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SECURITE SOCIALE R e v u e b e l g e d e SECURITE SOCIALE SECURITE SOCIALE R e v u e b e l g e d e SECURITE SOCIALE Service public fédéral Sécurite sociale Rue de la Vierge noire 3c – B-1000 Bruxelles ISSN : 0035-0834 ' Information ' et ' formation ', ce sont là, plus que jamais, deux mots clefs de notre époque et deux exigences auxquelles la Revue belge de sécurité sociale veut souscrire en publiant des articles de haut niveau consacrés aux aspects juridiques, économiques, sociologiques … de la protection sociale, tout à la fois matière de connaissance et de réflexion pour le lecteur. Cette politique entend s’inscrire dans le cadre de l’Union européenne. Chaque numéro comporte, donc, une rubrique dédiée à cette fin. La Revue paraît chaque trimestre en deux versions : l’une française et l’autre néerlandaise. La Revue peut être con- sultée sur internet : http://socialsecurity.fgov.be/bib/index.htm ' Informeren ' en ' aanleren ' zijn meer dan ooit twee sleutelwoorden van onze tijd. Het Belgisch Tijdschrift voor Sociale Zekerheid wil daartoe bijdragen door kwaliteitsvolle artikelen te publiceren over juridische, economische, sociologische, … aspecten van de sociale bescherming, die de lezer enig inzicht bijbrengen en hem tevens tot nadenken kunnen aanzetten. Deze lijn wordt ook doorgetrokken naar het domein van de Europese Unie : elk nummer bevat een vaste Europese rubriek. Het Tijdschrift verschijnt ieder trimester in twee versies : de ene in het Nederlands, de andere in het Frans. Het Tijdschrift kan ook worden geraadpleegd op het internet : http://socialsecurity.fgov.be/bib/index.htm 4 4e trimestre 2002 44e année 4 4e trimestre 2002 44e année

RBSS numéro 4/2002

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SECURITE SOCIALES e r v i c e p u b l i c f é d é r a l S é c u r i t e s o c i a l eRue de la Vierge noire 3c – B-1000 Bruxel les

ISSN : 0035-0834

' Information ' et ' formation ', ce sont là, plus quejamais, deux mots clefs de notre époque et deuxexigences auxquelles la Revue belge de sécuritésociale veut souscrire en publiant des articles dehaut niveau consacrés aux aspects juridiques,économiques, sociologiques … de la protectionsociale, tout à la fois matière de connaissance etde réflexion pour le lecteur.Cette politique entend s’inscrire dans le cadre del’Union européenne. Chaque numéro comporte,donc, une rubrique dédiée à cette fin.La Revue paraît chaque trimestre en deux versions : l’unefrançaise et l ’autre néerlandaise. La Revue peut être con-sultée sur internet :http://socialsecurity.fgov.be/bib/index.htm

' Informeren ' en ' aanleren ' zijn meer dan ooittwee sleutelwoorden van onze tijd. Het BelgischTijdschrift voor Sociale Zekerheid wil daartoebi jdragen door kwal i te i t svol le ar t ike len tepub l i ce ren over ju r id i sche , economische ,sociologische, … aspecten van de socialebescherming, die de lezer enig inzicht bijbrengenen hem tevens tot nadenken kunnen aanzetten.Deze l i jn wordt ook doorgetrokken naar hetdomein van de Europese Unie : elk nummer bevateen vaste Europese rubriek.Het Tijdschrift verschijnt ieder trimester in twee versies : de enein het Nederlands, de andere in het Frans. Het Tijdschrift kanook worden geraadpleegd op het internet : http://socialsecurity.fgov.be/bib/index.htm

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Les travaux signés ou reproduits sous le couvert d’une indication de source danscette publication n’engagent que la responsabilité de leur auteur et ne reflètent pasnécessairement la position ou l’opinion du Service public fédéral Sécurité sociale.

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DE LA REDACTION

Le 31 octobre 2002, Mr. Le professeur Herman Deleeck est décédé.

Jusqu’à sa disparition regrettée, le professeur Deleeck était un membre très appré-cié du Conseil de Rédaction de la Revue belge de sécurité sociale. Poussée par sonenthousiasme et ses idées constructives, cette revue est devenue adulte, en partiegrâce à lui.

Au début du présent numéro, nous proposons des textes à la mémoire de HermanDeleeck de la plume du ministre des Affaires Sociales et des Pensions, Frank Van-denbroucke, du recteur honoraire et coprésident du Conseil de Rédaction de cetterevue, Roger Dillemans, de la professeur Bea Cantillon et du professeur Jos Bergh-man.

Au moment de mettre sous presse, nous apprenons avec une grande tristesse ledécès du professeur Bea Van Buggenhout, de qui nous publions un article dans leprésent numéro.

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EN SOUVENIR DU PROFESSEUR HERMAN DELEECK

Le professeur Herman Deleeck mérite qu’on lui rende hommage. Comme pourbeaucoup, son décès m’attriste, non seulement pour le rôle majeur qu’il a joué dansle domaine de la politique sociale, mais encore, pour sa forte personnalité, affable etinspiratrice qui nous manquera désormais.

M. Herman Deleeck faisait partie de cette génération qui a été témoin de la fonda-tion et de l’édification de notre Etat social moderne. Sa contribution personnelle nefera jamais assez l’objet de reconnaissance et d’estime. Il était absolument convain-cu de l’importance et de la nécessité d’un Etat social où la sécurité sociale joue unrôle clé. Ceci ne signifie cependant pas, qu’il épargnât de ses critiques le système enplace. Jamais, d’ailleurs, il ne perdait de vue son objectif : sauvegarder la légitimitédu système en visant l’efficacité et l’équité.

La vision d’Herman Deleeck ne reposait pas uniquement sur un engagement socialsincère et opiniâtre, mais aussi sur la recherche scientifique. Pour lui, la recherchescientifique sociale ne pouvait être gratuite. Elle devait se concevoir en fonctiond’un projet de société et être au service du développement, en son sein, de princi-pes éthiques.

L’effet scientifique de redistribution de la sécurité sociale, constaté empiriquement,bénéficiait de son attention constante. C’est lui qui avait inventé l’expression “EffetMatthieu” qui se réfère à la constatation que les dispositifs sociaux profitent relative-ment plus aux catégories à hauts revenus qu’aux moins nantis.

Le Professeur Deleeck analysait notre société et notre système de protection socialecomme nul autre. La vingtaine d’ouvrages et les plus de 120 articles qu’il a rédigéstémoignent de sa capacité exceptionnelle à examiner une donnée de manière criti-que, à la situer dans un ensemble plus large, à mettre le doigt sur les points noirsmais aussi sur les éléments positifs et d’en tirer les conclusions pour l’avenir.

Herman Deleeck est parvenu à transmettre ses préoccupations, son engagement, sesidées et sa sensibilité critique à des cohortes de jeunes scientifiques et de collabora-teurs qui, au cœur de la société, ont essaimé dans une multitude de directions. Soussa conduite inspiratrice, l’UFSIA créa le Centrum voor Sociaal Beleid. Les sondagessur la pauvreté du Centrum mesurent depuis les années septante l’évolution de lapauvreté et des inégalités sociales. Ils constituent un remarquable instrument pourévaluer les résultats de la politique sociale. Il est indubitable que les analyses effec-tuées par le Centrum, sur base de ces sondages, ont largement servi à la création demesures sélectives de lutte contre la pauvreté.

L’empreinte du professeur Herman Deleeck, sur la politique, n’a pas été anodine.Non seulement, il a contribué, en partie par ses idées, à la formation d’un grandnombre d’hommes politiques de premier plan tout en les influençant et en les inspi-

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rant, mais encore il était également actif sur le plan politique : ainsi, il a siégé plusi-eurs années au Sénat, était membre de la Commission royale pour la Réforme de laSécurité sociale et a été, pendant de longues années, le président de la CommissionInterdépartementale pour la lutte contre la pauvreté. Son argumentation, en paroleset en écrits, ainsi que ses recherches scientifiques pesaient sur la politique gouver-nementale.

Le professeur Deleeck a toujours fait montre d’un caractère affable, ce qui n’impli-que toutefois pas qu’il se montrait toujours d’un abord facile. Poussé par sa sensibi-lité sociale et son engagement politique, il posait des questions difficiles et fournis-sait des réponses exigeantes que certains – hommes politiques, partenaires sociauxou mouvements sociaux – préféraient ne pas entendre. Il nous a appris qu’il fautégalement oser regarder la répartition des dépenses sociales d’un oeil critique. Lesrésultats concrets de la politique sociale étaient pour lui une source de préoccupa-tion et non pas l’occasion de faire de belles démonstrations sur de beaux principes.

Dans son dernier ouvrage, récemment publié, Herman Deleeck constate, non sansplaisir, que notre Etat providence a résisté avec succès à 25 années de crise, a étécapable de générer une prospérité généralisée et a relativement bien tenu comptedu souhait d’une répartition équitable des revenus. Cependant, il ne manque pasaussi de mettre en lumière certains points noirs : le coût des soins de santé, ladépendance aux allocations, l’exclusion des personnes faiblement qualifiées, la pro-blématique de la pauvreté et des défavorisés, pour n’en citer que quelques-uns.

Herman Deleeck a été – en tant que défenseur de l’Etat providence – pendant denombreuses années la conscience sociale de la Flandre. Ce faisant, il nous a apprisune leçon essentielle, que nous ne pouvons oublier : la meilleure défense de l’Etatprovidence est une défense critique. Et en matière de politique sociale, les hommespolitiques se doivent, également, d’éviter tout sentiment d’autosatisfaction.

(Traduction)Frank Vandenbroucke

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IN MEMORIAM

HERMAN DELEECK, MON AMI

« Dans la hotte de Saint-Nicolas il y a plus de cadeaux pour les enfants des riches quepour les enfants des pauvres ».C’est avec ce type de déclarations percutantes qu’Herman Deleeck délivrait, en destermes compréhensibles pour tous, ses messages provoquants, et ce, aussi bien àpropos de la sécurité sociale qu’en ce qui concerne les préoccupations humainesqui y sont liées.

En réalité, même s’il était de peu mon aîné, nous nous connaissions bien depuis lafin de mes études universitaires. Mais au fil du temps, cette différence d’âge s’estpeu à peu atténuée et effacée. Pendant toutes ces années, nous avons noué des lienspersonnels d’amitié, nourrissant un sentiment d’empathie si intense que nous parta-gions nos problèmes et participions à la pensée et à la soif d’action de l’autre. Nousnous sommes souvent soutenus mutuellement. Nous savions, avec la perceptionparfaite du timing qu’ont les amis, quand cela s’imposait. Je devinais toujours immé-diatement ce qu’il pensait sur une question soulevée dans un débat, sur une opinionénoncée ou sur une proposition introduite. Y compris lorsque cela venait de moi. Jepressentais chaque fois ce qui suivrait après l’introduction amicale, dite avec unelégère hésitation feinte. Il disait ce qu’il pensait. Et si, les premières fois, on étaitquelque peu déconcerté, on comprenait très vite combien est précieuse l’amitiévraie qui veut que l’on ne farde jamais la vérité. Et ce, assurément dans notre mondeoù l’on ne fait que flagorner les personnes ayant acquis un certain statut social. Parfacilité, par diplomatie mal comprise ou simplement par calcul personnel.

J’ai eu l’honneur de prendre la parole lors de son départ à l’éméritat, une transitionimportante pour quelqu’un comme Herman qui rangeait, bien construites, les cho-ses à leur place et s’y tenait dans l’action.Dans beaucoup de comités, ici et à l’étranger, dans les milieux académiques et poli-tiques, nous cherchions la compagnie l’un de l’autre et avons d’innombrables foissiégé en voisins dans des réunions, avec des réactions murmurées entre amis qui secomprennent parfaitement à demi-mot, avec des arrière-pensées inexprimées, despréoccupations et perspectives de réflexion ultérieures.

C’était un juriste qui s’était aventuré dans la pensée sociologique ; j’étais un cher-cheur, un philosophe social qui s’était frotté au droit. Nous nous reconnaissions unrôle dans le mouvement de la pensée sociale. Il ressentait souvent le besoin d’expri-mer les choses qu’il avait déjà intellectuellement vécues et il pouvait, alors, se mon-trer doctoral et solennel mais, toujours, sans la moindre arrogance. Il estimait que lemonde de toute évidence pouvait s’améliorer, même notre société prospère ; il y ad’ailleurs contribué par sa façon d’attaquer les problèmes qui en révélait les nom-breux aspects obscurs.

Herman Deleeck entre dans l’histoire comme l’un des fondateurs de notre Etat pro-vidence de cet après-guerre et comme l’un des acteurs, critique et constructif, de lapérennité de notre société de bien-être et de soins. Son apport, direct ou via ses col-

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laborateurs, se focalisait sur les points noirs du moment mais toujours à l’intérieurd’une vision ample de l’avenir du système, au départ de sa recherche scientifiquemais toujours dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Il a formé et motivébeaucoup de jeunes à travailler dans le secteur social. Parmi eux, plusieurs devien-dront politiciens et monteront aux créneaux. Un certain nombre de collaborateursont mûri chez lui, au sein du Centrum voor Sociaal Beleid près de l’UFSIA, qui luitenait tellement à cœur, jusqu’à devenir de dignes continuateurs du vaste projet« Deleeck » qui, ainsi, se perpétue.

L’institution de la Commission Royale pour la réforme (codification, harmonisationet simplification) de la sécurité sociale était son idée ; dans les années 80-85, cegroupe d’experts, de parlementaires et de partenaires sociaux préparait un projetglobal de réforme de la sécurité sociale. Certains projets semblaient, à l’époque,trop en avance au plan politique pour pouvoir se concrétiser sans difficultés. Cer-tains projets ont, effectivement, percé comme la Banque carrefour de la sécuritésociale, d’autres par contre auront besoin de plus de temps. Lui et moi, ainsi qued’autres de notre entourage, continuèrent à y croire. Aussi, la fondation du groupeSociura ne tarda guère. Il s’agissait d’une collaboration surtout de « l’école louvani-ste » et du CSB anversois avec Herman Deleeck, avec l’appui du Service Social duVEV. Le projet Sociura développait plusieurs thèmes politiques prioritaires : l’impor-tance de la prévention et du redressement, un minimum d’existence digne en plusd’indemnités, l’intégration sociale et la participation au marché du travail, une assu-rance populaire pour les soins de santé, la responsabilisation, l’insertion du person-nel administratif et un statut digne de ce nom pour les indépendants, une placepour l’assurance individuelle en plus des assurances collectives adéquates avecindemnités de base, la qualité du système, la simplification et l’accessibilité, la rela-tion citoyen-administration et une meilleure prestation de services …

A la Revue Belge belge de Sécurité sociale, il était jusqu’à tout récemment un mem-bre alerte de la rédaction, critique, créatif, stimulant et inspirant.

Sa vision de l’avenir de notre société solidaire prend sa source dans un individuali-sme chrétien d’inspiration sociale qui voyait le salut dans la combinaison de la soli-darité et de la responsabilité.

Il a rendu notre société et notre monde meilleurs. En nous laissant, en héritage, unepensée stimulante, il demeure parmi nous, et ses messages conserveront à jamaisleur caractère pénétrant.

(Traduction)Roger Dillemans

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IN MEMORIAM

L’HERITAGE DU PROFESSEUR HERMAN DELEECK

J’écris cet In Memoriam avec beaucoup de tristesse. Comme pour beaucoup d’en-tre nous, avec la disparition de M. le professeur H. Deleeck, j’ai perdu un maître etun mentor. C’était un homme exceptionnel, avec un grand engagement socialremarquable, plein de talents. Un homme portant un intérêt remarquable à autrui,doté d’un grand sens de l’humour et du relatif. Il investissait dans les gens, enthou-siasmait, stimulait et faisait école. Il était très exigeant et inébranlable. Je pense que,s’il n’était pas toujours facile, c’était à cause de son sens des responsabilités forte-ment développé.

L’œuvre de Monsieur le professeur H. Deleeck est sous-tendue par une idée maîtres-se qui est de révéler et de mettre en évidence les inégalités socio-économiques etculturelles. Un paradoxe l’a habité tout au long de sa vie : le constat, que malgré unesocialisation énorme du revenu national, une part non négligeable des ménages vitdans la pauvreté et dans l’insécurité d’existence tandis que les inégalités socio-cultu-relles dans les domaines de l’enseignement, de la maladie et de la mort se mainten-naient obstinément.A cela, il avait une explication : « l’effet Matthieu ». Certains mécanismes de redistri-bution ont pour résultat que les avantages de la politique sociale convergent d’avan-tage vers les catégories sociales plus élevées que vers les plus modestes. Les meil-leurs exemples en sont l’enseignement, les allocations familiales et les pensions. Lesménages les plus aisés perçoivent plus d’allocations familiales et bénéficient davan-tage des budgets consacrés à l’enseignement que les familles moins nanties parceque les premiers permettent à leurs enfants d’étudier plus longtemps et en plusgrand nombre. Et, parce que les personnes mieux qualifiées vivent plus longtempsque les moins qualifiées, elles profitent aussi plus longtemps de leur pension de re-traite (par ailleurs également plus élevée). Dans le recours aux équipements et servi-ces collectifs, les facteurs socio-culturels des inégalités continuent à peser. Le remè-de Deleeckien en découle : « rendre l’offre universelle n’est pas suffisant alors que lademande, à son point de départ, reste différente. Il est paradoxal de constater qu’àcause de l’universalité -voulue non discriminatoire- des dispositifs sociaux, ceux-ciprofitent, en fait, en premier lieu et le plus, aux classes sociales moyennes ou plusélevées. Par conséquent, outre la politique générale, il faut une approche spécifi-que, axée sur certains groupes » (1). Indubitablement, la politique sociale sélectivemenée en Belgique depuis le début des années 80, a été inspirée par ce point devue.

Pour mener au changement, Herman Deleeck utilisait en guise de « levier » et enpremier lieu, la recherche scientifique : objective, systématique et loin de tout partipris. Il était un chercheur rigoureux qui aimait prendre les sciences positives pourmodèles : “Notre sensibilité sociale – écrivait-il dans son discours d’adieu – n’est passeulement une émotion… Partant de la recherche scientifique…, nous voulons ren-dre service à la société. Une telle sensibilité basée sur les faits objectifs, on l’attendet on l’accepte d’un médecin qui lutte contre le cancer. Le même principe est vala-

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ble pour le chercheur social” (2). Il visait en permanence la plus grande probitéintellectuelle. Un moment fort dans sa carrière fut celui où l’un de ses assistantsdans sa thèse doctorale contesta, pour des raisons méthodologiques, la norme pourmesurer la pauvreté développée par Herman Deleeck. Deleeck n’était pas vraimentd’accord avec cette critique, mais jamais il ne demanda que fût changé un iota dansle texte. L’assistant, très apprécié par Herman Deleeck, obtint pour sa thèse le PrixPWSegers, avec … Deleeck comme président du jury.

Le professeur H. Deleeck était le pionnier de la recherche socio-économique empiri-que en Belgique. Il fut le premier à réaliser, en 1975, à l’aide d’une enquête à grandeéchelle auprès de 5.000 ménages un atlas social des ménages flamands. Cette enquê-te eut lieu au moyen d’un questionnaire qui ne dépassait guère la taille d’une “cartede tram” (il en était très fier, parce qu’il était persuadé que les longs questionnairesfournissent de mauvaises données). L’étendue, les caractéristiques et les détermi-nants de la pauvreté (il préférait parler d’insécurité d’existence) ont ainsi étémesurés tandis que, pour la première fois, était évaluée l’efficacité de la sécuritésociale. Ainsi était créé un instrument important qui allait permettre de suivre et decomprendre la situation en matière d’inégalité, d’insécurité d’existence et de pau-vreté en Belgique. Maintenant que cet instrument est arrivé à maturité, il est trans-féré à l’INS et au SPF Sécurité Sociale. Avec SILC (Survey on Living Conditions), ilsen feront un observatoire officiel annuel. Ainsi s’accompli le souhait le plus cher deDeleeck.

A travers les ans, le professeur H. Deleeck a continué à marteler inlassablementcombien était nécessaire le développement d’indicateurs sociaux quantitatifs à côtédes indicateurs économiques (PNB, inflation, etc.). Il avait beaucoup d’influence, ycompris aux Pays-Bas (en témoigne sa chaire à Leiden) et en Europe. Bien longtemps avant que ne fût utilisée la Méthode de Coordination Ouverte entant qu’instrument de politique sociale, il suivait la piste de la convergence autourd’objectifs sociaux au lieu de l’ancienne idée d’harmonisation des systèmes de sécu-rité sociale (parce que ‘non réalisable, inutile et non souhaitable’). Il fut le premier àdévelopper des indicateurs sociaux comparables pour différents Etats membres del’UE. Une décennie plus tard (sous l’impulsion de Frank Vandenbroucke pendant laprésidence belge de 2001), il a été décidé de recourir à des indicateurs sociaux auniveau européen pour mettre en cartes les performances sociales des Etats mem-bres. Difficile de s’imaginer une plus belle poursuite de l’œuvre de vie de Deleeck.

(Traduction)Bea Cantillon

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(1) Deleeck, H. (2002), ‘Dood en verdeling. Over sociale ongelijkheid in ziekte, zorg en dood’, Stre-ven (à paraître)(2) Deleeck, H. (1993), Het sociale zekerheidonderzoek. Een terugblik naar de toekomst, Coursd’adieu tenu par le professeur H. Deleeck, le 29 octobre 1993, Acco : Louvain.

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HERMAN DELEECK, DE LA SECURITE SOCIALE AU « SOCIAL PROTECTION »

Les médias ont accordé beaucoup d’attention au décès d’Herman Deleeck. La télévi-sion, tout comme les quotidiens et les hebdomadaires n’ont pas manqué de souli-gner l’influence innovatrice et inspirante qu’il a exercée et sur la politique socialebelge et flamande et, surtout, sur la réflexion sur l’Etat providence et la sécuritésociale. Au-delà de cet intérêt directement visible et de cet hommage rendu à justetitre, une revue scientifique axée sur la politique sociale, comme la Revue belge deSécurité sociale, se prête à chercher la signification plus large, plus profonde et plusdurable de sa pensée et de ses actes. L’expert politique qu’était Herman Deleeckaurait sans doute aimé critiquer lui-même l’étrécissement et l’accaparement de sonhéritage spirituel ; il l’aurait placé, avec tout l’humour qui était le sien, dans un con-texte général. Or, la RBSS offre, précisément, une plate-forme autorisant uneinterprétation pertinente de son oeuvre scientifique. Ce trimestriel lui tenait, eneffet, à cœur : jusque peu avant sa mort, il continuait à le suivre avec attention et àle pourvoir de ses conseils éclairés.

La signification, plus large, de l’œuvre d’Herman Deleeck couvre les trois champsdu métier académique : l’enseignement, la recherche et l’utilité sociétale. Sonenseignement, il ne le dispensait pas seulement à Anvers mais bien, sinon plus, àLouvain. Il y avait pour auditoire des cohortes d’étudiants devant qui il pouvait don-ner libre cours à ses talents d’orateur. C’est, aussi, parce qu’il y avait cette fouled’étudiants qu’aujourd’hui les trois quarts des experts flamands en sciences socialesont eu Herman Deleeck comme professeur. Cette pépinière a contribué à l’ancrageprofond de sa pensée. Ses étudiants néerlandais de Leiden étaient peu nombreux ;sur le plan intellectuel, il a cependant appris à savourer ces échanges : imaginez-vous, des étudiants qui osent enfin donner la répartie et qui font finement remar-quer qu’à y regarder de plus près, le néerlandais de leur professeur ne dit pas pré-cisément ce qu’il veut dire.

Sur le plan de la recherche, pour des raisons de facilité, on fait couramment référen-ce au Centrum voor Sociaal Beleid d’Anvers. A vrai dire, et pour le situer dans uncontexte plus large, il faut rappeler que les chercheurs qui y travaillaient prove-naient d’horizons fort variés; les premiers recrutements venaient de Louvain puis,aussi, d’Anvers et de Gand et il y avait même un - seul - étranger… Ce ‘melting-pot’ alongtemps préservé le Centrum de toute tentation nombriliste. Hors du Centrum,les doctorants d’Herman Deleeck, ont, eux aussi, aidé ‘le maître’ à conserver, par-fois malgré lui, toute sa vivacité intellectuelle. La plupart des chercheurs du Cen-trum ont ensuite, à leur tour, essaimé pour partager leurs connaissances et expertiseavec les cercles politiques, économiques, avec la société civile et avec l’université.D’ailleurs, au Centre même, le directeur Deleeck n’était pas tant un chercheurqu’un directeur de recherche. Les textes de ses collaborateurs n’ont jamais été tantamendés que lorsqu’il était membre du sénat et qu’il parvenait ainsi à mettre utile-ment à profit les interminables séances plénières. Les résultats des recherches trou-vaient, d’ailleurs, un écho moins dans les milieux scientifiques que dans les commis-

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sions politiques. Les initiatives axées sur l’innovation de la politique sociale commela Commission Royale pour la réforme de la Sécurité sociale ou le projet Sociura,tous deux sous la présidence du recteur de Louvain Dillemans, offraient à cet égardles plates-formes nécessaires.

A présent, mettons le champ de l’utilité sociétale dans notre ligne de mire. Contrai-rement à ce que l’on pense communément, Herman Deleeck n’était pas tant unscientifique qu’un théoricien de la politique sociale. Il s’intéressait effectivementaux faits et aux données, mais ils devaient servir à identifier et à quantifier un pro-blème politique, voire à vérifier le caractère fonctionnel et l’efficacité des alternati-ves de politique sociale, et non à vérifier une théorie. Comme nul autre, il compre-nait cependant l’art d’agrémenter ses propositions politiques d’une légitimité etd’une plausibilité scientifiques et de donner aux activités de recherche de ses colla-borateurs une traduction sur le plan de la politique à suivre.

La signification de son oeuvre n’était pas seulement plus large mais encore plusprofonde que l’on ne voudrait le penser. A l’instar de ses homologues étrangers,Herman Deleeck était un représentant de la culture politique sociale dans laquelle ilbaignait. Dans la lignée de la tradition belge, où l’étude de la sécurité sociale étaitsurtout affaire de juristes, il portait principalement son attention – sans doute aidéen cela par sa formation juridique – sur la description, les aspects institutionnels etles effets directs. Pour lui, expliquer le pourquoi et le comment des résultats obte-nus consistait essentiellement à fournir une interprétation inspirée plutôt qu’unedémonstration scientifique. Tout comme ses homologues étrangers, sa force résidait dans l’audace d’aborder àcontre-courant la politique qu’il observait autour de lui. Comme Titmuss au Royau-me-Uni devint, à contre-courant, le défenseur des prestations liées aux salaires etVeldkamp aux Pays-Bas le promoteur des assurances de base, Herman Deleeck se fitl’avocat de la protection minimale - inexistante alors. Cette émancipation du mouve-ment ouvrier dont il était issu, fut respectée par ce même mouvement qui, par ail-leurs, s’en étonna. Cet esprit de contradiction était déjà perceptible dans sa thèse dedoctorat. Lors de son cours d’adieu, il admit que le thème du fonctionnement redis-tributeur de la sécurité sociale reposait sur un malentendu. Jamais, la sécurité socia-le n’avait été pensée en vue d’engendrer un effet redistributeur vertical. C’est pour-tant à la recherche de cet effet qu’il s’était adonné, a contrario.

Considérant l’ensemble de sa carrière, Herman Deleeck apparaît comme un repré-sentant brillant de la difficile émancipation scientifique en Flandre. Poussé initiale-ment par la volonté d’améliorer le sort des travailleurs salariés (du fait de son passéACW/MOC), de prôner l’égalité des chances (démocratisation de l’enseignement) etd’élever le peuple flamand, il mit sur pied ses premiers projets de recherche dansun contexte flamand et belge en vue d’amender la politique menée dans ces domai-nes. Il parviendra progressivement à s’extraire de ce cocon. Même si son habitatnaturel reste l’orientation politique, il abordera d’abord la discussion scientifique surle plan national et osera, après quelques réserves, également l’approcher sur le plan

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international. Ses principaux collaborateurs, ses étudiants de Leiden et les collèguesétrangers avec qui il se familiarisa peu à peu – et, horrescit referens, qui parlaientsurtout anglais - l’ont aidé à franchir cette étape.Le Flamand s’est mué en Européen, le penseur politique était en quête d’horizonsplus étendus. Le chemin qu’il a, ainsi, accompli force particulièrement l’admiration ;il mérite d’être suivi. Ce faisant, nous nous souviendrons de lui.

(Traduction)Jos Berghman.

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SOMMAIRE

AVANT-PROPOS 573

DEPART ANTICIPE DES TRAVAILLEURS AGES EN BELGIQUE 579GERHARD GIESELINK, YVES STEVENS en BEA VAN BUGGENHOUT

STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE. L’IMPACT DES REFORMESDE LA SECURITE SOCIALE ET DE LA FISCALITE SUR LE PIEGE A L’EMPLOI EN BELGIQUE 619LIEVE DE LATHOUWER et KRISTEL BOGAERTS

ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX : UNE ANALYSE DE CLASSIFICATION DES PUBLICS CIBLES EN TERME DE CARACTERISTIQUESINDIVIDUELLES ET DE TAUX D’INSERTION 703ANNA D’ADDIO et ARNAUD PINXTEREN

LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCES DES CHOMEURS DANSLEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ? L’INFLUENCE DE L’INTEGRITE, DE LA PARTICIPA-TION ET DE LA CONFIANCE SUR LA PERCEPTION DES CHANCES 745JOHN VON GRUMBKOW et ERIC RAMAEKERS

SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ? 783MARIE-DENISE ZACHARY et BERNARD CONTER

LA SITUATION ATYPIQUE DES INDEPENDANTS DANS LE CHAMP DE LA SECURITESOCIALE : QUELS ENSEIGNEMENTS EN TIRER POUR D’AUTRES GROUPES DETRAVAILLEURS ATYPIQUES ? 807PAUL SCHOUKENS

LES DEVELOPPEMENTS DE L’EUROPE SOCIALE

L’UE ET LA PROTECTION SOCIALE : QUE DEVRAIT PROPOSER LA CONVENTION EUROPEENNE ? 835FRANK VANDENBROUCKE

MOBILITE DES PATIENTS ET REPONSES POLITIQUES DE L’UE 871RITA BAETEN

L’INFLUENCE DE LEGISLATION DE L’UE SUR LA NATURE DES SYSTEMES DE SOINSDE SANTE DANS L’UNION EUROPEENNE 889ELIAS MOSSIALOS, MARTIN MCKEE, WILLY PALM, BEATRIX KARL et FRANZ MARHOLD

LE SERVICE NATIONAL DE SANTE BRITANNIQUE : APERCU POLITIQUE ET HISTORIQUE 899MICK CARPENTER

LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIONALES. LESDISPARITES EN MATIERE DE PRESTATIONS DANS LES PAYS DE L’UNION EUROPEENNE 919MARIE-FRANCE LAROQUE

PROJETS DE RECHERCHE

931

BIBLIOGRAPHIE

947

ABSTRACTS

957

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AVANT-PROPOS

La Revue belge de sécurité sociale clôture sa 44ème année d’existence avec unnuméro thématique consacré à la relation entre emploi et protection sociale.C’est consciemment que la rédaction a choisi de publier, y compris à l’avenir, desnuméros à thèmes et, ainsi, de viser une diversité de contributions intéressantesautour d’un sujet d’actualité, pertinent et bien ciblé.Il est passionnant et utile d’éclairer, sous forme de juxtaposition, diverses facettesd’un phénomène ou d’étudier un sujet précis à partir de différents angles d’attaque.Non seulement, ceci est susceptible d’élargir l’offre d’informations, mais l’opposi-tion des opinions aide également à enrichir les points de vue et à stimuler études etdiscussions ultérieures.

Au milieu des années septante, nous avons assisté en Belgique aux premiers départsanticipés massifs des travailleurs âgés, départs largement encouragés pour remédierà la problématique du chômage.Les auteurs Gerard Gieselink, Yves Stevens et Bea Van Buggenhout étudient et décri-vent ce phénomène ; aujourd’hui encore, ils discernent quatre grandes « voies desortie anticipée », parmi lesquelles la ‘prépension Canada-dry’. Ils montrent que ladiversité de ces voies fait que toute tentative de limiter ces départs exige une appro-che globale et nuancée.

Lieve De Lathouwer et Kristel Bogaerts examinent l’évolution du piège à l’emploi etl’effet des mesures prises en matière de sécurité sociale et de fiscalité sur l’emploides personnes à faible potentiel de gain. Elles analysent le piège à l’emploi au coursdes années nonante et examinent comment ce problème est arrivé sur l’agenda poli-tique belge.

Anna C. D’Addio et Arnaud Pinxteren approfondissent deux programmes d’interven-tion active sur le côté « offre du marché de l’emploi » : les initiatives d’insertion ‘En-treprises de Formation par le Travail’ en Wallonie et les ‘Sociale Werkplaatsen’ enFlandre.Alors que la politique antérieure en matière de chômage visait simplement à offrirun revenu de remplacement, ces initiatives ont représenté un véritable tournant.L’accent s’est de plus en plus porté sur une intervention active visant à (ré)intégrerprofessionnellement et socialement les personnes faiblement qualifiées et les inac-tifs.

Le ‘parcours d’insertion’ est une autre forme particulière d’insertion. Constatant quecertaines catégories déterminées de demandeurs d’emploi ne trouvent pas leur salutdans les programmes existants en faveur de l’emploi, cette méthodologie a étédéveloppée en prônant une approche individualisée et axée sur le comportement.

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AVANT-PROPOS

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Parce que la confiance en soi et l’autoperception du demandeur d’emploi sont desfacteurs décisifs dans le cadre de l’emploi, Jasper von Grumbkow et Eric Ramaekersont examiné dans quelle mesure le parcours d’insertion renforce la confiance desdemandeurs d’emploi dans leurs chances de trouver un travail.

La politique nationale en faveur de l’emploi déploie également des initiatives d’acti-vation propres pour faire face au chômage.Les Agences locales pour l’emploi (ALE) ont été instituées par les pouvoirs publicsavec un objectif double : répondre aux besoins non remplis par le circuit régulierdu travail (les ‘petits boulots’, garde des enfants, etc.) et (re)mettre les chômeurs delongue durée en contact avec le monde du travail.Outre les conséquences positives de cette mesure, Bernard Conter et Marie-DeniseZachary mettent également le doigt sur un certain nombre de points faibles etd’effets non désirés.Toutefois, une nouvelle initiative – l’introduction des titres-services, qui poursuit lamême finalité que les ALE – semble en mesure de remédier à ces défauts.

La contribution de Paul Schoukens clôture la première partie de ce numéro et pré-sente un ensemble des techniques que les Etats utilisent dans l’élaboration d’unesécurité sociale pour travailleurs indépendants. L’avènement et l’essor d’une multi-tude de formes de travail atypique (par exemple : travail à temps partiel, télétravail,travail temporaire, etc. ) n’ont en rien simplifié la complexité de l’application de lasécurité sociale traditionnelle calquée sur le modèle classique du travailleur salarié.L’auteur a beau être convaincu que les règles de base doivent être identiques pourles travailleurs indépendants et les travailleurs salariés, il est favorable au développe-ment d’une sécurité sociale adaptée aux spécificités de toutes les catégories profes-sionnelles, travailleurs atypiques y compris.

La rubrique désormais familière ‘Les développements de l’Europe sociale’ s’ouvreavec la contribution du ministre des Affaires Sociales et des Pensions, Frank Vanden-broucke, qui approfondit l’influence qu’exerce l’U.E. sur la politique nationale desEtats membres sur le terrain de la protection sociale. Le ministre en arrive à conclu-re que les Etats membres ont abandonné plus de compétences sur le plan de leurpolitique sociale nationale que l’U.E. n’a gagné de pouvoir en la matière.Ne pas reconnaître et ne pas aborder le problème de ce vide mènent irrémédiable-ment à de grandes difficultés qui seront encore aggravées avec l’élargissement del’U.E. Afin d’augmenter l’effectivité décisionnelle, le ministre formule six propositions dechangement qui pourraient être reprises dans un nouveau Traité européen.

Les quatre articles suivants éclairent, chacun, un volet précis des soins de santé dansun cadre européen.Ainsi, Rita Baeten se penche sur le nouveau phénomène de la mobilité des patientsen Europe.

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AVANT-PROPOS

Dès leur origine, les systèmes publics européens de soins de santé avaient été essen-tiellement organisés sur le plan territorial. Pour ces 2 dernières années, en réaction àla jurisprudence de la Cour européenne de Justice, nous pouvons observer un cer-tain nombre de changements tant sur le plan de la dispensation des soins que surcelui de la politique menée. Toutefois, il s’avère que les Etats membres ne semblentguère disposés à partager avec l’Europe leurs prérogatives sur tous les plans de lapolitique des soins de santé.

Le rapport d’Elias Mossialos, Martin Mc Kee, Willy Palm, Beatrix Karl et Franz Mar-hold, dont nous reprenons ici un résumé, plaide pour une politique de santédélibérément européenne à condition de s’accorder sur les principes fondamentauxqui fixent les objectifs des systèmes de santé européens et de mettre le marché inté-rieur en adéquation avec les objectifs sociaux.

La rubrique européenne se conclut sur deux documents informatifs : Mick Carpen-ter esquisse une image de l’évolution spécifique politique et historique du NationalHealth Service britannique et Marie-France Laroque retrace schématiquement etbrièvement certaines tendances au sein des Etats membres dans les domaines dessoins médicaux et des pensions.

La rédaction souhaite, ici, profiter de l’occasion pour compléter la liste des auteursde l’article ‘Propositions de réformes dans le régime de pension des travailleursindépendants. Deuxième rapport du groupe de travail Cantillon’, paru dans len° 2/2002. Outre B. Cantillon, M. Crop, L. Paeme et G. Perl, il convient égalementde citer les auteurs suivants : J. De Cock, E. Deloof, G. Grinberg, P. Van der Vorst etJ. Verstraeten.

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE.L’IMPACT DES REFORMES DE LA SECURITE SOCIALE ET DE LA FISCALITESUR LE PIEGE A L’EMPLOI EN BELGIQUE 619

ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX : UNE ANALYSE DE CLASSIFICATION DES PUBLICS CIBLES EN TERME DECARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES ET DE TAUX D’INSERTION 703

LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ? L’INFLUENCE DE L’INTEGRITE, DE LA PARTICIPATION ET DE LA CONFIANCE SUR LA PERCEPTION DES CHANCES 745

SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ? 783

LA SITUATION ATYPIQUE DES INDEPENDANTS DANS LE CHAMP DE LASECURITE SOCIALE : QUELS ENSEIGNEMENTS EN TIRER POUR D’AUTRESGROUPES DE TRAVAILLEURS ATYPIQUES ? 807

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DEPART ANTICIPE DES TRAVAILLEURSAGES EN BELGIQUE (1)

PAR GERHARD GIESELINK*, YVES STEVENS** et BEA VAN BUGGENHOUT***

* Collaborateur scientifique, Instituut voor sociaal recht KU Leuven** Docteur en droit, chercheur postuniversitaire, Instituut voor sociaal recht KU Leuven*** Professeur ordinaire, faculté de droit KU Leuven

INTRODUCTION

Dans les milieux scientifiques comme dans les milieux politiques, ‘l’Etat social actif’est un concept en vogue. On entend par là une nouvelle conception de la protec-tion sociale, axée non tant sur le simple octroi de prestations sociales, mais visantavant tout à ‘activer’ le protégé social. Le travail et le revenu qui en résulte compo-sent en effet la forme primaire de la protection sociale. Au coeur du discours sur l’E-tat social actif, on trouve la problématique du faible taux de participation au travail.Lors du sommet européen de Lisbonne, des objectifs ambitieux ont été formuléspour la première fois à cet égard. L’objectif ciblé est d’augmenter le taux d’emploimoyen de 61% à 70% d’ici à 2010. Ceci représente une tâche énorme, surtout pourla Belgique où le taux d’emploi atteint à peine 60% (en 2000) (2). Ce taux peu élevérésulte principalement du taux d’emploi particulièrement faible chez les personnesde plus de 50 ans. En 2000, en Belgique, à peine 40% de la population âgée de 50 à65 ans était encore professionnellement active, un chiffre largement inférieur à lamoyenne européenne, qui atteint environ 50% (3). Quant au pourcentage restant, iln’a soit jamais travaillé, soit a quitté le marché de l’emploi prématurément. C’est surce dernier phénomène que se penche cette étude.

Au cours des dernières années, la faible participation des travailleurs âgés a fait l’ob-jet d’une remise en cause de plus en plus appuyée, et ce pour diverses raisons. Laprincipale question a trait à l’inquiétude concernant la future viabilité financière dusystème de retraite légale. Au cours des prochaines décennies, l’évolution démo-graphique donnera lieu à une forte augmentation du nombre de retraités, alors quela base de financement sera sensiblement réduite à cause du nombre important depersonnes qui sortent du circuit du travail de manière anticipée (4).

(1) Ce texte est le résultat d’une étude sur les assurances sociales complémentaires, financée par lefonds de recherche de la K.U. Leuven et la Banque nationale, projet n° 001/01.(2) Chiffres du Steunpunt Werkgelegenheid Arbeid Vorming téléchargés à l’adresse suivante : .(tableau C1)(3) Idem : tableau C6.(4) Concernant cette réflexion ainsi que d’autres présentant le point de vue des parties concernées(syndicats, employeurs, autorités), voir : X., ‘Open forum: eindeloopbaan’, Nieuwsbrief van hetsteunpunt Werkgelegenheid Arbeid Vorming, n° 1-2 2000, 7-48.

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Ce retrait anticipé massif du marché du travail par les travailleurs, n’est toutefois passpontanément apparu. Il est en partie le résultat d’une politique délibérée d’encou-ragement et même d’organisation du départ anticipé. Le présent article a pour butde fournir une vue d’ensemble des mesures prises dans ce domaine. Dans ce cadre,nous avons examiné ce que l’on appelle les différents circuits de départ anticipé. Ils’agit de ‘circuits’, en d’autres termes de formes institutionnalisées de départ anti-cipé. Notre attention se portera donc non pas tant sur la décision individuelle dequitter prématurément le marché de l’emploi, mais sur les systèmes au sein mêmede la législation sociale qui facilitent ou organisent le départ anticipé des travailleursâgés. Par départ anticipé, nous entendons, dans le cadre de cette étude : le fait dequitter de manière complète et définitive le marché de l’emploi avant d’avoir atteintl’âge normal légal de la retraite. Les mécanismes qui permettent de quitter le marchéde l’emploi de manière temporaire ou partielle, tels que le crédit-temps, ne sont paspris en considération. Notre domaine de recherche se limite au régime des travail-leurs salariés. Le départ anticipé des fonctionnaires ou des indépendants est doncignoré.

Un premier chapitre examinera cette problématique sous une perspective histori-que. En matière de départ anticipé, les autorités ont fait preuve d’une grande ingé-niosité au cours de ces trente dernières années, laquelle n’a néanmoins pas toujoursété de pair avec une constance aussi remarquable. Plusieurs régimes de départ anti-cipé ont été instaurés et modifiés à maintes reprises pour être finalement remplacésou supprimés.

Le deuxième chapitre vise à déterminer, au moyen de données statistiques, l’impor-tance des circuits de départ anticipé et du départ anticipé en général. Un tableauprésente tout d’abord l’évolution décrite au chapitre 1. Ensuite, la situation actuelleen matière de départ anticipé est également analysée au moyen de données chif-frées.

Le troisième chapitre décrit le paysage juridique en matière de départ anticipé en2002. Les différents circuits sont comparés les uns aux autres quant aux conditionsd’admission, montant et nature des prestations, obligations de l’employeur, chargesparafiscales et statut social de la personne qui sort du circuit du travail de manièreanticipée.

1. 3 DECENNIES DE DEPART ANTICIPE

Après la Deuxième Guerre Mondiale, la Belgique, à l’instar des autres pays d’Europeoccidentale, a connu durant trente ans un formidable essor économique, engen-drant sur le marché du travail un équilibre très proche du plein emploi (5). La sécu-

(5) N. Degimbe, ‘Van kortstondige werkloosheid naar een toestand van permanent werktekort: aan-passing van de grondbeginselen van het stelsel van werkloosheidsverzekering’, in vijftig jaar SocialeZekerheid…en daarna?, VI: wanneer arbeid schaars wordt, Bruxelles, Bruylant, 1995, 51-54.

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rité sociale belge, qui adopta à cette époque sa forme définitive, était entièrementréglée sur cette constellation socioéconomique. L’âge de la retraite fut uniformé-ment fixé à 65 ans pour les hommes (60 ans pour les femmes). La seule option dedépart anticipé envisageable alors était financièrement peu attrayante. La retraiteanticipée était possible à partir de 60 ans, mais, dans ce cas, la pension de retraiteétait réduite de 5% par année d’anticipation et, naturellement, calculée sur la based’une carrière raccourcie (6). L’assurance-chômage avait également été mise en con-cordance avec une situation de plein emploi. Le chômage était de nature temporai-re, de courte durée et plutôt marginale. L’assurance-chômage portait encore le ca-ractère d’une véritable assurance et accordait un revenu de remplacement pour lecas exceptionnel où quelqu’un se verrait privé de travail indépendamment de savolonté et durant une courte période (7).

Au début des années soixante-dix, cet équilibre fut gravement perturbé suite auxeffets de la crise économique. Le chômage n’était désormais plus un phénomènetemporaire ou marginal. Il devint une donnée permanente et souvent de longuedurée. En outre, le chômage était dans une large mesure concentré sur une catégo-rie particulière, à savoir les jeunes sortant de l’école.

Les actions entreprises par le gouvernement en vue de lutter contre le chômage, àpartir de 1975 environ, montrèrent d’emblée une préférence marquée pour les jeu-nes chômeurs au détriment des chômeurs âgés, voire au détriment des travailleursâgés (8). La législation de crise visait tant le volet de la demande que le volet del’offre sur le marché du travail. D’une part, on s’efforçait de stimuler la demande detravail en créant des circuits de travail temporaires (9). Cependant, les travailleursaînés étaient souvent exclus de ces mesures (10). D’autre part, des efforts délibérésétaient mis en place pour réduire l’offre de travail afin d’assurer un équilibre sur lemarché du travail. Cette limitation de l’offre a visé en premier lieu, et, jusqu’àaujourd’hui en priorité, les travailleurs âgés. La création de circuits de départ anti-cipé a eu pour effet d’éliminer massivement ces travailleurs du marché de l’emploi.

Cette priorité accordée aux jeunes chômeurs au détriment des chômeurs âgés et destravailleurs salariés n’est pas une innovation, mais semble au contraire être une con-stante dans les interventions gouvernementales en une période de déclin économi-que (11). Ce qui était nouveau, en revanche, c’était l’échelle à laquelle se sont

(6) Ancien art. 5 A.R. n° 50 relatif à la pension de retraite et de survie pour les travailleurs, M.B., 27octobre 1967.(7) Degimbe, o.c.: 55-56.(8) D. Simoens., ‘Hoe pijnloos is de crisis? Kritische analyse van de ontwikkeling van de wetgevingover de sociale zekerheidsprestaties (1976-1979)’, in X.(ed.), Crisiswetgeving en Sociale Zekerheid,Anvers, Kluwer, 1980, 70-82. (9) Pour un aperçu de ces mesures, voir : J. Remy, ‘Het tewerkstellingsbeleid en het bestrijden vande werkloosheid’, dans vijftig jaar Sociale Zekerheid…en daarna?, VI: wanneer arbeid schaarswordt, Bruxelles, Bruylant, 1995, 81-95(10) Simoens, o.c., 74-82.(11) Voir à ce sujet : J. Van Langendonck., ‘Pushed out of the Cookoo’s Nest. The Preference forYoung over Older Workers in Belgian Social en Economic Policy in Times of Recession’, in Reexami-ning European Manpower Policies, Washington D.C., 1976, 137-157. 581

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opérés à partir de 1975 le départ anticipé, ainsi que les circuits créés spécialement àcet effet. Ce départ anticipé dirigé reposait sur un large consensus entre gouverne-ment, travailleurs, employeurs et syndicats. Cette approche permettait aux employ-eurs de se défaire facilement de leur main-d’oeuvre moins productive mais néan-moins onéreuse du fait de son ancienneté. Les syndicats avaient eux aussi avantageà disposer d’une base rajeunie (12). Les travailleurs, quant à eux, souvent employésdans des professions physiquement très éprouvantes, ont accueilli très favorable-ment l’idée de quitter le marché de l’emploi prématurément à des conditions finan-cières attractives. Le gouvernement, enfin, voyait dans le départ anticipé l’instru-ment idéal pour maîtriser le taux de chômage élevé parmi les jeunes (13).

Le paysage actuel en matière de départ anticipé est le résultat de plusieurs phasessuccessives. L’ordre séquentiel des phases utilisé ci-après n’est toutefois pas àinterpréter au sens strict. Il sert uniquement à présenter de manière plus claire lesgrands axes de l’évolution du départ anticipé.

1.1. LA PERIODE 1973-1982Le taux de chômage élevé des jeunes constituait à l’époque la principale source d’in-quiétude. Pour faire face à ce problème, différents régimes de prépension ont étémis sur pied. Ces régimes, qui en majeure partie venaient se greffer sur la réglemen-tation du chômage, visaient la mise à la retraite anticipée des travailleurs âgés qui, àcinq ans près, avaient atteint l’âge légal de la retraite (60 ans pour les hommes, 55ans pour les femmes). Le travailleur se voyait conférer un statut spécifique de chô-meur durant la période de transition courant jusqu’à la retraite. Les régimes élaborésdurant cette période revêtaient un caractère fortement expérimental. Ils n’étaientsouvent instaurés que pour une durée limitée, avec possibilité de prolongation. Pourl’essentiel, ceci était dû au fait qu’au cours de cette première phase, on partait duprincipe que le déséquilibre observé sur le marché de l’emploi ne serait probable-ment que de nature temporaire. La CCT n° 17 relative à la prépension convention-nelle formule ce point de vue de manière explicite. Le commentaire de l’article 13s’énonce comme suit : “ Les organisations signataires se concerteront entre elles, envue de modifier ou de mettre fin éventuellement à la présente convention, en cas demodification de la situation actuelle de sous-emploi, en fonction de laquelle la con-vention a été conçue. (14)” Ceci explique également pourquoi, au cours de cettepériode, le départ anticipé n’a pas été organisé directement via le système des retrai-tes, mais bien via le régime spécial des prépensions.

(12) Idem.(13) Pour une analyse générale des causes de l’émergence de la retraite anticipée, voir : P. Simoensen J. Denys, Wie werkt nog na vijftig?, Louvain, Davidsfonds, 1995, 34-60.(14) C.C.T. n° 17, 19 décembre 1974, déclarée généralement contraignante par l’A.R du 16 janvier1975, M.B., 31 janvier 1975.

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1.1.1. La prépension conventionnelle La première impulsion à l’introduction de régimes de prépension fut donnée lors dela conférence nationale sur l’emploi de 1973. Parmi les conclusions de la conférencefigurait la recommandation de convenir, dans le giron du Conseil National du Tra-vail, d’un régime temporaire dans le cadre d’une C.C.T. (15). Cette recommandationa finalement donné lieu à la C.C.T. n° 17 du 19 décembre 1974, qui est toujours envigueur. La convention prévoit, en cas de licenciement, une indemnité complémen-taire à l’allocation de chômage à charge du dernier employeur pour les travailleurssalariés ‘âgés’ de 60 ans (55 pour les femmes) ou plus. Cette indemnité vise à com-penser de moitié la différence entre le salaire gagné dans le passé et l’allocation dechômage. Par l’A.R. du 19 février 1975, un statut de chômage spécifique est octroyéaux bénéficiaires de cette indemnité complémentaire (16). En vertu de ce statut, lesprépensionnés peuvent bénéficier, jusqu’à l’âge légal de la retraite, d’une indemnitéde chômage calculée sur un taux de 60% (17), et sont en outre dispensés d’une sériede conditions auxquelles les chômeurs réguliers doivent satisfaire, notamment ladisponibilité sur le marché de l’emploi et l’inscription en tant que demandeurd’emploi. La prépension conventionnelle est donc la combinaison de l’indemnitécomplémentaire et du statut de chômage spécial.

L’objectif de la C.C.T. n° 17 était double. D’une part, les partenaires sociaux souhai-taient ainsi libérer des emplois au profit de jeunes chômeurs et, d’autre part, ils sou-haitaient rencontrer le souhait de certains travailleurs âgés d’être mis à la retraiteavant l’âge de 65 ans moyennant la garantie d’un revenu décent (18). Néanmoins,vu que le travailleur devait attendre son licenciement et qu’il n’existait pas d’obliga-tion dans le chef de l’employeur de le remplacer, le système élaboré dans le cadrede la C.C.T. n’offrait aucune garantie de réalisation de ces objectifs.

Comme mentionné plus haut, l’intention initiale était de réserver la prépension con-ventionnelle aux travailleurs salariés de 60 ans et plus. L’Art. 1er de l’A.R. du 19février 1975 a cependant créé la possibilité d’élargir sensiblement ce groupe cible.Cet article a également rendu le statut de la prépension accessible aux travailleurssalariés licenciés qui bénéficiaient d’une indemnité complémentaire sur la based’une C.C.T. sectorielle ou d’entreprise (indépendamment de la CCT N° 17), sans ysubordonner une condition d’âge. Cette possibilité a d’ailleurs été exploitée à gran-de échelle au sein des secteurs et des entreprises. Diverses C.C.T. ont été concluesdans le cadre desquelles l’âge fixé pour l’octroi des indemnités complémentairesétait bien inférieur à 60 ans. Dans certains cas, des indemnités complémentaires

(15) P. Breyne, ‘Het Brugpensioen’, Or., 1975: 74.(16) A.R. du 19 février 1975 concernant le droit des travailleurs âgés aux allocations de chômage,M.B., 21 mars 1975.(17) Le taux de calcul de 60% ne produit aucune différence pour les prépensionnés avec charge defamille. Par contre, pour les isolés ou les préretraités cohabitants subsiste une différence importante,étant donné que la dégressivité des allocations de chômage est supprimée.(18) Art. 1 C.C.T. n° 17.

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étaient déjà négociées à partir de 48 ans, un âge auquel une personne peut difficile-ment être qualifiée de ‘travailleur âgé’ (19). Les entreprises ont ainsi eu l’opportu-nité de réduire leurs effectifs d’une manière socialement acceptable. En outre, cesmesures ont fait apparaître un large groupe d’ex-travailleurs salariés bénéficiant sou-vent de manière inconditionnelle et durant plus de dix ans de l’allocation de chôma-ge à 60% ce qui s’est avéré intenable sur le plan budgétaire. Toutefois, il faudraattendre 1983 avant que des premières restrictions ne soient apportées à ce régime.

1.1.2. La prépension légaleUn deuxième circuit de départ anticipé a vu le jour peu après l’instauration de laprépension conventionnelle : la préretraite légale. Le système fut institué à titreexpérimental par la loi de redressement du 30 mars 1976 et perpétué ensuite par laloi-programme du 22 décembre 1977 (20). La prépension légale visait le même grou-pe cible que la prépension conventionnelle, à savoir les travailleurs salariés mascu-lins de 60 ans et plus et féminins de 55 ans et plus (21). De même, les inquiétudesqui étaient à l’origine de l’introduction de la prépension légale étaient identiques àcelles qui avaient présidé à l’élaboration de la C.C.T. n° 17, à savoir le chômage desjeunes et le souhait émis par certains travailleurs âgés d’être mis à la retraite demanière anticipée (22). Sur le plan de ces objectifs, ce nouveau régime allait toute-fois un pas plus loin que la prépension conventionnelle. Alors que, dans le cadre dela prépension conventionnelle, le travailleur devait attendre son licenciement, il luiétait à présent conféré un droit réel à la prépension dès le moment où il atteignaitl’âge requis (23). En outre, l’employeur était tenu de remplacer le préretraité par unchômeur de moins de 30 ans (24). Le statut du prépensionné légal était analogue àcelui du préretraité conventionnel. Lui aussi était en dernière analyse un chômeur,mais un chômeur bénéficiant d’un statut spécial. Jusqu’à l’âge normal de la retraite,il percevait une indemnité de chômage calculée selon un taux de 60 % et étaitexempté des conditions imposées par la réglementation du chômage, à savoir le ca-ractère non volontaire du chômage et la disponibilité sur le marché de l’emploi (25).Par ailleurs, le préretraité légal percevait lui aussi une indemnité complémentaire,qui compensait de moitié la différence entre le salaire gagné antérieurement et l’al-location de chômage. Néanmoins, une différence considérable existait entre cesdeux statuts. Celle-ci résidait dans le financement de l’indemnité complémentaire,

(19) Voir : A. Leroy, Brugpensioen, Vlezembeek, Focus, 1988: 38.(20) Loi du 30 mars 1976 relative aux mesures de redressement économique, M.B., 1er avril 1976 ;Loi du 22 décembre 1977 relative aux propositions budgétaires 1977-1978, M.B., 24 décembre 1977.(21) Art. 68, Loi du 22 décembre 1977.(22) Voir : Rapport de Commission, Documents parlementaires., Chambre, 1975-1976, n° 16, 10-12.(23) Art. 69, Loi 22 décembre 1977.(24) Art. 70, Loi du 22 décembre 1977.(25) Art. 7 et 9, A.R. du 27 décembre 1977 d’exécution de la section 2 – Prépension légale – du cha-pitre III de la loi du 22 décembre 1977 relative aux propositions budgétaires 1977-1978, M.B., 31décembre 1977.

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qui dans le cas du prépensionné légal, était laissé intégralement à la charge de l’Etat(26). Cette particularité, associée au droit du travailleur âgé à faire usage de ce régi-me, a fait de la préretraite légale une mesure onéreuse qui allait finir par être victimede son propre succès. En 1982, le régime de prépension légale ne fut plus prolongé.Il fut remplacé par la pension de préretraite (cf. infra 1.2).

1.1.3. Les régimes spécifiques de prépension Les deux régimes largement analogues de préretraite spéciale furent les deux der-niers circuits de départ anticipé qui furent instaurés au cours de cette période. Lepremier s’adressait aux chômeurs âgés, le second aux invalides âgés. Ils furent éta-blis par la loi-programme de 1977 (27). Les régimes spécifiques de préretraite pour-suivaient un objectif différent des régimes de prépension conventionnelle et de pré-retraite légale. Ils entendaient réagir face à une situation paradoxale où, d’un côté,des travailleurs salariés dotés d’une capacité de travail normale disposaient de la pos-sibilité de quitter le marché de l’emploi de manière anticipée, via la prépension léga-le ou conventionnelle, alors que, de l’autre, des travailleurs salariés dont les chancesde réinsertion étaient limitées, par exemple les chômeurs et les invalides âgés, sevoyaient privés de cette opportunité et étaient donc toujours considérés commedemandeurs d’emploi (28). Contrairement à ces deux régimes de prépensionabordés plus haut, la préretraite spéciale était une pension réelle, mais dans laquelleles effets préjudiciables de l’anticipation étaient atténués. Ces régimes étaient acces-sibles aux chômeurs âgés de longue durée et aux invalides âgés qui demandaientleur retraite anticipée, c’est-à-dire au plus tôt à partir de 60 ans pour les hommes etde 55 ans pour les femmes (29). La pension de retraite qu’ils percevaient était cal-culée selon les règles de réduction normales (30). En outre, les préretraités spéciauxavaient droit à un montant supplémentaire. Ce supplément compensait en tout pre-mier lieu la réduction de la pension de retraite de 5%. Cet avantage était conservé àvie. De plus, les bénéficiaires se voyaient garantir, jusqu’à l’âge normal de la retraite,une allocation égale à l’allocation de chômage majorée de 1000 BEF par mois (31).

Aucun des deux régimes de préretraite spéciale était destiné à une longue carrière.Directement après 1978, le régime pour les invalides âgés ne fut plus prolongé. Lerégime pour les chômeurs âgés perdura jusqu’au 31 mars 1982.

(26) Art. 74, Loi 22 décembre 1977.(27) Loi du 22 décembre 1977 relative aux propositions budgétaires 1977-1978, M.B., 24 décembre1977.(28) Exposé des motifs, Documents parlementaires, Chambre, 1977-1978, n°1, 36-37.(29) Art. 101 et art 161, loi du 22 décembre 1977 et art. 8, A.R. du 27 décembre 1977 portant exécu-tion du chapitre III, section 5 – prépension spéciale pour chômeurs âgés – et du chapitre V, section6 – prépension spéciale pour invalides âgés – de la loi du 22 décembre 1977 relative aux proposi-tions budgétaires 1977-1978, M.B., 31 décembre 1977.(30) Art. 101 et art. 161, Loi du 22 décembre 1977 et art. 1 à 6, A.R. du 27 décembre 1977.(31) Idem.

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1.2. LA PERIODE 1982-1989Au début des années quatre-vingt, il apparut clairement que l’excédent de main-d’oeuvre n’était pas de nature transitoire. La “modification de la situation actuelle desous-emploi” dont il était encore tenu compte lors de l’élaboration de la C.C.T. n°17 ne s’était pas produite, bien au contraire. Cette constatation a incité à revoir lapolitique en matière de départ anticipé. Les circuits utilisés jusqu’alors avaient eneffet un caractère exceptionnel visant à résorber l’excédent temporaire de main-d’oeuvre. Lorsque l’on réalisa le caractère permanent de ce sur-plus, l’attention,focalisée sur ces circuits de départ spéciaux conjugués au régime du chômage, sedéplaça lentement vers le secteur des pensions. Bien qu’il n’ait jamais été questiond’abaisser réellement l’âge de la retraite à 60 ans, des efforts furent consentis durantcette période pour faire face au départ anticipé des travailleurs salariés à partir de 60ans via le régime des retraites, une tendance qui débouchera finalement sur l’instau-ration d’un âge de retraite flexible (cf. infra 1.3). Cette évolution tient essentielle-ment au fait que les circuits de départ spéciaux s’étaient avérés trop onéreux etqu’ils n’étaient a fortiori pas aptes à faire face à un excédent permanent de main-d’oeuvre. Les inquiétudes en matière d’(de) (dés)équilibre budgétaire ont motivé laplupart des mesures décrétées au cours de cette période.

Une deuxième tendance importante s’est profilée durant cette période : l’élargisse-ment du groupe cible visé par le départ anticipé. Au cours de la période précédente,le départ anticipé s’adressait essentiellement aux travailleurs âgés. Cependant, àmesure que la crise se prolongeait, le groupe des chômeurs âgés de longue durée,qui n’avaient que peu de chances de réinsertion, allait croissant. A partir de 1984,les mesures politiques en matière de départ anticipé viseraient également ce grou-pe.

1.2.1. La pension de préretraiteLa réorientation du départ anticipé sur la réglementation des retraites, pour la pre-mière fois, s’exprima avec force avec l’introduction de la pension de préretraite parl’A.R. n° 95 du 28 septembre 1982, qui remplaçait la préretraite légale (32). Toutcomme la préretraite spéciale, la pension de préretraite était en dernière analyseune pension de retraite (anticipée) réelle qui supprimait les effets préjudiciables del’anticipation. En premier lieu, la réduction de 5% par année d’anticipation n’étaitpas appliquée. En outre, les années comprises entre la prise de prépension et l’âgelégal de la retraite (65 ans) sont considérées comme une période assimilée pour lecalcul du montant de la pension de retraite (33). Le bénéficiaire de la pension depréretraite jouissait du statut de retraité, notamment en ce qui concerne le travailautorisé. La pension de préretraite n’était accessible qu’aux travailleurs salariés âgésd’au moins 60 ans, excluant par conséquent de son champ d’application les travail-

(32) A.R. n° 95, 28 septembre 1982 concernant la pension de préretraite pour les travailleurs, M.B.,29 septembre 1982.(33) Art. 1 A.R. n° 95.

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leurs salariés féminins. La création de la pension de préretraite servait plusieursobjectifs. Tout d’abord, la pension de préretraite était, tout comme les autres cir-cuits de départ anticipé, une mesure destinée à lutter contre le chômage par le biaisd’une redistribution du travail disponible. Ensuite, ce régime visait à conférer auxtravailleurs salariés âgés d’au moins 60 ans le droit de choisir le moment de leurmise à la retraite (34). Toutefois, à la différence de la préretraite légale, ce régimen’impliquait pas de droit inconditionnel à la pension de préretraite. Le droit à la pré-pension était rendu tributaire de l’engagement de l’employeur à remplacer le bénéfi-ciaire de la pension de préretraite par un chômeur (35). Le troisième objectif, quoi-que non explicite, était indubitablement de nature budgétaire. De fait, la pensionde préretraite, qui avait pris la place de la prépension légale, avait permis une séried’importantes économies. Celles-ci résultaient en premier lieu du groupe cible plusrestreint (composé exclusivement d’hommes) et du fait qu’il n’existait pas de droitinconditionnel à cette pension de préretraite. En outre, la pension de préretraiteétait calculée sur le salaire moyen, alors que la prépension légale était calculée sur ledernier salaire.

1.2.2. Restrictions en matière de prépensions Parmi les différents systèmes de prépension, le régime de prépension convention-nelle fut le seul à être maintenu après 1982. Comme nous l’avons déjà fait remar-quer, l’A.R. du 19 février 1975 n’imposant aucune limite d’âge pour l’octroi de cetavantageux statut de prépension, un large groupe de très jeunes prépensionnésavait émergé durant la période antérieure à 1983. La lourde charge financière quecette situation impliquait pour la réglementation du chômage n’était pas tenable àlong terme (36). C’est la raison pour laquelle différents amendements ont étéapportés à partir de 1983 en vue de limiter l’accès à ce régime.

La première et principale limitation consistait en l’introduction d’une limite d’âge.Dans un premier temps, l’A.R. du 18 juillet 1983 fixait l’âge minimal à 55 ans. Aucours des années qui suivirent, plusieurs arrêtés royaux élevèrent l’âge minimal jus-qu’à 58 ans (37). L’augmentation de l’âge minimal était toutefois assortie d’une séried’exceptions. Les principales exceptions, toujours d’application aujourd’hui, con-cernent les entreprises en difficulté ou en restructuration qui, sous certaines condi-tions, peuvent mettre leurs travailleurs à la retraite à un âge plus jeune (38).

(34) Rapport au Roi dans le cadre de l’A.R. n° 95.(35) Art. 1 A.R. n° 95.(36) Voir : préambule A.R. du 18 juillet 1983 relatif au droit aux allocations de chômage des travail-leurs licenciés de 55 ans et plus, M.B., 27 juillet 1983.(37) Art. 2 A.R. du 20 août 1986 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension con-ventionnelle, M.B., 10 septembre 1986 ; Art. 2 A.R. du 22 octobre 1987 portant modification del’A.R. du 20 août 1986 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension convention-nelle, M.B., 17 novembre 1987.(38) Introduites pour la première fois par l’art. 2 A.R. du 1er février 1984 relatif au droit aux alloca-tions de chômage des travailleurs âgés, M.B., 15 février 1984.

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Une deuxième restriction fut introduite par l’A.R. du 30 août 1985 (39). Cet A.R.rendait l’obtention de cet avantageux statut de prépension tributaire de l’engage-ment de l’employeur à remplacer le bénéficiaire de la prépension par un chômeur.Si l’employeur ne respectait pas cet engagement, le travailleur licencié était indem-nisé au même titre qu’un chômeur classique. Ici aussi, des exceptions étaient prévu-es pour des entreprises en difficulté ou en restructuration (40).

Une troisième modification importante apportée durant cette période avait trait àl’introduction d’un nombre minimal d’années de service pour l’obtention du statutde préretraité : 5 ans auprès du dernier employeur, 10 ans au sein du secteur ou 20ans de travail salarié (41). Après l’introduction de ces mesures restrictives successi-ves, le régime de préretraite restera pour une large part inchangé jusqu’environ1990.

En raison principalement de l’augmentation de la limite d’âge, la prépension con-ventionnelle s’est lentement rapprochée de l’âge de la retraite anticipée. Par consé-quent, la préretraite ne fut plus associée au chômage mais fut plutôt considéréecomme une forme de mise à la retraite anticipée. L’A.R. du 20 août 1986 poussaitcette logique encore plus loin : sur le plan du travail autorisé, le statut conféré auprépensionné conventionnel était celui de retraité (42).

1.2.3. Vers un statut pour les chômeurs âgés Outre le groupe des travailleurs âgés qui pouvait quitter de manière anticipée lemarché de l’emploi via les circuits existants, il y avait encore un groupe important dechômeurs âgés qui ne pouvaient profiter de cette possibilité du fait de la suppres-sion de la préretraite spéciale en 1982. Dans de nombreux cas, il s’agissait de chô-meurs de longue durée qui n’avaient que très peu de chance de réinsertion. Cepen-dant, ils étaient soumis à la réglementation de chômage normale. En d’autres termes,malgré leur position de faiblesse sur le marché du travail, ils étaient considéréscomme des demandeurs d’emploi et risquaient donc une possible exclusion à causede la durée anormalement longue de leur statut de chômeur. L’A.R. du 29 décembre1984 visait à apporter une réponse à ce problème (43). Cet A.R. exemptait les chô-

(39) A.R. du 30 août 1985 portant nouvelle réglementation de l’octroi d’allocations de chômage encas de prépension conventionnelle, M.B., 7 décembre 1985.(40) Art. 7 et 8 de l’ A.R. du 30 août 1985.(41) Art. 2 de l’A.R. du 20 août 1986 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépensionconventionnelle, M.B., 10 septembre 1986(42) Art. 12 §2 de l’A.R. du 20 août 1986.(43) A.R. du 29 décembre 1984 insérant une section II bis – droit aux allocations de chômage deschômeurs âgés - et une section II ter – droit aux allocations de chômage des chômeurs ayant uneaptitude au travail réduite – dans le titre III, chapitre I, de l’Arrêté Royal du 20 décembre 1963 relatifà l’emploi et au chômage, M.B., 18 janvier 1985. Voir en particulier le préambule : “considérant qu’il s’impose de prendre sans retard des mesures sup-primant la faculté d’exclure du bénéfice des allocations de chômage pour cause de chômage de duréeou de fréquence anormales, des chômeurs âgés dont les possibilités de reclassement sont réduites”.

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meurs âgés qui introduisaient une demande à cet effet d’une série de conditions etd’obligations imposées par la réglementation du chômage. Ainsi, ils n’étaient plustenus de s’inscrire en tant que demandeurs d’emploi et ne devaient plus être disponi-bles sur le marché du travail. Cette option était ouverte aux chômeurs de longuedurée à partir de l’âge de 55 ans (44). Les chômeurs de longue durée âgés de 50 à 55pouvaient également bénéficier de ce régime d’exemption. Ils devaient cependantfournir la preuve d’une aptitude au travail réduite permanente (45).

1.3. LA PERIODE 1989-1995Au cours de ces années, les tendances qui avaient vu le jour au cours de la périodeprécédente se sont renforcées. L’évolution en direction du secteur des pensions deretraite, déjà amorcée avec le développement de la pension de préretraite, se pour-suivit et trouva un champ d’application beaucoup plus large avec l’instauration del’âge de retraite flexible. En raison de considérations essentiellement budgétaires,des efforts avaient été entrepris au cours de la période précédente pour freiner lesuccès de la prépension conventionnelle. Le durcissement des conditions d’accèss’est poursuivi au cours de cette phase. On tenta toutefois de rendre ce régimemoins attrayant, pour l’essentiel, en introduisant la parafiscalité dans le secteur despréretraites. C’est au cours de cette période qu’ont été instaurées différentes cotisa-tions et retenues sur la prestation de préretraite. Le fait de limiter ainsi le flux desnouveaux prépensionnés, n’a toutefois pas diminué la demande des départs anti-cipés. Cette mesure eut plutôt pour effet de grossir encore davantage le groupe dechômeurs âgés, qui ne pouvaient prétendre à la prépension. Ce groupe pouvait cer-tes quitter le marché de l’emploi via le statut de chômeur âgé, mais à des conditionsfinancières sensiblement moins séduisantes que pour les prépensionnés. La pressionsyndicale fut un autre moyen mis en oeuvre durant cette troisième phase pour amé-liorer, outre le statut du chômage des chômeurs âgés (en matière d’exemptions),également leur situation financière.

1.3.1. L’âge de retraite flexibleL’excédent permanent de main-d’œuvre sur le marché du travail avait lancé le débat,au milieu des années quatre-vingt, sur un éventuel abaissement de l’âge de la retrai-te. Un consensus était apparu relativement vite autour du concept d’un âge flexiblepour la retraite, lequel permettrait de manière égale aux hommes et aux femmes dedéterminer eux-mêmes, dans certaines limites, la date de leur mise à la retraite. Envue de l’introduction d’un tel système, le régime des retraites avait déjà subi plusi-eurs adaptations au cours des années précédentes. Premièrement, la possibilité deretraite anticipée pour les femmes à partir de 55 ans fut supprimée en 1986 (46).

(44) Art. 2 de l’A.R. du 29 décembre 1984.(45) Art. 5 de l’A.R. du 29 décembre 1984. Cette condition d’aptitude réduite doit cependant êtrerelativisée, étant donné qu’une capacité de travail réduite de 1% était déjà suffisante.(46) Art. 2 de l’A.R. n° 415 du 16 juillet 1986 modifiant certaines dispositions en matière de pensionspour travailleurs salariés, M.B., 30 juillet 1986.

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Ensuite, la loi-programme de 1989 rendit le régime de la pension de préretraitemoins attrayant. En effet, les années fictives entre 60 et 65 ans ne seraient doréna-vant plus prises en compte pour le calcul de la pension de préretraite (47). La voievers l’âge flexible de la retraite était donc ouverte. Cette mesure fut concrétiséedans la loi du 20 juillet 1990 (48). Le nouveau système conférait aux hommes et auxfemmes le droit de déterminer librement, entre 60 et 65 ans, leur date de mise à laretraite. Toutefois, l’égalité entre sexes ne fut pas poussée jusqu’au niveau du calculde la pension de retraite : la différence de calcul était effectivement maintenue,40ème pour les femmes et 45ème pour les hommes. Cette distinction conduiraitfinalement le système à sa perte (cf. infra 1.4). Etant donné que le nouveau régimene prévoyait plus un âge de retraite normal, ni même de retraite anticipée, le coeffi-cient d’anticipation de 5% par an fut supprimé. De même, le régime de la pensionde préretraite, qui visait essentiellement à annuler les effets préjudiciables de l’anti-cipation, fut aboli par la loi du 20 juillet 1990. Le libre choix en matière d’entrée envigueur de la retraite s’appliquait tant aux travailleurs salariés qu’aux chômeurs etaux invalides, mais non aux prépensionnés. On souhaitait ainsi éviter que lesemployeurs - débiteurs de l’indemnité complémentaire de prépension – puissent sesoustraire à leurs obligations financières en laissant leur ancien travailleur prendre saretraite à 60 ans (49).

La motivation de l’introduction de l’âge flexible de la retraite était double. D’unepart, la conviction que les régimes spécifiques de prépension et de la pension depréretraite n’étaient pas aptes à compenser de manière permanente un déséquilibresur le marché de l’emploi. D’autre part, en raison des différents circuits de départanticipé, une certaine flexibilité était déjà apparue de facto au niveau de l’entrée envigueur de la mise à la retraite. Toutefois, lorsque cette flexibilité était dictée pardes impératifs économiques, on souhaitait, via l’âge de retraite flexible, laisser lechoix au travailleur (50).

1.3.2. Une réglementation plus stricte en matière de prépensions Avec l’A.R. du 16 novembre 1990 (51), le régime de la prépension fut soumis à unemodification importante. Le premier durcissement imposé par cet A.R. concernaitl’ancienneté requise. Désormais, la prépension ne serait plus accordée qu’aux tra-vailleurs salariés pouvant justifier de 25 années de travail salarié. Des conditions

(47) Art. 251, 2° Loi-programme du 22 décembre 1989, M.B., 30 décembre 1989.(48) Loi du 20 juillet 1990 instaurant un âge flexible de la retraite pour les travailleurs salariés etadaptant les pensions des travailleurs salariés à l’évolution du bien-être général, M.B., 15 août 1990.(49) Art 2 §2 de la Loi du 20 juillet 1990.(50) Exposé des motifs, Documents parlementaires, Chambre, 1989-1990, 1175/1, 5.(51) A.R. du 16 novembre 1990 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension con-ventionnelle, M.B., 23 novembre 1990.

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d’ancienneté plus souples s’appliquaient aux personnes de plus de 60 ans, ainsiqu’aux travailleurs salariés employés dans une entreprise en difficulté ou en restruc-turation (52).

Par ailleurs, l’A.R. introduisait pour l’employeur une obligation de remplacementeffectif. Le droit au statut de prépensionné était ainsi dissocié du bon vouloir del’employeur de remplacer ou non le travailleur licencié. L’obligation de remplace-ment n’était pas de mise si le travailleur licencié était âgé de 60 ans ou plus. Pour lereste, des exceptions à l’obligation de remplacement étaient envisageables pour desentreprises en restructuration et pour des entreprises en difficulté (53).

