objet du monopole (de - 10 % à – 20 %), du fait des contraintes budgétaires de l’ANTS et de la banalisation des produits. Cette évolution devrait entraîner une légère baisse du chiffre d’affaires d’ici à 2016 (- 4M€) et contraindre l’Imprimerie nationale à maintenir son avantage technologique compétitif sur les techniques de sécurisation ;

• s’agissant de l’activité d’impression classique (solution flux/ Print), celle-ci va diminuer très fortement (-14 M€, soit – 33 %), du fait de l’accélération de la dématérialisation chez les clients historiques de l’Imprimerie nationale (DGFIP) et sur certains produits phares (chèques déjeuner).

Ces différentes hypothèses de baisse apparaissent fondées.

La diminution de chiffre d’affaires « inéluctable » représente ainsi plus de 18 M€ en 3 ans, et affectera fortement l’excédent brut d’exploitation, compte tenu du fait qu’elle est liée à une diminution de la marge réalisée sur les titres régaliens et que les coûts fixes de l’activité d’impression subsistent. Elle constitue ainsi un vrai risque pour le développement de l’Imprimerie nationale et pour le maintien de sa rentabilité.

Aussi, le plan stratégique fixe-t-il comme objectif le développement de l’activité à l’exportation et sur les activités de services associées à des titres, de façon à compenser l’attrition naturelle et spontanée du chiffre d’affaires :

• sur l’activité régalienne, le développement à l’exportation (+ 25 M€) ; • sur l’activité d’impression, le développement des services associés que sont

l’audit documentaire, l’éditique, le courrier égrené (+ 13 M€) ; • sur l’activité « services de confiance », le développement de l’offre

« Pass In » qui associe à une carte, à travers un système de puce encartée, des accès à des sites physiques ou à des données immatérielles (+ 12 M€) ;

• toujours en matière de services, la gestion de cartes professionnelles ou assimilées, allant au-delà du simple processus de fabrication pour embrasser tout le processus d’enrôlement, de distribution et de gestion du service après-vente - « Business Process Outsourcing (BPO) » - (+ 8 M€).

Ce plan stratégique est, par ailleurs, adossé à une vision à long terme « Vision 2020 » qui met au centre des objectifs de l’Imprimerie nationale la capacité de celle-ci à fournir des cartes sécurisées associées à des services (accès à distance ou non) et gérées intégralement par elle. Après le tournant de l’impression vers les supports sécurisés de 2009, le nouveau plan stratégique est fondé sur l’idée que la valeur ajoutée sera, à l’avenir, davantage apportée par

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les solutions sécurisées et les services associés à la carte que par la carte proprement dite, même si elle reste un support indispensable. L’Imprimerie nationale a donc vocation à se développer aux deux bouts de la chaîne de valeur, en amont vers certains composants d’une part, en aval vers l’articulation du support à des services d’autre part.

Cette stratégie appelle les remarques suivantes :

• elle est très ambitieuse même si elle fait l’objet, pour chaque levier de développement, d’études de marchés, d’analyse des forces et faiblesses, de plans d’action et d’une déclinaison opérationnelle :

o l’identification d’opportunités pour le chiffre d’affaires à l’export : l’atteinte de l’objectif est associée à un plan de démarchage actif et à la constitution d’une équipe commerciale ; 25 M€ sont visés qui doivent être appréciés au regard des 530 M€ de marchés potentiels mais aussi des 45 M€ de marchés effectivement accessibles dans des zones d’influence française pour signature en 2014-2015 ; le taux de réussite prévisionnel est de 50 % (sachant que le marché compte une dizaine d’intervenants) ; l’objectif est, en outre, défini sur la base d’une croissance forte (+ 9 % par an du marché des titres d’identité sécurisés) un peu plus rapide que dans les années précédentes.

o l’identification de plus de 200 nouveaux clients pour les activités d’éditique et d’audit documentaire complémentaires des activités d’impression : dans un marché relativement stable, l’atteinte de l’objectif repose sur une augmentation de la part de marché et la poursuite des actions de productivité ; peut également y contribuer l’externalisation par les administrations publiques de tâches d’impression et d’envoi aujourd’hui internalisées ;

o le plan de démarchage des entreprises et des collectivités autour de l’offre Pass In (cartes d’identité professionnelles associant reconnaissance et accès à des services) : l’atteinte de l’objectif suppose une percée de la présence de l’Imprimerie nationale dans les PME/PMI et les conseils généraux (entre un tiers et la moitié de nouveaux marchés doivent être gagnés par l’Imprimerie nationale pour atteindre l’objectif), en plus des grandes entreprises ou des organismes publics (ports, aéroports) où elle bénéficie d’une plus grande notoriété.

o le développement des offres visant à externaliser auprès de l’Imprimerie nationale des parties entières de processus administratifs touchant à l’édition et l’obtention de documents ainsi qu’à l’archivage des données (Business Process Outsourcing) : l’atteinte de l’objectif est subordonné aux choix et aux délais des administrations (la numérisation des dossiers de préfectures reste encore à l’état d’expérimentations isolées) ainsi qu’au souhait d’associations voire d’entreprises de se libérer de la gestion de certains processus d’adhésion (exemple de la Fédération française de judo).

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• le plan n’intégrait pas à l’époque où il a été conçu la société SPS dont l’Imprimerie nationale est devenue depuis l’actionnaire majoritaire et, à terme, unique. Cette intégration peut aider à atteindre les objectifs du plan dans la mesure où SPS apporte des contacts commerciaux et une baisse potentielle des coûts sur un élément-clé de la chaîne de valeur (l’insertion d’une puce permettant la lecture par contact ou sans contact, par technologie « duale »). En contrepartie, son acquisition pèsera de façon importante sur les ressources de l’Imprimerie nationale.

• la progression prévue des nouvelles offres (passage de 6 M€ à 58 M€ de chiffre d’affaires en 3 ans, soit une multiplication par 10) est très dynamique et en rupture par rapport aux évolutions de ces dernières années :

o elle est particulièrement forte sur la vente à l’export de la fabrication de titres, compte tenu des éléments rappelés plus haut : + 20 M€ à l’exportation en chiffre d’affaires annuel alors qu’un contrat comme celui conclu avec le Gabon représente 10 M€ sur plusieurs années

o elle est aussi très ambitieuse sur l’éditique, le Pass Imprimerie nationale et le BPO, compte tenu du relatif manque de notoriété de l’Imprimerie nationale auprès des entreprises, de la lenteur des administrations publiques à mutualiser et externaliser leurs processus d’impression et de fabrication de documents personnalisés et de cartes agents. L’atteinte de l’objectif sur Pass In et BPO suppose de remporter l’équivalent de trois fois le marché avec le ministère de la santé sur la carte professionnelle de santé et de vingt fois le marché avec la Fédération française de judo.

La trajectoire prévue présente donc des risques certains. L’entreprise les connaît et tente de mobiliser des outils pour les réduire. La possibilité de ne pas atteindre les objectifs fixés est néanmoins réelle. Or, cette prévision financière a sous-tendu l’acquisition de la totalité de SPS (120 M€ par recours pour moitié à la trésorerie disponible pour moitié à de l’endettement, hors complément éventuel de prix). En cas de moindre résultat, c’est donc le ratio d’endettement de l’entreprise par rapport à ses capitaux propres qui dépassera la limite prévue, surtout si un complément de prix important est versé pour SPS.

D. Conclusion sur la stratégie de l’entreprise

À partir de 2009, l’entreprise a peu à peu réorienté sa stratégie vers l’offre de titres et de documents sécurisés en développant les services en amont et en aval de la production de titres pour maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur.

Elle s’est également dotée d’un plan stratégique révisable annuellement, avec des objectifs chiffrés par branche sur l’ensemble des soldes intermédiaires de gestion, une analyse du marché et du positionnement de l’Imprimerie nationale sur celui-ci, et une recension des leviers, des risques et opportunités associés.

Ce plan prévoit également, depuis décembre 2013, un tableau des flux de trésorerie, avec les sorties de trésorerie liées aux investissements et aux remontées de dividendes.

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Le plan de décembre 2013 part d’un constat lucide sur la situation potentiellement critique de l’Imprimerie nationale : un redressement industriel et financier incontestable mais une position à améliorer sur l’ensemble de la chaîne de valeur de « l’identité » et des services liés à elle pour compenser la perte de chiffre d’affaires à venir sur ses activités traditionnelles. Ce constat a amené l’Imprimerie nationale à définir une trajectoire industrielle et financière ambitieuse, avec des objectifs de développement et de réduction des coûts significatifs et des plans d’actions précis.

Le caractère très ambitieux de ces nouveaux développements conduit à relever les risques afférents à la trajectoire prévue, d’autant que celle-ci est très fortement contrainte par l’engagement financier lié à l’acquisition de SPS. Il conviendra, de surcroît, de veiller à maintenir la rentabilité grâce à la dynamisation des activités hors monopole et pas seulement grâce aux opérations sous monopole. La mise en œuvre de ce plan implique ainsi de poursuivre et d’amplifier le traitement des chantiers structurels de l’Imprimerie nationale. L’État, client de l’Imprimerie, détient également une partie des leviers pouvant permettre d’atteindre les objectifs financiers du plan.

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V. Des facteurs de fragilité et des défis à relever

A. Un groupe encore très dépendant du monopole

1. La question de la justification du monopole

a- Un cadre juridique qui permet une certaine souplesse dans son application

Le monopole légal de l’Imprimerie nationale pour la fabrication de certains titres est fondé sur l’article 2 de la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 relative à l’Imprimerie nationale. Celui-ci précise que l’Imprimerie nationale est « seule autorisée à réaliser les documents déclarés secrets ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, et notamment les titres d’identité, passeports, visas et autres documents administratifs et d’état civil comportant des mesures spécifiques de sécurité destinés à empêcher les falsifications et les contrefaçons ».

Pris en application de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1993, le décret en Conseil d’État n° 2006-1436 du 24 novembre 2006 définit plus précisément les catégories de titres faisant l’objet du monopole :

• Documents déclarés secrets par le ministre intéressé ; • Documents « régaliens » relatifs à l’identité des personnes (article 1, I, 1° à

4°), et dont la liste répète et développe l’article 2 de la loi du 31 décembre 1993 : carte nationale d’identité, certificat de nationalité, passeports, titres de séjour des étrangers ;

• Documents administratifs dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité et qui relèvent des catégories suivantes (article 1, II) :

o Documents d’état civil o Diplômes délivrés par l’État o Cartes, titres ou permis attestant l’obtention par une personne d’une

décision de l’État lui ouvrant des droits ou lui accordant l’autorisation d’exercer certaines activités

o Cartes permettant d’identifier les agents publics o Certificats d’immatriculation des véhicules

Les mesures particulières de sécurité justifiant le monopole sur cette catégorie de documents administratifs sont définies au III de l’article 1 du décret et concernent la centralisation des opérations de réalisation des documents dans des locaux protégés, l’utilisation de procédés techniques destinés à empêcher les falsifications et les contrefaçons.

Compte tenu du champ potentiellement très large des documents administratifs visés au II, des décrets pris sur proposition de chaque ministre compétent établissent la liste des documents intéressés. Ces décrets sont pris après avis d’une personnalité indépendante désignée par arrêté du Premier ministre (M. Emmanuel Constans en 2014), dont une des missions est de veiller à l’existence de mesures de sécurité justifiant la fabrication des titres sous monopole.

Sur la base de ce décret, plusieurs ministères ont défini le champ des documents de leur ressort qui relevaient du monopole. Le décret n° 2010-1182 du 7 octobre 2010 concernant le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en

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charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, énumère ainsi les documents dont la réalisation exclusive est confiée à l’Imprimerie nationale, notamment :

• Les diplômes délivrés par l’État • Les certificats d’immatriculation des bateaux et aéronefs • Les cartes de licence des conducteurs de train • Les cartes chronotachygraphes, qui faisaient jusqu’à cette date l’objet d’une

fabrication sous délégation de service public, après mise en concurrence.

Ce cadre juridique, principalement posé par le décret n° 2006-1436, appelle les remarques suivantes :

• la réalisation par l’Imprimerie nationale, sous monopole, de titres régaliens (article 1, I) se justifie par le fait que la production de ces titres est intimement liée à la nationalité ou à l’autorisation de séjour : ils sont du reste énumérés de façon précise dans l’article 2 de la loi de 1993 ;

• les autres documents administratifs dont la réalisation doit être confiée à l’Imprimerie nationale sous monopole, après avis de la personnalité indépendante, sont en revanche énumérés de façon très large (article 1, II) : au-delà des autres documents d’état civil et des certificats d’immatriculation, le décret mentionne les diplômes et autres brevets délivrés par l’État ainsi que des cartes professionnelles d’agents publics ; les exigences de sécurité qui justifient le monopole s’appliquent potentiellement à tout type de document (sécurisation des locaux, procédés contre les falsifications…).

L’existence d’une personnalité qualifiée incontestée chargée d’évaluer au cas par cas la justification technique de la production d’un document sous monopole offre certes un garde-fou à une extension inconsidérée du périmètre de celui-ci : dans les faits, sur la base d’une grille d’analyse précise, la personnalité indépendante procède à une analyse des documents dont la fabrication sous monopole est demandée et examine les conditions de sécurité requises (environ un à deux dossiers par an). Cette formule offre également l’avantage de permettre une certaine souplesse et de ne pas figer de façon définitive la répartition entre les activités sous monopole et les activités hors monopole, ce qui aurait été le cas si la limite avait été définitivement fixée par voie réglementaire.

Il reste que le cadre juridique qui détermine l’action de la personnalité qualifiée facilite une interprétation large des documents administratifs dont la fabrication doit être confiée à l’Imprimerie nationale. De fait, les cartes chronotachygraphes sont passées d’une fabrication dans le cadre d’une mise en concurrence à une fabrication sous monopole sans que les caractéristiques de la carte ni ses conditions de réalisation aient été profondément modifiées.

b- Des questions qui portent moins sur l’existence d’un monopole que sur la façon d’exercer une régulation efficace de celui-ci

L’extension du nombre de produits réalisés sous monopole n’explique cependant qu’une partie de l’augmentation du chiffre d’affaires de l’Imprimerie nationale entre 2009 et 2013. Le développement et le succès de nouveaux titres régaliens sécurisés (passeports, cartes grises, permis de conduire) y ont fortement concouru. Un palier devrait être constaté dans les prochaines années, même si le passage, prévisible, de la carte nationale d’identité au format électronique devrait relancer les commandes adressées à l’Imprimerie nationale.

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La question de la dépendance de l’Imprimerie nationale vis-à-vis du monopole porte donc essentiellement sur le cœur de celui-ci, c’est-à-dire les titres régaliens ou assimilés (permis de conduire, cartes grises…). Il pourrait, en effet, être envisagé, comme cela s’est passé pour l’impression de documents publics ou produits par les entreprises publiques (annuaire de France Telecom…), d’en mettre en concurrence la fabrication, afin de faire baisser les coûts de production.

Plusieurs arguments limitent néanmoins l’intérêt d’une telle réforme :

• Les exigences de sécurité pour la production de titres régaliens permettant l’allée et la venue sur le territoire doivent être naturellement les plus élevées et vérifiables : l’externalisation à une entreprise privée devrait inévitablement s’accompagner d’un contrôle des mesures mises en place pour éviter la falsification ou la remontée d’informations confidentielles aux actionnaires de l’entreprise, sans garantie absolue et pour un coût élevé.

