Rapport Renforcer l'efficacité du droit international de l'environnement

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  • 7/24/2019 Rapport Renforcer l'efficacit du droit international de l'environnement

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    COMMI

    SSION

    ENVIRONN

    EMENT

    RAPPORT

    RENFORCER LEFFICACITDU DROIT INTERNATIONALDE LENVIRONNEMENTDEVOIRS DES TATS, DROITS DES INDIVIDUS

    NOVEMBRE 2015

    Avec le soutien de la Fondation pour le droit continental

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    RENFORCER LEFFICACITDU DROIT INTERNATIONALDE LENVIRONNEMENTDEVOIRS DES TATS, DROITS DES INDIVIDUSRAPPORT DU CLUB DES JURISTES

    Commission EnvironnementNOVEMBRE 2015

    Association dclare - 4, rue de la Planche 75007 ParisTl. : 01 53 63 40 04 - Fax : 01 53 63 40 08

    www.leclubdesjuristes.com GettyImages

    Avec le soutien de :

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    Composition de laCommission Environnement

    du Club des juristes

    Prsident :Yann AGUILA, Avocat au barreau de Paris, Bredin Prat

    Membres :

    Pauline ABADIE,Matre de confrences lUniversit Paris-SudAlexandre FARO, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Faro & Gozlan

    Delphine HEDARY, Conseillre dtat

    Christian HUGLO, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Huglo Lepageet Associs

    Yann KERBRAT, Professeur lcole de droit de la Sorbonne, UniversitParis 1 Panthon-Sorbonne

    Pascale KROMAREK,Membre du Comit Droit de lenvironnementdu MEDEF

    Gilles J. MARTIN, Professeur mrite lUniversit Nice Sophia-Antipolis,Professeur associ Sciences Po

    Franoise NESI, Conseiller la chambre criminelle de la Cour de cassation

    Laurent NEYRET,Professeur lUniversit, Universit de Saint-Quentin-en-Yvelines

    Yvan RAZAFINDRATANDRA, Avocat au barreau de ParisVincent REBEYROL,Professeur de droit lEM Lyon Business School,Avocat la Cour

    Patricia SAVIN, Avocate associe, docteur en droit, Cabinet DS Avocats

    Patrick THIEFFRY, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Thieffry & Associs,Professeur associ lcole de droit de la Sorbonne

    Franois-Guy TREBULLE,Professeur lUniversit Paris 1 Panthon-Sorbonne

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    Personnalits invites :Solveig HENRY, Docteur en droit international public, juriste au greffede la Cour internationale de Justice

    Sandrine MALJEAN-DUBOIS, Directrice de recherche au CNRS,

    directrice au CERIC

    Rapporteur gnral :Manon PERRIERE, Auditrice au Conseil dtat

    Charge de recherches :Sophie GAMBARDELLA, Docteur en droit lUniversit Aix-Marseille,Ingnieur de recherche CERIC

    Sophie THIRION, Doctorante en droit international de lenvironnement,Universit de Lausanne

    Secrtaire :Mathilde VERVYNCK, Elve avocate lEFB

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    Comment lindividu, sujet de droit, pourra-t-il obtenir le respect effectif etuniversel des prrogatives dont il est titulaire ? Sera-t-il mis en mesure defaire jouer, le cas chant, des garanties prventives ou des sanctions, encas de violation de ses droits ou liberts fondamentales ?

    Ren Cassin

    Lhomme sujet de droit international et la protection des droits de lhomme

    dans la socit universelle , Mlanges Georges Scelle, pp. 67-91.

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    Table des matires

    AVANT-PROPOS - Des traits, des tats et des citoyens .........................13

    La Fondation pour le droit continental

    et la protection de lenvironnement

    .......................................................18

    PARTIE PRLIMINAIRE :

    Le droit international de lenvironnement :

    un droit ncessaire mais peu efficace....................................................21

    I. La ncessit des normes internationales pour protger

    lenvironnement.......................................................................................23

    1. La dgradation de lenvironnement ne sarrte pas aux frontires ..........23

    2. Le besoin de normes internationales environnementales na jamais

    t aussi fort .............................................................................................25

    II. Le double chec de la gouvernance environnementale mondiale....26

    1. Les lacunes du processus de ngociation en matire

    environnementale ...................................................................................262. La faiblesse des sanctions en cas de mconnaissance

    des conventions internationales relatives lenvironnement ..............29

    III. La socit civile, ncessaire contrepoids la toute-puissance

    des tats en droit international de lenvironnement.........................31

    1. Une socit internationale conue par et pour ltat ...........................31

    2. Lhomme, sujet du droit international .....................................................34

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    3. La lgitimit du rle de la socit civile et de lindividu

    en droit international de lenvironnement .............................................37

    3.1 Le droit un environnement sain, un droit de lhomme .................37

    3. 2 Le rle de la socit civile dans la gouvernanceenvironnementale.............................................................................40

    3. 3 La ncessit dassortir les droits environnementaux de garanties ....43

    1REPARTIE :

    Les garanties procdurales : conforter la place de la socit civile

    dans llaboration du droit international de lenvironnement.............46

    I. Consacrer linfluence de la socit civile dans la mise lagenda des problmes environnementaux...................................49

    II. Consacrer le droit de participation de la socit civile

    aux ngociations environnementales.................................................53

    1. Une participation active mais ingale de la socit civile

    aux ngociations environnementales ...................................................53

    2. Consacrer la participation de la socit civile .....................................57

    III. Quelle place pour les ONG lors de la confrence de Paris

    (COP21) ?...............................................................................................63

    1. Dispositions gnrales issues de la Convention-cadre .........................64

    2. De nombreuses initiatives pour favoriser la participation

    de la socit civile ...................................................................................65

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    2MEPARTIE :

    Les garanties juridictionnelles : ouvrir la socit civile laccs

    la justice environnementale..................................................................66

    I. Renforcer lefficacit des mcanismes de contrle de lapplication

    des conventions environnementales....................................................68

    1. Des mcanismes de contrle et des procdures de non-respect

    rares et peu efficaces ..............................................................................68

    1.1 De multiples conventions, de rares mcanismes de suivi ..............68

    1. 2 Des pouvoirs limits ..........................................................................70

    2. Ouvrir la socit civile le dclenchement des procdures

    de non-respect ........................................................................................72

    3. Innover lors de la confrence de Paris de 2015 (COP21).....................773.1 La participation des acteurs non-gouvernementaux

    dans la procdure de non-respect en vigueur ...............................78

    3. 2 Ngocier une nouvelle procdure de non-respect ouverte

    aux individus .....................................................................................79

    II. Garantir le droit daction en justice des individus.................................80

    1. Devant le juge international ...................................................................811.1 Promouvoir la reconnaissance de la comptence

    obligatoire de la Cour internationale de Justice ............................83

    1. 2 Ouvrir les juridictions internationales aux acteurs

    non-gouvernementaux ....................................................................86

    2. Devant le juge interne .............................................................................89

    2.1 La condition deffet direct .................................................................91

    2. 2 Faciliter linvocation des conventions environnementalesdevant le juge national ....................................................................93

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    3MEPARTIE :

    Les garanties textuelles : adopter une Charte universelle

    de lenvironnement....................................................................................98

    I. Amliorer laccessibilit et la lisibilit du droit international

    de lenvironnement.................................................................................98

    II. Consacrer des principes fondateurs dans un texte universel

    valeur obligatoire..............................................................................103

    1. De nombreuses dclarations sans porte juridique ...........................103

    2. Vers ladoption dune Charte universelle de lenvironnement ...........105

    ANNEXE 1 :

    Liste des 21 propositions du rapport......................................................109

    ANNEXE 2 :

    Les comits de suivi des grandes conventions

    environnementales..................................................................................112

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    AVANT-PROPOSDes traits, des tatset des citoyens

    A la veille de la Confrence de Paris de dcembre 2015, les dirigeantsinternationaux se mobilisent pour parvenir un accord sur le change-ment climatique. Il faut sen rjouir. La crise cologique ne sarrte pasaux frontires des tats. Les territoires cologiques ont des primtresdiffrents des territoires du droit. Pour protger lenvironnement, les normesdoivent tre adoptes lchelle internationale.

    Pourtant, sous le regard exigeant des juristes, une inquitude surgit :jusqu prsent, le droit international de lenvironnement, malgr sessuccs symboliques, a t marqu par un double chec. chec duprocessus dlaboration : lenteur, voire paralysie des ngociations diplo-matiques, qui sont commandes par les intrts de court terme des tats,et qui ne dbouchent que rarement sur des accords ambitieux et contrai-gnants. chec dans lapplication : mme lorsquun trait est finalementadopt, il nest pas toujours suivi deffets, en labsence de mcanismesde contrle et de sanction efficaces.

    Le prsent rapport repose sur une ide-force : pour rendre plus effectif ledroit international de lenvironnement, il faut que la socit civile senempare. Le respect des traits par les tats doit devenir laffaire de tousles citoyens.

    Certes, dans la pratique, cette exigence est dsormais une vidence. Lesacteurs non-tatiques sont de plus en plus prsents dans les enceintesinternationales : les ONG bien sr, mais aussi les entreprises, la communau-t scientifique, les collectivits territoriales ou encore les peuples autoch-

    tones. Ds 1992, lors du Sommet de la Terre, Rio, on comptait plus de20 000 reprsentants des ONG. Aujourdhui, les Non-state Actors jouent

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    un rle de premier rang dans les plans dactions contre le rchauffementclimatique. Un portail Internet leur est dailleurs spcialement ddi, le

    NAZCA (pour Non-state Actor Zone for Climate Action ).