A peine deux ans plus tard, l’A.R. du 16 novembre 1990 fut remplacé par l’A.R. du 7décembre 1992 (54). Cet A.R. ne modifiait fondamentalement pas le régime exi-stant, hormis sur un point, à savoir le travail autorisé. Le régime très libéral, quiétait en vigueur depuis l’A.R. du 20 août 1986 et qui conférait aux prépensionnés lemême statut en matière de travail autorisé que celui des retraités, fut aboli et rem-placé par une nouvelle réglementation, se rapprochant fortement des dispositionsqui s’appliquaient aux chômeurs ordinaires (55).

Outre le durcissement des conditions d’accès, la prépension conventionnelle futrendue moins attrayante durant cette période par l’introduction d’une série de rete-nues et de cotisations sur la pension de préretraite. La loi-programme de 1989 intro-duisit une cotisation patronale fixe forfaitaire en faveur de l’Office National des Pen-sions (56). A peine un an plus tard, une nouvelle cotisation patronale fut introduiteen faveur de l’Office National de Sécurité Sociale, baptisée ‘cotisation patronalecapitative’ (57). Enfin, une nouvelle retenue de 1% fut instaurée sur la prépensionpar la loi du 30 mars 1994, cette fois en faveur de l’Office National de l’Emploi(ONEM) (58).

1.3.3. Un complément d’ancienneté pour les chômeurs âgés Pour répondre aux revendications financières émises par le large groupe de chô-meurs âgés, l’A.R. du 13 janvier 1989 instaura le régime de complément d’ancien-neté (59). Ce régime visait, par analogie avec la prépension, à garantir aux chô-

(52) Art. 2 §§1 et 4 de l’A.R. du 16 novembre 1990.(53) Art. 4 et 10 de l’A.R. du 16 novembre 1990.(54) A.R. du 7 décembre 1992 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension con-ventionnelle, M.B., 11 décembre 1992.(55) Art. 14 de l’A.R. du 7 décembre 1992.(56) Art. 268-270 de la Loi programme du 22 décembre 1989, M.B., 30 décembre 1989.(57) Art. 141-144 de la Loi du 29 décembre 1990 portant des dispositions sociales, M.B., 9 janvier1991.(58) Art. 50 de la Loi du 30 mars 1994 portant des dispositions sociales, M.B., 31 mars 1994. Cetteretenue fut portée à 3% en 1997.(59) A.R. du 13 janvier 1989 relatif à l’octroi d’un complément d’ancienneté aux chômeurs âgés,M.B., 19 janvier 1989.

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meurs âgés une prestation plus ou moins fixe. Il ne s’agissait pas de garantir unpourcentage d’allocation constant, mais d’octroyer un complément à partir de ladeuxième année de chômage. Après un an, le chômeur atterrit dans ce que l’onappelle la deuxième période et perd la jouissance du complément d’adaptation. Lecomplément d’ancienneté vise à compenser cette perte. Le montant du complé-ment est fonction de la catégorie à laquelle appartient le chômeur – chômeur aveccharge de famille, isolé ou cohabitant – et de son âge (60). Le groupe cible du régi-me du complément d’ancienneté est en grande partie le même que celui visé par lestatut de ‘chômeur âgé’, à savoir les chômeurs de 50 ans et plus. Toutefois, les chô-meurs qui souhaitent prétendre au complément d’ancienneté doivent faire étatd’une carrière professionnelle d’au moins 20 ans en tant que salarié.

Combiné au statut de ‘chômeur âgé’, le régime du complément d’ancienneté consti-tuait un nouveau circuit de départ anticipé, qui ne s’adressait pas cette fois aux tra-vailleurs actifs mais bien aux chômeurs. Conjointement, ces régimes peuvent êtreconsidérés comme une sorte de ‘prépension pour les chômeurs’. Comme dans lecas de la prépension, les bénéficiaires étaient exemptés d’une participation ultérieu-re au processus du travail et recevaient en contrepartie une compensation financiè-re.

1.4. LA PERIODE 1995-2002

1.4.1. Vers un âge de retraite identique pour les hommes et les femmes Au début des années quatre-vingt-dix fut lancé le débat sur la viabilité financière desretraites légales. On réalisait de plus en plus que le régime existant, tel que fixé dansla loi sur l’âge flexible de la retraite, ne serait plus financièrement viable lorsqu’ilserait confronté de plein fouet aux phénomènes de vieillissement et de dénatalité(61). Le régime existant fut également contesté pour un autre motif. Comme nousl’avons déjà évoqué, la loi prévoyait un âge flexible de la retraite avec une conditiond’âge identique pour les hommes et les femmes, tout en maintenant une distinctionau niveau du mode de calcul. Cette distinction était en opposition avec la directiveeuropéenne 97/7/CEE concernant l’égalité de traitement des hommes et des fem-mes (62). Une modification de la réglementation s’imposait donc, laquelle fut finale-ment concrétisée par l’A.R. du 23 décembre 1996 (63). Cette adaptation obligée durégime à la Directive 97/7/CEE fut mise à profit pour rendre plus difficiles les condi-

(60) Art. 4 de l’A.R. du 13 janvier 1989.(61) Voir notamment H. Bogaert et M. Festjens, ‘Onderzoek naar de weerslag van een verouderendebevolking op de sociale zekerheid: een lange-termijnverkenning 1992-2050’, in X., Ouderen in Soli-dariteit, Zaventem, Kluwer, 1993, 41-77.(62) Voir : H. Goossens, ‘Pensioenen werknemers’, in D. Simoens et J. Put (eds.), Ontwikkelingenvan de Sociale Zekerheid 1990-1996, Bruges, Die Keure, 1996, 629-632.(63) A.R. du 23 décembre 1996, portant exécution des articles 15, 16 et 17 de la loi du 26 juillet1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pen-sions, M.B., 17 janvier 1997.

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tions d’accès anticipé à la retraite (64). L’A.R. abolissait pour le futur le principe del’âge flexible de la retraite et réintroduisait le concept d’un âge légal de la retraite.Cet âge fut fixé à 65 ans tant pour les hommes que pour les femmes (65). De même,le calcul de la pension de retraite fit l’objet d’un alignement. Parallèlement à l’aug-mentation de l’âge de la retraite, le calcul de la pension de retraite pour les femmesest progressivement calculé sur la base de 45ème (66). La possibilité de prendre saretraite de manière anticipée à partir de 60 ans et sans diminution était maintenue.Les prépensionnés restaient exclus de la retraite avant l’âge de 65 ans (67). Pour leshommes, ce nouveau régime n’apportait pas de modification essentielle. Pour lesfemmes en revanche, le départ anticipé via la retraite anticipée était rendu sensible-ment moins attractif par le calcul en 45ème.

Bien que la possibilité de retraite anticipée continuât à exister, l’A.R. du 23 décem-bre 1996 subordonnait l’accès à la retraite anticipée à une condition de carrière. Parailleurs, cette condition de carrière est rendue chaque année plus sévère jusqu’en2005. A partir de 2005, la retraite anticipée ne sera plus accessible qu’aux travail-leurs salariés capables de justifier d’une carrière professionnelle d’au moins 35 ans.En 2002, le nombre d’années de carrière requis est de 30 ans (68). Suite à l’introduc-tion de ces nouvelles conditions, le nombre de travailleurs salariés qui pourrontbénéficier à l’avenir de l’avantage de la retraite anticipée sera assurément moinsélevé.

1.4.2. Ambiguïté en matière de prépensionAu cours de cette période, une politique relativement ambiguë fut menée en matiè-re de prépension. D’une part, le législateur s’en tint au régime existant fixant géné-ralement l’âge minimal à 58 ans. D’autre part, sous la pression des partenairessociaux, un régime de prépension temporaire fut prévu pour les années 1995-1996,1997-1998 et 1999-2000, qui, sous certaines conditions, permettait une mise à la re-traite anticipée. Par ailleurs, les dérogations existantes, notamment pour les entre-prises en difficulté ou en restructuration, furent également maintenues. En vue dedécourager l’utilisation de la préretraite dans le cadre des régimes temporaires, unenouvelle cotisation patronale fut créée en 1999 : la cotisation patronale spécialecompensatoire mensuelle (69). Celle-ci n’était due que pour les préretraites qui pre-naient effet avant l’âge de 58 ans.

(64) Voir au sujet de cette problématique : J. Van Langendonck et J. Put, Handboek Socialezeker-heidsrecht¸ Anvers – Groningen – Oxford, Intersentia, 2002, 647-650.(65) Art. 2 de l’A.R. du 23 décembre 1996. Pour éviter aux femmes une transition trop abrupte, uneapproche douce a été mise en place, augmentant progressivement l’âge de la retraite à 65 ans.(66) Art. 5 §1 et 6 §1 de l’A.R. du 23 décembre 1996.(67) Art. 4 §4 de l’A.R. du 23 décembre 1996.(68) Art. 4 §2 et §4 de l’A.R. du 23 décembre 1996.(69) Art. 111 de la Loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour l’emploi 1998 et portantdes dispositions diverses, M.B., 1er avril 1999.

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Pour le reste, le régime de prépension n’a pas subi de modifications fondamentalesdurant cette dernière période. Et il semble peu probable que cela soit le cas à l’ave-nir. Bien que le départ anticipé massif, dont la prépension est le symbole, ait faitl’objet de nombreux débat ces dernières années, aucune abolition du régime n’estenvisagée (70).

1.4.3. Assouplissement du statut des chômeurs âgés et émergence des prépensions‘Canada-dry’Une autre tendance apparue au cours de cette phase consiste en l’augmentationappréciable du nombre de bénéficiaires du statut de ‘chômeur âgé’. En 1998, lenombre de chômeurs âgés dépassa pour la première fois le nombre de prépension-nés (cf. infra : chapitre 2). Cette augmentation fut amorcée par l’A.R. du 22 novem-bre 1995 (71), qui facilitait pour les chômeurs âgés de 50 à 55 ans l’accès à ce régi-me. A partir du 1er décembre 1995, cette catégorie de chômeurs n’était plus tenuede faire preuve d’une incapacité de travail permanente pour obtenir le statut de‘chômeur âgé’. Désormais, tout chômeur âgé de 50 ans ou plus pouvait, de sa pro-pre initiative et sans devoir satisfaire à des conditions sévères, se retirer définitive-ment du marché de l’emploi. Le régime du complément d’ancienneté, qui fut main-tenu, incitait largement les chômeurs âgés qui y avaient droit à faire appel à cettepossibilité.

La forte augmentation du nombre de chômeurs âgés à partir de 1995 n’est pas seule-ment le fait de l’assouplissement de l’accès à ce statut. Durant cette période, le sta-tut de chômeur âgé fut de plus en plus utilisé en tant que substrat d’un nouveau cir-cuit de départ anticipé, désigné sous le nom de prépension ‘Canada-dry’. Dévelop-pés dans certaines entreprises et certains secteurs, ces régimes allouent, à l’instar dela prépension conventionnelle, un complément aux allocations de chômage, sanstoutefois que ne s’applique le régime de la prépension conventionnelle. Commeindiqué ci-dessus, les conditions d’octroi de la prépension conventionnelle sontdevenues sensiblement plus strictes au fil des ans, tant sur le plan de l’âge minimalque sur le plan des conditions de carrière. Dès lors, un groupe important de travail-leurs âgés qui pouvaient autrefois quitter le marché de l’emploi de manière anti-cipée via la prépension conventionnelle, ne pouvait plus prétendre au départ anti-cipé. Les prépensions alternatives ‘Canada-dry’ tentent d’apporter une solution à ceproblème en prévoyant des allocations de chômage complémentaires pour les tra-vailleurs salariés qui sont trop jeunes pour la prépension conventionnelle ou qui nepeuvent justifier de suffisamment d’années de service. Certes, les bénéficiaires nepeuvent pas prétendre à l’avantageux statut de la prépension, mais comme la plu-part peuvent faire appel au statut de chômeur âgé, qui prévoit un statut de chômagesimilaire, cela pose rarement un problème. Pour les employeurs également, la pré-

(70) L. Onkelinx, Plus de temps pour soi… Plus d’emplois pour tous, 34.(71) Art. 25 de l’A.R. du 22 novembre 1995 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portantréglementation du chômage dans le cadre du plan pluriannuel pour l’emploi, M.B., 8 décembre 1995.

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pension ‘Canada-dry’ constitue une alternative bienvenue à la prépension conven-tionnelle. L’obligation de remplacement et les diverses cotisations sociales envigueur dans la prépension conventionnelle ne sont pas d’application dans le casdes prépensions Canada-dry. Ces régimes alternatifs sont susceptibles ainsi de géné-rer une économie substantielle pour les employeurs.

Au début de 2002, le ministère de l’emploi et du travail a annoncé des mesuresvisant à freiner le succès des prépensions Canada-dry (72). Une mesure importanteen ce sens a été prise avec l’A.R. du 27 mai 2002 (73), qui introduisait un durcisse-ment sensible des conditions d’admission au statut de ‘chômeur âgé’. A partir du 1erjuillet 2004, seuls les chômeurs ayant atteint l’âge de 58 ans pourront encore pré-tendre à ce statut. Etant donné que le statut de ‘chômeur âgé’ constitue par défini-tion le fondement de tout régime ‘Canada-dry’, on peut s’attendre à ce que l’âgeminimal appliqué dans ces régimes soit porté progressivement jusqu’à 58 ans. Il vade soi que l’A.R. du 27 mai 2002 a également des conséquences importantes sur leschômeurs âgés qui ne peuvent prétendre à une indemnisation de chômage complé-mentaire à charge de leur précédent employeur. Ils continueront désormais à fairepartie du marché de l’emploi jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 58 ans. Une séried’autres mesures mises en avant pour limiter le succès des prépensions ‘Canada-dry’n’a pas encore été transposée à ce jour en textes législatifs.

2. ANALYSE CHIFFREE DU DEPART ANTICIPE

Dans ce chapitre, nous allons examiner, à l’aide de données statistiques, l’importan-ce du départ anticipé en général et des différents circuits de départ anticipé en par-ticulier.

La figure 1 décrit en nombres absolus le développement des circuits de retraite anti-cipée entre 1975 et 1994 traités sous le chapitre 1. Au début de cette évolution, en1975, la seule possibilité de quitter le marché de l’emploi de manière anticipée étaitla retraite anticipée. Le nombre de travailleurs salariés ayant fait usage de ce régimefinancièrement peu attrayant était relativement limité. Dans les années qui suivirent,la situation se modifia radicalement. La prépension conventionnelle et la prépensionlégale, qui devinrent en vogue respectivement en 1975 et en 1976, connurentimmédiatement un grand succès. Le nombre de bénéficiaires de ces régimes aug-mentait d’année en année et dépassa rapidement le nombre de personnes ayant prisleur retraite anticipée. A l’origine, les personnes quittant le circuit du travail demanière anticipée étaient réparties de manière plus ou moins égale sur les deux régi-mes de prépension. A partir de 1982 cependant, la prépension conventionnelle

(72) X., Stimuler l’emploi des travailleurs de 50 ans et plus en Belgique, téléchargé du site web duministère de l’emploi et du travail: http://meta.fgov.be/pdf/pi/fri29.pdf(73) A.R. du 27 mai 2002 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation duchômage dans le cadre de l’augmentation du taux d’emploi des travailleurs âgés, M.B., 11 juin 2002.

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l’emporta sur la prépension légale. Le nombre de préretraités conventionnels conti-nuait d’augmenter, pour atteindre un plafond en 1990 avec un chiffre tout justeinférieur à 140.000. Le durcissement constant des conditions d’accès à partir de1983 n’a pas pu juguler la progression de la prépension conventionnelle. La prépen-sion légale, quant à elle, fut abolie dans le courant de 1982. Cette année-là, le nom-bre de préretraités légaux s’élevait à plus de 45.000. La préretraite spéciale pour lesinvalides âgés, qui n’a été en vigueur que pendant deux ans, n’a guère connu desuccès.

FIGURE 1 : DEPART ANTICIPE 1975-1994

Source : ONEM., Rapports annuels ; ONP, Statistiques annuelles des titulaires du droit à la retraite ; calculs propres.

La prépension spéciale pour chômeurs âgés connut un certain succès, mais fut abo-lie après quelques années. La pension de préretraite, qui remplaça en 1982 la pré-pension légale, atteignit un public moins large que son prédécesseur en raison deses conditions d’octroi plus strictes et de son statut financier moins avantageux.Néanmoins, le nombre de personnes qui bénéficiaient de la pension de préretraiteaugmenta pour dépasser 28.000 en 1988. En 1990, la pension de préretraite et laretraite anticipée ordinaire furent remplacées par l’âge flexible de la retraite, et dis-parurent dans les années suivantes. La courbe descendante à partir de 1989 ne sig-nifie aucunement que la sortie du marché de travail se produisait à un âge ulté-rieur.La ligne descendante résulte entièrement du fait que les travailleurs salariés qui, àpartir de 1991, ont pris leur retraite entre 60 et 65 ans via le régime d’âge flexible dela retraite, n’étaient plus inclus dans le calcul. Avec l’instauration d’un âge flexiblede retraite, il n’est en effet plus question d’un âge légal normal de la retraite, et ni dedépart anticipé au sens strict.

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0

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150000

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1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993

chômeur âgé

retraite anticipée

prépension spéciale

pension de préretraite

prépension légale

prépension conventionelle

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La figure 2 retrace le développement de deux circuits de départ anticipé de 1992 à2001, à savoir la prépension conventionnelle et le statut de ‘chômeur âgé’. L’évolu-tion des chômeurs âgés ne bénéficiant pas du statut de ‘chômeur âgé’ et encore ins-crits en tant que demandeurs d’emploi est également illustrée aux fins de comparai-son.

En 1992, la prépension conventionnelle était de loin le principal circuit de départanticipé. Toutefois, après avoir connu un plafond aux alentours de 1990, il n’y eutpas de nouvelle augmentation dans les années quatre-vingt-dix. Deux élémentsmajeurs semblent avoir enrayé le développement ultérieur de ce régime, à savoir :l’introduction, en 1989 et 1990, des deux cotisations patronales sur la prépensionconventionnelle, et l’obligation de remplacement effectif en 1990. Jusqu’à 1995environ, le nombre de préretraités enregistrait une faible diminution, de plus oumoins un millier de bénéficiaires par an. Inversement, on observe au cours de cesannées une faible augmentation du nombre de bénéficiaires du statut de ‘chômeurâgé’. Conséquence du nouveau déclin économique de la première moitié desannées quatre-vingt-dix, le nombre de demandeurs d’emploi âgés qui ne veulent oune peuvent faire appel à l’un de ces circuits de départ anticipé augmente de manièrerelativement importante jusqu’en 1995. A partir de 1995, la situation se modifie demanière spectaculaire. Le nombre de bénéficiaires titulaires du statut de ‘chômeurâgé croît de manière considérable ; en 1999, leur nombre a doublé. Ce revirementsoudain trouve son origine dans l’A.R. du 22 novembre 1995, qui supprime la condi-tion de capacité de travail réduite de manière permanente pour la catégorie des 50-54 ans. De ce fait, une part importante de ce groupe de demandeurs d’emploi âgésde 50 à 54 ans pouvait soudain bénéficier du statut de ‘chômeur âgé’. Le nombre dedemandeurs d’emploi de plus de 50 a ainsi été réduit de moitié en 3 ans. Par ail-leurs, ainsi que mentionné plus haut, les préretraites ‘Canada-dry’ ont égalementjoué un rôle important dans la forte augmentation du nombre de chômeurs âgés. Ilsemble qu’un mouvement de substitution se soit produit entre la prépension con-ventionnelle et la préretraite ‘Canada-dry’. Ces régimes feront l’objet d’une analyseplus détaillée au chapitre 3. Après 1995, le nombre de préretraités enregistre uneplus forte diminution qu’au cours des années précédentes. En 1998, le nombre depréretraités est pour la première fois inférieur à celui des ‘chômeurs âgés’. Cettetendance se poursuit sans interruption jusqu’à ce jour.

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FIGURE 2 : EVOLUTION PRERETRAITE/CHOMAGE

Figure 2 : source : O.N.E.M. Rapports annuels.

Le tableau 1 présente en chiffres absolus une coupe du paysage en matière dedépart anticipé chez les travailleurs salariés (et ex-travailleurs) de plus de 50 anspour 2001 (74). Les rapports en pourcentage entre les différentes catégories sontreproduits à la Figure 3. A cet égard, il est important de noter que seuls les travail-leurs salariés et les personnes sorties du circuit du travail de manière anticipée envertu d’un emploi en tant que travailleur salarié sont inclus dans le calcul. Ces chif-fres ne donnent donc aucune indication du taux d’activité de la population totale.

TABLEAU 1 :

50-54 55-59 60-64 Total

prépension conventionnelle 6.965 36.038 65.574 108.577chômeurs âgés 55.019 62.696 29.601 147.316invalides âgés 33.727 35.915 27.747 97.389retraite (anticipée) 1.820 2.688 165.362 169.870total départ anticipé 97.531 137.337 288.284 523.152chômeurs demandeurs d’emploi 17.245 10.432 2.460 30137actifs 197.514 85.251 20.052 302.817total population active 214.759 95.683 22.512 332.954

(74) Les chiffres relatifs à l’invalidité se rapportent à l’année 1998, les chiffres concernant la popula-tion active (travailleurs salariés), à l’année 1999. Les chiffres pour la prépension conventionnelle,pour les chômeurs âgés et pour les chômeurs demandeurs d’emploi se basent sur l’annuaire statisti-que de l’ONEM 2001. Il s’agit de nombres moyens pour l’année 2001. Les chiffres relatifs aux retrai-tes se basent sur les annuaires statistiques des titulaires du droit à la retraite de l’ONP. Ils se rappor-tent au nombre de retraités au 1er janvier 2001. Les chiffres concernant les invalides âgés se basentsur l’annuaire statistique 1998 de la Sécurité Sociale du Ministère fédéral des Affaires Sociales, de laSanté Publique et de l’Environnement (2000). Enfin, les chiffres relatifs à la population active sontbasés sur l’Enquête sur les forces de travail 1999 de l’INS (2000). Ces chiffres se rapportent auxouvriers et aux employés du secteur privé.

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1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

chômeur demandeur d'emploi

statut 'chômeur âgé'

prépension conventionelle

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DEPART ANTICIPE DES TRAVAILLEURS AGES EN BELGIQUE

Pour la première fois, le groupe des invalides âgés est ici pris en considération. Con-trairement à ce qui est le cas dans la réglementation du chômage, le régime légald’incapacité de travail et d’invalidité ne prévoit pas de statut spécial pour les person-nes de plus de 50 ans. Néanmoins, il convient de constater que le nombre d’inva-lides de cinquante ans et plus constitue plus de la moitié du nombre total d’invalideset que l’invalidité fonctionne donc comme une sorte de ‘salle d’attente’ de la retraite(75). C’est la raison pour laquelle cette catégorie ne peut être négligée dans unexposé sur le départ anticipé.

Dans la catégorie d’âge de 50 à 54 ans, les actifs sont encore clairement majoritaires(63%). Par ailleurs, on y dénombre encore un groupe relativement important dedemandeurs d’emploi (6%). Le pourcentage des personnes ayant quitté le circuit dutravail de manière anticipée s’élève à 31%. Parmi celles-ci, on trouve un petit nom-bre de prépensionnés qui étaient employés dans une entreprise reconnue commeétant en difficulté ou en restructuration (2%). Ensuite vient le groupe d’invalidesâgés (11%). Le groupe majoritaire est constitué de bénéficiaires du statut de ‘chô-meur âgé’ (18%).

Dans la catégorie d’âge 55-59 ans, le nombre de personnes ayant quitté le circuit dutravail de manière anticipée dépasse déjà largement le nombre de travailleurs actifs(59% contre 41%). Parmi les personnes quittant le circuit du travail de manière anti-cipée, le plus large groupe est encore et toujours composé de chômeurs âgés (27%de la population totale). 15% des travailleurs salariés de ce groupe d’âge est prépen-sionné et la part d’invalides âgés augmente également par rapport à la catégorie des50-54 ans (15%).

Dans la catégorie d’âge des 60 ans et plus, le nombre d’actifs a reculé pour atteindreenviron 7%. De même, cette catégorie ne compte quasiment plus de chômeursdemandeurs d’emploi. 93% de la population totale de travailleurs salariés entre 60 et65 ans s’est déjà retirée de la vie active. Dans cette catégorie d’âge, le nombre deprépensionnés dépasse le nombre de ‘chômeurs âgés’ (21% contre 10%). C’estnotamment dû au fait que, pour les prépensionnés, il n’existe aucune opportunitéde prendre sa retraite anticipée. Cette possibilité existe en revanche pour les chô-meurs et les invalides âgés. De plus, comme nous l’avons montré, le succès du statutde ‘chômeur âgé’ est surtout le fait de ces 6 à 7 dernières années. On peut donc s’at-tendre à ce qu’à l’avenir, le nombre de chômeurs âgés augmente également dans lacatégorie d’âge des 60-64 ans, au détriment du nombre de préretraités. La retraite(anticipée) connaît un grand succès. 53% des travailleurs salariés entre 60 et 65 anssont déjà retraités. Ce constat doit cependant être nuancé d’une double réserve.Premièrement, nous avons décidé de ne pas tenir compte uniquement des retraitesréellement anticipées, mais de toutes les retraites allouées à des bénéficiaires qui

(75) Voir Ministère fédéral des Affaires Sociales, de la Santé Publique et de l’Environnement, Annuai-re Statistique 1998 de la Sécurité Sociale, Bruxelles, 2000, p. 43.

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n’ont pas encore atteint l’âge de 65 ans. Pour l’essentiel, cela signifie que les fem-mes âgées de 61 à 65 ans ont également été comprises dans ces chiffres, bien qu’el-les ne bénéficient pas au sens strict d’une pension de retraite anticipée, mais plutôtd’une pension de retraite ordinaire. Toutefois, vu que l’âge légal normal de la retrai-te est progressivement ramené à 65 ans pour les femmes également, il semblait indi-qué de les inclure également dans les chiffres. Deuxièmement, les pensions de re-traite peuvent se rapporter à des personnes qui n’ont pas été employées précédem-ment comme travailleurs salariés. Il suffit de penser, par exemple, à une épouse (ouà un époux) qui, dans son jeune âge, a d’abord été occupée pendant quelquesannées comme travailleuse salariée, mais qui, après son mariage, s’est retirée de lavie professionnelle afin de s’occuper des travaux domestiques. Ces personnes appa-raissent soudain ici dans la catégorie 60-65 ans, bien qu’elles ne figurent pas dans leschiffres relatifs aux catégories 50-54 ans et 55-59 ans. Ceci explique pourquoi lenombre total de personnes qui relèvent de la catégorie des 60-65 ans dépasse celuide la catégorie d’âge précédente. A l’avenir, le nombre de retraités entre 60 et 65ans diminuera probablement. D’une part, parce que l’âge légal normal de la retraitepour les femmes sera progressivement porté à 65 ans, et, d’autre part, parce que lacondition de carrière pour la retraite anticipée sera rendue plus stricte au cours desannées à venir et que, dès lors, les personnes dont la carrière est (trop) courte nepourront plus prétendre à la retraite anticipée.

FIGURE 3 : DEPART ANTICIPE EN 2001

Si l’on examine enfin l’ensemble de la population des travailleurs salariés âgés de 50à 64 ans, le rapport entre la population active et les personnes ayant quitté le circuitdu travail de manière anticipée est de 39% contre 61%. Ces chiffres correspondentau taux d’activité de l’ensemble de la population âgée de 50 à 65 ans, estimée à 40%pour l’année 2000 (76). Le circuit de départ anticipé qui semble avoir connu le plusde succès est la retraite (anticipée). 20% de tous les travailleurs salariés entre 50 et

(76) Voir note 3.

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50-54 55-59 60-64 total

actifs

chômeurs demandeurs d'emploi

retraite (anticipée)

invalides âgés

chômeurs âgés

prépension conventionelle

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65 ans utilisent cette option pour prendre leur retraite avant l’âge de 65 ans. Uneréserve doit toutefois être émise à cet égard, car toutes ces retraites ne sont pas réel-lement des retraites anticipées. Parmi les autres circuits de départ anticipé, le statutde ‘chômeur âgé’ est celui qui remporte le plus de suffrages. 17% des travailleurssalariés de 60 à 65 ans bénéficient de ce statut. La prépension occupe seulement latroisième place avec 13%. Cette constatation n’est pas anodine, parce que plusd’une fois le débat sur le départ anticipé se réduit souvent exclusivement à la pré-pension. Les invalides âgés, enfin, représentent 11% du total.

3. CIRCUITS DE DEPART ANTICIPE DANS LE DROIT POSITIF BELGE

Après l’analyse historique et chiffrée du départ anticipé, ce chapitre est réservé àune analyse comparative condensée des circuits de départ anticipé dans le droitpositif belge. L’étude porte sur les mécanismes juridiques qui organisent ou facili-tent le départ anticipé. Par départ anticipé, on entend ici le fait de quitter de maniè-re complète et définitive le marché de l’emploi avant d’avoir atteint l’âge légal nor-mal de la retraite.

Comme il ressort du chapitre précédent, le départ anticipé s’articule actuellementautour de quatre circuits principaux : la prépension conventionnelle, le chômage,l’invalidité et la retraite anticipée. Ces quatre grands circuits de départ anticipé se-ront analysés successivement dans les pages qui suivent. Chaque circuit sera abordésous quatre angles, à savoir : les conditions d’octroi, les obligations de l’employeur,le statut financier et enfin le statut social du bénéficiaire.

3.1. LA PREPENSION CONVENTIONNELLE

3.1.1. Conditions d’octroiLa prépension conventionnelle est le régime par lequel un statut de chômage spé-cial est conféré à certains chômeurs âgés qui bénéficient d’une indemnité complé-mentaire à leurs allocations de chômage. Les conditions présidant au droit à l’in-demnité complémentaire sont fixées par la CCT n° 17 ou par des CCT au niveau dusecteur ou de l’entreprise. Les conditions pour l’octroi du statut de chômage spécialsont fixées par l’A.R. du 7 décembre 1992 (ci-après A.P.S.) (77). On ne peut parlerde prépension conventionnelle que lorsque toutes les conditions sont remplies, tantsur le plan de l’indemnité complémentaire que sur le plan du statut de chômage.

La CCT n° 17 pose trois conditions principales pour l’obtention de l’indemnité com-plémentaire :

(77) A.R. du 7 décembre 1992 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension con-ventionnelle, M.B., 11 décembre 1992.

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Seuls, les travailleurs licenciés pour des raisons autres que des motifs graves sontpris en considération. Le travailleur ne peut donc en principe prendre lui-mêmel’initiative de mettre fin au contrat de travail (art. 3 a). Dans la pratique cependant,la prépension conventionnelle est devenue si profondément ancrée dans les moeursqu’une sorte de ‘droit’ au licenciement a progressivement vu le jour.

Le travailleur doit avoir atteint l’âge de 60 ans au moment du licenciement (art. 3a)). Néanmoins, dans pratiquement tous les secteurs, cet âge a été revu à la baisse,pour atteindre généralement 58 ans.

Le travailleur licencié doit percevoir des allocations de chômage. (art. 4). End’autres termes, il doit remplir toutes les conditions fixées par la réglementation duchômage.

Lorsque le travailleur licencié remplit ces conditions, il a droit à une indemnité com-plémentaire. Il n’est toutefois pas obligé d’accepter le régime complémentaire. S’ille refuse, il devient un chômeur ordinaire.

L’A.P.S. détermine quels bénéficiaires d’une indemnité complémentaire entrent enligne de compte pour le statut de prépension.

L’A.P.S. répète tout d’abord la condition du licenciement comme étant le fait del’employeur (art. 2 §1 A.P.S.).

La deuxième condition a trait à l’indemnité complémentaire. Il doit s’agir de l’in-demnité allouée en vertu de la CCT n° 17 ou d’une CCT d’entreprise ou de secteur,qui prévoit des avantages au moins égaux à ceux prévus par la CCT n°17 (art. 2 §12ème et 3ème alinéas A.P.S.). Les travailleurs licenciés qui bénéficient d’indemnitéscomplémentaires ne satisfaisant pas à cette condition n’entrent pas en ligne decompte pour le statut de prépension.

Troisièmement, l’A.P.S. fixe un âge minimal. Les travailleurs licenciés doiventavoir atteint l’âge de 58 ans lors de la rupture du contrat de travail. Des dérogationsà cet âge minimal sont cependant possibles à certaines conditions, notamment pourles entreprises en difficulté ou en restructuration.

Enfin, une condition d’ancienneté est également d’application. L’ancien travail-leur doit justifier d’une carrière de salarié de 25 ans au minimum (art 2 §1 A.P.S.).Une fois encore, des conditions plus souples s’appliquent aux travailleurs de 60 anset plus et aux travailleurs occupés dans une entreprise en difficulté ou en restructu-ration.

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3.1.2. Obligations de l’employeurLa prépension de l’un de ses travailleurs entraîne une série d’obligations importan-tes dans le chef de l’employeur. En premier lieu, ce dernier est débiteur de l’indem-nité complémentaire. A ce titre, il est assujetti à trois cotisations. Vient tout d’abordla cotisation patronale spéciale au profit de l’O.N.P. (78). Cette cotisation s’élève enprincipe à 24,80 EUR par mois par prépension. La deuxième cotisation est ce quel’on appelle la cotisation patronale capitative au profit de l’O.N.S.S. (79) Ce montantdépend de l’âge auquel la prépension prend effet. Pour les prépensions prises à par-tir de 60 ans en vertu de la CCT n° 17, la cotisation s’élève à 24,79 EUR par mois parpréretraite. Le montant de cette cotisation augmente à mesure que la prépensionprend effet plus tôt. La dernière cotisation est la cotisation patronale spéciale com-pensatoire mensuelle (80). Cette cotisation ne vaut que pour les prépensions prisesdans le cadre de l’un des régimes temporaires (1995-1996, 1997-1998 ou 1999-2000)et n’est due que jusqu’au mois où le prépensionné a atteint l’âge de 58 ans. Cettecotisation équivaut en principe à 50% de l’indemnité complémentaire.

Outre ces obligations financières, l’employeur est également obligé de remplacer lepréretraité par un ou deux chômeurs complets indemnisés (art.4 §1, 1er et 2èmealinéas, A.P.S.). Cette obligation de remplacement ne s’applique pas aux travailleursqui ont atteint l’âge de 60 ans lors de la rupture du contrat de travail (art. 4 §7,A.P.S.). De même, les entreprises reconnues comme étant en difficulté ou enrestructuration peuvent être exemptées de cette obligation (art. 10, A.P.S.).

3.1.3. Statut financierL’indemnité perçue par le prépensionné comprend deux composantes. En tant quechômeur, le préretraité a tout d’abord droit à des allocations de chômage. Contraire-ment aux chômeurs ordinaires, le calcul de l’allocation ne dépend pas de la durée duchômage ni de la situation familiale. Le prépensionné perçoit durant toute la duréedu statut des allocations de chômage calculées à un taux de 60% (art. 8, A.P.S.). Lesalaire sur lequel l’allocation est calculée est toutefois plafonné (81). Le plafondappliqué est très bas, d’où sur la base d’une occupation à temps plein, le droit acquisest approximativement toujours égal à l’allocation de chômage maximale.

La deuxième composante est l’indemnité complémentaire. L’indemnité équivaut à lamoitié de la différence entre le dernier salaire net et l’allocation de chômage, avecpour réserve cependant que le dernier salaire n’est pris en ligne de compte que jusqu’àun certain plafond. Le salaire net plafonné est appelé salaire net de référence (82).

(78) Art. 268-270 de la Loi-programme du 22 décembre 1989, M.B., 30 décembre 1989.(79) Art. 141-144 de la Loi du 29 décembre 1990 portant des dispositions sociales, M.B., 9 janvier 1991.(80) Art. 111 de la Loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour l’emploi 1998 et portantdes dispositions diverses, M.B., 1er avril 1999.(81) Art. 111, alinéas 3, et 113 de l’A.R. du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage,M.B., 31 décembre 1991.(82) Art. 5-7, CCT n° 17. Les CCT sectorielles ou d’entreprise peuvent cependant prévoir uneindemnité complémentaire plus élevée.

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Une double retenue est effectuée sur la prépension. La première retenue de 3,5%,calculée sur le montant total de la prépension, est versée à l’O.N.P. (83). La deuxiè-me retenue, au profit de l’O.N.E.M., s’élève à 3% du montant total (84). Ces deuxretenues ne doivent pas produire un montant restant inférieur au minimum fixé parla loi.

3.1.4. Statut socialLe prépensionné est un chômeur. Ceci implique qu’à moins que d’autres disposi-tions ne prévalent, toutes les dispositions portant sur le statut social des chômeurss’appliquent également aux prépensionnés. Toutefois, le préretraité est expressé-ment exempté d’une série de conditions et d’obligations. Le préretraité n’est parexemple pas tenu de s’inscrire comme demandeur d’emploi, de se soumettre à descontrôles, ni d’être disponible sur le marché du travail. De même, il ne peut êtresanctionné sur la base de chômage volontaire ou de chômage anormalement pro-longé (art. 2 §1 1er alinéa A.P.S.). En outre, l’A.P.S. prévoit un régime plus souple enmatière de travail autorisé. Par dérogation à l’art. 45 de l’A.R. du 25 novembre1991, le prépensionné est autorisé à exercer toute activité sans salaire et sans butlucratif se rapportant à ses propres biens, même lorsque cette activité est opéréedans le cadre d’échanges économiques de biens et de services. Le préretraité peutpar exemple réaliser des travaux d’entretien et d’adaptation à sa propre habitation(art. 14 §1, A.P.S.). De même, la réglementation en matière de préretraite prévoitune exception au statut de chômage ordinaire pour les activités non rémunéréeseffectuées pour un tiers. Un travail non rémunéré pour des parents jusqu’au seconddegré et pour certains organismes non commerciaux peut être effectué sans autori-sation préalable (85). Toute forme de travail rémunéré reste toutefois exclue.

En ce qui concerne la constitution des droits à la pension de retraite, toute la pério-de de prépension est considérée comme une période assimilée. Le prépensionné nepeut prétendre à la retraite anticipée. La retraite prend effet au plus tôt le premierjour du mois qui suit le mois où est atteint l’âge légal normal de la retraite (86).

3.2. CHOMEURS AGESLe concept de ‘chômeur âgé’ est utilisé dans plusieurs régimes. En tout premier lieu,nous avons le statut de chômeur âgé dans la réglementation du chômage. Vientensuite le régime de complément d’ancienneté pour les chômeurs âgés. Enfin, ilconvient de tenir compte des prépensions Canada-dry négociées au niveau du sec-teur ou de l’entreprise.

(83) A.R. n° 33 du 30 mars 1982 relatif à une retenue sur des indemnités d’invalidité, M.B., 1er avril1982.(84) Art. 50 de la Loi du 30 mars 1994 portant des dispositions sociales, M.B., 31 mars 1994.(85) Art. 1, A.M. du 23 décembre 1992 portant activités non rémunérées et activités professionnellesautorisées aux prépensionnés, M.B., 9 janvier 1993. Voir aussi J. PUT, ‘Toegelaten arbeid voor gepen-sioneerden en bruggepensioneerden’, Or., 1993, 76-92.(86) Art. 4, §4, de l’ A.R. du 23 décembre 1996.

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Le statut de chômeur âgé en constitue le fondement. Ce régime ne prévoit, commeson nom l’indique, qu’un statut de chômage dérogatoire, sans y rattacher d’avanta-ges financiers. Quant au régime de complément d’ancienneté et aux prépensionsCanada-dry, c’est l’inverse. Ces régimes confèrent aux chômeurs âgés des avantagespécuniaires complémentaires, sans prévoir de statut social spécial.

3.2.1. Le statut de ‘chômeur âgé’Le statut de chômeur âgé est défini à l’art. 89 de l’arrêté sur le chômage du 25novembre 1991 (ci-après : A.C.) (87). Ce statut prévoit l’exemption d’une série d’o-bligations qui s’appliquent aux chômeurs ordinaires. L’Art. 89 a récemment étémodifié en profondeur par l’A.R. du 27 mai 2002 (88).

a) Conditions d’octroi :Jusqu’au 1er juillet 2002, ce statut était accessible à tous les chômeurs complets quiavaient atteint l’âge de 50 ans et qui, au cours des deux années précédant la deman-de, avaient perçu au moins 312 allocations. Le chiffre de 312 allocations correspondà un an de chômage. Il ne faut pas de longue démonstration pour se rendre comptequ’il s’agissait ici de conditions d’octroi très souples.

A l’avenir, seuls les chômeurs de 58 ans et plus pourront bénéficier de ce statut.Toutefois, à partir de cet âge, ils pourront désormais bénéficier de ce statut dès lepremier jour de chômage sans avoir à attendre un an. La nouvelle réglementationprévoit une période de transition jusqu’au 1er juillet 2004. Du 1er juillet 2002 au1er juillet 2003, l’âge minimal est de 56 ans. Du 1er juillet 2003 au 1er juillet 2004,l’âge est porté à 57 ans. Durant cette période de transition, il faudra toutefois enco-re respecter une période d’attente d’un an (312 jours). A partir du 1er juillet 2004,l’âge minimal sera de 58 ans.

b) Obligations de l’employeurEtant donné que le statut n’est octroyé qu’après un an de chômage minimum, iln’est plus question d’une relation employeur-travailleur. Le statut de ‘chômeur âgé’n’entraîne donc aucune obligation dans le chef des employeurs.

c) Statut financierAucun statut financier n’est associé au statut de ‘chômeur âgé’. L’allocation de chô-mage des chômeurs âgés est calculée selon les règles de calcul habituelles, en tantque pourcentage du dernier salaire plafonné, le montant de l’allocation étant fonc-tion de la durée du chômage et de la situation familiale. Selon qu’il s’agit de chô-meurs avec charge de famille, d’isolés ou de cohabitants, les pourcentages sont éta-blis durant la première année à 60%, 60% et 55%. Durant la deuxième période, quidébute la deuxième année de chômage, les pourcentages sont fixés à 60%, 50% et

(87) A.R. du 7 décembre 1992 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension con-ventionnelle, M.B., 11 décembre 1992.(88) A.R. du 27 mai 2002, modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation duchômage dans le cadre de l’augmentation du taux d’emploi des travailleurs âgés, M.B., 11 juin 2002. 605

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40% du dernier salaire plafonné. Les chômeurs avec charge de famille et les chô-meurs isolés restent toujours dans la deuxième période de chômage. Les chômeurscohabitants se retrouvent, au terme de la deuxième période, dans la troisième pério-de, où l’allocation de chômage est ramenée à un forfait peu élevé. Les chômeurscohabitants ayant une carrière de salarié d’au moins 20 ans ou présentant une inca-pacité de travail d’au moins 33% restent toutefois également toujours dans la deuxiè-me période de chômage (89).

d) Statut socialLes chômeurs âgés qui remplissent ces conditions ne peuvent plus être sanctionnéspour cause de chômage volontaire, ne sont plus tenus d’être disponibles sur lemarché de l’emploi ni de s’inscrire comme demandeurs d’emploi (90). En outre,l’art. 89 A.C. confère aux chômeurs âgés un statut un peu plus souple en matière detravail autorisé (91). Par dérogation à l’art. 45 A.C., le chômeur âgé qui bénéficie dela dérogation peut exercer pour son propre compte et sans but lucratif toute acti-vité ayant rapport avec ses propres biens, même lorsque cette activité dépasse lasimple gestion de ses propres biens et qu’elle est opérée dans le cadre d’échangeséconomiques de biens et de services. (92). Quant aux activités effectuées pour untiers, le chômeur âgé reste assujetti au statut de chômage ordinaire. Non seulement,toute activité rémunérée est exclue, mais la possibilité de travail bénévole est égale-ment fortement bridée.

Les autres conditions imposées par la réglementation du chômage continuent à s’ap-pliquer sans restrictions aux bénéficiaires du statut de ‘chômeur âgé’. Le ‘chômeurâgé’ doit, par exemple, être apte au travail, se soumettre aux contrôles et être domi-cilié en Belgique (93).

Indépendamment des conditions de l’art. 89 A.C., l’art. 80 1° A.C. stipule qu’aucunchômeur de 50 ans ou plus, y compris les chômeurs ne bénéficiant pas de l’exem-ption de l’art. 89, ne peut être sanctionné en raison de chômage anormalement pro-longé.

De cette manière, la réglementation du chômage a ouvert la voie à un important cir-cuit de départ anticipé. Les bénéficiaires du statut de ‘chômeur âgé’ disparaissent eneffet du marché du travail (ils ne doivent plus être disponibles sur le marché del’emploi) et continuent à percevoir - toute sanction étant exclue - leur allocation dechômage jusqu’à leur retraite effective. En outre, à l’instar de la prépension, la pério-de de chômage est prise en considération sans restrictions comme une période assi-

(89) Art. 110 à 119, A.C.(90) Art. 89 §1 jo. ; art. 51, §1 2ème 3° à 6° ; art. 56 et art. 58, A.C.(91) voir J. Put, ‘Arbeid tijdens het genot van sociale zekerheidsuitkeringen (deel2)’, Or., 1992, 84-93.(92) Les activités qui entraînent une augmentation de valeur des avoirs propres sont par exempleautorisées pour les chômeurs âgés qui bénéficient de l’exemption de l’art. 89, A.C. C’est égalementle cas pour les prépensionnés. (93) Art. 60, art. 71 et art. 66, A.C.

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milée pour le calcul de la pension de retraite (94). Bien qu’en principe, le chômeurâgé puisse opter pour la retraite anticipée, il aura tout intérêt à conserver son statutle plus longtemps possible et à ne demander sa retraite qu’à 65 ans. En principe, lamodification récente des conditions d’octroi ne change rien à cette situation mêmesi, de toute évidence, le groupe cible de ce statut se voit sensiblement réduit.

3.2.2. Le complément d’ancienneté pour chômeurs âgés

a) Conditions d’octroiUn volet financier en faveur de certains chômeurs âgés est prévu via le régime ducomplément d’ancienneté. Ce régime est inscrit dans les articles 126 à 129 A.C.– Quiconque souhaite bénéficier de ce complément doit être chômeur complet et

avoir atteint l’âge de 50 ans (art. 126 1° et 2° A.C.).

– Le chômeur n’a plus droit au complément d’adaptation, ce qui revient à dire quele complément d’ancienneté ne peut être octroyé qu’à partir de la deuxièmeannée de chômage (art. 126 3° A.C.) (95). Toutefois, il n’est pas nécessaire quel’intéressé bénéficie également du statut de ‘chômeur âgé’.

– Ensuite, une ancienneté de 20 ans minimum en tant que salarié est requise (art.126 4° A.C.).

– Enfin, les chômeurs et les prépensionnés qui ont refusé la prépension, bien qu’ilssatisfissent à toutes les conditions d’octroi de la prépension, sont exclus de l’ap-plication du complément d’ancienneté. Par cette mesure, le législateur a souhaitéempêcher que les employeurs se soustraient à leurs obligations en matière de pré-pension en faisant passer les travailleurs âgés ayant droit à la prépension dans lerégime du complément d’ancienneté.

b) Obligations de l’employeurIci, l’on peut formuler les mêmes remarques que pour le statut de ‘chômeur âgé’.Du fait de l’absence d’une relation employeur-travailleur, il n’y a dès lors aucuneobligation dans le chef des employeurs.

c) Statut financier Le chômeur qui satisfait aux conditions d’octroi a droit à un complément à son allo-cation de chômage. Celui-ci est accordé automatiquement, sans que le chômeurdoive en faire la demande. L’allocation de chômage de base est calculée de la mêmefaçon que pour un chômeur ordinaire. Le montant du complément d’anciennetédépend de la situation familiale et de l’âge du bénéficiaire. Pour le chômeur avec

(94) Art. 34, §1 A 1°, de l’ A.R. du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pen-sion de retraite et de survie des travailleurs salariés, M.B., 16 janvier 1968.(95) Le complément d’adaptation n’est accordé qu’au cours de la première période de chômage de12 mois : art 114, §2, A.C.

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charge de famille, ce complément est fixé à un montant forfaitaire de 3,76 EUR(96,76 EUR par mois). Pour les isolés de moins de 55 ans, le complément s’élève à4,5% du salaire journalier moyen plafonné. A partir de 55 ans, ce pourcentage aug-mente à concurrence de 10 %. Pour les chômeurs cohabitants, les pourcentagesont été établis à 5 % à partir de 50 ans, à 10% à partir de 55 ans et à 15 % à partir de58 ans (art. 127 A.C.). Le complément d’ancienneté est surtout important pour leschômeurs isolés et les chômeurs cohabitants. L’application de ce complément d’an-cienneté garantit à ces catégories de chômeurs une indemnité de chômage constan-te à partir d’un certain âge, quelle que soit la durée du chômage. Pour les isolés,cette indemnité est garantie à partir de l’âge de 55 ans, pour les cohabitants à partirde 58 ans. Pour les isolés, l’allocation est donc toujours calculée selon un taux de60% (50% + 10%), pour les cohabitants, toujours selon un taux de 55% (40% + 15%).Sur le plan des allocations de chômage, la situation des bénéficiaires du complémentd’ancienneté est comparable à celle des prépensionnés.

d) Statut socialAucun statut social spécial n’a été prévu pour les chômeurs qui bénéficiaient ducomplément d’ancienneté. Ils ont le statut de chômeur classique, ou, le cas échéant,celui de ‘chômeur âgé’. Il convient naturellement de tenir compte du durcissementdes conditions d’accès au statut de ‘chômeur âgé’. Si, dans le passé, presque cha-que bénéficiaire du complément d’ancienneté pouvait prétendre au statut de ‘chô-meur âgé’, à l’avenir, seuls les chômeurs âgés de 58 ans ou plus se verront accordercette possibilité.

3.2.3. La prépension ‘Canada-dry’Sous l’influence du durcissement constant de la réglementation relative à la prépen-sion conventionnelle quant aux conditions d’octroi et aux obligations de l’employ-eur, des mécanismes ont été développés au sein des entreprises et des secteurs. Cesmécanismes visaient à organiser le départ anticipé des travailleurs âgés en dehors ducadre de la prépension, via des régimes d’allocations de chômage complémentaires.La Belgique possède en effet une longue tradition en matière d’allocations de chô-mage complémentaires. Celles-ci relèvent traditionnellement des négociations col-lectives au sein de l’entreprise, mais également et surtout au niveau des secteurs(96). On trouve des régimes complémentaires tant en cas de chômage temporairequ’en cas de licenciement. Dans ce dernier cas de figure, l’allocation peut consisteren un forfait unique, par exemple une prime de départ ou un complément périodi-que à l’allocation de chômage. Dans le cadre des régimes traditionnels, les alloca-tions périodiques sont toujours limitées dans le temps (97).

(96) Dès les années qui suivirent immédiatement la Deuxième Guerre Mondiale, des dispositions col-lectives complémentaires ont été instaurées. Voir : C. Deguelle ‘Les régimes professionnels complé-mentaires de la sécurité sociale en Belgique’, R.B.S.S., 1962 – n° 3 : 329-401.(97) A propos des allocations de chômage complémentaires, voir : I. Briers, ‘Aanvullende socialewerkloosheidsverzekeringen: een inleidend rapport’, in J. Van Steenberghen et I. Briers (eds.), Werk-loosheid en Collectief overleg, Bruges, Die Keure, 1995,73-116.

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Dans leur grande majorité, les allocations de chômage complémentaires qui nousoccupent principalement ici – les prépensions ‘Canada-dry’ – sont récentes. Ellesrevêtent également un caractère périodique, mais contrairement aux régimes men-tionnés plus haut, elles ne sont pas octroyées pour une durée déterminée, lesindemnités étant allouées jusqu’au départ à la retraite légale. Dans ce dernier casuniquement, il est question d’un véritable circuit de départ anticipé, puisque ce ré-gime confère à ses bénéficiaires un statut financier avantageux, dont ils peuventprofiter, sans limitation dans le temps, jusqu’à la prise de la retraite légale.

Les prépensions ‘Canada-dry’ se rencontrent tant au niveau de l’entreprise qu’auniveau des secteurs industriels. Toutefois, leur centre de gravité semble plutôt sesituer au niveau de l’entreprise.

a) Conditions d’octroiL’une des principales caractéristiques des prépensions ‘Canada-dry’ est l’absenced’un cadre réglementaire. Contrairement à la prépension conventionnelle, ces régi-mes ne doivent pas nécessairement reposer sur une CCT. Ils peuvent en principeégalement faire l’objet d’un accord individuel. Ces régimes permettent ainsi d’ap-porter une réponse beaucoup plus rapide et plus flexible aux situations concrètes.La réglementation du chômage ne prévoit pas non plus de statut spécial à cet égard.Le bénéficiaire d’une prépension ‘Canada-dry’ reste donc assujetti aux règles ordi-naires en matière d’allocations de chômage.

Il y a peu de temps encore, aucune condition d’âge ou d’ancienneté ne s’appliquaitaux régimes ‘Canada-dry’. L’âge minimal pouvait être fixé en fonction des besoinsconcrets du moment. Il en allait de même pour les conditions de carrière. En raisonde l’absence d’un cadre réglementaire, les régimes ‘Canada-dry’ pouvaient presqueêtre accordés à la carte. Ainsi, un large groupe de travailleurs âgés qui n’avaient pasaccès à la prépension en raison d’une carrière professionnelle trop courte ou d’untrop jeune âge, était malgré tout pris en considération pour le départ anticipé.

Le récent durcissement de l’accès au statut de ‘chômeur âgé’ remet aujourd’hui enquestion cette liberté quasi illimitée. Comme nous l’avons signalé, l’accès à ce statutest réservé, après une période de transition de 2 ans, aux chômeurs de 58 ans etplus (98). Sans le statut de ‘chômeur âgé’, le bénéficiaire d’une prépension ‘Canada-dry’ est soumis aux règles ordinaires de la réglementation du chômage, avec toutesles conséquences qui s’ensuivent. Il ne sera donc pas dispensé de la disponibilitésur le marché de l’emploi et devra se soumettre aux mesures en vigueur en matièrede placement et de formation professionnelle. S’il ne bénéficie pas du statut de ‘chô-meur âgé’, l’intéressé continue à faire partie du marché de l’emploi et n’est dès lorspas considéré comme étant réellement sorti du circuit du travail de manière anti-

(98) A.R. du 27 mai 2002 modifiant l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation duchômage dans le cadre de l’augmentation du taux d’emploi des travailleurs âgés, M.B., 11 juin 2002.

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cipée. On peut donc s’attendre à ce que ce nouveau règlement entrave le dévelop-pement de nouveaux régimes ‘Canada-dry’, lesquels confèrent des avantages aux ex-travailleurs avant l’âge de 58 ans. Pour les travailleurs qui ne peuvent prétendre à laprépension conventionnelle en vertu d’un autre motif, (par exemple, de l’ancien-neté), cette nouvelle règle ne change rien et le régime ‘Canada-dry’ demeure unesolution alternative valable.

Outre les travailleurs qui ne peuvent prétendre à la prépension, d’autres travailleurspeuvent entrer en ligne de compte pour le régime ‘Canada-dry’, si ce dernier s’avèreplus intéressant pour eux (ou pour leur employeur). Le travailleur n’est en effet pasobligé d’accepter la prépension. Ce refus a toutefois des implications financières, ence qui concerne la possibilité de cumul avec le complément d’ancienneté pour leschômeurs âgés.

b) Obligations de l’employeurComme mentionné ci-dessus, le succès croissant de ces régimes a été générateurd’un durcissement constant de la réglementation en matière de prépension. La pré-retraite ‘Canada-dry’ offre en effet aux employeurs une série d’avantages importants.Les obligations qui s’appliquent à ces derniers dans le cadre de la prépension nesont pas d’application. En premier lieu, ces régimes alternatifs n’imposent aucuneobligation de remplacement. De plus, la prépension ‘Canada-dry’ ne tombe pas nonplus sous le champ d’application des trois cotisations patronales dues dans le cadrede la prépension. Un A.R. du 21 mars 1997 prévoit toutefois un élargissement duchamp d’application des cotisations patronales à d’autres régimes d’allocations dechômage complémentaires (99). Bien que, dans son exposé des motifs, l’A.R. fasseréférence à une nécessité urgente, les indispensables arrêtés d’exécution se fonttoujours attendre et la perception de ces cotisations n’a donc pas encore mise enpratique à l’heure actuelle (100). Du point de vue des employeurs, la prépensionCanada-dry offre donc la possibilité d’optimiser le coût du départ anticipé (101).

c) Statut financierL’allocation d’un bénéficiaire d’une prépension Canada-dry se compose de deux élé-ments : l’allocation de chômage et l’indemnité complémentaire. Vu que les bénéfi-ciaires d’un tel régime n’ont pas le statut de prépensionné, ils n’ont pas droit à l’allo-cation de chômage calculée au taux fixe de 60%. Le niveau de leur allocation dechômage dépend de leur situation familiale et de la durée de leur chômage. Toute-

(99) A.R. du 21 mars 1997 instaurant des cotisations patronales et des retenues pour certains chô-meurs âgés en application de l’article 3, § 1er, 4° de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les con-ditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européen-ne, M.B., 1er avril 1997.(100) Voir : D. Wijns, ‘Extra-legale werkloosheidsuitkeringen voor oudere werklozen gepenaliseerd’,Kijk Uit, octobre 1997, 4-7.(101) Pour une comparaison entre la prépension conventionnelle et la prépension Canada-dry sur leplan du coût pour l’employeur, voir : G. Gieselink, Y. Stevens et B. Van Buggenhout, ‘Het brugpen-sioen Canada-dry: alternatief voor het conventioneel brugpensioen’, Life & Benefits, sous presse.

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fois, de nombreux bénéficiaires d’une prépension ‘Canada-dry’ pourront faire appelau complément d’ancienneté pour chômeurs âgés. Le cumul des deux avantages estexplicitement autorisé par la réglementation relative au complément d’ancienneté(102). Comme nous l’avons dit, le complément d’ancienneté est accordé aux chô-meurs de plus de 50 ans pouvant justifier d’une carrière professionnelle en tant quesalarié d’au moins 20 ans. En revanche, il est important de noter que le complémentd’ancienneté n’est pas accordé aux chômeurs qui ont refusé la préretraite conven-tionnelle. Les travailleurs qui peuvent entrer en ligne de compte à la fois pour la pré-pension conventionnelle et pour une prépension ‘Canada-dry’ et qui ont opté pourcette dernière ne peuvent donc prétendre au complément d’ancienneté.

Dans le cadre de la prépension ‘Canada-dry’, il n’existe aucune définition univoquedes indemnités complémentaires. Sur le plan sectoriel, ces allocations sont générale-ment de nature forfaitaire. Seuls, quelques régimes prévoient une indemnité com-plémentaire liée au salaire (103). Au niveau des entreprises, ces indemnités complé-mentaires liées au salaire constituent la règle. Lors du calcul de cette indemnité, onessaie souvent de se rapprocher le plus possible de l’indemnité complémentaireaccordée en cas de prépension conventionnelle. Généralement, on s’efforce d’ail-leurs d’arriver au même résultat net que celui qui serait obtenu sous le régime depréretraite conventionnelle.

Les retenues de 3% et 3,5%, en vigueur dans la prépension conventionnelle, ne s’ap-pliquent pas, pour l’instant, aux prépensions ‘Canada-dry’ (104). Il va de soi que cettesituation, qui permet à l’employeur de payer une indemnité moindre tout en garantis-sant au travailleur le même résultat net, renforce encore l’attrait de ces régimes.

d) Statut socialLe statut de la prépension ne s’applique pas aux bénéficiaires d’une prépension‘Canada-dry’. Par conséquent, ces derniers sont considérés, c’est selon, comme deschômeurs ordinaires ou comme des ‘chômeurs âgés’. Dans le premier cas, commenous l’avons déjà mentionné, il n’est pas vraiment question d’un départ anticipé. Entant que chômeur ordinaire, le bénéficiaire de la prépension ‘Canada-dry’ continue àfaire partie du marché de l’emploi et devra donc se soumettre à toutes les condi-tions et obligations qui s’appliquent aux autres chômeurs.

A partir de l’âge de 58 ans (après la période de transition), le bénéficiaire d’une pré-pension ‘Canada-dry’ peut solliciter le statut de ‘chômeur âgé’. Ici, son statut socialne diffère pas fondamentalement de celui d’un prépensionné conventionnel. Envertu des diverses exemptions prévues par le statut, il ne pourra plus être inquiété

(102) Art. 75 de l’A.M. du 26 novembre 1991, M.B., 25 janvier 1992.(103) Pour une analyse de ces régimes sectoriels, voir : G. Gieselink, Y. Stevens et B. Van Buggen-hout, ‘Van brugpensioen tot brugpensioen ‘Canada-dry’: over substitutie-effecten in de eindeloop-baan’, T.S.R., 2002, 243-275.(104) L’A.R. du 21 mars 1997 annonce cependant un changement à cet égard.

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par des demandes émanant du marché de l’emploi et sera donc - à l’instar du pré-pensionné conventionnel - réellement sorti de manière anticipée du circuit de tra-vail.

3.3. LA RETRAITE ANTICIPEE

3.3.1. Conditions d’octroiLa réglementation en matière de pensions prévoit la possibilité pour les travailleurs(et ex-travailleurs) d’opter pour une retraite anticipée. Dans ce cas, le droit d’optionest dès lors exercé par le travailleur. L’âge minimal pour la retraite anticipée a étéfixé à 60 ans pour les hommes comme pour les femmes (105). Une exigence d’an-cienneté s’applique également à la retraite anticipée. L’intéressé doit justifier d’uncertain nombre d’années de carrière pour lesquelles des droits à une pension de re-traite ont été constitués au sein d’un régime de retraite légal. Cette exigence de car-rière est de 30 ans pour les retraites qui prennent effet en 2002 ; elle est progressi-vement élevée à 35 ans pour les retraites qui prennent effet à partir de 2005 (106).

3.3.2. Obligations de l’employeurAucune obligation pertinente dans le champ de cette étude n’est imposée à l’em-ployeur dans le cadre de la retraite anticipée.

3.3.3. Statut financierSur le plan financier, la position de la personne ayant pris sa retraite anticipée estbeaucoup moins attrayante que celle du prépensionné et, dans de nombreux cas,que celle du chômeur âgé. C’est tout d’abord dû au fait que la pension de retraiteest calculée sur le salaire de la carrière complète. L’allocation de chômage, enrevanche, est calculée sur la base du dernier salaire (107). Par ailleurs, il est impor-tant de noter que, pour la personne qui a pris sa retraite anticipée, un certain nom-bre d’années de carrière est perdu eu égard au calcul du montant de la pension.Comme nous l’avons vu, ce n’est pas le cas pour les chômeurs âgés ni pour les pré-pensionnés : pour ces dernières catégories, en effet, les années de chômage et deprépension peuvent être prises en compte sans restrictions pour le calcul du mon-tant de la pension. La retraite anticipée n’est donc avantageuse sur le plan financierque pour les travailleurs appartenant à une classe de revenus élevée et ayant accom-pli une longue carrière. Le calcul de la pension dépend de la situation familiale. Lapension de retraite familiale calculée à un taux de 75% est allouée au retraité marié

(105) Art. 4, §1, de l’ A.R. du 23 décembre 1996 portant exécution des articles 15, 16 et 17 de la loidu 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes lé-gaux des pensions, M.B., 17 janvier 1997.(106) Art. 4, §§ 2 et 3, de l’ A.R. du 23 décembre 1996.(107) Art. 7 de l’ A.R. n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travail-leurs salariés, M.B., 27 octobre 1967.

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dont le partenaire n’exerce pas d’activité professionnelle et ne bénéficie d’aucunrevenu de remplacement ou de pension. Les autres ayants droit perçoivent la pen-sion de retraite en qualité d’isolés, calculée à un taux de 60% (108).

3.3.4. Statut socialLe caractère financièrement moins attrayant de la retraite anticipée peut être partiel-lement compensé par le statut plus avantageux en matière de travail autorisé (109).Contrairement aux prépensionnés et aux chômeurs âgés, le retraité est autorisé,dans certaines limites, à effectuer des activités rémunérées sans perdre l’avantage dela pension. Le retraité doit en faire une déclaration préalable. L’A.R. du 21 décembre1967 définit la limite du revenu professionnel autorisé. Si cette limite est dépasséede moins de 15%, la pension de retraite est réduite en conséquence. Si la limite derevenu est dépassée de plus de 15%, le paiement de la pension de retraite est sus-pendu (110).

Comme nous l’avons vu, aucun droit à une pension de retraite n’est plus constituédurant la retraite anticipée. C’est également vrai lorsque le retraité effectue un tra-vail autorisé durant la période où il bénéficie de sa pension de retraite. Le montantde la pension de retraite est définitivement fixé au moment où l’intéressé prend saretraite anticipée (111).

3.4. LES INVALIDES AGESContrairement aux circuits de départ anticipé décrits ci-dessus, la réglementation enmatière d’invalidité ne prévoit pas de dispositions spéciales pour les invalides âgés.Les invalides âgés doivent remplir les mêmes conditions que les autres invalides etbénéficient du même statut. Etant donné que, par définition, la réglementation enmatière d’invalidité ne se base pas sur une condition de disponibilité par rapport aumarché de l’emploi, il n’était pas vraiment nécessaire de prévoir un statut spécialpour permettre à l’invalidité de fonctionner en tant que circuit de départ anticipé.

3.4.1. Conditions d’octroiMoins encore que dans le cadre de la prépension ou du chômage, l’initiative de sor-tie du circuit de travail en cas d’invalidité dépend du travailleur. Le travailleur doitêtre en incapacité de travail.

(108) Art. 3, §1, de la Loi du 20 juillet 1990 instaurant un âge flexible de la retraite pour les travail-leurs salariés et adaptant les pensions des travailleurs salariés à l’évolution du bien-être général, M.B.,15 août 1990.(109) J. PUT, ‘Toegelaten arbeid voor gepensioneerden en bruggepensioneerden’, Or., 1993, 76-92.(110) Art. 64 de l’A.R. du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de re-traite et de survie des travailleurs salariés, M.B., 16 janvier 1968.(111) Art. 7, alinéa 8, de l’ A.R. n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de surviedes travailleurs salariés, M.B., 27 octobre 1967.

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– A cet effet, il doit avoir interrompu tout travail (sans avoir été obligatoirementlicencié).

– L’interruption de travail doit être la conséquence directe de l’apparition ou de l’ag-gravation de lésions ou de troubles fonctionnels.

– Enfin, ces pathologies doivent avoir réduit la capacité de gain de l’intéressé à untiers au moins (112).

3.4.2. Obligations de l’employeurAucune obligation spécifique n’est imposée à l’employeur dans le cadre de ce régi-me.

3.4.3. Statut financierLe travailleur qui remplit ces conditions a droit à des allocations, qui sont calculéessous la forme d’un pourcentage du salaire dont il a été privé. Comme dans l’assuran-ce chômage, le salaire pris en considération dans ce cadre est plafonné. Les pour-centages varient selon la situation familiale et la durée d’inactivité de l’intéressé.Une distinction est opérée ici entre les travailleurs salariés avec charge de famille,les isolés et les cohabitants. Au cours de la première année d’incapacité de travail,ces pourcentages sont fixés respectivement à 60%, 60% et 55%. A partir de ladeuxième année - la période d’invalidité -, ces pourcentages sont fixés à 65%, 45% et40%, selon qu’il s’agit d’un travailleur avec charge de famille, d’un isolé ou d’uncohabitant (113). Une retenue de 3,5% est opérée sur les allocations d’invalidité –donc seulement à partir de la deuxième année – au profit du secteur des pensions(114). Dans divers secteurs, des régimes ont été instaurés en vue de compléter lesprestations légales d’incapacité de travail. Ici, aussi, il existe des régimes qui pré-voient un complément périodique jusqu’au départ à la retraite légale (115). Ces régi-mes sont donc comparables à la prépension conventionnelle et à la prépensionCanada-dry, si ce n’est qu’ils sont basés sur l’assurance-incapacité de travail plutôtque sur l’assurance-chômage.

3.4.4. Statut socialL’arrêt de toute activité est une condition qui est maintenue durant toute la périodede l’incapacité de travail. L’invalide ne peut exercer aucune activité susceptibled’accroître son patrimoine. Dans ce contexte, toute activité rémunérée en tant que

(112) Art 100, §1, de la Loi du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé etindemnités coordonnée le 14 juillet 1994, M.B., 27 août 1994.(113) Art. 87 et 93 de la Loi du 14 juillet 1994.(114) A.R. n° 33 du 30 mars 1982 relatif à une retenue sur des indemnités d’invalidité, M.B., 1er avril 1982.(115) Voir : V. Huber, L. Van Rompaey et B. Van Buggenhout, Aanvullende dekking van het gezond-heidsrisico, Bruges, Die Keure, 1998, 457-473.

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salarié ou indépendant est exclue. Toutefois, même d’autres activités effectuéespour son propre compte ou pour des tiers qui ne sont pas directement rémunéréesmais qui entraînent une plus-value du patrimoine ou une simple économie, sont éga-lement interdites, même lorsque ces activités ne sont réalisées qu’occasionnelle-ment (116).

A l’instar des périodes de prépension et de chômage, les périodes d’incapacité detravail sont considérées comme des périodes assimilées qui doivent donc être prisesen compte pour le calcul de la carrière professionnelle lors de la mise à la retraite(117). Les invalides ont la possibilité de demander la retraite anticipée, mais, pour lemotif cité plus haut, n’auront généralement pas intérêt à le faire.

CONCLUSIONS

Traditionnellement, le phénomène du départ anticipé est souvent réduit à la problé-matique de la prépension conventionnelle. Cette réduction est tout sauf correcte.Les prépensionnés conventionnels ne représentent qu’une minorité des personnesnon actives de plus de 50 ans. De plus, leur nombre et leur pourcentage ont forte-ment baissé au cours de la dernière décennie. Comme nous avons pu le voir, ledépart anticipé des travailleurs âgés fait l’objet d’une multitude de mécanismes lé-gaux et conventionnels. Les principaux circuits sont ceux de la retraite (anticipée),du chômage, de la prépension conventionnelle et de l’invalidité. Tous ces mécanis-mes semblent avoir un grand impact sur l’emploi des travailleurs de plus de 50 ans.En 2001, 61% des travailleurs appartenant à la catégorie d’âge des 50-65 ans avaientquitté le marché de l’emploi de manière anticipée, via l’une de ces voies de départanticipé.

Comme nous l’avons relevé, les différents circuits de départ anticipé ont été déve-loppés sur la base de besoins concrets, généralement économiques, et absolumentpas à partir d’une vision cohérente de ce que devrait être une fin de carrière pour letravailleur salarié. Ce caractère empirique se reflète également dans le statut socialet financier associé aux différents circuits de départ. Il n’est pas question ici de sta-tut unique. Chaque statut porte les marques du secteur de sécurité sociale sur lequelle circuit de départ vient se greffer. Il en résulte une série d’inégalités entre et ausein des différents circuits, tant sur le plan des conditions d’octroi que sur le plan dustatut financier ou du statut social. Ces inégalités semblent difficilement justifiablessi l’on tient compte du fait que les personnes qui ont quitté le circuit du travail demanière anticipée sont en réalité toutes dans la même situation. Elles ont toutesquitté définitivement le marché de l’emploi et se retrouvent donc toutes retraitéesde fait, sans l’avoir nécessairement choisi volontairement.

(116) Voir à ce propos : J. Put, ‘Arbeid tijdens het genot van sociale zekerheidsuitkeringen’, Or.,1992, 75-82.(117) Art. 34 B, 1°, de l’ A.R. du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pensionde retraite et de survie des travailleurs salariés, M.B., 16 janvier 1968.

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La diversité des voies de départ anticipé prouve que, pour réduire le départ anti-cipé, il est nécessaire de recourir à une approche globale et nuancée. Comme nousle savons d’expérience avec la prépension conventionnelle, se contenter de durcirsimplement les conditions d’admission de l’un des circuits de départ anticipé n’aque peu de sens. La pratique semble suffisamment ingénieuse pour trouver de nou-veaux moyens d’organiser le départ anticipé.

Plutôt que tenter de limiter l’offre des circuits de départ anticipé, il faut s’efforcerd’endiguer la demande d’un départ anticipé, en veillant à ce que les employeursaient intérêt à garder en service des travailleurs âgés et que les travailleurs âgés aienteux aussi intérêt à continuer à travailler. Le départ anticipé est né d’un consensusentre travailleurs et employeurs. La réduction de ce phénomène ne peut connaîtrede succès que si ce consensus est de nouveau atteint et que l’emploi prolongé destravailleurs âgés profite aux deux parties.

(Traduction)__________

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TABLE DES MATIERES

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INTRODUCTION 579

1. DECENNIES DE DEPART ANTICIPE 580

1.1. LA PERIODE 1973-1982 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5821.2. LA PERIODE 1982-1989 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5861.3. LA PERIODE 1989-1995 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5891.4. LA PERIODE 1995-2002 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592

2. ANALYSE CHIFFREE DU DEPART ANTICIPE 595

3. CIRCUITS DE DEPART ANTICIPE DANS LE DROIT POSITIF BELGE 601

3.1. LA PREPENSION CONVENTIONNELLE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6013.2. LES CHOMEURS AGES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6043.3. LA RETRAITE ANTICIPEE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6123.4. LES INVALIDES AGES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613

CONCLUSIONS 615

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAILFAIBLEMENT REMUNERE. L’IMPACT DESREFORMES DE LA SECURITE SOCIALE ET DELA FISCALITE SUR LE PIEGE A L’EMPLOIEN BELGIQUE

PAR LIEVE DE LATHOUWER et KRISTEL BOGAERTS

Centrum voor Sociaal Beleid, UFSIA - Université d’Anvers

INTRODUCTION

En Belgique, comme presque partout dans le monde industrialisé, les priorités politi-ques se sont déplacées au fil des ans. Pendant les années soixante-dix, la protectiondu revenu était un thème central du développement des Etats providence, mais, aucours des années quatre-vingt-dix, l’activation et le « making work pay » (le travaildoit être rémunérateur) sont devenus des principes prioritaires (l’Etat providencese mue dès lors en Etat social actif). Au cœur de cette évolution, se pose unequestion : Quel est l’impact négatif des institutions de l’Etat providence sur la créa-tion d’emplois et la participation au travail ? Des coûts de main-d’œuvre élevés pourfinancer l’Etat providence risquent de freiner les investissements et la créationd’emplois et surtout de rendre le travail faiblement qualifié trop onéreux sur lemarché de l’emploi (piège à la productivité). Un arsenal étendu de dispositifs deprotection des revenus et une forte pression fiscale découragent l’offre de travaillorsque le travail peu rémunéré rapporte à peine plus voire même moins que le chô-mage (piège à l’emploi). Le discours autour de l’Etat social actif plaide pour desréformes de la sécurité sociale et de la fiscalité plus favorables pour le travail, ainsique pour des investissements sociaux tels que la formation et les dispositifs de sou-tien (p. ex. la garde des enfants).

Le présent article (1) analyse les facteurs dissuasifs (“disincentives”) inhérents à lasécurité sociale et à la (para)fiscalité en Belgique. Dans une première section, nousesquisserons le problème de la dépendance plus étroite aux prestations sociales et lerôle des institutions de l’Etat providence et de l’Etat social. Dans la deuxième section,nous tenterons d’expliquer les raisons de l’attention (politique) accrue à une stratégiede stimulation de l’offre et à la réduction du piège à l’emploi. La troisième sectionsera consacrée à l’analyse de l’évolution des pièges financiers en Belgique au cours dela période 1989-1999 au moyen du modèle de simulation standard Stasim,développé

(1) Ce texte est d’abord paru sous la forme d’une communication CSB (novembre 2001). Etant donnéque le texte a déjà été publié et que tous les calculs se rapportent à une période où l’on ne travaillaitpas encore avec l’euro, tous les montants mentionnés sont encore en francs belges.

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à la demande du Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail. Dans la quatrième section,nous évaluerons l’impact des récentes réformes de la sécurité sociale et de la fiscalitéen vue de lutter contre les pièges financiers (2). Dans la cinquième section, nous pas-serons en revue un certain nombre de réflexions critiques sur les subsides de complé-ment de salaire pour faibles rémunérations (in-work benefits) sur la base d’expériencesréalisées à l’étranger, particulièrement dans les pays anglo-saxons. La sixième section,enfin, fera la synthèse des principales observations du présent article.

1. DEGRE DE DEPENDANCE AUX PRESTATIONS SOCIALES ET ROLE DES INSTITU-TIONS DE L’ETAT PROVIDENCE

L’augmentation du degré de dépendance : un problème touchant surtout les per-sonnes peu qualifiées – La Belgique, et surtout la Flandre, ont connu depuis laseconde moitié des années quatre-vingt-dix une croissance significative de l’emploi.Néanmoins, les taux d’emploi pour des groupes spécifiques comme travailleursaînés, jeunes, femmes et surtout individus peu qualifiés restent assez bas (Conseilsupérieur de l’Emploi 2001). Sur une période plus longue, l’écart entre le tauxd’emplois des qualifiés et des non qualifiés ne cesse de se creuser. De 1976 à 1997,les chances d’occupation des personnes faiblement scolarisées ont régressé de 46%à 31% ; avec 83 %, celles des personnes fortement scolarisées sont restées à unniveau stable et élevé (Enquête CSB, Flandre). Les individus ne disposant que de peude qualifications (formelles) parviennent de plus en plus difficilement à acquérirune indépendance économique et une sécurité d’existence financière grâce à unemploi régulier. Les données de l’enquête nous enseignent que le pourcentage d’ac-tifs (âgés de 25 à 65 ans) en situation de précarité compte tenu de leur revenu mar-chand (la pauvreté « avant transferts ») a augmenté en Flandre de 14% à 21% entre1976 et 1997 (3) (Marx et al., 2001). Cette évolution reflète une dépendance accrueaux prestations sociales, en particulier chez les actifs peu qualifiés. En Belgique, de1985 à 1997, le nombre d’individus peu qualifiés bénéficiant d’une prestation a aug-menté de 23% à 34%, chez les personnes hautement scolarisées de 7% à 11% (4)(tableau 1). Les données comparatives indiquent également pour notre pays uneforte dépendance aux prestations sociales. Le nombre d’actifs (<65 ans) bénéficiantd’une prestation a augmenté entre 1980 et 1998 de 37 à 49 sur 100 travailleurs.Dans un contexte international, ce taux est très élevé (Ministère néerlandais desAffaires Sociales et de l’Emploi 1998, 2001).