• Le parangonnage réalisé par l’Imprimerie nationale à la demande de son conseil d’administration montre qu’en Europe tout au moins, et à l’exception notable du Royaume-Uni (Gemalto), le monopole de la fabrication des titres régaliens (carte nationale d’identité, passeport, titre de séjour, permis de conduire) est confié à un organisme public (Bundesdruckerei en Allemagne). On constate d’ailleurs que, sur certains segments de la chaîne de valeur de la production des titres régaliens (enrôlement, instruction et délivrance), l’imprimerie nationale allemande est présente là où ce sont l’ANTS ou ses prestataires, et non l’Imprimerie nationale, qui occupent le marché.

• La compétitivité de l’Imprimerie nationale est par nature limitée du simple

fait que l’Imprimerie nationale n’est pas présente sur tous les segments technologiques de la production des titres, notamment la fourniture de puces, pour laquelle elle fait appel à des fournisseurs comme Gemalto, Morpho ou Oberthur. L’intégration de SPS renforcera certes, sa présence sur un des segments technologiques (« l’inlay », soit tout ce qui concerne l’interface entre la puce et le lecteur) mais elle devra toujours recourir à des fournisseurs pour alimenter son processus de production. Dès lors, la mise en concurrence de l’Imprimerie nationale sur la production des titres régaliens la mettrait face à des sociétés, comme Gemalto, qui sont aujourd’hui ses fournisseurs obligés, ne produisent pas toujours sur le territoire national et réalisent une marge sur les composants qu’ils lui vendent. L’Imprimerie nationale ne pourrait que perdre des marchés par rapport à ces entreprises, qui ont des conditions de production différentes et qui pourraient proposer à l’ANTS en tant qu’ensemblier des prix inférieurs, en diminuant la marge réalisée sur la partie « puces ». Pour rétablir sa compétitivité, l’Imprimerie nationale devrait acquérir de telles « briques » technologiques, à un prix hors de portée pour elle.

45

• La perte induite de chiffre d’affaires pour l’Imprimerie nationale aboutirait enfin à renchérir ses coûts de production, au moins à la hauteur des frais fixes non amortis, sachant que les frais fixes représentent près de 15 % du coût d’un produit. Elle obtiendrait ainsi l’effet inverse à l’objectif recherché : une augmentation des prix ou un déficit d’exploitation amenant une nouvelle restructuration.

• Les actions de développement du chiffre d’affaires sur les marchés

concurrentiels, par ailleurs ambitieuses, visent à compenser la diminution de la marge sur les activités sous monopole : elles ne pourraient suffire pour compenser la réduction de ces activités. Au demeurant, la réussite de ces actions repose sur le maintien du statut de fournisseur de titres régaliens pour l’État.

En définitive, l’existence d’un monopole sur les titres régaliens et la dépendance de l’Imprimerie nationale à l’égard de ce monopole sont inévitables au regard de la nature des titres produits et de la situation de l’Imprimerie nationale (entreprise publique produisant sur le sol national et ne maîtrisant pas tous les segments technologiques nécessaires à la production de titres sécurisés). L’ouverture à la concurrence sur ce marché, dans les années à venir et dans les conditions actuelles, mettrait l’Imprimerie nationale dans les mêmes difficultés que celles qu’elle a connues lors de la mise en concurrence sur les produits d’impression « classiques » et entrainerait en fait sa disparition à terme.

L’enjeu est davantage celui de la régulation du monopole et des prix pratiqués. L’absence de mécanisme de régulation des prix entre l’Imprimerie nationale et ses clients pour les activités de monopole, principalement l’ANTS, crée une difficulté réelle. Il n’existe pas de constat partagé entre les acteurs sur les contraintes financières de l’Imprimerie nationale et de ses clients publics, sur les caractéristiques techniques conduisant à tel niveau de prix, sur la marge nécessaire pour investir et, enfin, sur les leviers permettant d’améliorer le niveau de prestations proposé par l’Imprimerie nationale ainsi que ses prix. En l’absence de mise en concurrence, il serait donc souhaitable d’enrichir les négociations entre ces acteurs et, sans rentrer dans le détail des coûts de l’Imprimerie nationale, il serait utile que la discussion que mènent les clients publics dont l’ANTS avec le fournisseur public qu’est l’Imprimerie nationale sur ces produits soit préparée par un partage réciproque, le plus complet possible, des données, des contraintes et des leviers. Les administrations concernées gagneraient à veiller à l’organisation de ce dialogue et à prévoir également les mécanismes d’arbitrage le cas échéant. Une instance plus formalisée de dialogue pourrait également être créée à cet effet entre l’Imprimerie nationale et les secrétaires généraux des principaux ministères concernés par les activités de monopole afin d’organiser ce débat.

2. La part croissante des activités liées au monopole

Le tableau suivant montre la part croissante des activités liées au monopole dans le chiffre d’affaires de l’Imprimerie nationale : 40 % en 2009 et 52 % en 2013, chiffre obtenu en ôtant le montant des affranchissements et en maintenant dans les activités concurrentielles la carte Chronotachygraphe. La progression du chiffre d’affaires, au cours des dernières années, 33 M€ entre 2009 et 2013, est quasi totalement liée à cette activité. Si l’ambition des différents plans stratégiques est d’équilibrer cette activité classique de production de titres régaliens par d’autres activités plus concurrentielles, les chiffres montrent une réelle difficulté à la mettre en œuvre.

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La progression du chiffre d’affaires sous monopole de + 35 M€ (+ 67 %) s’explique par le passage des titres régaliens sur papier à des versions plus sécurisées, entraînant une hausse du coût unitaire de ces titres, ainsi que par une augmentation des volumes produits :

• Montée en puissance en 2010 puis en 2011 des passeports électroniques (dit biométriques en raison de l’incorporation dans la puce des données relatives aux empreintes digitales et non seulement des données d’état civil) et du nouveau document Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV), (remplaçant la carte grise), introduits tous deux en 2009 ;

• Mise en place du titre de séjour (TSE), premier exemple de carte intégrant une puce de stockage en juin 2011 ;

• Prise en charge de produits d’identité pour l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP), fin 2012 (carte professionnelle santé). Le contrat avec l’ASIP concerne un ensemble comprenant l’émission de cartes professionnelles de santé garantissant l’authentification de son détenteur, avec de nouveaux services associés (échanges et partages de données médicales en plus de la dématérialisation des feuilles de soins) et l’extension potentielle à de nouveaux usagers en plus des personnels de santé ;

• Mise en place du permis de conduire électronique en septembre 2013 ; • Passage sous monopole, en 2013, de l’activité de production de cartes

chronotachygraphes pour le ministère des transports.

N.B. Le CA total comptabilisé est supérieur à la somme des CA des différentes activités en raison de l’affranchissement.

En %

52 %

30 %

9 %

En M€

+ 35 M€

+ 4 M€

-8 M€

-4 M€

+ 9M€

+33M€

47

Dans le même temps, les activités « nouvelles », véritables relais de croissance pour l’avenir de l’Imprimerie nationale, connaissent, elles aussi, une progression significative :

• + 4 M€ pour l’activité de production de titres sécurisés sur les marchés concurrentiels, soit + 62 %, qui relèvent de la branche APB : il s’agit essentiellement des marchés à l’exportation, avec l’effet du contrat signé avec le Gabon (livraison d’un système d’émission et de gestion des titres) ; mais aussi de certaines cartes professionnelles personnalisées produites pour les collectivités et les entreprises ;

• + 9 M€ pour l’activité de services développée au sein de la branche SC, soit + 155 %. Il s’agit des cartes professionnelles dont l’Imprimerie nationale gère la production, la distribution, le dispositif d’enrôlement, la gestion du fichier, le service après-vente et le renouvellement (d’où leur inclusion dans la branche « Services de confiance », en raison du service compris autour de la production de la carte) : cartes chronotachygraphes et, depuis 2013, carte de transport de matières dangereuses (TMD).

Au total, la progression du chiffre d’affaires liée à l’activité de vente de titres sécurisés, principalement réalisée sous monopole, et dans une moindre mesure sur des marchés concurrentiels, permet de compenser la baisse importante de l’activité d’impression classique (- 8 M€, soit – 17 %).

B. Une augmentation générale de la rentabilité des branches mais qui reste concentrée sur la production des titres régaliens

1. Une rentabilité qui s’est améliorée sur la plupart des segments mais dont la progression en valeur a concerné surtout l’activité de titres sécurisés

Le redressement général de la rentabilité de l’Imprimerie nationale (passage de 8,4 % d’excédent brut d’exploitation/chiffre d’affaires en 2009 à 16,4 % en 2013) a été obtenu par une amélioration de la rentabilité des différentes branches:

• sur la branche APB ; • sur la branche IFN : passage d’un excédent brut d’exploitation négatif à un

excédent brut d’exploitation/chiffre d’affaires positif dans un contexte de baisse du chiffre d’affaires ; à l’intérieur d’IFN, redressement important du segment de l’impression en continu dont l’excédent brut d’exploitation passe à l’équilibre ;

• sur la branche SC : sa composante principale, Chronoservices, voit sa rentabilité progresser fortement.

Cette progression générale ne doit cependant pas masquer le fait qu’en valeur, et sur une augmentation d’excédent brut d’exploitation de + 16 M€ entre 2009 et 2013, c’est le redressement de la branche APB qui a tiré la hausse de la rentabilité légèrement au-delà de la part de cette branche dans l’ensemble du chiffre d’affaires. Ce redressement de la rentabilité de l’activité sous monopole a trois causes, qui tiennent tant à l’environnement de l’Imprimerie nationale qu’à sa performance propre :

• Nouveaux produits intégrant plus de composants techniques sécurisés et donc plus chers et bon niveau de prix initial de ces nouveaux produits,

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• croissance des volumes permettant de mieux rentabiliser l’outil industriel tout en maintenant la stabilité des prix au client,

• progrès dans la productivité et le processus industriel.

2. Une rentabilité qui reste concentrée sur la production des titres régaliens sous monopole

La rentabilité de l’Imprimerie nationale est principalement concentrée sur la production de titres sous monopole. Les autres activités, à l’exception de la branche « Services de confiance », couvrent à peine leurs charges variables et les charges fixes.

Une fois déduits les dotations aux amortissements et provisions ainsi que les impôts et charges financières, seules les activités de production de titres sous monopole et les activités de service dégagent un résultat net bénéficiaire, les autres étant à l’équilibre (IFN) ou très légèrement bénéficiaires.

Cette situation présente des risques :

• L’Imprimerie nationale ne peut plus à l’avenir escompter un niveau de rentabilité aussi élevé sur des activités sous monopole : il serait même justifié qu’elle rende sous forme de baisse de prix à l’avenir une partie de sa performance industrielle ;

• L’Imprimerie nationale doit poursuivre ses efforts pour accroître la rentabilité des autres branches.

3. En définitive, une rentabilité globale de l’Imprimerie nationale comparable à d’autres sociétés du secteur mais dont les composantes doivent désormais être rééquilibrées

Un parangonnage réalisé par l’Imprimerie nationale permet de compléter l’analyse précédente :

• le niveau de rentabilité de l’Imprimerie nationale sur l’ensemble de ses métiers en 2012 et en 2013, comparé à la rentabilité des entreprises se situant sur les mêmes segments de marché, s’en rapproche mais reste toujours inférieur de 2 points environ ;

• il s’agit d’un niveau incompressible pour financer les investissements technologiques nécessaires afin d’assurer la compétitivité prix et hors-prix de demain, sachant que l’Imprimerie nationale ne pourra bénéficier de l’augmentation de capital dont a bénéficié son homologue allemande ;

• pour autant, cette rentabilité repose encore beaucoup trop sur la production de titres régaliens et doit être diversifiée.

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S’agissant du niveau de rentabilité atteint sur la production de titres régaliens, il est difficile de porter un jugement sur son caractère justifié ou non compte tenu de la difficulté à procéder à des parangonnages détaillés par types de produits. On peut observer que :

• une marge est de toute façon nécessaire pour financer les investissements technologiques permettant le maintien d’un niveau de sécurisation élevé ;

• le redressement financier de l’Imprimerie nationale aurait été impossible avec des prix de vente moins élevés ;

• l’augmentation de la marge a été aussi obtenue grâce à un effort sur les coûts.

On constate, en définitive, que le niveau actuel de rentabilité globale de l’Imprimerie nationale a été atteint grâce à l’activité de production de titres sous monopole mais aussi en maintenant les prix, en saturant l’outil industriel et en augmentant la productivité.

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C. Branche Authentification des personnes et des biens : des efforts à poursuivre pour améliorer la compétitivité-prix sur la production de titres sécurisés, mais qui passent aussi par une rationalisation de la demande des administrations publiques

1. Un redressement de la branche APB rendu possible par la progression des volumes et la réduction des coûts

Le tableau suivant illustre la progression du chiffre d’affaires réalisé auprès de l’ANTS et des autres agences ou ministères publics dans le cadre du monopole :

En M€ 2010 2011 2012 2013 Passeports 31 31,1 37,1 40,3 TSEtrangers 4,1 10,6 10,1 CIVéhicules 11 9,6 8 10,1 Permis conduire 4,3 Visa 0,7 1,3 2,3 2,1 Total ANTS 43 46,1 58 67 Min Int (lettres/ permis papier, carte police) 10,6 12,9 15 14,4 Min Transports (cartes) 5,5 13,8 11,3 9,2 Min Santé 5 Total 59 74 87 100

N.B. 1 : total légèrement différent de la somme des parties en raison de l’existence d’autres contrats publics avec d’autres ministères (Affaires étrangères) ou les préfectures dans le cadre du monopole N.B. 2 : total supérieur au chiffre mentionné dans le tableau sur la décomposition du CA ci-dessus en raison du classement dans ce dernier tableau des cartes du ministère des transports en activité concurrentielle pour des raisons de comparabilité (elles sont passées sous monopole en 2013)

En parallèle, trois faits majeurs ont conduit à la mise en place d’actions pour améliorer la productivité et l’organisation industrielle :

- l’arrivée de l’électronique sur les titres, régaliens ou non. Le passeport est devenu électronique en 2006, puis biométrique en 2009. Le titre de séjour pour étranger (TSE) intègre une puce électronique depuis 2011, ainsi que le permis de conduire depuis 2013. Cet élément a conduit l’Imprimerie nationale à travailler en réseau avec l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et des fournisseurs tels que Gemalto, Morpho et Oberthur, afin de garantir sur le long terme le niveau technique et la sécurité d’approvisionnement de l’électronique « embarquée » sur les titres ;

- La centralisation de la personnalisation des titres sur le site de Flers-en-Escrebieux, garante de sécurisation et de rationalisation des opérations de personnalisation. Successivement, la personnalisation du système d’immatriculation des véhicules (ex-carte-grise), du passeport, des cartes d’agents d’État, du TSE, du permis de conduire a été transférée à l’Imprimerie nationale, qui a développé des plateformes logicielles spécifiques pour garantir la sécurisation et l’intégrité des flux physiques et logiques ;

- la mise en œuvre d’une filière de cartes en polycarbonate, matériau de référence pour les documents d’identité en raison de ses caractéristiques de durabilité et de la sécurisation qu’il procure. La maîtrise des processus d’impression, de façonnage et de personnalisation du polycarbonate pour rendre cette filière compétitive, a nécessité des années d’apprentissage (2006-2011) ; les résultats obtenus permettent aujourd’hui à l’Imprimerie nationale de se situer de façon compétitive sur les marchés à l’exportation.