    Mais le droit est en retard sur cette ralit. Le droit international reposeencore sur des concepts traditionnels, issus du XIXme sicle : les traitssont conus par les seuls tats, pour les seuls tats. Dans la vision clas-sique, les individus nont rien faire sur la scne internationale.

    Une telle conception est aujourdhui dpasse. Elle ne correspond plus ltat de la socit internationale.

    Ce rapport invite donc tirer toutes les consquences de cette volu-tion des pratiques, pour raliser une avance juridique : il faut consacrerexpressment, dans les rgles du droit international, la place de la soci-t civile. Il faut lui accorder des droits et des garanties, chaque tapedu processus.

    Lors de llaboration des traits, en premier lieu, les instruments dela dmocratie participative doivent tre transposs lchelle interna-

    tionale. Le principe de participation du public, qui existe dj en droitinterne, doit tre pleinement affirm pour ladoption des normes interna-tionales. La Commission propose ainsi de confrer un droit dinitiative auxONG et de conforter leur place dans les ngociations des conventionsenvironnementales.

    Lors de lapplication des traits, en second lieu,il faut associer la soci-t civile au contrle du respect par les tats de leurs engagements inter-nationaux. Les ONG devraient avoir la possibilit de saisir les comits de

    suivi. Ces organes non-juridictionnels, chargs de veiller lapplicationde chaque convention internationale, ne peuvent aujourdhui tre saisisque par les tats. Il faut rendre ces procdures plus transparentes, pourles ouvrir aux regards extrieurs, ceux des acteurs non-gouvernementaux.

    Surtout, la justice ne peut pas rellement sanctionner la violation par lestats de leurs engagements internationaux. Dabord, la justice interna-tionale est facultative : la France ne reconnat pas la comptence obli-gatoire de la Cour internationale de Justice, contrairement la plupartdes dmocraties europennes. Ne faut-il pas mettre fin cette anomalie, lheure o Paris accueille la COP21 ? Ensuite, devant les juridictions

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    internationales, les acteurs non-tatiques ne sont pas aujourdhui rece-vables agir. Les ONG devraient disposer, a minima, du droit dintervenir

    devant certaines de ces juridictions, pour prsenter officiellement leursobservations lorsquun litige est en cours.

    Enfin, contrairement une ide rpandue, devant le juge interne, il nestpas possible, sauf exception, dinvoquer les conventions internationalesenvironnementales : en ltat de la jurisprudence, en France, celles-cisont le plus souvent considres comme nayant pas deffet direct endroit interne, au motif quelles ne crent pas de droits pour les individus.

    Il faut revenir sur ce raisonnement : dans le domaine de lenvironnementplus quailleurs, les citoyens ont bien un droit obtenir de leur tat lerespect de ses obligations internationales. Aux devoirs des tats corres-pond un droitdes individus. Ce dernier constitue lune des dclinaisonsdun droit fondamental : le droit un environnement sain, aujourdhuiconsacr par de nombreuses constitutions nationales.

    Ainsi, le juge national doit tre le premier garant du respect par lestats des traits environnementaux. Cette mission vient dtre illustre

    de faon clatante par la dcision rendue le 24 juin 2015 par le Tribunalde La Haye : saisi par une ONG reprsentant plus de 900 citoyens, il aordonn ltat nerlandais de rduire les missions de gaz effet deserre dau moins 25 % dici 2020 par rapport au niveau de 1990, en vuede se conformer ses engagements internationaux.

    En dernier lieu, la Commission sest intresse au contenu du droit inter-national de lenvironnement. Celui-ci est marqu par une profusion de

    normes techniques et sectorielles, difficiles daccs. On compte plus de500 traitsplus ou moins directement lis au domaine de lenvironne-ment. Les juristes eux-mmes ont parfois du mal sy retrouver : ils peuventne pas avoir connaissance de lexistence dun trait ou des protocoleslayant amend, ou encore rencontrer des difficults identifier les tatslayant ratifi. La premire recommandation de la Commission est dam-liorer la qualit et laccessibilitde ces normes, par un effort de recense-ment et de mise en ligne. De faon plus ambitieuse, on pourrait terme

    engager un travail de remise en ordre et de regroupement des conven-tions internationales environnementales.

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    Laboutissement ultime de ces mutations rside dans la dernire propo-sition de la Commission : ladoption dune Charte universelle de lenvi-

    ronnement.Il sagit de consacrer dans un texte fondateur les grands principesfondamentaux pour la protection de la plante. Cette Charte viendraitcomplter, unifier et fonder le droit international de lenvironnement,en lui donnant la pierre angulaire qui lui manque. Les juristes saventbien lutilit de ces documents totmiques, telles que la Magna Cartade1215 au Royaume-Uni ou la Dclaration de 1789 en France. Ces principesconstituent des fondations pour ldifice juridique. Ils crent une dyna-mique dinterprtation et guident la jurisprudence. Certes, en matireenvironnementale, des dclarations et chartes ont dj t adoptes, commencer par la Dclaration de Rio sur lenvironnement et le dve-loppement, en 1992. Mais aucune delles na de valeur juridique : il nesagit que de simples proclamations, porte symbolique et politique.Pour tre invocables devant un juge, les grands principes environnemen-taux doivent tre affirms dans une convention internationale, ayant uneforce obligatoire.

    Le temps est venu dadopter, sous la forme dun vritable trait, uneCharte universelle de lenvironnement.

    Yann AGUILAAvocat au barreau de Paris

    Prsident de la Commission Environnement

    du Club des juristes

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    La Fondation pour le droitcontinental et la protection

    de lenvironnement

    La Fondation pour le droit continental a t cre en 2007 pour permettreaux juristes de la famille romano-germanique de pouvoir mieux faire

    entendre leur voix originale dans les discussions internationales danslesquelles le point de vue des juristes pouvait tre utile.

    Cette initiative rsulte de la volont conjugue des pouvoirs publics,de la Caisse des dpts et consignations, des professions juridiques et

    judiciaires ainsi que dun certain nombre dentreprises internationales.Ces acteurs constatant que plus de deux tiers des Etats dans le mondeappartiennent la famille des droits civilistes soit 56,4% du PIB mondialet 60% de la population globale, ont jug quil tait indispensable defavoriser lexpression des juristes de droit continental sur les problmesauxquels est confronte notre plante.

    La question de la transition vers un modle de dveloppement durablene pouvait laisser la Fondation indiffrente. Depuis 2009 nous collaboronsavec lAmbassade de France en Chine et le Ministre lenvironnementpopulaire pour faire connatre dans ce pays les techniques mises aupoint en droit continental pour protger lenvironnement : quil sagisse

    de sa codification, de la dtermination des principes fondamentaux dece droit ou bien encore de la lutte contre la pollution atmosphrique oule dveloppement du financement vert .

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    Cest donc tout naturellement que nous avons souhait apporter notresoutien linitiative du Club des juristes. Le thme sy prtait a priori, les

    conclusions de ce rapport le justifient a posteriori. La Fondation ne peutque soutenir certaines des conclusions qui mettent en exergue ce quele droit continental peut apporter au combat pour lenvironnement danslequel on doit sengager. Nous ne pouvons que rejoindre le constat dece rapport suivant lequel, le foisonnement de textes internationaux parsainsi que lmergence dun corpus jurisprudentiel portant des principestrs gnraux sont cause dinscurit juridique et par l dineffectivit dudroit international par linstabilit et linaccessibilit que ces techniques

    provoquent.Le droit continental sait particulirement traiter ces maux : la codificationtout comme la prfrence pour la rgle crite, la norme plus accessible,plus stable, et dont la sanction est prvisible sont des techniques bienconnues de lensemble de ses lgistes. Elles seront dautant plus efficacesque le droit romano-germanique constitue le socle de la culture juridiquede la plupart des pays dans le monde : nous pouvons rationnellementesprer que le recours de telles techniques accompagnant le droit delenvironnement sera aisment adopt, pourquoi pas, par lensemble dessystmes juridiques.

    Conformment sa vocation internationale, la Fondation accompagnele prsent rapport pour favoriser sa plus large diffusion tant auprs des

    juristes dun grand nombre de pays que des organisations internationalesles plus concernes. Le dfi est maintenant dans les mains du lecteur : lui de rendre effectif ce droit si ncessaire notre plante.

    Jean-Franois DUBOSPrsident de la Fondation pour le droit continental

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    PARTIE PRLIMINAIRELe droit internationalde lenvironnement :

    un droit ncessaire maispeu efficace

    Depuis lchec de la Confrence de Copenhague en 2009, qui nestpas parvenue rengocier un accord international sur le climat succ-dant au Protocole de Kyoto1, les progrs accomplis pour maintenir lerchauffement climatique en de de 2C dici la fin du sicle ont t

    insignifiants. Malgr le consensus obtenu a minima Lima en 2014,lors de la runion de la 20meConfrence des Parties ( COP20) de laConvention-cadredes Nations Unies sur les changements climatiques( CCNUCC ci-aprs), aucune nouvelle obligation na t fixepourles tats en termes de rduction des gaz effet de serre. Un des enjeuxmajeurs de la 21meConfrence, qui se droulera Paris la fin de lan-ne 2015 ( COP21), sera ainsi de parvenir un accord contraignantet universelsur ce point.