(2) Ces analyses ont été réalisées fin 2001. Elles ont tenu compte, en matière de réforme fiscale, del’avant-projet de réforme tel qu’il était disponible. Toutefois, entre-temps, un système définitif estentré en vigueur, lequel sera appliqué de manière progressive. Nous n’avons donc pu en tenir comp-te dans ces analyses. Le même principe est de mise pour la réforme flamande des frais de garde d’en-fant. Ce règlement est entré en vigueur depuis le 1er juillet 2002. Dans les analyses, nous en sommesrestés à l’ancien régime de contribution parentale de Kind & Gezin. (3) Dans le cas de la pauvreté avant transferts, on mesure le nombre de ménages qui doivent nouerles deux bouts avec un revenu familial (net) inférieur à 50% du revenu moyen équivalent des ména-ges après déduction des prestations sociales. Le revenu avant transferts peut être considéré commeun indicateur du revenu marchand (pour l’essentiel, un revenu tiré du travail).(4) Les fichiers CSB ne permettent de calculer le nombre de personnes bénéficiant d’un revenu deremplacement qu’à partir de 1985.

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TABLEAU 1. : PART DES INDIVIDUS D’AGE ACTIF (1) BENEFICIANT D’UNE ALLOCATION DE REM-PLACEMENT D’APRES LE NIVEAU D’EDUCATION (2), BELGIQUE 1985-1997.

1985 1988 1992 1997

Tous 17,2 19,2 2,1 21,4Faiblement qualifiés 23,5 26,3 31,5 34,3Hautement qualifiés 7,2 9,2 10,5 10,9

Note : (1) Définition d’actif : homme entre 25 et 65 ans et femme entre 25 et 60 ans ; les individus âgés de moinsde 25 ans qui travaillent ou dépendent d’une prestation sociale sont également comptés parmi les personnes pro-fessionnellement actives. (2) Par “faiblement qualifié”, nous entendons au mieux l’enseignement secondaire inférieur ; hautement qualifié cor-respond à une formation E.S.N.U. ou un enseignement universitaire. Source : Enquêtes CSB.

La littérature invoque différents facteurs pour expliquer le faible taux d’emploi per-sistant et la grande dépendance aux prestations sociales chez les personnes peuqualifiées (pour un aperçu, voir de Beer, 2001 ; Ferrera, 2000). Les développementstechnologiques sont généralement réducteurs d’emplois et posent sans cesse desexigences plus élevées sur le plan de la connaissance, des compétences et de lasouplesse intellectuelle. La mondialisation de l’économie (production économiqueà l’échelle mondiale) oblige par ailleurs les économies fortement développées àjouer pleinement leur avantage comparatif, qui se situe précisément sur le plan dessecteurs hautement technologiques et à forte intensité de connaissances. Le glisse-ment de l’industrie vers les services joue au détriment des personnes insuffisam-ment qualifiées, car les emplois manuels faiblement qualifiés ont été perdus dansl’industrie, alors que le secteur tertiaire a surtout donné naissance à des emplois àhaut degré de connaissances. Ce faisant, le phénomène de “surqualification” joueégalement un rôle, à l’occasion de quoi les derniers emplois faiblement qualifiéssont occupés par des personnes hautement qualifiées au détriment des personnesfaiblement qualifiées. Les enquêtes pour la Flandre concluent sur ce constat : pour35% des places vacantes, la personne recrutée dispose d’un niveau d’étude plusélevé que celui initialement demandé dans l’offre d’emploi (Denolf, 1999 ; Lambertset Gheldof, 2000). Les employeurs préfèrent recruter des personnes très qualifiées,même pour des emplois faiblement qualifiés parce qu’à leurs yeux, la formations’accompagne de compétences toujours plus importantes dans l’organisationmoderne du travail (flexibilité plus grande, capacité de communication, autorespon-sabilité, créativité, travail en équipe). Enfin reste la question de l’impact négatif desinstitutions de l’Etat providence sur la participation au travail. Les dispositions enmatière de prospérité (salaire minimum, sécurité sociale, fiscalité) jouent surtout endéfaveur des personnes peu qualifiées. Une pression fiscale et parafiscale élevée (5)

(5) Entre 1960 et 1998, la part des impôts et des cotisations sociales dans le PIB a augmenté de 26,3%à 46,6% (Ministère des Finances).

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en vue de financer l’Etat providence freine les investissements et la création d’em-plois et rend, en premier lieu, le travail des personnes faiblement qualifiées troponéreux sur le marché (piège à la productivité). Du fait de la combinaison de lasécurité sociale, de la (para)fiscalité et des coûts liés au « travail », le travail faible-ment rémunéré n’est plus rentable (piège à l’emploi).

Facteurs de dissuasion dans les accords sur les revenus – L’effet négatif des dispo-sitifs sociaux sur l’offre de travail repose sur la combinaison de trois caractéristiquesinstitutionnelles distinctes du modèle social continental.

En premier lieu, des prestations sociales généreuses sont accordées et ce, pendantde longues périodes. Dans le cadre de l’assurance-chômage belge - principale dispo-sition influençant le revenu des chômeurs -, les allocations ne sont pas particulière-ment élevées par rapport aux salaires moyens, mais le sont par rapport aux bas salai-res (minimaux) (pour les résultats chiffrés, voir section 3). Le faible caractère d’assu-rance de la prestation sociale (prestations maximales peu élevées, structure desprestations dépendant fortement de la composition familiale) procure en cas dechômage un niveau de vie relativement modeste aux personnes moyennement oubien rémunérées (salaire moyen ou plus élevé). En revanche, pour les chômeurs àfaible potentiel de gain (salaire minimum ou légèrement supérieur), la forte pressionfiscale, la perte de dispositions sélectives (e.a. les allocations familiales majorées) etles frais supplémentaires liés au travail (particulièrement les frais de garde desenfants), risquent de rendre un travail faiblement rémunéré peu attractif. Par ail-leurs, du point de vue de ces chômeurs, cette situation est persistante vu les lon-gues durées durant lesquelles ils bénéficient des prestations sociales. En Belgique,la durée des prestations est atypiquement longue pour les chômeurs (De Lathou-wer, 1997). Les prestations allouées dans le cadre de l’assurance sont en règle géné-rale illimitées dans le temps pour les chômeurs dont le ménage est sans autre revenu(chefs de famille, famille monoparentale, isolés). Pour les chômeurs vivant dans unménage dont certains membres ont un revenu (les ‘cohabitants’, principalementépouses et enfants qui habitent chez leurs parents), la durée des prestations estlimitée par l’article 80 (6). Ces dernières pouvant encore être versées longtempssans toutefois pouvoir dépasser la durée fixée par cet article. Contrairement auxsystèmes étrangers, en Belgique, les femmes peuvent bénéficier longtemps d’uneprestation sociale. Dans la plupart des autres pays, après avoir épuisé ses droits rela-tifs à l’assurance-chômage, le chômeur passe dans un régime d’aide sociale, où les

(6) L’article 80 impose une limitation de la durée de la prestation sociale pour les cohabitants chô-meurs avec un revenu de ménage net supérieur à un seuil de revenus déterminé (636.742 FB aug-mentés de 25.470 FB par personne à charge, montants indexés au 1er juin 1999). Ce groupe perdl’allocation si le chômeur dépasse de 1,5 fois (jusqu’en 1996, 2 fois) la durée de chômage moyenne,compte tenu de l’âge, du sexe et de la région. Ainsi, la durée maximale d’octroi de l’allocation pourles femmes varie de 2,5 ans (Ostende, pour les femmes âgées de moins de 36 ans) et plus de 8 ans(Mons pour les femmes de plus de 46 ans).

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femmes (mariées) perdent souvent leurs droits à cause d’un contrôle des moyensd’existence. Du fait de la durée longue des allocations, la dissuasion (financière) àtrouver un travail est susceptible de perdurer.

En deuxième lieu, la nature des prestations sociales a pendant longtemps été passi-ve. De cette manière, la sécurité sociale fonctionne comme un filet de sécurité col-lectif, permettant aux ‘superflus économiques’ de quitter le marché de l’emploi defaçon socialement responsable. La passivité s’exprime d’une part par un lien trèsténu entre allocations et formation, expérience de travail et placement des chô-meurs. Selon les statistiques de l’OCDE, la Belgique dépense moins pour la forma-tion des chômeurs que d’autres pays (en 1998, 0,17% du PIB contre 0,28% en Fran-ce, 0,32% aux Pays-Bas, 0,35% en Allemagne ; 0,48% en Suède et 0,78% au Dane-mark) (OECD, 2000). Le grand nombre de chômeurs de longue durée, qui décla-rent, lors d’une enquête récente, n’avoir quasiment pas été contactés par les servi-ces publics de placement illustre ce caractère passif réducteur de l’offre de la sécu-rité sociale. Parmi les cohabitants chômeurs de longue durée, 60% ont le sentimentde ne recevoir aucune aide réelle de la part des services de placement lors de larecherche d’un emploi ; un tiers affirme n’avoir jamais été invité en vue d’un entre-tien par les services de placement et plus de la moitié n’avoir jamais reçu la moindreproposition pour occuper un poste vacant (De Lathouwer et al., 2000). A la suite del’absence d’investissement social en capital humain, le savoir, les compétences etles indispensables attitudes de travail s’érodent. Par ailleurs, le chômage induit desprocessus d’adaptation sociopsychologiques (De Witte, 1993). D’autre part, la passi-vité s’exprime également par la politique de contrôle longanime. Même si, depuisles années quatre-vingt, la politique de sanctions a été rendue plus sévère (nouveauxarticles de sanction, p.ex. association des allocations avec plan d’accompagnement,aggravation des peines), le contrôle des chômeurs, dès qu’ils ont échoué dans cestatut, est très limité. Dans les années quatre-vingt-dix, le taux de sanction variaitentre 1% et 2% (certaines sanctions pour refus d’un travail, indisponibilité, non-inscription auprès d’un service de placement ou d’un bureau de chômage et refusd’accepter une offre ALE en % des chômeurs complets indemnisés) (7). En 2000, lapolitique de sanction a même été assouplie en arguant que les institutions d’exécu-tion seront plus enclines à sanctionner plus rapidement à partir du moment où lespeines encourues seront moins sévères.

Enfin, le troisième point porte sur les charges élevées sur le travail (du fait des coti-sations sociales et de la fiscalité). En plus d’une pression accrue sur le coût salarial,le salarié ne touche qu’un net résultant d’un prélèvement considérable sur le salaire

(7) En 1999, on a relevé 13.422 sanctions pour chômage volontaire, dont seulement 4.398 se rappor-taient à un contrôle effectif des chômeurs (refus d’un travail, indisponibilité, non-présentation aubureau de placement ou au bureau de chômage et refus d’une offre ALE) ; 9.024 se rapportaient aufait d’avoir quitté un emploi (démission spontanée) ou licenciement pour motifs légitimes (p. ex. unefaute grave). Ces personnes ont dès lors entamé leur période de chômage avec une sanction.

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brut. Le coin salarial, (c.-à-d. l’écart entre le salaire brut et le salaire net, en pourcen-tage du salaire brut ; il s’agit donc de l’impact des cotisations sociales et des impôtssur les personnes physiques), est substantiel en Europe continentale (voir tableau2). Dans une perspective comparative, la Belgique fait partie des pays à coin salarialélevé. Pour les salaires moyens, le coin varie de 31% (un seul salaire pour un ménageavec 2 enfants) à 42% (isolé). Pour les bas salaires, également, le coin salarial n’estpas anodin. Jusqu’à la fin des années ’90, au niveau du salaire minimum, la sécuritésociale et la fiscalité absorbaient du salaire minimum brut respectivement 29% pourles isolés, 20% pour les familles monoparentales et 14% pour les ménages à unrevenu avec 2 enfants à charge.

TABLEAU 2 : COIN SALARIAL : IMPOTS ET COTISATIONS SOCIALES EXPRIMES EN % DU SALAIREBRUT MOYEN (APW) (1), 1998.

En % du salaire moyen Isolé Couple, 2 enfants

Danemark 43,4 36,4Allemagne 42,1 22,4Belgique 41,8 30,8Suède 34,4 34,4Pays-Bas 34,4 29,6France 27,3 20,8R-U 25,2 23,6

Note : (1) l’ “average production worker” (APW) se rapporte au salaire moyen de travailleurs à temps plein dansl’industrie. Source : OECD Taxing Wages 1998-1999.

Comportement de recherche et facteurs de dissuasion – La combinaison de taux deremplacement élevés pour personnes avec faible potentiel de gain, des allocationsde longue durée et le caractère passif des prestations risquent de dissuader financiè-rement et sociopsychologiquement les chômeurs à chercher du travail. Les chiffresrelatifs à la durée des allocations suggèrent un effet d’autorenforcement du chôma-ge. Plus longtemps, l’on (peut) émarge(r) au chômage, plus il semble difficile d’ensortir (Commission des Affaires Sociales, 1997).

Tant la recherche internationale que les enquêtes nationales aboutissent au mêmeconstat empirique : certains chômeurs ne cherchent pas effectivement un emploi.Une première méthode de travail parfois utilisée, consiste en une comparaison entrele chômage administratif (chiffres nationaux du chômage) et la définition plus sévè-re du chômage par l’OIT (8) (p. ex. dans le Job Study de l’OCDE, Partie 2, p.188).

(8) La définition de demandeur d’emploi de l’OIT est basée sur l’Enquête sur la population active.Dans celle-ci, on demande aux personnes si elles (1) sont sans travail, (2) ont effectivement cherchéun emploi au cours des 4 dernières semaines précédant l’enquête et (3) sont immédiatement disponi-bles sur le marché de l’emploi. Si les personnes répondent à ces critères, elles sont définies commedemandeurs d’emploi d’après la définition de l’OIT. Le taux de chômage administratif indique lenombre de demandeurs d’emploi qui ne travaille pas (chômeurs complets indemnisés, autres inscritsobligatoires et personnes sans travail librement inscrites) en % de la population active.

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Cette comparaison suggère que, dans certains pays, parmi lesquels la Belgique, unepartie considérable des chômeurs enregistrés perçoit une allocation de chômagesans être à la recherche d’un emploi. Aujourd’hui, dans notre pays, si l’on s’en tientà la définition de l’OIT , à peine 6,8 % de la population active est à la recherche d’unemploi, tandis que le chômage administratif représente toujours 10,2% (donnéesd’avril 2001, Ministère de l’Emploi et du Travail).

Une deuxième méthode de travail consiste à effectuer des enquêtes spécifiques surla volonté de travailler et le comportement de recherche des chômeurs. D’autresétudes antérieures auprès de chômeurs de longue durée en Flandre ont démontréqu’environ la moitié de ceux-ci s’étaient retirés du marché de l’emploi ou adaptés auchômage et n’étaient plus à la recherche d’un emploi (De Witte, 1992). Une enquê-te récente auprès de chômeurs (tant de courte que de longue durée) indique qu’àpeine, un gros 40% recherche activement du travail (Doyen et Lamberts, 2000).Dans ce contexte, les femmes cherchent moins intensivement que les hommes etles chômeurs de longue durée postulent moins fréquemment que les chômeurs decourte durée. Dans une enquête auprès de cohabitants chômeurs de longue durée(non suspendus), c.-à-d. majoritairement des femmes mariées, à peine 30% affirmeencore être activement à la recherche d’un emploi (De Lathouwer et Bogaerts,2000). Dans les études internationales comparatives sur la volonté de travailler deschômeurs sur la base de l’Eurobaromètre, la Belgique se range parmi les pays ayantune part relativement grande de chômeurs qui ne sont (plus) motivés à travailler(‘employment commitment’) (9) (Gallie, 2000). En Belgique, 60% des chômeurs sedéclarent prêts à travailler, ce qui est nettement moins que dans les pays scandina-ves (Danemark 83%, Suède 79%), aux Pays-Bas (80%) et dans les pays anglo-saxons(R-U 78%, Irlande 71%).

(9) L’indicateur d’’employment commitment’ (disposition à travailler) a été calculé par Gallie (2000)sur la base de l’étude d’Eurobaromètre (Employment in Europe Survey). Il s’agit (je cite) d’ ‘‘an indi-cator of non-financial employment commitment, that is to say the desire to have some type of paidjob irrespective of financial need’’ (un indicateur traduisant la motivation à travailler en dehors detoute considération financière, c’est-à-dire le désir d’avoir un type d’emploi rémunéré sans tenircompte des besoins financiers) (Gallie, 2000: 113). Cet indicateur est également utilisé dans l’enquê-te américaine ‘Quality of working life’ et dans des études britanniques. Pour les chômeurs, le formatspécifique était ‘if you were to get enough money to live as comfortably as you would like for therest of your life, would you want to work somewhere or would you want to remain without a job’(si vous étiez suffisamment riche pour vivre confortablement selon vos envies, pendant le reste devotre vie, désirez travailler ou non ?).

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GRAPHIQUE 1 : POURCENTAGE DE CHOMEURS DISPOSES A TRAVAILLER (‘EMPLOYMENT COM-MITMENT’).

Source : Eurobaromètre (extrait de Gallie 2000).

En dépit de ces résultats – un nombre considérable de chômeurs n’est pas (plus) à larecherche d’un travail ou n’est pas disposé à travailler – la question suivante reste:existe-t-il une relation directe entre la générosité des prestations et la motivation àtravailler des chômeurs ? Les nombreuses études (généralement économétriques) nefournissent pas de réponse définitive – du moins au sens général et à grande échelle- sur les effets négatifs du niveau des allocations sur la durée du chômage (un indica-teur sur l’aspiration à travailler). Les études pour l’Europe ne laissent généralementpas transparaître de lien significatif entre l’importance de la prestation et la réinté-gration au marché du travail. Différentes études réalisées aux Etats-Unis trouventeffectivement des rapports significatifs, mais leur étendue est tellement minime queles effets ne sont sûrement pas assez marquants pour expliquer le chômage (uneélasticité de moins de 1, ce qui traduit qu’une diminution des prestations de 10%pourrait réduire la durée du chômage tout au plus de 10%). Les études microécono-miques trouvent un lien plus univoque sur l’influence de la durée des prestationssur le chômage de longue durée. C’est plus ou moins au moment où est atteinte ladurée maximale du bénéfice des prestations, que l’on enregistre le plus grand nom-bre de sorties du chômage, mais la majorité des études ne peuvent - par manque dedonnées exhaustives et fiables – vérifier la destination précise pour laquelle les chô-meurs quittent ce statut (pour un aperçu voir : Atkinson et Micklewright, 1991 ;Atkinson et Mogensen, 1993 ; Pedersen et Westergard-Nielsen, 1993 ; OCDE, 1998).

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Il ressort également des études internationales comparatives sur l’engagement à tra-vailler des chômeurs (voir ci-dessus : Gallie, 2000) qu’il n’y a aucun lien avec leniveau de protection des revenus. Dans les pays scandinaves, où les prestations sontgénéralement élevées, les chômeurs sont tout autant axés sur le travail qu’au Royau-me-Uni, où les allocations sont nettement plus faibles. La grande motivation à travail-ler des chômeurs dans les pays scandinaves semble nettement plus liée à un accom-pagnement actif, à l’expérience professionnelle, à la formation et au contrôle. Cesont des caractéristiques institutionnelles typiques des systèmes de prestations scan-dinaves (Lodemel, e.a., 2001 ; Nicaise, 2001). Ces caractéristiques permettent d’al-lier un haut niveau de protection du revenu à une forte volonté de travailler.

2. DETERMINANTS DU GLISSEMENT DE L’ETAT PROVIDENCE PASSIF VERS L’ETATSOCIAL ACTIF

L’Etat social actif suppose qu’un plus grand nombre d’individus travaillent et qu’engénéral, la dépendance aux prestations sociales soit moindre. Avec le discours axésur l’activation et sur le principe du travail rémunérateur, l’accent se déplace d’unepolitique de la demande vers une politique de l’offre. Nous pouvons discerner qua-tre évolutions sociétales qui ont contribué à mettre à l’ordre du jour, en Belgique, laproblématique des pièges à l’emploi.

2.1. EVOLUTION DU MARCHE DE L’EMPLOIEn premier lieu, certains développements sur le marché de l’emploi ont porté à l’or-dre du jour le problème des pièges à l’emploi. Depuis la moitié des années quatre-vingt-dix, nous assistons à un renversement dans l’emploi. Entre 1994 et 2000, prèsde 240.000 emplois ont été créés en Belgique (le taux d’emploi a augmenté de 56,6%en 1995 à 60% en 2000). Le chômage administratif a baissé (c.-à-d. les chômeurs com-plets indemnisés) de 555.252 unités en 1995 à 439.148 en 2000 (MET, 2000). Lemarché du travail est caractérisé aujourd’hui par une situation de pénurie de lademande d’emploi. Un nombre croissant de postes vacants s’avère de plus en plusdifficile à remplir (Lamberts, e.a., 1999). D’autre part, la dépendance globale auxprestations sociales dans la population active (y compris les statuts de non-deman-deurs d’emploi, comme prépensionnés, travailleurs âgés et interruptions de carrière)reste très élevée avec plus de 873.000 personnes (chiffres pour 1999, ONEM Rap-ports annuels). De plus, la population active (travailleurs et demandeurs d’emploiensemble) augmente nettement plus lentement du fait de l’évolution démographique(vieillissement de la population). A la suite de cette évolution, l’accent se déplaced’une pénurie d’emplois vers un manque réel de demande d’emploi. La pénurie del’offre entraîne une plus grande pression sur la réserve considérable de main-d’œuvrenon utilisée (chômeurs de longue durée, aînés, femmes travaillant à domicile). Maisla question reste de savoir si les emplois dits difficiles à pourvoir peuvent êtreoccupés par cette réserve. Les professions difficiles à pourvoir renvoient en tout pre-mier lieu à une non-concordance entre qualifications demandées et disponibles. Laprincipale cause du grand nombre d’emplois non comblés serait liée à des manques

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de qualification, c.-à-d. formation déficiente, manque de compétences et expérienceutile de travail (Steunpunt Werkgelegenheid, Arbeid en Vorming, 1999). Les emploisfaiblement qualifiés sont, il est vrai, tout aussi – voire plus – difficilement comblés.Dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte de déficits quantitatifs, c.-à-d. une pénu-rie d’étudiants dans certaines filières et des conditions de travail défavorables - p. ex.un travail sale et malsain, salaires trop bas, horaires de travail peu adaptés, qui ontpour effet de susciter peu d’intérêt.

Outre ce problème de la pénurie de travail se pose la question de savoir si la politi-que d’activation elle-même a entraîné les bas salaires. L’objectif de la diversité enplans de création d’emplois subventionnés (diminutions des cotisations patronales,activation des prestations sociales, etc.) vise la création d’un nombre plus élevéd’emplois non qualifiés. Ces emplois offrent généralement une rémunération égaleou voisine du salaire minimum. Or, c’est précisément dans l’échelle des bas salairesque la problématique des pièges à l’emploi est la plus aiguë. Si la politique d’activa-tion était efficace, elle supposerait un accroissement de la part des bas salaires. EnBelgique, il n’existe cependant pas de données sur l’étendue du groupe de travail-leurs qui gagnent le salaire minimum et sur son évolution dans le temps (pour d’au-tres pays, voir Nobre, 2001). Par ailleurs, notre pays connaît le plus souvent dessalaires minima de CCT sectorielles plus élevés que le salaire minimum moyengaranti négocié sur le plan ‘interprofessionnel’, comme le suggèrent les comparais-ons établies par le Ministère de l’Emploi et du Travail (1998: 157 s.s.).

Sur la base de données d’enquêtes, nous sommes en mesure de définir un indicateurde bas salaire. Par analogie avec l’indicateur Eurostat (Marlier et Ponthieux, 2000) -pour qui un bas salaire équivaut à 60% du salaire médian -, nous ne trouvons aucuneindication d’un accroissement de la part des travailleurs faiblement rémunérés,occupés à temps plein en Belgique. Entre 1985 et 1997, la part des personnes quitravaillent pour un salaire (net) inférieur à 60% du salaire médian dans notre pays aaugmenté de 7,7% à 10,8%, mais ceci est surtout la conséquence d’une augmenta-tion sensible des emplois à temps partiel (tableau 3). La part des temps partiels ausein de la population active est passée durant cette période de 9% à 15%. Le nombredes personnes qui travaille en échange d’un bas salaire corrigé pour le nombred’heures ouvrées, c.-à-d. l’indicateur standardisé de bas salaire, est resté quasimentstable tout au moins jusqu’en 1997. Dans des pays comme le nôtre, le travail salariéà temps plein et l’inégalité des salaires sont relativement minimes grâce aux négocia-tions salariales collectives et à la sécurité sociale par rapport aux pays suivant lemodèle anglo-saxon, où les différences de rémunération sont nettement plus mar-quées (10) (OCDE, 1996, 1997).

(10) Une étude OCDE de 1996 nous apprend qu’en Belgique, seulement 7,2% des travailleurs àtemps plein gagnent un salaire inférieur à 66% du salaire médian par rapport à 11,9% aux Pays-Bas,13,3% en France et en Allemagne, 19,6% au R-U et même 25% aux E-U (chiffres pour le début desannées quatre-vingt-dix). Dans notre pays, l’incidence limitée des bas salaires est associée à une iné-galité salariale restreinte en comparaison avec d’autres pays (OCDE, 1996 ; Marlier et Ponthieux,2000).

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TABLEAU 3 : INDICATEURS DE BAS SALAIRES (1), BELGIQUE, 1985-1997.

1985 1997

% de travailleurs à bas salaire 7,7 10,8% de travailleurs à bas salaire standardisé pour la durée de travail 4,4 4,7% travailleurs à temps partiel (2) 9 15

Note : (1) Défini comme un salaire (net) inférieur à 60% du salaire médian. (2) Sur la base de l’enquête (européenne) sur la population active. Source : SEP-CSB.

2.2. LE PARADIGME DE « L’ETAT SOCIAL ACTIF »L’objectif central de “l’Etat social actif” est de réprimer la dépendance aux presta-tions sociales et d’augmenter la participation au travail. L’Etat social actif vise àredessiner l’Etat providence et, ce faisant, à mettre à l’ordre du jour un nouvel équi-libre entre prestations et politique active du marché, droits et devoirs, stimulantspositifs (‘la carotte’) et négatifs (‘le bâton’) ainsi qu’entre les méthodes utilisées detransferts anonymes opposés au travail sur mesure personnalisé (Deleeck, 2000 ;Nicaise, 2001; De Lathouwer, 2001). Le paradigme de “l’Etat social actif” donne unenouvelle accélération au discours sur les fondements de l’Etat providence.

Le débat de principe peut être ramené à des (anciennes) conceptions sur la respon-sabilité et la citoyenneté, qui constituent le fondement final de l’institution de l’Etatprovidence. La pensée sociale-démocrate met l’accent sur les risques sociaux et laresponsabilité collective. Les risques sociaux ne sont pas la conséquence de choixindividuels (faute), mais de ‘calamités’, ce qui les vide de leur charge morale et deleur caractère individuel (Van der Veen, 1999). Parce que l’inégalité sociale n’estpas la conséquence d’une responsabilité personnelle, il existe une base pour desarrangements collectifs (et obligatoires). Les pouvoirs publics sont responsables del’organisation de la sécurité sociale et de dispositifs en vue de fournir aux citoyensdes chances de vie identiques. Dans la pensée (néo)libérale, l’accent est placé surles risques et la responsabilité personnels. Le marché est l’institution dominante etl’inégalité est surtout la résultante de différences sur le plan des efforts fournis etd’une bonne utilisation des talents personnels, donc d’une responsabilité individuel-le. En tout premier lieu, les citoyens ont le devoir de pourvoir à leur entretien (et àcelui de leur famille) par le biais du travail ; par définition, le rôle des pouvoirspublics au regard de la sécurité sociale et des dispositifs sociaux, doit rester discret.

Avec le débat sur l’activation, la pensée orientée sur l’offre, le problème des piègesà l’emploi et l’impact négatif, des institutions de l’Etat providence reçoivent uneattention plus grande. Dans le discours idéologique, l’équilibre entre justice (protec-tion des revenus et protection sociale) et efficacité (création d’emplois et participa-tion au travail) et entre droits et devoirs (responsabilité des divers acteurs contreresponsabilité collective) occupe une place centrale.

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2.3. UNE DYNAMIQUE EUROPEENNE PLUS TONIQUEUne troisième évolution importante qui presse la Belgique à mettre à l’ordre du jourla problématique des stimulants et des pièges à l’emploi vient de la dynamiqueeuropéenne insufflée par la « méthode de coordination ouverte » et de la techniquedes directives sur l’emploi. Dans les directives européennes sur l’emploi, il estdemandé expressément aux Etats membres de mener une politique sociale ‘employ-ment friendly’ (favorable à l’emploi) en reconsidérant leurs systèmes nationaux desprestations, de la fiscalité et de la formation de manière à soutenir activement l’em-ployabilité (Ministère de l’Emploi et du Travail, 2000). La méthodologie politique dela coordination ouverte – également qualifiée de ‘management par approche parobjectifs’ – a été utilisée pour la première fois en 1997 au Sommet européen deLuxembourg. Par le biais d’accords communautaires sur les objectifs, les directives,le ‘benchmarking’ et d’indicateurs quantitatifs, les Etats membres se stimulent mutu-ellement à de meilleures prestations (‘peer pressure’ : pression par les pairs). LesPlans d’action nationaux établis pour la première fois en 1998 ont donné une impul-sion nouvelle à la politique nationale. La responsabilité de l’exécution de la politi-que reste du ressort des Etats membres nationaux mais via la méthode de coordina-tion ouverte et des directives ; la stratégie européenne en matière d’emploi provo-que une pression considérable sur les gouvernements nationaux afin qu’ils se con-certent sur la réforme des systèmes de sécurité sociale, d’expérience du travail et deformation (Visser, 2001).

2.4. DEVELOPPEMENTS RELATIFS A LA SITUATION FINANCIEREL’amélioration de la situation budgétaire fin des années quatre-vingt-dix est unequatrième évolution. Celle-ci a créé les conditions (politiques) de dépasser leséchanges entre la protection du revenu et les stimulants financiers en faisant dispa-raître le piège à l’emploi par l’intermédiaire de stimulants positifs (augmentation dessalaires les plus bas) et en procédant simultanément à un accroissement des presta-tions sociales (les plus basses). Pendant de longues années, la Belgique a connu unesituation problématique sur le plan des finances publiques. Dans le courant desannées quatre-vingt-dix, son déficit budgétaire net à financer s’est élevé à rien moinsque 13% de son PIB. Depuis la deuxième moitié des années ’80, sa politique étaitmarquée du signe de la répression du déficit budgétaire. En partie sous la pressiondu Traité européen de Maastricht (1993), le déficit budgétaire fut ramené en1996/1997 à seulement 3% du PIB et en 2001 – pour la première fois depuis denombreuses décennies – était atteint l’équilibre budgétaire. Malgré la précarité tou-jours présente des finances publiques suite à l’augmentation permanente de la dettepublique (en 1999, encore 106% du PIB par rapport à la norme de Maastricht de60% du PIB) et à la consolidation budgétaire prévue par le pacte de stabilité et decroissance du gouvernement, l’évolution budgétaire positive crée de nouvelles pos-sibilités pour mener une politique de stimulation de l’offre par le biais de stimulantspositifs (investissement social dans l’expérience de travail, dans la formation, com-pression des charges, élimination des pièges à l’emploi) et non par l’intermédiairede stimulants négatifs (suppression progressive des prestations sociales).

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Le choix de la suppression progressive des prestations sociales dans l’échange entreprotection des revenus et incitants financiers aurait des conséquences radicales surla pauvreté. C’est précisément grâce à une protection sociale étendue que les paysde l’Europe sociale continentale sont en mesure de concilier un faible taux d’emploiavec un faible taux de pauvreté (Cantillon, Marx et Van den Bosch, 1997 ; Commis-sion européenne, 1997 ; Atkinson, 1999). En Belgique, la pauvreté est peu fréquen-te grâce aux salaires élevés [contrairement aux Etats-Unis où il est question d’unproblème des ‘working poor’ (travailleurs pauvres)], mais surtout grâce à une pro-tection généreuse des non-actifs. En tout premier lieu, c’est surtout chez ces der-niers qu’interviennent de fortes divergences dans le niveau de pauvreté entre pays(voir graphique 2). Dans les pays scandinaves et dans le Benelux, par rapport àd’autres pays, la pauvreté chez les non-actifs est maintenue à un niveau relativementfaible grâce à une sécurité sociale très large. Dans les pays anglo-saxons, par contre,du fait des systèmes nettement plus restrictifs de sécurité sociale, certains groupesdéfavorisés sont confrontés sur le marché du travail à un risque de pauvreté excep-tionnellement élevé.

GRAPHIQUE 2 : POURCENTAGE DE PAUVRES EN AGE DE TRAVAILLER DANS QUELQUES PAYS DEL’OCDE, AU DEBUT DES ANNEES QUATRE-VINGT-DIX.

Note : pauvre=revenu du ménage inférieur à 50% du revenu équivalent médian des ménages.Source : LIS (Marx et Verbist, 1998).

Les études internationales nous enseignent une chose : un taux de pauvreté basexige des dépenses sociales élevées. Les études comparatives nous indiquent unerelation évidente inverse entre l’étendue de la protection sociale et la pauvreté (Can-tillon, Marx et Van den Bosch, 1997 ; Mitchell, 1991). Les pays avec un haut niveau

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Non-actifs Actifs

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de dépenses sociales connaissent un faible taux de pauvreté ; à l’inverse, les paysqui n’injectent que peu de moyens présentent un taux plus important de pauvreté.Certaines analyses tirées d’études récentes sur échantillon confirment qu’un Etatsocial bien développé atténue également la persistance de la pauvreté dans de plusfortes proportions (OCDE, 2001). La relation entre taux d’emploi et pauvreté estnettement moins rectiligne, comme le démontrent les études comparatives sur lapauvreté (voir ci-dessus). Les études comparatives font également apparaître que lacroissance du taux d’emploi n’implique pas automatiquement un taux de pauvretémoindre. Ainsi, en Belgique, dans le courant des années ’90, la reprise économiqueet l’augmentation du taux d’emploi (particulièrement en Flandre) ont été accompa-gnées d’une stagnation du taux réel de prospérité au bas de l’échelle de la réparti-tion des revenus et, par conséquent, d’un accroissement (limité) de la pauvreté rela-tive (Cantillon, e.a., 1999). Aux Pays-Bas, également, les inégalités et la pauvreté(relative) ont augmenté depuis 1985 malgré la croissance spectaculaire du tauxd’emploi (de Beer, 1999 ; Muffels, 1999 ; De Lathouwer, 2000). Deux explicationspeuvent être avancées pour expliquer ce paradoxe de la croissance du taux d’em-ploi et de l’augmentation de la pauvreté. En tout premier lieu, les nouveaux emploissont occupés par des membres de ménage où l’un avait déjà une activité profession-nelle (femmes réintégrant le marché du travail, jeunes arrivant sur le marché du tra-vail) et non par des ménages dans lesquels personne ne travaillait. Les groupes lesplus fragiles – par exemple, ménages de chômeurs de longue durée à revenu uni-que, allochtones – ont proportionnellement nettement moins profité des nouveauxemplois. Une deuxième explication est à chercher dans la protection sociale affai-blie pour ceux qui, en dépit de toute la croissance du taux d’emploi, ne parviennentà s’intégrer sur le marché de l’emploi. Par exemple, dans plusieurs Etats, le niveaude protection du revenu a été affaibli, en vue de réaliser des économies et de procé-der à une activation (Commission européenne, 2000). En Belgique, également, ilétait question d’une insuffisance croissante des prestations sociales pour les ména-ges à un seul revenu, ce qui entraînait un dualisme entre actifs et allocatairessociaux (tableau 4). Sous la pression de Maastricht, la politique d’austérité de ces 15dernières années a entraîné une stagnation des niveaux des prestations (minimales)réelles et une baisse des prestations maximales, alors qu’en termes relatifs, les pres-tations continuent à se situer en retrait par rapport à la prospérité des familles(annexes 1 et 2). En 2001, un certain nombre de minima ont été relevés (allocationsde chômage minimales et pensions minimales pour isolés et chefs de famille) et,pour 2002, de nouvelles augmentations des prestations sont envisagées (e.a. dansl’assurance-chômage et dans le minimum d’existence avec une hausse progressivejusqu’en 2005).

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TABLEAU 4 : POURCENTAGE DE MENAGES PAUVRES, NORME UE*, BELGIQUE 1985-1997.

1985 1988 1992 1997

Ménages avec exclusivement une allocation de remplacement 12,8 15,4 17,7 19,0Ménages avec exclusivement une allocation de chômage 30,0 38,7 46,0 57,9Ménages sans revenu de remplacement 2,8 1,6 3,1 1,9Tous les ménages 6,0 5,9 7,2 7,7

Note : *pauvreté relative mesurée sur la base des ménages à un revenu inférieur à 50% du revenu équivalentmédian des ménages. Source : Enquêtes CSB.

3. LA PROBLEMATIQUE DU PIEGE A L’EMPLOI

3.1. PIEGE A L’EMPLOI OPPOSE A PIEGE FINANCIEREn tout premier lieu, au centre du discours sur les pièges à l’emploi se trouvent lesincitants financiers. Ce faisant, la problématique du piège à l’emploi s’apparente auproblème des pièges financiers. Il est question de piège financier lorsque des chô-meurs (ou plus largement les non-actifs) ne peuvent s’attendre à aucune améliora-tion, voire à une amélioration minime, de leur revenu de ménage disponible (net)en passant du stade du non-travail (chômage, inactivité) au stade d’un travail faible-ment rémunéré. Lorsque, malgré les efforts (accrus), le revenu du travail ne génèreaucun supplément de revenu, voire une minime augmentation de celui-ci, à causedes impôts et des cotisations sociales à payer, de la perte ou de la diminution d’a-vantages sociaux, l’intéressé ne tirera que peu d’avantage à s’engager dans un tra-vail plutôt que rester dans une situation de dépendance aux allocations.

L’offre de main-d’œuvre ne dépend pas seulement de motifs financiers. Ainsi, unerécente enquête sur le sens des valeurs des Belges indique que 73% de nos conci-toyens vont travailler parce qu’ils touchent un (bon) salaire, mais 74% déclarent éga-lement qu’un environnement de travail agréable constitue un motif important (DeWitte, 2000). Les gens ne travaillent pas seulement pour des raisons financières (lafonction manifeste), mais aussi à cause des fonctions latentes de l’emploi. Avoir unemploi autorise un épanouissement personnel par une structuration du temps, unstatut social, des contacts sociaux, une appréciation et une implication sociales(Gallie, 1999). Outre les considérations financières, interviennent par conséquentdans la décision d’aller travailler des tas d’autres raisons (non matérielles), par exem-ple : la qualité du travail, les possibilités de combiner travail et famille et les attitudesà l’égard du travail (Sweeny, 1998 ; de Beer, 1996). La disponibilité d’équipementsutiles, par exemple des facilités pour garder les enfants et de bonnes possibilités demobilité, joue un rôle important dans la pesée des pour et des contre entre travailrémunéré et travail privé. Par ailleurs, dans le cas du chômage, il convient égalementde tenir compte des processus d’adaptation sociopsychologique. Ceux-ci induisent

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qu’après une longue période d’absence du marché du travail, le passage à l’emploin’est pas évident. Des études démontrent que le chômage de longue durée influenceles attitudes des chômeurs à l’égard du travail. Le chômeur développe des processussociopsychologiques en guise de réaction de protection au chômage, ce qui se tra-duit par une implication réduite sur le marché de l’emploi (De Witte, 1993 ; Gallie,2000 ; Hoff, e.a., 1998). Parce que l’offre de main-d’œuvre est fonction d’un ensem-ble complexe de facteurs, savoir quelle doit être l’importance financière du revenusupplémentaire tiré du travail pour que des personnes soient prêtes à accepter unemploi reste finalement une question empirique. Des études néerlandaises indiquentque le revenu financier supplémentaire avancé par les chômeurs pour accepter unemploi (le salaire de réservation ou le salaire minimal que l’on souhaite gagner pouraller travailler) peut fortement varier en fonction de la qualité du travail. Ainsi, lesemplois peu attractifs ne sont acceptés que si la rémunération est très élevée (unrevenu qui se situe en moyenne quelque 50% et, parfois, 100% au-dessus du salaireminimum). Les salaires de réservation diffèrent, il est vrai, entre groupes distincts.Les jeunes et les allochtones sont en moyenne plus disposés à accepter un emploipeu attractif, tandis que les chômeurs âgés sont les moins volontaires (de Beer,1996). C’est pourquoi les études normatives sur les pièges financiers restent de natu-re spéculative (11). Dans les pages suivantes, nous traiterons plus en détail l’angled’incidence des pièges financiers.

3.2. MESURE DES PIEGES FINANCIERSLes indicateurs relatifs aux pièges financiers peuvent être calculés de deux manières :en fonction d’une approche empirique ou d’une approche par simulation standard. L’approche par simulation standard, entre-temps devenue classique, calcule lesrevenus nets du travail et du non-travail (chômage, aide sociale, invalidité, inacti-vité) pour beaucoup de cas types en tenant compte d’un certain nombre d’hypothè-ses. Cette méthode est appliquée e.a. par l’OCDE et implique le calcul, pour unelarge série de pays, de taux de remplacement pour divers types de ménages et pour2 niveaux de rémunération [salaires moyens avec l’‘average production worker’ (12)(moyenne du travailleur dans l’industrie) et 2/3 de ce salaire moyen]. Les taux deremplacement bruts restituent le rapport entre les allocations de chômage brutes etles salaires bruts. Partout, les chômeurs conservent un brut nettement plus élevélorsqu’ils travaillent que lorsqu’ils vivent d’allocations (voir OCDE, 1994, tableau8.1). Les taux de remplacement nets restituent le rapport du revenu total net (duménage) pour le chômage et pour le travail. Ils donnent une image nettement plus

(11) Ainsi, le Conseil Supérieur de l’Emploi (1998) et Larmuseau et Lelie (2000) donnent commerègle générale le chiffre de 15% comme rapport supplémentaire. Dans son rapport sur la Protectionsociale en Europe 1999, la Commission européenne recourt à une marge encore supérieure d’untaux de rentabilité du travail de 25%.(12) L’average production worker (APW) (moyenne du travailleur de production) se rapporte ausalaire moyen d’ouvriers dans l’industrie à temps plein (voir p. ex. OCDE (1995), Taxation, Employ-ment and Unemployment).

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fidèle des pièges financiers, parce qu’il donne la possibilité de tenir compte de la fis-calité et de la parafiscalité, des allocations familiales, des suppléments pour coût dulogement et de diverses dispositions d’aide sociale (OCDE, 1999). Les calculs del’OCDE mettent en évidence certains facteurs financiers de dissuasion dans différentspays, surtout pour les chômeurs de longue durée à un seul revenu et pour les famil-les monoparentales (graphiques 3a et 3b). Pour les chômeurs de courte durée qui secontentent d’un salaire moyen, avec des taux de remplacement nets autour d’à peine60% (même moins pour les familles monoparentales), la Belgique se positionneparmi les pays les moins performants. Ceci est le résultat du caractère d’assuranceténu des allocations de chômage belges, vu notamment les faibles taux de remplace-ment légaux (60% pour chefs de ménage et isolés jusqu’à 1 an de chômage / 55%pour la première année de chômage des cohabitants). Les limites salariales pour lecalcul des allocations sont basses : le chômeur atteint déjà l’allocation maximale pourun salaire brut d’environ 60.000 BEF. Ceci représente 78% du salaire moyen d’un tra-vailleur à temps plein ou 145% du salaire minimal. On procède à une forte modula-tion par ménage avec des prestations nettement plus basses pour les chômeurs isolésde longue durée et les chômeurs cohabitants (même au début du chômage). Pour leschômeurs de longue durée à faible potentiel de gain (mesuré par l’OCDE commeéquivalant à 66% du salaire moyen), la Belgique protège plus généreusement lesfamilles avec enfants (taux de remplacement net de 80% pour couples avec enfantset de 85% pour familles monoparentales) sans toutefois faire partie des pays les plusgénéreux (c’est-à-dire les pays scandinaves et les Pays-Bas) (13).

Les calculs OCDE, il est vrai, ne sont pas exempts d’un certain nombre d’imperfec-tions ; notamment, pour la Belgique, ils sous-estiment les pièges financiers ou netiennent pas compte des frais de garde consécutifs au passage du chômage au tra-vail. Ces derniers jouent un rôle important dans les pièges financiers. Par ailleurs,ces calculs ne se préoccupent que des taux de remplacement pour les ménages à unseul salaire et ignorent une catégorie type très pertinente (14) : les chômeurs de lon-gue durée avec un partenaire ayant un emploi rémunéré (ménages à deux revenus),qui peuvent bénéficier nettement plus longtemps dans notre pays d’allocations.Enfin, ils ne considèrent que les taux de remplacement pour travail à temps plein,en omettant la transition vers le travail à temps partiel, dont l’importance ne cessepourtant de croître. Dans nos propres calculs pour la Belgique, présentés dans lasection 4, nous avons tenu compte de ces lacunes.

(13) D’autres études comparatives ayant appliqué (en partie) cette approche ont été commandées parle Ministère néerlandais des Affaires Sociales et de l’Emploi avec des calculs pour le chômage et l’aidesociale pour 7 pays européens (1995) ; le Bureau Central du Plan néerlandais avec des calculs similai-res pour les pays de l’UE et 3 Etats fédéraux américains (1996) et le Département britannique de Sécu-rité Sociale (1996) avec des calculs pour l’aide sociale dans 24 pays. Les comparaisons nous ensei-gnent que les taux nets de remplacement sont parallèles dans ces diverses études (Munzi, 1999).(14) Dans sa publication de 1999 relative aux “Systèmes de prestations sociales et incitants au tra-vail’’, l’OCDE a tenu compte des calculs pour une série limitée de pays, restituant l’impact des fraisde garde des enfants. De tels résultats manquent cependant dans l’étude pour la Belgique. Par ailleursfigurent certaines simulations pour ménages à deux salaires, mais celles-ci sont difficilement compa-rables avec les taux de remplacement nets pour ménages à un seul revenu (OCDE, 1999).

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L’inconvénient mis en avant dans la démarche par simulation standard porte sur lecaractère théorique des calculs. Le choix de types de ménages et de niveaux sala-riaux entraîne des questions sur la représentativité de ces catégories. L’approcheempirique est une manière de procéder alternative qui, en principe, tient comptede ces inconvénients. Ici, le matériel chiffré utilisé provient des données de micro-échantillons de ménages réels sur la base d’enquêtes. Il est possible de calculer lestaux de remplacement nets en comparant le revenu mentionné de répondants chô-meurs (ou de prépensionnés, invalides, bénéficiaires de l’aide sociale, etc.) aumoment où ils étaient au travail et au moment où ils l’ont perdu. Cette approcheoffre l’avantage de travailler concrètement avec une répartition authentique de situ-ations familiales et une répartition réelle des revenus. Elle a été appliquée dans uneétude pour la direction générale européenne Emploi et Politique sociale sur la basede l’European Community Household Panel (ECHP). Les résultats ont été publiésdans Social Protection in Europe (Commission européenne, 1997 et 1999). La Com-mission conclut que les taux de remplacement empiriques nets sont nettement plusbas que dans les simulations standard et que, dans la plupart des pays de l’UE, iln’est pas vraiment question de substantiels facteurs financiers de dissuasion. Certes,cette approche empirique n’est pas dénuée de défauts et, dès lors, cette conclusiondoit être interprétée avec la plus grande circonspection. En premier lieu, certainsproblèmes techniques sont liés aux enquêtes générales (« survey »). Généralement,par exemple, les échantillons sont suffisamment larges pour pouvoir se prononcerde façon fiable sur l’ensemble de la population et sur des grands groupes cibles,mais non sur des sous-groupes relativement restreints, comme sur un ménage mono-parental chômeur avec 2 enfants. En outre, les pièges financiers sont le résultatd’une conjonction complexe d’un grand nombre de dispositifs institutionnels quel’enquête a tendance à ne pas trop approfondir. En deuxième lieu, les taux de rem-placement empiriques au niveau des ménages ne sont pas en mesure de contrôlerles changements réels dans la situation du ménage ou dans la position de travail deses autres membres. Ce problème peut être résolu en se limitant à des taux de rem-placement individuels, mais ceux-ci ne restituent pas davantage les changements quiinterviennent dans le niveau de vie des ménages (y compris les avantages liés au faitd’être un ménage). Seuls, des modèles sophistiqués de microsimulation permettentd’évaluer les effets combinés de la fiscalité et des prestations sociales (Cantillon,Lambert et Verbist, 1993 ; Sutherland, 2001). En troisième lieu, en principe, lestaux de remplacement empiriques ne peuvent fournir des informations que sur lesconséquences financières du passage du travail au chômage. L’inverse, à savoir lesrevenus supplémentaires empiriques en cas de réintégration (de chômeur à travail-leur), ne peut que difficilement être examiné. Le risque de distorsion est grand lors-que seuls les chômeurs disposant d’un potentiel de gain suffisant (et donc de tauxélevés de rentabilité du travail) font la transition alors que d’autres restent confinésdans le chômage en partie à cause de facteurs financiers dissuasifs.

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GRAPHIQUE 3A : TAUX DE REMPLACEMENT NETS POUR CHOMAGE DE COURTE DUREE POURLES MENAGES A UN SEUL REVENU, SALAIRES MOYENS ET BAS (2/3 MOYENNE )*

salaires moyens salaires 2/3 moyenne

Note : * Pour les salaires moyens, la plupart des comparaisons internationales recourent au niveau APW. L’AverageProduction Worker se rapporte au salaire moyen d’un ouvrier dans l’industrie à temps plein (y compris le pécule devacances). En 1997, l’APW annuel s’élevait à 1.082.901 BEF (brut). Ceci représente 1,9 x le salaire minimum (inter-professionnel). 2/3 APW représentent 128% du salaire minimum.Source : OCDE (1999), Benefit systems and work incentives 1999.

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GRAPHIQUE 3B : TAUX DE REMPLACEMENT NETS POUR CHOMAGE DE LONGUE DUREE POURLES MENAGES A UN SEUL REVENU, SALAIRES MOYENS ET BAS (2/3 MOYENNE ).

salaires moyens salaires 2/3 moyenne

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4. PIEGES FINANCIERS DANS LES ANNEES QUATRE-VINGT-DIX POUR LA BELGIQUE

Dans la présente section, nous analysons l’évolution des pièges financiers dans lecourant des années quatre-vingt-dix pour divers ménages types en Belgique, sur labase de l’approche par simulation standard. Le Centrum voor Sociaal beleid a déjàeffectué par le passé des calculs similaires à un moment précis à la demande duMinistère fédéral de l’Emploi et du Travail (De Lathouwer, 1996) et du Ministre fla-mand de l’Emploi dans le cadre du programme de recherches Viona (Cantillon, DeLathouwer et Thirion, 1999). Pour des analyses similaires (y compris les indemnitésd’invalidité), nous renvoyons à l’étude de Larmuseau et Lelie (2001). Les simulationsstandard présentées ici sont basées sur STASIM (Modèle de simulation statique). Cemodèle a été conçu sur ordre du Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail dans lecadre du programme de recherches Agora (De Lathouwer et Bogaerts, 2001). Cemodèle pratique de simulation standard permet de réaliser des simulations pour unlarge éventail de ménages types chômeurs et travailleurs pour la période de 1989 à2001. Dans cette section, nous nous intéresserons d’abord aux hypothèses qui ontété utilisées dans le modèle. Ensuite, nous illustrerons un certain nombre de résul-tats pour 1999 et examinerons l’évolution du piège financier au long de la période1989-1999. Nous avons opté pour 1999 parce qu’à partir de 2000, un certain nom-bre de réformes ont été entreprises, lesquelles poursuivaient précisément l’objectifde réduire les pièges à l’emploi. L’impact de ces réformes sur le piège financier estanalysé séparément dans la section 5.

4.1. HYPOTHESES DES SIMULATIONS STANDARD– Les simulations standard partent d’un grand nombre d’hypothèses, dont il fauttenir compte lors de l’interprétation des résultats.– Les calculs partent de l’hypothèse d’un chômage de longue durée ou d’une dépen-dance à l’aide sociale et considèrent le produit financier lors du passage à l’emploipour un large éventail de salaires en partant du salaire interprofessionnel minimum (p.ex. pour 2000, ceci s’élevait à 45.968 BEF pour un travailleur d’au moins 22 ans avec 1année d’ancienneté, y compris les congés payés) jusqu’à 200% du salaire minimum.– Les calculs se rapportent à des chômeurs non âgés. Parce que, sous certaines con-ditions, les aînés peuvent bénéficier d’allocations plus élevées (allocations de chô-mage avec supplément d’ancienneté, prépensions), les pièges financiers sont con-sidérablement plus importants pour eux. – Les calculs sont effectués au niveau du ménage pour divers ménages types et surune base annuelle. Les montants s’appliquent au 1er janvier et ont été extrapoléssur une année complète. Nous avons émis l’hypothèse d’une distorsion de tous leseffets fiscaux et autres. Il s’agit de simplifications importantes parce qu’en pratique,certains revenus ne sont pas immédiatement tangibles (p. ex. congés payés) et quela fiscalité n’est connue qu’au moment de l’imposition finale (un an plus tard).Savoir, dans quelle mesure, un comportement calculateur se fonde en tout premierlieu sur l’incitant immédiat (« qu’est-ce que je vais gagner le mois prochain ? ») ous’il tient compte des avantages à plus long terme, p. ex. perspectives de promotion,suppléments pour ancienneté, acquisition de droits de sécurité sociale, reste unequestion empirique.

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– Dans le cas du chômage, il est tenu compte des allocations de remplacement(allocations de chômage, prestations d’aide sociale) et des allocations complémen-taires [allocations familiales (majorées) et prestations complémentaires pour travailà temps partiel, notamment la prestation de garantie de revenu pour chômeurs ; laprime d’intégration socioprofessionnelle pour minimexés]. Pour les prestations d’ai-de sociale, on n’a pas tenu compte d’une aide financière complémentaire (p. ex.supplément pour frais de logement) parce que ces aides sont accordées sur desbases fortement discrétionnaires et diffèrent d’un CPAS à l’autre. Nous ne portonspas, non plus, en compte d’autres tarifs sociaux (tarif social pour le gaz, l’eau, l’élec-tricité, le téléphone, diminution sur les transports publics, etc.). Ces facteurs aug-mentent le piège financier.– Les frais de garde des enfants ont été intégrés et le calcul fiscal a été effectuépour les familles monoparentales et pour 2 partenaires au travail (hypothèse : 2enfants de 3 et 6 ans). Pour cela, nous avons calculé la contribution parentale con-formément aux barèmes de Kind&Gezin. Nous n’avons pas tenu compte d’autresfrais liés au travail tels que les trajets domicile-travail ou autres frais d’investissement(achat de vêtements de travail ou d’une voiture). – Pour les ménages à deux salaires, nous émettons l’hypothèse que le partenaireperçoit 130% du salaire minimum.– Les simulations englobent la période 1989-2001. La situation avant la réforme desimpôts de 1988 n’a pas été simulée, étant donné le laps de temps imparti au projet.Pour les chômeurs qui passent du chômage à un emploi à temps partiel, les simula-tions ont été limitées à la période de 1994 à 2001. Le régime précédent de la presta-tion de garantie de revenu, à savoir le système plus généreux de ‘temps partiel invo-lontaire pour ne plus émarger au chômage complet’ n’a par conséquent pas fait l’ob-jet de simulations.– Les mesures sont simulées pour autant qu’elles aient été effectivement exécutoiresau 1er janvier de l’année concernée. Le modèle permet, en outre, de simuler les dif-férentes mesures entrées en vigueur au cours de l’année 2000 (la diminution de lacotisation des travailleurs pour bas salaires, le paiement prolongé des allocationsfamiliales majorées, l’octroi d’un supplément unique pour garde des enfants), ainsique des mesures qui doivent encore devenir opérationnelles (la réforme fiscale avecintroduction d’un crédit d’impôt à partir de 2002). Ces mesures ont été prises encompte dans les simulations standard présentées dans la section 5.

Les simulations standard permettent de calculer les trajets des revenus des ménagesbruts et nets dans le cadre d’un emploi et d’allocations de chômage ou de presta-tions d’aide sociale. Sur la base de ces trajets, il est possible de comparer le revenunet du ménage en cas de chômage ou d’emploi et plusieurs indicateurs peuvent êtremis au point. Le gain supplémentaire absolu de l’emploi par rapport au non-travailpeut être exprimé en BEF par mois. La différence relative de revenu entre un em-ploi et les prestations peut être restituée à l’aide de taux. Classiquement, on procè-de au calcul de taux de remplacement, à l’occasion de quoi le revenu du chômageest exprimé en % de l’ancien revenu du travail. Cet indicateur permet de vérifier,dans quelle mesure, les prestations de sécurité sociale compensent la perte derevenu du travail (le principe d’assurance). Un taux de remplacement alternatif con-siste à exprimer le revenu du chômage en % du revenu potentiel en cas d’emploi.

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Inversement, il est également possible d’exprimer le revenu en cas d’acceptationd’un emploi en % du revenu du chômage (taux de rentabilité du travail). Ces deuxderniers indicateurs examinent la sécurité sociale à partir de son objectif de réinté-gration. Ces indicateurs sont au centre du présent article.

4.2. RESULTATS POUR 1999Les résultats pour 1999 sont restitués dans le tableau 5 et les graphiques 4 et 5. Ilsconfirment les observations faites sur la base de calculs antérieurs (Cantillon,De Lathouwer et Thirion, 1999 ; De Lathouwer et Thirion, 2000). Le Tableau 5 indi-que le revenu net du ménage au chômage en pourcentage du revenu net potentieldu ménage au travail en tenant compte tant des allocations de chômage maximaleset minimales, que des prestations d’aide sociale (taux de remplacement alternatif).Le tableau se limite toutefois au passage au salaire minimum. Les graphiques 4 et 5présentent, pour un large éventail de rémunérations, les rendements marginaux dutravail absolus et relatifs, mais uniquement au départ des allocations de chômagemaximales (et donc les plus élevées) (‘the worst case’ : le pire des cas) et des presta-tions d’aide sociale les plus basses.

TABLEAU 5 : REVENU NET D’UN MENAGE* EMARGEANT AU CHOMAGE OU A L’AIDE SOCIALE EN% DU REVENU NET D’UN MENAGE TRAVAILLANT AU SALAIRE MINIMUM, BELGIQUE, 1999.

Au départ de Au départ de Au départ del’allocation l’allocation l’aide socialemaximale minimale

Pour un travail à temps plein au salaire minimumFamille monoparentale 2 enfants 104 94 88Couple à un seul revenu sans enfants 90 79 72Couple à un seul revenu 2 enfants 91 83 77Isolé 71 64 61Cohabitant (partenaire travaille), 2 enfants*** 85 85 74

Pour un travail à temps partiel (50 %) au salaire minimum**Famille monoparentale 2 enfants 92 89 88Couple à un seul revenu sans enfants 88 85 77Couple à un seul revenu 2 enfants 88 87 87Isolé 85 82 72Cohabitant (partenaire travaille), 2 enfants*** 96 96 84

Note : * Sont inclus dans le revenu du ménage : allocation/salaire de l’intéressé ; chez les ménages à deux revenus,le salaire du partenaire (130% du salaire minimum – temps plein), et, chez les ménages avec enfants, les allocationsfamiliales (le cas échéant, majorées), moins les frais de garde des enfants. ** Les taux de remplacement pour les travailleurs à temps partiel tiennent compte de l’allocation de garantie derevenu pour chômeurs (employés à temps partiel avec maintien de leurs droits) et de l’intégration socioprofession-nelle pour bénéficiaires du minimum d’existence. *** Pour ces catégories, du fait du revenu du partenaire, la prestation d’aide sociale est égale à 0. Cette catégoriecorrespond donc à un cohabitant n’ayant pas droit aux allocations de chômage (dont le partenaire travaille) qui vatravailler. Source : Stasim.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

1. En Belgique, les facteurs financiers dissuasifs du passage du chômage ou de l’aidesociale à un travail faiblement rémunéré à temps plein restent limités aux famillesmonoparentales chômeurs de longue durée, aux couples à un seul revenu chômeursbénéficiant d’une allocation maximale et aux familles monoparentales minimexées(voir graphique 4a). Dans l’assurance-chômage, nous chiffrons l’étendue de ce grou-pe à maximum aux alentours de 20 % des chômeurs de longue durée ; dans l’aidesociale, cela représente également environ 20% (15). C’est chez les familles mono-parentales au chômage qui décident d’aller travailler au salaire minimum (ou légère-ment supérieur) alors qu’elles bénéficient d’une allocation de chômage maximaleque le piège financier est le plus sensible. En cas de travail faiblement rémunéré,elles y perdent même (4%). Pour obtenir un rendement marginal du travail raisonna-ble (p. ex. plus de 10% soit + 6.000 FB/mois), les parents uniques doivent trouver unemploi rémunéré à au moins 140 % du salaire minimum. Lors du passage à l’emploi,partant d’une allocation de chômage minimale, le travail rémunéré au salaire mini-mum unique d’un ménage est financièrement tout aussi peu attractif. Les chômeursdans un couple à un seul revenu qui acceptent un emploi au salaire minimum alorsqu’ils bénéficient d’une allocation maximale n’enregistrent qu’un gain de 10%(4.000 FB/mois de rendement marginal par rapport à une dépendance aux alloca-tions). Lorsque ce passage a lieu au départ d’une allocation minimale, les pièges aux-quels ce groupe est confronté sont moins nombreux. Les taux de remplacement sesituent entre 79% (sans enfants) et 83% (avec enfants). Du fait des prestations plusbasses accordées dans le cadre de l’aide sociale, le rendement marginal d’un travailfaiblement rémunéré est plus attrayant qu’au départ d’une allocation de chômage,Toutefois, les familles monoparentales aussi ne retirent qu’un avantage financierminime d’un travail faiblement rémunéré (un rendement du travail de 15% soit5.450 FB/mois si le travail s’effectue au salaire minimum) (graphique 4c).

(15) Les analyses du profil du ménage sur la base de résultats d’enquête ont démontré que, chez leschômeurs de longue durée (+ 1 an), 23% se déclarent comme famille monoparentale ou chef defamille, 12% comme isolé et 47% comme partenaire chômeur d’un partenaire avec un revenu. Lesautres 19% sont des enfants ou autres membres cohabitants du ménage (chiffres 1997, source : don-nées combinées de SEP et de PSBH). La Wallonie présente un plus grand nombre de familles monopa-rentales et de chef de familles, la Flandre davantage de ménages de chômeurs à deux revenus (DeLathouwer et Thirion, 2000). Ces données peuvent difficilement être comparées avec les donnéesadministratives des bénéficiaires d’allocations. L’ONEM publie le profil de l’ensemble de la popula-tion de chômeurs bénéficiant d’une allocation sans répartition en fonction de la durée du chômage.Par ailleurs, les catégories administratives et sociologiques sont susceptibles de diverger les unes desautres. Selon les données de l’ONEM, en 1997, la part des chefs de ménage (familles à un seul revenuet familles monoparentales ensemble) à l’intérieur de la population totale de chômeurs bénéficiairesd’allocations s’élevait à un tiers (une augmentation par rapport aux 29% en 1992). La part des isoléss’élevait à 17% et grossit (13% en 1992). Le plus grand groupe est celui des cohabitants. Leur part s’é-levait à 48% et a sensiblement régressé (en 1992, ils représentaient encore 58%). Parmi les chômeursde longue durée, une minorité seulement bénéficie de l’allocation de chômage maximale. Il ressortdes données demandées à l’ONEM qu’en 2000, 36% chefs de ménage et 33% des isolés (chômeurs delongue durée) perçoivent le maximum. La moitié (49% chez les chefs de famille et 50% chez lesisolés) bénéficie d’une allocation minimale, les autres jouissent d’allocations situées entre les minimaet les maxima. Il s’avère que, sur la base des données administratives, parmi les bénéficiaires duminimex 20% sont des familles monoparentales, 7% sont époux cohabitants et 56% sont isolés. Uneforte hausse (en 1990, 47%) a surtout été constatée chez les isolés (justement le groupe qui connaîtle piège financier le plus minime) (Vranken, e.a., 2000).

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Page 81: RBSS numéro 4/2002

STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

Pour la plupart des chômeurs, un emploi faiblement rémunéré à temps plein estfinancièrement plus attractif. En termes relatifs, les isolés sont les plus grands béné-ficiaires (au départ du maximum, avec plus de 40%). Leur taux de remplacementfluctue entre 64% (minimum) et 71% (maximum). Les partenaires chômeurs avecenfants dont le partenaire a une occupation connaissent une progression substan-tielle s’ils acceptent un emploi à temps plein (de 20%), mais moins que les isolés,comme il ressort du graphique 4b (leur taux de remplacement s’élève à 85%). S’ils’agit d’un partenaire au foyer (ne bénéficiant pas du chômage), l’incitant pouraccepter un travail rémunéré à temps plein est considérablement plus élevé (untaux de remplacement de 74%, soit un rendement marginal de 40%). La suppressionde l’allocation (p. ex. à la suite d’une suspension) rend par conséquent le retour autravail à temps plein plus rentable. Les chefs de famille au chômage dont le partenai-re au foyer va travailler en retirent également un avantage (de 30%) à conditionqu’il s’agisse d’un emploi à temps plein (avec un travail à temps partiel, ce n’est plusle cas, voir le point 2). L’avantage financier est érodé du fait que le chef de familleperd l’allocation de ménage et ne perçoit plus qu’une allocation (forfaitaire) moin-dre (l’effet de la modulation par ménage).

Les stimulants financiers pour un emploi faiblement rémunéré sont influencés néga-tivement par les charges (para)fiscales élevées qui pèsent sur les revenus du travail,d’une part, et par les frais élevés de la garde des enfants en cas de travail, d’autrepart. Les chômeurs ne doivent généralement s’acquitter d’aucune (voire très peu)charge sociale ou d’aucun impôt et ni de frais de garde des enfants. Le coin salarialélevé du travailleur (c.-à-d. la part des cotisations du travailleur pour la sécuritésociale et les contributions en % du salaire brut) exerce un effet réducteur sur le rap-port net du travail, y compris pour les bas salaires. Par exemple, jusqu’à la fin desannées quatre-vingt-dix, le coin du salarié au niveau du salaire minimum s’élevait à29% pour les isolés, à 20% pour les familles monoparentales et à 14% pour les chefsde famille avec 2 enfants (voir annexe 3). Les frais de garde des enfants représentent une véritable saignée dans le budget deménages de travailleurs à un seul revenu. Une famille monoparentale avec 2 enfantsqui travaille au salaire minimum est confronté à un coût brut de garde des enfantsde 49.200 FB par an. Du fait de la déductibilité fiscale des frais de garde des enfants,ce coût net s’avère moins élevé, mais se chiffre toujours à quelque 39.000 FB par an(soit 3.250 FB par mois), ce qui rabote lourdement le budget des bas salaires.

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Page 82: RBSS numéro 4/2002

REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

TABLEAU 6 : FRAIS BRUTS ET NETS DE LA GARDE DES ENFANTS POUR UN PARENT UNIQUE ETPOUR UN MENAGE A DEUX PARENTS QUI TRAVAILLENT ET PART DES FRAIS DE GARDE DES ENFANTSDANS LE REVENU NET DU MENAGE, DIFFERENTS NIVEAUX DE REVENUS, BELGIQUE, 1999.

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Note : (1) Le revenu brut du ménage (revenus du travail et allocations familiales) moins les cotisations sociales destravailleurs.(2) On suppose que le partenaire travaille et perçoit un salaire de 130% du salaire minimum. Source : Stasim.

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

2. Alors que, dans l’hypothèse d’un travail à temps plein, les pièges financiers concer-nent un groupe limité (couple à un seul revenu/familles monoparentales), le passaged’une allocation à un travail à temps partiel faiblement rémunéré mène pour tou-tes les catégories à de piètres stimulants financiers. L’allocation de garantie de revenuscomplémentaire (dans l’assurance-chômage) et l’allocation d’intégration socioprofes-sionnelle (dans l’aide sociale) ont pour effet qu’aucun cas type ne subisse de perte derevenu en acceptant un travail faiblement rémunéré à temps partiel, mais ces systè-mes ne peuvent empêcher que le rendement marginal du travail à temps partiel resteminime. Dans l’assurance-chômage, les isolés, familles monoparentales et couples àun seul revenu ne connaissent qu’une amélioration variant de 4.000 à 7.000 FB, enfonction de leur situation familiale, lors de l’acceptation d’emplois à temps partiel jus-qu’à 150% du salaire minimum (graphique 5a). Lorsque le partenaire au foyer (nonbénéficiaire d’une allocation) d’un chômeur de longue durée accepte un emploi àtemps partiel, nous pouvons même parler d’une perte conséquente de revenus (3.600FB par mois au niveau du salaire minimum). Le fait, pour un partenaire au foyer, d’ac-cepter un emploi faiblement rémunéré ne permet guère de ‘récupérer’ la suppressionde l’allocation du chef de famille. Le groupe plus important des femmes au chômageavec un partenaire disposant d’un revenu (quasiment la moitié de la population dechômeurs de longue durée) ne connaît pas de recul, mais – surtout lorsqu’il y a desenfants – n’a que peu d’intérêt à chercher au départ d’un chômage de longue duréeun emploi faiblement rémunéré à temps partiel (graphique 5b). Dans cette situation,ce groupe connaît une amélioration de la situation de 10% ou moins en cas d’accepta-tion d’un emploi à temps partiel rémunéré jusqu’à 130% du salaire minimum. Le tauxde remplacement, c’est-à-dire le revenu du ménage en cas de chômage par rapport àcelui en cas de travail s’élève ici à plus de 90%. Etant donné l’importance de ce grou-pe, la préférence marquée pour un emploi à temps partiel chez les femmes (16) et lalongue durée du système de chômage, on peut supposer que le découragement d’unemploi à temps partiel soit bien réel. Les suspensions rendent le travail à temps partielplus rentable, même si, du fait de l’effet de perte cumulative du quotient de mariage,l’avantage financier du passage de l’inactivité à un emploi à temps partiel est restreint.Le revenu du ménage d’un couple où le partenaire ne touche pas d’allocation (alorsque l’autre partenaire travaille) s’élève à 84% de celui d’un couple où ce partenaire vatravailler à temps partiel (à mi-temps au salaire minimum, voir tableau 5). Si le parte-naire perçoit une allocation, le revenu du ménage équivaut à 96% en cas de non-tra-vail par rapport au revenu du ménage en cas de travail à temps partiel dans un emploifaiblement rémunéré.

Les simulations du passage de l’allocation à un travail à temps partiel ne mettent parailleurs en lumière qu’une faible perte de revenus. Pour les ménages de chômeurs àrevenu unique qui bénéficient de la garantie de revenu ou, dans le cadre de l’aidesociale, de prime d’intégration sociale, le fait de gagner plus ou de travailler davanta-ge est financièrement découragé. En raison de l’allocation complémentaire au salai-re à temps partiel, le rendement marginal des emplois à temps partiel partant de l’as-surance-chômage reste stable jusqu’à un niveau salarial de 150% ; au départ de l’aidesociale, jusqu’à un niveau salarial de 170% (graphique 5c). (16) Des enquêtes spécifiques auprès de femmes inactives ou au chômage indiquent une préférenceprononcée pour un emploi à temps partiel (Van Dongen et al., 1995 ; De Lathouwer et al., 2000).Pour une analyse plus détaillée, nous renvoyons à la section 5.

648

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

4.3. EVOLUTION DES PIEGES A L’EMPLOI 1989-19991. Il ressort du tableau 7 et des graphiques 6a, 6b et 6c qu’entre 1989 et 1999, lespièges financiers pour chômeurs qui acceptent un emploi à temps plein à bas salai-re (niveau du salaire minimum) sont dans une large mesure restés stables. Jusqu’audébut des années quatre-vingt-dix, les pièges financiers augmentent faiblement,pour ensuite diminuer légèrement et rester inchangés dans le courant des annéesquatre-vingt-dix. Pour bien comprendre l’évolution des pièges financiers dans letemps, il est indispensable d’avoir une bonne perception de l’évolution des presta-tions sociales, de la (para)fiscalité et des salaires minimaux.

Au début des années quatre-vingt-dix (1989-1992), les prestations sociales ontconnu une hausse plus forte que les salaires minimaux. Ce phénomène s’est traduitau cours de cette décennie par une légère baisse du rendement marginal du travailet par une hausse des taux de remplacement. Dans les assurances sociales, cetteaugmentation était de maximum 3%. Par exemple, pour les familles monoparentalesau chômage, allant travailler au salaire minimum, le taux de remplacement au coursde cette période a augmenté de respectivement 103 à 105% (au départ d’une alloca-tion de chômage maximale) et de 90 à 93% (au départ d’une allocation de chômageminimale). Pour les couples à un seul revenu chômeurs avec enfants, de 94% à 96%(au départ d’une allocation de chômage maximale) et de 82 à 85% (au départ d’uneallocation de chômage minimale). L’amélioration du pouvoir d’achat des allocationsau début des années ’90 venait en réaction à la politique d’austérité des années ‘80(17) (le ‘retour du cœur’) quand les allocations de chômage pour ménages à un seulrevenu connurent une baisse réelle, tandis que, pour les ménages à deux revenus,les allocations furent diminuées à la suite de la modulation familiale. Les prestationsdans l’aide sociale ont connues contrairement aux assurances sociales une haussecontinue au cours des années ’80 jusqu’au début des années ’90 sous l’influenced’une politique sélective en faveur des prestations les plus faibles. De ce fait, lesprestations de l’aide sociale et de l’assurance se sont rapprochées et, pour les béné-ficiaires de l’aide sociale, le stimulant financier du travail s’est amoindri. Néanmoins,dans l’aide sociale, les taux de remplacement sont toujours plus faibles que dansl’assurance-chômage. Le revenu net du ménage d’une famille monoparentale bénéfi-ciaire de l’aide sociale en % de celui en cas de travail à temps plein au salaire mini-mum augmenta de 76% en 1989 à 87% en 1993.

Entre 1992 et 1999, on observa une stagnation des prestations sociales. Durantcette période, on peut parler d’une politique des prestations linéaire, où toutes lesprestations, y compris les prestations d’aide sociale les plus basses, ne connurentpas de nouvelle augmentation du pouvoir d’achat (voir annexe 1). Les niveaux sta-gnants de prestations dans l’assurance et dans l’aide sociale n’ont, certes, pas en-traîné de réduction des pièges financiers au cours des années ’90 parce que les salai-res minimaux (bruts) ont suivi la tendance à la stagnation des prestations sociales

(17) L’impact de la politique des prestations dans les années ’80 sur les pièges financiers ne peut jus-qu’à présent pas être simulé avec Stasim. Ceci suppose une extension du modèle aux années ‘80.

652

Page 91: RBSS numéro 4/2002

STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

(voir annexe 4). Du fait d’une modulation plus fortement axée sur l’âge et l’ancien-neté de l’édifice du salaire minimum, le salaire minimum brut a néanmoins connude 1991 à 1994 une hausse (nominale de 8,4%) pour les personnes âgées de 22 ans(18). Cette augmentation a entraîné une baisse (modeste) des taux de remplacementpour les couples à un seul revenu de 2 à 3%, mais les taux de remplacement lesplus élevés restèrent au-dessus de 90% (pour les familles monoparentales jouissantd’une prestation minimale et pour les ménages à un revenu bénéficiant d’une pre-station maximale) et même supérieurs à 100% (familles monoparentales avec uneallocation de chômage maximale). La hausse brute du salaire minimum était parconséquent largement insuffisante pour réduire de manière substantielle les piègesfinanciers. Par ailleurs, cette hausse fut en partie écrêtée par un coin salarial plusélevé (19). Du fait de l’augmentation du salaire minimum brut pour les personnesâgées de 21,5 ans, le coin salarial a augmenté entre 1991 et 1994 de 26% à 29% pourles isolés, de 17% à 20% pour les familles monoparentales et de 12% à 14% pour lescouples à un seul revenu avec enfants (voir annexe 4) (20). Pour ces raisons (parmid’autres), combattre les pièges à l’emploi via une hausse des salaires (minimaux)bruts n’est guère une stratégie efficace (voir ci-après sous la section 5). Pour les chô-meurs à deux revenus, les allocations de chômage ont, durant toutes les annéesquatre-vingt-dix, été déconstruites par les suspensions, ce qui a fait augmenter pourles cohabitants l’incitant financier à reprendre le travail (21). A cause de la suspen-sion, le taux de remplacement pour un cohabitant chômeur avec enfants qui accep-te un travail à temps plein au salaire minimum passe (d’un pourcentage pas extrê-mement élevé) de 85% à 74%.