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Cette organisation a eu un impact direct positif sur le niveau de service aux usagers. En 2009, le délai moyen de personnalisation d’un passeport (délai entre la réception du fichier de demande de personnalisation issu du ministère de l’intérieur et la remise postale) était de 6 jours ouvrés. En 2014, 97,5 % des passeports étaient livrés sous 2 jours et 100 % à 3 jours ; 98,66 % des permis de conduire sont livrés sous 2 jours ; 89 % des SIV sont délivrées le jour même.

Elle a également permis de transformer fortement le niveau de sécurité des infrastructures et des processus. En février 2010, le centre de production de Douai a ainsi été classifié Opérateur d’importance vitale (OIV) par le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité auprès du ministère de l’économie et des finances. De même, les flux physiques et logiques sont régulièrement audités afin de répondre au référentiel RGS (référentiel général de sécurité de l’ANSSI) et aux exigences de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) notamment pour les titres régaliens. Enfin, l’Imprimerie nationale a développé pour le compte de son client ANTS des services de supervision et d’exploitation de ses serveurs qui sont hébergés dans le centre de Douai.

En outre, cette organisation a permis une amélioration majeure de la compétitivité de la filière de production. L’Imprimerie nationale a ainsi mis en œuvre, pour ses activités industrielles, une approche « lean manufacturing » qui vise à éliminer les sources de « non qualité » et de « non efficience ». Cette évolution a permis notamment d’améliorer l’utilisation des machines et de réduire le taux de gâche.

Des progrès réels et continus ont ainsi été constatés sur l’ensemble de la période, quel que soit l’indicateur retenu. On note certes, à la différence du taux de gâche qui fait l’objet d’une amélioration constante, que les progrès dans le TRS ont été obtenus surtout en fin de la période, et notamment en 2014, l’indicateur ayant baissé en 2013. Par ailleurs, au-delà de l’amélioration du TRS, un autre levier d’amélioration réside dans l’augmentation du temps disponible du fait de plages horaires plus étendues et d’une diminution des temps de pause et d’entretien. Ces sujets font l’objet d’un suivi et de plans d’action par la branche APB.

De façon générale, les relations entre l’ANTS et l’Imprimerie nationale se sont apaisées et des réunions régulières permettent de débattre des difficultés de production, même si des problèmes subsistent concernant la fixation des prix.

En définitive, les volumes supplémentaires et la productivité propre de l’Imprimerie nationale ont permis de stabiliser les prix de vente de ses produits, en compensant la hausse du coût des facteurs et la sophistication toujours plus forte des techniques de sécurisation. À cela s’ajoute la diminution du montant des avances (de 40 % à 20 %) et la prise en charge des investissements par l’Imprimerie nationale.

2. Une diminution nécessaire du prix des titres dans les deux ans à venir

Dans le cadre de son PMT 2014-2016, l’Imprimerie nationale a anticipé la réduction du prix de vente de ses titres régaliens, grâce à une action sur l’ensemble de ses coûts mais également grâce à un effort sur sa marge. Il conviendra de s’assurer de la mise en œuvre de cet objectif. D’ores et déjà, le prix des titres de séjour pour étrangers a été abaissé à 8,75 € en 2014.

Cette baisse des prix est nécessaire compte tenu du retour à la rentabilité de l’Imprimerie nationale. Elle représenterait un « juste retour » au client du taux de marge réalisé désormais sur les produits concernés ; elle doit encourager l’Imprimerie nationale à dégager des bénéfices dans d’autres activités concurrentielles. Un plan d’actions a été élaboré

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à cette fin par la branche APB, concernant la réduction des frais de support et d’ingénierie. On peut y ajouter la poursuite des actions sur le taux de rendement des machines et sur leur temps de disponibilité.

Par ailleurs, des diminutions de prix supplémentaires sont envisageables dans le cadre d’une évolution de la commande passée par les administrations publiques.

3. Des possibilités de gains supplémentaires mais qui passent par un dialogue de gestion renforcé entre l’Imprimerie nationale et l’ANTS

Dans le cadre du comité de pilotage institué entre l’Imprimerie nationale et l’ANTS, des propositions de réduction de coûts ont été avancées. Parmi ces propositions, on distingue : celles qui visent une économie de coût à prestation constante (10 M€ environ) ; celles qui permettent une économie de coût pour l’ANTS et un gain de chiffre d’affaires et de marge pour l’Imprimerie nationale par enrichissement des prestations confiées à l’Imprimerie nationale et externalisation de tâches à celles-ci (10 M€) ; celles qui relèveraient d’une dépense moindre dans le cas d’un chantier à lancer sur une meilleure sécurité de certains titres régaliens. La plupart de ces pistes mériterait d’être creusée dans le cadre du dialogue à renforcer entre l’ANTS et l’Imprimerie nationale.

a- Les possibilités de réduction de coût pour l’ANTS à prestations constantes : 10 M€ • rationalisation par le biais de l’ANTS des infrastructures de production et

des systèmes d’information liés à la production des différents titres sécurisés, pour un montant de 5 M€. Chaque titre reste en effet lié à un système d’information propre au sein de l’ANTS et, même si une rationalisation a été effectuée récemment autour de la carte d’agent de l’État, toutes les cartes d’agent déjà émises (Justice, Défense…) n’ont pas encore basculé sur la nouvelle infrastructure ; certains ministères disposent encore de leurs propres infrastructures de production ou font fabriquer en externe les cartes de leurs agents (Finances, Intérieur). Une économie supplémentaire pourrait sans doute être obtenue en basculant sur l’Imprimerie nationale tout le système d’information

• allongement de la durée de la convention avec l’ANTS, actuellement négociée pour 3 ans. Ce dernier point est essentiel car il permet d’étaler les frais fixes liés à la production de titres et aussi de bénéficier d’économies d’échelle grâce à la durée plus longue des contrats passés avec les sous-traitants (achat des puces par exemple). L’économie induite n’a pas été chiffrée de façon précise par l’Imprimerie nationale dans ces propositions mais elle existe. En prenant l’exemple du seul permis de conduire, dont la décomposition du prix de 8,35 € fait apparaître 0,70 € de frais fixes, et dans l’hypothèse d’un amortissement linéaire de ces frais sur l’ensemble de la durée de la convention, l’économie induite serait de 0,9 M€ par an. Elle s’élèverait à 3 M€ pour l’ensemble des titres régaliens7.

b- Les possibilités de réduction de coût pour l’ANTS et d’autres administrations publiques par externalisation d’une part croissante des prestations : plus de 10 M€

• Regroupement à l’Imprimerie nationale des expéditions des différents titres régaliens (passeports, SIV, permis de conduire) aux préfectures, aux

7 Chiffres confirmés par l’Imprimerie nationale. Sur la base de 4 Mio de cartes (permis de conduire, TSE…) et

de 5 Mio de passeports, hors cartes professionnelles contractualisées avec le Ministère des Transports, de la Santé…

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mairies et aux particuliers, en utilisant sa capacité de production : 5 M€. Cette piste est en cours de mise en œuvre.

• Personnalisation de la carte d’identité par l’Imprimerie nationale alors que cette activité est aujourd’hui exercée par le ministère de l’intérieur et que la prestation de l’Imprimerie nationale se limite à la fourniture de supports vierges (pour un chiffre d’affaires inférieur à 1 M€). Ce transfert à l’Imprimerie nationale permettrait, à conditions de sécurité supérieures, de faire bénéficier le ministère de l’intérieur d’une économie de 5 M€ environ8. En réalisant l’opération sur une carte en polycarbonate du type des autres titres régaliens (TSE), il pourrait permettre également de faire baisser le prix de ces derniers, par économie d’échelle. Ce chantier devrait être mis en œuvre fin 2015.

• L’Imprimerie nationale avance également un montant de 30 M€ d’économies possibles en refondant le processus d’enrôlement et d’instruction (préfectures et sous-préfectures) et en confiant à l’Imprimerie nationale des tâches enrichies correspondant à ce qu’elle effectue déjà dans le cadre de certaines prestations : ce projet est toutefois un chantier de plus grande importance et de long terme.

8 Sur la base de la proposition de l’Imprimerie nationale à 18 M€ contre un coût de fabrication pour le ministère de l’Intérieur de 22 M€. La réalisation de ces économies passe par l’arrêt des installations du ministère de l’Intérieur dédiées à la personnalisation de ces titres. Une étude a été lancée par l’ANTS pour mise en œuvre du processus.

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c- Les possibilités de réduction de coût sur des chantiers de sécurisation des titres régaliens à lancer :

Le permis de conduire papier, auquel s’est substitué peu à peu le permis de conduire électronique, est un titre aisément falsifiable. Dans le cadre de la lutte contre la fraude, il était envisagé par le ministère de l’intérieur d’organiser le remplacement des 38 millions anciens permis de conduire sur une durée de 13 ans, pour un coût qui pourrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros au total (de 400 à 700 selon la rapidité de la procédure d’échange, le choix de recruter des vacataires en préfecture, ou le recours à un prestataire)

L’Imprimerie nationale a fait une offre à 80 M€ environ (2 € par titre) visant, à partir d’une saisie en ligne d’un formulaire et d’un dépôt au guichet, à remplacer les anciens titres.

4. L’introduction de la CNIE constituerait une opportunité supplémentaire

La mise en production de la carte nationale d’identité électronique (CNIe) est régulièrement évoquée depuis 2007. Un projet de loi devait être déposé au premier semestre 2008 pour un déploiement de la CNIe en janvier 2009, mais de nombreuses questions relatives à la protection de l’identité ont limité les informations contenues dans la CNIe.

Après la promulgation de la loi relative à la protection de l’identité en mars 20129, le Conseil constitutionnel a censuré deux éléments de cette loi. Compte tenu de cette décision, la CNIe ne contiendrait qu’un seul composant électronique, limitant les informations contenues à l’état-civil du titulaire, à sa photographie et à ses empreintes digitales et ne pourrait pas être utilisée comme outil de transaction commerciale.

Depuis lors, le dossier n’a pas avancé et aucune perspective de relance du chantier n’apparaît. Pourtant, plus de dix États ont déjà mis en œuvre une identification électronique dans leur carte nationale d’identité (Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, Italie…) et le nouveau règlement européen du 23 juillet 2014 dit « eIDAS » (identification électronique et services de confiance pour les transactions entre les États-membres), qui sera applicable en juillet 2016, crée une nouvelle opportunité en imposant aux États membres le principe de reconnaissance mutuelle des systèmes d’identités électroniques :

« Lorsqu'une identification électronique à l'aide d'un moyen d'identification électronique et d'une authentification est exigée en vertu de la législation nationale ou de pratiques administratives pour accéder à un service en ligne fourni par un organisme du secteur public dans un État membre, le moyen d'identification électronique délivré dans un autre État membre est reconnu dans le premier État membre aux fins de l'authentification transnationale de ce service en ligne, à condition que les conditions ci-après soient remplies »

Alors même que l’Imprimerie nationale bénéficie d’une maîtrise des technologies, le risque de repousser le projet de CNIe est triple :

• prendre du retard par rapport à des échéances qui, si elles n’imposent pas stricto sensu le passage à la CNIe (seule la reconnaissance mutuelle est exigée), vont contribuer à développer un marché, des produits et des services dont la France courrait le risque d’être exclue ;

9 Loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité

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• faire perdre à l’Imprimerie nationale et à ses clients l’opportunité de baisses de prix non destructrices de marge, du fait du réemploi de technologies éprouvées ;

• pénaliser l’Imprimerie nationale à l’exportation par rapport à des concurrents européens qui pourront se targuer d’une expérience nationale à l’exportation sur ce type de produits.

5. Une décision de suppression de la puce électronique du nouveau format de permis de conduire qui aurait mérité une étude approfondie

Le 3 octobre 2014, le ministère de l’intérieur et l’ANTS ont, par lettre écrite envoyée à l’Imprimerie nationale, annoncé leur décision de suppression de la puce électronique du nouveau format du permis de conduire électronique français afin de réaliser une économie sur le coût de production des titres (le coût total de la puce, de sa pré-personnalisation et de l’encartage s’élevant à 2 euros par titre).

Cette décision intervient tout juste un an après la mise en service du nouveau permis incorporant une puce électronique. Elle soulève plusieurs questions relatives à l’absence d’étude d’impact de cette décision, à son coût immédiat pour l’Imprimerie nationale et ses fournisseurs, au caractère limité de son bénéfice immédiat au regard d’alternatives éventuelles qui auraient pu être étudiées :

• au regard des actions techniques, juridiques et administratives nécessaires, la suppression de la puce ne pourra intervenir qu’au 30 septembre 2015 ;

• l’économie de 6 M€ selon le ministère de l’intérieur sur la base de 2,5 millions de titres par an sera en partie compensée, selon l’Imprimerie nationale, par le renchérissement du coût de la puce sur les autres titres produits par l’Imprimerie nationale, du fait d’une volumétrie moindre : l’économie nette est estimée par l’Imprimerie nationale à 4 M€ HT en régime de croisière ;

• dans un premier temps, c’est-à-dire en 2015 et en 2016, la décision de suppression de la puce se traduira par des surcoûts liés au montant des investissements non amortis et au manque à gagner industriel, estimés par l’Imprimerie nationale à 5,3 M€ HT, compte non tenu d’un stock d’en cours de 3,3 M€ HT, d’éventuelles réclamations des industriels sous-traitants et du coût de remise en route des anciennes chaînes de production pour produire le permis de conduire dans l’ancien format ;

• d’autres solutions ayant le même impact net sur les finances de l’ANTS, sans les surcoûts associés, auraient gagné à être étudiées comme l’augmentation du prix des titres de quelques dizaines de centimes d’euros ou du prix de remplacement des titres perdus.

La décision consistant à revenir sur le permis de conduire électronique illustre a contrario la nécessité de renforcer le dialogue de gestion entre l’Imprimerie nationale et ses clients publics, dont l’ANTS au premier chef, et de son inscription dans le cadre d’une stratégie de long terme.

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D. Branche Impression et Flux Numérisés : un problème persistant

Le métier « classique » de l’Imprimerie nationale représente encore près d’un quart de son chiffre d’affaires et de ses effectifs de production. En redressement depuis 2009, grâce à des actions de restructuration de l’outil industriel et de gain de productivité, il continue cependant à constituer un foyer de pertes récurrent, qui pourrait s’aggraver dans les années à venir en raison de la baisse du marché et de la concurrence sur celui-ci. L’objectif est, dans ce contexte, de développer le chiffre d’affaires sur des prestations connexes pour arriver à l’équilibre et, à défaut de pouvoir maintenir les effectifs, de gérer leur décroissance dans le temps.

1. Une diminution incontestable des pertes sur l’impression en continu depuis 2009

Le plan 2009-2012 prévoyait un retour à l’équilibre sur le segment de l’impression en continu (positionnement sur les produits complexes et amélioration de la performance industrielle). Ce plan a fait l’objet d’un suivi régulier au conseil d’administration, avec des objectifs chiffrés sur les leviers à utiliser pour revenir à l’équilibre de l’excédent brut d’exploitation (chiffre d’affaires, masse salariale, productivité). Dès 2010, il est apparu toutefois que ce redressement serait très difficile à atteindre.