    Cet objectif est trs ambitieux. Certes, toutes les parties saccordent,notamment sous linfluence des rapports tablis par la communautscientifique, sur la ncessit de parvenir un tel accord. Mais plusieursobstacles rendent les ngociations particulirement difficiles. On peutainsi mentionner : la volont de prserver les intrts nationaux des tatsngociateurs, la disparit des niveaux de dveloppement entre cesmmes tats, ou encore le dcalage entre la culture de limmdiatet

    (1) Le Protocole de Kyoto a finalement t reconduit jusquen 2020, loccasion de la 18meConf-rence des Parties qui sest tenue Doha en dcembre 2012.

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    qui caractrise laction politique, rythme par les cycles lectoraux, et lesexigences du long terme, qui doivent commander la gestion des chan-

    gements environnementaux et climatiques.

    Plus largement, ces difficults illustrent les contraintes auxquelles se heurtelensemble du droit international en matire environnementale.

    Convention-cadre, Confrence des Parties et Protocole

    La Convention-cadredes Nations Unies sur les changements clima-

    tiques ( CCNUCC) est lun des trois textes signs lors du Sommetde la Terre de Rio en 1992, avec la Convention sur la diversit biolo-gique et la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la dser-tification. Ces trois conventions mettent en place un cadre soupleet global. Cest par la suite, lors de runions des tats dites conf-rence des parties , que sont adopts des accords plus prcis et pluscontraignants, dits protocoles .

    Ainsi, sagissant du changement climatique, en 1997, certainesparties la CCNUCC ont sign le Protocole de Kyoto qui est entr envigueur en 2005. Le Protocole de Kyoto na quune dure dapplica-tion limite et doit donc tre ngoci priodiquement : cest lobjetde la 21meConfrence des Parties qui aura lieu en 2015 Paris.

    Parce que la dgradation de notre environnement ne connat pas defrontires, nous avons besoin, plus que jamais, de normes labores

    lchelle mondiale (I). Or, le droit international de lenvironnement resteaujourdhui un droit peu contraignant et peu effectif(II).

    Lune des solutionspour amliorer leffectivit des traits pourrait se trou-ver dans le renforcement de la place des individus sur la scne inter-nationale. En effet, les particuliers sont directement concerns par lesnormes internationales environnementales, puisque celles-ci contri-buent garantir un droit individuel qui leur appartient et dont ils peuventexiger le respect : le droit un environnement sain. Or, jusqu prsent,sauf de rares exceptions, les individus ne peuvent pas se prvaloir desconventions internationales devant un juge. Il convient dassocier la

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    socit civile au contrle du respect par un tat de ses engagementsinternationaux, en donnant aux particuliers, et notamment aux ONG, la

    possibilit de saisir une juridiction lorsque leur tat ne respecte pas lesconventions internationales environnementales.

    Les travaux de la Commission ont t ainsi guids par une intuition forte :afin damliorer leffectivit du droit international de lenvironnement, ilconvient de renforcer les garanties des droits reconnus aux individussur la scne internationale (III).

    I. La ncessit des normes internationalespour protger lenvironnement

    Malgr le dveloppement du droit international en matire environne-mentale, notre environnement continue de se dgrader de faon conti-nue (1). A ce phnomne sans frontire, il convient de rpondre parldiction de normes internationales fortes, contraignantes lgard destats (2).

    1. La dgradation de lenvironnement ne sarrtepas aux frontires

    A la veille du lancement de la Confrence de Paris (COP21), la gravitdes changements climatiques et environnementaux nest ni contestable,ni dailleurs rellement conteste. Toutes les tudes, tous les rapports, quilssoient nationaux, rgionaux ou mondiaux, labors partir de sources

    publiques ou prives, convergent vers le mme constat, sans appel : nousassistons depuis plusieurs dcennies la dgradation continue de ltatgnral de notre plante.

    Le dernier bilan environnemental publi par le Programme des NationsUnies pour lEnvironnement (PNUE), intitul GEO5 pour Global Environ-mental Outlook, salarme ainsi de la perte de la diversit biologique, dela dforestation, de la baisse drastique des ressources halieutiques, ouencore de la dgradation continue de la qualit des sols, de lair et de

    leau, tout particulirement dans les pays les moins dvelopps.

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    La sixime extinction des espcesserait en cours, comme le montre unetude publie en juin 2015 par des experts des universits amricaines

    de Stanford, de Princeton et de Berkeley. Lhomme semble en tre le prin-cipal responsable : selon cette tude, le taux de disparition des espcesest 114 fois suprieur ce quil aurait t sans activit humaine.

    Le dernier rapport publi par le Groupe dexperts intergouvernementalsur lvolution du climat (GIEC) a de nouveau montr que la concen-tration atmosphrique des gaz effet de serre continue daugmenterinexorablement et une vitesse indite. Elle atteint un niveau tel que lob-

    jectif de maintenir la hausse globale des tempratures sous le seuil de2C est dj compromis. Lanne 2014 a ainsi t la plus chaudeque laFrance ait connue depuis le dbut du XXmesicle. Certains de ces chan-gements ont dj produit des effets irrversibles aux chelles humaines une trs large partie du carbone mis reste dans latmosphre au-delde 100 000 ans2. Ils prsentent par ailleurs des risques importants : dgra-dation de la scurit alimentaire et de la disponibilit en eau potable,augmentation des inondations et temptes, dplacements de popula-tions et risque de conflits pour laccs aux ressources.

    Cette dgradation de ltat de la plante touche lensemble des rgionsdu monde, y compris celles qui, comme lUnion europenne, ont mis enuvre des politiques environnementales et climatiques parmi les plusabouties et protectrices durant les dernires dcennies, par exempleavec la mise en place du rseau Natura 2000.

    Le rapport de lAgence europenne pour lenvironnement de 2015montre par exemple que le capital naturel europen sest dgrad.

    Malgr les progrs accomplis dans certains domaines, comme la qualitde lair et de leau ou la rduction des missions de gaz effet de serre,la tendance globale demeure celle dune dtrioration : cest le cas pourlutilisation des terres agricoles, limpact du changement climatique surles cosystmes, les risques sanitaires lis au changement climatiqueet aux substances chimiques et, surtout, pour la biodiversit des milieux

    (2) S. Solomon et al., Atmospheric Composition, Irreversible Climate Change, and Mitigation Policy ,

    dans J. W. Hurrell et G. Asrar (Ed.), Climate Science for Serving Society: Research, Modeling and Predic-tion Priorities, Springer, 2013, pp. 415-436, cit par S. Aykut et A. Dahan, Gouverner le climat ? 20 ans dengociations internationales, Presses de Sciences Po, 2015, p. 33.

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    grande que celle des pays en voie de dveloppement. Le principe de responsabilits communes mais diffrencies est affirm par la Dcla-

    ration de Rio de 1992 (principe 7). Il implique de prendre en considrationla situation conomique et sociale de chaque pays dans la fixation desobjectifs relatifs la diminution des rejets de gaz effet de serre. Il sagitdun principe fondamental du droit international de lenvironnement, quipermet de droger aux rgles qui gouvernent habituellement les traitsinternationaux, traditionnellement bass sur les principes dgalit souve-raine et de rciprocit.

    II. Le double chec de la gouvernanceenvironnementale mondiale

    La gouvernance internationale de lenvironnement est actuellementdoublement inefficace. Lchec des grandes ngociations internatio-nales met en lumire un problme fondamental de mthode dans leprocessus dlaboration du droit international de lenvironnement (1).Par ailleurs, mme lorsquune norme environnementale est adopte,

    les mcanismes de contrle de son application sont rares et sans effetcontraignant (2).

    1. Les lacunes du processus de ngociationen matire environnementale

    Certes, il existe de nombreuses conventions internationales intressant lesquestions environnementales, quil sagisse des dchets, de la biodiversi-t, de la mer ou encore du nuclaire. A tel point quun des problmes dudroit international de lenvironnement, abord plus loin, vient du foison-nement des normes.

    Pour autant, les ngociations environnementales internationales ne sontpas toujours couronnes de succs. Sur certains grands sujets majeurs,lorsque les tats dcident douvrir les discussions, ce qui nest pas syst-matique, ces dernires ne dbouchent que rarement sur des accords

    qui soient la fois universels (cest--dire impliquant lensemble despays concerns) et contraignants ( savoir dictant des rgles fortes

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    et prcises). Pour obtenir ladhsion du plus grand nombre de pays, lesngociateurs se limitent souvent des rgles minimales.

    En matire de prservation de la biodiversitpar exemple, la Conventionsur la biodiversit biologique adopte Rio en 1992 noffre quun cadreminimal trs gnral. Elle na dailleurs pas t ratifie par les tats-Unis.Par la suite, les runions successives de la Confrence des Parties nontpas permis daboutir des accords suffisamment prcis et contraignantspermettant denrayer la disparition rgulire des espces. Les objectifsque les tats staient fixs ne sont pas atteints : lindice Plante vivante mis au point par Le Fonds mondial pour la nature (World Wide FundWWF) met ainsi en vidence que les populations terrestres et maritimesconcernes par cet indice rgressent depuis 1970, une tendance qui nemontre aucun signe de ralentissement, ni mme dinflchissement5. Lesngociations avancent bien trop lentement eu gard la rapidit et lir-rversibilit de la baisse du rservoir de la biodiversit biologique.