2. La politique des prestations sociales à l’égard du travail à temps partiel (gra-phiques 7a,b,c) menée au cours des années ’90 a exercé un impact certain sur les piè-ges financiers. Dans l’aide sociale, la politique a eu un effet positif sur la diminutionde ceux-ci ; dans l’assurance-chômage par contre un effet négatif. Dans l’aide sociale,en 1990, l’introduction de la prime d’intégration socioprofessionnelle rendait le

(18) Avant 1991, il n’y avait pas de modulation selon l’âge des salaires minimaux à partir de 21 ans.En 1991 fut introduit un salaire minimum plus élevé pour les individus de 21,5 ans (6 mois d’ancien-neté) et en 1994 pour ceux âgés de 22 ans (1 an d’ancienneté). (19) Le coin salarial indique la part des taxes et des cotisations de sécurité sociale du travailleur en %du salaire brut.(20) La pression (para)fiscale à niveaux salariaux identiques a légèrement augmenté dans le courantdes années quatre-vingt-dix pour les bas salaires du fait de l’introduction de la cotisation supplémen-taire de crise à partir de la mi-1993 (3% sur l’impôt des personnes physiques). Pour les revenus plusélevés, l’introduction de la cotisation spéciale de sécurité sociale à partir de 1994 a en outreengendré une augmentation de la pression (para)fiscale (le coin salarial pour les salaires à 200% dusalaire minimum se situe depuis la moitié des années quatre-vingt-dix dans une fourchette de 31%pour un couple à revenu unique avec deux enfants, à 42% pour un isolé). Pour ces niveaux salariauxélevés, la forte pression parafiscale n’est pas pertinente du point de vue de la perspective des piègesfinanciers.(21) Au cours de la période 1990-1999, quasiment 200.000 cohabitants chômeurs de longue duréeperdirent définitivement leur allocation, avec comme points culminants 1993 (à la suite d’un élargis-sement du champ d’application) et 1996 (par l’application d’un critère plus strict de la durée du chô-mage de 2 fois la moyenne de la durée de chômage à 1,5 fois) (ONEM Rapports annuels). 653

Page 92: RBSS numéro 4/2002

REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

travail à temps partiel plus attractif sur le plan financier, comme le démontre legraphique 7a. Avant l’introduction de cette prime, tous les bénéficiaires de l’aidesociale qui auraient été travailler à temps partiel auraient soit régressé financière-ment (les parents uniques et les couples à revenu unique, avec deux enfants avaientdes taux de remplacement qui dépassaient largement les 100%), soit auraient àpeine gagné plus en acceptant un travail à temps partiel (les isolés avaient des tauxde remplacement de 96 à 99%). L’introduction de la prime d’intégration socioprofes-sionnelle faisait baisser les taux de remplacement en cas de travail à temps partieljusqu’à 88% pour les familles monoparentales, 86% pour les couples à un seulrevenu avec enfants et 72% pour les isolés. Pour les ménages avec enfants, laquestion se pose de savoir si, en l’occurrence, le travail à temps partiel a été suffi-samment rendu financièrement attractif.

Pour les bénéficiaires d’allocations dans l’assurance-chômage, le travail à temps par-tiel fut rendu financièrement moins intéressant au début des années ’90 par le rem-placement en 1993 du régime pour les « temps partiels involontaires visant à ne plusémarger au chômage complet » par l’allocation de garantie du revenu plus limitée.Les effets nets de ce changement de politique ne peuvent être simulés pour lemoment avec Stasim parce que le système antérieur des ‘temps partiels involontai-res’ n’a pas été repris dans le modèle. Voilà pourquoi les graphiques 7b et 7creprennent uniquement le rendement marginal du travail à temps partiel à partir de1994. De la nature de la réforme du régime des temps partiels involontaires vers l’al-location de garantie de revenu, nous pouvons, certes, déduire que le temps partielavait surtout été rendu moins attrayant pour les isolés et les cohabitants chômeursde longue durée (22). Les chômeuses de longue durée, surtout, recouraient fré-quemment à l’ancien statut de temps partiel involontaire. Le stimulant financierpour accepter un travail à temps partiel au départ d’une allocation de chômage delongue durée est très minime dans le régime actuel. Le revenu du ménage au chôma-ge s’élève en effet à 96% de celui en cas de travail à temps partiel (faiblementrémunéré). Les suspensions ont d’autre part eu pour effet de rendre le travail àtemps partiel financièrement plus attrayant. De ce fait, le taux de remplacementbaisse de 96% à 84%.

(22) Là, où dans l’ancien régime, l’allocation de chômage complémentaire était en partie calculée auprorata d’un salaire complet et qu’en outre, aucune comparaison n’était faite avec l’allocation de chô-mage pour chômage complet, le régime de l’allocation de garantie de revenu accorde plutôt un sup-plément au salaire pour temps partiel en proportion de son allocation s’il était chômeur complet (cesupplément s’élève à : 5.200 FB par mois pour les chefs ménage, 3.120 FB par mois pour les isolés,et, pour les cohabitants, 1.040 FB par mois). D’autre part, l’allocation de garantie de revenu a poureffet, contrairement à l’ancien régime, que le revenu total du travailleur à temps partiel ne puisseêtre beaucoup plus généreux que le revenu en cas de chômage complet (excepté une petite exoné-ration). Les groupes bénéficiant des allocations de chômage les plus basses étaient par conséquentles plus grands perdants lors de la suppression du régime plus généreux des temps partiels involon-taires. En effet, il n’arrive que très rarement qu’étant donné la faiblesse de l’allocation de chômageforfaitaire des cohabitants chômeurs de longue durée, le salaire pour un temps partiel soit inférieur àl’allocation de chômage forfaitaire.

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5. L’IMPACT DES REFORMES FISCALES ET DE SECURITE SOCIALE SUR LA REDUCTIONDES PIEGES A L’EMPLOI

Les pièges financiers renvoient à un conflit entre protection du revenu (la garantiede disposer d’un revenu minimal décent) et efficacité économique (stimuler la réin-sertion et prévenir la dépendance de longue durée). Du point de vue de la premièreperspective, des prestations doivent être suffisamment élevées; du point de vue dela seconde, des allocations “décentes” font précisément barrage à la réintégrationdans le marché formel de l’emploi. Une politique visant à réduire les pièges finan-ciers se heurte à des choix (idéologiques) fondamentaux à l’égard du modèle deprotection sociale. La réduction des pièges financiers peut en principe se produiretant par la déconstruction de la protection sociale (‘le bâton’) que par l’augmenta-tion des (bas) salaires (‘la carotte’).

Fin des années quatre-vingt-dix, en Belgique, la politique d’activation a été profilée,en partie sous l’influence de l’évolution budgétaire favorable, comme une stratégiede la ‘carotte’. Une baisse nominale des prestations (la politique du ‘bâton’) n’a pasreçu de soutien politique, après que, dans le courant des années ’90, les allocationsy compris des plus faibles (les minima) enregistraient déjà un recul sensible sur laprospérité générale et que la portée des allocations de chômage était réduite demanière sélective par les suspensions (De Lathouwer 1997). Malgré l’évolutionbudgétaire favorable, la politique sociale se montrait toujours réticente par rapport àune amélioration des prestations. Dans l’esprit de l’Etat social actif, le gouvernementa opté, en guise de solution aux pièges à l’emploi, pour un plus grand investisse-ment dans des mesures de stimulation de l’offre. Outre le fait de rendre financière-ment plus intéressant un travail faiblement rémunéré, la politique d’activation metl’accent sur un accompagnement dirigé des catégories de chômeurs fragiles (p.ex.le plan d’accompagnement des chômeurs de longue durée, le parcours d’insertionpour jeunes chômeurs), la mise en œuvre des premières expériences du travail, laformation dans différents plans d’emploi et sur une politique de la durée du tempsde travail en vue de créer des conditions de travail encore plus attractives (cf. lamise sur pied du crédit-temps et les emplois de fin de carrière) (23). Dans cette sec-tion, nous nous penchons particulièrement sur la stratégie gouvernementale visant àrendre le travail faiblement rémunéré plus attractif.

Politique salariale égalitariste et salaires minimaux bruts – Une première pistepour rendre financièrement intéressant un emploi faiblement rémunéré consiste àaugmenter les niveaux de rémunération bruts, en particulier le salaire minimuminterprofessionnel et les niveaux de rémunération minimale sectoriels. Toutefois,vouloir pratiquer – en guise de stratégie contre le piège à l’emploi - une politiquesalariale égalitariste en vue de prévenir les bas salaires est toujours source de problè-mes pour trois raisons. En premier lieu, le contexte de concurrence internationale

(23) Pour un aperçu des mesures politiques, nous renvoyons aux rapports fédéraux sur l’emploi duMinistère de l’Emploi et du Travail ainsi qu’au “Jaarboek Arbeidsmarkt in Vlaanderen” du SteunpuntWerkgelegenheid, Arbeid en Vorming.

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accrue impose la modération salariale, y compris au bas de l’édifice salarial. Alorsqu’entre 1987 et 1993, en Belgique, les salaires ont augmenté sensiblement plus viteque chez nos principaux partenaires commerciaux (Pays-Bas, Allemagne et France),la maîtrise de l’évolution salariale est devenue aujourd’hui un objectif prioritaire(Conseil Supérieur de l’Emploi, 2000). L’introduction de l’indice de santé en 1993,l’introduction de la norme salariale en 1996 et la baisse des charges sociales ont tou-tes eu pour but de réduire les différences de l’évolution salariale entre la Belgique etses partenaires commerciaux les plus importants. Cette politique de modérationsalariale a également exercé une influence modératrice sur les salaires minimaux(bruts). De 1987 à 1994, le salaire minimum brut nominal (+ 22 ans) augmentaitencore annuellement de 3,9% en moyenne ; de 1994 à 2000, cette hausse ne s’éle-vait plus qu’à 1,4%. En deuxième lieu, une augmentation supplémentaire du salaireminimum brut implique une hausse subséquente du coût salarial au bas de l’échelledu marché du travail. Du fait du coin salarial belge élevé, cette stratégie crée simul-tanément un piège à la productivité, c’est-à-dire une tension accrue entre le coûtsalarial et la productivité du travail. Malgré toutes les controverses relevées dans lalittérature relative à l’impact négatif des planchers minima (élevés) sur l’emploi (p.ex. Gregg, 2000), la perte accrue de productivité semble continuer à éloigner dumarché de l’emploi les chômeurs structurels et les personnes faiblement qualifiées.Enfin, en troisième lieu, une hausse du salaire minimum brut n’est pas non plus unestratégie efficace de l’offre parce que le coin salarial écrème l’augmentation salaria-le. Ainsi, les simulations ont démontré que l’augmentation du salaire minimum pourles jeunes âgés de plus de 21,5 ans au début des années ‘90 n’est pas réellement par-venue à déjouer les pièges financiers (voir ci-dessus).

Subsides pour les niveaux salariaux nets des salariés faiblement rémunérés –Parce qu’une politique de l’offre étayée par une stratégie salariale égalitariste seheurte à des limites plus hautes, les Etats doivent relever un défi : tracer des voiespour accroître le revenu net des emplois faiblement rémunérés via des dispositifsfiscaux et sociaux (Ferrera, 2000). Les subsides pour les travailleurs faiblementrémunérés ou pour les familles à faible revenu de travail ont pour but d’encouragerles gens à aller travailler et d’améliorer en même temps leur niveau de vie. Les ména-ges avec un seul revenu (familles monoparentales, couples avec enfants) éprouventen effet souvent des difficultés à nouer les deux bouts avec un seul salaire.

Dans le modèle social européen continental, le subside aux bas salaires modifiesouvent la manière de penser la sécurité sociale, la fiscalité et la parafiscalité. Lessystèmes qui octroient des subsides ou des allocations aux travailleurs sont générale-ment étrangers à l’Etat providence continental où les salaires (minima) sont relative-ment élevés. Dans les pays anglo-saxons où les marchés de l’emploi sont fortementdérégulés et où persiste un problème de “travailleurs pauvres”, les prestations socia-les pour travailleurs faiblement rémunérés existent déjà depuis un certain temps. Le“Working Families Tax Credit” (WFTC) au Royaume-Uni et l’‘‘Earned Income TaxCredit” (EITC) aux Etats-Unis se sont développées jusqu’au moteur principal de lapolitique du marché de l’emploi (Hotz et Scholz, 2000 ; Phelps, 2000). Bien que,

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

dans le modèle social continental, la pauvreté touche assez rarement les travailleurs(voir ci-dessus, le graphique 2), aujourd’hui, en Belgique, les salaires nets ne sontpas toujours suffisants pour hisser les travailleurs à temps plein au-dessus du seuil depauvreté (tableau 8). Le revenu net du ménage des travailleurs au salaire minimumavec enfants à charge (et frais de garde des enfants) n’est pas ou à peine suffisantpour les familles avec un seul revenu.

Depuis 2000, notre pays a adopté diverses mesures visant à subventionner les em-plois faiblement rémunérés via les politiques sociale et fiscale. Soulignons que laconcertation sociale n’a pas abouti à un seul dispositif dominant mais à une variétéde mesures. Des mesures ont été adoptées tant dans la sécurité sociale que dans lescotisations sociales et dans la fiscalité.

TABLEAU 8 : REVENU NET D’UN MENAGE EN CAS DE TRAVAIL (A TEMPS PLEIN) AU SALAIRE MINI-MUM AVEC ET SANS FRAIS DE GARDE DES ENFANTS, EN % DU SEUIL DE PAUVRETE UE, BELGIQUE,1997

Sans frais de garde des Après frais de garde desenfants enfants

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Note : (1) En cas de travail, ces types de ménage sont censés avoir des frais de garde des enfants.(2) Le partenaire gagne 130% du salaire minimum.

Au cours de l’année 2000, quelques allocations complémentaires ont été instauréesdans la sécurité sociale pour les chômeurs qui acceptent un travail, notamment lesupplément unique pour la garde des enfants (exclusivement pour les familles mo-noparentales), une prime de mobilité et le paiement temporairement prolongé desallocations familiales majorées pour familles monoparentales chômeuses de longuedurée et couples à revenu unique chômeurs qui acceptent un travail. En janvier2000 (avec une extension en avril 2000), les cotisations sociales des travailleurs àbas salaires ont été réduites. La diminution consiste en un montant forfaitaire qui seréduit au fil de l’augmentation du salaire (jusqu’à un salaire brut maximum de54.000 FB par mois). En matière de fiscalité, un certain nombre de mesures ont étéinstituées dans le cadre de la réforme fiscale en vue de diminuer la pression sur letravail. L’introduction d’un crédit d’impôts individuel prévoit un avantage fiscal pou-vant être de maximum 20.000 FB par an pour des revenus du travail imposablessitués entre 150.000 et 500.000 FB. Entre 100.000 et 150.000 (zone d’entrée) et

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

entre 500.000 et 650.000 (zone de sortie) s’applique un avantage dégressif. Pour lespersonnes non soumises à l’impôt, voire devant payer moins de 20.000 BEF, le soldeentre l’impôt et le crédit d’impôt est remboursé (impôt négatif sur les revenus).

Aujourd’hui, toutes ces mesures sont soit déjà en vigueur (supplément unique pourfrais de garde des enfants, prime de mobilité, prolongement temporaire des alloca-tions familiales majorées, diminution des cotisations pour bas salaires), soit décidéessur le plan politique et applicables (graduellement) à partir de 2002 (crédit d’impôtpour bas salaires). Pour le futur, rappelons encore la réforme du système des frais degarde des enfants, qui exercera également un impact sur les pièges à l’emploi. Laproposition envisage de diminuer les frais de garde des enfants pour les bas revenuset d’augmenter ceux des revenus élevés en vue de réaliser une opération neutre surle plan budgétaire. Etant donné qu’il ne s’agit que d’une proposition, nous n’enavons pas tenu compte dans les calculs ci-après.

L’ impact de la réforme sur les pièges financiers – Le tableau 9 restitue en tout pre-mier lieu l’effet combiné des diverses mesures sur les pièges financiers. Ensuite, lesdifférentes mesures font l’objet d’une analyse distincte.

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

Globalement, les différentes mesures adoptées depuis 2000 dans la sécurité sociale,les cotisations sociales et la fiscalité ont exercé un impact positif, en ce sens qu’ellesont rendu le travail faiblement rémunéré financièrement plus attractif pour toutesles catégories. Depuis 2000, aucun type de ménage ne subit encore de recul quandil accepte un travail à bas salaire au départ des allocations de chômage (les plusélevées).

Les conséquences de ces réformes sont le plus substantiel pour les catégories con-frontées au piège financier le plus extrême, à savoir les familles monoparentales etles ménages à un seul revenu qui passent d’une allocation de chômage maximale àun travail à temps plein au salaire minimum. Pour les premières, dans cette situ-ation, le piège financier a été réduit de 16 points de pourcentage (un bonus de8.300 FB par mois par rapport à la situation en 1999) et, pour les couples à un seulrevenu avec enfants, de 10 points de pourcentage (un mieux de 7.400 FB par moispar rapport à 1999). De plus, même pour les catégories non confrontées au piègefinancier (isolés, couples à un seul revenu émargeant à l’aide sociale) ou celles quine l’étaient que dans une moindre mesure (ménages à deux revenus), leur position– même à faible niveau salarial – s’améliore parce que l’ensemble des mesures n’apas été exclusivement axé sur les groupes en butte au principal piège financier. Lesréformes n’ont toutefois exercé que peu d’influence sur les couples de chômeursavec enfants désireux de s’engager dans un travail à temps partiel. Pour ces dernierssubsistent des taux nets de remplacement supérieurs à plus de 90%.

Dans les paragraphes suivants, nous détaillerons ces différentes mesures et analy-serons leur impact (distinct) sur le piège financier. Nous illustrerons notre propos àl’aide des graphiques 8a et 8b (passage d’allocations de chômage maximales à untravail à temps plein et à temps partiel au salaire minimum) et des graphiques 9a et9b (passage de l’aide sociale à un emploi à temps plein et à temps partiel au salaireminimum). Ces graphiques restituent étape par étape l’impact de chaque mesurespécifique sur le rendement marginal du travail faiblement rémunéré par rapport àune situation d’allocataires sociaux.

5.1. ALLOCATIONS COMPLEMENTAIRES DE SECURITE SOCIALE POUR TRAVAILLEURSEn 2000, un certain nombre de mesures sont entrées en vigueur dans le domaine dela sécurité sociale. Elles instauraient des allocations complémentaires lors du passa-ge du chômage à un emploi. Par exemple, depuis juillet 2000 est institué un supplé-ment unique pour garde des enfants et une prime de mobilité de 30.000 FB cha-cun, avec l’objectif de compenser les dépenses supplémentaires liées au travail (24).

(24) Le supplément unique de 30.000 FB pour garde des enfants couvre dans une large mesure cesfrais, à ceci près que cette mesure ne s’applique que pour la première année de travail. Nos simula-tions standard font apparaître que le coût brut de garde des enfants (à temps plein) pour un parentunique avec 2 enfants qui travaille au salaire minimum se chiffre à 49.200 FB par an. Après déductionfiscale des frais de garde des enfants, le coût net de ces dépenses s’élève encore annuellement à39.000 FB (soit quelque 3.250 FB par mois), ce qui grève lourdement le budget des bas revenus. Lanouvelle mesure couvre donc 77% des frais de garde des enfants pour la première année.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Le supplément pour la garde des enfants s’applique uniquement dans l’assurance-chômage aux familles monoparentales et n’est octroyé que pour un emploi de 18heures minimum avec un contrat de travail à durée indéterminée. Le passage à untravail temporaire (intérim, contrat à durée déterminée) n’est donc pas récompensépar ce dispositif. Pour avoir droit à une prime de mobilité, la distance séparant ledomicile du lieu de travail doit être supérieure à 25 km et la durée totale de déplace-ment doit être de 4 heures. En 2000, à peine, 39 chômeurs ont perçu le supplémentpour garde des enfants et 25 la prime de mobilité. L’impact limité est indubitable-ment lié au caractère très récent de la mesure et au fait que les chômeurs doiventeux-mêmes en introduire la demande. En deuxième lieu, depuis octobre 2000, lesallocations familiales majorées pour familles monoparentales et couples à un seulrevenu chômeurs de longue durée continuent à être temporairement versées, àsavoir durant le semestre en cours (25), lorsqu’ils passent du chômage à l’emploi(26) (budget de 51 millions). Les ayants droit aux allocations familiales majorées qui,après avoir accepté un emploi se retrouvent au chômage (avec bénéfice des alloca-tions) dans un délai de 6 mois, bénéficient de nouveau immédiatement des alloca-tions familiales majorées sans avoir à accomplir un nouveau stage d’attente de 6mois (27). Par ailleurs, d’autres mesures ont encore été adoptées dans la sécuritésociale, afin de prévenir le caractère dissuasif d’un travail (temporaire). Les chô-meurs âgés ont de nouveau immédiatement droit à des allocations majorées (le sup-plément pour ancienneté) s’ils se retrouvent chômeurs après une reprise temporairedu travail et la perte de revenus des chefs de ménage chômeurs sera limitée lorsquele partenaire (au foyer) (re)prend un travail.

Le supplément unique pour garde des enfants et le maintien (provisoire) des alloca-tions familiales majorées réduisent les pièges financiers pour les ménages à un seulrevenu chômeurs avec enfants à charge. L’impact est conséquent pour les famillesmonoparentales au chômage qui acceptent un travail à temps plein au salaire mini-mum. Par exemple, le rendement marginal d’un salaire minimum à temps plein audépart d’une allocation maximale, augmente pour un parent unique de 4.560 FB parmois (plus de 50% de l’impact de toutes les mesures ensemble) et de 2.860 FB/moispour les couples à un seul revenu avec enfants (quelque 40% de l’impact total)(graphique 8a). Lors du passage à un travail faiblement rémunéré à mi-temps (àsalaire minimum), certains parents uniques profitent d’un avantage financier com-plémentaire grâce au supplément pour garde des enfants (ils progressent de 2.237FB/mois par rapport à la situation de 1999, graphique 8b). La mesure du maintiendes allocations familiales majorées intervenait déjà avant 2000 pour les chômeurs àtemps partiel. Les familles monoparentales et les ménages à un seul revenu qui ontaccepté un travail à temps partiel après avoir été au chômage pouvaient déjà conser-

(25) Les allocations familiales majorées peuvent être conservées pendant le trimestre en cours lors-que leur bénéfice a été accordé durant le deuxième mois du semestre précédent. (26) La trimestrialisation des allocations familiales. Loi programme du 12 août 2000. Loi portant desdispositions sociales, budgétaires et autres. Articles 84 et 85.(27) Loi D’Hondt. A.R. 1er mars 2000 avec effet rétroactif jusqu’au 14 juin 1999.

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

ver leurs allocations familiales majorées sous le régime des ‘travailleurs à temps par-tiel conservant leurs droits’. Ce n’est pas le cas pour les bénéficiaires du minimumd’existence sous le régime de l’intégration socioprofessionnelle.

Les allocations complémentaires, coup de pouce financier au passage du chômageau travail ne sont pas une véritable innovation dans la sécurité sociale belge. Aupara-vant, certaines mesures avaient déjà été élaborées pour les chômeurs qui acceptai-ent un travail à temps partiel. Les régimes de subvention les plus importants sontl’allocation de garantie de revenu (et l’intégration socioprofessionnelle dans l’aidesociale) et les régimes d’activation des allocations de chômage (ALE et emplois deservices). Surtout pour les femmes dont le partenaire a un revenu, le passage autemps partiel partant du chômage est rendu plus fortement dissuasif en Belgiquequ’ailleurs parce que, pour ces bénéficiaires de l’assurance-chômage, la durée desallocations est atypiquement longue. Or, ce groupe précisément exprime clairementle souhait de travailler à temps partiel. Certaines enquêtes spécifiques auprès defemmes inactives et au chômage indiquent une préférence très nette pour le travailà temps partiel (Van Dongen, e.a., 1995 ; De Lathouwer, e.a., 2000). Par exemple, ilressort d’une enquête auprès de chômeuses de longue durée qu’environ, la moitiésouhaite travailler à temps partiel ; chez les femmes suspendues, ce taux est mêmede 70% (De Lathouwer, e.a., 2000). Le travail à temps partiel permet plus aisémentaux femmes de combiner travail et famille. Les motifs cités en faveur du travail àtemps partiel dans le Labour Force Survey font apparaître qu’en 1999, plus de 50%des femmes travaillent à temps partiel à cause des soins à apporter aux enfants oupour d’autres raisons familiales, contre à peine 4% des hommes. Seulement, 6% desfemmes déclare explicitement ne pas désirer de travail à temps plein (Demunter etLuminet, 2000). Par conséquent, la préférence accordée au temps partiel est encorefortement déterminée par la répartition inégale des tâches domestiques (Plantega,2000). Un travail à temps partiel après une période d’exclusion totale du marché del’emploi, permet aussi plus aisément de s’acclimater au rythme du travail rémunéréque le travail à temps plein (Commission européenne, 1999). La hausse spectaculai-re du nombre d’ayants droit dans le régime précédent de « chômeurs travailleurs àtemps partiel pour échapper au chômage complet » a permis de se rendre comptedu succès de cette formule chez les femmes. La possibilité de travailler à mi-tempssans trop grandes conséquences financières a fait augmenter le nombre de bénéfi-ciaires de ce régime entre 1980 et 1990 de 12.500 à 205.000. A cause des importan-tes conséquences budgétaires, le système a été rendu plus sévère à partir de 1990 etsupprimé en 1993 pour être remplacé par le statut considérablement moins avanta-geux de l’allocation de garantie de revenu. Le nombre d’ayants droit dans ce régimea particulièrement rétrogradé jusqu’à 35.000 ayants droit en 2000. Outre l’allocationde garantie du revenu, rappelons encore le système de l’ALE, qui – compte tenu desconditions actuelles – subventionne un petit emploi à temps partiel (max.45 heurespar mois) avec la totalité de l’allocation de chômage. Les ALE, avec 40.000 bénéfi-ciaires (principalement des chômeuses de longue durée) connaissent un succèscroissant (Van Brempt, 1997). Néanmoins, des questions peuvent être posées sur le

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

passage imparfait dans un emploi régulier, notamment à cause de l’important piègefinancier lors du passage dans un emploi non subsidié (Cantillon et Thirion, 1998)et l’absence d’emplois à temps partiel sur le marché régulier.

5.2. LA DIMINUTION SELECTIVE DES COTISATIONS SOCIALES DU TRAVAILLEUR POURBAS SALAIREEn janvier 2000 fut instaurée la réduction des cotisations des travailleurs avec un bassalaire. Cette mesure a été étendue en avril 2000 et s’applique actuellement aux tra-vailleurs dont le salaire brut s’élève à maximum 54.000 FB par mois (montants jan-vier 2001). Cette mesure prévoit une diminution des cotisations sociales. La réduc-tion consiste en un montant forfaitaire qui diminue progressivement au fur et à me-sure que la rémunération augmente. Pour les travailleurs au niveau salarial mini-mum, l’avantage joue pleinement. Grâce à cette mesure, le coin salarial au niveau dusalaire minimum a régressé de 29% à 24% pour les isolés et de 13% à 8% pour lesménages à un revenu avec enfants. Etant donné que cet avantage parafiscal estoctroyé à tous les individus faiblement rémunérés, il s’agit d’une mesure relative-ment onéreuse (6,8 milliards de FB inscrits au budget de 2000). Ceci à l’opposé parexemple des crédits d’impôts aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qui sont accordésaux ménages disposant d’un faible revenu du travail (et donc après contrôle desmoyens d’existence).

L’effet net d’un abaissement des cotisations sociales est écrémé en partie par la fisca-lité. En effet, les cotisations sociales plus faibles majorent le revenu net imposableet donc la base d’imposition des bénéficiaires de cette mesure. Par exemple, uneréduction des cotisations de 3.300 FB par mois au niveau salarial minimum ne pro-duit qu’un rendement marginal net supplémentaire (au départ d’une allocation dechômage maximale) pour un travail à temps plein au salaire minimum respective-ment de (en arrondissant) 1.700, 1.900 et 2.200 FB par mois pour parents uniques,isolés et couples à un seul revenu avec 2 enfants à charge. Cette mesure ne permetque de déjouer très peu le piège financier pour familles monoparentales au chôma-ge en comparaison avec les mesures très sélectives de la sécurité sociale.

L’abaissement des cotisations sociales pour bas salaires a généré un changementdans la structure de financement de la sécurité sociale pour travailleurs salariés.Alors qu’en principe, les cotisations sociales sont proportionnelles, les réductionssélectives des cotisations des travailleurs salariés entraînent un caractère progressifde la structure des cotisations sociales. Ceci renforce le principe de solidarité de lasécurité sociale et affaiblit le principe d’assurance.

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

5.3. LA REFORME DE L’IMPOT SUR LES PERSONNES PHYSIQUES ET L’INTRODUCTIOND’UN CREDIT D’IMPOTSLa réforme fiscale (28) qui entrera en vigueur en Belgique à partir de 2002, prévoitune importante baisse des impôts pour tous les revenus (coût estimé : 131 milliardsde FB) avec une introduction par phases réparties sur 4 ans (effet culminant en2006). La réforme de la fiscalité comporte les lignes de force suivantes : diminutionde la pression fiscale sur les revenus du travail, neutralisation du choix de la formede ménage (suppression des différences d’imposition entre couples mariés et coha-bitants), renforcement des avantages fiscaux pour enfants et introduction d’une fis-calité plus « verte ».

Dans le contexte des pièges à l’emploi, deux volets sont particulièrementpertinents : l’introduction d’un crédit d’impôts personnel pour les bas revenus dutravail et l’augmentation de la déductibilité fiscale des frais professionnels. Dans lesgraphiques 8 et 9, nous présentons l’impact de ces mesures sur le rendement mar-ginal net d’un travail faiblement rémunéré au départ d’une situation d’allocataire.Dans ces exercices de simulation, nous partons de l’hypothèse que la réforme fisca-le était déjà pleinement opérationnelle en 2001.

Le crédit d’impôts pour individus faiblement rémunérés instaure un avantage fiscalpouvant s’élever au maximum à 20.000 FB par an pour les revenus imposables dutravail situés entre 150.000 et 500.000 FB. Entre 100.000 et 150.000 (zone d’entrée)et entre 500.000 et 650.000 (zone de sortie) s’applique un avantage dégressif. Pourles personnes non imposables, voire devant s’acquitter de moins de 20.000 FB, lesolde entre l’impôt et le crédit d’impôts est remboursé (impôt négatif sur les reve-nus). Le coût budgétaire du crédit d’impôts est estimé à 18 milliards de FB. Ce mon-tant est élevé à cause du caractère individuel de l’avantage. Le crédit d’impôts génè-re une augmentation supplémentaire du rapport net des revenus du travail d’envi-ron 1.650 FB par mois pour les chômeurs qui acceptent un travail au salaire mini-mum et ce pour tous les types de ménages simulés, y compris les ménages à deuxrevenus. Le rendement marginal est quasiment indépendant de la durée du travail(emploi à temps plein ou à temps partiel) mais, pour certains travailleurs à tempspartiel, l’avantage financier est un peu plus élevé (quelque 1.800 FB par mois, doncun plus de 20.000 FB par an), parce que, du fait de l’application du crédit d’impôts,les taxes communales sont supprimées.

L’augmentation des frais professionnels vise une diminution de la pression fiscaleen augmentant le pourcentage de déductibilité des frais professionnels dans la pre-mière tranche de 20 à 25%. Le montant maximal pour frais professionnels forfaitai-res reste cependant maintenu au même niveau. Cette mesure ne génère qu’un ren-dement marginal très faible de 350 à 450 FB par mois, en sus de l’avantage lié au cré-dit d’impôts, dans le cas du passage du chômage de longue durée avec une alloca-tion maximale ou au départ de l’aide sociale à un travail salarié à temps plein au

(28) Il s’agit ici de la proposition de réforme, version octobre 2001.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

salaire minimum. Dans le cadre d’un emploi à temps partiel, l’avantage pour lesisolés, les familles monoparentales et les couples à un seul revenu (avec ou sansenfants à charge) reste limité de 100 à 250 FB par mois ; les couples à deux revenus,quant à eux, voient augmenter leur revenu de 350 à 400 FB par mois. Au départde l’aide sociale, seuls les isolés qui vont travailler tirent de cette mesure un avanta-ge très mince (182 FB par mois). Les autres couples à un seul revenu ne tirent aucunavantage de cette disposition.

Outre les mesures ci-dessus, la réforme fiscale contient encore d’autres dispositionssusceptibles d’exercer un impact sur les stimulants financiers en faveur d’un travailfaiblement rémunéré, bien qu’elles ne poursuivent pas spécifiquement cet objectifet s’appliquent tant aux travailleurs qu’aux bénéficiaires d’allocations. Il s’agit, enpremier lieu, d’un alignement des minima exonérés d’impôts pour isolés etmariés, à l’occasion de quoi le minimum imposable est hissé au niveau de celui d’unisolé. Cette mesure entraîne une réduction supplémentaire d’impôts pour les cou-ples mariés à revenu unique, y compris pour ceux qui travaillent (à temps plein) ausalaire minimum, d’où le rendement marginal de ce travail au départ du chômage delongue durée ou de l’aide sociale augmente de 652 FB/mois (couples à un seulrevenu avec enfants à charge) jusqu’à 1.916 FB/mois (couples à un seul revenu sansenfants à charge). En cas d’emploi à temps partiel faiblement rémunéré, l’avantagede cette mesure reste de facto limité aux ménages à un seul revenu sans enfants.

Le crédit d’impôts pour enfants remboursable et la généralisation du minimumexonéré d’impôts pour familles monoparentales non mariées à tous les parents uni-ques induisent une hausse du rendement marginal du travail faiblement rémunérépour les allocataires sociaux (de +1.369 FB/mois pour couples à un seul revenu avecenfants à charge qui vont travailler à temps plein au salaire minimum et de +1.681FB/mois pour familles monoparentales et couples à un seul revenu qui travaillent àmi-temps au salaire minimum). Les couples à un seul revenu (avec allocation maxi-male) ne tirent aucun avantage supplémentaire d’un emploi parce que le revenudisponible net augmente tant en cas de chômage qu’en cas de travail, d’où le piègefinancier reste quasiment inchangé.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

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2001

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

675

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

6. ENSEIGNEMENTS PAR RAPPORT AUX ‘IN-WORK BENEFITS’

Les suppléments de revenus pour personnes faiblement rémunérées sont plutôtétrangers au modèle social continental. L’un des principes de base était en effet queles salaires devaient être suffisamment élevés pour permettre une vie décente (29).Dans les pays anglo-saxons, les ‘in-work benefits’ (prestations sociales inhérentes àl’emploi) constituent déjà depuis belle lurette une forme importante de protectiondu revenu de la population active. En matière de fiscalité, ces dispositions adoptentla forme de crédits d’impôts (au Royaume-Uni, le « Working Families Tax Credit »(30) ; aux Etats-Unis, l’« Earned Income Tax Credit (31)) ou de subsides à l’emploipour les travailleurs [p. ex. au Canada, le « Self-Sufficiency Project » (Projet d’auto-suffisance) ; aux Etats-Unis, les ‘re-employment bonuses’ (bonus de remise au tra-vail)]. Ces systèmes destinés aux travailleurs salariés faiblement rémunérés ou auxménages au bas revenu du travail ont pour but d’encourager les gens à aller travail-ler et d’améliorer la situation de prospérité des personnes faiblement rémunérées.Du fait de leur grande importance, la littérature a fourni pour ces pays une multitu-de d’évaluations des prestations sociales liées à l’emploi (‘in-work benefits’) (pourun aperçu, voir Marx, 2000 ; OECD, 1996 et 2000 ; Blundell, 2000). Ici, nous pro-posons un inventaire de certaines controverses, utiles à l’évaluation critique desrécentes initiatives belges.

Efficacité du point de vue des coûts – Certaines études empiriques d’évaluation descrédits d’impôts au Royaume-Uni et aux Etats-Unis nous enseignent que ces disposi-tions exercent un effet positif significatif sur la participation à la vie active (surtouten ce qui concerne les mères célibataires) à condition que les suppléments salariauxsoient de nature substantielle. C’est pourquoi dans la plupart des pays anglo-saxons,les systèmes sont conditionnés à une enquête sur les revenus (ils s’adressent auxménages ne disposant que d’un faible revenu du travail et non à des individus faible-ment rémunérés) et instaurent une sélectivité catégorielle (ils visent en premier lieules familles à faibles revenus avec enfants). Les études sur la répartition des moyensindiquent que, de cette manière, peu de dépenses sont dirigées vers les groupes dis-posant de revenus plus importants (Hotz et Scholz, 2000 pour les Etats-Unis ; Dilnotet McCrae, 2000 pour le Royaume-Uni). Les crédits d’impôts individuels visant tousles individus touchant un bas salaire, tels qu’ils ont été instaurés récemment en Bel-gique, sont atypiques dans un contexte international. La réduction des cotisationssociales pour bas salaires également constitue une mesure individuelle et non caté-gorielle. De tels systèmes sont potentiellement onéreux, surtout dans un pays où larépartition des revenus est relativement égale (OCDE, 2000). Au départ de considé-rations budgétaires, les mesures individuelles sont contraintes de rester de faibleenvergure. Les effets de l’offre resteront par conséquent plus limités. De récentesmicrosimulations empiriques sur le crédit d’impôts pour la Belgique démontrent

(29) Les allocations familiales, qui reviennent tant aux travailleurs qu’aux inactifs font dans une cer-taine mesure exception à cette règle.(30) WFTC = Crédit d’impôts pour familles de travailleurs(31) EITC = Crédit d’impôt sur le revenu gagné

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que l’impact sur la pauvreté est également minime à cause du fait qu’il n’est dirigéque dans une moindre mesure sur les groupes à bas revenus (Cantillon, Kerstens etVerbist, 2000). Comme le fait apparaître le graphique 10, ce sont surtout les grou-pes de revenus moyens et supérieurs et les ménages à deux revenus (déjà occupés)qui bénéficieront de cette mesure, parce qu’une grande partie des personnes faible-ment rémunérées, à savoir les femmes travaillant à temps partiel, appartiennent jus-tement à des groupes à hauts revenus. Les dernières mesures de subvention visantles bas salaires par le biais de prestations de sécurité sociale constituent par contredes exemples de forte sélectivité catégorielle. Le maintien (temporaire) des alloca-tions familiales majorées, le supplément pour garde des enfants et la prime de mobi-lité sont axés sur les familles (monoparentales) au chômage avec charge d’enfantsqui, dans l’hypothèse d’un passage à un travail faiblement rémunéré, sont les plusmenacées d’être confrontées à un piège financier. Parce qu’elles sont dirigées sur ungroupe spécifique, ces mesures sont susceptibles d’avoir un impact plus substantielsur les pièges financiers.

GRAPHIQUE 10 : AVANTAGE FISCAL MOYEN ET POURCENTAGE DE MENAGES BENEFICIANTD’UN AVANTAGE FISCAL D’APRES LE DECILE DE REVENUS STANDARDISE ET LE TYPE DE MENAGE,BELGIQUE, 1997.

Source : MISIM, 1997.

En revanche, comme nous l’apprend la littérature, une sélectivité poussée met aussien lumière un certain nombre d’effets négatifs et/ou de tensions avec d’autres objec-tifs. La sélectivité des revenus exerce des conséquences négatives sur l’offre d’em-ploi du (de la) partenaire, plus particulièrement si ce/tte dernier(ère) n’a qu’un fai-ble potentiel de gain. Lorsque le partenaire va travailler (ou décide de continuer àtravailler), le couple perd en tout ou en partie l’avantage financier pour le ménage.Cette imposition implicite du partenaire doit en quelque sorte être ‘remboursée’avant que son travail ajoute un certain net au revenu du ménage. Cet inconvénientpeut être réduit en étendant le champ d’extinction de l’avantage financier à uneplus grande tranche de revenus, mais ceci rend le système nettement plus onéreux(Atkinson et Micklewright, 1991). Dans le cas d’une sélectivité catégorielle, des pro-

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blèmes d’équité peuvent se poser entre les ‘insiders’ (bénéficiaires) et ‘outsiders’(exclus). Ceci est, par exemple, apparu dans le débat belge autour du maintien tem-poraire des allocations familiales majorées pour les chômeurs qui acceptent un em-ploi. Pourquoi, uniquement, (certains groupes) de(s) bénéficiaires d’allocations dechômage qui vont travailler auraient-ils droit à de tels subsides, tandis que les travail-leurs non subventionnés doivent effectuer le même travail salarié faiblementrémunéré pour un salaire plus bas (parce que non subsidié) ? Evoquons encore untroisième problème apparenté, mis en avant dans la littérature anglo-saxonne : leséventuels effets de qualification au droit (‘entitlement effects’) à des subsides (Mar-tin, 2000). Les avantages financiers ciblant exclusivement les bénéficiaires d’alloca-tion peuvent entraîner un accroissement spectaculaire du groupe d’ayants droit(avec de lourdes conséquences budgétaires) du fait que travailleurs et employeurss’organisent en fonction des avantages financiers du système, p. ex. licenciement etréembauche du travailleur ayant droit. Bien que cela soit difficile à prouver d’unpoint de vue empirique, de tels effets comportementaux ont été suspectés en Belgi-que dans le cadre du système antérieur d’allocations pour ‘temps partiels involontai-res pour éviter d’émarger au chômage complet’ (voir OCDE, 1994). Jusqu’au débutdes années quatre-vingt-dix, ce régime a vu un accroissement spectaculaire de chô-meuses parmi lesquelles se trouvait plus que vraisemblablement une partie de tra-vailleuses à temps partiel volontaires (voir ci-dessus).

Les pièges des bas salaires et l’érosion des salaires – La littérature met en avantdeux problèmes liés aux ‘bas salaires’. Tout d’abord, les subsides aux travailleursdéplacent le problème du piège à l’emploi vers un problème de piège du bas salai-re. La mobilité verticale des travailleurs subventionnés est freinée parce qu’à partird’un certain seuil salarial, gagner plus est en réalité pénalisé. Par exemple, dans lesystème belge du crédit d’impôts, la zone d’extinction de l’avantage (le seuil à partirduquel on se voit accorder un crédit d’impôts moindre) commence à partir de500.000 BEF par an et, au-dessus de 650.000, l’on obtient plus aucun avantage. Cecipeut dissuader des gens à travailler plus (et donc à gagner davantage). Les program-mes qui stimulent financièrement le travail à temps partiel présentent le danger dedécourager le travail à temps plein. Les calculs de l’allocation de garantie de revenuindiquent que des emplois à temps partiel mieux rémunérés ou plus étendus sont àpeine plus rentables que les emplois à temps partiel moins bien rémunérés ou plusréduits (voir section 4.2). Les analyses autour du fonctionnement des subsides auxsalaires dans le cadre des ALE mettent au jour un piège salarial extrêmement ténupour les familles monoparentales au chômage qui passent d’un petit emploi à tempspartiel lourdement subsidié dans le statut ALE à un travail salarié à temps plein ausalaire minimum (elles subissent une perte de 5.000 FB par mois au départ d’uneallocation maximale). Le danger du piège du bas salaire est encore aiguisé lorsque letravail salarié faiblement rémunéré (subsidié) n’est pas couplé à une formation et àun accompagnement. D’un point de vue empirique, nous ne savons encore que trèspeu de la mobilité des revenus des travailleurs subsidiés (et de leur partenaire).Nous avons d’une certaine expérience pour l’EITC et le WFTC quant à certainseffets négatifs sur l’offre de travail de femmes qui travaillent avec un partenaire fai-

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blement rémunéré et sur le nombre d’heures ouvrées. Une solution au piège du bassalaire consisterait à octroyer des suppléments salariaux sur une très large bande desalaires et donc, pas seulement aux bas salaires, mais dans des pays tels que la Belgi-que où l’inégalité salariale est réduite et où l’édifice salarial connaît des planchersrelativement élevés, ceci exerce de forts effets ascendants sur le coût budgétaire deces systèmes (Pearson et Scarpetta, 2000). Ensuite, les subsides aux travailleurs sontsusceptibles d’exercer des effets négatifs sur la fixation du niveau des salaires. Ilexiste un risque d’érosion des salaires au bas de l’échelle de l’édifice salarial, parceque les employeurs sont stimulés à maintenir les salaires à un niveau bas. Le pouvoirsubsidiant veille en effet à compléter le revenu du ménage des personnes faiblementrémunérées. Par ailleurs, des suppléments salariaux lourds risquent de démotiver lesemployeurs et les travailleurs quant à un investissement dans la formation de leurcapital humain. Ici, aussi, il faut avouer que, sur un plan empirique, nous ne savonsque très peu sur l’impact des subsides salariaux et l’acquisition de compétences.

Conditions annexes générales – Les études d’évaluation indiquent que l’efficacitédes stimulants financiers est largement déterminée par un certain nombre de condi-tions annexes. Les pays où les subsides aux travailleurs ont connu un fort impact surla participation au marché de l’emploi étaient par ailleurs dans une période de forteexpansion économique et de création historique d’emplois. Par exemple, aux Etats-Unis, l’extension de l’EITC en 1993 et les effets positifs sur la participation aumarché du travail qui l’accompagnaient ont coïncidé avec une forte création d’em-plois à partir du début des années ‘90. Savoir si les effets positifs sur l’offre de travailsont le résultat de la politique suivie ou sont aussi liés à l’amélioration générale de laconjoncture n’est pas toujours évident. Les subsides aux travailleurs semblent avoirun plus grand impact quand ils sont combinés avec d’autres dispositions visant àsoutenir l’offre de main-d’œuvre, p. ex. des facilités de garde des enfants accessibleset à prix abordable, les efforts de placement, l’expérience professionnelle, la forma-tion à l’embauche, etc. (Pearson et Scarpetta, 2000). L’étude sur l’impact des sus-pensions pour la Belgique (De Lathouwer et Bogaerts, 2000) fournit une évidenceempirique pour le fait que les stimulants financiers seuls ne sont pas à même àgarantir une intégration réussie sur le marché du travail. Dans le cas des suspen-sions, il s’agit de stimulants financiers négatifs (la suppression de l’allocation) con-trairement aux stimulants positifs tels que les subsides salariaux. Une enquêteauprès de cohabitants chômeurs de longue durée suspendus (pour l’essentiel desfemmes) indique qu’à peine 30% de ceux-ci trouvent un emploi un certain tempsaprès la suppression de l’allocation, tandis que la quasi-majorité se retrouve dansl’inactivité. L’enquête met en lumière d’importants seuils pour la participation aumarché de l’emploi, par exemple le travail de soins aux enfants, le sentiment d’êtretrop âgé pour le marché du travail et des problèmes de santé. Ces résultats ne suggè-rent nullement que les stimulants financiers ne jouent aucun rôle en matière d’offrede main-d’œuvre, mais bien que certains facteurs non financiers exercent égalementune influence prépondérante. Les décisions relatives à l’offre de main-d’œuvre sontégalement influencées par des facteurs tels que le niveau d’éducation, la qualité de

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l’emploi, les possibilités de concilier famille et travail et le temps de trajet entre ledomicile et le travail (Sweeny, 1998). Une exclusion de longue durée du marché dutravail mène en outre à des processus d’adaptation sociopsychologiques qui freinentle comportement de recherche active des non-travailleurs.

7. RESUME ET CONSIDERATIONS EN MATIERE DE POLITIQUE A SUIVRE

1. Les individus disposant de peu de qualifications (formelles) échouent de plus enplus souvent à acquérir une indépendance économique et une sécurité d’existencefinancière par le biais d’un emploi régulier. De 1976 à 1997, leur chance de trouverun emploi a diminué de 46% à 31% (Flandre). Aujourd’hui, une personne sous-quali-fiée sur trois perçoit une allocation sociale. La forte dépendance aux prestations setraduit en nombre accru de ménages en situation de précarité si l’on se base sur lerevenu du travail régulier. La pauvreté avant transferts parmi les actifs a augmentéen Flandre de 14% à 21% entre 1976 et 1997. Ces constats nourrissent la préoccupa-tion quant à l’impact négatif des institutions de l’Etat providence sur la participa-tion au marché du travail. La sécurité sociale et la fiscalité créent des pièges à l’em-ploi, plus particulièrement chez les personnes disposant d’un faible potentiel degain. La conjugaison de diverses caractéristiques institutionnelles (taux de rem-placement élevés pour les bas salaires, durée atypiquement longue, approche troppassive due au manque d’investissements sociaux, politique de contrôle longanimeet coin salarial élevé) risque de dissuader financièrement et sociopsychologi-quement les chômeurs à faible potentiel de gain à chercher du travail et d’affecterleur employabilité.

2. En Belgique, également, nous avons assisté au glissement de l’objectif central dela sécurité sociale – à savoir, la protection du revenu – vers l’activation et la volontéde ‘rendre le travail rémunérateur’. Le thème du piège à l’emploi a été placé àl’agenda politique sous l’influence de quatre évolutions. En premier lieu, certainsdéveloppements sur le marché du travail – par exemple, le problème de la pénuried’emplois – ont exigé d’accorder plus d’attention à la problématique du piège àl’emploi. En deuxième lieu, le paradigme de “l’Etat social actif” a reporté à l’avant-plan le discours sur les pièges à l’emploi et l’impact négatif des institutions de l’Etatprovidence. En troisième lieu, la stratégie européenne pour l’emploi a exercé unepression considérable sur les gouvernements nationaux afin qu’ils stimulent la parti-cipation au marché du travail. Pour concrétiser cet objectif, l’Europe préconise queles Etats membres s’attaquent aussi à une réforme favorable à l’emploi de leurs systè-mes fiscal et de sécurité sociale. Enfin, l’amélioration de la situation budgétaire findes années ’90 a créé des possibilités de dépassement des échanges entre protectiondes revenus et stimulants financiers en supprimant le piège à l’emploi par l’intermé-diaire de stimulants positifs, c’est-à-dire une augmentation du rapport net du travailpar des suppléments salariaux et non par la diminution des prestations sociales,d’où les partenaires sociaux furent plus enclins à discuter de cette problématique.

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3. Les calculs des pièges financiers pour un grand nombre de cas types à l’aide dumodèle de simulation standard STASIM confirment les résultats d’études antérieures.Ce modèle permet, en outre, de mettre en cartes l’évolution des pièges financiersde 1989 à 2001. Ceux-ci sont liés à des groupes spécifiques. Accepter un travail àtemps plein faiblement rémunéré (au salaire minimum ou légèrement supérieur)n’est pas financièrement rentable pour le groupe limité de familles monoparentalesau chômage et pour les couples bénéficiant d’une allocation de chômage maximale.Ensemble, ces deux groupes comptent au maximum pour un quart des chômeursde longue durée. Les pièges en cas d’acceptation d’un emploi à temps partiel faible-ment rémunéré touchent à peu près la totalité de la population des chômeurs. Toutparticulièrement, l’important groupe des cohabitants au chômage – c’est-à-dire desfemmes dont le partenaire a un revenu (pratiquement la moitié de la population deschômeurs de longue durée) – ne constate qu’un gain financier minime s’il accepteun travail à temps partiel à un bas salaire. Etant donné l’importance de cette catégo-rie, le souhait fort présent chez les femmes de travailler à temps partiel et la longuedurée du système de chômage, nous pouvons supposer que ce groupe est substan-tiellement dissuadé d’accepter un travail à temps partiel.

4. Au cours de la décennie 1989-1999, les pièges financiers pour les travailleurs àtemps plein sont quasiment restés stables. La stagnation des niveaux des allocationsau cours des années quatre-vingt-dix n’a pratiquement pas entraîné une diminutiondes pièges financiers parce que les salaires minimaux (bruts) ont suivi l’évolutionplane des allocations. La hausse du salaire minimum pour les jeunes âgés de plus de22 ans (du fait de la modulation selon l’âge) n’a eu qu’un effet restreint sur les piè-ges parce que l’impact net a été en partie écrémé par la hausse du coin salarial. Aucours des années quatre-vingt-dix, la politique des revenus à l’égard du travail àtemps partiel a exercé une influence positive sur les pièges financiers dans l’aidesociale (introduction de l’intégration socioprofessionnelle). Dans l’assurance-chôma-ge, le travail à temps partiel a été rendu financièrement moins attractif par le rem-placement du régime des ‘temps partiels involontaires dans le but d’éviter d’émar-ger au chômage complet’ par l’allocation de garantie de revenu plus limitée en1993. Pour la plupart des catégories dépendant de l’aide sociale, le travail à tempspartiel est actuellement quelque peu (plus) attractif qu’au départ de l’assurance-chô-mage.

5. Afin de rendre le travail faiblement rémunéré un peu plus rentable, la Belgiquen’a pas opté pour un abaissement des prestations sociales (avec pour conséquencele risque d’un accroissement de la pauvreté), mais pour une hausse de rapport netdu travail faiblement rémunéré. La politique choisit de rendre financièrement plusintéressant le travail faiblement rémunéré via des voies fiscale et sociale. Depuis2000, différentes mesures ont été adoptées qui reviennent à subsidier les bas salai-res. Dans le passé, cette subvention prenait en tout premier lieu la forme d’uneréduction des cotisations patronales de sécurité sociale. Avec les nouvelles mesures,les personnes faiblement rémunérées sont directement subsidiées par des alloca-tions liées au fait de travailler (‘in-work benefits’) par analogie avec le système anglo-

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saxon. Ce faisant, le choix ne s’est pas porté sur un mécanisme, mais sur un ensem-ble de mesures tant dans la sécurité sociale (par des allocations complémentairespour bas salaires (à temps plein)), dans les cotisations sociales (du fait de réductionde la cotisation du travailleur pour bas salaire) que dans la fiscalité (en particulierpar l’institution du crédit d’impôts). L’impact global des différentes mesures a rendule travail faiblement rémunéré financièrement plus intéressant pour toutes les caté-gories. Depuis 2000, aucun type de ménage ne subit encore de préjudice lorsqu’audépart des allocations de chômage les plus élevées, il accepte un emploi à bas salai-re. Le gain net réalisé sur le plan des revenus à la suite de l’acceptation d’un emploià temps plein au salaire minimum sera de quelque 2.800 FB à 8.300 FB plus élevéqu’avant ces réformes (pour respectivement un isolé avec allocation de chômageminimale et une famille monoparentale avec une allocation de chômage maximale).L’impact des réformes est le plus substantiel pour les catégories confrontées aupiège financier le plus extrême, à savoir les familles monoparentales et les couples àun seul revenu qui passent d’une allocation de chômage maximale à un travail àtemps plein au salaire minimum. Pour les familles monoparentales, dans cette situ-ation, le piège financier a été réduit de 16 points de pourcentage (ce qui représenteune progression de 8.300 FB par mois par rapport à la situation en 1999) ; pour leschefs de ménage avec charge d’enfants, de 10 points de pourcentage (une améliora-tion de 7.400 FB par mois par rapport à 1999). Mais également les catégories quin’étaient pas confrontées à un piège financier (isolés, couples à un seul revenu dansl’aide sociale) ou ne l’étaient que dans une moindre mesure (ménage à deux reve-nus) voient s’améliorer leur situation en cas de travail faiblement rémunéré parceque l’ensemble des mesures n’a pas été exclusivement axé sur les groupes con-frontés aux pièges financiers les plus importants. Les réformes n’ont toutefoisexercé que peu d’influence sur les ménages de chômeurs à deux revenus avec char-ge d’enfants qui souhaitent travailler à temps partiel. Pour ce groupe, nous avonsencore et toujours des taux de remplacement supérieurs à plus de 90%.

6. Dans le modèle social continental européen, l’octroi de subsides à des travail-leurs faiblement rémunérés constitue une manière de repenser la sécurité sociale,la (para)fiscalité et la fixation des salaires (minimaux). Les systèmes qui octroientdes subsides ou des allocations aux travailleurs sont plutôt étrangers à l’Etat provi-dence continental avec des salaires (minimaux) relativement élevés. Dans les paysanglo-saxons où les marchés de l’emploi sont fortement dérégulés et où persiste unproblème de travailleurs pauvres (‘working poor’) les ‘in-work benefits’ pour per-sonnes faiblement rémunérées existent déjà depuis nettement plus longtemps.Le « Working Families Tax Credit” (WFTC) au Royaume-Uni et l’‘‘Earned Income TaxCredit’’ (EITC) aux Etats-Unis se sont développés jusqu’à la source la plus importan-te de protection sociale pour actifs. Grâce aux subsides accordés au travail faible-ment rémunéré, l’on vise tout à la fois à rendre financièrement plus attractifs lesemplois au bas de l’échelle du marché du travail et à améliorer la prospérité despersonnes faiblement rémunérées (surtout des ménages à un seul revenu). De cettemanière, le difficile échange (‘‘trade-off”) entre protection du revenu (justice) et sti-mulants financiers (efficacité) peut être surmonté. C’est également la seule voie en

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direction d’amélioration ultérieure et nécessaire de la protection des revenus mini-maux. La subsidiation du revenu des personnes faiblement rémunérées permet enoutre de réduire le poids du salaire minimum brut en tant qu’instrument pour unepolitique salariale égalitaire. La stratégie (résidant en une augmentation régulière)du salaire minimum brut devient toujours plus problématique dans un contexte demodération salariale (sous l’influence de la concurrence internationale plus rude) etd’un piège à la productivité accru (sous l’influence du coin salarial) qui risquent decontinuer à pousser les chômeurs structurels et les personnes faiblement qualifiéesdu marché du travail.

7. La littérature relative à l’évaluation des ‘in-work benefits’ entraîne une série decontroverses importantes. En premier lieu, la politique doit toujours procéder à despondérations en matière d’efficacité des coûts. ‘In-work benefits’ semblent exercerun effet positif sur la participation au travail à condition que leur étendue soit sub-stantielle. Les systèmes plus sélectifs ont l’avantage de pouvoir utiliser les moyensde manière plus ciblée pour les catégories qui sont les plus menacées par les fac-teurs financiers dissuasifs et une (trop) faible protection de leur bas revenu. AuxEtats-Unis et au Royaume-Uni, cette protection est organisée autour d’une sélectivitédes revenus (subsides salariaux en fonction d’une enquête sur les moyens d’existen-ce) pour les familles ne bénéficiant que d’un modeste revenu du travail. En Belgi-que, cette protection est basée sur la sélectivité catégorielle dans la sécurité socialeaxée sur les ménages à un seul revenu au chômage avec enfants et par une réduc-tion des charges (para)fiscale individuelle pour les bas salaires. L’inconvénient detelles mesures individuelles réside dans leur coût et dans des considérations budgé-taires, vu qu’elles sont très souvent d’une portée modérée. Les systèmes sélectifs,cependant, présentent, à leur tour, un certain nombre d’inconvénients importants :par exemple, des effets d’offre d’emplois négatifs pour partenaires, des effets quantà l’accession au droit (« entitlement ») et des tensions entre bénéficiaires et exclus(« insider-outsider ») (avec des conséquences en matière de légitimité). En deuxièmelieu, les ‘in-work benefits’ génèrent quelques risques en matière de bas salaires(piège au bas salaire). La mobilité verticale des travailleurs subsidiés est freinéeparce que gagner plus (à partir d’un certain niveau de revenus) est puni de fait. Si letravail à bas salaire est rendu relativement attractif sur le plan financier par l’aidefinancière complémentaire, les travailleurs subsidiés seront moins motivés à passerdans un emploi non subsidié ou à obtenir une promotion. Il nous reste encore à évo-quer le risque de l’érosion du salaire. Les employeurs sont encouragés à maintenirles salaires à un bas niveau, parce que le pouvoir qui subsidie accorde un complé-ment de revenu au ménage. D’où la conservation d’un niveau plancher dans la fixa-tion des salaires reste essentielle pour éviter une érosion de bas salaires (OCDE,2000). Une économie des bas salaires démotiverait les employeurs et les travailleursà investir dans une formation ultérieure et dans l’augmentation du potentiel de gain.En guise d’indication d’un piège du bas salaire, il est souvent fait référence au pro-blème des ‘working poor’ (travailleurs pauvres) aux Etats-Unis. Mais reste à savoir sice phénomène est causé par les subsides salariaux ou s’il en est la conséquence. Les‘in-work benefits’ ont précisément été développés dans le système anglo-saxon en

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guise de correctif social à la dominance du marché. D’un point de vue empirique,nous ne savons encore que très peu sur l’impact des subsides salariaux sur la fixa-tion des salaires et sur l’acquisition de compétences. Pour éviter que les subsides du(coût du) travail ne freinent la mobilité verticale, il faut en tous cas que leur octroisoit davantage associé à des stimuli de formation et de formation permanente ; enoutre, il convient d’en surveiller le caractère non permanent. Enfin, l’efficacité desstimulants financiers reste largement déterminée par des conditions connexesimportantes telles la croissance des emplois (et un climat économique positif) etpar des dispositifs de soutien de l’offre (facilités de garde des enfants, possibilitésde placement, formation à l’embauche).

8. En fin de compte, le problème des pièges à l’emploi reste une question empiri-que. A cet égard, les études existantes ne fournissent pas d’explication sur la maniè-re dont l’offre (hétérogène) de travail réagit précisément aux facteurs de stimulationfinancière (dissuasifs). C’est pourquoi une politique d’activation ne peut pas simple-ment être dirigée sur une amélioration des stimulants financiers. Dans les considéra-tions qui entrent en ligne de compte dans le choix entre l’allocation et le travailinterviennent encore beaucoup d’autres facteurs (y compris non économiques) quele simple rapport financier du travail. Une politique de l’emploi socialement efficaceaxée sur une plus grande employabilité doit par conséquent également viser unesurveillance de la qualité du travail et des conditions de travail, une amélioration dela combinaison famille-travail par des horaires de travail favorables à la vie familialeet un investissement dans des dépenses de soins (financièrement abordables etaccessibles), un investissement dans des formations (adaptées) et dans l’accompa-gnement des chômeurs, une amélioration de la qualité des transports et un plusgrand contrôle sur les abus des allocations afin de pouvoir garantir des allocationsdécentes. Une politique d’activation n’est par conséquent pas une solution bonmarché et exigera plutôt plus de dépenses sociales que moins. Elle requiert d’autrepart une organisation d’exécution qui ne soit pas simplement axée sur l’octroi d’al-locations mais sur des investissements sociaux.

Une politique en faveur de l’emploi ne peut aussi que difficilement constituer unealternative à une stratégie des revenus socialement efficace. Un filet de sécurité biendéveloppé auquel sont affectés suffisamment de moyens pour ceux qui, malgrétoute la croissance de l’emploi et l’activation, restent exclus du travail, reste unecondition indispensable pour conserver un faible taux de pauvreté. La sécuritésociale doit également continuer à jouer son rôle dans l’Etat social actif comme l’undes instruments les plus importants de prévention de la pauvreté.

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ANNEXE 1 : EVOLUTION REELLE DES ALLOCATIONS MINIMALES ET MAXIMALES DE SECURITESOCIALE, BELGIQUE, 1970-2001 (EN PRIX DE 2001).

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

ANNEXE 1 : EVOLUTION REELLE DES ALLOCATIONS MINIMALES ET MAXIMALES DE SECURITESOCIALE, BELGIQUE, 1970-2001 (EN PRIX DE 2001).

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invaliditeitsuitkeringen

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

ANNEXE 4 : L’EVOLUTION REELLE DU SALAIRE MINIMUM INTERPROFESSIONNEL (EN PRIX DE2001) 1975-2001 ET EVOLUTION RELATIVE EN % DU REVENU DU MENAGE STANDARDISE 1985-1997.

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STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE ...

TABLE DES MATIERES

STIMULANTS FINANCIERS ET TRAVAIL FAIBLEMENT REMUNERE. L’IMPACTDES REFORMES DE LA SECURITE SOCIALE ET DE LA FISCALITE SUR LE PIEGEA L’EMPLOI EN BELGIQUE

INTRODUCTION 619

1. DEGRE DE DEPENDANCE AUX PRESTATIONS SOCIALES ET ROLE DESINSTITUTIONS DE L’ETAT PROVIDENCE 620

2. DETERMINANTS DU GLISSEMENT DE L’ETAT PROVIDENCE PASSIF VERSL’ETAT SOCIAL ACTIF 627

2.1. EVOLUTION DU MARCHE DE L’EMPLOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6292.2. LE PARADIGME DE « L’ETAT SOCIAL ACTIF » . . . . . . . . . . . . . . . . . 6302.3. UNE DYNAMIQUE EUROPEENNE PLUS TONIQUE . . . . . . . . . . . . . . . 6302.4. DEVELOPPEMENTS RELATIFS A LA SITUATION FINANCIERE . . . . . . . . . . . . 630

3. LA PROBLEMATIQUE DU PIEGE A L’EMPLOI 633

3.1. PIEGE A L’EMPLOI OPPOSE A PIEGE FINANCIER . . . . . . . . . . . . . . . 6333.2. MESURES DES PIEGES FINANCIERS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 634

4. PIEGES FINANCIERS DANS LES ANNEES QUATRE-VINGT-DIX POURLA BELGIQUE 639

4.1. HYPOTHESES DES SIMULATIONS STANDARD . . . . . . . . . . . . . . . . . 6394.2. RESULTATS DES SIMULATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6414.3. EVOLUTION DES PIEGES A L’EMPLOI 1989-1999 . . . . . . . . . . . . . . . 652

5. L’IMPACT DES REFORMES FISCALES ET DE SECURITE SOCIALE SUR LAREDUCTION DES PIEGES A L’EMPLOI 662

5.1. ALLOCATIONS COMPLEMENTAIRES DE SECURITE SOCIALE POUR TRAVAILLEURS . . . 6675.2. LA DIMINUTION SELECTIVE DES COTISATIONS SOCIALES DU TRAVAILLEUR POUR BAS

SALAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6705.3. LA REFORME DE L’IMPOT SUR LES PERSONNES PHYSIQUES ET L’INTRODUCTION D’UN

CREDIT D’IMPOTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 671

6. ENSEIGNEMENTS PAR RAPPORT AUX ‘IN-WORK BENEFITS’ 679

7. RESUME ET CONSIDERATIONS EN MATIERE DE POLITIQUE A SUIVRE 683

BIBLIOGRAPHIE 688

ANNEXES 694701

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LETRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX : UNE ANALYSE DE CLASSIFICATION DES PUBLICSCIBLES EN TERME DE CARACTERISTIQUESINDIVIDUELLES ET DE TAUX D’INSERTION

PAR A.C. D’ADDIO* et A. PINXTEREN** ***

* CERISIS, IRES-Université Catholique de Louvain** Cellule Economie Sociale, Ministère fédéral des Affaires Sociales, de la Santé publique et de l’Environnement*** Cette recherche a été possible grâce au soutien des SSTC. Les auteurs remercient Marthe Nyssens pour les com-mentaires reçus ainsi que l’HIVA et le CERISIS pour la mise à disposition des données

1. INTRODUCTION

Depuis les années 70, les économies occidentales sont confrontées à un importantchômage structurel. La Belgique, loin d’être épargnée par ce fléau, connaît encoreces dernières années un taux de chômage de plus de 9 % (1). Conséquences decette dégradation, des situations d’exclusion ou des risques élevés d’exclusion semultiplient. Face à ces problèmes, les politiques publiques se sont orientées toutd’abord vers des dispositifs dit « passifs » visant souvent à l’indemnisation desdemandeurs d’emploi.

Cependant, dans une société où l’intégration sociale se réalise largement par le tra-vail salarié, où l’emploi, plus qu’une source de revenu, confère une reconnaissancesociale, l’exclusion du marché du travail ne peut pas être acceptée.

Révélant les limites d’une politique passive d’indemnisation, cette observation aconfirmé la nécessité d’aller au-delà et de développer un dispositif de dépenses dites« actives » associées à des politiques qui visent l’insertion des exclus du système.

Parallèlement aux politiques publiques, des initiatives « locales » d’insertion parl’économique, ont vu le jour et ont progressivement été légitimées par les autorités.De par leurs finalités et leurs structures associatives et coopératives, ces initiativess’inscrivent dans le cadre général de l’économie sociale dont la finalité première estle service aux membres ou à la collectivité et non le profit et ce sur base associative,citoyenne, autonome par rapport aux pouvoirs publics et aux entreprises privées.

(1) Taux de chômage harmonisé : Nombre de demandeurs d’emploi en pourcentage de la populationactive.

703

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Depuis les années 1980, se sont multipliées les initiatives d’économie sociale quivisent la réinsertion socio-professionnelle d’un public fragilisé via une activité pro-ductive.

Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes intéressés plus particulièrement àdeux dispositifs émanant de cette “économie sociale d’insertion”. Le premier estapparu en Wallonie à la fin des années 1980. Il s’agit des Entreprises de Formationpar le Travail (EFT). Ces entreprises, tout en développant une activité productive,s’adressent à des individus (et plus particulièrement à des jeunes) très peu qualifiés.Les EFT ont pour objectif de leur procurer une formation par le travail durant untemps déterminé afin qu’ils puissent, à leur sortie, intégrer ou réintégrer le marchédu travail.

Le second dispositif trouve son origine en Flandre au début des années 1980 : il s’a-git des Ateliers Sociaux (Sociale Werkplaatsen). Ces initiatives visent la créationd’emplois pour des demandeurs d’emploi peu qualifiés dans un environnementsocioprofessionnel protégé.

Les Entreprises de Formation par le Travail et les Ateliers Sociaux se caractérisentpar des fondements légaux, des objectifs, des structures (de fonctionnement et definancement) divergents et s’adressent un public inactif et peu qualifié, tentant del’insérer ou de le réinsérer socio-professionnellement en fournissant une formationpar le travail (EFT) ou en procurant un emploi (atelier social). Conscients de ces dif-férences, notre objectif dans cette étude est de comparer le profil des publics fré-quentant ces dispositifs et leur trajectoire socio-professionnelle. Pour ce faire, aprèsune brève description des deux initiatives, nous dépeindrons dans un premiertemps, grâce aux bases de données (2) disponibles, les caractéristiques observéesdes participants aux deux politiques. Nous pourrons ainsi non seulement comparerles publics effectifs de chaque politique mais aussi confronter ceux-ci aux publicsvisés par les bases légales respectives. Ceci fournira une indication quant à la réali-sation d’un objectif prioritaire des politiques actives, à savoir, toucher un publicinactif et peu qualifié. Une fois les variables définies, l’utilisation d’une méthode declassification (ou de « cluster ») permettra ensuite de regrouper les individus présen-tant les mêmes profils en classes homogènes. Sur base de ces groupes, il sera inté-ressant de comparer le positionnement sur le marché du travail d’un même type depublic. A cette fin, nous utiliserons le taux d’insertion comme indicateur des trajec-toires des bénéficiaires. Ces initiatives s’inscrivent dans des contextes différents : laFlandre et la Wallonie. C’est pourquoi, avant de passer à cette analyse, nous présen-tons quelques traits saillants des marchés du travail flamand et wallon.

(2) La base de données EFT a été constituée par le Centre de Recherche Interdisciplinaire pour laSolidarité et l’Innovation Sociale (CERISIS-UCL) (Lefèvre, 2001,a). Les informations relatives au publicdes Ateliers Sociaux ont quant à elles été recueillies par le Hoger Insituut voor de Arbeid (HIVA).

704

Page 142: RBSS numéro 4/2002

ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

2. LE MARCHE DU TRAVAIL EN FLANDRE ET EN WALLONIE

Tout comme les autres pays appartenant à la zone « euro », la Belgique a connu aucours des années 1999 et 2000 une croissance plus rapide que prévue. Ce climatéconomique favorable a aussi influencé le marché du travail : de 1995 à 2000l’emploi intérieur a progressé continuellement.

Malgré cette tendance (Ministère de l’Emploi et du Travail (MET), 2001), en 1999, letaux d’emploi total en Belgique était inférieur à la moyenne de l’Union et des troisprincipaux pays voisins. Nous le savons, ce taux d’emploi relativement bas est impu-table aux faibles taux d’emploi des jeunes, des femmes à partir de 40 ans et despersonnes de plus de 50 ans, surtout chez les peu qualifiés appartenant à ces grou-pes à risque. Des différences remarquables apparaissent entre les différentesRégions en termes de taux de chômage, d’inactivité et d’emploi (voir tableau 1 etgraphique 1).

TABLEAU 1 : INDICATEURS DU MARCHE DU TRAVAIL (SOURCE MET, 2001)

Taux d’activité, taux d’emploi et taux de chômage au 30 juin 1999(hommes + femmes, en %)

Indicateurs Bruxelles Flandre Wallonie Royaume

Taux d’activité 64,4 65,1 65,2 65,2

Taux d’emploi 53,0 60,6 54,7 58,1

Taux de chômage 17,7 6,9 16,2 10,9

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Page 143: RBSS numéro 4/2002

REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

FIGURE 1 : TAUX D’EMPLOI DANS LES DIFFERENTES REGIONS BELGES : VENTILATION PAR SEXE ETCATEGORIES D’AGE (SOURCE : MET, 2001)

HOMMES : TOTAL :

FEMMES :

Pour les jeunes, entre autres, il résulte (MET, 2001) que la Flandre approche le résul-tat de l’UE et des trois pays voisins (Fig. 2) : environ un jeune sur trois est occupédans cette Région. En Wallonie et à Bruxelles la situation est différente : un jeunesur cinq seulement a un emploi, ce qui est bien loin du résultat moyen pour l’UE(voir MET, 2001). Dans ces Régions également, un nombre relativement élevé dejeunes ayant suivi des études supérieures (respectivement 33 et 43 % en Wallonie età Bruxelles), coexiste avec une proportion élevée de personnes peu qualifiées. Envi-ron 30 % des personnes appartenant à ce groupe d’âge n’ont tout au plus qu’undiplôme de l’enseignement secondaire inférieur (MET, 2001).

706

Page 144: RBSS numéro 4/2002

ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

FIGURE 2 : VENTILATION, PAR STATUT PROFESSIONNEL, DE LA POPULATION AGEE DE 15 A 24ANS DANS LES TROIS REGIONS BELGES (SOURCE : MET, 2001)

Les causes de l’inactivité des jeunes âgés de 15 à 24 ans ne doivent pas êtrerecherchées uniquement dans la plus longue durée des études à temps plein. Selonle MET (2001) « le taux de chômage des 20-24 ans, exprimé en pourcentage dugroupe démographique correspondant, s’élève d’ailleurs dans ces deux Régions àplus du double de celui de la Flandre…. En Wallonie et à Bruxelles, quelque 65 %des personnes peu qualifiées de 20 à 24 ans n’ont pas d’emploi (jusqu’à 75 et 71 %,respectivement, chez les femmes). En Flandre, ces pourcentages atteignent respecti-vement 38 et 54 %. »

De plus, il semblerait qu’en Wallonie et à Bruxelles, respectivement 40 à 45 % desjeunes peu qualifiés ne travaillent pas et ne cherchent pas d’emploi (50 % en ce quiconcerne les femmes). En Flandre, le pourcentage correspondant s’élève à 24 %environ, et à plus de 35 % chez les femmes.

Le graphique 3 ci-dessous souligne les différences régionales en matière de tauxd’emploi pour les différentes catégories d’âges.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

FIGURE 3 : TAUX D’EMPLOI EN BELGIQUE ET DANS LES REGIONS : VENTILATION PAR SEXE ETNIVEAU DE QUALIFICATIONS (SOURCE, MET 2001)

Toutefois, comme souligné dans Van der Linden (2000), cette connotation de « peuqualifié » est un peu réductrice. Il existe en effet des groupes fragilisés sur le marchéde l’emploi mais cela n’est pas uniquement lié au manque de qualifications. D’autresfacteurs comme l’appartenance à certaines catégories démographiques ainsi que lalocalisation géographique sont très importants à cet égard (Nyssens, 2002).

L’inadéquation des qualifications aux exigences des nouvelles technologies et auxbesoins de la production est certainement un élément contribuant lourdement à ladynamique du chômage, mais il n’est toutefois pas (malheureusement) le seul. Agir

708

Catégorie d’âge 25-49 Catégorie d’âge 50-64BELGIQUE

FLANDRE

WALLONIE

BRUXELLES

Hommes Femmes

Peuqualifiés

Moyennementqualifiés

Trèsqualifiés

Total

Peuqualifiés

Moyennementqualifiés

Trèsqualifiés

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Peuqualifiés

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Moyennementqualifiés

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

sur les compétences des individus par le biais de programmes de formation peutcontribuer à combattre une partie du chômage. Mais, l’appartenance au groupe des“moins qualifiés” semble être plutôt la résultante de mécanismes complexes qui nepeuvent être réduits à la seule dimension de la formation.

Les politiques qui sont souvent mises en avant pour les aider à (re-)intégrer lemarché de l’emploi sont des politiques de formation et d’emploi. A côte de celles-ci,des initiatives au niveau décentralisé ont vu le jour. Parmi celles-ci nous nous focali-serons dans cette étude sur les Entreprises de Formation par le Travail et les AteliersSociaux.