Un nouveau plan, présenté fin 2010, prévoyait la poursuite des actions liées à l’amélioration de la productivité :

- optimisation de l’outil industriel avec arrêt de certaines machines et développement de la sous-traitance pour éviter le surdimensionnement de l’outil de production ;

- mise en place de machines plus performantes (meilleure vitesse de roulage) ;

- diminution du temps de calage (arrêts), de la « gâche » (rebut) et des heures « indirectes » (non directement productives). En revanche, l’organisation du travail, qui ne permet pas de travailler le vendredi après-midi, n’était pas revue.

La mise en œuvre de ce plan a donné lieu à un suivi régulier.

Le tableau suivant retrace les principaux indicateurs industriels et de leurs évolutions. On note une baisse régulière des heures de « calage » et des heures « indirectes ». Il apparaît toutefois, ce qui est normal, que les marges d’amélioration sont de plus en plus limitées, surtout sur la gâche10, et que pour le premier semestre 2014, les objectifs du budget 2014 n’ont pas été tous atteints.

En nb d’heures Roto + finition

2011 2012 2013 S1 2013 S1 2014

Gâche 14,9 % 11,6 % 10,14 % 10,56 % 10,3 % H calage 8 392 7 157 5 943 2 966 2 739 H indirectes 10 459 10 352 7 813 4 057 3 125

10 À noter qu’une partie de la gâche s’explique mécaniquement par les phénomènes de marge, de différences de format, etc. à hauteur de quelques pourcents environ. D’où un taux plus élevé que sur les titres sécurisés.

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Dans un contexte de relative stabilité du chiffre d’affaires, autour de 40 M€ sur l’ensemble des prestations, le résultat net de la branche sur la seule activité d’impression en continu est passé de – 8 M€ à – 1 M€, ramené à l’équilibre par le développement de prestations annexes. Cette relative stabilité du chiffre d’affaires a représenté un élément de contexte inespéré et conjoncturel au sein d’une tendance globalement baissière.

2. Des actions complémentaires à poursuivre pour diversifier le chiffre d’affaires et réduire les coûts

L’examen des principaux contrats passés par l’Imprimerie nationale avec les administrations publiques ou entreprises pour l’impression de divers documents montre, en dépit de la croissance du chiffre d’affaires mentionnée supra, des zones de fragilité liées à la baisse des budgets et à la tendance à la dématérialisation, sur la partie relative à l’impression de documents (40 M€ environ).

Ainsi, concernant l’impression des documents de demandes de paiements relatifs à la politique agricole commune, produits pour l’Agence de services et de paiement (ASP), la dématérialisation d’une partie du processus a entraîné la diminution en 3 ans de 60 % des commandes adressées à l’Imprimerie nationale.

À terme, une dématérialisation totale du processus de déclaration de l’impôt sur le revenu entraînerait une diminution du contrat de 5 M€ passé avec la direction générale des finances publiques (DGFIP). Ce contrat prévoit la fourniture par l’Imprimerie nationale des documents de déclaration fiscale qui sont ensuite personnalisés et envoyés par elle. Compte tenu de la multiplicité des documents et des fascicules complémentaires (plus de 400 références…), l’Imprimerie nationale fait appel à un réseau de sous-traitants, du moins pour la partie relative aux fascicules complémentaires.

Par ailleurs, la mise en concurrence régulière par la DGFIP de ces prestations d’impression (renouvellement prochain début 2015 du contrat passé avec elle) et leur allotissement peut entraîner la perte par l’Imprimerie nationale d’une partie des lots, comme ce fut le cas en 2013.

Ce processus de dématérialisation concerne aussi les clients privés de l’Imprimerie nationale (chèques déjeuners dans un proche avenir).

Dans les années à venir, l’Imprimerie nationale va donc devoir gérer la décroissance de ce marché, en essayant de compenser la perte de clients traditionnels sur l’impression en continu par le maintien d’un chiffre d’affaires sur les activités liées à la plate-forme

Pour prévenir la décroissance inéluctable des budgets d’impression liée à la dématérialisation, l’Imprimerie nationale a développé à l’intention de ses divers clients privés ou publics (notamment la DGFIP), différentes offres visant, pour eux, à sous-traiter des activités connexes à l’activité d’édition, pour l’Imprimerie nationale, à enrichir l’activité d’impression classique par des prestations et services complémentaires situées en amont ou en aval de la chaîne de valeur :

• Editique : plutôt que d’envoyer à un client des imprimés vierges dont il doit par la suite assurer la personnalisation avant envoi aux personnes concernées (ce qui est le cas des déclarations de l’impôt sur le revenu), l’Imprimerie nationale assure cette personnalisation des documents écrits dans des conditions de sécurité fortes.

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• Envoi de courrier égrené : plutôt que d’avoir à gérer par lui-même une expédition de ses envois disséminée dans différents centres, avec des coûts de production et de suivi importants, le client fait appel à l’Imprimerie nationale qui met un portail et sa plate-forme de production à sa disposition. Le client y adresse le courrier type qu’il veut faire envoyer et c’est l’Imprimerie nationale qui assure l’impression et l’envoi aux différentes personnes concernées, faisant ainsi bénéficier le client d’économies d’échelle et de mutualisation de coûts avec les autres clients qui ont recours à la plate-forme. Cette prestation est notamment assurée pour l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) et pour le ministère de l’intérieur dans le cadre de l’envoi des lettres de retrait de points relatives au permis de conduire. Le marché passé avec l’UGAP n’est qu’un marché cadre qui ne constitue pas une contrainte pour les différentes administrations publiques, avec lesquelles l’Imprimerie nationale doit à chaque fois renégocier.

• Plus généralement, et tirant parti de ses compétences en matière de gestion des flux d’impression, l’Imprimerie nationale propose désormais des audits documentaires visant à rationaliser pour les clients l’ensemble de leurs flux d’impression et d’envoi. C’est ce travail qui a abouti au marché passé avec la Fédération française de judo (FFJ) par lequel elle confie à l’Imprimerie nationale non seulement l’impression de ses licences mais aussi l’enrôlement et la gestion du processus d’adhésion ainsi que l’archivage des dossiers.

Cette vision stratégique a donné lieu dans le PMT 2014-2016 à un plan d’actions complet, dont il est trop tôt pour dire s’il parviendra effectivement à faire passer le chiffre d’affaires de ces activités nouvelles de 1 M€ à 13 M€. On peut seulement constater que l’entreprise s’est mise en ordre de marche pour développer cette activité :

• sur le plan commercial : liste de 300 clients potentiels dont 200 nouveaux clients, aux trois quart privés, qui sont peu à peu démarchés ;

• sur le plan industriel : remplacement progressif d’une partie des installations, regroupement des activités éditiques de l’Imprimerie nationale, développement du portail de courrier égrené ;

• Sur le plan du « marketing » : formalisation des différentes offres de l’Imprimerie nationale.

3. L’enjeu de l’externalisation des tâches d’impression effectuées par certaines administrations publiques.

De nombreuses administrations disposent actuellement de capacités d’impression, de personnalisation et d’envoi de courrier à leurs administrés. C’est le cas, comme on l’a vu plus haut, de la DGFIP qui personnalise les imprimés de déclaration que lui fournit l’IN dans un centre d’éditique dédié et assure par ailleurs leur envoi à l’ensemble des contribuables par le biais de ses centres départementaux. À l’inverse, le ministère de l’intérieur a depuis longtemps externalisé l’envoi des lettres de retrait de point de permis de conduire en les confiant à l’Imprimerie nationale (via l’agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI)).

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La constitution du centre d’éditique à la DGFIP, son maintien et la rémunération des effectifs associés (40), ainsi que l’internalisation des tâches d’envoi dans les différents centres monopolisent des ressources importantes qu’il serait possible de réduire dans le cadre d’une externalisation à l’IN, ou à d’autres acteurs, dans le cadre d’une mise en concurrence portant sur l’ensemble du processus de personnalisation et d’envoi, et pas simplement d’impression des déclarations.

S’agissant du courrier égrené de la DGFIP, deux pilotes ont été lancés dans le Val d’Oise et le Nord visant à confier à l’Imprimerie nationale l’envoi de certains courriers. La généralisation à l’ensemble des centres permettrait d’économiser 13 M€ (0,1 € * 125 million de plis) tout en améliorant le plan de charge de l’Imprimerie nationale. Plus globalement, un projet de groupement d’intérêt public est à l’étude depuis 2013 pour confier à l’Imprimerie nationale l’ensemble des productions de la DGFIP (produits imprimés, sujets de concours…).

Enfin, d’autres solutions pourraient être mises en œuvre en massifiant les commandes d’impression de l’ANTS et de l’ANTAI.

De façon générale, le SGMAP pourrait se saisir du sujet de la rationalisation des activités d’impression et de leurs prestations connexes pour l’ensemble des administrations et, à l’issue d’une évaluation, les inciter à les externaliser, par mise en concurrence, pour un coût cible inférieur à leur coût actuel.

E. Branche Services de confiance : un développement qui pourrait être facilité par l’accélération du passage de l’administration au numérique

1. Une offre de services qui s’est historiquement développée autour de la délégation de service public (DSP) sur les cartes chronotachygraphes

C’est en 2002 que l’Imprimerie nationale a remporté la DSP portant sur la gestion de l’enrôlement et de la distribution des cartes chronotachygraphes. À l’époque, il s’agissait pour l’Imprimerie nationale d’une « première », consistant à se positionner sur le marché du service et pas seulement sur le marché de production du titre. Le champ de la DSP était en effet très large :

• Gestion du processus d’enrôlement directement avec le conducteur ou l’entreprise : numérisation du formulaire ou collecte des données sur internet, instruction du dossier et vérification des droits ;

• Impression d’une carte personnalisée et sécurisée (carte à puce cryptée contenant les données relatives au permis de conduire et à la carte nationale d’identité (CNI)) ;

• Distribution de la carte, collecte du paiement auprès des entreprises ou particuliers concernés, suivi, à travers un centre d’appel, des difficultés individuelles

• Gestion du cycle de vie de la carte (remplacement, progrès technologique).

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Ce positionnement de l’Imprimerie nationale sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la gestion des titres était risqué car il consistait pour l’entreprise à se positionner sur des activités et des services qu’elle ne maîtrisait pas. L’entreprise a dû, pour ce faire, acquérir une plate-forme de numérisation, créer un serveur vocal interactif, apprendre à effectuer un suivi des réclamations clients et pas seulement un suivi industriel11. Cette démarche a été un succès : les indicateurs de qualité de service ont été améliorés ; le prix du titre a baissé. La DSP a ainsi été renouvelée, avant que le marché ne soit classé en activité sous monopole à partir de 2013.

À la suite de cette DSP, l’Imprimerie nationale a développé ce type de prestations et les a structurées, dans une nouvelle branche « Services de confiance ». Son chiffre d’affaires a quadruplé à périmètre comparable depuis 2009, de 6 à 24 M€ :

• Extension de l’offre de services au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) à d’autres types de cartes et de produits de ce ministère - carte de qualification des conducteurs, carte de transport de matières dangereuses, carte de douaniers – et à d’autres ministères – attribution à l’IN du marché de la carte des professionnels de santé en 2013 ;

• Développement de cartes professionnelles pour des clients privés, permettant de gérer l’accès à des infrastructures matérielles (locaux) ou techniques (accès aux SI) ;

• Dans le prolongement de l’activité d’impression classique, développement des offres de numérisation et d’archivage pour les administrations publiques et les clients privés.

S’agissant de la gestion des cartes professionnelles du MEDDE et du ministère de la santé, on note que l’Imprimerie nationale remplit d’une certaine façon le rôle de l’ANTS, à l’instar de la Bundesdruckerei, ce qui permet de réduire les interfaces et de réaliser des économies d’échelle.

2. Une croissance future prévue qui se fonde sur le besoin de refonte des processus administratifs et de passage au numérique

Le PMT 2014-2016 prévoit une nouvelle augmentation de chiffre d’affaires de plus de 15 M€ en trois ans liée à la structuration de l’offre de services autour de 3 produits :

• Le « Business Process Outsourcing » (BPO), qui consiste pour un client public (ministères) ou privé (FFJ) à se décharger de l’ensemble du processus de gestion d’une carte professionnelle

• La carte « Pass-In » qui permet de gérer pour les entreprises, les collectivités locales ou les ministères (même si ceux-ci en pratique passent peu par l’Imprimerie nationale) l’accès à des locaux ou des services

• La numérisation et l’archivage des données afin de libérer de l’espace et aussi de permettre une consultation en ligne des documents par un ensemble de services dispersés sur le territoire : dans ce cadre, l’Imprimerie nationale a été peu à peu amenée pour certaines préfectures pilotes (Paris, Lyon, Marseille) à archiver et à mettre en ligne de façon sécurisée leurs documents administratifs, ce qui évite des saisies courrier

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Le centre d’appel de Douai comprend aujourd’hui 25 agents dont 10 intérimaires environ. Il est aussi utilisé comme moyen de prospection commerciale.

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pour consulter ces documents (dans le cadre d’une recherche administrative visant à établir la nature du titre de séjour d’une personne par exemple).

Cette prévision de croissance forte sur ce type de produits (+ 100 % ou + 500 % selon qu’on considère l’ensemble de la branche ou seulement la progression sur les offres BPO et Pass IN) suppose d’élargir le marché de l’Imprimerie nationale au-delà de ses clients habituels. Des contacts avec des collectivités locales et de grandes entreprises sont en cours.

Elle implique aussi une accélération du passage à l’administration numérique. De ce point de vue, on constate que l’Imprimerie nationale ne bénéficie pas d’une bonne visibilité sur l’évolution de la demande de ses clients publics, qui relèvent pourtant directement de l’État.

Ce manque de visibilité constitue un handicap pour ses actions de développement et freine les investissements nécessaires. Ainsi, dans le cas de la numérisation et de l’archivage des dossiers des préfectures, l’investissement dans de nouveaux locaux ne peut intervenir qu’en étant capable d’anticiper les volumes à produire. De même, les projets des différents ministères pour mettre en place une carte d’agent permettant de s’authentifier et d’accéder à différents services ne sont pas toujours connus de l’Imprimerie nationale.

L’atteinte de l’objectif fixé dans le PMT sur les nouveaux services constitue un enjeu d’autant plus ambitieux pour l’Imprimerie nationale qu’il est générateur de forte marge et dépend pour une part significative de l’évolution de la demande des administrations publiques.

3. Une stratégie de passage au numérique des administrations facteur d’économies pour elles et source d’opportunités supplémentaires pour l’Imprimerie nationale

Au-delà de l’intérêt pour l’Imprimerie nationale de l’affirmation d’une politique publique en faveur de l’ « e-gouvernement » et du développement coordonné du passage progressif au numérique, l’accélération du chantier de l’administration numérique pourrait représenter un gain pour les administrations, en coût et en qualité de service.

On peut ainsi relever trois leviers d’économies, qui pourraient alléger le coût induit pour les finances publiques comme représenter un gain pour l’Imprimerie nationale (ou ses concurrents sur les prestations ouvertes) :

• le chantier des cartes d’agents publics (a priori sous monopole), avec un intérêt à mutualiser à l’Imprimerie nationale la fabrication de ces cartes, pour saturer le dispositif de production et bénéficier de ses acquis en terme de standardisation et de sécurisation des processus et des produits

• Le chantier de la refonte et de l’externalisation des processus administratifs, afin de confier à un opérateur tiers toutes les tâches d’enrôlement et de distribution de documents qui mobilisent des agents

• Le chantier de la numérisation, avec un gain évident issu de la numérisation et de l’archivage des documents publics

Ces chantiers ne sont actuellement pas coordonnés et les différents ministères disposent, chacun pour ce qui les concerne, des leviers de décision pour leur mise en œuvre.