    Le mme constat peut tre tabli pour dautres secteurs du droit inter-national de lenvironnement ou pour certaines rgions. Le dbut de lan-

    ne 2015 a ainsi t marqu par lchec des ngociations sur lmissiondes hydrofluorocarbures. Ces gaz de synthse sont utiliss notammentdans les systmes de rfrigration et de climatisation et prsentent unpotentiel de rchauffement plus de mille fois plus lev que le dioxyde decarbone daprs lInstitute for Governance & Sustainable Development6.Les discussions se sont heurtes lopposition du Kowetet de lArabieSaoudite.Ces deux pays, dont les populations ont un fort besoin dairconditionn pour vivre dans un climat trs chaud, ont refus le principe

    mme dun groupe de travail sur ces substances toxiques.En matire de ngociations rgionales, on peut citer les discussionsrelatives la Convention sur la conservation de la faune et de la floremarines de lAntarctique,adopte en 1980 et entre en vigueur en 1982.En 2014, ces dernires se sont soldes par un troisime chec successif

    (5) Fonds mondial pour la nature, Rapport Plante vivante, 2014, disponible en ligne ladressesuivante :

    http://www.wwf.ca/fr/nouvelles/publications/rapport_planete_vivante_2014.cfm(6) Institute for Governance & Sustainable Development, Primer on HFCs, Juillet 2015, disponible enligne ladresse suivante : http://www.igsd.org/documents/HFCPrimer7July2015.pdf

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    en ce qui concerne la cration de nouvelles aires marines protges, dufait de lopposition de la Chine et de la Russie. Faute daccord interna-

    tional, le continent continue dtre menac par le dveloppement de lapche et la navigation.

    Mais cest videmment lchec des grandes ngociations climatiquesqui est emblmatique de limpasse dans laquelle se trouve actuellementle droit international de lenvironnement. La Confrence de Copenhaguequi sest droule en 2009 avait t conue comme un moment mondialdcisif, tant par les tats que par la socit civile et les multiples organisa-tions non-gouvernementales (ONG) qui devaient y prendre part. Pourtant,le seul rsultat tangible des ngociations fut un texte minimaliste danslequel une trentaine de pays, reprsentant 80% des missions mondialesde gaz effet de serre, ont reconnu que le changement climatique taitun grand dfi et exigeait une volont politique forte afin que ne soit pasdpass le seuil de 2C prconis par la communaut scientifique.

    Un tour dhorizon des diffrentes ngociations internationales relatives lenvironnement montre en ralit que seul le Protocole de Montral,

    entr en vigueur en 1989, constitue un exemple de rponse internationaleapproprie et efficace une menace environnementale globale, lap-pauvrissement de la couche dozone. En 2009, il est devenu le premierprotocole de lhistoire des Nations Unies atteindre la ratification univer-selle7. Il impose chaque pays des conditions strictes visant laban-don progressif du recours aux gaz chlorofluorocarbures (CFC) et deshydrochlorofluorocarbures (HCFC), substances galement destructricesde la couche dozone, ainsi que contribuant leffet de serre. Il a t

    couronn de succs : larrt total de la production des CFC est intervenuen 2010 et la communaut scientifique estime que la couche dozonedevrait retrouver son tat de 1980 entre 2055 et 2065. Les ngociations sepoursuivent dsormais sur la rduction et linterdiction de production etutilisation des HFC, avec les difficults que lon vient de voir.

    (7) Conclu la suite de la Convention de Vienne sur la protection de la couche dozone adopte le22 mars 1985, le Protocole de Montral, avec la Convention de Vienne, taient ratifis par 196 tatsen 2009.

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    Cette russite reste exceptionnelle. Elle sexplique sans doute par uncontexte conomique favorable, dans lequel les acteurs concerns

    taient relativement peu nombreux et facilement identifiables.

    Le plus frquemment, le droit international de lenvironnement se carac-trise par la lenteur, voirela paralysie des processus de ngociation.Ladifficult obtenir un consensus maximal explique la faiblesse et ltroi-tesse du contenu de la majorit des textes ngocis.

    2. La faiblesse des sanctions en cas demconnaissance des conventionsinternationales relatives lenvironnement

    A cette premire difficult relative llaboration des normes internatio-nales, sajoute un second cueil : le droit international de lenvironne-ment se distingue par son caractre trop peu effectif. Pour le dire autre-ment, il parat le plus souvent incapable de produire les effets qui lui ontt assigns ou les comportements quil souhaiterait inciter8. De fait, il

    souffre de linsuffisance des moyens de contrle de son application et dela faiblesse des sanctions en cas de non-respect de ses normes.

    A lorigine, les sanctions infliges dans lordre international relvent dela justice prive entre tats. Encore aujourdhui, en tmoignent parexemple les rapports actuels entre la Russie et lUnion europenne :rgis par une forme de loi du Talion , ils entranent les Parties dans unespirale infinie de mesures et de contre-mesures (mesures diplomatiques,mesures conomiques, mesures restrictives, etc.).

    Certes, de nouveaux mcanismes de contrle se sont dvelopps, afindviter les risques de conflits, notamment arms. Toutefois, mme dansce cadre, le droit international public prfre une approche cooprative une approche punitive.

    Le droit international de lenvironnement ne droge pas ce constat :rares sont les conventions internationales environnementales quiprvoient de vritables mcanismes de sanctions. Le contrle de leur

    (8) S. Maljean-Dubois, La mise en uvre du droit international de lenvironnement , IDDRI, n03/2003.,2003, p. 23.

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    application passe alors souvent par des procdures dites de non-res-pect . Confies de simples comits sans pouvoir de dcision, elles

    aboutissent non pas une condamnation par un organe juridictionnelmais une assistance pour les pays qui ne parviennent pas respecterleurs engagements. La procdure la plus aboutie ce jour est celle duProtocole de Kyoto : lorsquun tat est en situation de non-conformit 9,sont prvues trois mesures coercitives distinctes qui sapparentent dessanctions10. Mais aucune dentre elles na t prononce jusqu prsentet la procdure na pu viter que certains pays ne respectent pas leursengagements.

    En outre, il reste une dernire possibilit aux tats, lorsquils savent quilsrisquent dtre sanctionns : souverains, ils peuvent dnoncer un accordinternational tout moment. Ainsi, sous la menace dune sanction, leCanada, qui avait largement dpass ses objectifs (croissance des mis-sions de 28% au lieu dune baisse de 6%), sest retir unilatralement duProtocole de Kyoto en dcembre 2011.

    Certes, le droit international va parfois plus loin et confie le rglement des

    diffrends de vritables juridictions.Ont ainsi t institues diverses juri-dictions, certaines ayant une comptence gnrale telle la Cour interna-tionale de Justice (CIJ), dautres une comptence spcialise, commele Tribunal international du droit de la mer ou lOrganisme de rglementdes diffrends (ORD) de lOrganisation mondiale du commerce. Mais siau plan national la justice est obligatoire, en droit international, le recours une procdure juridictionnelle ou arbitrale est subordonn au consen-tement des tats,parties au litige. Et en matire environnementale, les

    tats se montrent plus rticents quailleurs reconnatre la comptencede mcanismes tiers pour connatre de leurs litiges11.

    (9) On remarquera incidemment que la terminologie utilise nest pas celle dune violation dutrait.(10) Ce mcanisme a t institu la suite du Protocole de Kyoto par les accords de Marrakech,adopts en 2001. Pour chaque tonne qui na pas t rduite, ltat doit compenser au cours de ladeuxime priode (de 2012 2020) avec une majoration de 30%, qui sajoute aux objectifs dj fixspour cette mme priode. Par ailleurs, le groupe qui suit lexcution du protocole suspend la partici-pation de ltat au march international des droits dmission. Enfin, le groupe dexcution demande

    llaboration dun plan daction afin de corriger la situation de non-conformit.(11) S. Henry, Lefficacit des mcanismes de rglement des diffrends en droit international de lenvi-ronnement, Thse de doctorat, Universit de Nantes, 2011, p. 23.

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    Un tat a ainsi toute latitude pour faire prvaloir ses intrts nationauxde court terme sur ses engagements internationaux. Alors mme quil a

    sign et ratifi un trait, il peut dlibrment choisir de ne pas prendre lesmesures environnementales qui en rsultent. Au pire, lventuelle et impro-bable sanction ne concernera quun successeur lointain du gouverne-ment actuel. Ds lors, la tentation est grande, pour les dirigeants politiques,de faire prvaloir des intrts conomiques ou des enjeux lectorauximmdiats sur des engagements internationaux de long terme, surtouten priode de crise conomique.

    III. La socit civile, ncessaire contrepoids latoute-puissance des tats en droit internationalde lenvironnement

    Pour lever ces blocages, il faut sortir du vieux paradigme du droit inter-national public, selon lequel les traits, gnrs par des tats souverains,nintressent pas les individus (1). Les conceptions voluent et la doctrinereconnat de plus en plus lhomme comme sujet de droit international (2).

    Tout particulirement en matire denvironnement, il convient de donner la socit civile et lindividu toute la place quils mritent (3).

    1. Une socit internationale conue par et pourltat

    La Terre est Une mais le monde ne lest pas .Cest par cette phrase quedbute le clbre rapport Brundtland, publi en 1987 par la Commis-sion mondiale sur lenvironnement et le dveloppement12. Elle exprimele dilemme sur lequel bute le droit international de lenvironnement : lesproblmes environnementaux dpassent le cadre des tats-nations maisles institutions et traits internationaux dpendent exclusivement de cesmmes tats.

    (12) Rapport bien connu pour avoir consacr la notion de dveloppement durable.

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    Cette situation traduit un tropisme propre au droit international public :la socit internationale actuelle demeure une juxtaposition dtats

    souverains,qui sont chargs de la formation du droit comme de sonexcution. Un tat reste libre de sengager ou non : en se soumettant une norme internationale, il dcide volontairement de sautolimiter. Selonune formule de 1923 de la Cour permanente de justice internationale, la Cour se refuse voir dans la conclusion dun trait quelconque, parlequel un tat sengage faire ou ne pas faire quelque chose, un aban-don de sa souverainet 13. Dans cette conception traditionnelle, quandun tat conclut un trait et simpose des contraintes, il ne limite pas sa

    souverainet mais ne fait que lexercer. Cest la thorie dite volontariste du droit international, qui reflte la fonction historique des traits, commeinstruments de rgulation des relations diplomatiques.