3. LES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL (EFT) ET LES ATELIERS SOCIAUX (3)

3.1. LES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL

3.1.1. Origine L’origine des Entreprises de Formation par le Travail (EFT) remonte au début desannées 1980 où elles sont apparues à la fois : dans le secteur hébergement de la pro-tection de la jeunesse, comme réponse aux questions d’orientation professionnelle etde formation des jeunes; dans des associations privées confrontées à des publics trèsmarginalisés, comme possibilité d’insertion; dans le milieu de l’éducation permanen-te lié au mouvement ouvrier, sous forme d’actions intégrées de développement.

Progressivement, l’ensemble du secteur s’est structuré et organisé de façon à ce queles pouvoirs publics légifèrent et dégagent des moyens. Ainsi, les rencontres et né-gociations de 1985 et 1986 débouchèrent, en janvier 1987, sur un arrêté de l’Exécu-tif de la Communauté française en matière d’entreprises d’apprentissage profession-nel (EAP). Quelques mois plus tard celui-ci était englobé dans un décret plus largeportant sur l’ensemble de l’insertion socioprofessionnelle et de la formation conti-nue. Le contenu fort étendu du décret eut pour conséquence de faire coexister dansun même cadre législatif des EAP et des organismes d’insertion socioprofessionnelle(OISP), notion qui recouvre un ensemble d’initiatives beaucoup plus large. La néces-sité se fit alors sentir d’éclaircir la situation. L’arrêté d’avril 1995 réalisa cette clarifi-cation et créa la notion d’EFT, et par là-même, entérina la disparition des EAP. Unesoixantaine de centres se sont rapidement constitués. Ils ont souhaité travaillerensemble et échanger leurs expériences respectives, ce qui a abouti à la création defédérations au sein desquelles la coordination s’opère dans un cadre où chacun peutconserver ses options philosophiques, pédagogiques et économiques. Les fédéra-tions sont au nombre de quatre : AID, ALEAP, CAIPS, ACFI (4).

(3) Cette partie est basée sur Pinxteren (2001)(4) AID : Réseau constitué d’OISP et d’EFT en Wallonie et à Bruxelles ainsi que de centres de forma-tion professionnelle. Ce réseau s’élargit aux sociétés à finalité sociale ; ALEAP : Fédération pluralisted’EFT et d’OISP agréées par la Région wallonne. ; CAIPS : Fédération d’EFT, OISP et Entreprises d’in-sertion agréée par la Région wallonne ; ACFI : Actions Coordonnées de Formations et d’Insertionsociale et professionnelle.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Dans un second temps, le secteur tout entier a voulu se concerter à partir de sesexpériences communes afin de promouvoir le concept d’EFT. Une inter-fédérationest née de cette concertation. Elle constitue pour les pouvoirs publics et les diversintervenants sociaux et économiques un interlocuteur incontournable.

On dénombre 55 EFT agréées actuellement, formant près de 2000 stagiaires en per-manence et nécessitant près de 700 emplois d’encadrement.

3.1.2. Cadre légalIl s’agit de l’Arrêté du Gouvernement wallon du 06/04/1995 relatif à l’agrément desEFT (M.B. 14/07/1995) modifié par l’Arrêté du Gouvernement wallon du 18/11/1999(M.B. 01/12/1999).

3.1.3. Description et philosophie de la mesure (5)Les EFT ont pour mission d’assurer une formation à des personnes connaissant desdifficultés sociales et, de ce fait, sur la voie de l’exclusion.

Orientées vers les jeunes en rupture scolaire, les EFT veulent répondre à un besoinet à une demande de formation de leur part.

A cet effet, la pédagogie développée par les EFT se veut novatrice et repose sur uneinteraction entre apprentissages théoriques et apprentissages pratiques, réalisés surle lieu de travail. De plus, cette pédagogie est complétée par un accompagnementpsychosocial des stagiaires.

Les EFT ont donc misé sur la capacité formatrice des activités productives et écono-miques. De ce fait, elles œuvrent dans le champ économique au sens strict, puisquela plupart des EFT ont une activité de production (pas toujours commercialisée),participent à une chaîne économique, dégagent un chiffre d’affaires. La formationproposée a pour finalité le passage des stagiaires vers le marché régulier du travailou vers une autre formation professionnelle. (Arrêté du 06/04/1995, art. 3)

Les EFT sont tenues d’assurer un minimum de 8 000 heures de formation par an, surl’ensemble des stagiaires. Le programme de formation suivi par chaque stagiaire doitcomporter un minimum de 300 heures par an et doit s’étendre, au maximum, surune période de 18 mois de formation effective. (art. 7)

(5) En ce qui concerne les subventions dont les EFT bénéficient nous renvoyons le lecteur à Pinxte-ren (2001).

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

3.1.4. Statut et agrémentLes EFT doivent avoir le statut d’association sans but lucratif (ASBL) ou être orga-nisées par un centre public d’aide sociale (CPAS) (6) (art. 8).

Le ministre chargé de la formation professionnelle se prononce sur la demanded’agrément après avoir pris connaissance de l’avis motivé de la Commission d’agré-ment des entreprises de formation par le travail.

La demande d’agrément est subordonnée à l’exercice d’une activité de formationpar le travail en Région wallonne depuis un an au moins.

Cependant, tout organisme qui exerce ou se propose d’exercer des activités répon-dant aux conditions précitées peut solliciter, avant même d’avoir fonctionné uneannée, une autorisation de fonctionnement provisoire.

L’agrément est accordé pour une période de trois ans renouvelable. (art. 12)

3.1.5. Public visé par la base légaleLe groupe cible est constitué essentiellement de jeunes en décrochage scolaire. Ils’agit d’un groupe à risque élevé de chômage, qui exige une formation profession-nelle, parce que l’école n’est pas parvenue à la lui fournir, en raison d’une mauvaiseorientation ou du fait qu’il ne trouve pas de travail.

Concrètement, cela signifie que le statut de ces personnes doit correspondre auxconditions suivantes :

Public de moins de 26 ans (art. 4) :– Ne plus être en obligation scolaire (être donc âgé de plus de 18 ans) ;– Ne pas être porteur, au moment de l’admission, du certificat d’enseignement

secondaire inférieur (CESI émis jusqu’en juin 1997) ou du certificat d’enseigne-ment secondaire du deuxième degré (CESS), émis à partir de juin 1998, ni d’untitre équivalent ;

– Ne pas être inscrit dans un établissement d’enseignement de plein temps (7).

L’EFT peut accueillir également des stagiaires âgés de plus de 25 ans, pour autantqu’ils ne soient pas porteurs du CESI (ou du CESS), ou d’un titre équivalent.

(6) Dans le cas où les EFT seraient organisées par un CPAS, on ne parlera plus d’initiatives d’écono-mie sociale étant donné l’absence d’autonomie de gestion par rapport aux pouvoirs publics.(7) Le CESI est octroyé au terme de la 3ème année de l’enseignement général et technique et auterme de la 4ème année de l’enseignement professionnel. Le certificat d’enseignement secondairesupérieur (CESS) est octroyé au terme de la 6ème année du secondaire technique et général et auterme de la 7ème année de secondaire professionnel.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Ces personnes doivent en outre remplir une des conditions suivantes (art. 5) : – Avoir, au moment de leur admission, la qualité de bénéficiaire du minimum des

moyens d’existence (minimex) ou être sans ressources ;– Compter au moins un jour de chômage ;– Réintégrer le marché de l’emploi c.-à-d. être un demandeur d’emploi n’ayant pas

exercé d’activité professionnelle pour raison familiale (éducation des enfants,garde d’un parent malade) pendant les trois années précédant la réinsertion, touten n’ayant perçu, au cours de cette période, aucune allocation de chômage, d’at-tente ou d’interruption.

Leur admission a lieu dans les limites prévues par une convention conclue à ceteffet avec le FOREM (Office communautaire et régional de la formation profession-nelle et de l’emploi). La loi prévoit en outre que l’EFT peut être autorisée à accueillirdes stagiaires qui ne répondent pas à certaines des conditions imposées pour autantqu’ils ne représentent pas plus de 20 % du total des stagiaires admis dans chaqueEFT.

3.2. LES ATELIERS SOCIAUX (SOCIALE WERKPLAATSEN)

3.2.1. OrigineLes premiers Ateliers Sociaux (AS) observés datent du début des années 1980. Laphilosophie fut toujours celle de la réintégration, grâce au travail, de demandeursd’emploi peu qualifiés.

Le premier cadre légal relatif aux AS a pour origine la note gouvernementale flaman-de du 20 juillet 1994, portant sur la définition d’un cadre expérimental pour les AS.Ces derniers étaient alors vus comme une alternative aux ateliers protégés.

Un décret vint ancrer, le 14 juillet 1998, l’expérience des AS dans un cadre légaldéfinitif.

Actuellement, on dénombre 85 ateliers sociaux actifs en Flandre, occupant 2 000personnes à plein temps, appartenant au groupe cible, et encadrées par près de 340personnes (8).

3.2.2. Cadre légal

Décret de la Région flamande du 14 juillet 1998 concernant les ateliers sociaux(M.B. 02/09/1998).

(8) Source: Samenwerkingsverband Sociale Tewerkstelling (SST)

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

Arrêté du Gouvernement flamand du 8 décembre 1998 visant l’exécution dudécret susmentionné (M.B. 23/02/1999).

Arrêté du Gouvernement flamand du 27 octobre 1993 visant la généralisation dusystème de contractuels subsidiés.

3.2.3. Description et philosophie de la mesure (9)Les AS sont des initiatives qui ont pour objectif de procurer un travail durable auxdemandeurs d’emploi les plus précarisés, dans un environnement professionnelprotégé, sans pour autant décourager ou exclure toute possibilité de réintégrer lecircuit économique normal. Cet objectif doit être atteint via la mise sur pied d’uneactivité entreprenariale caractérisée par l’adaptation du type de travail aux possibi-lités du travailleur et par son accompagnement social. (Décret 14/07/1998, art. 3)

Les AS optent pour des activités d’utilité collective qui, bien que délaissées par lecircuit économique classique, ne sont pas dépourvues de sens et peuvent générerdes recettes. Ils couvrent des secteurs d’activités variés tels que le travail administra-tif, l’artisanat, la construction, les services aux personnes, le secteur Horeca, les acti-vités de recyclage, l’agriculture biologique, etc.

D’une manière générale, les AS choisissent une activité intensive en main-d’œuvre etpossédant une plus-value sociale ou environnementale (Mertens et Simon , 1997).

3.2.4. Statut et agrémentSeules des ASBL spécifiquement constituées à cette fin peuvent être reconnues entant qu’ateliers sociaux. Pour ce faire, et afin de bénéficier de subsides, elles doiventrépondre aux conditions suivantes :

Créer un climat d’entreprise adapté aux priorités des travailleurs du groupe cibleet posséder des capacités de financement propres ;

Exercer une activité qui ne perturbe pas les prix du marché ;

Engager exclusivement des travailleurs appartenant au groupe cible ;

Prévoir un encadrement correspondant au minimum à un équivalent temps pleinpour cinq travailleurs du groupe cible ;

A chaque embauche, réaliser un plan individuel de formation ;

(9) En ce qui concerne les subventions pour ces mesures nous renvoyons le lecteur à Pinxteren(2001).

713

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Réaliser l’effort suffisant permettant, à terme, l’insertion sur le marché du travaildes travailleurs du groupe cible.

Cet agrément est en principe accordé par le ministre flamand compétent en lamatière, pour une période de quatre ans renouvelable.

L’atelier social agréé sera évalué annuellement sur base des critères d’agrément pré-cités.

3.2.5. Public visé par la base légaleLe groupe cible est constitué de demandeurs d’emploi très peu qualifiés qui ne trou-vent ni ne conservent une place sur le marché régulier du travail depuis un tempsconsidérable, mais qui sont en état de travailler.

Dans le décret d’exécution, le groupe cible est décrit comme étant composéde « demandeurs d’emploi qui, en raison d’une accumulation de facteurs personnelset contextuels, ne peuvent trouver ou conserver une place sur le marché régulier dutravail ». (art. 15)

De plus, les bénéficiaires de la mesure doivent répondre aux conditions suivantes :

Etre inactif depuis 5 ans, sans interruption ;

Etre peu scolarisé (disposer au maximum d’un diplôme du secondaire inférieur,du secondaire supérieur spécialisé ou du secondaire supérieur professionnel) ;

Avoir des difficultés au point de vue social, physique ou psychique ;

Etre inscrit au VDAB (Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsoplei-ding - Service flamand de placement et de formation professionnelle) en qualité dedemandeur d’emploi.

Des exceptions motivées concernant le niveau du diplôme peuvent être envisagées.

Les personnes ne peuvent être orientées vers des ateliers sociaux que par l’interven-tion du VDAB et seulement si elles ont épuisé tous les autres recours possibles afinde trouver une place sur le marché régulier du travail. (art 10)

Le travail en atelier social doit être partie intégrante d’un projet individuel de réin-sertion. (art. 11)

714

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

4. LA METHODOLOGIE

4.1. INTRODUCTIONCette étude vise d’une part à comparer l’évolution des situations socioprofessionnel-les des individus en Entreprise de Formation par le Travail ou en Ateliers Sociaux etd’autre part, le taux d’insertion résultant de ces mesures.

Afin de réaliser cette comparaison de manière adéquate, il convient d’utiliser unetechnique permettant de rassembler les individus présentant les mêmes caractéristi-ques : la méthode de classification. Elle permettra précisément de regrouper les indi-vidus présentant des caractéristiques proches en classes les plus homogènes possi-bles.

La méthodologie utilisée en vue de la comparaison des taux d’insertion sera illustréeultérieurement étant donné qu’elle est strictement liée aux données disponibles.

La méthode d’évaluation utilisée repose sur l’analyse des données relatives auxbénéficiaires des politiques actives. Ceci soulève le problème des biais de sélection.

Leur origine conceptuelle est double. Ils résultent soit des comportements des béné-ficiaires, soit des comportements des initiateurs de l’action (de la politique active)(Van der Linden, 2000).

Le premier type de biais peut découler des comportements des bénéficiaires de lamesure et plus particulièrement de l’hypothèse que « la participation à une actionest en partie la résultante d’une décision, d’une démarche de choix dubénéficiaire » (cf. Van der Linden, 2000). Ainsi, les personnes « qui estiment avoirdes chances de tirer profit d’une action seront plus nombreuses à poser leur candi-dature et à aller jusqu’au bout du programme que les personnes qui pensent ne paspouvoir en tirer profit ». Les facteurs influençant la participation sont tantôt observa-bles (âge, sexe, diplôme etc.), tantôt inobservables (la motivation, le sérieux, la con-fiance en soi, etc.) par l’évaluateur. Ils seront aussi « vraisemblablement associés(positivement ou négativement) à la probabilité » de s’insérer sur le marché du tra-vail et ce « même en l’absence de l’action ».

Quant aux comportements de sélection par les initiateurs de l’action, il faut remar-quer que, dans la mesure où ils/elles « procèdent à une sélection parmi les candi-dats, il est plausible qu’ils privilégieront les meilleurs candidats » par souci d’obtenirde bons résultats. La sélection, à l’instar de la participation, s’opère « sur des caracté-ristiques observables et dès lors contrôlables mais aussi sur des caractéristiques non-observables ». Le taux de réussite de la mesure, le taux d’insertion, peut alors aussibien « découler de l’écrémage lors de la sélection que de l’effet intrinsèque de l’ac-tion en question ».

715

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Par conséquent, le taux d’insertion calculé sera sujet à caution. Il pourra relever del’efficacité intrinsèque de la mesure comme il pourra être le fruit des caractéristi-ques individuelles des participants corrélées positivement ou négativement avecleur chance d’insertion (où par « efficacité » on entend la réalisation des objectifsvisés par une action ). Plus particulièrement, les biais de sélection induits par les fac-teurs non observables inciteront à la prudence lors de l’interprétation des résultats.

4.2. LA CLASSIFICATIONLes méthodes dites de classification ont pour but de regrouper les individus en unnombre restreint de classes homogènes. Il s’agit donc de décrire les données enprocédant à une réduction du nombre des individus. Cette classification est automa-tique dans le sens où les classes sont obtenues au moyen d’un algorithme formaliséet non par des méthodes subjectives ou visuelles.

On distingue deux grands types de méthodes de classification :

Les méthodes non hiérarchiques qui produisent directement une partition en unnombre fixé de classes ;

Les méthodes hiérarchiques qui produisent des suites de partitions en classes deplus en plus vastes.

La méthode utilisée est celle de la classification non hiérarchique.

Cette méthode consiste à regrouper n individus en k classes de telle sorte que lesindividus d’une même classe soient les plus semblables possible et que les classessoient bien séparées.

Ceci suppose la définition d’un critère global mesurant la proximité des individusd’une même classe et donc la qualité de la partition.

Si on peut considérer les individus comme des points d’un espace euclidien, le pro-blème de la classification peut se décrire comme la recherche d’une partition d’unnuage de n points en k sous-nuages. La dispersion d’un nuage de points peut se ca-ractériser par son inertie qui est la moyenne des carrés des distances au centre degravité. Dès lors, une classe serait d’autant plus homogène que son inertie est faible.

Appelons I1, I2,…, Ik les inerties de chaque classe, calculées par rapport à leur cen-

tre de gravité respectifs g1, g2,…, gk. La somme de ces inerties est appelée inertie

intraclasse et est notée Iw : Iw = Σkj=1 Ij

Il est donc souhaitable que Iw soit la plus petite possible pour avoir un ensemble declasses très homogènes.

716

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

La dispersion de l’ensemble des k centres de gravité g1, g2,…, gk autour de g, centrede gravité du nuage total des n individus est appelée quant à elle inertie interclasseet est notée IB : IB = Σ Pj d2(gi; g) où Pj est la somme des poids des individus de laclasse n° j.

Une grande valeur de IB indique une bonne séparation des classes et il conviendradonc que IB soit la plus grande possible.

Par le théorème de Huygens, l’inertie totale, I, du nuage de n points est égale à lasomme de l’inertie intraclasse et de l’inertie interclasse : I = Iw+ IB.

Ainsi, rendre maximale IB est équivalent à rendre minimale Iw puisque leur sommeest constante. Du point de vue de l’inertie, il suffira de caractériser les meilleurespartitions possibles en k classes rendant Iw minimale.

A la limite, la meilleure partition serait alors celle où chaque individu constitue uneclasse car dans ce cas-là Iw= 0, puisque chaque point est confondu avec le centre degravité de sa classe. Une telle extrême ne nous est évidemment d’aucune utilité.Nous cherchons plutôt désormais à obtenir une partition en k classes où k a étéfixé a priori.

La technique employée est celle des « nuées dynamiques » ou de ré-allocation itéra-tive autour de centres mobiles. Il s’agit d’une méthode itérative rapide et performan-te. Le principe est le suivant (pour n individus et k classes souhaitées): on crée kclasses en se centrant sur k individus tirés au hasard parmi n ; on affecte un individuà la classe dont “ l’individu central “ lui est le plus proche. On calcule alors les bary-centres des k classes et on réaffecte les n points à la classe dont le barycentre lui estle plus proche. Cette procédure est itérée jusqu’à convergence.

L’inconvénient de cette méthode est que la répartition finale des individus dépenddu tirage initial. C’est pourquoi la possibilité est offerte par le programme informati-que de répéter cette procédure plusieurs fois. L’ordinateur retiendra pour le tableaudes résultats, la répétition qui maximise l’inertie interclasse. Cela revient à vouloirque les classes soient aussi éloignées que possible, tout en assurant unehomogénéité optimale à l’intérieur de celles-ci.

5. ORIGINES ET RECUEILS DES DONNEES

5.1. LA BASE DE DONNEES « ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL »Les données concernant les stagiaires en EFT ont été recueillies par le Centre deRecherche Interdisciplinaire pour la Solidarité et l’Innovation Sociale (CERISIS-UCL).Le CERISIS a conduit une enquête longitudinale en trois vagues, sur les stagiairesrépartis sur l’ensemble des vingt EFT de la province du Hainaut (voir Lefèvre, 1997 ;1999 ; 2000 ; 2001a ; 2001b). Les données sont extraites de l’interrogation des sta-

717

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

giaires à trois reprises : en tout début de stage, à la fin de la formation et (en moyen-ne) treize mois après la fin de la formation. Le temps qui sépare les deux premièresinterviews est fonction de la durée des formations qui peut varier entre trois et dix-huit mois. Les rencontres ont eu lieu dans l’entreprise suite à l’accord donné par lestagiaire à sa participation à l’enquête. L’échantillon s’est constitué de janvier 1997 àmai 1998. Sur les 339 personnes interrogées en début d’enquête, seulement 201 ontpassé le deuxième entretien. De plus, parmi celles-ci, seulement 113 sont présentesen troisième vague (D’Addio, 2001).

5.2. LA BASE DE DONNEES « ATELIERS SOCIAUX »Les données concernant les travailleurs du groupe cible en AS ont quant à elles étérecueillies par le « Hoger Instituut voor de Arbeid » (HIVA) en septembre 1997 (voirNicaise et ali, 2000).

Les individus de l’échantillon sont au nombre de 144 et ont été interrogés à uneseule reprise.

L’objectif était de vérifier sur le terrain les caractéristiques qualitatives des travail-leurs du groupe cible et de mesurer les effets de l’insertion par l’économique sur leparcours professionnel et le bien-être des intéressés. Ceci impliquait une approchelongitudinale de sorte qu’il a fallu effectuer une enquête rétrospective sur la périodecourant avant et après l’entrée en AS. Les AS se sont développés dans un cadreexpérimental début 1995 et c’est à partir de ce cadre qu’ont été fixés les critèresactuels d’engagement. Dès lors, les enquêteurs ont sélectionné les arrivants de l’an-née 1995 (Lauwereys, Matheus et Nicaise, 2001).

5.3. LES VARIABLES UTILISEESLes variables retenues sont au nombre de six :

L’âge (agent) : âge à l’entrée de la politique active, [17, 54 ] ;

Le sexe (sex) : 0 = homme ; 1= femme ;

L’expérience professionnelle (exprof) : l’expérience professionnelle éventuelleavant l’entrée en politique active ; 0 = pas d’expérience ; 1 = expérience(s) ;

La situation socioprofessionnelle à l’embauche en politique active (empac1) :

1.Emploi ;2. Chômage ;3. Minimex ; 4. Non demandeurs d’emploi ;5. Autres.

718

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

Le diplôme maximum obtenu (diplôme):

1. Pas de diplôme ;2. Diplôme d’enseignement primaire spécial ;3. Diplôme d’enseignement primaire ;4. Diplôme d’enseignement secondaire inférieur spécial ;5. Diplôme d’enseignement secondaire inférieur professionnel ;6. Diplôme d’enseignement secondaire inférieur technique ;7. Diplôme d’enseignement secondaire inférieur général ;8. Diplôme d’enseignement secondaire supérieur spécial ;9. Diplôme d’enseignement secondaire supérieur professionnel ;10. Diplôme d’enseignement secondaire supérieur technique ;11. Diplôme d’enseignement secondaire supérieur général ;12. Enseignement supérieur non-universitaire de type court ;13. Enseignement supérieur non-universitaire de type long ;14. Enseignement universitaire ;15. Enseignement post universitaire ;16. Inconnu ;

La durée d’inactivité avant l’embauche en politique active (ina) :

0. Inconnue ou inexistante ;1. Moins de 6 mois ;2. Entre 6 mois et moins d’1 an ;3. Entre 1 an et moins de 2 ans ;4. Plus de deux ans.

A ces variables sont associées :– Le type de politique active (mesure) : EFT=4 ; AS = 2 ;– L’emploi éventuel après la participation au programme (empac_3) : 0 = pas

d’emploi ; 1= emploi.

6. LE PUBLIC CIBLE EFFECTIFLa description des deux politiques effectuée dans la section 3 était fondée stricte-ment sur le cadre légal de ces mesures. Toutefois, sur le terrain, des différencespeuvent exister entre l’approche légale et la réalité pragmatique. Ceci est certaine-ment vrai pour le public cible.

Cette section cherchera à évaluer dans quelle mesure les EFT et les AS atteignent lepublic visé par les bases légales respectives (10).

(10) Tous les graphiques présentés dans cette section ont été élaborés grâce à des calculs propres surbase des Enquêtes CERISIS et HIVA, respectivement.

719

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Le public cible effectif sera successivement décrit dans le cas des entreprises de for-mation par le travail et dans le cas des ateliers sociaux au regard de différentes varia-bles descriptives. En continuité avec la logique adoptée, il conviendra ensuite decomparer la composition des deux publics cible effectifs.

6.1. LE PUBLIC DES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAILLes EFT sont en grande majorité fréquentées par un public masculin (73,75 %d’hommes contre 26,25 % de femmes, soit au sein de notre échantillon 250 hommeset 89 femmes).

En ce qui concerne l’âge du public, la moyenne est de 23 ans, avec un minimum de17 ans et un maximum de 48 ans. La majorité des stagiaires (68 %) a moins de 25 anset 87 % a moins de 30 ans. Ces observations illustrent la volonté légale explicite detoucher un public jeune.

FIGURE 5 : AGE DES STAGIAIRES EN EFT

Moins d’un stagiaire sur deux a, au maximum, un diplôme d’enseignement primaire(certificat d’enseignement de base-CEB) (11). Un stagiaire sur cinq a obtenu undiplôme d’enseignement secondaire inférieur (CESI) et près d’un stagiaire sur cinqne possède aucun diplôme.

L’observation de l’échantillon indique donc que seulement 60 % des stagiaires enEFT y sont admis en conformité avec la loi (12) contre 40 % des stagiaires qui détien-nent un diplôme supérieur à celui autorisé. La loi prévoit cependant une dérogationà cette condition d’admission à raison de 20 % du public cible par EFT, seuil quisemble largement dépassé dans cet échantillon.

(11) Le CEB est octroyé tant pour l’enseignement primaire classique que pour l’enseignement primai-re spécial. Le CESI est octroyé au terme de la 3ème année de l’enseignement général et technique etau terme de la 4ème année de l’enseignement professionnel. Le certificat d’enseignement secondairesupérieur (CESS) est octroyé au terme de la 6ème année du secondaire technique et général et auterme de la 7ème année de secondaire professionnel. (12) Cf section 3.

720

Fig. 5.: Age des stagiaires en EFT

68%

19%

13%

moins de 25 ans

25-30 ans

plus de 30 ans

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

FIGURE 6 : DIPLOME MAXIMUM OBTENU

Quant au statut à l’entrée de l’EFT, l’analyse de l’échantillon indique que seuls 3 %des stagiaires étaient au travail lors de leur embauche en EFT. De plus, 59 % des sta-giaires étaient allocataires sociaux à leur entrée en EFT, 36 % étaient au chômage et23 % émargeaient du CPAS. Relevons aussi que 24 % des individus de l’échantillonétaient en foyer d’accueil. Ils sont considérés comme sans revenu dans notre analy-se. La volonté politique de toucher un public sans emploi semble donc rencontrée.

FIGURE 7 : STATUT DES STAGIAIRES AVANT L’ENTREE EN EFT

Parmi les 97% de stagiaires inactifs à l’entrée en EFT, la majorité l’était depuis plusde 1 an contre 29 % depuis moins d’un an. Il s’agit bien d’un public éprouvantgénéralement des difficultés à trouver un emploi sur le marché du travail.

721

Fig. 6 : Diplôme maximum obtenu

17%

40%4%

22%

4%

8%

2%

3%

Aucun diplôme

Enseignement primaire spéciale

Enseignement primaire

Enseignement spécial secondaire inférieur

Secondaire inférieur professionnel

Secondaire inférieur technique

Secondaire inférieur général

Secondaire supérieur (toute catégorie)

Fig. 7: Statut des stagiaires avant l'entrée en EFT

36%

23%

12%

24%

3%2% Emploi

Chômage

Minimex

Sans revenu

En foyer

Autres

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

FIGURE 8 : TEMPS D’INACTIVITE AVANT L’ENTREE EN EFT

6.2. LE PUBLIC DES ATELIERS SOCIAUXLes AS comptent 54 % d’hommes et 46 % de femmes (soit 77 hommes et 67 femmessur l’échantillon de 144 individus). La répartition des genres est donc presque équili-brée.

L’âge du public effectif est en moyenne de 35 ans, avec un minimum de 19 ans et unmaximum de 54 ans. La majorité des travailleurs (67 %) a plus de 30 ans et seule-ment 9 % moins de 25 ans.

FIGURE 9 : AGE DES TRAVAILLEURS DU GROUPE CIBLE AS

L’analyse de l’échantillon nous indique que 35 % des travailleurs disposent d’undiplôme d’enseignement secondaire inférieur (CESI). Plus d’un travailleur sur 5 n’aaucun diplôme, dispose d’un diplôme d’enseignement primaire (CEB) ou détient undiplôme d’enseignement secondaire supérieur (CESS).

722

Fig. 8. : Temps d'inactivité avant l'entrée en EFT

18%

17%

12%13%

40%

Non réponse

Moins de 6 moins

De 6 mois à 1 an

De 1 à 2 ans

Plus de 2 ans

Fig. 9.: Age des travailleurs du groupe cible AS

9%

23%

37%

31%

Moins de 25 ans

25-30 ans

31-40 ans

plus de 40 ans

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

On dénombre trois exceptions aux conditions légales au sein de l’échantillon, soit2 % (diplôme d’enseignement secondaire général et d’enseignement supérieur). Cesexceptions sont cependant envisagées par le cadre légal dans la mesure où ellessont motivées (13).

FIGURE 10 : DIPLOME MAXIMUM OBTENU

L’analyse de l’échantillon indique que 48 individus, soit 33% des travailleurs dugroupe cible, exerçaient une activité en dehors de leur domicile avant l’entrée enAS. Leur statut est assez varié et est illustré par le graphique 11a ci-dessous. Remar-quons que seul 4% des ces travailleurs possédaient un contrat à durée indéterminée.Les individus repris dans les catégories formation et volontariat sont en majoritédes demandeurs d’emploi. Ils seront considérés comme tel par la suite.

FIGURE 11A : STATUT DES PERSONNES ACTIVES AVANT L’ENTREE EN AS

(13) Cf. section 3.2.

723

Fig. 10. : Diplôme maximum obtenu

23%

4%

18%

3%19%

10%

3%

3%

12%

1%3% 1%

Sans diplôme Enseignement primaire spécial Enseignement primaireSecondaire inférieur spécial Secondaire inférieur professionnel Secondaire inférieur technique Secondaire inférieur général Secondaire supérieur spécial Secondaire supérieur professionnelSecondaire supérieur technique Secondaire supérieur général Enseignement supérieur

Fig. 11a: Statut des personnes actives avant l'entrée en AS

4%

18%

4%

23%14%

10%

21%

6% Contrat à durée indéterminée

Contrat à durée déterminée

Intérim

ACS

Autres politiques de mise à l'emploi

Formation

Volontariat

Autres

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Parmi les individus inactifs à l’entrée en AS, près de trois sur quatre étaient dansune situation de chômage. Plus d’un sur 10 dépendait du CPAS via le minimex. Seuls6 % des travailleurs étaient sans revenu.

FIGURE 11B : SITUATIONS DES DEMANDEURS D’EMPLOI A L’ENTREE EN AS

Parmi les 78 % des travailleurs du groupe cible demandeurs d’emploi à l’entrée enAS, et compte tenu des données disponibles, l’observation du graphique 10.2.4.indique qu’un individu sur trois étaient dans cette situation depuis plus de 2 ans.Près d’un travailleur sur sept l’étaient depuis plus d’un an ou depuis plus de 6 mois.Seul un individu sur dix étaient sans emploi depuis moins de 6 mois. Il apparaîtdonc que la volonté légale d’employer des travailleurs sans emploi depuis plus de 5ans n’est pas rencontrée (14).

FIGURE 12 : DUREE D’INACTIVITE AVANT L’ENTREE EN AS

(14) Cf. section 3.2

724

Fig. 11.b : Situations des demandeurs d'emploi à l'entrée en AS

70%

6%

12%

7% 5%

Sans emploi avecallocationSans revenu

Minimex

Allocation maladie

Autres

Fig. 12 : Durée d'inactivité avant l'entrée en AS 31%

9%

14%13%

33%

Nulle ou inconnue

Moins de 6 mois

De 6 mois à un an

De 1 à 2 ans

Plus de 2 ans

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

6.3. LE PUBLIC EFFECTIFLes différences existant entre les deux politiques actives analysées ont déjà étérelevées à plusieurs reprises. Celles-ci se manifestent entre autre par une dissem-blance de public visé sur le plan légal. Dans ce paragraphe, les divergences sug-gérées par les bases légales seront identifiées en comparant, cette fois, les publicscible effectifs. La comparaison des publics effectifs selon le genre indique que la proportion hom-mes-femmes en EFT est bien moins équilibrée que dans le cas de AS (graphique 13).

FIGURE 13 : COMPARISON SELON LE GENRE

L’analyse du graphique 14 révèle des différences sensibles sur le plan de l’âge entreles deux publics effectifs. Ainsi, les EFT s’adressent essentiellement à un public demoins de 25 ans alors que les AS compte surtout des personnes de plus de 30 ans.

FIGURE 14 : COMPARAISON SELON L’AGE A L’ENTREE

Les deux politiques s’adressent majoritairement à un public ne possédant pas unniveau d’étude supérieur au CESI. Les EFT compte une plus grande proportion destagiaires possédant le CEB. Par contre, on dénombre plus de sans diplôme et plusde détenteurs du CESS dans les AS.

725

Fig. 13.: Comparaison selon le genre

0% 20% 40% 60% 80% 100%

EFT

AS

En %

Hommes

Femmes

Fig. 14.: Comparaison selon l'âge à l'entrée

0% 20% 40% 60% 80% 100%

EFT

AS

En %

Moins de 25 ans

25-30 ans

Plus de 30 ans

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

FIGURE 15 : COMPARAISON SELON LES DIPLOMES

En théorie, les deux politiques actives s’adressent à des demandeurs d’emploi. Or,comme nous avons eu l’occasion de le constater, près de 22 % du public effectif enAS était au travail avant sa participation à la mesure. Cette situation est partagée parseulement 3% des stagiaires en EFT. Nous observons aussi que les AS embauchenten majorité des demandeurs d’emploi bénéficiant des allocations de chômage (Gra-phique 16.). Les EFT, en revanche, rencontrent des demandeurs d’emploi sansrevenu, minimexés ou chômeurs.

FIGURE 16 : COMPARAISON SELON LA SITUATION SOCIOECONOMIQUE A L’ENTREE

Abstraction faite des non-réponses, la comparaison de la durée d’inactivité (graphi-que 17) ne permet pas de distinguer nettement les deux politiques. Remarquonstoutefois que les EFT regroupent une plus grande proportion de sans emploi depuisplus de deux ans ou depuis moins de 6 mois.

726

Fig. 15.: Comparaison selon les diplômes

0% 20% 40% 60% 80% 100%

EFT

En %

Sans diplôme

CEB

CESI

CESS

Fig. 16.: Comparaison selon la situation socioéconomique à l'entrée

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

EFT

AS

En %

Emploi

Sans revenu

Chômage

M inimex

Autres

Sans revenu

Chômage

Minimex

Autres

Emploi

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

FIGURE 17 : COMPARAISON SELON LA DUREE D’INACTIVITE

7. RESULTATS

7.1. RESULTATS DE LA CLASSIFICATION

7.1.1. Inerties intra- et interclasseLe nombre optimal de classes est trois. Ainsi, après dix itérations, le programme declassification de type « nuées dynamiques » fournit la partition en trois groupes d’in-dividus. Les résultats obtenus indiquent une variance intergroupe élevée et unevariance intragroupe faible. Ces observations sont conformes aux objectifs de laméthode de classification utilisée, dans le sens où elles confirment l’homogénéitéintraclasse et l’hétérogénéité interclasse des individus.

7.1.2. Répartition des individus (15)La répartition des individus par classes et par politiques est illustrée par le graphique18. ci-dessous. La première classe est relativement métissée et se compose de 70 tra-vailleurs en AS et de 47 stagiaires en EFT soit un total de 117 individus. La seconde,comptant 279 individus, est essentiellement composée de stagiaires en EFT (258 sta-giaires) alors que la troisième classe, composée de 58 individus compte principale-ment des travailleurs en AS (45 travailleurs).

(15) Les graphiques présentés dans cette section dérivent de calculs propres sur base de la classifica-tion.

727

Fig. 17: Comparaison selon la durée d'inactivité

0% 20% 40% 60% 80% 100%

EFT

AS

En %

Nulle ou non-réponse

Moins de 6 mois

De 6 mois à 1 an

De 1 à 2 ans

Plus de 2 ans

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FIGURE 18 : REPARTITION DES INDIVIDUS PAR CLASSE ET PAR POLITIQUE

7.1.3. La distribution des individus par caractères et par classes

a) La distribution selon les âges

Les individus de la première classe ont entre 27 et 38 ans à leur entrée en politiqueactive.

La seconde classe est composée d’individus âgés de 17 à 27 ans au moment de leurembauche. Les individus de la troisième classe ont quant à eux entre 39 et 54 ans àleur entrée sous politique active. La comparaison de l’âge moyen à l’entrée en politi-que active des individus des différentes classes (graphique 19) révèle un partitionne-ment net selon les âges. Alors que la troisième classe regroupe des personnes d’enmoyenne 45 ans, la seconde classe est composée d’individus sensiblement plus jeu-nes, en moyenne de 21 ans. La première classe, intermédiaire, regroupe des indivi-dus âgés en moyenne de 32 ans.

FIGURE 19 : AGE MOYEN PAR CLASSE DES INDIVIDUS A L’ENTREE SOUS POLITIQUE ACTIVE

728

Fig. 18.: Répartition des individus par classe et par politique

47

258

13

70

21

450

50

100

150

200

250

300

Classe 1 Classe 2 Classe 3

Nom

bre

d'in

divi

dus

AS

EFT

Fig. 19: Age moyen par classe des individus à l'entrée sous poltique active

3221

45

0204060

Classe 1 Classe 2 Classe 3

Age moyenAge moyen21

4532

60

40

20

0

Classe 1 Classe 2 Classe 3

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

b) La distribution selon le genre

Comme l’observation du graphique 20 l’indique, la proportion d’hommes et de fem-mes est presque équilibrée au sein des première et troisième classes. La seconderegroupe par contre essentiellement des hommes. Cette observation n’est néan-moins pas surprenante sachant que cette classe est surtout composée d’individussous politique active de type EFT et que cette politique attire une grande majoritéd’hommes.

FIGURE 20 : DISTRIBUTION DES GENRES PAR CLASSES (EN %)

c) La distribution selon l’expérience professionnelle

Comme nous l’avons observé, la première et la troisième classe regroupent des indi-vidus plus âgés que les personnes composant le second groupe. De ce fait, il n’estpas surprenant de trouver au sein des deux premières classes citées une majoritéd’individus possédant une expérience professionnelle avant leur entrée sous politi-que active (graphique 21).

FIGURE 21 : DISTRIBUTION DE L’EXPERIENCE PROFESSIONNELLE (EN %)

729

Fig. 20: Distribution des genres par classes (en%)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Classe 1

Classe 2

Classe 3

Hommes

Femmes

Fig. 21: Distribution de l'expérience professionnelle (en %)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Classe 1

Classe 2

Classe 3Sans expérienceprofessionnelle

Experienceprofessionnelle

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d) La distribution selon la situation socioprofessionnelle à l’embauche

Comme l’illustre le graphique 22, les première et troisième classes sont composéesmajoritairement d’individus chômeurs à leur embauche sous politique active. Laseconde classe, composée essentiellement de stagiaires en EFT, regroupe principale-ment des allocataires sociaux, chômeurs ou minimexés.

FIGURE 22 : DISTRIBUTION SELON LA SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE A L’EMBAUCHE(EN %)

e) La distribution selon le diplôme

L’observation du graphique 23 indique que la classification sur base des diplômesest moins nette que dans le cas de l’analyse de la distribution des autres caractéristi-ques. Chaque classe regroupe des individus de chaque niveau de diplôme dans uneproportion relativement similaire. Remarquons toutefois que la classe 2 compte unpourcentage plus élevé d’individus ne détenant que le CEB et donc moins qualifiés. De même, on observe plus d’individus mieux qualifiés, possédant le CESS, au seinde la première classe.

FIGURE 23 : DISTRIBUTION SELON LES DIPLOMES (EN %)

730

Fig. 22 : Distribution selon la situation socioprofessionnelle à l'embauche (en %)

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Classe 1

Classe 2

Classe 3 Emploi

Chômage

Minimex

Sans revenu

Autres

Fig. 23.: Distribution selon les diplômes (en %)

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Classe 1

Classe 2

Classe 3Sans diplôme

CEB

CESI

CESS

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

f) La distribution selon la durée d’inactivité

Au regard du graphique 24, la distribution de la durée d’inactivité paraît relative-ment homogène entre les classes. Cette variable ne semble donc pas constituer uncritère discriminant entre celles-ci. Ainsi, les trois classes regroupent une proportionimportante d’individus inactifs depuis plus de 2 ans. Toutefois, cette proportion estun peu plus élevée au sein de la première et de la troisième classe. Le second grou-pe compte quant à lui quelque peu plus de demandeurs d’emploi depuis moins de 6mois.

FIGURE 24 : DISTRIBUTION DE LA DUREE D’INACTIVITE PAR CLASSE (EN %)

7.1.4. SynthèseL’analyse de la distribution des classes selon les différents caractères sélectionnéspour la classification, et dès lors observables, permet d’esquisser pour chacun desgroupes, le profil type des individus qui y sont regroupés.

Ainsi, un individu appartenant à la première classe est en moyenne une personne,homme ou femme, engagée sous politique active de type EFT ou AS, âgée de 32 ans,chômeuse, possédant une expérience professionnelle, relativement qualifiée carporteuse du CESI ou du CESS, et inactive depuis plus d’1 an.

Un individu du deuxième groupe est, toujours en moyenne, un jeune de 21 ansengagé sous politique active de type EFT, ne possédant pas d’expérience profession-nelle, chômeur ou minimexé, un peu moins qualifié que les personnes regroupéesdans les autres classes et inactif depuis moins de 2 ans.

Enfin, le profil d’un individu du troisième groupe est celui d’un homme ou d’unefemme en politique active de type AS, âgé(e) de 45 ans, chômeur(-euse), possédantune expérience professionnelle, porteur(-euse) du CEB ou du CESI et inactivedepuis plus d’1 an.

731

Fig. 24: Distribution de la durée d'inactivité par classe (en %)

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Classe 1

Classe 2

Classe 3Nulle ou inconnue

Moins de 6 mois

De 6 mois à 1 an

De 1 an à 2 ans

Plus de 2 ans

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7.2. LA SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE APRES LA PARTICIPATION AUX POLITI-QUES ACTIVES ET LE TAUX D’INSERTION

7.2.1. IntroductionComme nous l’avons mentionné, les politiques actives analysées visent l’insertionou la réinsertion socioprofessionnelle d’individus peu qualifiés.

Cet objectif se traduit, dans le cas des EFT, par une formation de maximum 18 moisprodiguée en vue de réduire le déficit de qualification dont est victime le publiccible. La formation a pour but de favoriser l’insertion sur le marché de l’emploi. Lecalcul du taux d’insertion, quelques temps après le passage en formation, se révèledans ce cas pertinent pour l’évaluation de cette politique.

Dans le cas des AS, l’objectif d’insertion ou de réinsertion se concrétise par la mise àl’emploi, sans limite de temps, dans un environnement professionnel protégé ausein de l’atelier social lui-même. Bien que la transition vers le marché de l’emploitraditionnel soit favorisée, elle ne constitue néanmoins pas une obligation.

Dès lors, le taux d’insertion comme critère d’évaluation de cette politique activepeut paraître maladroit. En effet, celui-ci prend en compte exclusivement les indivi-dus embauchés sur le marché du travail classique à la suite de leur passage en politi-que active. Or, ni l’objectif, ni la structure des AS ne garantissent cette transition,biaisant ainsi inévitablement le calcul du taux d’insertion. Ce calcul du degré deréussite des AS devrait alors plutôt se faire sur base de critères relatifs aux senti-ments de bien-être procuré par l’activité professionnelle en milieu protégé ou enco-re sur base d’une estimation des bienfaits psychosociaux d’un tel travail.

Cependant, la finalité de cette analyse est de comparer le profil des publics fréquen-tant ces dispositifs et leur trajectoire socioprofessionnelle. Dans ce cadre, il est inté-ressant de comparer le positionnement sur le marché du travail, pour un même typede public, conscients des finalités différentes des EFT et des AS. L’utilisation d’unindicateur tel que le taux de réinsertion nous permet de comparer la trajectoire desbénéficiaires.

Après avoir décrit la méthodologie adoptée, les situations socioprofessionnelles despersonnes ayant participées aux politiques actives seront exposées.

7.2.2. MéthodologieL’objectif est ici celui de comparer la situation des individus après leur passage enpolitiques actives (16).

(16) Cette évaluation se fera uniquement au niveau microéconomique.

732

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

L’enquête « EFT » fournit cette information au travers de 110 réponses en troisièmevague, portant sur les individus sortis de la formation depuis, en moyenne, 13 mois.

Sachant que le stage en EFT est limité dans le temps et que sa durée moyenne est de11 mois pour les individus présents en 3ème vague, les réponses disponibles ontdonc été obtenues, en moyenne, 24 mois après l’embauche en EFT. En d’autres ter-mes, il est possible de déterminer la situation socioprofessionnelle d’un individu 2ans, en moyenne, après son entrée en EFT.

La période de travail au sein des AS n’est quant à elle pas limitée dans le temps. Pourrendre possible la comparaison, nous avons reconstruit un indicateur qui nous per-met de savoir quelle est la situation de la personne 24 mois après son entrée en AS.Certains individus travaillent toujours au sein d’AS. Pour ces derniers, la situationsocioprofessionnelle demeure inchangée depuis leur embauche. La question de ladétermination de la situation socioprofessionnelle est plus délicate lorsque les indi-vidus interrogés ont déjà quitté l’AS lors de l’enquête de 1997. En effet, les donnéesportant sur leur situation socioprofessionnelle au moment de l’enquête ne sont pasdirectement exploitables puisque celle-ci est parfois réalisée plus de 2 ans aprèsl’embauche des individus.

Il faut alors rechercher, dans les données disponibles, leur situation socioprofession-nelle 2 ans après leur embauche à l’instar des individus sortis des EFT.

Il convient donc de distinguer, au sein de chaque classe, parmi les 133 individusentrés en AS, les personnes qui y sont toujours présentes de celles qui en sont sor-ties. Parmi ces dernières, il est alors nécessaire d’identifier leur situation deux ansaprès leur entrée en AS.

En outre, les données recueillies ne portent pas sur la même période. En effet, l’en-quête « EFT » prend en compte les individus embauchés à partir de 1997 alors quel’enquête AS de 1997, de par sa caractéristique rétrospective, se base sur les indivi-dus embauchés dans le courant de l’année 1995. Cette divergence temporelle peutavoir une influence sur le taux d’insertion. Rien n’indique en effet que les condi-tions sur le marché du travail soient restées les mêmes sur les deux périodes. Ainsi,les possibilités d’insertion peuvent varier selon que l’individu quitte la politique acti-ve en 1996 ou en 1999.

7.2.3. La situation socioprofessionnelle après la participation aux politiques actives A partir de la classification de l’échantillon, dont les résultats ont été illustrés dans lasection précédante, il est possible de déterminer la situation socioprofessionnelle desindividus présentant un même profil (observable), 24 mois en moyenne après leurembauche sous politique active. Cette analyse se base sur la variable concernant letype de dispositif et celle relative à la situation par rapport à l’emploi 13 mois après leterme de la formation, pour les EFT, et 24 mois après l’entrée en AS (empac_3).

733

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Le taux d’insertion est calculé, dans le cas des EFT, par le rapport entre les stagiairessortis de formation depuis 13 mois et ayant un emploi, et l’ensemble des observa-tions relatives à la situation des stagiaires après leur formation.

Ce calcul est limité par le nombre de réponses disponibles en 3ème vague. Le ris-que inhérent à cette limite est que la perte d’informations observables soit sympto-matique d’une certaine classe d’individus (cf. D’Addio, 2002). Cependant, commel’indique le tableau 2 ci-dessous, le taux d’individus perdus est proche entre les dif-férentes classes. Il y a donc une relative équivalence interclasse quant à la perte d’in-formations observables.

TABLEAU 2. : TAUX D’INDIVIDUS PERDUS EN 3EME VAGUE DE L’ENQUETE « EFT »

Classe 1 64 %

Classe 2 65%

Classe 3 61%

Le taux d’insertion à la suite du passage en AS est obtenu par le rapport entre lesindividus possédant un emploi hors de l’atelier social 24 mois après leur entrée enAS, et l’ensemble des travailleurs du groupe cible de la classe considérée. Nous dis-tinguons les individus toujours employés en AS, les individus sortis de l’AS sansemploi et ceux détenant un emploi hors de l’AS.

a) Classe 1

Parmi les individus de la première classe, nous observons que 9 stagiaires EFT sur 17ont trouvé un emploi 13 mois après leur formation.

Seuls 15 individus sur les 70 travailleurs en AS que compte cette classe, sont sortisde cette politique active. Parmi ceux-ci, 3 ont trouvé un emploi 2 ans après leurembauche en AS.

TABLEAU 3 : SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE APRES LE STAGE ET TAUX D’INSERTION DESSTAGIAIRES EFT (CLASSE 1)

EFT Nombre Sans emploi Emploid’observations

Nombre Fréquence Nombre Fréquence

17 8 47 % 9 53 %

734

Page 172: RBSS numéro 4/2002

ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

TABLEAU 4 : SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE ET TAUX D’INSERTION DES TRAVAILLEURS DUGROUPE CIBLE 24 MOIS APRES LEUR EMBAUCHE SOUS POLITIQUE ACTIVE DE TYPE AS (CLASSE 1)

AS Nombre Individus Individus Individusd’observations toujours sous sortis et sortis en

politique sans emploi détenant unactive emploi hors

politiqueactive

Nombre Fréquence Nombre Fréquence Nombre Fréquence

70 55 79 % 12 17 % 3 4 %

b) Classe 2

Les données disponibles concernant l’éventuelle remise à l’emploi au terme de laformation en EFT sont au nombre de 89. Parmi celles-ci, on dénombre 34 stagiairesayant trouvé un emploi. L’unique personne de cette classe à avoir quitté un AS netravaille pas 24 mois après son entrée sous cette politique.

TABLEAU 5 : SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE APRES LE STAGE ET TAUX D’INSERTION DESSTAGIAIRES EFT (CLASSE 2)

EFT Nombre Sans emploi Emploid’observations

Nombre Fréquence Nombre Fréquence

89 55 62 % 34 38 %

TABLEAU 6 : SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE ET TAUX D’INSERTION DES TRAVAILLEURS DUGROUPE CIBLE 24 MOIS APRES LEUR EMBAUCHE SOUS POLITIQUE ACTIVE DE TYPE AS (CLASSE 2)

AS Nombre Individus Individus Individusd’observations toujours sous sortis et sortis en

politique sans emploi détenant unactive emploi hors

politiqueactive

Nombre Fréquence Nombre Fréquence Nombre Fréquence

21 20 95 % 1 5 % 0 0 %

735

Page 173: RBSS numéro 4/2002

REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

c) Classe 3

Au sein des observations de la troisième classe, seulement 5 résultats sont à notredisposition pour évaluer le taux d’insertion au niveau des EFT. Il apparaît que 3 sta-giaires sur 5 ont trouvé un travail 13 mois après leur formation.

Dans le cas des AS, un seul individu est sous contrat de travail parmi les 13 person-nes sorties du dispositif et appartenant à cette classe.

TABLEAU 7 : SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE APRES LE STAGE ET TAUX D’INSERTION DESSTAGIAIRES EFT (CLASSE 3)

EFT Nombre Sans emploi Emploid’observations

Nombre Fréquence Nombre Fréquence

5 2 40 % 3 60 %

TABLEAU 8 : SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE ET TAUX D’INSERTION DES TRAVAILLEURS DUGROUPE CIBLE 24 MOIS APRES LEUR EMBAUCHE SOUS POLITIQUE ACTIVE DE TYPE AS (CLASSE 3)

AS Nombre Individus Individus Individusd’observations toujours sous sortis et sortis en

politique sans emploi détenant unactive emploi hors

politiqueactive

Nombre Fréquence Nombre Fréquence Nombre Fréquence

45 32 71 % 12 26 % 1 2 %

7.2.4. Analyse des résultats Au vu des résultats, les situations d’insertion professionnelle hors politique activeapparaissent nettement plus élevées pour un individu ayant effectué un stage de for-mation en EFT que pour un travailleur du groupe cible 24 mois après son embauchesous politiques active de type AS. Soulignons, à nouveau, que les objectifs de cesdeux dispositifs sont radicalement différents.

Alors qu’une formation en EFT dure maximum 18 mois et tend à favoriser l’insertionsocioprofessionnelle des stagiaires, les AS visent à fournir un emploi dans un envi-ronnement professionnel protégé, sans qu’aucune limite temporelle ne soit fixée àla présence des travailleurs du groupe cible.

736

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

Au terme de leur formation en EFT, les stagiaires désireux de s’insérer socio-profes-sionnellement n’ont dès lors pas d’autre alternative que de chercher un emploi.Outre la plus-value de qualification que peut apporter le stage, cette caractéristiquede la mesure induit implicitement à un taux d’insertion plus élevé.

D’autre part, dans le cas des AS, la sécurité de l’emploi offerte par un revenu garantiet l’absence d’échéance à la participation à cette politique ne favorisent pas la transi-tion des travailleurs vers le marché de l’emploi traditionnel. Pour la plupart, ceux-ciont éprouvé la précarité d’une situation de demandeurs d’emploi et les difficultésd’insertion liées à leurs caractéristiques socioprofessionnelles. Il se comprend alorsaisément que les travailleurs du groupe cible soient moins enclins à quitter la stabi-lité offerte par les AS et par conséquent, que le taux d’insertion, en dehors du dispo-sitif, résultant de cette politique soit peu élevé.

La question des biais de sélection abordée précédemment nous incite à interpréter,encore plus prudemment ces résultats, principalement pour deux raisons. Première-ment, seuls 33% des participants aux formations EFT sont présents en 3ème vague.Il n’est pas infondé de penser que les personnes absentes de ce troisième entretiensont précisément les individus présentant les profils socioprofessionnels les plusdéfavorisés (cf. D’Addio, 2002). Ceci suppose qu’une sélection implicite se seraiteffectuée au sein de l’échantillon et que les résultats obtenus seraient biaisés par laprise en compte exclusive d’individus plus “performants” lors du calcul du tauxd’insertion.

La seconde source potentielle de biais résulte des comportements de sélection desopérateurs des AS compte tenu de l’objectif même du dispositif. La présence en ASn’étant pas limitée dans le temps, les individus ne sont, sans doute, dans de nom-breuses situations pas incités à trouver un emploi au sein du marché du travail nonprotégé.

Il se peut que la sortie d’un AS soit plus la conséquence d’une décision hiérarchi-que que de la volonté réelle des individus en question. Dans ce cas, cette décisionest susceptible d’être motivée par les déficiences socioprofessionnelles ou compor-tementales de l’individu, soulignant alors les difficultés d’insertion rencontrées parcelui-ci. Il en découle que le taux d’insertion, une fois sorti de l’AS, calculé dans cecontexte serait biaisé à la baisse, puisque les personnes prises en compte seraientincontestablement les plus malaisées à insérer.

D’autre part, enjoint de quitter l’AS, le demandeur d’emploi présenterait peut-êtremoins de motivation à rechercher un travail qu’un individu en ayant fait le choix.On peut également supposer que certains individus qui sortent des AS sont parmiles plus “performants” par rapport au marché du travail et, par conséquent, veulents’intégrer au sein du marché du travail non protégé.

737

Page 175: RBSS numéro 4/2002

REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

Il convient donc d’interpréter les résultats avec précaution, conscients des biaispouvant exister.

TABLEAU 9 : TAUX D’INSERTION PROFESSIONNELLE PAR CLASSE ET PAR TYPE DE DISPOSITIFDEUX ANS APRES L’ENTREE

Classe Classe 1 Classe 2 Classe 3

Type de politique EFT AS EFT AS EFT AS

Taux de réinsertion au seindu dispositif 0 % 79 % 0 95 % 0 % 71 %

Taux d’insertion hors dispositif 53 % 4 % 38 % 0 % 60 % 2 %

Il convient à ce stade de replacer la présente analyse dans le contexte plus vaste duproblème structurel du chômage sur le marché du travail belge.

La littérature économique met en avant plusieurs scénarios pour expliquer les cau-ses de ce chômage structurel. Dans le cadre de cette analyse, nous en retenonsdeux.

Le premier porte sur la “désemployabilité” des chômeurs de longue durée. Ce scé-nario souligne d’une part la perte de capital humain occasionnée par l’inactivité pro-longée et, d’autre part, l’interprétation par les entreprises d’une période de chôma-ge prolongée comme un signal négatif sur les aptitudes des travailleurs. Il en résulteque, plus une personne reste longtemps au chômage, moins elle est susceptibled’être embauchée, moins elle est employable. Les travaux empiriques à ce sujetrévèlent effectivement une relation négative entre ancienneté de chômage et tauxde sortie du chômage (Cockx et Dejemeppe, 1998) en faisant remarquer la faussedépendance à la durée. Le second scénario explicatif a trait à l’inadéquation entrel’offre et la demande de qualification (skill mismatch, voir à ce propos Cockx, Deje-meppe et van der Linden, 2000). Les études empiriques démontrent une évolutionasymétrique du taux de chômage par niveau d’étude. Ces différences entre les tauxde chômage par degré de qualification sont généralement interprétées comme résul-tant d’un problème d’inadéquation entre le profil recherché par l’employeur et leprofil offert par le demandeur d’emploi. Le progrès technologique, impliquant unedemande importante de travailleurs qualifiés ainsi que la désindustrialisation, phé-nomène substituant le travail moins qualifié par le capital et la mécanisation, sontautant de facteurs limitant les possibilités d’emploi pour la main d’œuvre peu quali-fiée.

738

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

Les deux scénarios décrits impliquent des politiques actives quelque peu différen-tes. L’une porterait plutôt sur la mise au travail de chômeurs de longue durée, victi-mes d’un problème de désemployabilité. L’autre tenterait surtout de former desdemandeurs d’emploi de manière à réduire leur déficit de qualification.

Chaque politique étudiée semble s’inscrire dans l’un de ces champs d’action. Ainsi,les AS tendent plutôt à répondre au problème de désemployabilité des demandeursd’emploi de longue durée en leur fournissant un travail dans un environnementprotégé. Les EFT visent surtout quant à elle à pallier le problème de l’inadéquationentre l’offre et la demande de travail en permettant à des personnes peu qualifiéesde suivre une formation (17).

L’analyse des résultats concernant les AS, compte tenu de ces objectifs, devraitdémontrer, au sortir de ceux-ci, un taux d’insertion plus important pour les person-nes plus âgées, ayant connu une période d’inactivité longue et remises au travail parle biais de cette politique active. Le profil des travailleurs se rapproche, dans ce cas,des individus composant les classes 1 et 3.

Si l’on considère uniquement les individus sortis des AS, l’observation du tableau 10.démontre que le taux d’insertion est effectivement plus élevé pour les individus desclasses 1 et 3 que pour ceux regroupés au sein de la classe 2.

Néanmoins, ce taux reste significativement inférieur aux taux relatifs aux individusprésentant les mêmes caractéristiques mais ayant participé à une politique active detype EFT.

TABLEAU 10 : TAUX D’INSERTION PAR CLASSE ET PAR POLITIQUE ACTIVE POUR LES INDIVIDUSSORTIS DE CELLE-CI

AS EFT

Classe 1 25 % 53 %

Classe 2 0 % 38 %

Classe 3 8 % 60 %

Pour les AS, ces constats tendent à confirmer, pour une part, le scénario du chôma-ge comme résultante d’un phénomène de désemployabilité. Les demandeursd’emploi de longue durée, qui en moyenne ont une plus grande expérience profes-sionnelle et une meilleure qualification (classe 1 et 3), remis au travail en AS, présen-tent de meilleures performances d’insertion, une fois sortis de l’AS que les individussans emploi depuis moins de 2 ans embauchés eux aussi en AS (classe 2). D’autre

(17) Une forte interaction existe entre les deux scénarios explicatifs. La catégorisation des politiquesactives sera donc adoptée avec prudence.

739

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

part, on constate que les bénéficiaires plus jeunes, relativement moins qualifiés,sans expérience professionnelle (classe 2) restent au sein des AS dans leur grandemajorité et s’ils sortent ne retrouvent pas d’emploi. Ce constat limite la portée dupremier scénario. En effet, ce résultat conforte l’hypothèse d’un problème d’inadé-quation de qualification pour ce type de public que deux ans en AS ne peuventcombler. L’emploi protégé offre, dans ce contexte, une réinsertion socioprofession-nelle qui s’inscrit dans la durée. Les AS semblent donc accueillir deux types depublics, les uns souffrant plus de désemployabilité, les autres d’un manque de quali-fication, ces derniers étant ceux qui restent le plus au sein des AS dans la durée.

Au regard des résultats pour les EFT, mesure active visant à réduire le déficit dequalification, on constate que c’est pour son public - cible, jeune peu qualifié (classe2) que les performances sont les moins bonnes. D’aucun y verrait un paradoxe.Alors que l’objectif des EFT est de toucher un public jeune, ce public, au sortir de laformation, présente justement les moins bonnes performances en termes d’inser-tion. Il convient donc de contraster les résultats de cette politique compte tenu deson relatif échec à l’insertion des jeunes peu qualifiés. Les performances sont relati-vement meilleures pour des individus plus âgés, relativement plus qualifiés. Ces con-stats nous amènent à nous interroger sur la faisabilité de qualifier des jeunes sansqualification en un temps si réduit de formation. Rappelons, toujours pour cetteclasse 2, que 95% des individus en AS y sont encore présents 2 ans après leurembauche… Cette proportion est significativement supérieure à celle des travail-leurs regroupés dans les deux autres classes.

Les deux dispositifs paraissent plus à même de favoriser l’insertion des chômeurs delongue durée hors du dispositif que pour des jeunes peu qualifiés.

8. CONCLUSION

La description des groupes cible souligne certaines différences entre le public effec-tif et le public visé par la base légale. Alors que les EFT visent, entre autre, un publicpeu scolarisé ne détenant pas de CESI, on observe que 40 % des stagiaires possè-dent celui-ci ou sont porteurs d’un diplôme supérieur. D’autre part, dans le cas desAS, le décret de la Région flamande impose d’accepter comme travailleurs du grou-pe cible uniquement des personnes inactives depuis plus de 5 ans. Or, l’analyse del’échantillon démontre que cette exigence n’est pas rencontrée.

La comparaison des publics effectifs interpelle, elle aussi, à plusieurs égards. Toutd’abord, l’âge moyen du public cible des deux politiques actives est sensiblementdifférent. Ceci s’explique par la volonté politique explicite, dans le cas des EFT, detoucher un public jeune alors qu’aucune restriction n’est imposée à ce sujet par lecadre légal relatif aux AS. La répartition des genres constitue une autre curiosité.Tandis qu’aucune mention légale ne porte sur ce point, les EFT regroupent en gran-de majorité des hommes contre une relative parité des sexes en AS. L’explication est

740

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ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX ...

peut-être à trouver dans le type de travail ou de formation proposé. Enfin, les stagiai-res en EFT sont aussi généralement moins qualifiés que les personnes embauchéesen AS. Sur base de la classification effectuée, nous remarquons aussi la répartitionassez homogène des individus des EFT et des AS dans les trois classes constituées :une classe d’individus d’âge moyen, chômeurs depuis plus d’un an à leur entrée,possédant une expérience professionnelle, relativement qualifié; une deuxième clas-se composé majoritairement d’hommes jeunes, peu qualifiés, sans expérience pro-fessionnelle; un troisième groupe, relativement plus âgé, chômeurs depuis plus d’unan à leur entrée, possédant une expérience professionnelle, relativement qualifié.

Ce constat suggère la présence d’un public (parfois) semblable (et sur base de sescaractéristiques observées) dans les deux mesures.

Sur base des observations disponibles et avec la prudence inhérente aux possiblesbiais de sélection, la comparaison des trajectoires professionnelles entre les classeset les dispositifs est instructif. Le taux de réinsertion professionnelle hors du disposi-tif est, bien sur, bien supérieur en EFT qu’en AS ce qui s’explique par les objectifsfondamentalement différents des structures.

Les EFT ont pour objectif de fournir une formation transitoire à des personnes trèspeu qualifiées, réduisant leur déficit de qualification et favorisant ainsi leur transi-tion vers le marché du travail traditionnel. Les AS, quant à elles, visent la créationd’emploi protégé, en leur sein, pour des chômeurs de longue durée. Allant au-delàde ce constat évident, il est intéressant de constater que tant les AS que les EFTaccueillent des publics différents : un public jeune peu qualifié et sans expérienceprofessionnelle et un public plus âgé, relativement plus qualifié et possédant uneexpérience professionnelle. Le taux de réinsertion des EFT est moins bon pour lepublic jeune peu qualifié - alors qu’il constitue légalement son public-cible. Cemême public est celui qui reste majoritairement, dans la durée, en AS et ne seréinsère pas en dehors de ceux-ci. Par contre, le public plus âgé et relativement plusqualifié est celui qui se réinsère mieux à la sortie des EFT et reste moins de temps ausein des AS.

Il apparaît que ce public préfère une situation de mise à l’emploi dans un environne-ment professionnel protégé, comme le proposent les AS.

__________

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TABLE DES MATIERES

ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ET ATELIERS SOCIAUX : UNE ANALYSE DE CLASSIFICATION DES PUBLICS CIBLES EN TERME DE CARACTERISTIQUES INDIVIDUELLES ET DE TAUX D’INSERTION

1. INTRODUCTION 703

2. LE MARCHE DU TRAVAIL EN FLANDRE ET EN WALLONIE 705

3. LES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL (EFT) ET LES ATELIERS SOCIAUX 709

3.1. LES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL . . . . . . . . . . . . . . . 7093.2. LES ATELIERS SOCIAUX (SOCIALE WERKPLAATSEN). . . . . . . . . . . . . . . 712

4. LA METHODOLOGIE 715

4.1. INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7154.2. LA CLASSIFICATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 716

5. ORIGINES ET RECUEILS DES DONNEES 717

5.1. LA BASE DE DONNEES « ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL ». . . . . . . 7175.2. LA BASE DE DONNEES « ATELIERS SOCIAUX » . . . . . . . . . . . . . . . . 7185.3. LES VARIABLES UTILISEES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 718

6. LE PUBLIC CIBLE EFFECTIF 719

6.1. LE PUBLIC DES ENTREPRISES DE FORMATION PAR LE TRAVAIL . . . . . . . . . . . 7206.2. LE PUBLIC DES ATELIERS SOCIAUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7226.3. LE PUBLIC EFFECTIF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 725

7. RESULTATS 727

7.1. RESULTATS DE LA CLASSIFICATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7277.2. LA SITUATION SOCIOPROFESSIONNELLE APRES LA PARTICIPATION AUX POLITIQUES

ACTIVES ET LE TAUX D’INSERTION. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 732

8. CONCLUSION 740

BIBLIOGRAPHIE 742

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LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UNEMPLOI ?L’INFLUENCE DE L’INTEGRITE, DE LA PARTICIPATION ET DE LA CONFIANCE SURLA PERCEPTION DES CHANCES

PAR JASPER VON GRUMBKOW* et ERIC RAMAEKERS**

* Open University Pays-Bas** Centrum voor Beroepsopleiding Maasland

INTRODUCTIONDepuis 1999, en Flandre, les chômeurs, pour qui l’accès au marché de l’emploi estdifficile, bénéficient d’une approche ciblée et personnalisée ; autrement dit le par-cours d’insertion. Il s’agit d’une méthode d’intégration des chercheurs d’emploi aumarché du travail. Les Pays-Bas mènent une politique identique, d’ailleurs inscritedepuis le 1er janvier 1998 dans un cadre légal [Loi Insertion des Demandeursd’Emploi (Wet Inschakeling Werkzoekenden, WIW)]. Entre-temps, cette approchesur mesure a été mise en œuvre en Flandre dans le cadre du champ d’action duVlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling (VDAB).

Bien des acteurs sur le marché du travail se sont actuellement approprié cetteméthode. Outre le VDAB, nous pouvons observer des initiatives locales lancées parle secteur socioéducatif, l’aide sociale, les communes et divers projets en relationavec le chômage. Dans le jargon politique, on les qualifie de ‘tiers’. Par ailleurs, l’ontrouve encore des services proposant des parcours d’insertion pour handicapés[arbeidstrajectbegeleidingsdiensten voor gehandicapten (ATB)], pour les minimexés(CPAS) et les jeunes de l’enseignement professionnel à temps partiel, et autres.La part du lion de ces initiatives d’accompagnement est rendue opérationnelle par leVDAB (opérateur ou exécutant) et ceci le plus souvent en collaboration avec des tiersspécialisés, centres publics d’aide sociale, ATB, enseignement à temps partiel, e.a.

Les visées politiques sont très ambitieuses. Pendant le contrat de gestion concluavec les pouvoirs publics (1999 – 2002), le VDAB s’est engagé à prendre en chargechaque année un nombre minimal d’usagers au chômage. L’objectif pour 2000 étaitle lancement de 64.000 parcours (Source : VDAB rapport annuel 2000).

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Le champ d’action depuis les débuts en 1999 est impressionnant. Le VDAB, à luiseul, signale pour la période 1999 - 2000 avoir effectué une définition de parcours etémis un diagnostic pour 81.102 chômeurs. Il a offert à 10.205 usagers sans travailune formation en matière de candidature à un emploi. 5.561 chômeurs ont suivi uneformation axée sur la connaissance de soi. Il a dispensé à 28.760 chômeurs une for-mation professionnelle spécifique et en a accompagné 19.683 sur les lieux du travail(Source : VDAB rapport annuel 2000, p. 14).En 1999, aux Pays-Bas, les organes d’exécution ont fait part de l’inscription de19.000 chômeurs à un parcours. Sur l’ensemble du groupe pouvant être pris en con-sidération pour une telle approche, cela représente 27%. C’est moins que l’objectifvisé. Un programme a été véritablement lancé pour 12.000 personnes (LISV, 2000).Si toutes n’ont pas profité d’un parcours d’insertion, c’est dû à plusieurs raisons :moyens limités, composition du fichier des chômeurs pour lequel il est difficile,sans préparation judicieuse préalable, de suivre un parcours, motivation de certainsusagers et flux des sorties vers le travail d’usagers présentant toutes les chances deréussir sur le marché de l’emploi (Engelen e.a., 1999).

L’étude d’Engelen et de ses collègues (1999) fait apparaître que les municipalitésnéerlandaises apprécient en règle générale la création et la mise en œuvre de projetsde parcours. Elles ont le sentiment qu’après avoir terminé le parcours, la plupart desusagers sont orientés vers un travail. Nous ne disposons pas à cet égard de maté-riaux chiffrés, mais l’examen des dossiers par Engelen e.a. (1999) fournit des indica-tions selon lesquelles, les usagers ayant suivi un parcours d’insertion parviennentplus souvent à intégrer le circuit de travail que leurs homologues n’en ayant pasbénéficié.En Flandre, les données chiffrées nous parviennent essentiellement du VDAB. Entre1999 et 2000, quelque 56.536 parcours auraient été conclus. Parmi ceux-ci, pasmoins de 41.457 usagers auraient emprunté une autre voie pour s’insérer dans le cir-cuit du travail (73,30%) (Source : VDAB rapport annuel 2000). Les autres opérateursde parcours d’insertion font état dans leurs rapports de pourcentages comparables.A cause d’éventuels chevauchements (nous ne savons pas si ces données ont déjàété reprises dans les statistiques du VDAB), nous ne nous attarderons pas sur cesdonnées.En marge de ces résultats positifs, il nous faut souligner qu’il s’agit de parcoursaccomplis. Le caractère durable de la mise au travail est inconnu. Par ailleurs, nousignorons tout des éventuels effets lorsqu’un chômeur trouve un emploi sans ce pro-gramme d’activation et du possible effet de substitution (lorsque l’engagement d’unchômeur entraîne le licenciement d’un travailleur ou le non-recrutement d’un candi-dat) (Layard, 1997, p. 339).

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LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCHES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ?

1. OBJECTIF DE L’ETUDE

Le parcours d’insertion est une politique d’activation axée sur la personne du chô-meur en vue de le réintégrer. Dès lors, le succès du programme dépend aussi enpartie de deux éléments : comment l’usager vit-il cet accompagnement et, en parti-culier, cet accompagnement multiplie-t-il ses chances d’améliorer sa situation. L’ob-jectif du présent article est de cerner la vision des usagers chômeurs sur leurs possi-bilités de décrocher un emploi grâce au parcours d’insertion. Donc, notre premièrequestion s’énonce ainsi : “l’usager appréhende-t-il mieux ses opportunités de travailgrâce au parcours d’insertion ?”. Dans cette étude, effectuée sur 471 chômeursbénéficiaires de ce programme, nous avons par ailleurs aussi examiné l’influenced’un certain nombre de facteurs systémiques et répartitifs sur la perception desopportunités du public concerné. Le fichier complet de l’étude compte 624 usagersde parcours d’insertion mais, pour contrôler plus spécifiquement leurs réactions,nous n’avons pas pris en compte, pour faciliter notre analyse ultérieure, les partici-pants aux cours de l’enseignement à temps partiel et les usagers sans statut de chô-meur (indépendants, invalides partiels).

Le présent article examine la question posée d’un point de vue sociopsychologique.La psychologie sociale est conçue comme une science, qui tente de mettre en évi-dence les déterminants sociaux du comportement et les circonstances induisant cer-tains types comportementaux (von Grumbkow, 1988; Meertens & von Grumbkow,1994). Nous tenterons de mettre à jour quelques déterminants des perceptionsd’opportunités des chômeurs. Cet article est également lacunaire en ce qu’il n’aborde pas les actuelles réformespolitiques en matière de réintégration. Ces réformes sont particulièrement attenti-ves à la collaboration entre public et privé sur un plan local, à l’approche du guichetunique qui exige une participation étroite entre institutions, à l’éventuelle concur-rence entre institutions et au financement plus volontiers fondé sur les prestations.Selon Aarts et Velema (2000), la concurrence sur le marché de la réintégration sedurcit. On tente de placer dans une fonction adaptée au coût le plus bas possibletous les chômeurs raisonnablement réintégrables. Le marché de la réinsertion esttout, sauf homogène. Par ailleurs, dans cet article, nous nous limitons au marché de la réintégration lié ausecteur public. Dans notre étude, nous nous intéressons donc à des chômeurs quin’ont plus aucun lien contractuel ou financier avec un employeur (antérieur). Dufait de l’absence de ce lien, les opérateurs publics ne font guère preuve de dynamis-me. Il n’existe aucun aiguillon financier pour créer une véritable émulation entre lesdifférents organismes de parcours d’insertion sous l’angle des résultats. En tantqu’institution, l’appréciation se fait sur des parcours d’insertion réalisés et non surdes réinsertions réussies (placements dans des emplois réguliers) (Aarts et Velema,2000). S’y ajoute que le groupe de chômeurs difficiles à caser constitue un ensembledisparate : chômeurs de longue durée, chômeurs qui n’ont jamais travaillé, handi-capés (victimes d’accidents de travail). Dans notre étude, nous avons ignoré cettedernière catégorie.

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2. PARCOURS D’INSERTION

2.1. AMBITION SOCIOPSYCHOLOGIQUE

2.1.1. Action cibléeEn matière de parcours d’insertion, d’accompagnement et d’organisation, l’aspectinnovateur réside dans l’approche ciblée, individualisée et progressive (Berg et al,1996). On tente d’activer le chômeur pour le ramener à court terme sur le marchéde l’emploi. La mise en oeuvre méthodique et progressive inspirée d’un modèled’intervention sociopsychologique clair en constitue la caractéristique centrale. Ce modèle d’intervention distingue au moins trois composantes : (1) la définition duparcours d’insertion pour lequel est établi un projet, (2) le suivi du parcours pouren vérifier les progrès et (3) la guidance à l’aide d’entretiens de soutien. Le tout estorganisé selon une procédure standardisée qui tient cependant compte de l’histori-que de l’usager et de ses aptitudes.Les différentes phases de l’intervention peuvent s’énoncer comme suit : un premierentretien suivi d’un diagnostic qui doit mener à un plan d’action provisoire, uneproposition d’intervention (rédaction d’un projet de parcours d’insertion) qui, à sontour, peut être le point de départ d’un préparcours au cours duquel peut être dis-pensée une formation non professionnelle, l’intervention à proprement parler (con-sistant en l’exécution et en l’accompagnement du parcours d’insertion), l’éventuellemédiation dans le domaine de l’emploi, l’évaluation de l’intervention et un nouveaudiagnostic posé sur la nouvelle situation créée après l’intervention.