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Il serait utile, à cet égard, que le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) puisse d’une part mieux coordonner l’action des différents ministères sur ces différents sujets, d’autre part disposer d’une vision globale sur la demande de services prévisible pour les trois années à venir et sur les gains à en attendre. Ce rôle confié au SGMAP permettrait d’établir le plan de charges adressé à l’Imprimerie nationale, entreprise publique, par son principal client, ou à ses concurrents pour les prestations ouvertes. Des vrais opportunités de développement paraissent exister du côté du ministère de l’éducation nationale (projet de carte agent), des transports (au-delà des cartes chronotachygraphes) ou de la santé (carte Sesame).

F. Atelier du livre : un centre de coûts dont le poids doit être désormais partagé avec d’autres institutions culturelles et collectivités publiques

L’Atelier du livre d’art et de l’estampe (ALAE) constitue l’une des activités historiques de l’Imprimerie nationale et un ensemble unique au monde qui résume l’histoire du livre imprimé et en expose les techniques artisanales. Il allie, en effet, à l’héritage exceptionnel de ses collections dont les plus anciennes remontent à François 1er (poinçons, matrices, cuivres, vignettes…) l’éventail des métiers d’art qui composent l’histoire de l’imprimerie et de ses techniques.

Grâce à ce savoir-faire, l’ALAE réalise des ouvrages de bibliophilie pour des artistes, des éditeurs ou des galeristes en utilisant les techniques de composition les plus diverses, qui sont vendus à quelques dizaines d’unités par exemplaire, pour un prix moyen de 10 000 euros par série produite. L’ALAE ne réalise aucune activité d’édition compte tenu notamment de l’abandon de cette activité par l’Imprimerie nationale à la suite du plan de restructuration validé par la Commission européenne en 2005.

L’État s’était engagé à faire sortir l’Atelier du périmètre de l’Imprimerie nationale en 2007 au plus tard.

Le chiffre d’affaires réalisé est de l’ordre de 100 000 € par an pour un coût de production de 1 100 000 € en tenant compte des onze salariés, des matériels utilisés et des installations mises à disposition.

Le caractère marginal et symbolique de cette activité ainsi que son coût ont amené l’Imprimerie nationale à réfléchir à des projets de pérennisation de l’ALAE et de valorisation de son patrimoine en associant des partenaires à la fois intéressés par ses savoir-faire et capables d’assurer, aux côtés de l’entreprise, l’équilibre de la structure.

Une mission a été commandée à l’inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) en 2008 et en 2009, qui a abouti à la proposition de création d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC). Cet établissement aurait associé l’ALAE et l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine (IMEC), situé à Caen, dans un lieu unique consacré à l’ensemble de la chaîne du livre d’hier à aujourd’hui, et combinant fonction muséale, fonction pédagogique et pôle de compétence technique. La création d’un EPCC associant les deux structures permettait le transfert de l’ALAE, de ses personnels et la mise à disposition de son patrimoine dans des conditions juridiques fiables. L’Imprimerie nationale s’engageait à mettre à disposition son patrimoine pour un euro symbolique et à participer aux coûts de déménagement et de relocalisation de la structure en Normandie. En tant que chef de file du projet, l’IMEC devait en assurer la

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cohérence et une part du financement, tout en recherchant auprès des collectivités locales des compléments de ressources.

Le projet présenté par l’IMEC était évalué à près de 30 M€, principalement en raison du choix de localisation du centre à l’abbaye d’Ardenne et des travaux de restauration nécessaires. La façon d’assurer un « petit équilibre » dans le fonctionnement de cette structure restait à définir.

En dépit d’un consensus interministériel sur cette solution, de plusieurs réunions tenues par le préfet de région en 2011, ce projet a été confronté à plusieurs difficultés :

• même en tenant compte d’une participation de l’Imprimerie nationale de 5 M€, non totalement assurée, les financements attendus des différentes collectivités publiques (État, collectivités locales, Imprimerie nationale) se montaient à 14 M€, loin des 28 M€ jugés nécessaires ;

• l’IMEC a toujours soutenu une vision ambitieuse du projet, impliquant des travaux de restauration coûteux, et n’a jamais vraiment accepté une version plus modeste, qu’il s’agisse de l’installation dans d’autres locaux moins prestigieux ou d’une utilisation plus limitée des collections de l’Imprimerie nationale, plus compatible avec les financements disponibles ;

• l’Imprimerie nationale ne souhaitait pas mettre en dépôt illimité auprès de l’IMEC l’ensemble de son patrimoine, mais seulement une partie de celui-ci et en continuant à en contrôler l’usage ;

• la somme demandée à l’Imprimerie nationale pour la mise en œuvre du projet excédait par ailleurs le coût entraîné par une liquidation de l’ALAE (3 M€) et posait à ce titre la question de l’intérêt social de l’Imprimerie nationale à soutenir ce projet ;

• aucune piste ne se dégageait par ailleurs pour limiter le déficit courant de la structure créée

De fait, le projet a été abandonné en 2012 et l’Imprimerie nationale a peu à peu mis au point un projet de transformation et de réduction des coûts en interne, examiné par son conseil d’administration en octobre 2013.

Ce projet consiste à réduire les coûts de production, en abandonnant les locaux d’Ivry et en déménageant à Douai. Il est aussi prévu d’ouvrir l’Atelier à l’extérieur, en permettant la venue d’artistes en résidence et en faisant appel aux collectivités locales et aux institutions culturelles présentes sur place (Louvre-Lens). Le coût de la mise en place de ce projet est de 3,5 M€ (dont 1 M€ de travaux pour le déménagement) ; l’objectif est de réduire le déficit de 1 M€ à 0,5 M€ par an. L’opération de déménagement est, à ce jour, achevée avec succès ; l’ensemble des salariés a suivi grâce à un aménagement du temps de travail. Les discussions avec les partenaires culturels et les collectivités locales sont en cours. D’autres partenariats sont envisagés avec des sociétés comme Acte Sud pour diversifier l’activité de bibliophilie et de lancer une co-production pour la réalisation de livres d’art.

Un projet de fondation, à l’étude autour du fonds de l’ALAE afin de préserver le patrimoine et d’associer des mécènes, n’a pas débouché.

En conclusion, alors que la Cour soulignait, dans son insertion de suivi en 2010, le retard pris par l’État pour régler la situation de l’atelier historique, force est de constater que la situation a peu évolué. L’Imprimerie nationale a mis en place un plan de réduction des coûts mais d’autres partenaires publics ou privés doivent s’associer aux perspectives

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d’évolution de l’ALAE. Le projet d’établissement public défendu un temps par les autorités publiques était trop coûteux et surdimensionné. D’autres partenariats plus modestes, tirant parti de la nouvelle implantation de l’ALAE, peuvent permettre de diversifier les sources de financement et de réduire les coûts. Le ministère de la culture pourrait œuvrer en ce sens en organisant un tour de table des institutions publiques ou privées susceptibles d’être intéressées.

G. Conclusion sur les défis à relever

La réussite du plan stratégique passe par la poursuite de leviers internes visant à l’amélioration de la productivité de l’Imprimerie nationale et à la mise en place de politiques adaptées à l’état du marché.

Sur les produits faisant l’objet du monopole, cette réussite passe aussi par une rationalisation et une meilleure coordination de la commande de l’État-client. Cette rationalisation est d’autant plus souhaitable qu’elle permettrait des économies pour l’État et qu’elle bénéficierait à une entreprise publique dont l’État-actionnaire reçoit des dividendes.

Sur les produits faisant l’objet d’une mise en concurrence, une réflexion pourrait également être lancée sur des externalisations possibles, à moindre coût, de tâches d’impression et de services annexes aujourd’hui effectuées par les administrations publiques, dans le cas d’une mise en concurrence entre l’Imprimerie nationale et d’autres prestataires.

- Recommandation n° 4 : organiser des discussions régulières entre les principaux ministères concernés et l’Imprimerie nationale sur le prix des produits fabriqués sous monopole par l’Imprimerie nationale, sur les prestations offertes par l’Imprimerie nationale et sur les différents leviers de réduction des coûts ; prévoir dans ce cadre des mécanismes d’arbitrage ;

- Recommandation n° 5 : veiller dans l’exécution du plan d’affaires à la mise en œuvre des actions prévues de réduction des prix sur les produits sous monopole ;

- Recommandation n° 6 : pour le secrétaire général pour la modernisation de l’action publique, recenser les tâches d’impression de titres, de cartes et de documents encore assurées par les administrations publiques et évaluer l’intérêt économique d’une externalisation (à l’Imprimerie nationale ou à d’autres prestataires) de ces tâches.

VI. Les facteurs clés de succès : politique de recherche et développement, politique sociale, politique à l’exportation

A. Une politique de recherche et développement à mettre en place

L’évolution stratégique de l’Imprimerie nationale, de l’impression traditionnelle vers les titres sécurisés de nouvelle technologie et les services associés, nécessite de nouveaux efforts d’innovation. Le développement de la société s’est fait surtout par l’acquisition ou le partenariat avec des firmes spécialisées. Les efforts de recherche et développement ont, à ce stade, été plutôt limités et les projets du plan stratégique, plus ambitieux qu’auparavant, nécessitent de mettre en œuvre une politique adaptée. L’augmentation de la part des ressources consacrée à l’innovation, déjà entamée, doit se poursuivre, et il est également nécessaire de rationaliser le choix des technologies et l’organisation des personnels qui s’y consacrent.

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1. Un effort jusqu’ici relativement limité de recherche et développement (R&D)

Le niveau de ressources dédiées à la R&D par le groupe Imprimerie nationale a été, dans le passé, relativement faible rapporté aux efforts d’innovation technologique nécessaires dans ce secteur. On note néanmoins une prise en compte de cette préoccupation dans le plan stratégique du groupe, et une légère augmentation des ressources qui y sont consacrées depuis 2012. Les dépenses de R&D ont atteint, en 2012, 2,8 M€ (1,8 % du CA) et en 2013 3,8 M€ (2,3 % du CA). Elles ne sont cependant pas comparables à celles du concurrent allemand, la Bundesdruckerei (30 M€ en 2013, 7,5 % de son CA).

La politique de l’Imprimerie nationale a consisté à acheter les technologies, par exemple dans le domaine des composants, plus qu’à se lancer dans une politique de R/D propre. Ainsi, l’Imprimerie nationale a peu de brevets (même si elle dispose de licences) à son actif. Une exception notable à cette politique d’acquisition de technologies par achat ou partenariat est la solution intégrée Pass’IN, élaborée grâce à une formation de type « start-up », avec une infrastructure composée d’un système de gestion de cartes, de gestion de clés et de services associés.

Cette politique est en cours d’évolution avec le souhait de l’Imprimerie nationale de se situer sur l’ensemble de la chaîne de valeur, des composants (acquisition de SPS, qui détient de nombreux brevets) au service.

2. L’Imprimerie nationale a identifié un très large ensemble de pistes de développement qui portent sur l’ensemble de la chaîne de valeur technologique

Le développement des services associés aux titres sécurisés suppose que l’Imprimerie nationale conçoive de nouveaux systèmes d’intégration de données. L’optimisation de la production des titres sécurisés se fait sur les trois parties de la chaîne de valeur :

Composants Briques logicielles Systèmes et services Puces, OS, inlays, Substrat, Encartage

PKI, biométrie, authentification forte, personnalisation

Intégration des systèmes informatiques

L’Imprimerie nationale a ainsi identifié dans son plan stratégique de nombreux secteurs clés et 40 projets à développer sur toute la chaîne de valeur. Les projets concernent principalement le développement de nouveaux produits et l’acquisition de technologies nouvelles ou à venir.

À la suite de ce recensement, l’Imprimerie nationale a identifié plus de 30 partenaires possibles pour les « briques » technologiques qui lui manquent, parmi lesquels Thalès, et de plus petits groupes comme NXP (composants) ou Keynectis (PKI).

Cette énumération très large de pistes de développement technologique et de partenariats potentiels à nouer montre le dynamisme du secteur et les potentialités du groupe Imprimerie nationale. Elle doit être désormais être hiérarchisée et articulée à des ressources précises pour éviter un développement « tous azimuts ».

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3. Une feuille de route qui doit être désormais précisée et hiérarchisée

L’acquisition de la société SPS ne fournit qu’une réponse partielle à la problématique de développement du groupe dans la mesure où SPS n’est présente que sur une partie de la chaîne de valeur technologique. Il est, à cet égard, important que cette acquisition ne mobilise pas toutes les ressources du groupe, compte tenu de la rapidité de l’évolution des technologies clés sur le cœur de métier de l’Imprimerie nationale.

La déclinaison de la feuille de route en un plan d’actions hiérarchisé est désormais une nécessité pour l’avenir de l’Imprimerie nationale, dans un secteur en mutation technologique rapide et en tenant compte d’une capacité de R&D encore limitée. Cette feuille de route devrait identifier un petit nombre de projets de premier plan et décrire les moyens de les réaliser (R&D interne ou acquisitions).

Un renforcement de l’équipe dédiée pour piloter cet effort paraît également nécessaire. D’une part, les ressources humaines consacrées à la R&D ne sont pas unifiées dans une équipe à plein temps, mais relèvent de deux équipes distinctes, l’une concernant le « hardware » (composants physiques) et l’autre le « software » (« briques » logicielles) : cette division en deux équipes n’est pas en soi critiquable mais gagnerait néanmoins à s’accompagner de la coordination par un seul responsable de la recherche. D’autre part, au sein des 61 personnes qui font de la recherche, beaucoup sont encore à temps partiel (13) ou se consacrent à de l’innovation ponctuelle plus qu’à de la recherche (centre d’appel, archivage…).

B. Une gestion des ressources humaines à faire évoluer

1. Une évolution des effectifs à maîtriser

Les effectifs de l’Imprimerie nationale ont connu une réduction rapide puisqu’ils sont passés, à la suite des deux plans de sauvegarde de l’emploi, de 1 609 personnes à 526 entre 2003 et 2009.

En 2009, l’effectif a atteint un minimum. Il a légèrement recommencé à augmenter à partir de 2011, avec un double mouvement (+ 1,3 % par an) :

* une baisse continue des effectifs industriels grâce aux départs à la retraite (dans l’activité d’impression en continu mais pas dans l’activité de titres ni dans l’édition dont les effectifs avaient déjà été réduits à la suite du plan de 2005) ; * une augmentation, en revanche, des effectifs tertiaires et des cadres, en lien avec la transformation de l’entreprise. Des fonctions supports qui avaient disparu lors des restructurations précédentes ont été recréées: comptabilité, service juridique, etc… * on note la présence d’un volant significatif de contrats à durée déterminée (CDD) pour faire face à des missions ponctuelles ou à des activités en période de démarrage. L’Imprimerie nationale a parfois eu recours à des salariés en CDD pour des opérations de développement avant de les recruter.

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2009 2010 2011 2012 2013 2014 (juin) Effectifs permanents au 31/12 526 526 536 538 549 560 Turn over 2,5 % 6 % 8,7 % 6,3 % 3,2 % Age moyen 44 45 45 45 45 Effectifs temporaires au 31/12 39 30 Effectifs totaux Groupe 588 590 N.B. : Le « turn-over » est particulièrement important en 2011 à cause du plan de retour à l’équilibre et de réduction des effectifs de l’impression en continu

Dans le détail, le tableau suivant illustre l’augmentation des fonctions support et services de confiance, ainsi que le recul de la branche IFN (impression traditionnelle).