    Mais ce schma se rvle peu adapt aux enjeux environnementauxactuels. La souverainet absolue des tats, reflet de leurs intrts natio-naux et des rapports de puissance, constitue ainsi le premier obstacleaux progrs dun droit commun de lenvironnement.

    De nouveau, les ngociations climatiques fournissent une illustrationemblmatique de cette situation. Lchec de la Confrence de Copen-hague, alors que celle-ci avait t tant prpare et attendue par len-semble des parties prenantes, a t le fruit de la divergence des intrtsdes puissances dominant la scne internationale, et en particulier destats-Unis et de la Chine :refus dune approche top-downpar les Amri-cains, dont le drapage des missions rendait politiquement et cono-miquement inacceptable la ratification du Protocole de Kyoto qui retient

    lanne 1990 comme anne de rfrence ; dfense acharne du prin-cipe de responsabilit diffrencie par Pkin, qui pointe la responsabilithistorique des pays dvelopps et ne souhaite pas entraver son propredveloppement conomique. Dans ce contexte, les pays de lUnion euro-penne se sont montrs totalement dsunis et ont t marginaliss dansles discussions. Ainsi, les ngociations climatiques ont achopp sur leproblme de la souverainet nationale.

    (13) Cour permanente de justice internationale, 17 aot 1923, Affaire du Vapeur Wimbledon , SrieA, n1.

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    Il est ncessaire douvrir ici une parenthse, pour relever que, dune faonplus gnrale, le droit international connat aujourdhui une profonde

    mutation. De plus en plus encadre par des principes suprieurs, lasouverainet des tats est actuellement redfinie. Elle ne peut plus treconue comme absolue. En tmoignent, en matire humanitaire, lesrflexions sur le droit dingrence 14ou, pour employer un concept plusrcent, sur la responsabilit de protger 15. A lheure o ce rapport estcrit, lafflux de rfugis syriens en Europe illustre de faon dramatique lefait que la communaut internationale ne peut pas se dsintresser dela situation intrieure dun tat, dans la mesure o celle-ci peut entraner,

    un jour ou lautre, des consquences pour les tats voisins. Certains fontdailleurs remarquer que cette limitation de la souverainet a toujoursexist : dj en 1625, dans De Jure Belli ac Pacis, Hugo Grotius voquaitun droit accord la socit humaine dintervenir dans le cas o untyran ferait subir ses sujets un traitement que nul nest autoris faire .

    Il en va de mme en droit de lenvironnement. Dans ce domaine gale-ment, il est temps de redfinir les contours du droit la souverainet destats. Certains ont dailleurs suggr, en sinspirant du domaine humani-taire, dintroduirela notion de droit dingrence cologique 16. Un telconcept, sauf peut-tre pour dexceptionnels cas durgence, ne paratpas tout fait adapt aux problmatiques environnementales. Le prsentrapport est plutt guid par lide que, tout en conservant le principemme de la souverainet des tats, il est ncessaire de donner davan-tage de place en droit international, ct des acteurs tatiques, lasocit civile.

    (14) Concept lanc dans les annes 1980, notamment sous linfluence de Bernard Kouchner et deMario Bettati. Voir M. Bettati, Le droit dingrence,Odile Jacob, 1996.

    (15) Commission internationale de lintervention et de la souverainet des tats, La responsabilit deprotger,dcembre 2001.(16) M. Bachelet., Lingrence cologique, Frison-Roche, 1995.

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    2. Lhomme, sujet du droit international

    Dune manire gnrale, lindividu est aujourdhui de plus en plus recon-nu comme un sujet du droit international. Cette avance a eu lieu enparticulier dans le domaine des droits de lhomme : depuis la fin de laSeconde guerre mondiale, sous leffet de la conscration de droits indi-viduels subjectifs dans des conventions universelles ou rgionales, ilest dsormais admis que les tats ne sont plus les seuls sujets du droitinternational.

    A lorigine, la conception classique du droit international public a long-

    temps attribu aux seuls tats la qualit de sujets de droit. Historiquement,les traits internationaux ne pouvaient faire natre de droits ou dobliga-tions que pour les tats. Les individus ne pouvaient pas sen prvaloir.Une telle conception sexpliquait parfaitement au XIXmesicle, unepoque o les traits ne concernaient, par leur objet, que les relationsdiplomatiques, rglant par exemple des questions de frontires ou lesmodalits de la paix.

    Cette vision traditionnelle sest toutefois peu peu efface face audveloppement des conventions internationales comportant des rglesconcernant directement les individus. Tel tait le cas par exemple dansle trait de Versailles de 1919 instituant lOrganisation Internationale duTravail et dont larticle 427 constitue une vritable dclaration des droitsdu travailleur. Mais ce sont videmment les vnements de la Secondeguerre mondiale qui permettront de consacrer les droits de lhomme lchelle mondiale, avec ladoption de la Dclaration universelle desdroits de lhommeen 194817. Par la suite, la Commission des droits delhomme, principal organisme intergouvernemental relatif aux droits delhomme au sein des Nations Unies, sest employe convertir les prin-cipes proclams par la Dclaration dans des traits internationaux ayantforce juridique. Cest ainsi quont t adopts en 1966 deux pactes : lePacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte inter-national relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels. Dautresinstruments ont vu le jour au niveau rgional : Convention europenne

    (17) Dclaration qui na pas toutefois, par elle-mme, de valeur contraignante.

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    des droits de lhomme, Charte sociale europenne, Convention amri-caine relative aux droits de lhomme, Charte africaine des droits de

    lhomme et des peuples, Dclaration des droits humains de lASEAN ouencore, plus rcemment, Charte des droits fondamentaux de lUnioneuropenne.

    Cette volution est bien dcrite par Ren Cassin, pre de la Dclarationuniverselle, dans un article intitul, sans ambigut : Lhomme sujet dedroit international et la protection des droits de lhomme dans la socituniverselle 18. Il y montre que proclamer un droit subjectif ne suffit pas :il faut galement lentourer de garanties. Un individu doit pouvoir obte-nir, devant un juge, le respect des droits dont il est titulaire lorsque cesderniers ont t mconnus, sans quoi, privs deffets concrets, ils naurontaucune porte normative. Tel est lobjet de larticle 8 de la Dclarationuniverselle qui dispose que : Toute personne a droit un recours effectifdevant les juridictions nationales comptentes contre les actes violantles droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou parla loi .

    Cest dans ce cadre que se comprend linterrogation de Ren Cassin,place en exergue de ce rapport : Comment lindividu, sujet de droit,pourra-t-il obtenir le respect effectif et universel des prrogatives dont ilest titulaire ? Sera-t-il mis en mesure de faire jouer, le cas chant, desgaranties prventives ou des sanctions, en cas de violation de ses droitsou liberts fondamentales ? .19

    Au passage, et par analogie, on retrouve exactement la mme exigence propos des droits proclams par la Constitution : ceux-ci nont de

    porte qu la condition de pouvoir tre sanctionns par un juge. Do lancessit de crer des juridictions constitutionnelles, releve par Kelsendans un article de 1928 prcisment intitul La garantie juridictionnellede la Constitution .20

    (18) R. Cassin, Lhomme sujet de droit international et la protection des droits de lhomme dans la

    socit universelle , Mlanges Georges Scelle, pp. 67-91.(19) Ibid.(20) H. Kelsen, La garantie juridictionnelle de la constitution , RDP, 1928, p.197.

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    Ainsi, les juristes le savent bien : un droit individuel na de porte relleque lorsquil est invocable par lindividu qui en est titulaire devant un

    juge, qui pourra assortir sa mconnaissance dune sanction. Si les juri-dictions internationales existantes sont rarement ouvertes un recoursindividuel, le droit international a su crer des mcanismes de protectionefficaces pour les droits individuels qui ont t proclams en matire dedroits de lhomme.

    Dans ce contexte, de nombreux types de sanctions de nature politiqueou juridique ont t mis en place afin de protger effectivement les droitsde lhomme tels que reconnus par la Dclaration universelle. Ainsi desactions menes par le Conseil de scurit de lONUsur le fondementdu chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cest par exemple surce fondement juridique quen avril 2015, le Conseil de scurit a denouveau condamn les violations des droits de lhomme et du droitinternational humanitaire en Cte dIvoire et prorog jusquen avril 2016les sanctions mises en uvre lgard de ce pays21. Ainsi encore de lacration, en 1998, de la Cour pnale internationale, afin de punir lesauteurs de gnocides ou de crimes contre lhumanit ou des tribunauxpnaux internationaux, pour sanctionner les atteintes massives aux droitsde lhomme en ex-Yougoslavie ou au Rwanda.

    Cest la Convention europenne des droits de lhomme qui consti-tue lexemple rgional le plus abouti puisque son respect a t confi un organe juridictionnel spcifique, la Cour europenne des droitsde lhomme(CEDH). Les individus disposent dun droit de recours directdevant la Cour, linstar des tats parties la Convention, garanti par

    larticle 34 de la Convention. Ce droit de recours individuel tait initiale-ment facultatif, et navait dailleurs t accept par la France quen 1981.Il a t gnralis en 1998 avec lentre en vigueur du Protocole n11. LaCour considre quil sagit dune des clefs de vote du mcanisme desauvegarde des droits de lhomme 22. Environ 800 millions de citoyenseuropens ont ainsi la possibilit de saisir la CEDH.