2.1.2. Activation et contrôle Dès la première proposition visant à mettre en oeuvre une intervention, l’accent estmis sur la motivation et l’activation ciblées de l’usager. Cette mise en place passepar des entretiens individuels. La motivation et l’activation sont poursuivies pendanttoute l’intervention. Aux Pays-Bas, les études de Bergsma et Hazelaar (2001) fontapparaître que le degré d’activation ne doit pas être surestimé. Souvent, le contrôles’effectue seulement sur les lettres de candidature. L’activation et le contrôle s’appli-quent principalement à des usagers dont on s’attend à ce qu’ils retrouvent rapide-ment du travail (aux Pays-Bas, les usagers dits de 1ère phase). Ceci implique queseuls sont stimulés et contrôlés les comportements de recherche et de sollicitation.Les usagers ne reçoivent pas directement des informations et des propositions detravail, notamment à cause du planning trop serré qui ne laisse guère de temps pourtenir compte de leurs besoins spécifiques. Par ailleurs, la manière de travailler duresponsable peut également jouer un rôle. Ce dernier a deux options : soit se consa-crer exclusivement au contrôle, soit agrémenter ce contrôle d’une activation (Terps-tra, e.a 1999). S’y ajoute, qu’à ce jour, les opérateurs – du moins aux Pays-Bas – ne semblent pasfaire preuve de beaucoup d’initiative pour mettre sur les rails de nouveaux par-cours. En effet, nos voisins se focalisent sur l’activation et le contrôle en rapportavec les comportements de recherche et de sollicitation. Aux Pays-Bas, le parcours

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ne commence pas avant six mois. Cette passivité relative est liée à la structure dufinancement et à l’organisation du travail (Bergsma & Hazelaar, 2001) : la décisionportant sur un parcours d’insertion est souvent prise par un responsable des servi-ces administratifs qui n’a pas de contact avec l’usager.

En Flandre, les priorités sont autres. Les services destinés aux demandeurs d’emploisont conçus de telle manière que le VDAB leur garantit à tous une prestation debase. Celle-ci comprend l’inscription, le traitement administratif, une informationsur mesure, un premier screening et un éventuel appariement avec une offre d’em-ploi ou une invitation à une détermination de parcours (Source : VDAB rapportannuel 2000, p. 23-24). Donc, de prime abord, une forme de tri est opérée entre lesdemandeurs d’emploi. D’un côté, les personnes qui, la certitude en est relativementgrande, semblent aptes à s’engager sur le marché de l’emploi. De l’autre côté, lespersonnes qui ont probablement besoin de l’une ou l’autre forme d’accompagne-ment. Dans ce cas, il arrive que des usagers soient envoyés à des tiers ou à des pro-jets spécialisés dans le cadre de l’objectif 3 du FSE pour lequel le VDAB assume lerôle d’opérateur.En 2000, en Flandre, environ 25,2 millions d’euros ont été affectés à la prestation deservices de base et 151,3 millions d’euros à la mise en oeuvre des parcours d’inser-tion. Ces moyens proviennent pour l’essentiel des pouvoirs publics flamands (Sour-ce : VDAB rapport annuel 2000, p. 82).

2.1.3. Diagnostic ciblé On attend des accompagnateurs de parcours d’insertion qu’ils posent un diagnosticcorrect des caractéristiques liées à la personne. Ce diagnostic est fondé sur la répon-se à au moins quatre questions (de Grip & Sanders, 2001). En premier lieu : quepeut faire le chômeur et quelles sont donc ses capacités ? Le diagnostic tient comptede ses antécédents scolaires, de son aptitude à la formation, de sa capacité de flexi-bilité et de sa capacité de s’impliquer largement (horaires de travail irréguliers,temps partiel ou temps plein). Il s’agit ici du ”savoir-faire”. Cette étape – de dia-gnostic – est également l’occasion, de recadrer, de gommer la période d’inactivité. Ensuite, la deuxième phase, c’est le moment de cerner les attentes de l’usager. Il s’a-git ici du « vouloir ». Dans quelle mesure, est-il suffisamment de bonne volonté pouraccomplir différentes fonctions, pour être mobile sur le plan géographique, poursuivre des formations et pour se montrer largement disponible du point de vue deshoraires de travail. En troisième lieu, il convient de vérifier ce que fait l’usager dansles faits pour tenter de décrocher un emploi (“cherche-t-il activement un emploi ?”)et quels sont, en quatrième lieu, les obstacles personnels. Pour les sans-emploi, cesobstacles sont principalement liés à l’âge, à un éventuel handicap, à des problèmespsychiques et à la situation familiale.

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2.1.4. Durée et intensité du parcours d’insertion Il est clair qu’un parcours d’insertion, et donc son accompagnement, ne peuventdurer trop longtemps, faute de quoi suivre le parcours se transforme en un but ensoi. Ceci vaut aussi pour son intensité. En effet, trop intense, le parcours est suscep-tible de faire naître des espérances irréalistes. Par contre, trop peu d’intensité peutavoir pour conséquence que le parcours d’insertion soit pris à la légère. En tout cas,il est indispensable que les contacts entre usager et accompagnateur doivent êtreintensifiés et ceci par le biais de réévaluations (Engelen et al., 1999). Les réévalu-ations fréquentes induisent une vision plus claire de la situation de l’usager, davanta-ge de possibilités de recours à des modules (instruments du marché de l’emploi) etun contrôle de l’obligation de travailler. La réévaluation serait l’un des instrumentsd’activation les plus importants (Engelen et al., 1999).

2.2. GROUPES CIBLES ET TRAVAIL SUR MESURE

2.2.1. Groupes cibles Pour arriver à un conseil individualisé, une distinction minimale est nécessaire entregroupes cibles. Savoir quand émettre quelle offre dépend de la distance qui séparel’usager du marché de l’emploi. A cet effet, on a développé aux Pays-Bas la « mesuredes opportunités » (« kansmeter ») (Bunt et al, 2000). En Flandre, on a préféré ne pasdéterminer au préalable les opportunités sur le marché de l’emploi, mais laisserl’initiative de la recherche à l’usager pendant un certain temps. Toutefois, dans lecadre du diagnostic, on recourt également à un entretien individuel qualificateur[instrument de mesure de la maturité au travail (« Ari: arbeidsrijpheidsinstrument »)].

Différentes répartitions en groupes cibles sont envisageables. Les Pays-Bas ontinstauré la division en phases. Cette répartition permet de faire une estimation de ladistance qui sépare l’usager du marché du travail. Sur la base de cette division enphases, on peut recourir de manière plus ciblée à des instruments spécifiques. Dansla phase 1, on attend des usagers qu’ils soient à même de trouver eux-mêmes du tra-vail et ceci dans un délai de six mois. Les instruments sont axés sur une médiationdirecte et un retour sur le marché du travail. Les usagers de la phase 2 sont censésavoir besoin d’un cours ou d’une formation appropriés parce que l’on s’attend à cequ’ils aient besoin de plus de six mois. Après un laps de temps de maximum un an,le demandeur d’emploi doit de nouveau être disponible pour le marché de l’emploi.Pour les usagers de la phase 3, les prévisions d’un retour au travail portent sur plusd’un an et les instruments à mettre en œuvre sont plus intensifs. Les usagers de laphase 2 et de la phase 3 reçoivent une offre de médiation par le biais d’un parcoursd’insertion. Une distance infranchissable sépare les usagers de la phase 4 du marchédu travail. Du fait de lourds obstacles personnels, il n’est guère possible de recourirà court terme à des instruments de marché du travail. Ici, l’accent est mis sur l’atten-tion.

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Selon une étude comparative (MSZW, 2001), cette répartition en groupes cibles estdéterminante pour le timing et l’offre proposée. Aux Pays-Bas, qui s’appuient toutcomme en Suède sur une répartition en phases, une offre est faite relativement viteaux jeunes. La Belgique convoque le jeune après 3 mois, tandis que les adultes lesont après 6 mois. Chez nos voisins, il n’en va pas de même : l’offre faite aux adultesdiffère dans le temps qui ne peut cependant excéder 12 mois après la premièreinscription.

En Flandre, on recourt entre autres à une évaluation des risques. Les chances desbénéficiaires d’obtenir une médiation dans le cadre d’un parcours d’insertion dimi-nuent au fur et à mesure que les facteurs de risque (caractéristiques liées à la per-sonne) se cumulent chez l’usager. Les facteurs de risque (VDAB, 1999) dont il esttenu compte sont : le sexe (les femmes ont moins de possibilités) et le niveau d’édu-cation (un faible niveau d’éducation est synonyme de possibilités moindres). Parmid’autres facteurs de risque, citons : un âge supérieur à 30 ans et une durée de chô-mage supérieure à deux ans. Par ailleurs, le fait d’être non belge, peut être indiquécomme facteur de risque supplémentaire (PWR, 1999).

2.2.2. Travail sur mesure Le travail sur mesure suppose des conseils individualisés à l’intérieur d’une stratégieaxée sur des groupes cibles. Le travail sur mesure a pour objectif de présenter cetype de programmes sans tomber dans le piège de la généralisation avec les éternelsdépliants explicatifs et les classiques formations standard. La standardisation se heur-te à la réalité des variations individuelles dans la population. La tentation est cependant grande d’uniformiser la politique menée. Les raisons sontde deux ordres : souvent, les usagers n’ont pas conscience de leurs potentialités et ilest difficile pour les accompagnateurs du parcours d’insertion d’en avoir une imageprécise. Par ailleurs, la composition du groupe cible des demandeurs d’emploisévolue aussi rapidement. Brander et Geerlof (2000) déclarent par exemple que lesfemmes ayant des ambitions d’entrepreneur formaient, voici quelque dix ans, un ferde lance dans la politique, mais qu’actuellement, les nouvelles « entrepreneuses » nese distinguent plus qu’à peine des nouveaux entrepreneurs. Néanmoins, pour chaque demandeur d’emploi, un accompagnement sur mesuredoit être défini. De concert avec le consultant (accompagnateur de parcours d’inser-tion), une voie est balisée en vue de l’acquisition d’un emploi, en tenant compte desaptitudes, des limitations et des besoins de l’usager. En fonction de la formation etde l’expérience, le demandeur d’emploi parcourt un certain nombre de modulesdans la quête commune d’un emploi.

Plusieurs modules différents peuvent être choisis au cours du préparcours ou pen-dant l’intervention. Lors de la pose d’un premier diagnostic, des tests de langue, deniveau et de choix professionnel peuvent être utilisés. On accorde alors égalementun accompagnement lors de la sélection des choix. Ce faisant, il est tenu compte

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des capacités et des limites de l’usager ainsi que des perspectives du marché del’emploi. En outre, l’usager peut également être suivi dans son écolage, envoyé enstage où il peut même être accompagné. Les propositions de parcours peuvent être limitées dans le temps (uniquementmédiation pour les usagers mûrs pour le marché du travail) ou être plus longues(intensives avec éventuelles actions spécifiques en vue d’une formation à la sollicita-tion, d’une formation personnelle, d’une formation technique spécialisée ou d’uneformation sur le terrain). Un parcours d’insertion comporte surtout des recyclages àl’aide de cours, l’acquisition d’une expérience de travail et, en fin de compte, leplacement final. Dans la pratique, les activités de l’accompagnateur de parcoursd’insertion sont focalisées sur la politique de formation et d’emploi. Le parcoursd’insertion emprunte la piste du demandeur d’emploi sans suivre systématiquementcelle de l’employeur (Van den Berg, 1996). L’objectif final du parcours d’insertionest pour ainsi dire toujours de décrocher un emploi dans le circuit normal du travail.

2.3. PRESSION SUR LES ACCOMPAGNATEURS ET LES OPERATEURS DE PARCOURS D’INSERTION

2.3.1. Liberté de choix limitée Malgré le travail sur mesure, la liberté de choix de l’usager au sein du processus deréintégration est limitée. Cette liberté serait uniquement possible si l’on expérimen-tait avec des budgets de réintégration individuels. Elle est également conditionnéepar la transparence de l’offre de modules des opérateurs de circuits d’insertion, àl’instar de l’Australie et des Etats-Unis (Arents, et al, 2001). Dans ces deux pays, lesdemandeurs d’emploi peuvent choisir dans une liste présélectionnée d’organismes,l’opérateur dont ils vont requérir les services. Ils peuvent disposer eux-mêmes d’unbudget spécialement affecté à cet effet. En Belgique et aux Pays-Bas, c’est l’organis-me exécutant qui choisit l’organisme de réintégration auquel est adressé l’usager.Une plus grande liberté de choix demanderait, comme en Australie et aux Etats-Unis, la publication de listes parmi lesquelles l’usager pourrait comparer les presta-tions et les coûts des diverses organisations à l’aide de critères.

Aux Pays-Bas, une expérience a été faite avec des budgets de réintégration person-nels (« Persoonsgebonden reïntegratie budgetten ») (Bosselaar, 2001). Les deman-deurs d’emploi pouvaient faire usage d’un budget d’environ 4.500 euros pour uneannée. L’affectation de ce montant faisait l’objet d’une vérification marginale. Bosse-laar (2001) observe que les experts-placeurs éprouvent des difficultés à apprécierles dépenses proposées des usagers. Pour plusieurs usagers, ce système vise trophaut. Cette formule a au moins un mérite en ce sens que l’on assiste à un réaména-gement des responsabilités : l’usager maîtrise mieux sa propre réintégration. Lesbénéficiaires qui ont pu recourir à ce budget étaient généralement des personnesayant bénéficié d’un degré de scolarisation élevé.

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2.3.2. Pression sur les usagers Le parcours d’insertion est basé sur un modèle d’accompagnement psychologi-quement complexe parce qu’il demande une réorientation des chômeurs (de longuedurée), une acceptation de la quête commune et une orientation personnelle visantà combler les lacunes. Le tout, toujours dans la perspective de retrouver le plus vitepossible un emploi rémunéré. Cette approche doit former les fondations d’une amé-lioration des chances de chômeurs difficiles à placer. Par ailleurs, l’accompagne-ment est une affaire délicate parce qu’il contient toujours la menace de la perte dela prestation financière lorsque l’usager ne participe pas – voire n’en est pas capa-ble – avec motivation à cette démarche. Un autre point épineux est lié à l’usager,qui tout en acceptant ses propres déficiences risque de se sentir en position de fai-blesse par rapport aux experts et aux possibilités de l’accompagnateur et de l’opéra-teur du parcours d’insertion.

2.3.3. Orientation sur les résultats et sur les usagers Le concept central est le suivant : chacun est digne de bénéficier d’un accompagne-ment et de trouver du travail. Quasiment, chacun est accepté dans cette procédure,indépendamment du cumul des facteurs de risque et de la répartition en phases (àl’exception des usagers de la phase 4). Des accompagnateurs du parcours d’inser-tion, on attend une ‘certaine production’ parce que la barre a été placée haut. Lesaccompagnateurs doivent se focaliser sur les résultats et sur leur public. Ils doiventabandonner leurs anciens modes routiniers de fonctionnement, étayés par l’expé-rience et l’histoire, pour les renouveler. Ils doivent s’ouvrir à la communication, êtreprêts et capables de nouer des liens de partenariat avec le chômeur. Cette concurrence exacerbée sur le marché de la réinsertion reflète le travail de l’ac-compagnateur. L’évolution de ce marché entraîne un plus grand dynamisme : caserun grand nombre de chômeurs à un prix raisonnable (Aarts et Velema, 2000). Dèslors naît une tendance visant à fixer au préalable un nombre d’usagers par accom-pagnateur (« case-load ») et un quota d’usagers prioritairement « ciblés » pour les-quels, le cas échéant, on peut même compter en minutes. Avec pour éventuelleconséquence que les usagers difficiles à accompagner sont laissés sur le carreaualors qu’en principe, une solution sur mesure doit permettre une certaine latitude.

Cette façon d’aiguillonner l’accompagnateur et l’usager donne forme à une dépen-dance mutuelle. L’usager ressent une pression tout aussi forte pour s’engager dansles propositions de parcours d’insertion établis par les accompagnateurs. Dans ceprocessus de prise de conscience, l’usager est managé par l’accompagnateur du par-cours. Ce changement dans la réflexion politique sur la sécurité sociale illustre latransition de la protection à l’activation (Deleeck, 2000).

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2.3.4. Feed-back rapide Etre orienté sur les résultats et sur le public exige un feed-back rapide. Or, souvent,cette condition fait défaut. C’est tout autant le cas en Flandre qu’aux Pays-Bas. Il res-sort de l’étude néerlandaise de Bergsma et Hazelaar (2001) qu’un usager qui intro-duit une demande d’allocation de chômage n’est pas directement conseillé sur larecherche d’un emploi vacant approprié. L’idée de travail n’est pas à l’ordre du jourlors de la demande. En premier lieu, des informations sont collectées sur le droit, ladurée et l’importance de l’allocation. Outre cette vérification des critères formelsd’admission, l’attention se porte aussi sur les critères plus subjectifs de savoir si lapersonne est responsable de son chômage. Plus tard seulement, lorsque intervientune dépendance à l’allocation, il est question de travail. Selon Bergsma et Hazelaar,la structure de financement n’y est pas étrangère, parce que les opérateurs ne sontpas indemnisés pour les actes qui précèdent la demande d’un soutien financier.

2.3.5. Problème d’information Du fait de la grande diversité tant du côté de la demande que de l’offre, les travail-leurs et les employeurs ne peuvent apprécier que difficilement jusqu’à quel point ilsrépondent aux attentes posées par l’autre partie. Les employeurs et les travailleurssont confrontés à un problème d’information (Wets & Dewitte, 1997), ce qui entraî-ne un grand flou que l’on pourrait lever si on rendait plus accessibles les informa-tions utiles sur l’offre des demandeurs d’emploi, voire sur la nature des emploisvacants (voir aussi Van den Berg et al, 1996).

2.3.6. Organisations de réseau L’approche par parcours d’insertion exige un bon ancrage de l’opérateur du par-cours d’insertion dans un réseau de dispositifs et d’institutions (van Gunst & Pen-nings, 1995). Du fait de la diversité des institutions qui offrent de l’aide et des mul-tiples voies d’insertion mises en place, plusieurs opérateurs jouent un rôle dans lespossibilités offertes à l’usager. Il n’y a pas que l’usager qui ait une certaine distancepar rapport au marché de l’emploi; cette distance existe également dans le chef desorganisations de parcours d’insertion. Cette distance est raccourcie si l’opérateurentretient de bons contacts avec d’autres organismes susceptibles d’offrir une aidesociale, de fournir un travail socioculturel ou qui sont proches de dispositifs éduca-tifs et qui entretiennent des liens étroits avec des lieux où peut s’acquérir une expé-rience de travail voire s’effectuer un placement.

Comme aux Pays-Bas, où se développent des Centres pour le Travail et le Revenu[Centra voor Werk en Inkomen (CWI)], il est important que les usagers puissents’adresser à un guichet pour les principaux services ad hoc qui se rapportent à l’en-semble du processus de réintégration. Les opérateurs doivent de plus en plus s’orga-niser en réseau capable de déployer des dispositifs ou de jouer rapidement un rôled’intermédiaire (van Gunst & Pennings, 1995).

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En Flandre, nous assistons à un glissement de la politique d’emploi vers le niveaulocal par le biais du concept de « werkwinkel » (boutique de travail). Ici, aussi, l’onsouhaite instaurer le guichet unique, le principe d’un seul dossier par usager. Le“werkwinkel” au niveau communal remplit deux fonctions : la prestation intégréede services de base pour demandeurs d’emploi et l’emploi de services. Le “werkwin-kel” coordonne les actions qui sont offertes par le VDAB, les agences locales pourl’emploi, les services de proximité (ALE), le CPAS, les ATB et les organisations loca-les qui se consacrent à l’accompagnement des chômeurs (fonction de portail). Pour2004, on prévoit en Flandre la création de 120 à 140 ‘werkwinkels’ (Source : VDABrapport annuel 2000).

3. PERCEPTION DES CHANCES : POSSIBILITES APPORTEES PAR LE PARCOURSD’INSERTION

3.1. UN RESULTAT POSITIF : LA RECONNAISSANCE DES CHANCES Pour peu que le parcours d’insertion s’apparente à une sorte de pression sociale,son succès dépend aussi de la manière dont cette influence prend forme au senspsychologique. Intrinsèquement, l’objectif est qu’au cours de son parcours d’inser-tion, l’usager se persuade que ses chances d’intégrer le marché du travail sont meil-leures que sans accompagnement. La pression sociale a pour premier effet d’amélio-rer les attitudes et les qualifications de l’usager.

Lorsque le parcours d’insertion est réussi, l’usager percevra sa situation autrementqu’auparavant. En particulier, il percevra des opportunités qui, de prime abord,n’existaient pas (à ses yeux). Pour peu qu’il appréhende ses nouvelles potentialités– d’autant qu’il a bénéficié de programmes de formation –, on escompte bien qu’illes saisisse pour renforcer sa position.Notre point de départ est le suivant : si le parcours d’insertion se veut efficace, ildoit donner lieu à certains résultats qui, d’après nous, doivent être compris par l’u-sager comme de nouvelles opportunités.Dans les études sur l’employabilité aussi, cette “chance d’entrée” – c’est-à-dire lapossibilité d’obtenir un emploi – constitue le point de départ (de Grip & Sanders,2001). L’employabilité consiste en la capacité et la volonté des personnes à obtenirun emploi et à le conserver (MOCW, 1998). Ce « visa » est avant tout fonction desqualifications du chômeur. La valeur de ses qualifications dépend des besoins dumarché du travail. Ainsi, cette chance est liée tant aux caractéristiques de l’individuqu’aux opportunités sur le marché de l’emploi.

3.1.1. Image positive des opportunités grâce au parcours d’insertion Dans une enquête réalisée en Flandre sur 471 usagers, tous participants d’un par-cours d’insertion, nous nous sommes intéressés à leur autoperception eu égard àleurs opportunités. Nous faisons figurer une brève description de l’étude dans l’an-nexe 1. La perception des opportunités est déterminée à l’aide d’échelles de cinq

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points (de type Likert) qui portent sur une interrogation : jusqu’où, le parcours d’in-sertion accroît-il les possibilités d’amélioration de la situation. L’amélioration desopportunités se réfère notamment à :

le fait de trouver un emploi fixe ; l’acquisition de compétences professionnelles meilleures et en plus grand nombre ; une plus grande confiance en soi ; l’amélioration de la situation financière ;l’augmentation du nombre de contacts ; un travail pas trop éloigné ;l’accroissement du nombre d’offres d’emploi ;un travail mieux en harmonie avec les souhaits et les préférences propres.

Il ressort du tableau 1 que le groupe cible apprécie positivement les opportunitésperçues d’amélioration de sa situation. Nous constatons dans ce tableau 1 que 53%des personnes interrogées confirment que le parcours d’insertion augmente lesopportunités de travail par rapport aux personnes non accompagnées, 33% se di-sent plus ou moins d’accord et 14% ne sont pas d’accord ou sont sans opinion. 74%des personnes interrogées pensent avoir plus de chances de décrocher un emploifixe et 48% entérinent pleinement le fait que leur situation est améliorée.

Il va de soi que nous ne pouvons fermer les yeux sur le pourcentage d’usagers chô-meurs sceptiques. Par exemple, 23% des usagers expriment leur désaccord (ou sedéclarent sans opinion à ce sujet) sur le fait que la confiance en soi augmenteraitgrâce au parcours d’insertion, 30% des usagers chômeurs ne voient dans ce pro-gramme aucune raison d’amélioration de leur position financière (même pas dans lefutur) et 19% trouvent que le parcours ne tient aucun compte, voire insuffisam-ment, des préférences et des souhaits personnels. Seulement, 43% sont convaincusqu’un emploi fixe les attend, 31% sont plus ou moins d’accord et 26% pensent quec’est illusoire ou n’expriment aucune opinion.

Nous en concluons que le parcours d’insertion est apprécié de manière globalementpositive. L’usager voit augmenter ses chances grâce à ce système. Au sein du grou-pe, nous relevons cependant un grand nombre de variations. Cette variabilitédemande quelques explications. Comment se fait-il que certains usagers se montrentplus positifs à l’égard du parcours d’insertion que d’autres ? Dans la suite du présentarticle, nous tenterons de trouver certaines explications à cette situation.

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TABLEAU 1: APPRECIATION PAR L’USAGER CHOMEUR DE SES CHANCES D’AMELIORER SA SITUATION GRACE AU PARCOURS D’INSERTION (EN %)

Amélioration des opportunités de Pas du Plus ou Ni d’accord Plus ou Tout àtout moins en ni en moins fait

d’accord désaccord désaccord d’accord d’accord

1. Travail 2 % 3 % 9 % 33 % 53 %2. Amélioration de la situation 3 % 3 % 11 % 35 % 48 %3. Augmenter ses compétences professionnelles 3 % 3 % 13 % 31 % 50 %4. Acquérir une plus grande confiance en soi 4 % 4 % 15 % 33 % 44 %5. Une meilleure position financière 4 % 6 % 20 % 28 % 42 %6. Plus de contacts 2 % 3 % 8 % 34 % 53 %7. Meilleur accrochage aux souhaits et

préférences personnels 3 % 3 % 13 % 35 % 46 %8. Travail dans les environs 3 % 4 % 18 % 35 % 40 %9. Tenir compte de circonstances personnelles 2 % 5 % 12 % 34 % 47 %10. Plus d’offres d’emploi 5 % 3 % 16 % 34 % 42 %11. Trouver un emploi fixe 4 % 5 % 17 % 31 % 43 %

4. FACTEURS INFLUENCANT LA PERCEPTION DES OPPORTUNITES

Parce que nous avions constaté que les usagers variaient dans la perception de leurspossibilités, nous avons cherché ce qui pouvait éventuellement expliquer cette dif-férence. Ce faisant, nous avons porté notre attention sur trois facteurs plausibles,susceptibles d’influencer la perception des opportunités. Ces facteurs se rapportentà la manière dont les usagers (à leurs yeux) sont approchés par l’accompagnateuret/ou par l’organisme de parcours d’insertion.Les facteurs examinés sont les suivants : (1) le vécu de la pertinence et de l’équitéde la procédure du parcours d’insertion, (2) le degré d’implication de l’usager dufait de sa participation à l’organisation et à la réalisation du parcours, et (3) le degréde confiance de l’usager dans l’accompagnateur et dans l’opérateur du parcoursd’insertion. A notre avis, ces trois facteurs peuvent exercer une influence sur ledegré d’appréciation des usagers de leurs opportunités et sont ainsi décisifs dans laréussite du programme.

Par facteur examiné, nous avons par ailleurs étudié s’il existait des différences statis-tiques pour deux sortes de caractéristiques. Il s’agit de deux caractéristiques liées ausystème, à savoir le type de parcours (bref ou long) et l’institution qui pourvoit auparcours (VDAB ou autres). Enfin, nous analysons une caractéristique de la réparti-tion (sensibilité de l’usager au risque).

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SCHEMA 1 : APERCU DES FACTEURS EXAMINES

4.1. PROCEDURES INTEGRES Le parcours d’insertion s’articule notamment autour de procédures, d’attributions etde décisions. Les procédures sont d’autant qualifiées d’équitables qu’elles sont intè-gres, transparentes et respectueuses des intérêts de l’usager (Schoormans & vonGrumbkow, 1988). C’est un fait avéré que des bénéficiaires de prestations, persuadés de la pertinenceet de l’intégrité des procédures, adoptent à l’égard des instances responsables uneattitude plus loyale et respectueuse des règles établies (Schoormans & Syroit, 1989).

Mais, qu’est-ce qu’une procédure intègre dans le cadre du parcours d’insertion ? Pourrépondre à cette question, nous avons recours au modèle théorique de Leventhal(1980). Il part du principe que chaque individu possède un plan cognitif pour lesévénements qui précèdent une répartition (ou une attribution) de moyens ou deproduits. Au sein du système du parcours d’insertion sont prises des décisions for-melles et informelles. Le chômeur apprécie la manière dont cela se produit et laprocédure qui mène aux décisions dans la mesure où celles-ci sont à son avis intègreset justes. Une procédure est intègre et juste lorsqu’elle se conforme, selon Leventhal,à un certain nombre de règles. Parmi celles-ci, nous reprenons les suivantes :

La règle de cohérence. Cette règle renvoie au principe de l’égalité des chancespour tous. L’accompagnateur du parcours d’insertion ainsi que le système doiventtraiter tous les usagers d’une manière identique.

La règle de précision. Cette règle implique que l’information reçue par l’usager surle parcours d’insertion qui le concerne, soit exhaustive, minutieuse et pertinente.

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Caractéristiques du système • VDAB ou autres • Parcours limité ou

long

Caractéristique de répartition (sensibilité au risque) • Sexe • Age • Nationalité • Durée du chômage • Formation

• Procédure intègre • Confiance

- Accompagnateur - Système

• Participation

- Instrumentale - Non instrumentale

Chances perçues d’amélioration de la position grâce au parcours d’insertion

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La règle de rectification. Cette règle postule que les réclamations doivent êtretraitées avec soin. Des décisions injustes doivent, par exemple, être rectifiées par lebiais d’une procédure d’appel. L’usager doit disposer de la possibilité absolue demodifier quelque chose.

La règle de la représentativité. Lors de la prise de décision, il faut tenir compte dumode de vie de l’usager (religion, opinion sur le travail, et autres). Un travail surmesure implique que l’usager soit approché comme un individu. C’est-à-dire avecrespect pour ses conceptions philosophiques personnelles.

La règle de l’éthique. Le système du parcours d’insertion et le mode de travail del’accompagnateur du parcours d’insertion doivent être ressentis par l’usager commeintègres et justes. Les usagers chômeurs exigent, comme toute autre personne,d’être traités avec respect.

Dans notre étude, nous avons déterminé le degré d’appréciation de l’intégrité duparcours d’insertion en interrogeant les usagers sur certains des aspects du program-me. Nous produisons ici quelques exemples de questions que nous leur avons sou-mises :

La procédure octroie-t-elle à tous les chômeurs le même nombre de possibilités ? L’accompagnateur du parcours d’insertion traite-t-il tous les chômeurs de la mêmemanière ? Dans quelle mesure, les informations dispensées sont-elles précises et pertinentes ? Les plaintes sont-elles traitées soigneusement ? Le système et l’accompagnateur sont-ils intègres et justes ?

Notre étude démontre (voir figure 1) un lien positif entre le degré d’intégrité et d’é-quité des procédures et la perception des opportunités. Sur l’axe X, on peut lirecomment sont perçues les procédures en termes d’intégrité et d’iniquité. Sur l’axeY, nous trouvons les opportunités perçues. Nous constatons que le sentiment desopportunités s’améliore lorsque le traitement réservé à l’usager est ressenti commeplus intègre.

La corrélation entre les deux variables est grande et positive (r = .62; N = 467;p < .001). Cela signifie que l’inverse est également vrai. L’approche par parcoursd’insertion n’exerce manifestement pas d’effets sur les usagers ayant une imagenégative des procédures. Si nous tenons compte des règles de pertinence procédu-rale de Leventhal, nous observons qu’une attitude générale positive à l’égard du systè-me est favorable à la perception des opportunités. Le chômeur convaincu que le systè-me du parcours d’insertion fournit à tous le même nombre de chances et que le pro-gramme est intègre et juste, entrevoit plus de possibilités que le chômeur qui adopteune attitude négative par rapport au parcours d’insertion. Par ailleurs, notre étude faitégalement apparaître que la manière dont l’usager perçoit son accompagnateur

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de parcours d’insertion exerce également une influence sur les opportunités. Lors-que l’usager est persuadé que son accompagnateur traite tout le monde d’unemanière identique et dispense des informations de façon précise et pertinente, saperception des opportunités s’en voit améliorée. Si les règles énumérées de perti-nence procédurale ne sont pas respectées, les possibilités sont ressenties commemoins nombreuses.

Nous en concluons que les parcours d’insertion exercent une influence sur les pos-sibilités des chômeurs. Des procédures équitables contribuent réellement et positi-vement à la perception des opportunités. Les usagers qui, d’après leurs propresdires, sont traités de façon équitable obtiennent des scores plus positifs à l’égard desrésultats escomptés du parcours d’insertion que ceux qui affirment être traitésmoins équitablement.

FIGURE 1: LE LIEN ENTRE LE VECU DES PROCEDURES EQUITABLES (EN TROIS CLASSES) ET LA PER-CEPTION DES POSSIBILITES LIEES AU PARCOURS D’INSERTION DU POINT DE VUE DES USAGERSSELON LA LONGUEUR DE LEUR PARCOURS (LONG OU LIMITE).

4.1.1. Parcours d’insertion limités ou longs Si nous comparons ensuite les usagers qui suivent un parcours d’insertion long avecles participants d’un parcours limité, nous remarquons (voir figure 1) que des procé-dures moins intègres n’exercent pas le même effet. Dans le cadre des parcours d’in-sertion longs, les procédures moins intègres exercent plus d’effets négatifs sur lesopportunités que dans le cadre de parcours brefs. Une possible explication réside

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Kans op positieverbetering

Faire procedures

fairenigszins unfairunfair

Kan

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tot h

oog)

55

50

45

40

35

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Chances d’amélioration de la situation

Chan

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Parcours

Limité

Longinéquitable relativement intègre intègre

Procédures intègres

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dans le fait que, dans un parcours d’insertion long, un plus grand nombre d’élé-ments est susceptible de mal se passer que dans un programme de courte durée(médiation uniquement). Le cycle d’accompagnement dure plus longtemps et il y aplus de points d’action.

Les parcours d’insertion longs supposent plusieurs conditions dans le chef de l’usa-ger : davantage de rapports avec son accompagnateur (entretiens en vue de mesurerles progrès, moments d’évaluation), attitude active et motivation constante. De cefait, le participant est plus en plus souvent confronté à des procédures et à des rè-gles. Ses côtés faibles sont rabotés par des formations et des recyclages supplémen-taires. Dans les parcours d’insertion longs, un sentiment de frustration est suscepti-ble d’intervenir plus tôt. Aussi, il risque d’exercer plutôt un effet sur les opportu-nités perçues d’amélioration de la situation. Cela n’enlève rien au fait que les par-cours d’insertion longs soient vécus par la moyenne des usagers plus positivementque les parcours limités (p < .001; N = 467).

Les règles de justice (Leventhal, 1980) qui indiquent si une procédure est équitable,sont plus élaborées dans le système des parcours d’insertion longs. Le participant àun parcours d’insertion long est - contrairement à l’usager inscrit à un programmelimité - à la fois plus positif à l’égard de son traitement par le système du parcoursd’insertion (p < .001 ; N = 468) que par l’accompagnateur du parcours (p < .001 ; N= 468). Ce résultat de l’étude plaide pour un recours plus large aux parcours d’inser-tion longs et pour une analyse des règles de justice dans les parcours brefs. Lorsqueles procédures ne sont pas ressenties comme inéquitables, il n’existe que peu de dif-férences entre les parcours d’insertion longs et limités.

Une évaluation des coûts/bénéfices en fonction de l’efficacité sort quelque peu ducadre de cette étude. Un parcours d’insertion long exige plus de temps et de présen-ce humaine. En outre, cette procédure est plus onéreuse. Toutefois, il faut égale-ment porter en ligne de compte l’effet de récupération. Si l’usager ou l’accompagna-teur du parcours d’insertion (ou l’organisme chargé de ce parcours) obtiennent troppeu de résultats, le parcours d’insertion n’offre qu’une pertinence sociétale tropréduite. Si l’usager entrevoit vraiment pour lui-même insuffisamment d’opportu-nités, un parcours d’insertion limité est plus recommandé.

4.1.2. VDAB et autres En comparant la moyenne des réactions à la question de la pertinence et de l’inté-grité ressenties des procédures du parcours d’insertion, nous obtenons une différen-ce statistique significative entre les organismes chargés du parcours d’insertion(p <.001 ; N = 468). En règle générale, les usagers du VDAB estiment qu’ils disposentde moins d’opportunités et n’obtiennent pas un traitement uniforme. Une analyseplus détaillée des règles de justice (Leventhal, 1980) permet de détecter que toutessont concernées par cette différence. Les usagers du VDAB ont une opinion moinspositive sur les procédures par rapport au public d’autres organismes. Ceci vaut tout

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autant pour la cohérence (égalité des chances pour tous), la pertinence (informationcorrecte), la rectification (traitement des réclamations), la représentativité (respectdes opinions) que pour l’éthique (intègre et juste).

TABLEAU 2: MANIERE DONT LES USAGERS CHOMEURS ENGAGES DANS UN PARCOURS D'INSER-TION PERCOIVENT LES PROCEDURES DU VDAB OU D'AUTRES OPERATEURS DE PARCOURS D'INSER-TION (TIERS, ATB, ETC.). LES MOYENNES SONT RESTITUEES SUR UNE ECHELLE A 10 POINTS

ORGANISME DISPENSATEUR DU PARCOURS D’INSERTION

VDAB AUTRES

Variable M SD MIN MAX n M SD MIN MAX n

Règle de la cohérence 7,50 2,16 2 10 301 8,38 1,81 2 10 170Règle de la précision 8,03 1,82 2 10 301 8,52 1,71 2 10 170Règle de la rectifica-tion 7,65 1,86 2 10 301 8,25 1,81 2 10 170Règle de la représen-tativité 7,46 1,93 2 10 301 8,08 2,14 2 10 170Règle d’éthique 8,12 1,83 2 10 301 8,79 1,49 2 10 170

Le fait que les autres organismes (CPAS, ATB, tiers) se sont mieux organisés sur leplan des procédures en ciblant certains sous-groupes - par exemple, femmes faible-ment qualifiées, chômeurs de longue durée, minimexés, migrants et autres – estpeut-être un facteur d’explication. Une approche individuelle et un travail sur me-sure constituent déjà depuis longtemps une composante implicite de leur actiondans le domaine du parcours d’insertion. Le VDAB fonctionne depuis moins long-temps comme un organisme mettant en œuvre des parcours d’insertion. Cet avanta-ge du point de vue de l’expérience acquise quant à la méthode explique les successstories d’autres organismes. “Nous avons déjà aidé beaucoup de chômeurs qui setrouvaient dans une position similaire à la vôtre à trouver du travail”, est une formu-le qu’il nous arrive d’entendre. Les autres organisations se chargeant de parcoursd’insertion fonctionnent de manière plus individuelle et disposent de structuresorganisationnelles moins complexes. Ce résultat de l’enquête plaiderait en faveurd’approches à plus petite échelle. Il faut s’attendre à un mouvement de rattrapagedès que le VDAB aura atteint pleinement sa vitesse de croisière.

D’autres organismes assumant des parcours d’insertion réussissent manifestementmieux, du moins aux yeux de l’usager, à renforcer la position relative du chômeur àrisque par la création de conditions connexes meilleures (plus grande proximité,plus identifiable). Selon Nicaisie et Bollens (1995), il s’agit de certains des aspectsessentiels des programmes de formation dans le cadre d’une politique de marchéactive.

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Il serait souhaitable que les institutions concernées, et pas uniquement le VDAB,analysent leurs propres procédures dans la mesure où celles-ci sont perçues commeétant équitables, voire inéquitables.

4.1.3. Caractéristiques de risque Le VDAB (1999) rapporte que les possibilités de médiation diminuent dès que l’oncumule deux facteurs de risque (objectifs) ou plus. Les facteurs de risque qu’il évo-que sont : le sexe, un faible niveau de formation, être âgé de plus de 30 ans, unedurée de chômage supérieure à deux ans et une nationalité étrangère (non belge).Le cumul de deux facteurs de risque ou plus n’a cependant, selon notre enquête,que peu d’influence sur l’appréciation de l’amélioration de la position par le biais duparcours d’insertion. Cette donnée pourrait être une confirmation en sens positif dusuccès de l’organisation de l’opérateur du parcours d’insertion. L’usager chômeurdoit en effet suivre un programme sur mesure qui ne tient pas seulement comptedes caractéristiques de sa qualification, de la nature et de la durée de son chômage,mais encore d’autres caractéristiques contextuelles, parce que celles-ci peuventaussi s’avérer importantes lors de la rentrée sur le marché du travail (Van den Berget al, 1996).

En matière de vécu des procédures du parcours d’insertion, nous trouvons effective-ment des différences significatives pour les usagers chômeurs qui cumulent plus dedeux facteurs de risque (p < .004 ; N = 468). Ceux-ci estiment qu’ils sont traités demanière moins cohérente (le système du parcours d’insertion leur procure moins dechances), que le système est moins perfectible (les éventuelles réclamations sonttraitées moins soigneusement par l’accompagnateur du parcours ou par le système)et moins représentatif (le système du parcours tient moins compte de leur mode devie et de leur opinion sur le fait d’aller travailler) et est moins intègre (le système estmoins équitable).

Une analyse plus approfondie démontre que, dans notre étude, la seule caractéristi-que distinctive est le sexe (analyse régression, procédure progressive) (p < .002 ; N= 468). Les autres caractéristiques de risque ont une influence propre, indépendantesur la perception des chances. Les femmes entrevoient moins d’opportunités queles hommes. Ceci vaut notamment pour les possibilités de travail, l’amélioration dela situation, la plus grande prise en compte des circonstances personnelles. Un cer-tain nombre de règles de justice est considéré par les femmes comme moins équita-ble que par les hommes.Une femme au chômage estime plus volontiers qu’un homme que l’on ne tient pasassez compte de son opinion sur le fait d’aller travailler et a moins peur de perdreson revenu de remplacement. Les femmes pensent encore qu’elles sont traitées demanière moins égalitaire. A notre avis, l’explication est à ramener aux différencesdans la position qu’occupe encore et toujours la femme sur le marché de l’emploi.Différences qui se situent au niveau de la participation à l’enseignement, à la partici-pation au marché de l’emploi, à la ségrégation entre professions masculines et fémi-

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nines, à la rémunération du travail accompli et à l’inégalité consécutive à des diffé-rences en matière de socialisation (il suffit de penser ici aux soins aux enfants). Desactions supplémentaires de soutien et un accompagnement plus long (parcours d’in-sertion long) pourraient aller de soi pour cette catégorie de risque.

Tout le monde ne cherche pas un emploi avec la même ardeur. Une étude a con-staté que, chez les tiers, 13 à 18% de ceux qui suivent une formation professionnelle(faisant partie d’un parcours d’insertion) n’avaient pas l’intention de chercher dutravail (Nicaisie & Bollens, 1995). Cela peut provenir d’une multitude de raisonsmatérielles et psychosociales. Certains chômeurs sont satisfaits de leur statut etpréfèrent qu’il ne soit pas modifié. Il est possible que la durée du chômage joue unrôle. Van Aelst (1999) parle d’une période d’optimisme, mais surtout au début de lapériode de chômage, on observe un effet négatif sur la santé mentale(dépression plus profonde, perte de l’estime de soi). Après quelque temps (2 ans),le chômeur semble toucher le fond (Taris, 1998). Dans notre étude, nous voyonscependant que le facteur de risque lié à la durée du chômage n’exerce pas d’effetnégatif sur la perception des chances. Par contre, nous remarquons que, lorsque lechômage dure plus longtemps, l’usager chômeur trouve que ses plaintes sonttraitées moins soigneusement. Des décisions incorrectes ne peuvent être redresséesque difficilement. Il est vraisemblable que d’autres facteurs de risque que ceux exa-minés ici soient plus importants pour apprécier les opportunités de travail et pourressentir l’équité des procédures. Parmi ces autres critères, nous pensons au revenuet à la situation familiale (avec ou sans enfants). En tant que critère subjectif, l’op-portunité de la médiation peut être influencée par la volonté de travailler et de sesacrifier.

Nous en concluons que les procédures sont qualifiées de plus intègres par le publicd’autres organismes que par celui du VDAB. Selon l’usager, les parcours d’insertionlongs reposent plus souvent sur des procédures perçues comme intègres que cen’est le cas avec les parcours brefs. A partir du cumul de deux facteurs de risque,nous observons une influence négative sur le mode de perception des procéduresdu parcours d’insertion. Les femmes estiment que les procédures ne tiennent pasassez compte de leur mode de vie. Les usagers chômeurs de longue durée sontmoins satisfaits par le soin apporté au traitement. Ces différences procédurales dansle parcours d’insertion exercent un impact sur la perception des chances.

4.2. PARTICIPATION INSTRUMENTALE ET NON INSTRUMENTALE

4.2.1. La notion de participation Participer (avoir son mot à dire) se réfère à la possibilité d’exercer une influence surles décisions et/ou sur le processus décisionnel, éléments constitutifs du parcoursd’insertion. Cette influence comprend une composante à la fois instrumentale etnon instrumentale (personnelle). Nous sommes confrontés à une participation ins-

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trumentale lorsque l’usager est en mesure d’influer sur le contenu des décisions etest informé de manière optimale à cet effet. Cette forme instrumentale a donc à voiravec l’information et l’influence susceptibles d’orienter le contenu de la décision.La participation plus personnelle (non instrumentale) concerne la possibilité, endehors de l’exercice d’une influence, d’être entendu. Parfois, cet aspect de la parti-cipation est aussi qualifié de « value-expressive approach » (voice) et peut être unecondition à une participation instrumentale. Cette participation non instrumentalese réfère au sentiment de l’usager qui se persuade qu’il a son mot à dire dans lesdécisions à prendre et qu’il peut avoir confiance dans son accompagnateur cons-cient de ce qui l’intéresse et capable de traduire cette connaissance dans les orienta-tions du parcours d’insertion. L’importance que peut avoir le comportement d’unaccompagnateur de parcours est démontrée par les études classiques sur l’effet Pyg-malion (Eden & Ravid, 1982). Il en ressort que lorsque l’on investit beaucoup dansun usager, cet investissement en soi exerce déjà une influence sur l’obtention derésultats objectivement meilleurs. Par ailleurs, ici, il ne s’agit pas uniquement desattentes des accompagnateurs, mais aussi de celles des accompagnés.

L’impact différent des deux aspects de la participation sur le taux de satisfaction parrapport au contenu et au processus est confirmé par d’anciennes études (Korsgaard& Roberson, 1995). Les chercheurs en arrivent à la conclusion que la participationinstrumentale exerce une grande influence sur la justesse ressentie d’un résultatdécisionnel (« decision control »). La participation personnelle (non instrumentale)influe grandement sur le processus décisionnel (« process control »). Ce dernier estconditionné par l’attitude de l’accompagnateur (de parcours d’insertion) qui prendl’usager au sérieux, fait montre de son implication et accepte une collaboration réel-le. L’enquête de Schoormans et Syroit (1989) fait également apparaître que les béné-ficiaires d’allocations s’estiment traités plus justement lorsqu’ils ont pu faire mieuxentendre leurs vœux, souhaits et opinions. Le fait d’avoir son mot à dire (“voice”)dans le déroulement du parcours entraîne, comme ils le démontrent, un taux desatisfaction plus élevé par rapport aux instances qui procurent les prestations.

Dans un véritable lien de partenariat, l’intérêt de l’usager est mieux pris en compte.Il est en mesure d’exercer un contre-pouvoir (‘countervailing power’). L’implicationet la participation impliquent que l’usager a plus de voix au chapitre quant à sapropre situation dans le parcours d’insertion. Un des résultats en est qu’il est enmesure de prendre ses responsabilités par rapport à la situation dans laquelle il setrouve. Sans voix au chapitre sur les décisions qui l’affectent personnellement, l’usa-ger n’assume aucune responsabilité sur les conséquences possibles des décisions.Les études réalisées parmi les bénéficiaires d’allocations font ressortir que la pertede contrôle exerce un effet négatif sur la motivation d’améliorer sa propre position(Schoormans & von Grumbkow, 1985).

Nous avons déterminé la participation instrumentale en demandant aux usagers deparcours d’insertion si - et jusqu’à quel point -, ils peuvent exercer une influence surl’accompagnement de leur parcours et sont suffisamment avisés des possibilités de

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ce programme. Nous avons vérifié la participation (personnelle) non instrumentale,devant donner une meilleure prise aux usagers sur le processus (“process control »)en les questionnant sur la qualité de la relation avec l’accompagnateur de parcours.Nous leur avons demandé si, au cours des entretiens avec leur accompagnateur, ilspouvaient suffisamment exprimer leurs idées et sentiments propres et si l’accom-pagnateur était suffisamment au courant de leurs intérêts.

Les résultats de notre enquête indiquent qu’une plus grande participation dans leparcours d’insertion aboutit à une contribution positive dans la perception d’unnombre plus élevé de chances sur le marché de l’emploi (r = .54 ; N = 469 ;p < .001). Les usagers qui, selon leurs propres dires, se sentent impliqués (de maniè-re instrumentale et non instrumentale), se rendent compte que le parcours d’inser-tion a pour eux des conséquences positives. Ceci est à l’opposé des usagers qui neressentent pas cette possibilité de participation (voir figure 2).

FIGURE 2 : OPPORTUNITES D’AMELIORATION DE LA POSITION PAR RAPPORT AU DEGRE DE PAR-TICIPATION DU POINT DE VUE DES USAGERS SELON LA LONGUEUR DE LEUR PARCOURS (LONGOU LIMITE)

4.2.2. Parcours d’insertion longs ou limités Dans l’hypothèse d’un parcours d’insertion long, l’usager a plus d’occasions d’exer-cer une influence sur le processus décisionnel que dans un parcours d’insertionlimité (p < .001 ; N = 469). L’information sur les possibilités offertes par le parcours

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d’insertion se déroule mieux selon que les contacts sont plus nombreux. C’estnotamment le cas avec les parcours d’insertion longs. Les contacts plus nombreuxpermettent de forger un lien de confiance entre l’accompagnateur de parcours etl’usager. Ce dernier peut mieux s’épancher. L’accompagnateur obtient une meilleu-re perception de “l’histoire périphérique” de l’usager. Cela signifie en outre qu’uneparticipation moindre dans le cadre de parcours d’insertion longs entraîne un effetnégatif encore plus prononcé sur la perception des opportunités qu’une participa-tion moindre dans le cadre d’un parcours limité (voir figure 2). Une autre explica-tion des effets négatifs moindres liés à la piètre participation dans le cadre de par-cours brefs réside dans le fait que ces programmes (raccourcis) sont réservés à desusagers mûrs pour le marché du travail qui, dès lors, ont besoin de peu d’actions etde moins d’implication.

4.2.3. VDAB et autres Si nous comparons le public du VDAB avec celui d’autres institutions (CPAS, ATB,tiers), nous observons que le VDAB implique manifestement moins ses usagers etleur permet moins de participer que les autres opérateurs de parcours d’insertion.La différence dans le degré d’implication instrumentale est statistiquement significa-tive (p < .001 ; N = 469). Pour ce qui est de la participation non instrumentale,cependant, aucune différence à signaler (p < .24 ; N = 469). En matière d’implicationempathique, l’accompagnateur de parcours d’insertion du VDAB n’obtient donc pasun score plus mauvais que son collègue des autres organismes assumant la mêmemission. En revanche, il est possible que le premier soit limité dans son travail parcertaines lois et règles qui n’autorisent l’implication instrumentale que dans unemoindre mesure. Il existe donc une plus grande participation dans les autres orga-nismes chargés de parcours d’insertion et dans les parcours d’insertion longs.

Depuis toujours, le VDAB est responsable de la médiation, du placement et du recy-clage des chômeurs. Les initiatives de tiers doivent leur naissance en partie au faitque les “noyaux durs de chômeurs” ne se voyaient pas accorder suffisamment desoutien. Ces noyaux durs exigent des méthodes de travail s’accompagnant à la foisd’un dialogue, condition majeure, et d’une influence moins directive. Il semble quele VDAB, plus que les autres institutions, ait un modèle opératoire dans lequel lesfacteurs d’influence sont ou étaient distillés par le « haut ». Il est possible que l’usa-ger des opérateurs tiers de parcours d’insertion s’attribue plus volontiers la respon-sabilité des résultats produits par les parcours d’insertion. Selon l’usager, au VDAB,ce serait peut-être l’organisation elle-même (sa mission) qui en est responsableparce qu’il oriente plus volontiers le participant en tenant compte des offres. Onpourrait mettre en parallèle le travail orienté sur l’offre et la demande et le travailpartant respectivement du haut vers le bas ou du bas vers le haut. Si l’on veut améli-orer la participation, il y a donc lieu de procéder à des adaptations du système.

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FIGURE 3 : CHANCES D’AMELIORER SA POSITION PAR RAPPORT AU DEGRE DE PARTICIPATIONDES USAGERS DU VDAB ET DES AUTRES INSTITUTIONS

4.2.4. Caractéristiques de risque La supposition – c’est-à-dire, celui qui cumule un plus grand nombre de facteurs derisque éprouverait moins le sentiment d’une participation instrumentale et non ins-trumentale – n’a pu faire l’objet d’une confirmation dans notre étude. Ceci constitueun signe positif, car, si l’idée de travail sur mesure était bien appliquée, prévaudraitalors, en fonction des antécédents de l’usager, une autre approche. A l’évidence, leprincipe d’un travail sur mesure est réalisé. L’usager ne suit pas un parcours d’inser-tion standard et n’est pas approché de manière uniforme, mais suit un programmetaillé à sa mesure. Ce faisant, il est manifestement tenu compte dans les statistiquesdes caractéristiques de qualification ainsi que de la nature du chômeur et de ladurée du chômage.

En conclusion, nous avançons que les différences perçues dans les opportunités surle marché du travail peuvent en partie être expliquées par des différences de degréde participation. Une participation plus intense signifie que, psychologiquement, lesystème du parcours d’insertion génère de meilleures chances. On trouve une parti-cipation plus grande dans les autres organismes se chargeant de parcours d’insertionet dans les parcours d’insertion longs. Selon leurs propres dires, les usagers présen-tant plus ou moins de facteurs de risque ne sont pas approchés sur un mode propre.

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4.3. CONFIANCE

4.3.1. La notion de confiance La politique à l’égard des usagers s’inspire parfois très largement, parfois partielle-ment, du modèle rationnel de choix. Ce modèle suppose que, dans toute la mesuredu possible, les usagers chômeurs soient partants pour maximiser leurs avantages etminimiser leurs désavantages. Selon ce modèle, les usagers réagissent à l’accompa-gnateur et à l’opérateur du parcours d’insertion sur un mode instrumental, c’est-à-dire d’une manière qui protège le mieux possible les intérêts propres. D’après cemodèle, l’interaction sociale entre l’usager et l’accompagnateur de projet est déter-minée par la négociation. Du fait que l’on part du principe d’un conflit d’intérêtsentre parties, les deux tentent de tirer le maximum de la négociation (Kramer &Tyler, 1996).Si les institutions chargées de la réinsertion recevaient plus d’incitations à la presta-tion, il en résulterait un plus grand intérêt financier à la réussite d’une intégration.Cela signifierait aussi que les rapports avec l’usager se situeraient sur un plan plusréaliste. Par ailleurs, cela exigerait de ces institutions de disposer d’un réseau adé-quat avec les employeurs, les organismes sectoriels et les fédérations d’employeurs,dans le territoire géographique où elles opèrent en tant qu’institutions chargéesd’une mission de réintégration. Ceci doit dès lors aussi être visible pour l’usager.

Le modèle rationnel de choix mettant l’accent sur des motifs individualistes et maté-rialistes forme une part (non négligeable) de la réalité du parcours d’insertion. Unautre élément de cette réalité part de l’idée que les usagers ne sont pas seulementdes décideurs rationnels, mais encore des décideurs sociaux. Les gens vivent et tra-vaillent avec d’autres. Dans leurs interactions avec autrui, la confiance en l’autrejoue un rôle crucial. Le modèle social conçoit la confiance comme une forme d’o-rientation sur autrui (Kramer & Tyler, 1996). Pour Mc Allister (1995), la confianceéquivaut au degré d’acceptation selon lequel un individu est prêt à harmoniser sespropres valeurs, actes et décisions avec ceux de l’autre.

Outre la volonté d’harmonisation, la confiance comporte un aspect d’attente. Lesgens collaborent avec autrui parce qu’ils nourrissent l’espoir (la confiance) que cequ’ils investissent ne sera pas exploité par l’autre. Ce faisant, il ne s’agit pas de met-tre à l’abri un avantage, parce qu’il s’agit ici de parties plus faibles (usagers chô-meurs), de contrecarrer des désavantages susceptibles de naître de l’organisation duparcours d’insertion. C’est pourquoi un grand nombre de définitions de la confiancepartage un élément central : les faiblesses de l’un ne peuvent être exploitées parl’autre. Nooteboom, Berger et Noorderhaven (1997) définissent la confiance sur labase de ce deuxième aspect comme suit : X fait confiance à Y dans la mesure où Xpréfère collaborer avec Y parce qu’il a l’intuition – subjective - qu’Y ne fera pasusage d’occasions que X considère comme nuisibles, y compris lorsque c’est dansl’intérêt d’Y de le faire (von Grumbkow & Ramaekers, 2000).

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Dans la mesure où l’usager connaît ses limitations, il devra faire confiance dans lefait que celles-ci ne seront pas exploitées. Il tentera de protéger le dernier reste d’a-vantage qui lui reste. Conformément à cela, nous avons défini la confiance commel’espoir que l’usager ne craint pas que l’autre (accompagnateur ou opérateur duparcours d’insertion) adopte une attitude opportuniste. Dans notre étude, nous exa-minons la confiance dont peut témoigner l’usager face à la personne (accompagna-teur de parcours) comme celle dont il peut témoigner face à l’opérateur (institution,plus précisément le VDAB et autres).

Nous avons déterminé le degré de confiance en posant aux usagers de parcoursd’insertion des questions relatives au mode opératoire de l’accompagnateur et ausystème du parcours d’insertion. Eu égard à l’accompagnateur, nous avons demandédans quelle mesure, l’usager a confiance dans ses conseils et dans ce qu’il peut luiobtenir. A propos de l’institution organisant les parcours d’insertion, nous noussommes interrogés sur le degré de confiance qui règne quant aux résultats de cetaccompagnement et à la manière dont il est organisé.

L’accompagnateur de parcours est la personne de contact centrale, qui établit avecles usagers un plan de parcours individuel sur mesure en vue d’obtenir un emploi etqui en discute avec tous les acteurs ou instances concernés. Il surveille et coordon-ne l’exécution du parcours d’insertion. Lors de l’appréciation de la confiance, lesusagers prennent en compte l’approche de l’accompagnateur. Cette appréciationest déterminante pour la confiance dans le conseil et dans ce que peut obtenir l’ac-compagnateur. La prestation de services dépend de la qualité de l’accompagnateur.Il existe bel et bien des cours pour développer la qualité, mais une formation com-plète est inexistante. Les accompagnateurs sont principalement formés dans et parla pratique. Il résulte de l’étude de Brander et Geerlof (2000) qu’une conditionimportante pour soutenir des chômeurs qui souhaitent par exemple lancer leurpropre entreprise – les chômeurs dits entrepreneurs - réside dans la confiance qu’ilsont dans les qualités de leur accompagnateur conseil. L’étude de Schoormans etSyroit (1989) fait ressortir que le jugement que portent les bénéficiaires d’alloca-tions dépend surtout de leur appréciation du comportement et des points de vueadoptés par les fonctionnaires et les collaborateurs des instances allouant des presta-tions.

Notre étude confirme que les divergences en matière de perception des opportu-nités peuvent s’expliquer en partie par des différences sur le plan de la confiance.Le degré plus élevé de confiance de l’usager dans l’accompagnateur en tant quepersonne et dans l’opérateur du parcours d’insertion, exerce une influence surl’amélioration ressentie de sa situation en cours du programme. La confiance dans lesystème de parcours exerce un effet légèrement supérieur sur la perception desopportunités que la confiance accordée à l’accompagnateur.

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LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCHES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ?

4.3.2. Type de parcours et type d’organisation Les usagers effectuant un parcours long manifestent davantage de confiance que lesparticipants à un parcours limité (p < .001 ; N = 469). Une explication réside dans lefait que la perspective à long terme est plus grande dans le cas de parcours d’inser-tion longs (l’ancrage dans le temps). L’ancrage temporel fait référence à la perspecti-ve de temps au sein de laquelle prennent forme les relations (Bermasco, 1999). Lors-que l’usager a confiance, il perçoit pour lui-même des opportunités plus nombreu-ses si un plus grand nombre d’actions est programmé dans le futur.

Le lien de réseau s’adresse plus globalement aux institutions chargées de parcoursd’insertion dans le cadre de parcours longs. L’ancrage dans un réseau renvoie auréseau qui permet aux parties impliquées de générer un comportement coopératifpour, par exemple, offrir des garanties (Bermasco, 1999). Dans le cas d’un parcoursd’insertion long, un réseau d’actions doit être mis sur pied (par exemple : formationà la sollicitation, contacts avec les employeurs, contacts avec les initiatives de forma-tion).

Dans la figure 4, nous constatons que la confiance dans les autres organismes met-tant sur pied des parcours d’insertion est plus grande que dans le VDAB. Les don-nées de notre étude indiquent qu’en matière de confiance, une différence existeeffectivement selon que l’on est accompagné par le VDAB ou par d’autres institu-tions. Il est possible que le VDAB ait plus que d’autres organismes chargés de par-cours d’insertion une tâche correctrice et médiatrice. Au cours de la récession éco-nomique, sa mission a été soumise à de très fortes pressions. Plus que d’autres servi-ces, le VDAB est peut-être associé à l’idée de sanctions. La question se pose desavoir si on n’est même jamais parvenu à se débarrasser de cette image de « pèrefouettard ». Il va de soi que nous devons également tenir compte du fait que, dansle chef du VDAB, plus encore que chez les autres organismes qui mettent en oeuvredes parcours d’insertion, il peut y avoir une baisse de confiance dans les servicesadministratifs, également susceptible de jouer un rôle (Echardus, 1998).

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FIGURE 4: MOYENNE DU TAUX DE CONFIANCE DANS L’ACCOMPAGNATEUR ET DANS LE SYSTEMEDU PARCOURS D’INSERTION EN FONCTION DE L’ORGANISME QUI L’ORGANISE : VDAB ET AUTRES(CPAS, ATB, TIERS, ...)

4.3.4. Caractéristiques de risque Les usagers qui cumulent un plus grand nombre de facteurs de risque (cf. modèleVDAB) semblent faire preuve d’un peu moins de confiance dans le parcours d’inser-tion (p < .06 ; N = 470) et dans les institutions qui organisent ces parcours (p < .10 ;N = 469), mais les différences sont trop minces pour autoriser des conclusionsdéfinitives.Il est toutefois intéressant de noter que la confiance est (significativement) moindrechez les usagers de nationalité non belge. Notre étude fait apparaître que surtout lesfemmes sans emploi de nationalité étrangère font montre d’une confiance moindredans le parcours d’insertion. Ce constat s’applique tant au système du parcours qu’àl’accompagnateur. Cette confiance moindre a pour conséquence que l’usager perçoit moins d’opportu-nités. Selon leurs propres dires, ces usagers ont moins de contacts et moins de chan-ces de trouver un emploi dans les environs.Une approche spécifique de la confiance est nécessaire pour cette catégorie, parexemple par un recours à des animateurs de quartier, c’est-à-dire de personnes quiconnaissent le système de valeurs et de normes de ce public.

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En conclusion, nous pouvons postuler que les divergences en matière de perceptiondes chances peuvent être en partie expliquées par des différences dans la confianceéprouvée par les usagers et par le fait que cette confiance est en partie induite par letype de parcours d’insertion (long ou limité), par l’organisme organisateur du par-cours (VDAB ou autres) et par la nationalité.

5. CONCLUSION

A notre question de départ – « le parcours d’insertion améliore-t-il les chancesperçues par l’usager sur le marché de l’emploi ? » - nous répondons positivement.Grâce à l’accompagnement dans son parcours, l’usager voit augmenter ses opportu-nités. Le groupe des usagers présente cependant un grand nombre de variations quidemandent à être expliquées. Certains d’entre eux se positionnent moins positive-ment par rapport à l’accompagnement dans le parcours d’insertion que d’autres.Pourquoi les usagers apprécient-ils différemment le parcours d’insertion ?

Notre enquête fait apparaître ce qui suit :

Des procédures équitables améliorent la perception des chances. Les usagers desautres organismes mettant en œuvre des parcours d’insertion jugent que les procé-dures sont plus équitables que ceux du VDAB. Les parcours d’insertion longs pré-sentent de meilleures procédures que les parcours limités. Les femmes estiment queles procédures tiennent trop peu compte de leur mode de vie. Les chômeurs de lon-gue durée trouvent (selon leurs dires) qu’ils sont traités moins soigneusement, voireque certaines décisions erronées prises en cours de parcours sont plus difficilementréversibles. Les différences d’appréciation des parcours d’insertion s’expliquentdonc en partie par ces points.

Par ailleurs, les divergences en matière de perception des opportunités de travailpeuvent s’expliquer par des différences du point de vue de la participation. Les au-tres opérateurs de parcours d’insertion ainsi que les parcours d’insertion longsoffrent plus de possibilités de participation.

Enfin, les divergences en matière de perception des chances peuvent s’expliquerpar le degré de confiance. Celui qui accorde une plus grande confiance dans le par-cours et dans l’organisme organisateur, entrevoit aussi un plus grand nombre d’op-portunités. Les parcours d’insertion longs génèrent une confiance plus grande queles parcours limités. Les autres organismes chargés de parcours d’insertion (CPAS,ATB, tiers, etc.) récoltent un meilleur score de confiance que le VDAB. Par ailleurs,les usagers belges, ayant connu un chômage d’une durée plus brève, sont plus con-fiants que les usagers de nationalité étrangère et au chômage depuis plus long-temps.

Pour vérifier définitivement nos conclusions, nous avons tenté de cerner les facteursévoqués, permettant d’expliquer au mieux les divergences en matière de percep-tion des chances en procédant à une analyse « régression multiple » avec commevariable de départ les chances d’amélioration de la situation.

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Dans un premier stade, nous avons introduit la sensibilité au risque. Dans un deuxiè-me temps, les caractéristiques du système (organisme organisant le parcours d’inser-tion et système de parcours d’insertion) et, enfin, les facteurs ressentis, à savoir : l’é-quité, la participation et la confiance. L’analyse fait ressortir qu’ensemble, ces troisfacteurs peuvent expliquer 43% des disparités dans la perception des opportunités.La majeure partie (38%) s’explique par l’équité procédurale, la participation instru-mentale et la confiance dans le système du parcours d’insertion. Une partie nette-ment plus réduite peut être expliquée par l’institution (VDAB contre les autres) etpar le facteur de risque ‘sexe’.

Ceci signifie que :

Seulement, une petite partie des différences perçues en matière de chances peuts’expliquer par les caractéristiques uniques de l’opérateur du parcours d’insertion.Le VDAB et les autres sont des institutions disposant d’une structure et d’une cultu-re spécifiques. Leur altérité n’exerce cependant qu’un impact limité sur les chancessur le marché du travail perçues par les usagers d’un parcours d’insertion. On déno-te toutefois la présence d’un effet. Ceci demande des analyses plus approfondies dela manière dont les différences uniques de structure et de culture de ces institutionsagissent sur les perceptions de leur propre public d’un parcours d’insertion.

Les facteurs de risque sont également d’une importance relative. Seules, les diffé-rences de sexe contribuent de manière significative à l’explication des divergencesen matière de perception des opportunités. Les femmes ressentent moins d’occa-sions que les hommes. Ces phénomènes sont observés indépendamment des ca-ractéristiques de l’institution organisatrice des parcours d’insertion, de leurs attitu-des (à l’égard de l’intégrité, de la confiance et de la participation) et de leurs autrescaractéristiques personnelles (durée du chômage, niveau de formation, nationalitéet âge). Ceci exige que des efforts particuliers soient fournis dans le domaine desparcours d’insertion surtout en ciblant les femmes.

La manière dont fonctionne l’accompagnement du parcours d’insertion est l’élé-ment le plus déterminant pour son bénéficiaire. L’opérateur doit être intègre, autori-ser la participation instrumentale (« decision control ») et générer de la confiancedans le système. C’est précisément sur ces points - où les organismes responsablesdes parcours d’insertion (VDAB et les autres) divergent entre eux - que naîtront lesdifférences dans les chances qu’ils offrent à leurs usagers inscrits à un parcours d’in-sertion.

(Traduction)__________

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ANNEXES : MATERIAU DE BASE DE L’ETUDE

1. CARACTERISTIQUES DE L’ETUDE

1.1. PERIODE DE L’ETUDEAu cours de la période juin – octobre 1999, nous avons procédé à une enquête écri-te auprès de 304 demandeurs d’emploi, participant à un parcours d’insertion, prin-cipalement dans les provinces du Limbourg (269) et de la Flandre Occidentale (35).Au cours de la période juillet 2000 – février 2001, 167 autres personnes ont encoreété interrogées dans la province du Limbourg. La totalité du fichier de l’enquête comporte 624 usagers interviewés, dont 471 ontété impliqués dans les résultats d’analyse du présent article. Les autres ne disposai-ent pas d’un statut de chômeur « pur », parce qu’ils suivaient des cours dans l’ensei-gnement à temps partiel, étaient indépendants ou partiellement valides, voire res-sortissaient à d’autres statuts.

1.2. CARACTERISTIQUES DU GROUPE EXAMINELe groupe examiné se composait de 188 hommes (40,0 %) et de 283 femmes(60,0 %).L’âge moyen était de 30 ans et se ventilait sur une échelle de 18 à 54 ans (SD =9,12).

Les autres données démographiques contextuelles sont les suivantes :

Diplôme :13,6 % enseignement primaire, 40,2 % enseignement secondaire inférieur, 16,2 %enseignement secondaire supérieur, 21,5 % enseignement spécialisé et 8,5 % de for-mation différente (1 chômeur ne fournit aucune indication).

Durée du chômage:7,0 % moins d’un (1) mois, 16,6 % de 1 mois à 6 mois, 24,0 % de 6 à 12 mois, 24,4 %de 12 à 24 mois, 14,6 % de 24 à 60 mois, 13,4 % plus de 60 mois.

Revenu net du ménage par mois : 10,2 % gagnaient moins de 20.000 BEF net, 24,8 % entre 20.000 et 30.000 BEF net,25,5 % entre 30.000 et 40.000 BEF net, 9,2 % entre 40.000 et 50.000 BEF net.(12 usagers n’ont pas fourni de réponse).

Sensibilité au risque :Les usagers ont moins de chances d’obtenir une médiation dans le cadre d’un par-cours d’insertion en fonction des facteurs de risque cumulés (caractéristiques per-sonnelles). Les facteurs de risque (VDAB, 1999) dont il est tenu compte sont : sexe,faible niveau de scolarisation, âge supérieur à 30 ans, durée de chômage de plus dedeux ans et nationalité autre que belge.

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Notre fichier d’étude compte 30,1 % d’usagers ne présentant qu’un seul, voireaucun, facteur de risque, 30,6 % d’usagers affectés de deux facteurs de risque et39,3 % d’usagers dont les facteurs de risques sont de l’ordre de trois ou quatre.

Données contextuelles se rapportant à l’organisme instituant le parcours d’insertion :

Institution :Dans notre étude, 63,9 % des usagers suivaient le système du parcours d’insertionauprès du VDAB et 36,1 % auprès d’autres organismes offrant des parcours d’inser-tion (tiers, CPAS, ATB, et autres).

Types de parcours :Sur 471 usagers, 154 suivaient un parcours limité et 316 un parcours long (1 usagera fait mention des deux parcours). A l’intérieur de la forme des parcours longs, 40usagers suivaient une formation à la sollicitation, 95 une formation professionnellespécifique, 45 personnes une formation de connaissance de soi et 138 une forma-tion sur les lieux de travail.

2. VARIABLES EXAMINEES

La manière de ressentir les chances d’amélioration de la position propre par le biaisdu parcours d’insertion est mise en relation avec trois caractéristiques qui peuventse résumer comme suit : caractéristiques (de risque) liées à la personne, liées ausystème et liées à la répartition.

2.1. CARACTERISTIQUES LIEES A LA PERSONNE ET AU SYSTEMEPour ce qui est des caractéristiques liées à la personne, nous avons vérifié l’existen-ce de différences entre hommes et femmes, la formation acquise, l’âge de l’usager,la durée du chômage et le revenu net moyen du ménage.Des caractéristiques liées au système, nous examinons le type, la nature du parcourset l’institution qui offre le parcours d’insertion. Pour ce qui est du type de parcoursd’insertion, nous opérons une distinction entre parcours limité et parcours long. Parrapport aux parcours limités, les parcours longs peuvent comprendre diverses dis-positions supplémentaires. C’est ce que nous qualifions de nature du parcours. Cesdispositions peuvent être de divers ordres : formation à la sollicitation, formationprofessionnelle spécifique, formation axée sur la personne et/ou accompagnementsur le lieu de travail. Nous avons également comparé les opinions des usagers en fonction de l’organismedispensateur du parcours : usagers VDAB et usagers d’autres institutions (tiers,CPAS, ATB, et autres).

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LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCHES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ?

2.2. CARACTERISTIQUES DE REPARTITION (SENSIBILITE AU RISQUE) Nous considérons comme caractéristique de répartition la sensibilité au risque de l’usa-ger. Les caractéristiques de risque (Source : VDAB, 1999, groupes à risque) sont : lesexe, un faible degré de scolarité, un âgé supérieur à 30 ans, une durée de chômagesupérieure à deux ans et une nationalité étrangère. La possibilité de bénéficier d’unemédiation est plus faible que la probabilité moyenne à partir du moment où un deman-deur d’emploi cumule deux facteurs de risque ou plus. Par ailleurs, l’importance dugroupe de chômeurs indemnisés complets ne présentant aucun facteur de risque, voireau maximum un seul, augmente (source idem VDAB). Ceci pourrait signifier qu’un nom-bre toujours plus restreint de demandeurs d’emploi qui cumulent plus de deux facteursde risque perdent leur droit à allocation ou qu’ils sont moins « sanctionnables ».

2.3. QUESTIONNAIRES UTILISES Les questionnaires que nous avons utilisés consistent en plusieurs échelles et me-surent respectivement les chances perçues sur le marché de l’emploi (perception desopportunités), la manière de ressentir le traitement procédural (procédure intègre), laforme de confiance ressentie et le degré d’implication et de participation. Les échellessont les plus souvent de type Likert et présentent une bonne cohérence interne.Perception des opportunités : la perception des chances sur le marché de l’emploi aété déterminée en sondant à travers une liste de onze questions. Ce sondage por-tait sur l’amélioration des chances de trouver du travail grâce au parcours, l’acquisi-tion de meilleures compétences professionnelles, une plus grande confiance en soiet une meilleure connaissance de ses attentes.Procédure intègre : la justice procédurale ressentie est déterminée sur la base dumodèle d’équité de Leventhal. L’échelle comprend dix questions réparties sur cinqrègles d’équité. Chacune d’entre elles est approchée sous l’angle de deux perspecti-ves (accompagnateur du parcours d’insertion et système).Confiance : le degré de confiance est déterminé à l’aide de quatre questions et a étéexaminé du point de vue du système (procédure, résultats) et du point de vue de lapersonne qui accompagne le parcours (procédure, résultats).Implication et participation : l’implication et la participation ressenties sont déter-minées entre autres à l’aide de quatre questions sur le degré d’influence qui peutêtre exercé sur l’accompagnement du parcours d’insertion (instrumental) et sur lefait de savoir si les entretiens avec l’accompagnateur offrent suffisamment la possibi-lité d’exprimer ses propres idées et sentiments (personnel, non instrumental).

3. ANALYSES

Les analyses ont été effectuées par une confrontation des différences entre moyennes.Pour cela, nous avons recouru à une analyse multivariance et, le cas échéant, avonsintroduit des covariables pour tenir compte des effets des facteurs de risque (âge,sexe, durée du chômage, nationalité et niveau de formation). Pour le reste, nousavons également procédé à des analyses de corrélation et de régression multiple.

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LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCHES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ?

TABLE DES MATIERES

LE PARCOURS D’INSERTION AUGMENTE-T-IL LES CHANCES DES CHOMEURS DANS LEUR RECHERCHE D’UN EMPLOI ?L’INFLUENCE DE L’INTEGRITE, DE LA PARTICIPATION ET DE LA CONFIANCE SUR LA PERCEPTION DES CHANCES

INTRODUCTION 745

1. OBJECTIF DE L’ETUDE 747

2. PARCOURS D’INSERTION 748

2.1. AMBITION SOCIOPSYCHOLOGIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7482.2. GROUPES CIBLES ET TRAVAIL SUR MESURE . . . . . . . . . . . . . . . . . 7502.3. PRESSION SUR LES ACCOMPAGNATEURS ET LES OPERATEURS DE PARCOURS

D’INSERTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 752

3. PERCEPTION DES CHANCES : POSSIBILITES APPORTEES PAR LE PARCOURS D’INSERTION 755

3.1. UN RESULTAT POSITIF : LA RECONNAISSANCE DES CHANCES . . . . . . . . . . 755

4. FACTEURS INFLUENCANT LA PERCEPTION DES OPPORTUNITES 757

4.1. PROCEDURES INTEGRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7584.2. PARTICIPATION INSTRUMENTALE ET NON INSTRUMENTALE . . . . . . . . . . . 7644.3. CONFIANCE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 769

5. CONCLUSION 773

ANNEXES 775

BIBLIOGRAPHIE 778

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SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LESCHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

PAR BERNARD CONTER* et MARIE-DENISE ZACHARY**

* Attaché scientifique, Service des études et de la statistique, Région wallonne** Economiste (1)

1. INTRODUCTIONLa persistance de la crise de l’emploi et le constat d’incapacité du marché à résorberseul le chômage ont conduit la réflexion vers de nouvelles pistes de création d’em-plois. Parallèlement, les évolutions sociétales, notamment la participation plus mas-sive des femmes au marché du travail, ont créé de nouveaux besoins, dits de proxi-mité, en grande partie non satisfaits par le marché.