Effectifs permanents par métier au 31/12

2011 2012 2013 2014 (juin)

Branche APB 227 231 232 243 IFN (Continu et PGN) 132 120 108 104 Service de confiance 53 61 65 64 Fonction supports 73 72 83 90 D2S2 37 41 48 47 Atelier du livre 14 13 13 12 TOTAL 536 538 549 560

Dans les années à venir, et aux termes du PMT 2014-2016, cette augmentation des effectifs va se poursuivre, à un rythme légèrement plus rapide (+ 2 %).

Effectifs moyens sur l’année 2013 2014* 2015* 2016* Effectif total (permanents et temporaires)

599 617 627 635

p.m. Intérim en ETP 70 34 29,5 29,5

Cette augmentation de l’effectif total est présentée comme nécessaire pour assurer le développement de l’Imprimerie nationale. Elle ne se justifie que si ce développement se confirme, ce qui nécessite un pilotage de l’évolution des effectifs en fonction du chiffre d’affaires. Par ailleurs, elle appelle trois remarques complémentaires :

• Elle est significative (+ 36 personnes), dans un contexte de départs en retraite pourtant importants : 58 sont identifiés jusqu’en 2016, soit « un turn-over » de 3,5 % par an.

• Elle s’accompagne d’une diminution des effectifs intérimaires, ce qui explique que le nombre des équivalents temps plein (ETP) est, en réalité, stable : l’Imprimerie nationale substitue progressivement de l’emploi permanent à de l’emploi temporaire.

• Ce souci de pérenniser certains emplois jusqu’ici temporaires se justifie par le développement du groupe. Cette évolution doit néanmoins être pilotée avec la souplesse nécessaire pour pouvoir adapter les effectifs à un développement de l’activité moins dynamique que prévu.

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2. Une hausse du coût moyen par agent qui doit désormais être modérée

a- Une évolution du coût moyen par agent assez forte et peu corrélée à la performance

Les effectifs de l’Imprimerie nationale sont, en grande partie, formés de salariés de droit privé puisque tel a été le mode de recrutement choisi à partir de 1994. Il reste cependant 150 ouvriers sous statut, et 7 fonctionnaires relèvent du ministère des finances. Il convient toutefois de noter que le statut juridique impacte assez peu l’évolution de la rémunération des agents, dans la mesure où celle-ci obéit à une grille et à des facteurs d’évolution relativement figés que ce soit dans des conventions collectives ou dans des textes réglementaires.

Ceci explique en partie le dynamisme de l’évolution du coût moyen par agent, comme le montre le tableau suivant :

2009 2010 2011 2012 2013 Evolution des salaires des non cadres Effet niveau 1,00 % 1,00 % 2,01 % 2,42 % 1,61 % Effet masse 0,50 % 0,80 % 1,30 % 1,70 % 1,16 % Effet report 0,50 % 0,25 % 0,74 % 0,73 % 0,44 % GVT groupe 0,83 % 0,56 % 1,82 % 2,09 % 1,79 % Evolution RMPP (report N-1 + GVT N + masse N)

1,86 % 3,37 % 4,53 % 3,68 %

Ratio masse salariale chargée/chiffre d’affaires consolidés groupe

21 % 20 % 22 % 22 % 22 %

CA/agent permanent (€) 249 000 295 000 273 000 288 000 299 000 Salaire moyen des ouvriers sous décret (INCS)

2870 3009 (+4,8 %)

3158 (+4,9 %)

Salaire moyen des ouvriers sous décret (INSA)

2 607 2787 (+6,9 %)

2896 (+3,9 %)

• L’augmentation annuelle des salaires (en niveau) est régulière et forte depuis 2011, supérieure à l’inflation, même si elle était justifiée au départ par une période de quasi-stagnation entre 2005 et 2011 et par le retour aux bénéfices, dans un climat social apaisé. La négociation de 2014 a de nouveau abouti à une hausse des rémunérations largement plus élevée (1,6 %) que l’inflation prévisionnelle, et plus encore que l’inflation constatée (0,4 %) ;

• Le niveau de glissement vieillissement technicité (GVT) est important, même s’il est comparable à ce qu’on peut observer dans des entreprises sous statut. Le pilotage de l’Imprimerie nationale ne permet pas de distinguer le GVT positif du GVT négatif, ce qui permettrait d’apprécier le montant mécanique des augmentations salariales liées à l’avancement à l’ancienneté ou à la progression des qualifications par rapport à l’effet induit par la substitution de qualifications plus élevées. Au sein de ce GVT, la part vieillesse est estimée à 0,2 %, le reste relevant des augmentations liées à la technicité en reconnaissance des compétences acquises. Cette forte progression grève la capacité de l’entreprise à accorder des augmentations salariales individuelles liées à la performance significatives ;

• L’octroi d’augmentations individuelles est peu développé voire inexistant. Toutefois, on note que, pour la première fois en 2014, l’accord sur les salaires a prévu un montant spécifique consacré aux augmentations individuelles, à hauteur de 0,5 %.

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• Sur la période 2009-2013, l’évolution de la rémunération moyenne des personnels en place (RMPP) est importante au regard du contexte économique et du ralentissement des progressions de salaire, constaté dans les secteurs public et privé

En définitive, l’Imprimerie nationale doit mieux piloter l’évolution de son coût moyen par agent, en distinguant le GVT positif du GVT négatif et en suivant l’évolution de la RMPP, afin de maîtriser la progression de la masse salariale résultant du seul effet de l’avancement à l’ancienneté.

De plus, après une période d’apaisement très net du dialogue social (diminution des jours de grève, signature d’accords salariaux depuis 2010), il est impératif de limiter les augmentations générales annuelles et de donner plus de poids aux augmentations individuelles liées à la performance.

Enfin, il est nécessaire de procéder à un réexamen des dispositifs traditionnels d’avancement à l’ancienneté.

b- Un développement des parts variables à poursuivre

Depuis 2010, a été mise en place une politique de part variable avec des objectifs quantitatifs et qualitatifs (division entre objectifs individuels et résultats de l’entreprise : 70 %-30 % pour les membres du comité exécutif, 60 %-40 % pour les cadres, 50 %-50 % pour les salariés intermédiaires).

S’agissant des autres catégories de salariés, des primes exceptionnelles ont parfois été versées (en 2011 notamment, pour 250 € bruts). Ces primes sont financièrement moins avantageuses pour l’entreprise qu’un accord d’intéressement.

Par ailleurs, les accords salariaux annuels prévoient chaque année une mesure spécifique en faveur des bas salaires (de 140 € à 270 € en fonction de la grille). Reconduite chaque année, cette mesure ne saurait pour autant être assimilée à une part variable et s’assimile à une prime dont la reconduction présente de facto un caractère automatique.

3. Une progression rapide des rémunérations les plus élevées qui doit être maîtrisée

Le tableau suivant retrace l’évolution des 10 rémunérations les plus élevées. On constate une évolution forte entre 2009 et 2013, qui s’explique pour partie par le renouvellement et la professionnalisation accrue des équipes entre 2009 et 2010, pour partie par l’augmentation des salaires, à bénéficiaire identique, depuis cette période. D’une manière générale, le total des rémunérations des fonctions de direction paraît élevé au regard de la taille et de l’organisation de l’entreprise. Une stabilisation de l’ensemble de ces rémunérations est désormais nécessaire.

En €, yc avantages en nature 2009 2010 2011 2012 2013 TOTAL 948 000 1 218 000 1 647 000 1 641 000 1 916 000 % +28 % +35 % -0 % +16 % +102 %

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La rémunération du président-directeur général (PDG) a fait l’objet d’une note approuvée par la ministre de l’économie et des finances en octobre 2009. Elle a été fixée à 260 000€ pour la part fixe et à 200 000 € pour la part variable maximale, avec un total inférieur à sa rémunération précédente. La part variable dépend pour 70 % de critères quantitatifs (excédent brut d’exploitation, besoin en fonds de roulement, trésorerie du groupe) et pour 30 % de critères qualitatifs (évolution technologiques, dialogue social, qualité de la planification financière). Elle fait l’objet d’un examen, chaque année, au comité des rémunérations et est approuvée formellement (courrier écrit) par la tutelle. Hors avantages en nature, la rémunération du PDG a baissé pour être conforme au décret du 26 juillet 2012 ; elle s’est établie à 417 274 € en 2014, 450 260 € en 2013, 459 448 € en 2012 (la fixation de la rémunération variable pour 2011 payée en 2012 était intervenue le 5 avril 2012, soit avant la publication du décret du 26 juillet).

4. Une adaptation des effectifs aux nouveaux métiers qui doit se poursuivre

Des efforts de formation ont été rendus nécessaires par la mutation des activités de l’Imprimerie nationale, notamment parmi les employés des activités industrielles. Le groupe a ainsi augmenté ses dépenses de formation depuis 2011:

2011 2012 2013 Pourcentage de la masse salariale consacrée à la formation continue

2,89 % 3,32 % 4,04 %

Ingénieurs et

cadres Agents de maîtrise

Employés Ouvriers qualifiés

Nombre d’heures de stage en 2012

544 402 146 1370

Nombre d’heures de stage en 2013

1235 705 170 2040

Plus récemment, pour tenir compte de l’évolution des technologies et des métiers nécessaires à son nouvel environnement, l’Imprimerie nationale a signé en mars 2013 avec ses partenaires sociaux un accord « cap compétences » relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cet accord comprend plusieurs volets :

• Une cartographie des métiers avec une description de leur contenu, par famille et par poste. La description des métiers a été réalisée avec l’aide de consultants.

• Un chantier de référentiel de compétences transversales et comportementales, qui doit servir de support d’évaluation des agents par leur hiérarchie. L’ambition est de changer la culture de travail en favorisant la prise de risque et le travail collaboratif.

• Une identification des impacts de la stratégie à court et moyen terme sur les métiers et les compétences. Une instance, l’Observatoire Cap Compétences, est créée à cet effet.

• Plus largement, une gestion des parcours professionnels et de la formation.

Par ailleurs, l’Imprimerie nationale a recruté une nouvelle directrice des ressources humaines dont l’objectif est de faire évoluer la gestion des ressources humaines vers plus « d’adaptabilité ».

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En juin 2014, le chantier « compétences » était achevé à 75 % - ainsi que d’autres chantiers liés au maintien dans l’emploi des « seniors » et au recrutement de jeunes - mais 85 % de la cartographie des métiers restait encore à finaliser. Ce dernier point est pourtant décisif si l’Imprimerie nationale veut réussir dans son nouveau positionnement.

En dépit de la bonne tenue des indicateurs sociaux, le chantier relatif à l’évolution des métiers reste donc un point d’attention.

C. Une politique commerciale et de développement à l’exportation à poursuivre

1. Une politique commerciale qui s’est peu à peu mise en place

La politique commerciale a été formalisée en 2010 par la constitution d’une « base clients » (État, collectivités publiques, sociétés…) et par la mise en place d’une démarche de prospection systématique. La direction chargée du développement et de la politique commerciale s’est renforcée, un nouveau directeur a été recruté. Au sein de cette direction, dont les effectifs sont répartis entre INSA et INCS, l’équipe commerciale stricto sensu est de quinze personnes, dont dix sur le marché national, une spécifique à l’ANTS et quatre pour l’exportation.

2. Une politique de développement à l’exportation qui a été rationalisée

a) Des procédures de réponse aux appels d’offres éclaircies

Pour éviter de reproduire les erreurs et difficultés rencontrées par l’entreprise dans les années 2000 sur les marchés à l’exportation, un audit a été demandé à la société anonyme d’expertise comptable et de commissariat aux comptes KPMG en 2008 avec des recommandations portant sur les procédures :

- Mise en place d’un code et d’un responsable d’éthique - Expression du besoin à l’exportation - Mise en place de procédures et de contrats types - Modalités de rémunération mieux précisées

Ces recommandations ont été mises en place en 2009, après avis de l’agence d’intelligence économique (ADIT) et de l’agence des participations de l’État ; ces dernières ont renforcé les préconisations de l’audit en demandant une amélioration de la procédure de sélection des partenaires ainsi que des procédures de pilotage et de délégation précises. Elles ont été évoquées au comité d’audit puis au conseil d’administration du 8 octobre 2009.

Les procédures à l’exportation ont été évoquées ultérieurement lors du passage devant le conseil d’administration de la stratégie à l’exportation en septembre 2011. Lors du conseil d’administration du 11 juillet 2012, il a toutefois été demandé par certains administrateurs la production d’un nouveau document intégrant le retour d’expérience et prévoyant une organisation et un processus de décision spécifique (« screening » des partenaires pour chaque projet). Le soin de définir les modalités de ce processus de décision a été renvoyé à l’élaboration d’une future stratégie à l’exportation. Ce sujet n’est toutefois que partiellement mentionné dans le document d’appui au plan stratégique de 2014-2016, qui traite surtout des questions de stratégie commerciale et industrielle et d’organisation interne, et non des procédures de maîtrise des risques.

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b) Des prix de vente qui couvrent plus que le coût de revient et préviennent contre le risque de subvention des activités commerciales par les activités sous monopole

Les règles de facturation interne garantissent contre une vente à perte sur les marchés à l’exportation. Sur certains produits, on constate même que le prix de vente à l’exportation est plus élevé de 25 % que le prix de vente sur le marché national, avec cependant des différences dans la nature de la prestation.

Il reste que le taux de marge réalisé à l’export est encore globalement moins élevé que celui réalisé au niveau national, ce qui renvoie au déséquilibre déjà noté entre les rentabilités des différentes activités de l’IN et à la nécessité de les rééquilibrer progressivement.

c) Une ambition forte mais à concrétiser

Dès l’arrivée du nouveau PDG et l’élaboration du plan « Cap 2015 », le développement du chiffre d’affaires à l’exportation est apparu comme un facteur clé de sécurisation de la trajectoire financière et de consolidation du savoir-faire de l’Imprimerie nationale.

Une stratégie à l’exportation a d’abord été finalisée en septembre 2011 et présentée au conseil d’administration. Elle a mis en valeur les points suivants :

• un marché cible concentré sur la production de documents de voyages (passeports électroniques, visa) et de cartes électroniques (cartes d’identité, permis) à fort contenu de sécurité, fondé notamment sur le développement des passeports et des cartes d’identité électroniques. Dans l’étude citée, il était prévu que 66 % des pays choisiraient une carte nationale d’identité électronique en 2015 (marché en croissance de + 70 %) et 84 % des passeports seraient électroniques (marché en croissance de + 100 %) ;

• un positionnement de l’Imprimerie nationale passant peu à peu du statut de sous-traitant d’intégrateurs locaux ou internationaux sur ce segment de l’offre de passeports ou de cartes à un statut d’ensemblier proposant des solutions clé en main ;

• une focalisation sur la zone Afrique et Moyen-Orient en tant que partenaire de premier rang et un développement progressif sur les autres zones en tant que sous-traitant ou partenaire technique ;

• un chiffre d’affaires passant de 3 M€ en 2011 à 10 M€ en 2013 et 15 M€ en 2014 ;

• un réseau de partenariats techniques et commerciaux.