    (21) Conseil de scurit de lOrganisation des Nations Unies, Rsolution 2219 (2015) du 28 avril 2015.(22) C.E.D.H., 4 fvrier 2005, Mamatkulov et Askarov c. Turquie, n 46827/99 et 46951/99.

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    3. La lgitimit du rle de la socit civile et delindividu en droit international de lenvironnement

    En droit international de lenvironnement, comme en matire de droit delhomme, il convient de reconnatre pleinement, ct des tats, le rledes individus et, plus largement, de la socit civile (3.2). Le droit unenvironnement sain est en effet un droit de lhomme part entire (3.1).Les garanties existant en matire de droits de lhomme devraient doncbnficier la matire environnementale (3.3).

    3. 1. Le droit un environnement sain,un droit de lhomme

    Depuis le dbut des annes 1970, de nombreux droits individuels ont tproclams en matire environnementale, comme dclinaison dun droitplus vaste, le droit un environnement sain.23Laffirmation de ces droitsfondamentaux a constitu un enrichissement de la catgorie des droitsde lhomme.

    Ainsi, des dclarations proclamant des droits ont t adoptes loc-casion de plusieurs grands sommets environnementaux. Mme si ellesnont pas de valeur juridique, elles nen ont pas moins une porte symbo-lique et politique forte. La Dclaration de Stockholm de 1972contient26 principes prsents comme lexpression dune conviction commune24.Le premier principe dispose notamment que lhomme a un droit fonda-mental la libert, lgalit et des conditions de vie satisfaisantes,dans un environnement dont la qualit lui permette de vivre dans la

    dignit et le bien-tre . Cette formulation cre dailleurs un lien substan-tiel direct entre environnement et droits de lhomme.

    La Charte mondiale de la nature,a t adopte en 1982, dix ans aprsStockholm, sous la forme dune rsolution de lAssemble gnrale des

    (23) Voir C. Le Bris, Lhumanit saisie par le droit international, thse de doctorat, Universit Paris I,

    LGDJ, 2012.(24) Dclaration adopte lissue de la Confrence mondiale des Nations Unies sur lenvironnementhumain, qui sest runie Stockholm en 1972.

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    Nations Unies25, cest--dire sous la mme forme juridique que la Dcla-ration universelle des droits de lhomme. Elle affirme plusieurs principes

    fondamentaux et consacre en particulier pour la premire fois la notionde gnrations futures .

    La Dclaration de Rio sur lenvironnement et le dveloppement, de1992,adopte lors du Sommet de la Terre, comporte 27 principes fonda-teurs. Le premier principe proclame que les tres humains ont droit une vie saine et productive en harmonie avec la nature . Elle dfinitnotamment le principe de prcaution et la notion de dveloppementdurable.

    Ce corpus de principes est regard comme faisant partie intgrantedes droits de lhomme. Ainsi, la Commission des droits de lhomme desNations Unies a reconnu lexistence, en 1999, des droits de lhomme la vie, la sant et un environnement sain 26. Dans la mme optique,un projet de rsolution du Conseil des droits de lhomme rappelle en2015 la ncessit pressante de continuer remdier, dans loptique desobligations relatives aux droits de lhomme qui incombent aux tats, aux

    consquences dfavorables des changements climatiques pour tous 27

    .Si ces textes nont pas de valeur juridique contraignante, ils ne sont pasdpourvus de porte. Ils peuvent notamment servir de base la recon-naissance, par la Cour internationale de Justice, dune coutume inter-nationale. Ils peuvent en effet constituer lun des indices de lexistencedune opinio jurisqui permet a minimade concevoir certains droits envi-ronnementaux comme des rgles coutumires28.

    (25) Il sagit de la Rsolution 37/7 du 28 octobre 1982. On relvera quelle a t adopte avec 111 voixpour, 18 abstentions et une voix contre : celle des tats-Unis.(26) Commission des droits de lhomme, Rsolution 1999/23 du 26 avril 1999.(27) Conseil des droits de lhomme, Projet de rsolution manant du Bangladesh, de la Bosnie-Herz-govine, de la France, du Guatemala, dHati, de Mauritanie, du Prou, des Philippines, du Venezuela etdu Viet Nam, 30 juin 2015, A/HRC/29/L.21.(28) Deux lments sont requis pour consacrer lexistence dune norme coutumire et sa recon-naissance par le juge international : un lment matriel (une pratique, des usages) et un lmentpsychologique, lopinio juris, cest--dire la conviction dtre li par une rgle juridique. Selon larticle38 du Statut de la CIJ, la coutume doit tre accepte comme tant le droit . Dans laffaire duPlateau continental de la mer du Nord, de 1969, la Cour a dfini cette notion : Les tats doivent avoir

    le sentiment de se conformer une obligation juridique. Ni la frquence, ni le caractre habituel desactes ne suffisent . Dans la mme affaire, la Cour indique que lopinio juris doit tmoigner de laconviction (que la pratique) est rendue obligatoire par lexistence dune rgle de droit .

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    Au niveau rgional, la premire formulation dun droit un environnementsain est due la Charte africaine des droits de lhomme et des peuples

    de 1981, dont larticle 24 dispose que tous les peuples ont droit unenvironnement satisfaisant et global, propice leur dveloppement . Lecontinent amricain sest lui aussi dot dun texte semblable : le Protocolede San Salvador, sign en 1988 et entr en vigueur en 1999, additionnel la Convention interamricaine relative aux droits de lhomme29. SilEurope ne sest pas dote dinstrument normatif spcifiquement ddi lenvironnement, elle dispose de textes juridiques contraignants en lamatire. Surtout, la jurisprudence extensive et volutive de la Cour euro-

    penne des droits de lhomme(CEDH) a palli labsence de conscra-tion textuelle de ce droit dans la Convention europenne des droits delhomme et des liberts fondamentales30. Elle a expressment consacr,sur la base de larticle 8 de la Convention, un droit de lhomme environ-nemental31ou un droit de lhomme un environnement sain32.

    Enfin, au niveau national, plus dune centaine de constitutionsintgrentla protection de lenvironnement dans leurs dispositions, en y associantdes droits des individus ou parfois des devoirs de ltat (comme enAllemagne et en Italie). Cest le cas bien sr en France avec la Charte delenvironnement, vritable catalogue des principes fondamentaux qui seveut le troisime lment dun triptyque compos de la Dclaration de1789 (pour les droits civils et politiques) et du Prambule de la Constitu-tion de 1946 (pour les droits conomiques et sociaux). Cest galement lecas, en Europe, des constitutions belge, espagnole, portugaise, grecqueet finlandaise mais aussi des constitutions de plusieurs tats issus delancien bloc sovitique : la Roumanie, la Pologne, la Rpublique tchque,la Slovaquie ou la Slovnie rigent en droit de lhomme constitutionnelle droit lenvironnement. Dautres grands pays tels que la Russie oula Turquie ont fait de mme, ainsi que les tats-Unis au niveau des tats

    (29) Son article 11 est ainsi rdig : 1. Toute personne a le droit de vivre dans un environnementsalubre et de bnficier des quipements collectifs essentiels. / 2. Les tats parties encouragent laprotection, la prservation et lamlioration de lenvironnement .(30) Soulignons que la Cour amricaine a galement dvelopp une jurisprudence en la matire

    concernant les peuples autochtones.(31) C.E.D.H., 8 juillet 2003, Hatton et autres c/ Royaume-Uni, n 36022/97.(32) C.E.D.H., 27 janvier 2009, T tar c. Roumanie,no 67021/01.

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    fdrs33. Les pays dAmrique du Sud se sont depuis longtemps enga-gs dans ce sens, comme le Brsil ou le Prou.

    Au terme de ce panorama, un constat simpose : les individus sont direc-tement concerns par les dispositions des conventions internationalesenvironnementales34. La conception selon laquelle les tats sont les seulssujets du droit international parat bien inapproprie dans le domaine delenvironnement.

    3. 2. Le rle de la socit civile dans la gouvernanceenvironnementale

    La gouvernance mondiale en matire environnementale nest pas le seulfait des tats. Les enjeux environnementaux et les ngociations y affrantcomprennent en effet de nombreuses parties prenantes.

    Socit civile, ONG, individus :une question de terminologie

    Lexpression parties prenantes , traduction du terme anglais stakeholders , a notamment t dfinie par un groupe de travailprsid par lancien Prsident du Brsil, Fernando Cardoso. Celui-cia propos de classer les parties prenantes en trois grandes catgo-ries :outre les tats, le rapport prend en compte le secteur priv et lasocit civile35.

    - Le secteur priv regroupe les entreprises, les fdrations dentre-

    prises, les associations demployeurs et les reprsentants des intrtsdes industriels.

    (33) V. Rebeyrol, Laffirmation dun droit lenvironnement et la rparation des dommages environ-nementaux, thse de doctorat, Universit Paris 1, 2008.(34) Voir J. H. Knox, Rapport de lExpert indpendant charg dexaminer la question des obligationsrelatives aux droits de lhomme se rapportant aux moyens de bnficier dun environnement sr,propre, sain et durable,Conseil des droits de lhomme de lONU, 30 dcembre 2013, A/HRC/25/53.(35) Rapport du Groupe de personnalits minentes sur les relations entre lOrganisation des Nations

    Unies et la socit civile, Doc. A/58/817, 11 juin 2004, p. 15. Voir galement A. Pomade, La socitcivile et le droit de lenvironnement. Contribution la rflexion sur les sources et la validit des normesjuridiques, thse de doctorat, Universit dOrlans, LGDJ, 2010.