La conjonction de ces deux phénomènes a engendré divers dispositifs d’activationdu chômage, en vue de répondre aux besoins de services de proximité. Les Agenceslocales pour l’emploi (ALE) et les titres-services en font partie. Bien que s’inscrivanttous deux dans le champ des services de proximité, ces dispositifs diffèrent cepen-dant dans leur conception, leur mise en oeuvre et les objectifs poursuivis en ce quiconcerne les prestataires.

S’il est permis de dresser un bilan des Agences locales pour l’emploi, introduites en1987 en Belgique et qui ont vraiment pris leur essor avec la réforme de 1994, les ti-tres-services constituent une initiative récente qu’il reste à mettre en oeuvre. Ilssemblent cependant a priori répondre à certains des griefs mis en évidence dans lecadre des ALE, du moins si certaines conditions d’efficacité sont respectées. Cesconditions peuvent être déduites du fonctionnement de dispositifs similaires,notamment ceux développés en France.

Avant une description détaillée de ces dispositifs et des enjeux qui les sous-tendent,il convient de préciser le concept de services de proximité et de situer son appari-tion dans le cadre de l’évolution des politiques d’emploi devenues plus actives (2).

(1) Au moment de cette recherche, l’auteur était chercheur à l’IRES (UCL). (2) Cet article s’inspire d’une contribution au colloque « Intégration européenne et économiesociale » organisé par l’Association d’économie sociale à Lille en septembre 2001 (Voir Zachary etConter, 2001).

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2. LE DEVELOPPEMENT DES SERVICES DE PROXIMITE ET L’ACTIVATION DU CHOMAGE

2.1. LES ENJEUX : REPONSE AUX BESOINS SOCIAUX ET CREATION D’EMPLOISL’engouement récent pour les services de proximité, et en particulier les servicesaux personnes, répond à des motivations économiques inhérentes à la crise del’emploi, les pouvoirs publics y décelant une source de gisement d’emplois, notam-ment pour les peu qualifiés. Devant l’impuissance des entreprises et des pouvoirspublics à résorber significativement le chômage de longue durée, les services deproximité deviennent l’objet de politiques visant à développer de nouveaux postesde travail et à répondre dans le même temps à des besoins liés aux évolutions démo-graphiques, sociales et culturelles (IRES, 1996 ; Francq et Lemaigre, 2000). Par servi-ces de proximité, on entend des services aux personnes et aux collectivités qui tou-chent aux cadres et aux actes de la vie quotidienne (Saintrain et Streel, 1996) : gar-des d’enfants, aides aux personnes en situation de dépendance, services ménagers,amélioration du cadre de vie, services culturels, de loisir et d’environnement y sontregroupés.

Si les services de proximité renvoient à des pratiques déjà anciennes, partiellementrégulées par les politiques publiques, l’apparition du concept en tant que tel estrelativement récente et doit être située dans l’évolution des politiques d’emploi. Eneffet, la croissance des taux de chômage et les contraintes budgétaires ont conduitles pouvoirs publics à modifier la structure de leurs interventions sur le marché dutravail pour s’orienter de plus en plus vers des politiques actives. Ces nouvellesorientations, guidées par une réduction des dépenses, se sont traduites par unediminution de la création directe d’emplois au profit d’une politique de soutien à lademande de services intensifs en main-d’œuvre, présentés comme offrant des per-spectives d’emploi considérables. Dès lors, l’objectif des politiques publiques quiont structuré le champ des services de proximité s’est progressivement transforméau fil des ans, passant d’une optique de besoins (entrant dans le cadre des politiquessociales) à une optique d’emploi (Meulders et Plasman, 1996). L’assimilation des ser-vices de proximité à des gisements d’emploi pour les peu qualifiés est par ailleursrenforcée par la prégnance des discours européens qui préconisent de réorienter lespersonnes dépendantes de l’aide sociale vers le travail et la formation, notammentpar une politique active de l’emploi, et de transformer les systèmes d’allocation ensystèmes volontaristes capables d’améliorer l’employabilité des travailleurs.

Ces politiques méritent cependant d’être questionnées. D’une part, le risque dedualisation du marché du travail augmente : du point de vue des demandeurs d’em-ploi, ces mesures ne résolvent pas toujours la question de l’exclusion et contribuentau développement d’activités relevant d’une nouvelle domesticité (Saintrain etStreel, 1996). D’autre part, de tels dispositifs n’offrent pas de garantie quant à laqualité des services prestés et ne répondent pas au caractère structurel des besoins,soit de nature collective, soit considérés d’utilité sociale par la collectivité, qui récla-ment une structuration de l’offre de services de proximité ainsi qu’une formation etune qualification des prestataires (IRES, 1996).784

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SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

2.2. LES MOYENS DE L’ACTIVATIONLa distinction entre politiques actives et politiques passives de l’emploi est aujourd’huidevenue classique. Le principe de l’activation des politiques de l’emploi a été prônépar l’OCDE dès les années 1970 ; il s’agissait, dans un contexte de chômage crois-sant qui ne pouvait être résorbé par l’évolution du marché du travail, de transformeren dépenses actives (programmes de réinsertion, formations, primes à l’embauche)les dépenses d’indemnisation du chômage, jugées trop passives. Les autoritéseuropéennes ont repris et développé cette thématique, notamment dans le Livreblanc ou dans les conclusions du sommet d’Essen. Elles l’ont amplifiée dans la miseen oeuvre de la stratégie européenne de l’emploi, qui préconise aux Etats-membresd’augmenter les taux d’emploi, notamment par le biais de l’activation des alloca-tions sociales. Dans cette optique, l’initiative de l’individu est placée au centre del’attention des politiques et la formation professionnelle devient une dimensionessentielle de la politique de l’emploi (Conter, 2000).

Les dispositifs publics de développement des services de proximité s’appuient sou-vent, en raison de la faible solvabilité de la demande, sur une technique d’activationdes allocations sociales. Activer ces allocations revient à transformer une indemnisa-tion (dite passive) en une action positive sur le marché du travail. En d’autres ter-mes, il s’agit de convertir l’allocation de chômage ou l’allocation sociale en élémentde rémunération d’une personne engagée dans le cadre d’une relation contractuelleprécise (Bodart, 1999). L’activation ne porte pas que sur la conversion des alloca-tions, elle concerne aussi les individus. Des mesures d’accompagnement, d’incita-tion et, parfois, de sanction des demandeurs d’emploi sont jointes à ces dispositifs.L’idée d’activation repose sur le principe selon lequel le bénéfice des allocationssociales doit trouver une compensation en faveur de la société : les bénéficiaires ontà rendre compte à l’Etat de leur (volonté d’) activité (Alaluf, 1999). Cette idée decontractualisation de la relation de protection sociale (attribution d’une allocationen échange d’engagements à réintégrer le marché du travail) est au cœur du dével-oppement de la conception d’Etat social actif (Conter et Zachary, 2000).

Les procédés d’activation, désignés par un vocabulaire à connotation positive, repo-sent souvent sur des éléments de précarité de statut, de rémunération ou de la rela-tion de travail. Les dispositifs d’activation étant réservés, la plupart du temps, à desgroupes cibles jugés “peu employables” dans les formes classiques de l’emploi, lesconditions de l’activité qui leur est proposée sont en général moins favorables. Deplus, de tels dispositifs n’offrent souvent qu’une rémunération amputée (3), voireune allocation complémentaire à l’allocation de chômage. Enfin, les effets en termesde réinsertion professionnelle ne sont pas toujours garantis. Certaines mesures limi-tent dans les faits l’expérience de travail à la durée des avantages accordés. D’autres,telles que les Agences locales pour l’emploi (ALE), n’offrent que peu de perspecti-ves de réinsertion sur le marché classique du travail.

(3) Plusieurs dispositifs d’insertion des jeunes s’appuient, par exemple, sur une rémunération égale à90% du salaire en vigueur.

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Selon Bodart (1999), pour rencontrer efficacement ses objectifs, l’activation du chô-mage devrait garantir un véritable contrat de travail, assorti d’une rémunération nonamputée et offrir une insertion professionnelle continue, valorisante et organisée. Laréalisation d’activités occasionnelles par les demandeurs d’emploi ne peut répondreà cette exigence. En revanche, comme en témoignent des expériences réaliséesdans différents pays de l’Union européenne, le développement de services de proxi-mité, associé à l’octroi d’un salaire et d’un statut décent, peut répondre de façonplus équitable aux enjeux assignés à l’activation.

3. LES AGENCES LOCALES POUR L’EMPLOI

3.1. CARACTERISTIQUES DU DISPOSITIFLes Agences locales pour l’emploi (ALE) relèvent des dispositifs qui tentent d’allieractivation du chômage et rencontre des nouveaux besoins sociaux (4). La créationd’ALE dans les communes, mesure initiée en 1987, a pour objectifs, d’une part, derencontrer des besoins non satisfaits par les circuits de travail réguliers et, d’autrepart, de permettre aux chômeurs de longue durée de reprendre contact avec lemonde du travail et d’augmenter leur rémunération de façon légale, en évitant lesrisques inhérents au travail au noir. La mesure vise donc aussi, en marge, à limiter letravail clandestin, tout en exerçant un certain contrôle sur la volonté de travaillerdes chômeurs.

Revu en 1994 (5), et dans une moindre mesure au cours des années suivantes, lesystème impose la présence d’une ALE dans chaque commune ou groupe de com-munes. Les chômeurs complets indemnisés de longue durée (6) y sont inscrits d’of-fice. Légalement, le refus d’exercer une activité convenable dans le cadre des ALEpeut mener à la suspension temporaire du droit aux allocations de chômage. Mais ilconvient de relativiser le caractère obligatoire de la mise au travail car les agencescollaborent sur le terrain avec les personnes qui ont marqué leur accord.

En pratique, le travailleur ALE conclut un contrat d’emploi à durée indéterminée, àtemps partiel, avec l’agence locale qui agit en tant qu’employeur. Ce contrat nes’inscrit pas dans la loi sur le travail de 1978 ; il est « sui generis » et adapté aux pres-tataires des ALE. Le travailleur en ALE conserve dès lors son statut de demandeur

(4) Le système des ALE présente des similarités avec les emplois Melkert aux Pays-Bas où les commu-nes peuvent imposer (travaux d’utilité dans le quartier) ou inciter (travaux socialement utiles) lesdemandeurs d’emploi à réaliser certaines tâches. Le demandeur d’emploi ne reçoit pas d’allocationcomplémentaire pour ses prestations et peut faire l’objet d’une sanction (retrait ou diminution del’allocation) s’il refuse un emploi jugé convenable.(5) Il est à noter que c’est à cette période que sont prises les mesures d’exclusion de cohabitantspour cause de chômage anormalement long et que la durée admissible du chômage passe de deuxfois la moyenne de l’arrondissement à une fois et demi cette moyenne (Zachary et al., 1997).(6) Soit 2 ans de chômage pour les moins de 45 ans et 6 mois pour les plus de 45 ans, sauf s’ils sontdispensés de l’obligation d’être disponibles sur le marché du travail. Les bénéficiaires de l’aide socialeet les autres chômeurs peuvent s’y inscrire volontairement.

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SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

d’emploi. L’indemnité (3,72 EUR nets par heure prestée) est payée par l’utilisateur(personne physique ou morale) sous la forme de chèques-ALE dont le montant varieentre 4,96 et 7,44 EUR, selon la commune. La différence entre le montant perçu etcelui du chèque sert à couvrir les frais administratifs et à financer des actions de for-mation. Le prestataire reçoit ce complément de revenu tout en conservant son allo-cation de chômage ou une autre allocation sociale. Il peut prester un maximum de45 heures par mois et augmenter ainsi son revenu mensuel de 167,4 EUR au plus.Les prestations de travail dans le cadre d’une ALE sont dispensées des cotisationspatronales et personnelles de sécurité sociale et les utilisateurs bénéficient d’unedéduction fiscale de leurs dépenses en frais de personnel ALE (le montant entranten ligne de compte pour cette réduction d’impôt est plafonné à 1.983 EUR).

Dans le but d’éviter une concurrence déloyale envers le circuit commercial, les acti-vités prises en considération sont limitées. Il s’agit, pour les particuliers, d’aideménagère, de garde d’enfants ou de malades, d’aide administrative, d’entretien dejardin. Dans le cas d’associations non commerciales, la loi autorise l’aide aux tâchesadministratives, aux activités de formation et aux travaux d’entretien. Les adminis-trations locales peuvent proposer des activités qui ont trait à l’embellissement ducadre de vie et à l’aide occasionnelle dans les bibliothèques ou à la sécurité (agentsde prévention et de sécurité) (7). Les établissements d’enseignement ont l’autorisa-tion de recruter du personnel ALE pour s’occuper des enfants durant le temps extra-scolaire, effectuer des animations ou régler la circulation à la sortie des écoles.Enfin, les entreprises agricoles et horticoles peuvent y avoir recours pour des tra-vaux saisonniers et occasionnels.

3.2. ELEMENTS D’EVALUATIONL’expérience des ALE vise un certain nombre d’objectifs. Ont-ils été atteints ? Dansquelle mesure le dispositif a-t-il permis de satisfaire des besoins non rencontrés parles circuits réguliers du travail ? Constitue-t-il un passage efficace vers un retour àl’emploi pour des chômeurs de longue durée, généralement peu qualifiés ? La créa-tion des ALE a-t-elle contribué à lutter contre le travail au noir ? Ces questions mul-tiples appellent des réponses nuancées, à construire en lien avec les évolutions dumarché du travail et les effets produits sur les bénéficiaires eux-mêmes. Dans les li-gnes qui suivent, nous centrerons plus particulièrement notre analyse sur les enjeuxsoulevés par le dispositif, après avoir présenté quelques données descriptives.

3.2.1. Données quantitativesLe système ALE a connu un développement important entre 1995 et 2001 suite àl’installation progressive des agences dans les communes et à l’obligation d’inscrip-tion des demandeurs d’emploi comptant au moins 2 ans de chômage, soit 49% des

(7) Les agents de prévention et de sécurité bénéficient d’un statut particulier et prestent un nombred’heures (53) supérieur à celui autorisé pour les autres activités ALE.

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demandeurs d’emploi inoccupés. Ces chômeurs inscrits d’office représentent 85%des inscrits, les autres sont volontaires. Tous ne sont cependant pas actifs (tableau1) : durant l’année 2001, le nombre de prestataires ALE s’élevait à 37 679 personnes,soit 20% des inscrits. Il s’agit d’une population durablement installée dans le chôma-ge : 38% d’entre eux comptent de 5 à 10 ans d’inactivité et 22% plus de 10 ans (8). Ilest à noter que le nombre d’utilisateurs s’est considérablement amplifié depuis lamise en place de la nouvelle réglementation (1994) ; il s’agit principalement depersonnes physiques (93% des utilisateurs).

TABLEAU 1: EVOLUTION DU NOMBRE DE PRESTATAIRES, D’UTILISATEURS ET D’HEURES PRESTEES(1995 - 2001)

Chômeurs et Prestataires Utilisateurs Heures Equivalentsminimexés (1) prestées temps plein

inscrits dans (2)une ALE

1995 64 559 10 132 3 135 2 934 000 1 7071996 98 584 15 998 5 516 5 457 000 3 1881997 125 000 30 327 71 034 7 900 000 4 6011998 153 000 34 327 106 245 10 555 000 6 1471999 177 194 36 346 120 904 12 632 441 7 3702000 187 744 37 954 131 580 13 616 064 7 9442001 188 722 37 679 132 486 13 743 898 8 028

Source : ONEM, 1996 à 2002. Calculs propres pour les équivalents temps plein.(1) Au 30 juin pour l'année 1995; en moyenne sur l'année pour les années suivantes.(2) Sur base de la durée conventionnelle du travail pour un équivalent temps plein, communiquée chaque annéepar le Ministère de l'emploi et du travail.

En termes de volume d’activité, au cours de l’année 2001, le nombre d’heuresprestées représentait un peu plus de 8 000 équivalents temps plein et la moyennepar travailleur ALE était de 30 heures par mois. Pour les personnes physiques, lestravaux réalisés sont essentiellement de nature ménagère (41%) ou des activités défi-nies comme mixtes qui incluent en grande partie des activités domestiques (47%).

Il faut savoir que la prestation d’un nombre minimum d’heures en ALE (180 heuresd’activité pendant une période de 6 mois) dispense de l’inscription comme deman-deur d’emploi. De ce fait, le chômeur n’est plus soumis aux obligations liées à cestatut ni exposé aux risques de suspension de l’allocation ; il n’est également plusrecensé dans certaines statistiques du chômage. C’est le cas de 4% des demandeursd’emploi. L’accès au travail en ALE et la dispense de chômage associée ne sont paslimitées dans le temps.

(8) Chiffres pour septembre 1999 (ONEM, 1999).

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TABLEAU 2: PROPORTION D’INSCRITS, DE PRESTATAIRES ET DE DISPENSES PARMI LES DEMAN-DEURS D’EMPLOI INOCCUPES (3) (CHIFFRES DE 2001)

Inscrits en ALE Prestataires actifs Prestataires ALE(plus de 2 ans en ALE (%) dispensés (%)de chômage)

Hommes 46,6 3,8 1,1Femmes 48,5 13,6 6,3Total 47,7 9,5 4,1

Source : ONEM (2002). Calculs propres.(3) Exprimés en unités physiques, auxquels on a ajouté les prestataires ALE dispensés de l'inscription comme deman-deurs d'emploi et qui n'apparaissent donc plus dans cette rubrique. En effet, ces personnes demeurent des chômeursà part entière.

Parmi les demandeurs d’emploi inoccupés, les femmes sont proportionnellement plusnombreuses que les hommes à être prestataires actifs en ALE (respectivement 14% et4%). De même, elles sont plus nombreuses à prester suffisamment d’heures pourdemander la dispense d’inscription comme demandeur d’emploi (6% des demandeu-ses d’emploi inoccupées, contre 1% parmi les hommes de la même catégorie).

3.2.2. Forte représentation féminineLa ventilation des prestataires par sexe permet de remarquer la forte représentationféminine parmi les travailleurs ALE (84% de femmes en 2001, alors qu’elles constitu-ent 67% des inscrits). Cette proportion est en augmentation constante depuis 1995,où elle était de 69%. Par ailleurs, on constate que les femmes sont en moyenne plusjeunes : 62% d’entre elles ont entre 35 et 50 ans, tandis que la même proportiond’hommes est âgée de 40 à 55 ans. Les catégories d’indemnisation sont égalementdifféremment représentées en fonction du sexe (tableau 3) : les femmes sont majori-tairement cohabitantes (56%), alors que plus de la moitié des hommes sont chefs defamille (55%). Le travailleur le plus représenté parmi les prestataires ALE est unefemme, entre 35 et 50 ans, le plus souvent cohabitante ou, dans une moindre me-sure, chef d’une famille monoparentale.

TABLEAU 3: REPARTITION DES CHOMEURS ACTIFS EN ALE PAR CATEGORIE D’INDEMNISATION(POURCENTAGES POUR 2001)

Catégorie Femmes (%) Hommes (%) Total (%)

Chefs de famille 32 55 36Cohabitants 56 23 51Isolés 12 23 13

Source : ONEM, (2002).

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Ces quelques chiffres suffisent à révéler que le dispositif atteint surtout des femmesqui ont, d’une part, le statut de cohabitantes et sont menacées de l’exclusion dubénéfice des allocations de chômage (le travail en ALE permet d’éviter ce risque ;c’est le cas de 47% des femmes prestataires, qui sont dispensées et échappent ainsi àla menace d’exclusion) ou, d’autre part, sont à la tête de familles monoparentales,vivant dans la précarité. De la sorte, et sans négliger le revenu supplémentaireapporté par le travail en ALE, il accroît les effets pervers qui touchent une frange dela population déjà discriminée sur le marché du travail (davantage de temps partiel,notamment non volontaire, salaire moindre pour niveau de diplôme équivalent, dis-crimination à l’embauche).

3.2.3. Enseignements tirés des enquêtes qualitativesAinsi que le soulignent Cantillon et Thirion (1998), le système ALE mérite une évalu-ation positive du point de vue de la lutte contre la pauvreté car il procure, grâce àune activité professionnelle, un supplément de revenu (parfois indispensable) à unnombre important de chômeurs. Outre ce bénéfice financier, une étude de VanBrempt (citée par Cantillon et Thirion), menée en Flandre, met en évidence quel-ques points positifs pour les prestataires : sentiment d’utilité, fait d’avoir retrouvéune activité, à temps partiel, permettant d’allier vie de famille et travail, rupture del’isolement. Cependant, d’autres enquêtes (CSC, 2000 ; FGTB, 1996), réalisées parles organisations syndicales, nuancent ces propos. Elles dénoncent en effet l’exploi-tation et l’atteinte à la dignité des travailleurs ALE, du fait de l’absence de contrôleexercé chez les particuliers et de la réticence des prestataires à révéler certains abuspar crainte de perdre leurs allocations. Les syndicats signalent également des discri-minations sur le plan de la nationalité ou de l’origine nationale de la personne dansle choix des travailleurs ainsi que des inégalités de traitement en fonction des com-munes (certaines remboursent les frais de déplacements intégralement ou partielle-ment, d’autres pas). Enfin, ils mettent en exergue l’instabilité et le caractère irrégu-lier des gains tirés d’une activité en ALE, alors que les prestataires les considèrentcomme partie intégrante de leurs revenus.

Tous ces éléments mettent en évidence la précarité dans laquelle se trouvent lesprestataires ALE, non seulement en termes de revenu mais aussi dans la relation pro-fessionnelle, avec un employeur (l’ALE) différent de l’utilisateur proprement dit. Ilsrévèlent aussi l’extrême individualisation de la relation de travail et le manque deréponses collectives aux questions de la pauvreté et de l’exclusion du marché dutravail.

3.2.4. Concurrence avec le marché régulierLes activités permises dans le cadre des ALE ne sont pas toutes des activités absentesdes circuits réguliers. Le dispositif a permis d’en sortir (partiellement) certaines dusecteur informel (tâches ménagères, travaux de jardinage), mais d’autres concurren-cent des activités existantes. Le cas des emplois communaux (tâches exercées par

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SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

les ouvriers et le personnel des maison de repos, par exemple) est à citer (CSC,2000), mais on peut craindre également une concurrence déloyale dans les secteursagricoles et horticoles, de même que dans celui des crèches et des aides familiales.Pour ces deux derniers secteurs, il faut signaler que le prix des services proposéssur le marché est proportionnel au revenu, tandis que le coût réel pour l’utilisateurdes ALE est dégressif, de par l’avantage fiscal octroyé (Zachary et al., 1997). Ce der-nier peut provoquer une distorsion de la concurrence avec ces secteurs.

On ajoutera que le montant concerné par la déductibilité fiscale accordée aux parti-culiers n’est pas négligeable. Il est estimé à 22 millions d’euros (9) pour l’année2000. Cet avantage fiscal, lié au taux d’imposition à l’impôt des personnes physi-ques, favorise en outre les ménages à hauts revenus et rompt avec la logique d’é-quité (contribution en fonction des revenus) appliquée dans les services sociauxdisponibles sur le marché.

3.2.5. Piège à l’emploiLe dispositif des ALE, en augmentant le revenu des chômeurs, renforce le risque depiège financier, défini comme un manque d’incitant, pour le demandeur d’emploi, àchercher ou à accepter un emploi, qui lui procure un gain de pouvoir d’achat nulou limité, voire entraîne une diminution de ses revenus. Selon De Greef (2000),« pour les ménages monoparentaux et les ménages à un revenu, le passage d’uneactivité en ALE, même limitée, à un emploi à temps plein se traduit presque toujourspar une perte de revenu », le désincitant financier s’accroissant avec le nombred’heures prestées en ALE. En ce qui concerne les isolés ou les ménages à deuxrevenus, la trappe à chômage se met en place essentiellement lorsque l’activité enALE est maximale (45 heures par mois) et qu’ils retrouvent un emploi à temps plein.Pour tous, le passage du chômage avec activité dans le cadre de l’ALE à un emploi àtemps partiel n’est jamais financièrement avantageux. Cette situation est renforcéepar le fait qu’un chômeur prestant au moins 180 heures en 6 mois échappe au ris-que d’exclusion pour chômage de longue durée et est dispensé de l’obligation d’êt-re disponible sur le marché du travail et des obligations afférentes (par exemplecelle d’accepter un emploi convenable).

Ces constats sont en contradiction avec les objectifs d’une politique d’activation, àsavoir réduire la dépendance vis-à-vis des allocations de chômage et améliorer leretour à l’emploi des chômeurs de longue durée. Ce retour est rendu défaillant dufait de l’aspect financier du statut ALE qui génère un revenu (allocations et supplé-ments) sensiblement supérieur au salaire minimal net pour de nombreux types deménages, et parce que le travail en ALE permet d’atteindre un niveau de revenu con-venable avec une occupation à temps partiel de moins de 50% et très flexible,perçue comme un avantage pour des familles avec de jeunes enfants (Cantillon etThirion, 1998).

(9) Le montant moyen d’un chèque est de 5,60 EUR (Jadoul, 2001) et 80% des heures prestées enALE le sont pour des personnes physiques dont le revenu est imposable en moyenne à 36%.

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3.2.6. Absence de perspectives professionnellesLes pièges d’une dépendance aux allocations sociales sont renforcés par le fait quel’activité exercée garde un caractère non professionnel et qu’elle est insuffisammentliée à la formation (Cantillon et Thirion, 1998). En théorie, un quart des recettes réa-lisées par les agences grâce aux chèques ALE devrait être consacré au financementde formations pour les prestataires. En pratique cependant, l’absence de lien structu-rel entre les agences et les centres de formation pour demandeurs d’emploi limite laconcrétisation de cette mesure. Par ailleurs, 41% des prestataires actifs en ALE travail-lent pendant au moins 30 heures par mois ; cette situation, outre le fait de les dispen-ser de leurs obligations en tant que demandeurs d’emploi, les pénalisent de fait dansl’accès aux formations. L’entrée en formation les obligerait en effet à renoncer à uncomplément de revenu immédiat, sans leur garantir d’insertion professionnelle.

Ce constat induit deux éléments au moins. D’une part, la qualité des services prestéspeut être handicapée par le manque de professionnalisation des prestataires, d’au-tant que certains services de proximité susceptibles d’être satisfaits dans le cadredes ALE réclament compétences et qualifications. D’autre part, cela renforce ladualisation du marché du travail et l’idée de nouvelle domesticité au profit d’unepopulation favorisée, constituée de ménages le plus souvent à deux revenus, quioccupent des emplois stables.

3.2.7. Bilan global du systèmeLes avantages et inconvénients du dispositif ALE sont présentés dans le tableau 4.On ne peut cependant faire l’impasse d’une réflexion plus large, reliant ce type demesure à l’évolution du marché du travail et à la normalisation des formes atypiquesde l’emploi.

TABLEAU 4: AVANTAGES ET INCONVENIENTS DU DISPOSITIF ALE

Acteurs Avantages Inconvénients

Pouvoirs publics et société Diminution supposée du travail Dualisation du marché duau noir travail

Résorption apparente du Concurrence avec certainsnombre de demandeurs secteurs du marchéd’emploi

Prestataires ALE Complément de revenus Piège à l’emploiExercice d’une activité et Absence de perspectives

rupture de l’isolement professionnelles et peu de formationMaintien des allocations de Individualisation de la relation

chômage de travail

Utilisateurs Déductibilité fiscale Pas de professionnalisationFlexibilité et disponibilité des des services

prestataires

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SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

Le développement d’initiatives du type ALE s’appuie sur l’idée qu’un marché du tra-vail unique (régi par des normes communes en matière de formation des salaires,d’organisation du travail, de sécurité sociale) n’offre plus les conditions suffisantesau développement du plein emploi. Dès lors, l’on se doit de considérer « qu’uneforme de dualisation du travail offre des pistes pour surmonter le déficit d’emploisdont souffre notre société » (MET, 1996).

La multiplication de dispositifs aux statuts particuliers a contribué au développe-ment d’une zone intermédiaire entre l’activité et le chômage (formules diverses destages d’insertion-formation, ALE, intérim d’insertion, etc.), souvent caractérisée parla précarité des situations (qu’il s’agisse des statuts d’emploi ou des rémunérationsqui y sont associées). Cette politique est souvent justifiée par le fait que ces emploisprécaires constitueraient un marchepied vers l’emploi stable.

Cet argument peut être remis en question. Il n’est pas établi que l’exercice d’acti-vités occasionnelles telles que celles organisées par les ALE (essentiellement des tra-vaux de nettoyage ou de jardinage à domicile) constitue un tremplin vers l’emploi.Plus généralement, comme le conclut Concialdi (2000), « l’exercice d’activités ré-duites n’a guère d’influence sur le devenir professionnel des chômeurs ». Lorsqueceux-ci parviennent à échapper au chômage, c’est essentiellement la nature del’emploi exercé dans le passé qui est déterminante.

Si l’emploi est classiquement défini comme un engagement contractuel à produireune activité en échange d’une contrepartie salariale qui garantit une protectionsociale, l’activité occasionnelle organisée par les ALE échappe à cette définition. Cedispositif est pourtant considéré comme relevant des politiques de l’emploi etcomme moyen de sortie du chômage. De la sorte, les pouvoirs publics contribuent àforger une nouvelle vision du travail et de l’emploi, de même qu’ils participent à lareconnaissance institutionnelle d’une catégorie de travailleurs aux marges du chô-mage et de l’emploi, « favorisant ainsi la diffusion d’une flexibilité croissante desmodes de gestion de la main-d’œuvre, dont le coût est essentiellement porté par lacollectivité » (Concialdi 2000).

En d’autres termes, les politiques publiques de l’emploi, par le développement dedispositifs et de statuts hors normes, au premier rang desquels figurent plusieursmesures d’activation, ont appuyé « le mouvement de normalisation des emplois pré-caires et leur utilisation prioritaire pour les catégories en difficulté d’insertion pro-fessionnelle » (Maruani et Reynaud, 1999). Le cas des Agences locales pour l’emploinous semble relever de cette catégorie de mesures.

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4. AUTRES DISPOSITIFS D’ACTIVATION ET DE DEVELOPPEMENT DES SERVICES DEPROXIMITE

4.1. PROGRAMMES DE TRANSITION PROFESSIONNELLE ET EMPLOIS-SERVICESLa technique de l’activation des allocations sociales a été utilisée dans plusieurstypes de mesures d’emploi (10). Au même titre que les ALE, les programmes de tran-sition professionnelle (PTP) et les emplois-services, aujourd’hui supprimés, sontdirectement centrés sur le développement de services de proximité. Les premierss’adressent aux pouvoirs publics et aux collectivités locales, les seconds visaientprincipalement le secteur privé. Tous deux s’appuient sur une même logique : ren-contrer des besoins non satisfaits et rendre ces services accessibles par la transfor-mation de l’allocation sociale en subvention salariale. Les employeurs bénéficientd’une subvention en général égale à la moitié du salaire minimum et sont par ail-leurs dispensés du paiement de l’essentiel des cotisations de sécurité sociale.

Les emplois-services visaient des tâches qui ne sont pas ou plus exécutées et quiaméliorent la qualité du service au client, les conditions de travail ou la protectionde l’environnement. Il s’agissait par exemple des fonctions de pompistes, d’empa-queteurs, de surveillants de parking ou d’exploitants de cafétéria d’entreprise. Si cedispositif a permis le retour à l’emploi de chômeurs peu qualifiés, il a souvent faitl’objet de critiques. D’une part, la stabilité de l’emploi n’était pas garantie du fait dela limitation dans le temps des avantages accordés aux employeurs. D’autre part, desdoutes ont été formulés quant à la qualité des emplois offerts, au régime de travail àtemps partiel (près de trois quarts de mi-temps, surtout pour les emplois féminins),et au niveau de rémunération relativement faible (limitée jusqu’en 2000 à 120% dusalaire minimum). L’absence de promotion ou de perspective professionnelle étaitégalement soulignée (MET, 1999). Pour ces diverses raisons, les emplois-servicesont été supprimés en 2002.

Les programmes de transition professionnelle offrent aux employeurs des secteurspublic et non marchand des avantages à l’embauche similaires au dispositif précé-demment cité. L’activation des allocations sociales permet la création d’emplois deservices dans les domaines de la propreté publique, de l’aide aux personnes, de larénovation urbaine, de la sécurité publique, de l’accueil et de l’animation dans lesespaces publics. L’intitulé du programme témoigne de son objectif de rotation : lescontrats sont limités à deux ans. De création récente (1998), les PTP se différencientdes emplois-services sur deux points essentiels : une finalité sociale doit être assi-gnée au projet et la majorité des contrats sont conclus à temps plein. Une évaluationde ce dispositif s’impose. Elle devra prendre en compte les possibilités de formationet le caractère véritablement transitionnel de ces emplois.

(10) Elle permet par exemple, dans le secteur de l’économie sociale, aux entreprises d’insertion d’en-gager des travailleurs peu qualifiés. Plus récemment, des accords sur l’intérim d’insertion ont permisaux entreprises de travail intérimaire de bénéficier à faible coût d’une main-d’œuvre peu qualifiée, enéchange d’un engagement à long terme et d’une formation.

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4.2. L’ALTERNATIVE DES TITRES-SERVICESLe système belge des ALE a été critiqué par diverses associations et organisationssyndicales en raison de son principe et de ses conditions de fonctionnement (nou-velle domesticité, piège à l’emploi, absence de perspective professionnelle pour lesprestataires, inscription obligatoire, faiblesse de la régulation des relations entre tra-vailleurs et employeurs). Les organisations patronales et de classes moyennes ontpar ailleurs mis en évidence tantôt des éléments de concurrence déloyale, tantôt lefrein que constituent les ALE au développement de véritables emplois de service.Ces critiques ont débouché sur plusieurs réformes du dispositif des ALE. Dans lafoulée, une proposition de création de titres-services, qui s’appuie notamment surles expériences étrangères (11), est en cours d’adoption. Ce nouveau dispositif n’a-broge pas celui des ALE ; il est cependant appelé à le remplacer partiellement. Nousprésentons ci-après les principales caractéristiques de ce système et mettons en évi-dence quelques conditions nécessaires à une amélioration qualitative des services etstatuts de travail offerts.

4.2.1. Objectifs et caractéristiques du dispositifLe développement d’un dispositif de titres-services s’appuie sur un argumentaireassez similaire à celui qui avait présidé à la mise en place des ALE : de nombreuxbesoins, liés aux transformations des modes de vie, des structures familiales et auxaspirations nouvelles de la population âgée, ne peuvent être satisfaits par le marché.

La Loi du 20 juillet 2001 visant à favoriser le développement de services et d’em-plois de proximité (12) poursuit les mêmes objectifs d’offre de services, de dévelop-pement de l’emploi, de soutien à la croissance par le développement d’activités éco-nomiques nouvelles, et de lutte contre le travail au noir (les services glissant, de parleur institutionnalisation, dans le secteur formel de l’économie). La Loi prévoit uneintervention financière des pouvoirs publics afin de diminuer le coût des services deproximité et de permettre la création d’emplois salariés dans les entreprises de pres-tataires de services. L’objectif énoncé de ce système est la création de 3.000 em-plois.

L’intervention publique dans un tel domaine d’activité est justifiée, dans l’exposédes motifs de la Loi, par les « externalités collectives » liées à la consommation de cetype de services. Il s’agit, d’une part, d’effets positifs sur l’emploi, de la diminutiondes inégalités de genre sur le marché du travail et de la baisse des coûts sociaux liésau travail au noir. D’autre part, on peut également en attendre des effets en termes

(11) Ainsi par exemple, une expérience de subvention à la consommation de services de proximité aété lancée en 1994 au Danemark. Les particuliers bénéficient d’un subside de 50% du coût de lamain-d’œuvre pour leurs achats de services domestiques auprès de sociétés agréées. De même, laFrance a introduit en 1992, dans son système fiscal, la possibilité de bénéficier de réductionsd’impôts pour des dépenses liées aux prestations de certains services domestiques et familiaux. Cetteinitiative a été complétée par la mise en place du chèque emploi-service (1994) et du titre emploi-ser-vice (1997) (Joyeux et al., 2000) (Cfr. infra).(12) Publiée au Moniteur Belge le 11.08.2001. 795

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de développement local à travers, par exemple, l’amélioration du cadre de vie ouencore des effets en terme de santé publique grâce à l’aspect préventif de la gardedes personnes âgées ou malades.

L’objectif poursuivi étant le développement de l’emploi salarié, on notera égale-ment, qu’une diminution du chômage se traduit, pour les pouvoirs publics, par deseffets retours liés à la diminution du coût de l’indemnisation du chômage, à la per-ception de cotisations sociales et à l’augmentation des dépenses de consommation.

4.2.2. Principes de mise en œuvrePar la diffusion de titres-services, les pouvoirs publics visent à accroître la demandede services de proximité en assurant le cofinancement du coût de chaque heureprestée. Pour des services légalement définis, les ménages pourront acquérir untitre-service à utiliser auprès d’un prestataire. Ce dernier se verra ensuite rémunérépar les pouvoirs publics au coût réel du service réalisé, la valeur nominative du chè-que étant supérieure à la valeur d’achat.

Les activités couvertes par le titre-service sont le travail ménager (nettoyage, lessiveet repassage, travaux de couture occasionnels, courses ménagères et préparationdes repas), la garde d’enfants à domicile (si elle est organisée par ménage) et l’ac-compagnement des personnes âgées, malades ou handicapées dans leurs tâchesménagères, leurs déplacements et leurs loisirs.

Techniquement, le système se distingue des ALE dans la mesure où il s’appuie surun subside à la consommation (réduction du coût du service pour en stimuler lademande). Les allocations de chômage perçues par le travailleur en ALE sont parcontre assimilées à un subside à la production (financement du producteur afin dediminuer le prix du service offert). Seule la déduction fiscale des dépenses ALE desusagers peut être considérée comme un subside à la consommation (Joyeux et al.,2000).

Une société émettrice éditera des titres-services d’une valeur de 6,20 EUR dans leslimites des enveloppes fixées par les autorités compétentes (cfr. infra). Le particu-lier qui souhaite bénéficier de ce système pour faire réaliser à son domicile des tra-vaux ou services de proximité commandera à la société émettrice ses titres (limitésà 500 par an et fiscalement déductibles) et demandera à une société de serviceagréée de réaliser les travaux (13).

(13) Il paiera la société de service au moyen du titre-service (un titre par heure prestée) et cette der-nière se verra verser par la société émettrice un montant de 17,35 euros par titre.

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SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

Les Régions définiront les conditions d’agrément des entreprises de services. Cesconditions porteront essentiellement sur les caractéristiques des travailleursembauchés, le type et la qualité des services offerts. Le système étant défini commeoutil de remise à l’emploi, les travailleurs recrutés pour réaliser les travaux de servi-ce devront être des demandeurs d’emploi inscrits à l’office régional de l’emploi.

Ces principes sont énoncés dans la Loi du 20 juillet 2001 sur les services de proxi-mité et dans l’Arrêté royal d’application de celle-ci (14). En raison de la répartitiondes compétences entre les différents niveaux de pouvoirs institutionnels en Belgi-que, la mise en œuvre de cette loi reposera sur des accords de coopération entreceux-ci. Un premier accord de coopération a été signé entre l’Etat fédéral et lesRégions en décembre 2001. Celui-ci porte essentiellement sur la mise en œuvre et lefinancement du dispositif (15).

L’agrément des entreprises prestataires de services devra faire l’objet d’un accord decoopérations entre les Régions. Deux questions essentielles devront être réglées :celle de l’unification ou non des critères d’agrément dans les différentes Régions dupays et celle de la nature des emplois créés.

En effet, si la Loi du 20 juillet 2001 prévoit que le travailleur d’une des sociétés deservice « doit être occupé au moins à mi-temps dans le cadre d’un contrat de travailau sens de la Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail », il semble qu’unaccord entre acteurs régionaux soit particulièrement difficile à obtenir sur la duréedes contrats. Les uns prônent des contrats à durée indéterminée, d’autres souhaitentpouvoir déroger à cet article de la Loi, rejoignant en cela les attentes du patronat fla-mand (VEV) en matière d’ouverture du système des titres-services aux sociétésd’intérim.

4.2.3. Plus-value du dispositifLe dispositif des titres-services ne modifie pas la nature du service offert par l’ALEmais est porteur d’un changement majeur : il s’appuie, en principe, sur des emploissalariés et non plus sur des activités occasionnelles consenties aux demandeursd’emploi. Les particuliers utilisent les titres-services auprès de sociétés agréées deleur choix pour faire réaliser l’activité voulue à domicile. Les services sont donc réa-lisés par des salariés d’entreprises ou d’organismes spécialisés (entreprise, associa-tion, entreprise d’économie sociale, service social). En ce sens, le dispositif du titre-service s’inscrit véritablement dans la politique de l’emploi alors que les ALE relè-vent davantage des mesures de traitement social du chômage.

(14) A.R. du 12 décembre 2001 concernant les titres-services, publié au M.B. le 22.12.2001.(15) Un budget annuel de 5 millions d’euros y est prévu. Il sera supporté pour moitié par l’Etat fédé-ral et pour l’autre moitié par les Régions et la Communauté germanophone.

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Un autre avantage du système est la professionnalisation des services. Celle-ci repo-se sur la stabilisation des travailleurs prestataires et sur les exigences de formationqui peuvent être définies par les pouvoirs publics, notamment dans le cadre del’agrément des organismes de service.

4.2.4. Conditions d’efficacitéL’appui sur le marché et la salarisation des prestataires ne constituent pas en soi desgaranties d’efficacité du système. Une activité régulatrice forte s’impose de la partdes pouvoirs publics. La nature des services concernés, en particulier ceux relevantde l’aide aux personnes (garde d’enfants, aide aux personnes malades, âgées ou han-dicapées), implique qu’une attention particulière soit portée à la qualité du serviceet aux compétences du personnel prestataire. Des procédures d’arbitrage, des codesde conduite, des exigences en termes de formation devront être définis. L’agrémentdes organismes de services constituera de ce point de vue un outil privilégié pourles pouvoirs publics.

Un autre enjeu sera de rendre le système attractif par rapport aux alternatives. Ens’alignant sur les prix pratiqués dans le secteur informel de l’économie, les pouvoirspublics offrent aux ménages la garantie d’un service professionnalisé et sécurisé(assurance, possibilité de plainte).

Se pose alors la question de la déductibilité fiscale de ce type de dépense. Criti-quable dans son principe, de par l’accroissement des inégalités de revenus qu’elleoccasionne (Laville, 1997 ; 1999), son efficacité (en termes d’incitation) peut êtremise en question du fait de la très faible proximité temporelle entre le paiement duservice et le bénéfice de l’avantage procuré (16) (Joyeux et al., 2000). Elle s’imposenéanmoins si le système ALE bénéficie du même avantage. Pour privilégier l’emploisalarié initié par le dispositif des titres-services par rapport aux activités occasionnel-les organisées par les ALE, il y a lieu soit de proscrire la concurrence entre les deuxsystèmes (par exemple en interdisant certaines activités aux ALE si le service peutêtre assuré par un organisme agréé), soit d’assurer une égalité dans le coût du servi-ce (la compétition se jouant alors sur des critères autres, tels que la qualité).

Enfin, par le subside à la consommation et la détermination du prix d’achat des ti-tres-services, les pouvoirs publics fixent un prix de marché pour les services offerts.Si la demande est telle qu’une concurrence puisse se développer entre organismesde service, il y aura lieu de veiller à l’objet de cette concurrence. Celle-ci ne devraitse jouer que sur la qualité du service. Aussi, il conviendra de déterminer des critèresde qualité des services et de porter l’action régulatrice des pouvoirs publics sur lesconditions de travail et de salaire. Une réglementation précise doit être établie en cequi concerne le temps de travail, le temps et le coût des déplacements, les condi-

(16) La subvention étant effective au plus tôt l’année qui suit la dépense.

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tions salariales. Il s’agit en effet d’éviter qu’un secteur si hautement subsidié puisseorganiser la concurrence en reportant, par exemple, sur les travailleurs les coûtshoraires et financiers des déplacements.

4.2.5. Des questions ouvertesLe dispositif des titres-services offre une réponse socialement acceptable à plusieurscritiques formulées à l’égard des ALE, notamment en ce qui concerne le statut destravailleurs (sauf en cas d’ouverture du dispositif au secteur de l’intérim). Il ne par-vient cependant pas à en surmonter tous les écueils, qu’il s’agisse des pièges àl’emploi liés aux écarts de revenus entre inactivité et travail ou de la relation dedomesticité développée entre salariés plus aisés et prestataires de services.

A côté de quelques questions techniques comme celle de l’éventuel dépassementdes crédits disponibles (que feront les entreprises de service si le budget est épuiséet que la société émettrice doit arrêter l’édition des titres ?), le développementd’emplois salariés à partir des besoins domestiques soulève des interrogations plusfondamentales.

Nous avons fait référence à la « société de serviteurs » qui pourrait naître de la multi-plication des services domestiques offerts aux consommateurs qui en ont les mo-yens et réalisés par d’autres qui ne peuvent se les payer. A cet égard, la déductionfiscale des titres-services, si elle peut s’imposer du fait de la concurrence des ALE,contribuera à augmenter les inégalités.

Même si le dispositif envisagé permet une médiation entre le demandeur (l’usager)et le prestataire de service (le travailleur), la nature des rapports humains à la basede ce type de transaction devra être hautement surveillé afin d’éviter les risquesd’exploitation dénoncés dans le cadre des ALE.

Comme le souligne J-L. Laville (1997), « la restauration du plein emploi, si elle estrecherchée par la mise en valeur de n’importe quelle ressource sans se poser laquestion du sens des activités menées, peut conduire à des effets pervers sur lacohésion sociale entendue comme la capacité de vivre ensemble. Des prestations deplus en plus diversifiées peuvent être mises au point pour une société qui ne seraitplus composée que de clients potentiels. L’élargissement de la gamme des servicesdisponibles et du ‘libre choix’ pour les plus favorisés de ces clients ne peut alorsqu’accréditer la vision d’une société comme simple support au bien-être individuel.Au-delà de la question des inégalités accrues entre ménages pouvant disposer d’ai-des à domicile diverses et ceux qui n’ont pas les moyens d’y accéder, se pose aussila question des rapports humains induits par des services ou la relation est centra-le ».

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Par ailleurs, la forte représentation des femmes dans ces emplois de service, pré-sentée dans l’exposé des motifs de la Loi sur les emplois de proximité comme unecontribution à la diminution des inégalités de genre sur le marché du travail, mérited’être interrogée du point de vue de la répartition des rôles sociaux.

Une attention particulière devra être portée à la qualité des emplois offerts et auxsalaires octroyés, ainsi qu’à l’organisation concrète du travail (rythme des missions,temps de déplacement). L’évaluation prévue par la Loi devra dépasser l’exercicequantitatif (volume de titres utilisés, nombre d’emplois, etc.).

La question du contrat de travail des prestataires est également cruciale. L’ambitionpremière des Régions de n’autoriser que des contrats à durée indéterminée s’inscritdans la logique d’insertion du dispositif. L’utilisation motivée de contrats à duréelimitée (remplacements, surcroît de travail saisonnier) peut être légitime. La réalisa-tion des services de proximité par des travailleurs intérimaires est, en revanche,contraire aux objectifs de stabilisation professionnelle des travailleurs.

Enfin, l’accessibilité de ces services au plus grand nombre demandera sans doutedes cofinancements supplémentaires. Si la Loi prévoit une intervention possible desmutuelles ou des CPAS, il y aura lieu de réfléchir à l’avenir au financement de cetteintervention.

4.3. BILAN DE L’EXPERIENCE FRANÇAISE DU CHEQUE EMPLOI-SERVICEDans plusieurs pays, dont la France, les pouvoirs publics se sont appuyés sur ledéveloppement des services de proximité pour accroître l’emploi. Deux dispositifsfrançais ont concrétisé cette volonté : il s’agit des emplois familiaux et des chèquesemploi-service. Ces deux systèmes concernent des activités identiques à cellesvisées par le titre-service en Belgique : garde d’enfants, travaux de ménage ou derepassage, petits travaux d’entretien du jardin, garde-malade à domicile, aideménagère pour personnes âgées ou handicapées.

Les emplois familiaux ont été crées en 1992 pour permettre aux ménages d’em-baucher des salariés à temps partiel pour la réalisation de services de proximité. Ilsont été accompagnés par la mise en place d’associations agréées de services à domi-cile. Ces associations sans but lucratif ont pour objectif de mettre en rapport l’em-ployeur et le salarié et d’assurer les formalités administratives inhérentes à l’emploi(bulletins de paie, calculs des cotisations sociales, déclarations à la sécurité sociale).Elles peuvent également agir en tant qu’employeur et facturer les services à l’utilisa-teur.

Le chèque emploi-service (CE-S) a été expérimenté à partir de décembre 1994 ; ilavait pour objectif de faciliter le recours aux services à domicile par la simplificationdes procédures d’embauche et de rémunération des salariés.

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Pour ce faire, les institutions financières (banques, poste) éditent des chéquiers àl’attention des particuliers qui les utilisent pour payer soit un salarié à domicile, soitune association de services à domicile. La demande d’adhésion à signer pour rece-voir un chéquier comprend une autorisation de prélèvement automatique des coti-sations sociales.

Le salaire du prestataire est négocié avec l’utilisateur-employeur (mais ne peut êtreinférieur au SMIC net horaire). Ce dernier rémunère les prestations grâce au CE-S ; ilen envoie un volet au centre national de traitement du CE-S qui calculera le montantdes cotisations sociales (directement prélevées sur le compte de l’utilisateur-emplo-yeur) et adressera une attestation annuelle qui ouvre le droit à la réduction d’impôt.Le travailleur encaisse le chèque auprès de son institution bancaire et bénéficied’une couverture par la sécurité sociale. Si le travail réalisé porte sur plus de huitheures par semaine ou plus de quatre semaines de suite, un contrat de travail doitêtre rédigé.

Les deux dispositifs poursuivent l’objectif de lutte contre le travail au noir ; ils don-nent également droit à une réduction d’impôt de 50% sur les dépenses occasionnées(salaires et cotisations sociales).

Ces dispositifs ont fait l’objet d’une évaluation dès les premières années de mise enservice (Zilberman 1995 a et b). Le travail ménager apparaît comme la principaleactivité rémunérée (80 à 87 % des heures selon les dispositifs). L’activité est engénéral régulière et de courte durée (quatre à cinq heures sur deux jours par semai-ne dans le cas des activités ménagères). La durée hebdomadaire du travail rémunérépar le CE-S est d’environ 4 heures, alors qu’elle est de près de huit heures dans lecas des emplois familiaux. Ces derniers comprennent cependant davantage d’acti-vités de garde (enfants, personnes âgées, handicapés) qui prennent plus de temps.

Le « salarié type » du secteur des services de proximité est donc une « femme deménage multi-employeurs » qui, poussée du côté du modèle du travailleur indépen-dant, entretient avec ses employeurs (ou clients) une relation de nature plus com-merciale que salariale. Le chèque-service tire en effet l’employeur-usager vers lemodèle de consommateur d’un service qu’il peut renouveler ou non après chaqueprestation (Labruyère, 1996).

Les « emplois » ainsi créés dans le domaine des services de proximité sont de plus enplus souvent « le résultat d’un assemblage d’interventions réalisées sous plusieursstatuts : aux heures réalisées en mandataire (17) ou payées en chèques emploi-servi-ce, s’ajoutent souvent des missions en associations intermédiaires, des vacations entant qu’aide ménagère, mais aussi parfois quelques heures de ménage au noir (…).C’est en jonglant avec toutes les propositions que peuvent leur faire les prestatairesde services que ces salariées, souvent seules ou chefs de famille monoparentale,complètent leur planning de travail de manière à obtenir un revenu mensuel prochedu SMIC » (Labruyère, 1996).

(17) Pour le compte d’une association de service.

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Les services de proximité semblent donc structurés et sortis pour une part du travailau noir ; ils restent cependant confinés dans des formes précaires d’emploi. De cepoint de vue, la globalisation des demandes par les sociétés de service, telle que pré-vue dans le système belge de titre-service, semble constituer une réponse auxenseignements de l’expérience française quant à la qualité des emplois créés.

5. CONCLUSION

L’expérience des ALE montre qu’il existe une demande réelle pour des services deproximité qui sont porteurs de développement d’activités économiques. Cettedemande correspond à un volume de travail de près de 8.000 équivalents tempsplein mais n’a cependant pas eu, à l’heure actuelle, d’impact en termes de créationd’emplois. En effet, les ALE n’offrent qu’une occupation aux demandeurs d’emploi,même si, pour nombre d’entre eux, l’allocation complémentaire ainsi obtenue estd’une importance vitale.

Sans avoir (jusqu’à présent) versé dans l’obligation légale d’activité (workfare), ledispositif a institutionnalisé des travaux de proximité qui relèvent souvent de l’obli-gation matérielle pour les demandeurs d’emploi. Le système ainsi développé accroîtla dépendance vis-à-vis des allocations de chômage et plonge les individus dans despièges à l’emploi, la sortie vers les formes classiques de travail devenant peu renta-ble financièrement. En inscrivant ces activités dans les politiques de l’emploi et d’ac-tivation du chômage, les pouvoirs publics participent à l’institutionnalisation et à lanormalisation d’une zone de précarité aux marges de l’emploi et du chômage. Enoutre, ils n’accordent pas ainsi l’attention nécessaire aux services de proximité dontla pertinence sociale est avérée et dont le développement ne peut être confonduavec un objectif de remise au travail des chômeurs de longue durée.

L’enjeu est donc de veiller à s’appuyer sur la demande de services de proximitépour créér de véritables emplois et une offre de services de qualité. Cette demanden’existe que dans la mesure où un financement important de ces services est garantipar les pouvoirs publics. Dans le cas des ALE, c’est l’allocation de chômage du pres-tataire qui tient lieu de subside de l’offre.

Nous avons montré que la subsidiation des services seule ne suffit pas à transformerune activité en emploi. L’expérience française du CE-S présente de ce point de vuedes limites : les salariés sont obligés de composer avec des activités multiples, etdonc incertaines, pour se constituer des temps de travail leur permettant d’atteindreun niveau de salaire proche du SMIC.

Le système des titres-services, en cours d’élaboration en Belgique, vise à concilierles objectifs de solvabilisation de la demande de service et de développementd’emplois. Ces objectifs impliquent une régulation importante de la part des pou-voirs publics subsidiants.

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Les exigences de stabilité des emplois liés aux titres-services (contrat à durée indé-terminée, au moins à mi-temps) peuvent paraître exigeantes dans un contexte deflexibilité croissante des emplois. Elles sont cependant légitimes lorsque l’on con-sidère l’important taux de subsidiation de ces emplois (73%) et les objectifs de miseau travail des demandeurs d’emploi, assignés à un dispositif qui poursuit entre au-tres la mission de les sortir du système ALE.

La mise en œuvre de politiques de création d’emploi ne suffit pas au développementd’une offre structurée de services de proximité. Il s’agira, pour les pouvoirs publics,de réguler les pratiques commerciales des entreprises de services, mais aussi dedéterminer, notamment à travers l’agrément, des exigences en matière de formationdes prestataires et des critères de qualité des services.

Il conviendra ainsi de suivre attentivement les conditions de mise en œuvre des ti-tres-services pour les salariés, mais aussi de veiller à l’égalité d’accès aux servicesofferts. Il n’est en effet pas concevable que des services hautement subsidiés etdirectement liés à des besoins sociaux (garde de personnes âgées, handicapées,entretien de domicile) ne soient financièrement accessibles ni à ceux qui en ont leplus besoin ni aux salariés qui les réalisent.

En ces matières, on ne peut donc répondre au seul objectif d’élévation du tauxd’emploi sans s’intéresser à la question de la qualité de l’emploi et, de façon généra-le, à celle des inégalités. Rendre solvable la demande de services de proximité (c’est-à-dire en permettre l’accès aux ménages dont les revenus sont insuffisants pour faireappel à l’offre – formelle ou informelle – existante) exigera notamment de sortird’une politique de tarification unique. Dans cette perspective, les organismesintermédiaires d’aide sociale (pouvoirs locaux ou mutuelles, par exemple) peuventjouer un rôle central. En modulant le prix des services selon les revenus des ména-ges, ils peuvent rendre davantage accessibles les services existants. Cette extensionde l’offre, tout en répondant efficacement aux besoins, est par ailleurs susceptiblede produire davantage d’effets sur l’emploi.

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TABLE DES MATIERES

SERVICES DE PROXIMITE : ACTIVER LES CHOMEURS OU SOUTENIR LA DEMANDE ?

1. INTRODUCTION 783

2. LE DEVELOPPEMENT DES SERVICES DE PROXIMITE ET L’ACTIVATION DU CHOMAGE 784

2.1. LES ENJEUX : REPONSE AUX BESOINS SOCIAUX ET CREATION D’EMPLOIS . . . . . 7842.2. LES MOYENS DE L’ACTIVATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 785

3. LES AGENCES LOCALES POUR L’EMPLOI EN BELGIQUE 786

3.1. CARACTERISTIQUES DU DISPOSITIF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7863.2. ELEMENTS D’EVALUATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 787

4. AUTRES DISPOSITIFS D’ACTIVATION ET DE DEVELOPPEMENT DES SERVICES DE PROXIMITE 794

4.1. PROGRAMMES DE TRANSITION PROFESSIONNELLE ET EMPLOIS-SERVICE . . . . . . 7944.2. L’ALTERNATIVE DES TITRES-SERVICES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7954.3. BILAN DE L’EXPERIENCE FRANCAISE DU CHEQUE-EMPLOI-SERVICE . . . . . . . . 800

5. CONCLUSION 802

BIBLIOGRAPHIE 804

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LA SITUATION ATYPIQUE DES INDEPENDANTS DANS LE CHAMP DE LASECURITE SOCIALE : QUELSENSEIGNEMENTS EN TIRER POUR D’AUTRES GROUPES DE TRAVAILLEURSSALARIES ?

PAR PAUL SCHOUKENS

Professeur, docteur, K.U. Leuven

INTRODUCTION

Voici déjà quelque temps que les marchés du travail européens font l’objet d’uneplus grande flexibilité. Afin de diminuer les chiffres du chômage, les décideurs poli-tiques consacrent beaucoup d’attention à la création d’emplois dits « atypiques ». Deplus, chacun s’accorde pour dire que la flexibilité de l’emploi doit devenir la règle.La création d’emplois et le travail atypique sont également au centre de l’actueldébat européen sur l’exclusion sociale : la création d’emplois constitue un outilimportant de lutte contre la pauvreté et d’autres facteurs menant à l’exclusion socia-le. Trouver du travail s’apparente souvent à un garde-fou crucial contre l’exclusionsociale. L’emploi doit ici être conçu de manière large; cela dépasse le cadre danslequel une personne fournit des prestations professionnelles selon le modèle usueldu travailleur salarié, c’est-à-dire un individu qui travaille dans un lien stable de su-bordination avec un employeur bien défini.

A partir des années ’70, la tendance à se départir de ce modèle classique du travail-leur salarié s’est intensifiée et des formes qualifiées de travail « atypique » ontémergé. Il en est résulté une plus grande flexibilité dans l’utilisation de la main-d’œuvre; cette augmentation de la flexibilité du travail est souvent liée à la réduc-tion du coût du facteur travail. Le travail atypique adopte des formes diversifiées.Par exemple sont considérés comme travail atypique : le travail à temps partiel, letravail à domicile, le travail temporaire, le travail indépendant, mais aussi toutes lesformes particulières soumises à une couverture ou à une exemption spécifiques dela sécurité sociale ( employés de maison, petits boulots, etc.).

La création du travail atypique a engendré des relations problématiques avec la sécu-rité sociale classique. En effet, les lois sociales sur le temps de travail, la protectionde l’emploi et les systèmes de sécurité sociale ont été petit à petit consolidées

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autour du modèle classique du travailleur salarié. Les formes de travail qui dévientde la relation de travail typique ne s’intègrent pas toujours harmonieusement dans lesystème de protection sociale, parce que ce dernier manque parfois de souplessepour s’adapter immédiatement à tous les nouveaux emplois. En conséquence, lespersonnes qui acceptent les emplois flexibles ou qui y sont forcées risquent deperdre leurs droits de sécurité sociale. Ceci peut être dû au fait que le travailleur aty-pique ne correspond pas au concept du travailleur typique et, dès lors, tombe horsdu champ d’application personnel du système de sécurité sociale (par exemple, l’é-mergence de l’indépendant et l’exclusion de ce groupe du système de sécuritésociale bâti sur le modèle des travailleurs salariés); mais, la perte des droits peut éga-lement être en relation avec le mode non compatible de ce travail avec les techni-ques utilisées pour construire la protection sociale (par exemple, périodes irréguliè-res de travail du travailleur temporaire qui ne peuvent être prises en considérationpour la période de qualification ouvrant le droit à des prestations de sécurité socia-le). En fonction du genre de travail atypique, les problèmes se dessinent en sensdivers. Situation dont nous pouvons aisément dire qu’elle ne facilite guère la discus-sion sur la manière de traiter le travail atypique et/ou marginal dans la sécurité socia-le.

Beaucoup de typologies ont été introduites pour tenter de systématiser quelque peule phénomène du travail atypique et marginal. En règle générale, cela traite, commel’indique le concept, de toutes les formes d’emplois qui ne sont pas effectués d’unemanière classique. La situation suivante est classique : un travailleur salarié accom-plit une certaine quantité de travail dans une relation de subordination vis-à-vis del’employeur (étant traditionnellement mesuré en heures de travail). Greisner propo-se une typologie intéressante : selon lui, le travail classique doit répondre à trois ca-ractéristiques : une relation de travail, dépendante, de longue durée et à temps plein.Autrement dit, s’inscrire dans une structure hiérarchique ne comportant qu’un seulemployeur (relation dépendante), durer longtemps (la relation de travail prolongéeautorise une promotion au sein de l’entreprise), et être indivisible (le temps pleinest l’unique source de revenus du travailleur) (1). Le travail atypique est un travailqui se départit de l’une de ces trois caractéristiques. Les différentes formes de travailatypique se retrouvent dans les catégories suivantes : travailleurs indépendants (quieffectuent un travail non dépendant), travailleurs à temps partiel (qui n’effectuentpas un travail à temps plein) et travailleurs à durée déterminée (dont l’emploi n’estpas stable). Cette catégorisation est sûrement ouverte à la critique. Un grand nom-bre de personnes, dont je fais partie, s’interrogent à propos du classement des tra-vailleurs indépendants parmi les travailleurs atypiques. Ne sont-ils pas très représen-tatifs dans leur travail, en exerçant des activités professionnelles de manière indé-pendante ? Il faut cependant admettre que, pour la sécurité sociale, la catégorie desindépendants est communément définie comme des individus professionnellement

(1) Voir D. Greiner, “Atypical work in the European Union”, in D. Pieters (ed.), Changing work pat-terns and social security, Londres–La Haye-Boston, Kluwer Law International, 2000, (45), 46.

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LA SITUATION ATYPIQUE DES INDEPENDANTS DANS LE CHAMP DE LA SECURITE SOCIALE ...

actifs mais non considérés comme des travailleurs salariés (classiques) (2). Ce neserait pas la première fois que l’on entende dans les cercles européens que les indé-pendants sont réellement « le type le plus extrême de travailleurs atypiques » (3).

Au lieu de contester la nature atypique de l’emploi indépendant pour des raisons desécurité sociale, tentons plutôt de comprendre les défis où nous a entraîné notreréflexion sur la construction d’une protection sociale propre aux travailleurs indé-pendants. Voici quelques décennies, le groupe des indépendants était peut-être l’undes premiers groupes de travailleurs atypiques qui posa concrètement problèmeaux systèmes de sécurité sociale existants. En effet, ceux-ci étaient (et le sont enco-re dans une large mesure) fortement développés autour du modèle du travailleursalarié classique. Quand, dans le courant des années ‘60 et ’70, il devint acceptableque le risque entrepreneurial pouvait être combiné avec le principe de solidarité dela sécurité sociale, naquit l’immense tâche de concevoir une protection socialepropre aux travailleurs indépendants « atypiques ». Certains éléments de cetteapproche conflictuelle de la protection sociale pour indépendants se retrouventencore aujourd’hui dans la question de savoir si les entrepreneurs doivent (ou non)être couverts contre le risque de chômage. Les passes négatives du cycle économi-que et la faillite d’une entreprise ne font-elles pas partie du risque entrepreneurial ?Il n’est pourtant pas moins vrai que chaque Etat membre de l’UE pourvoit en l’uneou l’autre forme de protection sociale pour ce groupe de travailleurs indépendants(4); d’ailleurs, certains Etats sont même parvenus à développer une véritable assu-rance-chômage en leur faveur. Les Etats candidats à l’UE – plus particulièrement lespays d’Europe centrale et orientale confrontés pour la première fois aux nouveauxentrepreneurs – se débattent actuellement avec la question du comment développerune sécurité sociale adaptée à la nature atypique de l’emploi indépendant. L’exerci-ce dépasse de loin la simple application des règles actuelles de sécurité socialedéveloppés pour les salariés aux travailleurs indépendants. Si nous voulons mieuxcomprendre la question épineuse de l’application des régimes de sécurité sociale

(2) Voir à ce sujet : P. Schoukens, “The definition of self-employment from a comparative and Euro-pean perspective”, in International Social Security Association and National Sickness Insurance Fundfor Self-Employed Persons (éds.), Social protection and the development of self-employment in non-agricultural occupations, Genève, ISSA, 1998, pp. 103-114 et P. Schoukens, “Comparison of thesocial security law for self-employed persons in the member states of the European Union”, in D. Pie-ters, Changing work patterns and social security, Londres-La Haye-Boston, Kluwer Law Internatio-nal, 2000, (63), pp.63-65.(3) Comme ce fut le cas p. ex. dans la conférence sur la sécurité sociale européenne et les indépen-dants, qui s’est tenu à Florence (Octobre 1993). Voir également : D. Pieters et P. Schoukens, “TheEuropean Community and the social security of self-employed”, in P. Schoukens (ed.), Social protec-tion of the self-employed in the European Union, Deventer-Boston, Kluwer Law and TaxationPublishers, 1994, pp. 27-41.(4) Pour un aperçu et une analyse comparative, voir P. Schoukens, De sociale zekerheid van de zelf-standige en het Europese Gemeenschapsrecht: de impact van het vrije verkeer van zelfstandigen,Louvain, Acco, 2000, pp. 37-297 et -, “Comparison of the social security law for self-employed per-sons in the member states of the European Union”, in D. Pieters (ed.), Changing work patterns andsocial security, Londres-La Haye-Boston, Kluwer Law International, 2000, pp. 63-98.

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conçus pour des travailleurs salariés classiques, au groupe diversifié des travailleursatypiques, il peut s’avérer intéressant d’examiner les obstacles auxquels ont été (etsont toujours) confrontés les Etats membres dans leur conception de la sécuritésociale pour la catégorie des indépendants. Pour le propos de la présente contribu-tion, nous examinerons tout d’abord les problèmes que les Etats rencontrent lors-qu’ils appliquent les « systèmes de sécurité sociale typiques aux travailleurs salariés »au groupe atypique des travailleurs indépendants. Nous analysons comment peu-vent être approchés les défis d’une application de la sécurité sociale classique (pourtravailleurs salariés) à des formes de travail moins typiques. En prenant pour exem-ple le groupe des indépendants, nous pouvons disposer d’un cadre théorique pou-vant être utilisé pour faciliter l’incorporation d’autres travailleurs atypiques dans nossystèmes de sécurité sociale. Ce cadre sera développé dans le deuxième chapitre.Outre la question de savoir comment commencer à intégrer les travailleurs atypi-ques dans la sécurité sociale, nous pouvons également nous interroger sur la néces-sité d’instaurer une sécurité sociale pour les travailleurs atypiques. Dans le cadre duprésent article, j’aborderai cette problématique au départ d’un environnementeuropéen. Je pense, en effet, que plusieurs éléments peuvent être trouvés auniveau de l’Union européenne, lesquels recommandent avec insistance d’inclure lestravailleurs atypiques dans les systèmes de sécurité sociale existants. Cette questionsera traitée dans le troisième chapitre.

1. LES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS EN TANT QUE TRAVAILLEURS ATYPIQUES ETLES CONSEQUENCES QUI EN RESULTENT POUR LA SECURITE SOCIALE

Alors que, dans les années ‘60 et ’70, la question de savoir si les entrepreneurs indé-pendants devaient être couverts pour les risques sociaux faisait l’objet d’intensesdébats, nous voyons que tous les Etats membres de l’Union européenne (5) etmême les pays candidats de l’Europe centrale et orientale (6) disposent désormaisd’une certaine couverture de protection sociale pour cette catégorie de travailleurs.Décidément, la sécurité sociale n’est pas le domaine exclusif des travailleurs salariésclassiques. Au fil des ans et des décennies, l’idée de couvrir aussi l’entrepreneurindépendant contre les risques sociaux s’imposa de plus en plus. L’inclusion desindépendants dans les programmes de sécurité sociale semblait non seulementnécessaire pour des raisons sociales, mais encore parce que des préoccupationsfinancières jouaient également un rôle. En Irlande, la décision d’introduire les indé-pendants dans l’assurance-pension (sociale) pour personnes âgées et survivants arésulté en partie d’une volonté de rendre cette catégorie professionnelle financière-ment coresponsable. Apparemment, après la retraite ou le décès du travailleur indé-pendant, un grand nombre d’indépendants et de leurs survivants finissaient parémarger à la pension universelle d’aide sociale; or, ce dernier régime ressortit aubudget général. Vu – en termes relatifs – le peu de ressources de l’impôt sur les

(5) Pour un aperçu des systèmes et une analyse comparative, voir ma thèse de doctorat citée ci-des-sus.(6) Voir P. SCHOUKENS, The social security systems for self-employed people in the applicant EUcountries of Central and Eastern Europe, Anvers-Oxford-New York, Intersentia, 2002, 239p.

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revenus, les indépendants ne contribuaient manifestement pas beaucoup au budgetgénéral. En étendant l’assurance-pension sociale aux indépendants et en les faisantpayer des cotisations pour l’assurance-pension, ces travailleurs ont été obligés decontribuer davantage pour leurs droits subséquents à une pension de retraite.

Cet article n’est pas l’endroit indiqué pour s’étendre copieusement sur tous lessystèmes différents de sécurité sociale présents en Europe. Il suffit ici de rappelerque, globalement, une distinction peut être opérée entre les régimes généraux ouuniversels dans lesquels ont été inclus les travailleurs indépendants, les régimesgénéraux pour indépendants et les régimes catégoriels pour des groupes d’indépen-dants. Dans un système de sécurité sociale général ou universel, une protection debase est organisée dans le même régime pour tous les groupes de travailleurs de lapopulation ou même pour la population tout entière. Citons comme exemples : leDanemark, la Finlande, la Suède, la Grande-Bretagne, l’Irlande, les Pays-Bas, leLuxembourg, le Portugal, la République Tchèque, la République Slovaque, la Hon-grie, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie et laPologne. Le système général n’opère aucune distinction, des points de vue structu-rels ou organisationnels, entre les différentes catégories professionnelles ou groupesde la population. Ce régime fournit, indépendamment du groupe qui est assuré, unecouverture (de base) identique, la même structure administrative et un plan finan-cier uniforme. Dans un régime général pour indépendants, toutes les catégories pro-fessionnelles des indépendants sont regroupées en un seul système de sécuritésociale. Il dispose d’une structure administrative propre avec un conseil d’adminis-tration composé de représentants d’associations d’indépendants et du gouverne-ment. Le système collecte et gère lui-même les ressources financières. Pour ce quiest de la couverture de sécurité sociale et du financement, ce régime n’opère entretravailleurs indépendants aucune distinction entre groupes professionnels. Un telsystème s’observe en Belgique. Les régimes catégoriels pour indépendants sont dessystèmes spécifiques à différentes catégories professionnelles de travailleurs indé-pendants. Des exemples de tels systèmes sont présents en Allemagne (agriculteurs,professions libérales, artistes et écrivains), en France (artisans, commerçants etindustriels, avocats et autres professions libérales, agriculteurs), en Italie (mar-chands, artisans, agriculteurs et professions libérales), en Autriche (marchands, pro-fessions libérales, notaires, agriculteurs, autres indépendants), en Espagne (indépen-dants, marins, agriculteurs), en Grèce (les plus importants : commerçants, artisans,avocats, ingénieurs, agriculteurs, etc.), en Pologne (agriculteurs) et en Roumanie(avocats). Les régimes sont dès lors structurés autour des groupes professionnels.

La catégorisation de l’incorporation dans des régimes généraux/universels, régimesgénéraux pour indépendants et systèmes catégoriels doit quelque peu être relati-visée lorsque nous considérons la protection sociale induite par les systèmes respec-tifs. L’existence de régimes catégoriels distincts pour des groupes de travailleursindépendants n’exclut pas l’appartenance à un système plus général pour certainesprestations de sécurité sociale. L’Italie, par exemple, a assuré certaines catégories detravailleurs indépendants (principalement les agriculteurs, les marchands et les arti-

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sans) sous le système général des travailleurs salariés, bien que des organes degestion distincts aient été conservés au sein de l’institut administratif du régime dessalariés (Instituto Nazionale della Previdenze Soziale). Les indépendants belges ontété rangés sous le régime des travailleurs salariés pour leur assurance-santé (risquesde soins de santé majeurs et incapacité de travail). Outre tout ceci, il faut tenircompte du fait que les systèmes catégoriels pour travailleurs indépendants évoluentsouvent sur le plan du contenu en direction des régimes plus généraux (pour travail-leurs salariés). Par exemple en Grèce, le régime de pension du système des salariés(Idryna KoïnomiKou Asfaliseou) sert de modèle à la réforme des différents program-mes catégoriels pour travailleurs indépendants.

D’autre part, les systèmes généraux de sécurité sociale devront prévoir des règles spé-cifiques pour le groupe des travailleurs indépendants. Ces adaptations sont générale-ment présentes pour les prestations à court terme de remplacement du revenu (parti-culièrement dans le cadre de la maladie et du chômage) et pour les réglementationsrelatives au financement. Parfois, ce développement peut être si profond que traiterspécifiquement les travailleurs indépendants est plus facile au sein du régime généralde sécurité sociale qu’au sein d’un système catégoriel dont le contenu tend à se rap-procher du régime général pour travailleurs salariés. Sous cet angle, nous pouvonsobserver que le contenu des systèmes catégoriels de pension grec et français se rap-prochent toujours plus du système pour travailleurs salariés. A l’opposé, les indépen-dants britanniques ne perçoivent qu’une prestation de base en cas d’incapacité de tra-vail, bien qu’ils partagent le même système avec les travailleurs salariés.

Quant à la couverture de sécurité sociale, les régimes diffèrent significativement. Aumieux, on pourrait dire que tous les travailleurs indépendants de l’Union européenneont accès d’une manière ou d’une autre à une forme de protection sociale. Le typede protection peut toutefois fortement diverger et, par ailleurs, un grand nombre deprogrammes s’appliquent sur une base volontaire. La comparaison (7) des régimeslégaux a démontré qu’un certain nombre d’Etats membres ne garantissent que peuou aucune protection à leurs citoyens travailleurs indépendants. Par exemple, tousles indépendants allemands ne sont pas obligés de s’assurer. Si l’indépendant ne res-sortit pas à l’un des systèmes catégoriels existants, il est uniquement couvert dupoint de vue de la sécurité sociale pour les charges de famille. Pour tous les autresrisques, il doit recourir à une assurance-pension volontaire (couvrant la pension-vieil-lesse, la pension de survivant et la pension-invalidité) et à une assurance-maladie (quicouvre les soins de santé, la maladie et la maternité); cette dernière existe uni-quement sous la forme d’un prolongement de l’assurance des travailleurs salariés. Lestravailleurs indépendants à faibles revenus, également, sont souvent négligés. Parexemple, la Grande-Bretagne impose à ses travailleurs indépendants des seuils derevenu minimal pour accéder à la sécurité sociale. Si de tels seuils sont fixés à unniveau relativement élevé, un grand nombre des travailleurs indépendants (8)

(7) Voir ma thèse de doctorat et les recherches effectuées sur les systèmes d’Europe centrale etorientale, telles que citées ci-dessus.(8) Parfois évalués à un quart de la totalité de la population des travailleurs indépendants : J. Brown,A policy vacuum: social security for the self-employed, Joseph Rowntree Foundation, York, 1992,pp. 12-15 et p. 68.

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risquent de se retrouver sans la moindre protection sociale. Dans ce cas, il est tou-jours possible en Grande-Bretagne d’adhérer au système sur une base volontaire,mais la réalité démontre que les indépendants ne recourent que très rarement à cettesolution.

De telles situations présentent un contraste criant avec la protection sociale qui estgarantie aux travailleurs indépendants, par exemple, dans les pays scandinaves, dansun grand nombre de pays de l’Europe centrale et orientale, au Luxembourg, enEspagne et au Portugal; dans ces deux derniers pays, si les travailleurs indépendantss’assurent au moins pour l’ensemble des risques. Les indépendants bénéficient icid’une couverture de sécurité sociale qui, du point de vue du contenu, se rapprochetrès fort de celle des travailleurs salariés. Les autres Etats se situent entre ces deuxextrêmes : une forme de protection de sécurité sociale est offerte pour certains ris-ques, mais pas pour tous. Par exemple, pour les indépendants, tous les pays ont desproblèmes avec la couverture de l’incapacité de travail et du chômage (partiel).Pour ces risques, il n’existe que rarement un régime en vigueur, lié au revenu gagnéantérieurement. Les longues durées de stage, les prestations fixes et une évaluationinflexible du degré d’incapacité de travail ou du chômage temporaire sont plus usu-elles. Parlant en termes structurels, la couverture de sécurité sociale des travailleursindépendants en Europe va donc d’une protection sociale complète à une couvertu-re limitée de base, voire à l’absence totale de protection.