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Dans les faits, le développement des marchés à l’exportation a été plus faible qu’envisagé, atteignant 4 M€ en 2013. Le nouveau plan stratégique de décembre 2013 a néanmoins maintenu l’ambition d’un développement à l’exportation avec un chiffre d’affaires fixé à 25 M€ à l’horizon 2016. Cette prévision se fonde sur une croissance forte du marché des titres électroniques et surtout sur un gain de cinq marchés importants en 2014-2015 dans des pays d’Afrique ou du Moyen-Orient. Cette progression rapide nécessitera, pour se réaliser, des ressources internes importantes et, compte tenu du taux d’échec sur les marchés où l’Imprimerie nationale est en compétition, un élargissement des zones géographiques de prospection à d’autres continents.

- Recommandation n° 7 : maîtriser l’évolution de la masse salariale en ne dépassant pas l’inflation pour les augmentations générales et en développant les éléments individuels et variables de rémunération

- Recommandation n° 8 : mener rapidement à terme le chantier de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences

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VII. Une diversification stratégique dont il faut assurer le succès : l’acquisition de Smart Packaging Solutions (SPS)

Historiquement, l’Imprimerie nationale a investi successivement dans plusieurs sociétés au cours des années 2000.

Dans les années récentes, l’Imprimerie nationale a été amenée à rationaliser son portefeuille de participations en cédant les sociétés déficitaires, qui n’étaient pas dans son cœur de métier et qui ne contribuaient pas à sa nouvelle stratégie de fournisseur de solutions technologiques et de services ; à l’inverse elle a pris des participations dans d’autres sociétés qui concourraient à renforcer sa place dans la chaîne de valeur.

Cette stratégie de croissance développée depuis quelques années dans les PMT successifs et consacrée dans le PMT de décembre 2013 puis dans l’acquisition récente de la société SPS est mise en œuvre selon des modalités identiques : prise de participation avant montée progressive au capital. Elle soulève des questions de fond (avantage d’une prise de participation et encore plus d’un contrôle total par rapport à un partenariat ou à un investissement direct), de stratégie (intérêt de la société acquise) et de prix (calcul de la valeur de l’acquisition).

A. Une restructuration progressive du portefeuille des différentes filiales, après des diversifications et prises de participation plutôt hasardeuses

1. Une cession des participations peu stratégiques et déficitaires

Cette politique de rationalisation des participations minoritaires et déficitaires a, en dehors des cas de Keynectis et d’ATS déjà évoqués, concerné plus récemment les sociétés Sakarah et RRD-IN.

a) Sakarah

Sakarah était une entreprise spécialisée dans la dématérialisation et le partage électronique de données créée en 1997 sous la forme d’une « start up ». Elle gérait une plate-forme de gestion dématérialisée de factures que ses équipes avaient développée en 2007 et 2008, avec une technologie essentielle au regard des objectifs stratégiques de l’Imprimerie nationale. Cette plate-forme était, du reste, son principal actif. IN Participations détenait 100 % du capital de Sakarah et était propriétaire de la plate-forme et d’une partie du matériel.

A la fin des années 2000, il est apparu que les clients utilisateurs de la plate-forme étaient peu nombreux. Les pertes en 2009 et en 2010 étaient respectivement de – 358 000 € et de – 1 066 000 €, au regard d’un chiffre d’affaires respectivement de 358 000 € et de 616 000 €.

Trois solutions se présentaient :

• L’arrêt de l’activité, ce qui aurait permis de mettre fin à la contribution négative de Sakarah mais se serait traduit par des coûts d’interruption et de restructuration de 1,4 M€, compte tenu des obligations contractuelles et du nombre de salariés présents dans la société.

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• Le développement commercial de Sakarah avec une intégration au sein de l’appareil productif de l’Imprimerie nationale. Cette solution aurait contribué à faire peser sur le groupe Imprimerie nationale un déficit important mais elle pouvait se justifier par l’intérêt de la technologie possédée par Sakarah.

• L’adossement de l’activité de Sakarah à un investisseur capable de développer la société.

C’est la troisième solution qui a été retenue. Il n’a pas été trouvé trace d’une étude comparative entre ces trois solutions, pesant leurs avantages et leurs inconvénients respectifs dans les domaines technologiques et financiers. Toutefois, le projet a fait l’objet d’une présentation régulière devant les comités d’audit et le conseil d’administration (22/7/2010 et 7/12/2010), avec un point sur les négociations.

La mise en œuvre de l’adossement a pris toute l’année 2010. Le premier semestre 2010 a été consacré à la recherche d’un partenaire qui pourrait reprendre tout ou partie de l’activité de la plate-forme afin d’assurer son développement au sein d’une société nouvelle. Début septembre, trois offres ont été reçues (Newfund, Archiveco, Tessi), réduites à une (Tessi) après abandon et désistement des deux autres. Présent sur le marché de la dématérialisation de documents (bulletins de paye), Tessi voyait en effet un avantage à l’acquisition de la plate-forme et du portefeuille commercial de Sakarah.

La négociation finale a reposé sur l’équilibre suivant :

• Constitution d’une société ad hoc à laquelle sont transférés les actifs et le personnel de Sakarah, y compris la propriété intellectuelle de la plate-forme et le fonds de commerce.

• Valorisation du fonds de commerce à 430 000 €, soit un an de chiffre d’affaires, après rapport d’expertise.

• Maintien du groupe IN dans la société New Co à hauteur de 20 % avec un droit de sortie et de vente des actions en fonction du chiffre d’affaires réalisé par la société en 2013, en-deçà d’un niveau minimal.

• Mise en sommeil de la société Sakarah existante, qui a finalement été liquidée en 2012, avec une augmentation de capital de 3,2 M€ permettant de compenser les dettes de trésorerie de Sakarah vis-à-vis de la maison-mère et de ne pas procéder à un abandon de créances de 3,2 M€.

En décembre 2013 le groupe Imprimerie nationale a cédé à Tessi pour l’euro symbolique la participation qu’il détenait dans la société NewCo, ce qui a représenté une perte de 30 000 €.

Cette opération a été relativement protectrice des intérêts de l’Imprimerie nationale (désengagement d’une entreprise déficitaire, perception d’une somme pour le fonds de commerce, droit de sortie fixé à l’avance et maintien d’un droit de regard sur l’activité de la société), même s’il faut relativiser le montant du prix perçu (430 000 €) au regard des dettes de trésorerie cumulées de la société Sakarah (3,2 M€). Le conseil d’administration a été tenu informé de la situation globale de Sakarah de manière annuelle à l’occasion de l’examen des rapports de gestion.

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b) RRDonnelley-IN

RRD-IN est une « joint-venture », créée en 2006 dans le cadre du plan de restructuration, avec l’ancienne imprimerie nationale anglaise, rachetée par le groupe Donnelley et spécialisée dans la logistique, la préparation de commandes et l’envoi de documents imprimés. L’objectif était le développement de nouvelles activités avec le groupe RRD. Elle est localisée à Douai juste à côté de l’Imprimerie nationale.

Il est apparu rapidement que le chiffre d’affaires était essentiellement réalisé avec l’Imprimerie nationale et donc que le partenariat avait peu d’intérêt. De plus, les résultats étaient devenus négatifs, dans un marché de la vente par correspondance en pleine attrition.

Aussi l’Imprimerie nationale a-t-elle décidé de céder les titres détenus dans RRD-IN en 2012, pour une valeur supérieure à la valeur nominale avec un complément de prix prévu en fonction de l’évolution du chiffre d’affaires. Elle a ensuite abaissé sa prétention financière en proposant de céder sa participation à 1’euro symbolique. Cette offre a été refusée par la société mère, Donnelley.

La situation est, pour l’heure, bloquée. Un nouveau plan de restructuration a été défini par l’actionnaire majoritaire (vente de l’activité de vente par correspondance, réduction des coûts) dont il est trop tôt pour mesurer les effets.

2. Une acquisition de 15 % des parts d’une société possédant une technologie essentielle (SPS) en 2010

La société Smart Packaging Solutions est issue de Gemalto ; elle utilise une technologie de couplage électromagnétique entre une puce et une antenne permettant de faire de l’identification à distance. Cette solution de connexion (entre la puce et l’antenne insérées toutes deux dans la carte) équipe des cartes duales (identification de la carte à distance et par contact avec un lecteur) et des cartes sans contact pur (identification seulement à distance).

Cette société connaissait des difficultés importantes début 2010, avec une baisse du chiffre d’affaires, un excédent brut d’exploitation déficitaire et des capitaux propres négatifs, ce qui avait donné lieu à un processus de surveillance. Toutefois, son intérêt stratégique et ses perspectives de développement ont amené l’Imprimerie nationale à s’intéresser, conjointement avec le Fonds de consolidation et de développement des entreprises, outil d’investissement public-privé en partie possédé par la Caisse des dépôts et consignations, à cette société pour lui permettre de redémarrer après un plan de restructuration.

L’intérêt d’une prise de participation était double pour l’Imprimerie nationale :

• acquisition d’une technologie potentiellement d’avenir pour son métier de production des titres sécurisés et possibilité d’étendre la position de l’Imprimerie nationale sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la production des titres ;

• opportunités de développement éventuelles sur des marchés liés à l’identité (développement de l’accès à des services publics associés aux cartes d’identification -« e-gouvernement » -) voire autres que le marché de l’identité (marché bancaire…)

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Fin 2010, l’Imprimerie nationale a acquis 15 % de SPS, en lien avec le FCDE pour une valeur de 2 M€ (dont 1,3 M€ en obligations convertibles et 0,7 M€ en acquisition de parts). Au terme de l’opération, le capital était détenu à 48 % par l’Imprimerie nationale et le FCDE (qui avaient cependant la majorité des voix en termes de gouvernance) et à 52 % par un fonds détenu par les fondateurs.

L’acquisition de 15 % de SPS s’est effectuée après un certain nombre de « due diligences », effectuées principalement par le FCDE :

- vision du potentiel industriel : il est apparu qu’il n’y avait pas d’investissements prévus à court terme et que la technologie était encore valable trois ans, mais avec la nécessité d’un renouvellement ensuite ;

- vision juridique et maîtrise de la propriété intellectuelle notamment : exclusivité du brevet par SPS sur 4 ou 5 pays ;

- vision sociale : le management devait être renouvelé et remplacé en partie, avec le recrutement d’un directeur industriel ;

- vision financière : la projection initiale de chiffre d’affaires et le plan d’affaires présentés par la société SPS avaient été revus à la baisse.

Par ailleurs, le pacte d’actionnaires prévoyait bien le contrôle de l’Imprimerie nationale et du FCDE (3 sièges sur 5 au conseil de surveillance) et un droit de sortie.

Le comité stratégique a donné un avis favorable au projet, le 17 novembre, sous réserve de la finalisation des « due diligences » notamment sur les aspects financiers. Réuni le 14 décembre 2010, le comité d’audit a également donné un avis favorable. Une remarque a cependant été formulée sur l’absence de valorisation dans la « due diligence » financière et un calcul de la valorisation uniquement fondé sur le multiple de « l’Earning before interests taxes dépréciations and amortization » (EBITDA). Il est également précisé au compte-rendu que les « due diligences » n’étaient parvenues à l’Imprimerie nationale que dans les tout derniers jours.

Le conseil d’administration a approuvé l’opération le 14 décembre 2010, soit immédiatement après le comité d’audit. On peut regretter cette concomitance qui n’a pas permis de prendre en compte toutes les remarques du comité d’audit.

En 2011 puis en 2012 la société est redevenue bénéficiaire, de 919 000 puis de 2,9 M€.

À la différence des opérations de prise de participations précédemment citées, l’acquisition de 15 % des parts de SPS ne correspondait pas à une diversification d’activité et de chiffre d’affaires sur les métiers « classiques » de l’Imprimerie nationale. Elle avait pour objet d’acquérir une technologie lui permettant de conserver une compétitivité prix et hors-prix sur ses concurrents. Par ailleurs, elle était soumise à un processus de « due diligences » conduites par le FCDE, concernant tant le potentiel actuel de la société que ses perspectives. À ce titre, elle n’appelle pas d’observation majeure.

3. Une politique de participations et d’acquisition à définir au regard d’autres modalités possibles de développement externe

La politique suivie en matière de participations de l’Imprimerie nationale depuis 2009 a consisté à se désengager de partenariats peu profitables, essentiellement de nature commerciale, pour privilégier une participation dans une société disposant d’une technologie intéressante au regard du cœur de métier de l’Imprimerie nationale.

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Il reste que l’utilisation de l’instrument de l’entrée au capital pour acquérir des technologies clés et stimuler la politique de recherche-développement du groupe ne peut être exclusive, compte tenu du montant de ressources mobilisées, du risque financier et des difficultés inhérentes au pilotage d’une filiale.

Trois conditions sont nécessaires pour réduire les risques :

• L’articulation à une vision industrielle : le plan stratégique de décembre 2013 va dans ce sens ;

• Une analyse de l’intérêt d’une prise de participation – a fortiori de l’acquisition de la totalité des parts de l’entreprise – par rapport à d’autres formes de partenariat, eu égard à la consommation de ressources et à l’effet d’éviction que représente toute acquisition par rapport à d’autres investissements

• Un pilotage de la prise de participation ou de la filiale par une personne responsable, voire par une équipe spécifique, afin de prévenir les risques.

À cet égard, la décision d’acquérir la totalité du capital de SPS en mars 2014 soulève une interrogation tenant à l’intérêt stratégique et industriel de cette décision – et plus précisément de l’acquisition des parts des actionnaires fondateurs, en sus de l’acquisition des parts du FCDE qui permettait à l’Imprimerie nationale d’exercer un contrôle sur l’entreprise - au regard d’autres modalités contractuelles d’association et de partenariat moins consommatrices de ressources.

B. Une prise de contrôle de la société Smart Packaging Solutions qui soulève des interrogations portant sur la décision de procéder à une acquisition intégrale de la société et sur le mécanisme de complément de prix versé aux actionnaires fondateurs

1. Une acquisition progressive de la totalité des parts décidée fin 2013

Fin 2013, l’Imprimerie nationale, à l’occasion de son plan stratégique approuvé par l’État (cf partie IV), a jugé nécessaire de se lancer dans des acquisitions externes afin de se développer sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la production de titres et de multiplier son chiffre d’affaires sur des segments d’activité et des marchés géographiques où elle était peu présente.

Dans le même temps, le FCDE étant vendeur de ses parts dans SPS (35 % du capital). L’intérêt d’acquérir les parts du FCDE et de monter au capital de SPS en en prenant le contrôle a été justifié par l’Imprimerie nationale par les raisons suivantes:

• présence de SPS sur un segment essentiel dans la chaîne de valeur de la production des titres, à savoir « l’inlay « (support avec antenne permettant de faire le lien entre la puce et le lecteur) et la technologie duale (lecture de la puce avec et sans contact).

• avantage compétitif fort de SPS sur ce segment compte tenu de la robustesse de la technologie duale utilisée12. Elle permet de réduire le coût direct de production du support du passeport électronique par réduction de la gâche ;

12

La technologie SPS est fondée sur une connexion non physique (via une micro-antenne et non un fil ou un film adhésif) entre l’antenne et la puce, dite de couplage inductif, qui réduit le taux de gâche et est moins chère.