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    - La notion de socit civileexclut, selon le rapport Cardoso, tant la

    sphre de ltat que celle du march. Les personnes et organisa-tions pouvant tre comprises dans cette catgorie sont trs diverses :hommes/citoyens, associations de citoyens, peuples autochtones,universits et communaut scientifique, syndicats, associationsprofessionnelles, mouvements sociaux, organisations de peuplesautochtones, organisations religieuses et spirituelles et bien sr,organisations non gouvernementales (ONG).

    Une autre approche consiste opposer les tats, seuls sujets de droit

    international avec les organisations internationales36, aux acteursnon-tatiquesou infra-tatiques37, vaste catgorie qui peut regrou-per lensemble des personnes physiques et morales de droit interne(particuliers, entreprises, ONG, collectivits territoriales, peuplesautochtones etc.).

    Lensemble de ces acteurs non-tatiques contribue activement lmer-

    gence, lvolution et leffectivit des politiques publiques environnemen-tales. Ils constituent une vritable source dinspiration et dinnovationpour les pratiques gouvernementales et intergouvernementales. Diff-rentes catgories dacteurs ont vu leur rle et leur influence crotre defaon trs sensible durant les dernires dcennies.

    Les ONG,en premier lieu, dont la nature et les missions sont trs htro-gnes : il peut sagir de groupes locaux, nationaux, rgionaux, ou mmeinternationaux, dont les actions concernent la protection de lenvironne-

    ment, mais aussi le dveloppement durable, la lutte contre la pauvret,etc. Alerte, sensibilisation, information du public, expertise, valuation despolitiques publiques sont autant de fonctions quassurent les ONG envi-ronnementales avec une grande efficacit.

    (36) Rparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis consultatif: C. I. J. Recueil

    1949. p. 174.(37) Le terme dacteurs non-tatiques est dailleurs le seul terme utilis en anglais, la notion de socitcivile nayant pas son quivalent dans cette langue.

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    En matire de protection de lenvironnement, la communaut scienti-fique et universitairejoue galement un rle majeur dans lidentification

    des problmes cologiques, leurs causes et leurs effets, et informent lopi-nion publique et les dcideurs politiques des problmes existants.

    Dune faon plus gnrale, pour respecter leurs engagements interna-tionaux en matire environnementale, les tats peuvent tre conduits faire rpercuter certaines obligations sur les particuliersqui rsident surleur territoire.

    Cest notamment le cas pour les entreprises, destinataires de rglemen-

    tations nationales mises en uvre par les tats pour respecter leurs enga-gements internationaux ou la coutume internationale38. Dans le mmesens, la Cour europenne des droits de lhomme a mis la charge destats une obligation positive de garantir le droit lenvironnement, enprenant toutes les mesures ncessaires. La responsabilit des entreprisespeut par ailleurs tre recherche par les tats pour des manquementsaux rgles internationales environnementales39.

    Les acteurs conomiquesdoivent ainsi prendre en compte des consi-

    drations thiques et environnementales dans leur dveloppement.Les politiques conomiques relatives la croissance verte illustrentcette volution visant dpasser les contradictions relles ou supposesentre croissance conomique et protection de lenvironnement. Il en vade mme de la conscration progressive de la notion de responsabi-lit sociale des entreprises dans tous secteurs de lconomie et de lafinance. Les principes directeurs de lOCDE lintention des entreprisesmultinationales constituent actuellement le plus complet des instruments

    qui existent concernant la responsabilit des entreprises en matireenvironnementale. Dans le mme sens, le droit pnal international estsusceptible dimposer des obligations aux particuliers. Les propositionsactuelles tendant linstitution dun crime dcocidereposent bien sur

    (38) La CIJ a ainsi consacr trs clairement comme coutumire l obligation de procder unevaluation de limpact sur lenvironnement lorsque lactivit industrielle projete risque davoir unimpact prjudiciable important dans un cadre transfrontire . Usines de pte papier sur le fleuve

    Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrt, C.I.J. Recueil 2010, p. 14 101.(39) Voir Maljean-Dubois, La porte des normes du droit international de lenvironnement lgarddes entreprises , Journal du droit international,n 1, janvier 2012.

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    cette lecture du droit international : une convention internationale, visanten particulier les entreprises transnationales, pourrait avoir pour objet

    dinstituer de telles infractions40.

    Enfin, les communauts locales, quil sagisse des collectivits territo-riales ou des peuples autochtones, sont de plus en plus impliquesdans la dfinition comme dans la mise en uvre des plans dactionsen matire de dveloppement durable. Tel est particulirement le casdes villes : souvent responsables des services publics de leau ou de lagestion des dchets, elles jouent ici un rle de premier plan.

    Cet ensemble dacteurs non-gouvernementaux est aujourdhui trs troi-tement associ la politique internationale de protection de lenviron-nement. Le Plan daction de Lima-Paris , adopt Lima au Prou endonne une belle illustration : il est ainsi essentiellement consacr auxactions des NA , les Non-state Actors .Un portail Internet est spcia-lement ddi leurs engagements, le portail NAZCA ( Non-state ActorZone for Climate Action ).

    3. 3. La ncessit dassortir les droitsenvironnementaux de garanties

    La protection de lenvironnement est un droit des individus. Elle consti-tue mme un droit fondamental, une nouvelle gnration des droits delhomme. Il est donc lgitime de poser, en matire denvironnement, lamme question que celle voque par Ren Cassin, en matire de droitde lhomme, la question des garanties : Comment lindividu, sujet de

    droit, pourra-t-il obtenir le respect effectif et universel des prrogativesdont il est titulaire ? . Comment donner aux individus, titulaires de cesdroits, les moyens juridiques de sassurer du respect par les tats de leursobligations dans ce domaine ?

    En matire de droits fondamentaux, certaines garanties existent parfoisau niveau rgional. Tel est le cas de la Convention europenne des

    (40) Voir L. Neyret (dir.), Des cocrimes lcocide, Le droit pnal au secours de lenvironnement,Bruylant, 2015.

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    droits de lhomme, qui est dote dune vritable juridiction, la Cour euro-penne des droits de lhomme. Saisie par les individus, celle-ci peut ds

    lors sanctionner les atteintes par les tats aux droits environnementauxqui se dgagent de la Convention. On pourrait galement citer le casde la Cour de justice de lUnion europenne, mme si lon considreaujourdhui que lUnion europenne ne relve plus tout fait du droitinternational gnral.

    Toutefois, au plan international, la conscration des droits de lhomme lenvironnement a le plus souvent une porte purement symbolique. Plusencore, mme lorsque les textes ont une force normative, ils ne sont pastoujours appliqus ni sanctionns. Dpourvu deffectivit, le droit interna-tional de lenvironnement savre impuissant rgler des problmes ougrer des risques environnementaux globaux.

    En renforant les moyens juridiques la disposition de la socit civile,on introduit un lment de contrle extrieur aux tats, favorisant ainsiune meilleure effectivit du droit international de lenvironnement.

    *

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    Le rapport sintresse successivement trois catgories de garantiesdes droits des individus et de la socit civile.

    Les garanties procdurales dabord (Premire partie). Ds la phasedlaboration des conventions environnementales, la participation de lasocit civile doit tre mieux assure. Il sagit ici damliorer la gouver-nance internationale de lenvironnement.

    Les garanties juridictionnelles, ensuite (Deuxime partie). Le prsentrapport propose ce titre de faciliter laccs de la socit civile auxmcanismes de contrle et la justice internationale. Les ONG en parti-

    culier prsentent un regard extrieur, qui peut utilement contribuer aurespect par les tats de leurs obligations internationales.

    Les garanties textuelles, enfin (Troisime partie). Le corpus juridiqueet les recours juridictionnels existant prsentent une faiblesse majeure.Les diverses dclarations de droits environnementaux existantes, pure-ment symboliques, sont dpourvues de porte juridique et sont rarementinvocables directement devant un juge. Il convient daller plus loin enadoptant une Charte universelle de lenvironnement, dote dun instru-

    ment de suivi contraignant et ayant valeur obligatoire devant le jugeinternational ou national. Ce trait fondateur viendrait utilement compl-ter le corpusdes instruments internationaux de protection des droits delhomme, form notamment par le Pacte international relatif aux droitscivils et politiques et le Pacte international relatif aux droits conomiques,sociaux et culturels.

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    1REPARTIELes garanties procdurales :conforter la place

    de la socit civiledans llaboration

    du droit internationalde lenvironnement

    Seuls les tats et les organisations internationales intergouvernementales

    disposent du pouvoir de sengager par voie de trait, contrairementaux particuliers qui ne disposent pas du pouvoir normatif sur la scneinternationale. Nanmoins, dans le domaine de lenvironnement, les troisdernires dcennies ont vu saccrotre le nombre dONG intervenant enamont et durant les ngociations environnementales. Dans la nouvelleenceinte du PNUE notamment, cre la suite de la Confrence deStockholm, lapproche classique de la consultation des ONG et, pluslargement, de la socit civile, sest progressivement transforme en une

    participation de plus en plus active de ces parties prenantes aux proces-sus dcisionnels.

    Cet largissement a t entrin de faon spectaculaire loccasion dela Confrence de Rio en 1992, o le nombre de reprsentants des ONGslevait 20 000, soit deux fois plus que les reprsentants gouvernemen-taux. Leur force de frappe tait telle que les ONG ont organis un sommetparallle pour faire entendre leur voix. Le principe 10 de la Dclarationfinale de la Confrence consacre lexigence de dmocratie participa-tiveen matire environnementale en disposant que : La meilleure faonde traiter les questions denvironnement est dassurer la participation de

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    tous les citoyens concerns, au niveau qui convient. Au niveau national,chaque individu doit avoir dment accs aux informations relatives

    lenvironnement que dtiennent les autorits publiques, y compris auxinformations relatives aux substances et activits dangereuses dans leurscollectivits, et avoir la possibilit de participer aux processus de prisede dcision. Les tats doivent faciliter et encourager la sensibilisation etla participation du public en mettant les informations la disposition decelui-ci () .