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• accroissement de la technologie duale au niveau mondial essentiellement du fait du marché bancaire : croissance des émissions de cartes duales de 18 % par an, en raison du développement du paiement sans contact pour les transactions de faible valeur. La croissance du marché des documents d’identité électronique de + 9 % par an devrait également s’accompagner d’une légère augmentation de la part de la technologie duale, du fait des pays émergents ;

• expansion prévue de SPS sur ces marchés. Sur le marché bancaire, qui représente 40 % de son activité, SPS équipe aujourd’hui 13 % des cartes duales dans le monde et a signé un contrat avec Morpho et des encarteurs indépendants lui permettant d’espérer atteindre une part de marché de 26 % à l’horizon 2018. Sur le marché de l’identité, qui représente 60 % de son activité, SPS équipe 9 % des cartes d’identité électroniques dans le monde (et 2 % des passeports). Dans un secteur en pleine expansion, la constitution du nouveau groupe doit permettre de maintenir cette part de marché, voire de l’augmenter sur les passeports, en bénéficiant d’économies d’échelle ;

• de façon générale, la forte présence de SPS à l’exportation (85 % de ses ventes) mettait l’Imprimerie nationale en situation de tirer parti du portefeuille commercial de SPS pour dynamiser ses propres ventes (au Maroc, au Nigéria).

À la différence des prises de participation menées à la fin des années 2000, l’acquisition des parts restantes de SPS s’est effectuée après des analyses stratégiques et financières détaillées, menées avec l’aide du cabinet Advancy et du cabinet Axys entre le mois d’octobre et le mois de mars 2014. Des réunions ont eu lieu avec la tutelle dès le mois de décembre 2013 pour évoquer l’intérêt stratégique et la valorisation financière de la société. Selon l’Imprimerie nationale, le partenariat existant qui donnait satisfaction aux deux parties, garantissait une bonne visibilité sur le contexte de l’acquisition.

Après passage devant le comité stratégique et le comité d’audit, l’opération d’acquisition a été autorisée par le conseil d’administration du 27 mars 2014 à l’unanimité de ses membres. La note de l’APE aux ministres de l’économie et de l’industrie s’était prononcée pour l’opération sans réserves, compte tenu de l’intérêt stratégique de l’opération, des perspectives de développement de la société et du maintien de l’équipe dirigeante jusqu’en 2018. Les débats au conseil d’administration montrent que ses membres se retrouvent sur l’intérêt de l’opération, compte tenu du plan d’affaires de SPS, des risques d’une acquisition de SPS et de sa technologie par un acteur industriel concurrent de l’Imprimerie nationale, de l’intérêt de cette technologie pour l’Imprimerie nationale tant sur le plan industriel que financier. Un dernier argument est que l’accroissement du chiffre d’affaires anticipé permettrait de compenser la baisse inévitable des activités régaliennes.

Le « closing » de l’opération a lieu le 7 mai 2014 et l’arrêté autorisant la société INSA à souscrire à l’augmentation de capital de la société INCS, permettant à celle-ci d’acquérir les parts du FCDE, est publié le 30 avril 2014.

En sus de cette acquisition des parts du FCDE, portant la détention des parts de SPS par l’Imprimerie nationale à 51 %, deux promesses d’achat et de vente entre l’Imprimerie nationale et les détenteurs des 49 % de parts restantes de SPS (en pratique, les fondateurs et principaux dirigeants de la société) ont été signées le 9 avril 2014.

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Le prix convenu par part ne peut être que supérieur au prix d’acquisition des parts du FCDE.

Même s’il ne s’agit que de simples options, l’Imprimerie nationale pourrait être contrainte, sur simple demande des détenteurs des 49 %, de se porter acquéreur de la totalité des parts de SPS à l’horizon 2018, à un prix de surcroît qui ne peut être que supérieur au prix par part versé en 2014, ce qui suscite une double réserve :

• la première portant sur l’intérêt stratégique et financier d’acquérir la totalité du capital de SPS, au-delà des titres du FCDE qui garantissaient à l’Imprimerie nationale le contrôle sur l’entreprise (51 %) ;

• la seconde sur le niveau et le caractère asymétrique du complément de prix

2. Des questions portant sur l’intérêt stratégique de l’acquisition intégrale de SPS au-delà de la prise de contrôle

Réalisée par un cabinet de conseil sur la base d’une étude de marché complète et de plusieurs dizaines d’entretiens, l’étude stratégique montre un quadruple intérêt à la prise de contrôle de SPS par l’Imprimerie nationale : technologique, industriel et économique mais aussi commercial.

Pour autant, l’intérêt de l’acquisition de la totalité des parts de SPS est moins évident, d’autant qu’elle consomme l’intégralité des ressources disponibles de l’Imprimerie nationale :

• Le plan stratégique, approuvé en décembre 2013, indique bien que l’Imprimerie nationale doit se positionner sur les maillons attractifs et les facteurs de compétitivité de la chaîne de valeur, mais en indique trois :

o Les composants, avec essentiellement « l’inlay » puisque l’Imprimerie nationale n’a pas la taille critique pour se lancer dans la fabrication des puces et qu’à l’inverse disposer de la technologie duale lui permet de vendre des produits « multi-usages » ;

o Les « briques » ou systèmes d’authentification, par biométrie, clé cryptographique…

o Les systèmes et services (e-Gouvernement, autres services, BPO) liés aux supports

• L’acquisition de SPS renforce donc l’Imprimerie nationale sur la partie « composants » mais pas sur les autres éléments clés de la chaîne de valeur qui correspondent pourtant à des leviers importants de l’augmentation de son chiffre d’affaires et représentent une part tout aussi significative de cette chaîne.

• De fait, le plan stratégique identifiait plusieurs cibles de croissance externe sur la partie des composants (dont SPS), des systèmes d’authentification ou des services, en classant SPS avec le même rang de priorité que d’autres sociétés intervenant sur les autres maillons de la chaîne de valeur.

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• Enfin, si le renforcement de la présence de SPS sur le marché bancaire permettra à l’Imprimerie nationale de bénéficier d’une compétitivité-coût accrue, par l’effet d’économies d’échelle, l’avenir de la technologie duale sur le marché de l’identité et le développement des services associés aux cartes d’identité restent aujourd’hui un peu plus incertains, sauf dans les pays émergents (Ghana, Nigéria).

Certes, l’acquisition de la totalité des parts de SPS permet à l’Imprimerie nationale d’exercer, non seulement le contrôle de cette société (acquis du fait de l’achat des parts du FCDE), mais aussi le contrôle total de la gestion de l’entreprise (du fait de l’acquisition de la quasi-totalité des parts détenues par les fondateurs), sans s’embarrasser des prérogatives liées à la présence d’un autre actionnaire important (le fonds rassemblant les fondateurs de l’entreprise).

Elle exerce néanmoins un effet d’éviction sur d’autres investissements dans des sociétés intéressant pourtant d’autres axes stratégiques de développement de l’Imprimerie nationale, comme les services liés aux supports. L’Imprimerie nationale a utilisé dans cette seule opération la quasi-totalité de ses ressources disponibles à date et sa marge de manœuvre immédiate pour un endettement.

Cette question aurait, à tout le moins, dû être examinée au moment de la décision de montée au capital de SPS, d’autant que ce choix a coïncidé avec l’adoption du plan stratégique dans lequel l’ensemble des pistes de croissance était largement évoqué. Or, ce sujet n’apparaît pas dans les documents concernant l’acquisition de SPS remis au comité stratégique en mars 2014, non plus que dans les délibérations du conseil d’administration et dans le plan stratégique de décembre 2013 alors même que les discussions concernant l’acquisition de SPS avaient déjà commencé.

En définitive, la décision d’acquérir, au-delà des parts du FCDE, la totalité du capital de SPS, par exercice d’une option d’achat par l’Imprimerie nationale ou d’une option de vente par les fondateurs de SPS, aurait mérité l’étude d’un choix alternatif : maintien d’un simple contrôle par exemple.

Elle conduit à la création d’une entité nouvelle au sein de l’Imprimerie nationale, située sur un autre métier – les composants – et représentant un tiers du chiffre d’affaires et des effectifs de l’entreprise.

3. Un complément de prix relativement important et difficilement justifiable

Plus que la valorisation de la société pour l’acquisition des parts du FCDE, c’est la valorisation pour l’acquisition des 49 % de parts restantes qui soulève des interrogations.

a) Un prix d’acquisition justifié par plusieurs méthodes

La valorisation de la société SPS s’est effectuée à partir du plan d’affaires préparé par le management de SPS mais avec des chiffres revus à la baisse avec l’aide des conseils de l’Imprimerie nationale, conduisant à élaborer un scénario central et une version basse en assez net décrochage par rapport à la version des dirigeants de SPS.

Dans un scenario central, la valeur des fonds propres a été évaluée à 130 M€.

Cette valeur « moyenne » de 130 M€ s’expliquait par une prévision de croissance forte du chiffre d’affaires et de l’EBITDA, quel que soit le scenario, dans les premières années du

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plan, et était donc optimiste. Il en allait de même de l’approche par les multiples boursiers, avec une comparaison avec une société installée, Gemalto (plus de 2,2 Mds€ de chiffre d’affaires), et un EBITDA prévisionnel en 2014 servant de base à la valorisation, plutôt favorables.

En sens inverse, il faut toutefois observer que :

• le WACC (coût moyen pondéré du capital, Weighted Average Cost of Capital) retenu pour actualiser les flux de trésorerie futurs était à 10,8 %, soit un chiffre élevé qui entraîne une diminution de la valeur d’entreprise par rapport à un WACC « classique » de 8,5 %. Dans les faits, l’impact sur la valeur d’entreprise est tel que la valeur établie in fine était un peu plus basse avec le scenario central du plan d’affaires et le taux de WACC de 10,8 % qu’avec le scenario bas du plan d’affaires et un taux de WACC qui aurait été de 8,5 % ;

• cette valorisation de SPS ne tenait pas compte des possibilités de synergies et donc de gain, tant pour l’Imprimerie nationale que SPS, dû au rapprochement des deux entreprises. Retenues pour la moitié de leur montant, ces possibilités aboutissent à une valeur des fonds propres de 126 M€ dans la version basse du plan d’affaires, soit une valeur proche des 130 M€ in fine retenus. Ce montant suppose toutefois un EBITDA de SPS en forte augmentation à l’horizon 2020.

En définitive, la valeur négociée de SPS a bien été établie selon une méthodologie usuelle en pareil cas même si les hypothèses retenues dans le plan d’affaires sont plutôt favorables.

b) Un complément de prix important

Afin, selon l’Imprimerie nationale, de faire aboutir la transaction avec les fondateurs de SPS lors de l’acquisition des parts du FCDE, un mécanisme de complément de prix a été institué. Il s’agissait notamment de tenir compte de la différence de trajectoire financière entre le plan d’affaires des dirigeants de SPS et celui qui avait été établi par l’Imprimerie nationale (« cas de base »).

La valeur nouvelle reste plafonnée à 230 M€. Le complément de prix à payer est, dans ce cas, (respect de la trajectoire de référence avec, en sus, constatation de certaines synergies) lui-même plafonné, sur la base de la différence entre la nouvelle valeur et l’ancienne appliqué aux parts restant à acquérir ;

Par ailleurs, afin de prendre en compte dans une certaine mesure la trésorerie effectivement dégagée par SPS et ne pas mettre en difficulté la tenue du plan d’affaires de l’Imprimerie nationale à cet horizon, ce complément de prix est limité par la trésorerie cumulée apportée à l’Imprimerie nationale par SPS entre 2015 et 2020 ;

Il reste qu’un plancher de versement égal à 50 % du complément de prix théorique a cependant été fixé, ne permettant donc que partiellement de préserver le plan d’affaires de l’Imprimerie nationale.

Même si la règle de double plafonnement de ce complément de prix (par la valeur d’entreprise totale ainsi que, à hauteur de 50 %, par la trésorerie effectivement produite par SPS) limite ses effets, ce mécanisme est critiquable :

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• il est fondé sur un changement de méthode (multiplicatif de l’EBITDA et non plus actualisation des flux de trésorerie), ce qui est contestable au fond (approche des multiples toujours fragile) et rend la comparabilité difficile : à EBITDA égal en 2018, la nouvelle valeur de l’Imprimerie nationale est en effet très sensiblement supérieure au premier calcul initial. A cela s’ajoute le fait que l’EBITDA 2018 qui sert de base au calcul n’est pas l’EBITDA comptablement constaté, ce qui oblige à un suivi complexe des synergies et ce qui est plutôt favorable à SPS ;

• il conduit à verser un complément de prix non négligeable aux fondateurs de SPS pour une trajectoire financière constatée qui respecterait strictement la trajectoire de référence, ce qui est difficilement compréhensible ;

• l’argument sur les synergies à prendre en compte permettant d’aller au-delà de la valeur calculée pour l’acquisition des parts du FCDE n’est pas pertinent s’agissant des synergies constatées chez SPS, qui se traduiront dans l’EBITDA et dans la trajectoire financière de cette entreprise mais pas par un supplément de valeur. Les seules synergies qu’on aurait pu éventuellement prendre en compte étaient celles éventuellement constatées à l’Imprimerie nationale.

Enfin et surtout, on doit remarquer que ce mécanisme d’ajustement du prix s’exerce si la trajectoire financière est respectée, et a fortiori si elle est dépassée, mais qu’il n’y a pas de mécanisme d’ajustement à la baisse si la trajectoire financière n’est pas tenue. Cette clause est donc asymétrique et est, à ce titre, très favorable pour les fondateurs de SPS.

4. Une intégration managériale et opérationnelle à mettre en œuvre

L’accord d’acquisition étant signé, il conviendra d’être très vigilant sur la mesure des synergies et la mise en œuvre des chantiers d’intégration nécessaires pour réussir l’acquisition de SPS.

Onze chantiers d’intégration (amélioration des synergies opérationnelles et commerciales, systèmes d’information, achat et juridique, etc…) ont été prévus. Chaque chantier a un pilote, un groupe de travail composé des deux entités et doit élaborer ses propositions en cent jours. Un comité d’intégration harmonise l’ensemble des chantiers. Le but est d’obtenir une refonte des processus, des connaissances et de l’esprit de l’entreprise et de fonder une plate-forme de collaboration.

La définition de ces chantiers et leur mise en œuvre étaient en cours à l’automne 2014, au moment de la fin du contrôle de la Cour.

Il conviendra, par ailleurs, de s’assurer de l’implication des dirigeants de SPS, même si leur association dans la société est garantie jusqu’en 2018.

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En conclusion, l’Imprimerie nationale a, depuis 2009, nettoyé son portefeuille de participations et développé dans son plan stratégique une doctrine lui permettant de hiérarchiser ses cibles de croissance externe. L’achat de la totalité des parts de SPS rend toutefois cette stratégie en grande partie ineffective, dès lors que la quasi-totalité de ses ressources, telle que constatée aujourd’hui, est consacrée à l’acquisition d’une seule société.

L’acquisition d’une société produisant des composants en amont représente une diversification stratégique et industrielle significative. Toutefois, la prise de contrôle de SPS a reposé sur des hypothèses de plan d’affaires ambitieuses. Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’utilité d’acquérir la totalité des parts de SPS. En outre, l’engagement de verser un complément de prix aux anciens dirigeants de SPS pour l’achat des parts restantes en cas de respect de la trajectoire anticipée sans prévoir un mécanisme d’ajustement à la baisse si les objectifs fixés ne sont pas atteints, introduit une dissymétrie regrettable.

- Recommandation n° 9 : préciser dans le PMT 2015-2017 les axes de développement de l’Imprimerie nationale sur les segments de l’authentification et des services, notamment les modes de développement externes