    La Convention dAarhus,signe en 1998, vise galement favoriser laparticipation du public la prise de dcisions ayant des incidences surlenvironnement. Elle repose sur trois piliers : le droit daccs linforma-tion (articles 4 et 5), le droit du public de participer llaboration desdcisions (articles 6 8) et le droit daccder la justice (article 9). Lestats parties la Convention sengagent assurer ces trois droits conco-mitants dans leurs procdures internes pour toute dcision relative len-vironnement.

    En 2005, la Confrence des Parties de cette convention a adopt les

    Lignes directrices dites dAlmaty, qui visent promouvoir les principesde laccs linformation et de la participation du public au proces-sus dcisionnel dans les instances internationales traitant des questionsrelatives lenvironnement. Leur principal objectif est de fournir des indi-cations dordre gnral aux tats parties la convention. Elles disposentnotamment que dans toute structuration de laccs international, ilfaudrait veiller instaurer ou maintenir des processus ouverts, en prin-cipe, au grand public .

    Dans ce contexte, les ONG ont su dvelopper diffrents moyens de pres-sion sur les acteurs gouvernementaux en fonction de la forme et de laphase des ngociations dun trait, en particulier lors de la mise lagen-da dun enjeu environnemental (I). Les voies daction des ONG durant lesngociations restent cependant indirectes et sont rarement reconnuesdans le texte mme des conventions internationales (II). Lorganisationde la COP21 en dcembre 2015 Paris peut donner loccasion de renfor-cer ces garanties procdurales (III).

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    Llaboration des traits internationaux

    Llaboration des traits internationaux comprend plusieurs phases :

    1) La phase prparatoire de pr-ngociation : lors de cette phase,chaque tat rflchit ce quil souhaite accorder, concder, ache-ver. Ce nest pas encore une phase de ngociation formellementouverte. Les parties ont deux options :

    - faire usage dun cadre de ngociation dj existant, telle quuneConfrence des Parties qui permet ladoption de protocoles pour

    prciser les obligations des tats parties ;- trouver un accord sur une procdure dadoption ad hocen tablis-sant un rglement intrieur et en crant un secrtariat.

    2) La ngociation, loccasion du droulement de la confrenceinternationale qui doit aboutir ladoption dun texte, gnrale-ment par consensus. Les parties votent article par article puis letexte dans sa globalit. La ngociation sur le contenu des articlesest cruciale : par la suite, les tats ne sopposent que trs rare-

    ment ladoption dun article ou du texte, pour refuser purementet simplement de ratifier ce dernier.

    3) Aprs la signature du trait, la ratification. La signature du traitnengage pas les tats. Les tats doivent donc, selon les procduresdadoption dfinies dans leur Constitution, ratifier ou approuver letrait pour quils soient juridiquement engags. Un tat qui nauraitpas particip aux ngociations peut toujours adhrer postrieure-ment au trait. Si la ratification, ou lapprobation du trait engageindividuellement les tats, le trait prvoit gnralement son entreen vigueur partir dun nombre minimum de ratifications (seuil deratification).

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    I. Consacrer linfluence de la socit civile dans lamise lagenda des problmes environnementaux

    Si les scientifiques apportent les informations techniques ncessaires lagouvernance environnementale, les ONG ont trs souvent une fonctiondalerte et de relais entre la communaut scientifique, lopinion publiqueet les gouvernements. Par des actions de vulgarisation des connais-sances scientifiques et de sensibilisation des citoyens, elles contribuent mettre ces questions lordre du jour politique et font pression sur lesadministrations publiques et dcideurs politiques. Par leur prsence sur le

    terrain et leur proximit avec les citoyens, elles sont par ailleurs en mesuredattirer lattention des gouvernements et organisations internationalessur les situations locales problmatiques et les ventuelles dfaillancesdes politiques publiques nationales41.

    Lexpertisedont les ONG disposent renforce la qualit des dbats, dupoint de vue technique.

    Plus fondamentalement, la participation de la socit civile a pour cons-quence de fournir une plus large lgitimit aux dcisions prises par lestats au sein des enceintes intergouvernementales. Une organisationinternationale peut ainsi trouver un intrt sappuyer directementsur les citoyens pour contrebalancer le pouvoir des tats et donnerune base plus dmocratique ses dcisions. Cette proccupation peutsobserver au sein de lUnion europenne, travers les changes nour-ris qui se nouent entre la Commission et divers acteurs conomiques etsociaux, notamment loccasion de llaboration des textes europens.Sagissant de lONU, son Secrtaire gnral, Boutros Boutros-Ghali, dcla-rait en 1994 que les ONG sont une forme fondamentale de participationpopulaire dans le monde daujourdhui. Leur participation aux organisa-tions internationales est, en quelque sorte, le garant de [leur] lgitimitpolitique 42.

    (41) Voir M. Pallemaerts et M. Moreau, Le rle des parties prenantes dans la gouvernance mondialede lenvironnement , IDDRI, Gouvernance mondiale, n 07/2004.(42) Cit par M. Pallemaerts et M. Moreau, ibid, p. 12.

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    Le rle des ONG dpasse dailleurs de plus en plus souvent la simplefonction dalerte et de sensibilisation : elles soumettent galement

    directement des propositions de textes ou darticles aux tats, par linter-mdiaire des reprsentants gouvernementaux. Lide mme dun traitprovient ainsi souvent de la socit civile qui va obtenir dun ou plusieurstats la convocation dune confrence sur un sujet particulier. Certainesconfrences sont par ailleurs prcdes dun rapport ralis par desexperts, qui peut prfigurer le fond de la convention et constituer uncadre pour les dbats. Lorganisation de la Confrence de Stockholm apar exemple cumul ces deux aspects : elle fut organise suite aux mani-

    festations et sous linfluence de diffrentes ONG sudoises, sur la base durapport de Ren Dubos et Barbara Ward, intitul Nous navons quuneterre ,rdig la demande du Secrtaire gnral de la Confrence.

    Il faut galement mentionner ici ltonnant processus dadoption de laCharte de la Terre. Ce document consacre un ensemble de principesfondamentaux pour construire un monde juste, durable et pacifique .Ce texte dbuta comme une initiative des Nations Unies, appele de sesvux par le Secrtaire gnral des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali,en vue dapprofondir et de conforter la Dclaration de Rio. Il fut repris en1994 par des personnalits43, cette fois en tant quinitiative de la socitcivile, avec le soutien du gouvernement des Pays-Bas. Le processus derdaction se droula sur 5 ans, de 1995 2000, et reposa sur la consulta-tion dune trs grande diversit dacteurs : experts scientifiques, avocatsinternationaux, dirigeants religieux, etc. Il aboutit ladoption duneCharte de la Terre le 29 juin 2000 au Palais de la paix de La Haye. Il y a lun bel exemple de texte relevant entirement de la socit civile, depuissa rdaction jusqu son adoption. Il na bien entendu aucune porte

    juridique. Il nen reste pas moins un document de rfrence qui, tel la soft law , peut progressivement influencer le contenu mme des textes

    juridiques relevant de la hard law .

    Ces moyens dactions restent cependant informels : aucune conventioninternationale ne prvoit explicitement un mcanisme qui permettrait la socit civile dtre force officielle de proposition juridique dans le

    (43) Notamment Maurice Strong, prsident du Sommet de la Terre, et Mikhal Gorbatchev.

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    cadre de ngociations environnementales. Par ailleurs, laction des ONGse concentre principalement sur les ngociations climatiques : lagen-

    da de ngociations des autres secteurs du droit de lenvironnement estdavantage le fruit de linitiative tatique. Dans ce cadre, la Commissionest favorable la mise en uvre de deux mcanismes qui favoriseraientle dveloppement de la dmocratie participative lchelle interna-tionale : linitiative citoyenne et le droit de ptition universel.

    Proposition 1 : Instituer une initiative citoyenne au niveau mondial,dans le cadre des Nations Unies ou des instances environnementales.

    On pourrait ici sinspirer de linitiative citoyenne europenne (ICE),qui existe au sein de lUnion europenne44. Elle permet aux citoyens departiciper au processus normatif en demandant la Commission euro-penne de proposer ladoption dun acte juridique. Ses conditions derecevabilit sont strictement encadres : linitiative doit tre prsente par

    au moins un million de citoyens reprsentant au moins un quart des tatsmembres. La Commission europenne nest pas tenue dy donner suitemais elle doit procder un examen de la demande. Si elle refuse, elledoit se justifier.

    Dans le mme esprit, il serait possible dorganiser un droit dinitiativecitoyenne auprs de toutes les instances ayant le pouvoir de lancer unprocessus normatif international : secrtariat gnral de lONU, pour lesNations Unies, mais aussi secrtariat des grandes conventions environ-nementales (changements climatiques, diversit biologique, etc), quipeuvent tre conduits proposer ladoption de Protocoles additionnels,voire dactes de droit driv. Plusieurs modalits sont probablementconcevables pour linstitution dune telle initiative : amendements multi-ples apports chacune des conventions concernes ; ou conven-tion-cadre faisant du secrtaire gnral de lONU ou des tats eux-mmesles destinataires de ces initiatives.