En soi, le type de système de sécurité sociale existant n’affecte pas le niveau de laprotection garantie. En guise d’exemple, les systèmes généraux britannique et néer-landais fournissent uniquement une couverture de base. Les régimes professionnels,essentiellement, ne concernent que les salariés. Les pays scandinaves, au contraire,ouvrent ces régimes (y compris ceux relatifs au chômage et à l’incapacité de courtedurée) aux travailleurs indépendants, fût-ce à l’aide de certaines adaptations. Enfin,il est également possible qu’un système professionnel offre une couverture socialeidentique aux salariés et aux indépendants (par exemple, au Luxembourg, en Hon-grie, en République tchèque, en République slovaque, en Slovénie, en Lituanie et,dans une certaine mesure, au Portugal et en Espagne).

Que nous apprend tout ceci ? Quel que soit le système existant, les travailleurs indé-pendants doivent être traités d’une manière spécifique. Pour l’essentiel, ces problè-mes se résument à l’absence d’une relation « employeur-travailleur salarié ». Les indé-pendants se trouvent, par rapport aux salariés, dans une situation spécifique, « atypi-que » : la relation hiérarchique entre employeur et travailleur est absente; de plus, lerevenu se gagne d’une manière plus flexible étant donné qu’aucune rémunérationfixe n’est appliquée. Tous les régimes de sécurité sociale qui sont fondés sur ces élé-ments, sont à l’origine de problèmes lorsque, sans autre forme de considération, ilssont appliqués aux travailleurs indépendants. C’est pourquoi, il existe suffisammentde facteurs visant à différencier la protection sociale définitive dont bénéficient lestravailleurs indépendants de celle des travailleurs salariés. Ces facteurs résident prin-cipalement dans le mode de financement du système, dans l’évaluation du chômage

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(temporaire), dans l’incapacité temporaire de travail, dans l’incapacité partielle detravail et dans la retraite partielle. Les points noirs les plus importants auxquels sontconfrontés les Etats lorsqu’ils organisent une protection sociale pour les travailleursindépendants sont :

la difficulté d’estimer la perte réelle de revenu dans l’hypothèse d’un arrêt tempo-raire de travail. Il est souvent impossible de préciser la part de revenus que l’indé-pendant risque de perdre;

la difficulté d’attribuer la perte de revenus au risque social en question. En casd’incapacité temporaire de travail, il est, par exemple, difficile de vérifier jusqu’àquel point, la perte de revenu doit être attribuée à l’incapacité de travail et non àdes facteurs extérieurs (le cycle économique);

la difficulté de connaître exactement le revenu de l’indépendant puisque les tra-vailleurs indépendants déclarent eux-mêmes leurs revenus. Quand les clients du tra-vailleur indépendant sont ce qu’il est convenu d’appeler des acheteurs finaux, ilexiste une tendance à sous-évaluer le revenu. Par ailleurs, le mauvais fonctionne-ment d’un système fiscal a des répercussions sur le financement de la sécurité socia-le;

la difficulté de déterminer dans quelle mesure un choix conscient est à l’originedu risque social. Avec les travailleurs indépendants, il n’est pas toujours facile devérifier s’ils ont ou non organisé eux-mêmes leur maladie ou leur chômage.

Néanmoins, on peut observer que les Etats peuvent utiliser l’individualité des travail-leurs indépendants de manière créative. Au lieu d’appliquer simplement les régimespour salariés aux indépendants, ils partent de la situation spécifique (ou atypique)du travailleur indépendant lorsqu’ils conçoivent la protection sociale pour ce grou-pe. Lorsque, par exemple, il est difficile d’évaluer la perte exacte de revenus d’unindépendant dans le cadre d’une d’incapacité temporaire de travail, pourquoi ne pasaccorder dans cette situation une plus grande attention à la perte de potentiel de tra-vail? Au lieu d’accorder une prestation de remplacement du revenu, il peut s’avérerplus sensé de voir à un remplaçant, afin de pallier la perte de main-d’œuvre. Dansl’hypothèse d’une incapacité de travail ou d’une retraite partielle, la gradation dansla compensation du revenu reste plus limitée, en comparaison avec les travailleurssalariés. D’où il conviendrait de concevoir une pension partielle d’invalidité ou deretraite moins diversifiée pour le travailleur indépendant. Ou pourquoi ne commen-cerions-nous pas à accorder un prêt de transition aux indépendants confrontés à desdifficultés économiques ou financières temporaires plutôt que de débourser desallocations de chômage ? Pour ce qui concerne le chômage, nous pouvons observerque les Etats n’éprouvent pas de problèmes à concevoir de véritables assurances-chômage pour les travailleurs indépendants. L’accent glisse en direction de pro-grammes de chômage qui ne sont pas tant structurés autour du caractère involontai-re de la situation de chômage, mais visent un revenu de remplacement pour tous

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ceux qui ont définitivement mis un terme à leurs activités professionnelles. Lorsquenous considérons le chômage de cette manière, il devient moins controversé d’orga-niser un système d’allocations de chômage pour les indépendants qui ont mis défini-tivement fin à leurs activités commerciales. Pour le financement, également, nousconstatons qu’il est possible d’utiliser de manière plus créative la déclaration fiscale.Ce n’est pas parce qu’il est difficile de travailler avec les informations sur le revenuimposable que l’on ne pourrait pas développer un mécanisme de financement pourles régimes de sécurité sociale des indépendants. Ainsi, il est souvent fait usage derevenus fixes mais comparables (par exemple, le revenu moyen du secteur profes-sionnel en question, avec parfois la possibilité de prouver un revenu supérieur ouinférieur) ou d’échelles de revenus pouvant être choisies (avec des conséquencessur le montant de la prestation) voire de paramètres fixés indiquant le revenu (parexemple, nombre de clients ou nombre d’affaires en cours pour les professions libé-rales, nombre de lits pour les hôteliers, etc.).

Tous ces exemples démontrent clairement que ce n’est pas la spécificité ou le ca-ractère atypique de l’emploi d’indépendant qui est à l’origine d’une protection socia-le moins développée; ce phénomène relève plus de la difficulté à effectuer mentale-ment le pas d’une adaptation des régimes de sécurité sociale qui ont principalementété développés pour les travailleurs salariés, aux besoins des travailleurs non-sala-riés. En fin de compte, tout peut être ramené à la politique suivie. La créativité, l’in-ventivité et la volonté de créer une protection sociale digne de ce nom pour lesindépendants ne sont pas présentes dans tous les Etats. Nous devrions nous départirde cette pratique qui consiste à appliquer et à copier simplement pour et aux tra-vailleurs atypiques les systèmes de protection sociale existants pour travailleurs sala-riés. Lorsque nous appliquons ce modus operandi, une conclusion – aveuglante –s’impose à nous : il est difficile, voire impossible, d’organiser une protection socialepour le travailleur atypique.

Jusqu’à un certain point, ceci correspond à la situation que nous rencontrons danscertains pays d’Europe centrale et orientale. Lorsqu’ils ont été confrontés au groupeémergeant de travailleurs indépendants, leur première réaction a été de l’intégrerdans les régimes existants pour travailleurs salariés. Toutefois, très rapidement, ils’est avéré que l’absence de règles spécifiques d’application compliquait leur miseen pratique pour les indépendants. Malheureusement, en guise de réaction, certainsdes Etats envisagent d’exclure les travailleurs indépendants des régimes en question.Par exemple, du fait de l’intégration des indépendants dans le système de pensionen Lituanie, ils étaient « accidentellement » aussi couverts contre le chômage parceque les conditions d’assurance pour les deux risques sont liées. Au lieu de redessi-ner le système de couverture de manière à mieux l’adapter à la situation spécifiquedes indépendants, on projette d’exclure explicitement ces derniers de la couverturecontre le chômage. En Lettonie, des projets concrets existent pour introduire uneallocation parentale pour les parents assurés qui restent à la maison pour éleverleurs enfants. Actuellement, il n’est toujours pas certain que les indépendants puis-

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sent également bénéficier de cette allocation, étant donné qu’à ce jour, aucunerègle spécifique d’application a été conçue pour cette catégorie. Nous pouvonsencore citer d’autres exemples, particulièrement dans les domaines de l’invalidité etde la retraite partielles ou en matière de règles de cumul des pensions avec desrevenus d’une activité professionnelle. Bien qu’initialement, l’intention fût bonne(on tente de fournir au groupe des travailleurs indépendants une couverture socialecomplète), le résultat ne répond pas aux espérances (on supprime la protectionsociale lorsqu’il s’avère que le système ne fonctionne pas). Cela démontre une foisde plus qu’appliquer purement et simplement des systèmes existants sans tenircompte des spécificités du groupe professionnel n’est pas une approche rationnelle.

Je pense que le point de départ devrait être tout à fait à l’opposé. Au lieu de partird’un groupe professionnel que nous considérons comme « typique » (classique),nous devrions partir du caractère neutre de la sécurité sociale par rapport au statutprofessionnel d’un individu. La philosophie sous-jacente de la sécurité sociale n’est-elle pas la même pour toutes les activités professionnelles? En cas de survenanced’un risque, on tente de neutraliser la perte de revenu subie ou de compenser lescoûts occasionnés. Que tout ceci requière différentes réalisations en fonction dessituations spécifiques aux groupes professionnels ne change rien à ce point dedépart. Ce n’est qu’en oeuvrant dans ce sens que les Etats seront en mesure de cir-convenir l’application difficile de la sécurité sociale du travailleur salarié classiqueau travailleur indépendant atypique. Il faudrait prendre la situation particulière de lacatégorie professionnelle concernée en ligne de compte pour adapter au maximumles principes de base existants de la sécurité sociale.

2. REGLES DE BASE NEUTRES ET REGLES D’APPLICATION LIEES A UNE PROFESSION

Il me semble que l’on devrait opérer une distinction entre les principes de base dela sécurité sociale, neutres quant au statut professionnel, et leur mise en œuvre quidevrait dans toute la mesure du possible être adaptée au statut professionnel. Afinde réaliser cette distinction, retournons brièvement aux travailleurs indépendants.L’individualité de ces derniers implique qu’une série de régimes de sécurité socialesoit difficile à appliquer. C’est principalement le cas pour les systèmes de remplace-ment du revenu pour de brèves périodes, étant donné qu’un grand nombre de con-ditions d’octroi se réfèrent à la relation d’emploi entre travailleur et employeur(licenciement, salaires, etc.).

Néanmoins, à condition de réaliser les nécessaires adaptations, les régimes d’incapa-cité ou de chômage de courte durée peuvent être organisés pour les travailleursindépendants. En principe, la sécurité sociale s’accompagne d’un caractère neutrepar rapport au statut professionnel. Ceci peut être le cas parce que le risque en tantque tel n’est pas tributaire d’une profession (par exemple, les programmes de rem-boursement des coûts de soins de santé et des charges familiales), mais aussi parceque les régimes qui sont attachés à une profession peuvent, en principe, aussi êtreprojetés sur tous les groupes professionnels.

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Dans la pratique, la mise en œuvre des régimes, par contre, sera souvent liée au sta-tut professionnel : c’est-à-dire adaptée à la situation spécifique d’une catégorie pro-fessionnelle. Si l’on souhaite appliquer la règle de base avec un minimum de succès,il est même conseillé de tenir compte autant que possible des caractéristiques spéci-fiques de ce groupe professionnel. De ce point de vue, les conditions de mise enoeuvre pour les travailleurs salariés seront généralement construites autour de larelation avec leur employeur. Pour les travailleurs indépendants, il faudra tenircompte de leur position indépendante.

Il convient donc d’opérer une distinction entre le point de départ de la sécuritésociale et sa mise en oeuvre. Le premier est neutre quant au statut professionnel, ladernière peut éventuellement être conditionnée par le statut professionnel. La miseen œuvre liée au statut professionnel n’a pas seulement des conséquences sur la dis-tinction traditionnelle entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants. Ainsi,de nouvelles catégories professionnelles peuvent graduellement se développer, les-quelles n’opèrent ni dans le cadre d’un lien de subordination, ni dans une relationcomplètement indépendante (les lavoratori parasubordinati). En effet, un grandnombre de pays éprouvent des difficultés à qualifier des groupes – artistes, travail-leurs à domicile, télétravailleurs, représentants, partenaires aidants et managers-actionnaires, franchisés, etc. – en termes de législation sociale. Il existe souvent desdifférences considérables entre Etats dans l’attribution d’un statut de sécurité socialepour ces derniers. En effet, on pourrait tout aussi bien faire valoir que les artistes,les représentants, etc., qui, par la loi, sont placés sous le système des salariés, devrai-ent être considérés comme des pseudo-travailleurs ou comme des travailleurs atypi-ques lorsque la pratique démontre qu’il n’existe aucune forme de subordination parrapport à leur employeur. Ce n’est guère surprenant qu’un grand nombre de payséprouvent des problèmes avec ces travailleurs lorsqu’ils ont été intégrés par la loidans le système traditionnel des salariés sans y avoir apporté les adaptations indis-pensables (par exemple, les problèmes actuels avec les artistes en Belgique, les pro-blèmes rencontrés en Autriche avec les personnes qui ne ressortissent ni au systèmedes travailleurs salariés, ni aux catégories traditionnelles de travailleurs indépen-dants, etc.).

Pour eux aussi, il sera important d’analyser la façon d’adapter les risques sociaux tra-ditionnels à leur situation de travail spécifique. Lorsque l’on se focalise sur ce der-nier aspect, il ne serait guère plus aussi important de savoir s’il s’agit d’un travailleursalarié classique, ou plutôt d’un travailleur indépendant, voire d’un tout autre typede travailleur. Je suis d’avis que ceci offre tout à la fois une perspective pour le tra-vailleur totalement atypique, celui qui fournit un travail non rémunéré et qui, de cefait, est très souvent négligé par toute forme de protection sociale (par exemple, lespersonnes qui font le ménage ou qui soignent des membres de leur famille sur unebase non rémunérée). Pour ces personnes aussi, il serait possible d’envisager com-ment adapter les règles d’application de la sécurité sociale pour être le plus étroite-ment en ligne avec leur situation spécifique (c.-à-d. le caractère non rémunéré et,dès lors non économique de leur travail).

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Pour l’essentiel, il s’agit donc de repenser notre sécurité sociale. Nous ne devonspas partir des systèmes existants pour les travailleurs classiques (salariés à pleintemps) qui, historiquement, sont très souvent nés de cette catégorie professionnel-le, mais nous devons mettre nettement plus l’accent sur l’objectif que vise en fin decompte la sécurité sociale : à savoir, ne pas isoler les individus de la société lorsquesurvient un risque social. Ceci peut être réalisé, entre autres, par le remplacementdes revenus, la mise à disposition de prestations de services et/ou la compensationdes frais. En premier lieu, il convient d’examiner les visées de base face à certainsrisques ou situations; dans un deuxième temps, il faudrait réfléchir à la manière dontcela peut être mis en œuvre pour certaines catégories de personnes.

Jusqu’à présent, nous nous sommes surtout focalisés sur le travail qualifié d’« atypi-que » du fait qu’il est accompli d’une manière indépendante. Nous nous sommesprincipalement concentrés sur les catégories de travailleurs. La typologie de Greinerutilisée pour cerner le travail atypique présente également d’autres formes appa-rentées au caractère propre au travail non fondé sur un horaire complet (« travail àtemps partiel ») ou l’emploi non stable (« emploi à durée déterminée »). Ici, l’accentest plutôt placé sur les différents types ou modes de fourniture d’un travail. Pour mapart, je pense que la distinction entre principes neutres et règles d’application liéesà la profession peut également générer ici une certaine valeur ajoutée. Par exemple,eu égard aux travailleurs à temps partiel et aux travailleurs à durée déterminée, cer-tains problèmes se présentent à cause de l’arsenal de conditions inflexibles pours’ouvrir des droits de sécurité sociale. Lorsque l’on recourt à des périodes de qualifi-cation (stages) ou s’il faut avoir accompli une quantité bien définie de travail (jours,heures, mois) pour s’ouvrir des droits, il n’y a guère de quoi être surpris que les tra-vailleurs à temps partiel ou les travailleurs à durée déterminée soient laissés en rade.Quand de telles conditions sont liées au champ d’application personnel, il peut enrésulter des conséquences perverses, vu que les travailleurs atypiques deviendraientpour l’employeur une main-d’œuvre peu onéreuse. Diverses raisons peuvent être àla base d’une fixation de périodes de qualification ou de conditions d’accès auxdroits liées à des quantités définies de travail. Un problème pourrait résider dans lesdifficultés que rencontrent les administrations pour tenir à jour des périodes d’assu-rance fragmentées. Dans le domaine des pensions de retraite, sûrement, le fardeauadministratif de la tenue à jour des périodes d’assurance est parfois invoqué pourjustifier la non-prise en compte du travail à durée déterminée ou du travail d’un typeirrégulier. Ici, l’adaptation à la situation spécifique du travailleur atypique relève dudéveloppement ultérieur de procédures administratives. Il faut admettre que lestechnologies modernes d’informatisation nous ouvrent des perspectives d’un régla-ge fin des données administratives existantes, capables d’inclure également les per-sonnes présentant un parcours de travail irrégulier.En conséquence, il se pourrait que les régimes de pension, plutôt que de se focalisersur les rémunérations de temps plein payées durant une période définie (par exem-ple, une année pour pouvoir entrer en ligne de compte pour le calcul), doiventcommencer à conserver des données relatives aux revenus gagnés et/ou aux contri-butions versées tout au long d’une période plus ou moins longue (dans le cas extrê-

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me, durant toute la vie active). Dans un tel cadre, l’accent portera davantage sur lerevenu moyen gagné pendant un laps de temps défini que sur la quantité de travailaccomplie au cours d’une période donnée.

Un autre souci de préoccupation concerne la fraude ou la prévention de la fraude.Les travailleurs doivent avoir fait partie du système pendant une certaine périodepour obtenir des droits à des prestations. Ceci est nécessaire pour prévenir les situ-ations dans lesquelles un individu deviendrait uniquement travailleur avec l’intentionde percevoir le plus rapidement possible une prestation en fonction des revenusgagnés. Lorsque nous examinons les instruments-cadres standard de l’OIT et duConseil de l’Europe, nous lisons aux chapitres relatifs à la maladie, à la maternité etau chômage que les périodes de qualification sont acceptables pour autant qu’ellessoient jugées indispensables pour prévenir les abus (9). Toutefois, de telles disposi-tions sont souvent formulées en gardant à l’esprit le travailleur typique (à tempsplein) et ont, concrètement, pour effet négatif d’exclure de la protection de la sécu-rité sociale les travailleurs à temps partiel ou les travailleurs à durée déterminée,même si la période de travail est telle qu’elle exclut toute suspicion de fraude. Pourprévenir qu’une telle situation puisse se produire, le principe de lutte contre la frau-de devrait être formulé d’une manière plus neutre (par exemple, sans référenceexplicite ou implicite au travail à temps plein) et, lors de son application, il convientde prendre en considération les différents types de travail (ainsi, pour un travailleur àdurée déterminée, il faudrait tenir compte des périodes de travail à plus long terme).Dans leur approche similaire, les Conventions OIT sur le travail à temps partiel (10)et sur le travail à domicile (11) formulent des dispositions de cette nature. L’article 6de la Recommandation 182 relative au travail à temps partiel propose notamment deréduire progressivement le seuil exigé pour la couverture (de sécurité sociale) ainsiqu’une réduction du risque de pénaliser les travailleurs à temps partiel par des seuilsde qualification pour les prestations ou par la méthode de calcul du montant desprestations. L’article 25 de la Recommandation 184 déclare dans une formulationplus claire que la sécurité sociale doit être adaptée pour couvrir les besoins des tra-vailleurs à domicile et qu’il conviendrait en fin de compte d’introduire des systèmesparticuliers. En d’autres termes, les deux Recommandations font clairement entendrequ’il faut tenir compte des caractéristiques spécifiques des travailleurs atypiques lorsde l’application des principes de base existants de la sécurité sociale.

3. L’EUROPE ET LA NECESSITE DE SAUVEGARDER LA SECURITE SOCIALE POUR LESTRAVAILLEURS ATYPIQUES ET MARGINAUX

Dans les paragraphes qui précèdent, nous avons vu qu’il était possible de concevoirune protection sociale pour le travail atypique à condition d’être prêts à prendre enconsidération pour la mise en œuvre des principes de base de sécurité sociale les

(9) Voir p.ex., les articles 17, 23 51 du Code européen de sécurité sociale (Conseil de l’Europe) du16 avril 1964.(10) Convention OIT N° 175 sur le travail à temps partiel et la Recommandation N° 182.(11) Convention OIT N° 177 sur le travail à domicile et la Recommandation N° 184.

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caractéristiques spécifiques des diverses catégories professionnelles et des différentstypes professionnels. Autre chose est de savoir si nous sommes disposés à intégrerles formes de travail atypique dans nos régimes traditionnels de protection socialeet, par conséquent, de repenser fondamentalement notre sécurité sociale. L’objet dela présente contribution n’est pas de parcourir toutes sortes de théories sociologi-ques sur les objectifs de la sécurité sociale. Pour ce faire, d’autres sont nettementmieux placés. Je me restreindrai donc à rappeler la finalité de la sécurité sociale :préserver l’intégration des individus dans notre société. Eu égard à cet objectif, nouspouvons discerner un certain nombre d’évolutions dans le cadre européen et inter-national de la sécurité sociale qui, à mon avis, sont susceptibles de sortir des effetsconcrets pour les travailleurs atypiques. Notre propos n’est pas de fournir un aperçude toute la législation internationale et européenne pertinente pour le travail atypi-que et sa relation avec la sécurité sociale (12). Ceci ne nous emmènerait d’ailleurspas beaucoup plus loin qu’un certain nombre de Conventions et de Recommanda-tions de l’OIT sur le travail atypique et sur le travail à domicile (13); ainsi que, pource dernier groupe, à certaines initiatives de l’UE. Les Directives CE sur le travail àtemps partiel (14) et sur le travail à durée déterminée (15) traitent principalementdes conditions de travail et non de questions de sécurité sociale (16). Ces deuxdocuments légaux spécifient clairement qu’ils se rapportent uniquement aux condi-tions d’emploi et admettent que les questions concernant la sécurité sociale obliga-toire relèvent des Etats membres. D’ailleurs, les directives ne s’aventurentguère plus loin qu’une référence à la Déclaration sur l’Emploi de décembre 1996 duConseil européen de Dublin. Dans cette déclaration, le Conseil soulignait, entre au-tres, la nécessité de rendre les régimes de sécurité sociale plus favorables à l’emploien « développant des systèmes de protection sociale capables de s’adapter aux nou-veaux modèles de travail et d’offrir une protection sociale appropriée aux person-nes engagées dans le cadre de tels modèles ».

Je me limiterai à certains principes européens généraux et aux conséquences queleur application peut exercer sur la sécurité sociale des travailleurs atypiques. Je n’ainullement l’intention de fournir un aperçu complet de la législation européenne envigueur qui traite directement ou indirectement de la protection sociale du travail-

(12) Sur ce sujet, voir p. ex. l’excellent article de D. Pelekanos, “International social security instru-ments and alternative work patterns”, in D. Pieters (ed.), Changing work patterns and social securi-ty, La Haye-Londres-Boston, Kluwer Law International, 2000, pp. 133-149.(13) Convention N° 175 sur le travail à temps partiel, clarifiée en sus par la Recommandation N° 182et la Convention 177 concernant le travail à domicile, avec clarification supplémentaire dans laRecommandation N° 184.(14) Directive CE N° 97/81 du 15 décembre 1997, JO, L 20 janvier 1998, numéro 14, 9.(15) Directive CE N° 1999/70 du 28 juin 1999, JO, L 10 Juillet 1999, numéro 175, 43. (16) La même chose se vérifie pour le récent accord-cadre sur le télétravail, signé par l’ETUC, l’UNI-CE/l’UEAPME et le CEEP le 16 juillet 2002.

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leur atypique (17). Ici, nous examinerons l’impact potentiel que sont susceptiblesd’avoir sur le travailleur atypique et sur son accès à la protection sociale le débateuropéen contre l’exclusion sociale et la garantie européenne de liberté de circula-tion des personnes.

3.1. LIBERTE DE CIRCULATION ET TRAVAIL ATYPIQUE Les citoyens et les travailleurs jouissent de la libre circulation au sein de l’Unioneuropéenne (respectivement, les articles 18, 39, 43 et 49 du Traité CE). Dans sonprogramme d’action relatif à la mise en œuvre de la Charte de la Communauté surles droits sociaux fondamentaux des travailleurs, la Commission notait déjà que lesdivergences en matière de couverture de sécurité sociale étaient susceptibles d’agircomme un frein sérieux sur la liberté de circulation (des travailleurs) (18). Aujourd’-hui, plutôt qu’une exception, la règle semble être de rendre la liberté de circulationdes personnes dépendantes d’une couverture sociale minimale. Par exemple, nousdisposons de trois directives qui règlent la liberté de circulation des personnes pro-fessionnellement non actives (19). Ces directives autorisent les citoyens des Etatsmembres et les membres de leur famille qui n’ont pas encore ce droit en vertu d’au-tres dispositions, à circuler librement à condition d’être suffisamment assurés pourles soins de santé et de disposer de suffisamment de moyens d’existence. En bref,les personnes non professionnellement actives peuvent uniquement exercer leurdroit de circulation librement lorsqu’elles ne deviennent pas une charge pour lespays d’accueil. Elles doivent avoir assez de moyens d’existence et être suffisammentassurées pour les soins de santé avant de pouvoir exercer leur droit de résidencedans un autre Etat membre.

De telles réglementations peuvent être trouvées dans deux propositions visant àétendre à des nationaux de pays tiers la libre circulation des prestations de services.Les deux propositions accordent à des citoyens non UE le droit de recourir à la libre

(17) Sous ce point de vue, l’effet découlant des directives sur l’égalité de traitement des hommes etdes femmes sur le travail atypique est par exemple intéressant, particulièrement lorsque les groupesde travailleurs atypiques sont (majoritairement) composés de personnes d’un sexe déterminé et con-naissent un traitement différent en matière de sécurité sociale. Voir plus généralement sur cettequestion : A. Dashwood et S. O’Leary, The principle of equal treatment in EC Law, Londres, Sweet& Maxwell, 1997, 300 p.; T. Hervey et D. O’Keeffe, Sex equality law in the European Union, Wiley,1997; et S. Prechal et N. Burrows, Gender discrimination Law of the European Community, Alders-hot, Dartmouth, 1990, 351 p.(18) Voir les Considérants de la Recommandation du Conseil CEE, 27 juillet 1992 sur la convergencedes objectifs et des politiques de protection sociale, JO, L 26 août 1992, numéro 245, 49.(19) Respectivement pour les citoyens des Etats membres en général, pour les travailleurs salariés,pour les travailleurs indépendants qui ont mis fin à leur activité professionnelle et pour les étudiants.Directive 90/364/CEE du Conseil du 28 juin 1990 sur le droit de résidence, JO L 13 juillet 1990,numéro 180, 26; Directive 90/365/CEE du Conseil du 28 juin 1990 sur le droit de résidence pour tra-vailleurs salariés et travailleurs indépendants qui ont mis fin à leur activité professionnelle, JO. L. 13juillet 1990, numéro 180, 28; et Directive 93/96/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 sur le droit derésidence pour étudiants, JO. L. 18 décembre 1993, numéro 317, 59.

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circulation des prestations de services (20) en tant que travailleurs indépendants oude voyager dans un autre Etat membre comme travailleur (détaché) dans le cadre dela fourniture de prestations de services (21). Dans ce cas, l’individu en question doitêtre suffisamment assuré contre la maladie ou les accidents du travail

En dehors de la sphère de la sécurité sociale, nous notons également que la libertéde circulation des services peut s’accompagner de normes sociales minimales. Ladirective relative au détachement des travailleurs en est une illustration (22). Cettedirective impose le respect d’un noyau minimal de conditions de travail pouvantêtre imposé par les Etats membres aux travailleurs détachés lorsqu’ils sont temporai-rement actifs sur leur territoire dans le cadre de la libre circulation des prestationsde services. Avec cette mesure européenne, on tente de contrer le risque de dum-ping social. Par exemple, avant la promulgation de la directive, on ne savait pas jus-qu’à quel point, la loi nationale sur le travail s’appliquait aux travailleurs détachésqui, normalement, travaillaient dans un autre Etat membre. La Directive 96/71 a aumoins prévenu, le possible minage de la loi nationale sur le travail par l’exerciceextrême de la libre circulation des prestations de services. Pourtant, la directive neconcerne en rien les régimes de sécurité sociale. Pour ces aspects, la directive ren-voie explicitement à la réglementation de coordination, dans le considérant 21 :« considérant que le règlement (CEE) No 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, relatifà l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travail-leurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de laCommunauté fixe les dispositions applicables en matière de prestations et de cotisa-tions de sécurité sociale ».

Mais, la réglementation de coordination impose-t-elle des normes standard ? Le Rè-glement 1408/71 se limite simplement à régler les régimes de sécurité sociale exi-stants pour les travailleurs migrants et les travailleurs indépendants. Tout éventueleffet d’harmonisation a, en principe, été exclu. Dès lors, le Règlement 1408/71n’impose sûrement pas de normes minimales en matière de sécurité sociale. Vu deplus près, la référence de la Directive N° 96/71 concernant des normes socialesminimales au Règlement N° 1408/71 devient plus compréhensible. Bien qu’entreEtats membres, les régimes de sécurité sociale puissent diverger en termes de conte-nu, le texte présume qu’une couverture de base identique est offerte à tous les tra-vailleurs au sein de l’Union européenne. Sachant que tous les Etats membres ontadhéré aux normes minimales supranationales en matière de sécurité sociale, on aprobablement estimé qu’il n’était pas nécessaire d’établir un lien entre la liberté de

(20) Proposition de Directive du Conseil étendant la libre prestation de services transfrontaliers auxressortissants d’un Etat tiers établis à l’intérieur de la Communauté, 12 février 1999, JO C 10 mars1999, numéro 67,17.(21) Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative aux conditions de déta-chement des travailleurs salariés ressortissants d’un Etat tiers dans le cadre d’une fourniture de servi-ces transfrontaliers, 12 février 1999, JO C 10 mars 1999, numéro 67, 12.(22) Directive 96/71, 16 décembre 1996, JO, L., 21 janvier 1997, numéro 18, 1.

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circulation des travailleurs et une couverture minimale de base. Le paysage actuel dela sécurité sociale pour travailleurs salariés offre ainsi suffisamment de garantiespour accorder à ces personnes le droit de circuler librement.

La majeure partie de ces instruments standard se retrouve dans d’autres institutionsinternationales. Le Conseil de l’Europe et l’Organisation Internationale du Travail(OIT) particulièrement jouent un rôle de premier plan sous ce rapport (23). Toute-fois, les dispositions relatives au champ d’application personnel nous enseignentque, concrètement, ces conventions n’ont qu’une signification minime pour les tra-vailleurs atypiques (24). Comme l’esquissait à juste titre Pelekanos : « [C]es instru-ments ont été formulés pour protéger le travailleur salarié à plein temps et ne trai-tent pas de manière directe de la question de la protection sociale des travailleursengagés dans des formes d’emploi atypiques. Dans le cadre de ces instruments, lestravailleurs occupés dans des formes atypiques d’emploi peuvent se voir exclus dela couverture, et s’ils ne sont pas exclus, peuvent être privés des droits de sécuritésociale étant donné que les conditions de qualification et autres fixées ne prennentpas en considération les caractéristiques et circonstances spécifiques de l’emploiatypique (traduction) ». En d’autres termes, les catégories professionnelles atypiquestombent hors du champ d’application de la protection minimale. La ConventionOIT n° 102 et le Code européen – dont la transposition au plan national ne s’estguère avérée être un grand défi pour les Etats membres de l’Union européenne (25)- n’ont dès lors qu’une importance concrète minime pour la majorité des travailleursatypiques. Les efforts fournis pour tenir compte de la situation de protection socialedes travailleurs atypiques sont plutôt limités et se focalisent principalement sur letravail à temps partiel et sur le travail à domicile. De plus, ces instruments n’ont étératifiés que par un nombre très restreint d’Etats de l’UE (26).

(23) Les traités les plus importants sur les normes minimales ayant été ratifiés par les Etats membresde l’Union européenne sont respectivement la Convention OIT n° 102 relative aux normes minima-les de sécurité sociale, le Code européen et la Charte sociale européenne, tous deux conclus dans lecadre du Conseil de l’Europe. La Charte sociale européenne garantit e.a. le ‘droit à la sécurité socia-le’. Pour une description concrète de ce droit, il est fait référence aux normes minimales de la Con-vention OIT n° 102 (article 12, paragraphe 1 de la Charte). Dans la Charte révisée, il est fait référenceau Code du Conseil de l’Europe; toutefois, la Charte révisée n’a été ratifiée que par trois Etats mem-bres de l’UE.(24) Voir aussi D. Pelekanos, “International social security instruments and alternative work pat-terns”, in D. Pieters (ed.), Changing work patterns and social security, La Haye-Londres-Boston,Kluwer Law International, 2000, (134), 147.(25) Par rapport à la promulgation de normes minimales dans la Convention n° 102, il a fallu établirun équilibre entre un niveau réalisable de protection sociale pour les Etats membres les plus pauvresde l’OIT et une ligne directrice minimale pour les Etats sociaux occidentaux : voir K. Kremalis.,“Principles of international and European social security law”, in D. Pieters (ed.), Social Security inEurope, Anvers-Apeldoorn-Bruxelles, Maklu-Bruylant, 1991, (131), 142. (26) Convention OIT n° 175 (travailleurs à temps partiel) par la Finlande, l’Italie, le Royaume-Uni etles Pays-Bas et la Convention OIT n° 177 (travailleurs à domicile) par l’Irlande et la Finlande.

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Autrement dit, il convient d’être prudent avant de pousser des personnes dans untravail atypique, si ce dernier n’est pas accompagné d’une protection socialeappropriée. A cause de l’absence de conditions sociales minimales d’accompagne-ment, il n’est guère possible de prévenir que le travailleur atypique soit à charge del’Etat de résidence temporaire lors de l’exercice de son droit à la libre circulation.Nous ne devons pas oublier qu’en vertu de l’article 39 du Traité CE, ce dernier droitn’est pas exclusivement réservé aux travailleurs typiques. Le concept « travailleursalarié » doit être considéré au sens de l’article 39 du Traité CE comme étant celuiqui effectue un travail authentique et effectif, dont l’ampleur est suffisamment signi-ficative pour que cette activité ne puisse être considérée comme une activité pure-ment marginale et complémentaire (27). L’essentiel est qu’une personne effectuedes prestations de services pour et sous la direction d’une autre pendant une certai-ne période de temps en retour de quoi elle perçoit une rémunération (28). En d’au-tres termes, les travailleurs atypiques, du moins si leurs activités professionnelles nesont pas d’une nature marginale extrême, peuvent invoquer le principe de la librecirculation. Par ailleurs, il convient de noter qu’un autre groupe important de tra-vailleurs atypiques, les travailleurs indépendants, bénéficient du droit de se déplacerlibrement au sein de l’UE sur la base des articles 43 et 49 du Traité CE (29). Enconséquence, le risque qu’un travailleur atypique insuffisamment assuré sur le plansocial, doive être pris en charge par un état de résidence temporaire en cas de pro-blèmes financiers ou de santé, n’est guère une fiction. Et, il ne faudrait sûrement pasoublier que l’individu qui a (légalement) exercé son droit de liberté de circulation,ne peut se voir refuser l’accès à des programmes d’aide. Sur la base de la jurispru-dence établie de la Cour européenne de Justice, aucune discrimination ne peut êtreopérée vis-à-vis des personnes employées en ce qui concerne les prestations sociales(30). Autrement dit, les Etats pourraient être confrontés avec les problèmes sociauxdes travailleurs atypiques pour lesquels (dans le pays d’origine), aucune garantie n’aété prévue sur le plan d’une protection sociale propre. Alors que nous exigeons unecouverture sociale minimale et un minimum d’existence pour les personnes nonprofessionnellement actives qui exercent leurs droits de libre circulation dans le ter-ritoire de l’Union européenne, ceci n’est pas prévu pour le travailleur dépourvu detoute protection sociale. La probabilité que cette situation se présente existe surtoutavec les travailleurs atypiques.

(27) CEJ, 26 février 1992, Raulin, affaire C-357/89, REC., 1992, I-1027.(28) Voir e.a. CEJ, 21 juin 1988, Brown, affaire 197/86, REC., 1988, 3205; CEJ, 26 février 1992, Berni-ni, affaire C-3/90, REC., 1992, I-1071; CEJ, 12 mai 1988, Sala, affaire C-85/96, REC., 1988, I-2691 etCEJ, 8 juin 1999, affaire C-337/97, REC., 1999, I-3829.(29) Voir à ce sujet : P. Schoukens, “The situation of self-employed persons with a view to Article 43and 49 of the EC-Treaty, in Federal Ministry of Social Security and Generations and EU Commission(eds.), Social security in Europe: The EC-Treaty and Regulation 1408/71, Vienne, Bundesministeri-um für soziale Sicherheit und Generationen, 2001, 136-164.(30) Voir à propos de cet exemple : CEJ, 16 décembre 1976, Inzirillo, affaire 63/76, REC., 1976,2957; CEJ, 14 janvier 1982, Reina, affaire 65/81, REC., 1982, 33; CEJ, 10 novembre 1992, Commis-sion contre Belgique, affaire C-326/90, REC., 1992, I-5517. Pour les travailleurs indépendants : CEJ,13 mars 1993, Commission contre Luxembourg, affaire C-111/91, REC., 1993, I-817. Dans le cadre del’article 18 du Traité CE (citoyens) : CEJ, 12 mai 1998, Sala, affaire C-85/96, REC., 1998, I-1931 et plusrécemment CEJ, 20 septembre 2001, Grzelczyk, affaire C-184/99, REC.,I-6193.

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Lors d’études antérieures, j’ai démontré que ceci est particulièrement vrai pour lestravailleurs indépendants (31) étant donné que la couverture de protection socialepour ce groupe professionnel varie considérablement en fonction des Etats mem-bres. Sur la base, notamment, de la théorie des « règles de base neutres et d’unerègle d’application liée à la profession », j’ai plaidé pour des mesures sociales dans lecadre de la libre circulation des travailleurs indépendants. Comme déjà mentionné,compte tenu du caractère neutre de la sécurité sociale, j’ai conclu que des principesde base identiques s’appliquent à toutes les personnes professionnellement actives,indépendamment de leur statut professionnel. Pour les travailleurs exerçant leurdroit de libre circulation, aucune règle communautaire n’est applicable en matièrede revenu minimal ou de protection de sécurité sociale, à l’opposé des travailleursindépendants. Néanmoins, comme nous l’avons fait valoir ci-dessus, le point dedépart (social) est extrêmement différent. Contrairement à ce qui s’applique aux tra-vailleurs salariés, dans l’UE, la couverture de sécurité sociale pour les indépendantsest fort variable, allant de l’absence de toute protection à une protection appro-chant de très près le niveau de protection des salariés.

Lorsque le point de départ diffère entre travailleurs salariés et travailleurs indépen-dants, actifs à un niveau européen, la législation européenne devrait, il me semble,en tenir compte. Autrement dit, le point de départ inégal entre les catégories profes-sionnelles devrait être contrebalancé par des réglementations d’ajustements néces-saires. D’ailleurs, de telles mesures correctrices sont d’autant plus légitimes qu’ausein de l’Union européenne, le groupe des travailleurs indépendants a encore et tou-jours le droit à la libre circulation des personnes sans un minimum de garanties pourleur protection sociale. Je pense que la théorie peut également avoir une plus-valuepour les autres catégories ou types de travail atypique, tout particulièrement lorsquela couverture sociale est susceptible de diverger fortement entre les Etats membresde l’UE.

3.2. EXCLUSION SOCIALE ET TRAVAIL ATYPIQUE La lutte contre l’exclusion sociale est l’un des objectifs les plus ambitieux de l’agen-da de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. L’Union européenne l’a faitfigurer parmi ses principaux objectifs (Traité CE, article 136) et a développé touteune méthodologie et un plan de travail pour le mettre en place. Actuellement, lalutte de l’UE contre l’exclusion sociale se bâtit autour de la méthode de coordina-tion ouverte, une technique conçue pour systématiser la diffusion des meilleures

(31) Voir ma thèse de doctorat sur ce sujet : P. Schoukens, De sociale zekerheid van de zelfstandigeen het Europese Gemeenschapsrecht: de impact van het vrije verkeer van zelfstandigen, Louvain,Acco, 615 p.; voir également : P. Schoukens, “A comparative presentation of the national social secu-rity systems for the self-employed: outstanding issues of co-ordination”, in European Commission andMinistry of Labour and Social Security (eds.), The free movement of the self-employed within theEuropean Union and the co-ordination of national social security systems, Athènes, Access, 2001,195-231.

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pratiques et réaliser une convergence plus grande en direction des buts principauxde l’UE (32). Le débat s’articule autour d’une approche intergouvernementale dontle résultat n’est pas légalement exécutoire. Il s’agit principalement d’un outil politi-que aux fins de rapprochement des programmes nationaux qui combattent l’exclu-sion sociale. Le concept d’exclusion sociale est difficile à définir. Dans sa communication sur « lamodernisation et l’amélioration de la protection sociale », la Commission de l’UEdéclare : « [L’]exclusion va au-delà de la pauvreté. C’est l’accumulation et la combi-naison de différents types de privation : absence d’éducation, détérioration des con-ditions de santé, absence de domicile fixe, perte de soutien familial, non-participa-tion à la vie régulière de la société, et absence d’opportunités de travail. Chaquetype de privation augmente les autres types. Le résultat en est un cercle vicieux,menant du chômage de longue durée à la rupture des liens familiaux, et le caséchéant à la marginalité et à la délinquance » (33). Ou, pour résumer, comme l’ontformulé Berghman et Vleminckx « les individus peuvent être exclus de différentesdimensions de la société dans laquelle ils vivent. Ils peuvent être exclus de l’emploi,de l’éducation, du logement, des contacts personnels, du respect, etc. La notiond’exclusion sociale fait référence au caractère multidimensionnel de la privationrelative (traduction) » (34).

Différencier l’exclusion sociale de la pauvreté et du chômage (de longue durée) nerend pas les choses aisées quand n’existe pas de définition claire pour les trois con-cepts. Afin de ne pas tomber dans une discussion sans fin sur les définitions et lesdélimitations, une meilleure approche consiste à examiner quels buts poursuit enfin de compte l’inclusion sociale. Plutôt que tenter de définir ce qu’est précisémentl’exclusion sociale, il pourrait s’avérer plus utile de comprendre ce qu’elle représen-te du point de vue fonctionnel. La lutte contre l’exclusion sociale devrait se focalisersur le maintien de l’intégration des gens dans la société (35). Lors de l’approche duconcept d’exclusion sociale, on identifie très souvent des personnes qui vivent à lamarge de la société et qui exigent une aide spécifique : chômeurs de longue durée,jeunes chômeurs, personnes âgées, familles monoparentales, migrants et réfugiés,les moins favorisés dans les régions urbaines et rurales. En soi, l’absence de revenusou de ressources est une cause importante, bien que non exclusive, de la positiond’exclusion. Mais, l’exclusion peut aussi être liée à un handicap ou à l’âge de l’indi-vidu concerné, voire à l’absence d’accès aux nouvelles technologies.

(32) Conseil européen, Conclusions de la Présidence, Lisbonne, 23 et 24 mars 2000, 12.(33) Communication de la Commission CE, 12 mars 1997 sur la modernisation et l’amélioration de laprotection sociale dans l’Union européenne, COM(97), 102, 9.(34) K. Vleminckx et J. Berghman, “Social Exclusion and the Welfare State”, in D.G. Mayes, J. Bergh-man et R. Salais, Social exclusion and European Policy, Cheltenham-Northampton, Edward Elgar,2001, (27), 34.(35) Sur la relation entre exclusion sociale et théorie sociologique, voir : K. Vleminckx et J. Bergh-man, “Social Exclusion and the Welfare State”, in D.G. Mayes, J. Berghman et R. Salais (eds.), Socialexclusion and European policy, Cheltenham-Northampton, Edward Elgar, 2001, (27), 31.

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Le but ultime est de maintenir les personnes (potentiellement) exclues dans lasociété. Aux yeux de l’UE, ce maintien devrait résulter d’une approche bidimension-nelle : en premier lieu, les individus devraient continuer à s’intégrer dans la société entrouvant du travail; si ceci est impossible, d’autres outils sociaux pourraient être uti-lisés. Sous cet angle de vue, il est intéressant de prendre note du cinquième considé-rant de la Recommandation du Conseil 92/441 : « […] qu’il convient en conséquencede poursuivre les efforts et de conforter les acquis des politiques sociales et d’adapterces politiques au caractère multidimensionnel de l’exclusion sociale, qui impliqued’associer aux diverses formes nécessaires d’aide immédiate des mesures visant réso-lument l’intégration économique et sociale des personnes concernées » (36). Dans laCommunication sur la modernisation et l’amélioration de la protection sociale de laCommission, déjà citée, nous pouvons également lire que les systèmes nationaux derevenus minimaux doivent « convertir une solidarité passive et précaire avec les per-sonnes exclues, en un contrat qui leur offre de réelles opportunités d’intégration tantsociale qu’économique ». Par essence, cette description comporte deux composantes :intégration économique et/ou intégration sociale. Afin de corriger socialement lacréation du marché intérieur, l’Europe vise en tout premier lieu une activation par letravail, participer au marché de l’emploi est considéré comme étant la meilleuregarantie d’intégration. Des mesures sociales spécifiques sont uniquement nécessairespour les personnes pour qui l’activation par le travail n’est pas efficace. En fin decourse, les citoyens européens devraient rester socialement intégrés. Si ceci ne peutêtre réalisé (uniquement) par une activation par le travail (intégration économique),des revenus de remplacement, ainsi que d’autres prestations sociales également,devraient continuer à intéresser les personnes concernées à la société (intégrationsociale au sens large). Les politiques sociales doivent poursuivre l’objectif plus ambiti-eux d’aider les personnes à trouver une place dans la société. Le principal outil, sansqu’il soit toutefois le seul, est le travail rémunéré (37).

A mon avis, cette focalisation sur l’emploi doit être placée dans sa perspective cor-recte. L’intégration dans le marché du travail ne peut pas, en tant que telle, mener àl’exclusion sociale. Sous cet angle de vue, les mesures ciblant l’intégration dans lemarché de l’emploi ne doivent pas avoir pour conséquence d’exclure la personneconcernée de la société. Forcer les gens à travailler à des salaires ridiculement baspeut, par exemple, aussi conduire à l’exclusion sociale. L’action européenne (etnationale), qui est développée autour de l’intégration par le travail devrait dès lorsêtre attentive aux conséquences sociales plus larges que de telles mesures d’activa-tion sont susceptibles de produire. De ce point de vue, les deux dimensions de

(36) Recommandation CEE Conseil, 24 juin 1992 portant sur les critères communs relatifs à des res-sources et à des prestations suffisantes dans les systèmes de protection sociale, JO L 26 août 1992,numéro 245, 46-48.(37) Commission des Communautés européennes, Politique sociale européenne. Options pour l’U-nion (Livre Vert), COM(93), 551, 21. Dans les conclusions de la Présidence du Conseil européen deLisbonne (23 et 24 mars 2000), nous pouvons également lire que la meilleure – mais probablementpas l’unique – “sauvegarde contre l’exclusion sociale est un emploi”.

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l’exclusion sociale sont intrinsèquement associées l’une à l’autre. De plus, il ne con-vient pas d’accorder plus de poids à l’une qu’à l’autre. Au lieu de simplement trou-ver des emplois pour les personnes exclues, l’accent, dans le débat européen,devrait être déplacé quelque peu vers la création d’emplois de qualité qui maintien-nent l’intégration des personnes dans la société. Je pense que ceci peut égalementproduire des effets sur le travail atypique. Pousser des individus dans des emploisatypiques sans protection sociale correspondante est un exemple de piètre politi-que d’inclusion par le travail; une telle politique est source de fortes probabilitésd’exclusion sociale. Les Etats peuvent promouvoir le travail atypique comme unemanière de diminuer les chiffres du chômage. En agissant ainsi, on peut consciem-ment choisir de faciliter la conclusion de contrats avec des travailleurs indépen-dants, des travailleurs à temps partiel, des travailleurs à durée déterminée, des tra-vailleurs à domicile, et tous les autres types de travail atypique. S’il s’avère que laprotection de sécurité sociale des travailleurs atypiques n’a pas été fortement déve-loppée, voire qu’elle est tout simplement absente, une telle politique est susceptibled’aboutir à une forme de destruction sociale. Dans un tel cas, le gouvernementaccepterait qu’une large partie de la population soit professionnellement active sousun statut de sécurité sociale inférieur. Ce type d’intégration économique démontre,en d’autres termes, un degré d’inclusion sociale médiocre. D’où, je pense qu’unepolitique basée sur ce type d’approche ne cadre pas avec l’idée de lutte contre l’ex-clusion sociale, telle que la comprend actuellement l’Union européenne. Si l’onencourage le travail atypique, des garanties suffisantes doivent être incorporéespour que la population travaillant de manière flexible ait accès à la protection socia-le. Cette ligne de pensée est confirmée, il me semble, par la Charte de la Commu-nauté des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Ici, nous pouvons lire, entreautres, que : « [T]out travailleur de la Communauté européenne a droit à une protec-tion sociale adéquate et doit bénéficier, quel que soit son statut et quelle que soit lataille de l’entreprise dans laquelle il travaille, de prestations de sécurité sociale d’unniveau suffisant ». Rien dans cette Charte ne permet de conclure que cette disposi-tion s’applique exclusivement au « travail typique ». Le paragraphe sur la protectionsociale stipule clairement que quel que soit le statut du travail, il y a lieu de garantirune protection sociale au travailleur. La valeur juridique de la Charte communautai-re est cependant loin d’être claire. Cela a commencé comme une déclaration d’in-tention signée par les autorités responsables des Etats membres. Toutefois, lors duTraité d’Amsterdam (1997), le chapitre sur la politique sociale du Traité CE a intro-duit une référence non ambiguë à la Charte communautaire. Dans l’article 136, nouspouvons lire que « [L]a Communauté et les Etats membres, conscients des droitssociaux fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la Charte sociale européenne[…] et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travail-leurs de 1989, ont pour objectifs la promotion de l’emploi, […] ». En d’autres ter-mes, l’Union européenne (et les Etats membres) doit avoir à l’esprit la Charte com-munautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (ainsi que la Chartesociale européenne du Conseil de l’Europe) lorsqu’elle développe les objectifssociaux énumérés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, lors de la mise en œuvrede la promotion de l’emploi, l’Union européenne ne devrait pas entrer en conflit

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avec la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux. Le même principes’applique aux Etats membres lorsqu’ils mettent en œuvre les objectifs apparentésde l’Union européenne.

Une autre question, d’une nature plus épineuse, est de savoir si chaque type de tra-vail, aussi marginal qu’il puisse être, doit offrir une protection sociale. Ou, pour leformuler autrement, devons-nous tenir compte du travail marginal lorsque nous trai-tons de sécurité sociale ? Comme je l’ai déjà indiqué, les Etats devraient se focalisersur la création d’emplois qui ne mènent pas à l’exclusion de la sécurité sociale. Entermes pratiques, la tentation est grande d’associer travail « qualitatif » à un certainmontant de revenu moyen pouvant être gagné au cours d’une certaine période(mois, année, durée de vie, etc.). Un travail qui ne génère pas suffisamment derevenus ne mérite pas d’être pris en considération pour des besoins de sécuritésociale et, dès lors, devrait être découragé dans toute la mesure du possible. L’idéesous-jacente est la suivante : une personne qui ne gagne pas ce niveau de revenusest incapable de subvenir à ses propres besoins. Le problème est alors de savoircomment définir ce niveau minimal. Comme je l’ai déjà mentionné, du fait de l’in-troduction au Royaume-Uni à une certaine époque d’un seuil de revenu minimal, ona estimé qu’un quart des travailleurs indépendants était exclu du système de protec-tion sociale. En baissant le montant minimal, un nombre plus important d’indépen-dants aurait pu accéder au système, mais je suis d’avis que ceci n’est pas une bonnemanière d’aborder le problème. La lutte contre l’exclusion sociale devrait égalementcontenir une dimension qui va au-delà du travail économiquement rémunérateur. Laprotection sociale n’est pas seulement prédéterminée par les revenus tirés dutravail; dans un tel cadre, les « travailleurs non-agorals » – c.-à-d. des personnes qui,en termes économiques, ne gagnent aucun revenu – seront toujours tenus hors dusystème. Certains accomplissent un travail, qui n’est pas rémunéré de manière éco-nomique mais d’une grande valeur pour la collectivité (faire le ménage, prendresoin d’autres personnes, etc.). Devrions-nous, dès lors, décourager ce type de travailà cause de son caractère non rémunérateur ? Parlant de l’accès à la protection socia-le, je pense qu’il nous faut différencier protection sociale associée au revenu profes-sionnel et protection sociale d’une nature plus générale. La première donne droit àdes prestations qui, en définitive, sont liées aux gains antérieurs de l’activité de tra-vail. La dernière est de nature générale en ce qu’elle porte sur les risques - en soi,non liés au travail (par exemple, soins de santé et allocations familiales) - ou qu’elleprocure une prestation de base pour des personnes qui ne sont pas parvenues àbâtir une carrière professionnelle suffisante pour s’ouvrir des droits dans les régimesde revenus professionnels (par exemple, systèmes de remplacement du revenu debase sans obligation de cotisation en cas de vieillesse, chômage et incapacité de tra-vail).

Dès lors, devons-nous accepter le travail marginal dans les régimes professionnels desécurité sociale? Et, si oui, à partir de quel niveau, l’activité professionnelle n’est-elleplus marginale et devient-elle un véritable travail? A titre personnel, je pense qu’ilest (théoriquement) possible d’introduire tout type de travail marginal dans les

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régimes professionnels. Toutefois, prendre en considération dans les régimes asso-ciés aux revenus professionnels le travail marginal et/ou le travail non rémunérateurd’un point de vue économique ne solutionne pas le problème de l’exclusion sociale.La prestation obtenue pour les activités professionnelles marginales ou non-écono-miques ne sera jamais assez élevée pour permettre la survie d’un individu. Autre-ment formulé, les régimes basés sur les revenus professionnels doivent recevoirquelque correction sociale pour être en mesure de sauvegarder l’inclusion sociale.Ceci peut par exemple se faire en accordant une prestation minimale définie dansles régimes professionnels ou en sous-tendant les régimes associés aux revenus pro-fessionnels avec des régimes universels qui tiennent compte de l’ensemble de lapopulation (active). Dans mon esprit, cette correction sociale devrait toujours avoirun rapport avec le travail au sens large. Certaines personnes peuvent tomber horsdu champ d’application des régimes professionels du fait de leur travail marginal,voire non-économique. Ceci ne signifie pas pour autant qu’elles devraient perdretout bénéfice à la protection sociale. D’une manière ou d’une autre, elles devraientavoir la garantie de pouvoir bénéficier de droits à la sécurité sociale, même si lesprestations dont elles bénéficieraient n’étaient que des prestations de base. Toute-fois, ce type d’inclusion sociale devrait s’accompagner d’une perspective d’(de)(ré)intégration dans le travail, quelle que soit sa nature (économique ou non écono-mique). Il pourrait par exemple prendre la forme d’une coopération dans la recher-che d’un emploi adapté à l’intéressé, mais tout autant en acceptant un travail nonrémunéré, utile à la société. Je suis d’avis que, chaque fois que c’est possible, l’inclu-sion sociale devrait conduire également à l’inclusion dans le travail, dans cette per-spective, toutefois, le travail devrait être accepté dans son sens large. Ce faisant, laperspective d’être redirigé vers le travail et, donc, d’une (ré)intégration dans lasociété, serait élargie.

EN GUISE DE CONCLUSION

Cette contribution vise à démontrer que le travail, quelle que soit la forme qu’il puis-se adopter, devrait être accompagné d’une protection sociale adéquate. L’exerciceproblématique de l’application de la protection sociale aux travailleurs indépen-dants nous a enseigné qu’opérer une distinction entre les principes de base de lasécurité sociale, qui sont neutres par rapport au statut professionnel du travailleur etles règles d’application qui, dans toute la mesure du possible, devraient tenir comp-te de la situation spécifique du groupe de travailleurs est susceptible de constituerune clé utile. D’une certaine manière, il est relativement évident que la protectionsociale de la main-d’œuvre classique ne peut que difficilement s’appliquer aux for-mes de travail atypique. C’est une question de redéfinition des points de départ : enprincipe, la sécurité sociale devrait être neutre par rapport aux différents types detravail pouvant être accomplis.L’expansion du marché unique démontre aussi que nous devons être prudents lorsde l’introduction de formes atypiques de travail sans mettre en place la moindre pro-tection sociale adéquate. Il existe une possibilité que ces travailleurs atypiques qui

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LA SITUATION ATYPIQUE DES INDEPENDANTS DANS LE CHAMP DE LA SECURITE SOCIALE ...

bénéficient de la libre circulation ne deviennent à charge du système de protectionsociale des Etats d’accueil. Par ailleurs, le récent débat européen sur la lutte contrel’exclusion sociale a donné voix à la demande de création d’emplois ayant un cer-tain niveau de qualité. Ce dernier élément signifie, à mon avis, qu’entre autres, letravail quelle que soit la forme qu’il prenne devrait donner lieu à une protectionsociale. Si ce n’était pas le cas, l’inclusion dans le travail pourrait résulter sur l’exclu-sion sociale. D’autre part, l’inclusion dans le système de protection sociale ne peutuniquement être axée sur le travail de nature rémunératrice. En tant que tel, le tra-vail économiquement rémunérateur ne devrait pas être le seul moyen de permettreaux personnes d’accéder aux prestations de sécurité sociale. Ainsi, les individusoccupés dans un travail marginal ou dans un emploi de nature non rémunératricedevraient pouvoir accéder à la protection sociale, même si cette dernière adoptaitla forme d’une protection de base. Ce type d’intégration sociale devrait toutefoisêtre également axé sur l’inclusion dans le travail, ou pour le formuler en d’autres ter-mes, des efforts – du travail au sens large – peuvent être demandés pour resterintégré dans la société. En fin de course, dans toute la mesure du possible, l’inclu-sion sociale devrait mener également à l’inclusion dans le circuit du travail.

(Traduction)__________

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TABLE DES MATIERES

LA SITUATION ATYPIQUE DES INDEPENDANTS DANS LE CHAMP DE LA SECURITE SOCIALE : QUELS ENSEIGNEMENTS EN TIRER POUR D’AUTRES GROUPES DE TRAVAILLEURS ATYPIQUES ?

INTRODUCTION 807

1. LES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS EN TANT QUE TRAVAILLEURS ATYPIQUES ET LES CONSEQUENCES QUI EN RESULTENT POUR LA SECURITE SOCIALE 810

2. REGLES DE BASE NEUTRES ET REGLES D’APPLICATION LIEES A UNE PROFESSION 816

3. L’EUROPE ET LA NECESSITE DE SAUVEGARDER LA SECURITE SOCIALE POUR LES TRAVAILLEURS ATYPIQUES 819

3.1. LIBERTE DE CIRCULATION ET TRAVAIL ATYPIQUE . . . . . . . . . . . . . . . 8213.2. EXCLUSION ET TRAVAIL ATYPIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 825

EN GUISE DE CONCLUSION 830

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LES DEVELOPPEMENTSDE L’EUROPE SOCIALE

L’UE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTIONEUROPEENNE 835

MOBILITE DES PATIENTS ET REPONSES POLITIQUES DE L’UE 871

L’INFLUENCE DE LEGISLATION DE L’UE SUR LA NATURE DES SYSTEMESDE SOINS DE SANTE DANS L’UNION EUROPEENNE 889

LE SERVICE NATIONAL DE SANTE BRITANNIQUE : APERCU POLITIQUE ETHISTORIQUE 899

LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIO-NALES, LES DISPARITES EN MATIERE DE PRESTATIONS DANS LES PAYSDE L’UNION EUROPEENNE 919

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTIONSOCIALE : PROPOSITIONS POUR LACONVENTION EUROPEENNE (1)

PAR FRANK VANDENBROUCKE (2)Ministre des Affaires sociales et des Pensions

INTRODUCTION

Le présent article abordera deux questions étroitement liées : (1) Si l’Unioneuropéenne (UE) doit jouer un rôle dans le développement de la politique sociale,quel est le rôle qui devrait lui être imparti ? (2) Le rôle propre de l’UE, tel que nousle définirions en répondant à la première question, nécessiterait-il une modificationdu Traité ? Si la réponse à la seconde question est positive, la Convention européen-ne et la prochaine Conférence intergouvernementale (CIG) offrent une occasionunique d’inclure les changements souhaités dans un nouveau Traité européen.

Du point de vue de la politique sociale, mon approche du rôle de l’UE ne sera pasexhaustive. Pour l’essentiel, je me concentrerai sur le développement de la protec-tion sociale et, par conséquent, je n’aborderai pas les questions de politique del’emploi et les autres problématiques liées. Je n’établirai pas non plus de lien entrela discussion sur la protection sociale et le débat sur la manière dont les États mem-bres peuvent maintenir le financement nécessaire aux programmes sociaux dans uncontexte de « concurrence fiscale », ni sur le débat relatif à l’avenir des fonds struc-turels. Cette omission volontaire ne minimise en rien l’importance de ces thèmes,bien au contraire. Toutefois, mon objectif vise, d’une part, à examiner l’impact del’UE sur la mission spécifique d’un ministre national responsable de la protectionsociale (y compris des soins de santé) et, d’autre part, à présenter le modèle d’U-nion que ce ministre aimerait voir éclore.(1) La présente contribution est une version adaptée de Vandenbroucke, F. (2002), “The EU andSocial Protection: What Should the European Convention Propose?”, MPIfG Working Paper, 2/6(Juin), prononcé le 17 juin 2002 au Max-Planck-Institut für Gesellschaftsforschung (MPIfG), à Colo-gne. Pour lire d’autres allocutions et documents politiques, consultez www.vandenbroucke.com.(2) Je tiens à remercier Elias Mossialos (London School of Economics), Anthony Atkinson (NuffieldCollege, Oxford), Mario Telò (Institut d’Etudes Européennes, ULB), et Philippe Van Parijs (ChaireHoover, UCL) de m’avoir donné l’opportunité de discuter des idées contenues dans le présent articleau cours de réunions et de séminaires qui se sont tenus à Bruxelles, Londres et Oxford. Je tiens éga-lement à remercier Anne Van Lancker, Bart Vanhercke et beaucoup d’autres amis pour leurs remar-ques à propos des versions antérieures, et Tom Van Puyenbroeck ainsi que Christina Thomas pourleurs commentaires éditoriaux. Je remercie par avance quiconque m’adressera commentaires ou criti-ques à l’adresse suivante : [email protected].

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

La première partie de mon article répondra succinctement à ma première questionsur le rôle de l’UE dans la politique de la protection sociale. La deuxième partie pré-sentera un bref aperçu de l’agenda européen des ministres en charge de la « protec-tion sociale » tel qu’il est établi à ce jour, et suggérera des propositions à courtterme pour l’évolution ultérieure de cet agenda, sans impliquer une modification duTraité. Dans cette deuxième partie, je démontrerai que l’agenda de la protectionsociale a gagné en dynamisme depuis le Sommet de Lisbonne de mars 2000, maisqu’il reste fragile du point de vue institutionnel et politique. Dans la troisième par-tie de cet article, j’exposerai six propositions relatives au Traité. Ces propositionsrépondent aux questions soulevées dans la première partie et à l’expérience acquiseau cours de la période de l’après-Lisbonne discutée dans la deuxième partie.

1. QUEL ROLE DEVRAIT JOUER L’UE DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA POLITIQUE DELA PROTECTION SOCIALE ?

Si l’UE devait jouer un rôle dans le développement de la politique de la protectionsociale, quel serait-il ? Afin de fournir une réponse cohérente à cette question, nousdevrions d’abord évaluer les faits : quel rôle joue effectivement l’UE dans le devenirde la protection sociale ?

Dans leur excellent ouvrage, Stephan Leibfried et Paul Pierson résument les faitscomme suit : « le processus d’intégration européenne a érodé à la fois la souverai-neté (c’est-à-dire l’autorité légale) et l’autonomie (c’est-à-dire la capacité de régula-tion de fait) des Etats membres dans le domaine de la politique sociale. Les Etatssociaux nationaux demeurent les institutions fondamentales de la politique socialeeuropéenne, mais ils le sont dans le contexte d’un cadre politique à plusieursniveaux de plus en plus contraignant » (3). Outre les pressions directes sur les Etatssociaux nationaux résultant d’initiatives de politique sociale mises sur pied par lesinstitutions européennes, la dynamique de l’intégration du marché exerce, de jure,des pressions indirectes sur les Etats sociaux nationaux par l’imposition par la Courde justice des Communautés européennes (ci-après la « Cour ») d’exigences directesde compatibilité avec le marché, et de facto par les forces de concurrence économi-que dans un marché intégré.

1.1. EROSION DE L’AUTORITE LEGALE A LA SUITE DES EXIGENCES DE COMPATIBILITEAVEC LE MARCHEL’imposition directe d’exigences de compatibilité avec le marché, découle principa-lement de l’application de deux libertés fondamentales garanties par le Traité : lalibre circulation des travailleurs et la libre circulation des services.

(3) Leibfried, S. et Pierson, P., Social Policy. Left to Courts and Markets?, in: Wallace, H. et Wal-lace, W., Policy-Making in the European Union, Quatrième édition, The New European UnionSeries, Oxford University Press, p. 268 (traduction libre).

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

L’application du principe de liberté de circulation des travailleurs implique qu’au-cun Etat membre,

ne peut limiter la plupart des prestations sociales à ses nationaux ;ne peut faire prévaloir que ses prestations s’appliquent exclusivement à son terri-

toire et ne peuvent dès lors être octroyées que sur celui-ci ;bien qu’il dispose toujours d’une grande latitude pour prévenir que d’autres systè-

mes de politique sociale concurrencent directement sur son propre territoire le régi-me qu’il a construit, n’est plus totalement en mesure de s’y opposer ;

n’a un droit d’administration exclusif des prétentions des travailleurs migrants àdes prestations sociales.

L’application du principe de libre circulation des services est étroitement liée au faitque le droit européen se rapporte principalement à l’activité économique et auxlibertés d’entreprendre. De toute évidence, la question est de savoir si les presta-tions de services des Etats sociaux constituent une activité économique. Dans l’affir-mative, la liberté de fournir des prestations financières ou sociales serait d’applica-tion, comme les règles générales européennes de libre concurrence. Il s’ensuivrait,par exemple, que les gouvernements des Etats membres ne disposeraient plus del’exclusivité pour décider qui est autorisé à fournir des services sociaux ou des pres-tations sociales.

Heureusement, l’intégration européenne reconnaît l’existence d’une véritable acti-vité sociale de type non économique. Toutefois, les libertés de marché du Traiténe prévoient pas d’exemption générale pour l’activité de l’Etat social, et la distinc-tion entre activité « économique » et activité « sociale » (ou « solidarité ») n’est pastoujours nettement tranchée. Par conséquent, une grande part des conflits juridi-ques et des arrêts de la Cour porte sur la définition – et la redéfinition constante –de cette ligne en pointillé qui sépare l’activité « économique » de l’activité« solidaire ».

Dans un rapport pour la Présidence belge de l’UE de l’année 2001, le ProfesseurElias Mossialos (4) et son équipe ont démontré l’existence, dans le domaine dessoins de santé surtout, de perspectives significatives pour un remodelage radical despolitiques nationales à travers ce « filtre du marché ». Comme le soulignent égale-ment Leibfried et Pierson, c’est dû en particulier au fait que, dans la plupart dessystèmes nationaux, l’assurance-santé présente plus de « caractéristiques demarché », est plus fragmentée en groupes de fournisseurs qui opèrent déjà sur lesmarchés (instrumentation médicale, produits pharmaceutiques) ou sur des quasi-marchés (médecins conventionnés) et que, dans la majorité des pays, elle a tradi-tionnellement été ouverte à l’offre du privé. De plus, au cours des récentes décen-nies, les réformes nationales ont été de plus en plus souvent soumises à des « cures

(4) E. Mossialos, M. McKee, W. Palm, B. Karl and F. Marhold (2002), EU Law and the Social Cha-racter of Health Care Systems, P.I.E. – Peter Lang, Bruxelles, 259 p.

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de marché » et à la dérégulation. Dans la mesure où ces réformes éloignent l’assu-rance sociale de la redistribution et de la solidarité, il est évident qu’au-delà d’un cer-tain seuil – non identifié à ce jour -, de tels programmes risquent tout simplement dese muer en une entreprise économique parmi d’autres qui se doit d’être compétitiveface à l’assurance-santé privée et à d’autres concurrents dans le respect de règleséquitables du jeu (5).

L’exemple des soins de santé démontre qu’il serait parfaitement simpliste de blâmer« l’Europe » pour les problèmes auxquels sont confrontés les décideurs politiquesnationaux, comme si « l’Europe » imposait des solutions de marché à des Etats mem-bres peu disposés à les accepter. De fait, au lieu de poser la question « Les presta-tions de services des Etats sociaux constituent-elles une activité économique ? », onpourrait poser une question légèrement différente : « Dans quelle mesure les Etatsmembres veulent-ils organiser leurs prestations sociales nationales comme une acti-vité économique ? »

Les véritables conséquences de l’application du régime concurrentiel européen etdes règles du marché intérieur ont été illustrées à plusieurs reprises dans les arrêtsrendus par la Cour. Un seul exemple suffira à illustrer mon propos. Dans les arrêtsKohll (6) et Decker (7), la Cour a considéré qu’en exigeant une autorisation préala-ble pour le remboursement de soins d’orthodontie et de l’achat de lunettes endehors de son territoire, le Luxembourg avait créé par ses règles en matière d’assu-rance-santé une entrave injustifiée à la liberté de circulation des biens et des servicesau sein de l’Union européenne. Par conséquent, la sécurité sociale luxembourgeoi-se fut forcée de rembourser ces soins de santé reçus sans autorisation dans un autreEtat membre. Ces arrêts ont clairement donné à entendre une fois encore que lessystèmes de sécurité sociale, même s’ils relèvent d’une compétence nationale, nepeuvent ignorer la loi européenne.

Par ailleurs, les arrêts Kohll et Decker créent un système dual de couverture socialeen matière de soins de santé :

D’une part, il y la coordination de la sécurité sociale par le Règlement 1408/71. CeRèglement intègre le patient qui a reçu l’autorisation de son institution de sécuritésociale dans le système de protection sociale de l’endroit où il bénéficie d’un traite-ment médical, « comme s’il était assuré par celui-ci ». Il s’ensuit principalement quele patient est soumis au même partage des coûts et aux mêmes réglementations (p.ex. consultation d’un généraliste avant celle d’un spécialiste), et que les coûts sontréglés entre les deux systèmes de protection sociale conformément aux tarifs del’Etat dans lequel les soins ont été prodigués. Les personnes migrantes deviennenttemporairement « membres » du système de soins de santé de l’Etat hôte.

(5) Les paragraphes précédents sont dans une large mesure inspirés par l’analyse de Leibfried etPierson.(6) CEJ, Kohll, C-158/96, (1998) ECR I-1931.(7) CEJ, Decker, C-120/95, (1998) ECR I-1831.

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

D’autre part, les patients recourant à la procédure engendrée par Kohll et Deckerne sont pas intégrés dans le système de protection sociale d’un autre Etat membre.Cependant, une fois de retour dans leur pays de résidence, ils réclament la couvertu-re du système de protection sociale de leur pays d’origine “comme s’ils y avaientreçu le traitement”. Par conséquent, le remboursement dans l’Etat de résidence estsujet aux conditions et aux tarifs en vigueur dans cet Etat (8).

Cette dualité ne crée pas seulement un cadre propice à la complexité et à la confu-sion, mais pose aussi un problème plus fondamental. La procédure traditionnelleautorise la mobilité (sous condition) tout en préservant la cohésion interne dessystèmes nationaux de soins de santé. La procédure Kohll et Decker introduit uncertain degré de liberté, qui, s’il était illimité, serait susceptible de faire éclater lacohésion interne des systèmes nationaux de soins de santé. Ainsi, elle pourraitmener tout à la fois à l’augmentation des inégalités d’accès aux soins de santé et àl’accroissement des problèmes lorsqu’il s’agit de garantir la qualité des soins – deuxobjectifs essentiels que les ministres de la santé nationaux européens souhaitentatteindre. Je n’entends pas par là que la mobilité accrue des patients est un problè-me en soi. Au contraire, je suis d’avis que la mobilité accrue des patients est suscep-tible, pour plusieurs raisons, de s’avérer très positive si elle s’inscrit dans un cadreapproprié. Par exemple, elle autoriserait le développement d’un système de centresd’excellence européens pour des traitements médicaux hautement spécialisés, ainsique pour de nouvelles thérapies. Elle permettrait de cueillir les fruits de projets decoopération transfrontaliers ou d’organiser une solidarité tangible entre des Etatsmembres confrontés à des difficultés spécifiques dans le domaine des soins desanté. Toutefois, la nature du cadre appliqué en vue d’organiser la mobilité despatients sera cruciale.

Un exemple concret pourrait illustrer mon propos. Supposons que les citoyens bri-tanniques aient la possibilité de se faire soigner sans autorisation préalable n’impor-te où en Europe, par exemple en Belgique, et que le National Health Service (NHS)ait à rembourser les frais. La mobilité des patients ouvrirait des perspectives intéres-santes : elle résoudrait dans l’immédiat le problème des listes d’attente, alors que lesinvestissements supplémentaires réalisés aujourd’hui par le gouvernement britanni-que réclament du temps pour produire des résultats tangibles; par ailleurs, dans lamesure où le NHS viendrait à envisager de sous-traiter ses patients au secteur privéau sein du R-U, une concurrence des prix transparente et bien organisée entre lesecteur privé britannique et les dispensateurs de soins du reste de l’Europe pourraits’avérer avantageuse. Toutefois, la libre mobilité des patients comporte égalementdes risques significatifs : pas seulement le risque d’une facture incontrôlable (vu quele gouvernement du R-U n’est pas en mesure de superviser le rapport coût-efficacitéà l’étranger), mais encore des problèmes potentiels en ce qui concerne la qualité

(8) Les paragraphes qui précèdent sont inspirés de W. Palm et J. Nickless, (2001), “Access to health-care in the European Union: The consequences of the Kohll and Decker judgements”, Eurohealth,vol. 7(1), p. 13-22.

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des soins, vu l’asymétrie de l’information qui caractérise le secteur de la santé. Dupoint de vue du secteur belge de la santé, la mobilité des patients britanniques crée-rait certes des possibilités, par exemple des revenus supplémentaires. Mais parallè-lement, la mobilité des patients, au cas où elle se baserait sur une procédure de type« Kohll et Decker » et non sur la procédure traditionnelle exposée dans le Règle-ment 1408/71, pourrait alimenter le développement d’un système de soins de santé« à deux vitesses » en Belgique, si les patients britanniques devaient être traités à destarifs « libres » (c’est-à-dire, des tarifs ne se conformant pas à la convention nationalebelge en la matière). En effet, un flux croissant de patients venant de l’étranger,inspiré par Kohll et Decker, pourrait alimenter le développement d’un secteur « nonconventionné » de plus en plus important dans les soins de santé belges, évolutionque nous n’aimerions sûrement pas voir se concrétiser.

On peut également imaginer d’autres interactions entre Etats membres. Si un Etatmembre X venait à décider de semi-privatiser une partie de son système national desoins de santé, l’application d’une approche de type « Kohll et Decker » à la mobilitédes patients peut, dans une certaine mesure, favoriser la privatisation de l’activitédes soins de santé dans les pays voisins. En d’autres termes, dès qu’il est questionde mobilité des patients, la question fondamentale est : allons-nous créer des occa-sions en offrant de nouvelles solutions aux patients européens compte tenu de lasolidarité incorporée dans nos systèmes ou allons-nous simplement exporter nosproblèmes les uns vers les autres ?

1.2. DIMINUTION DE L’AUTONOMIE DUE AUX PRESSIONS DE FAIT SUR LES ETATSSOCIAUXLes pressions indirectes de fait sur les Etats sociaux résultent d’une concurrenceaccrue à l’intérieur du marché unique tout comme des politiques économique etbudgétaire promues par l’UE.

Je crois qu’il faut éviter les discussions oiseuses sur « le dumping social généré parl’UE ». Intensifier la concurrence dans un marché intégré n’est qu’un des nombreuxdéfis auxquels sont confrontés nos Etats sociaux nationaux. Aujourd’hui, nos systè-mes sociaux sont sous pression, en premier lieu parce que (a) les domaines tradi-tionnels de la protection sociale, par exemple les pensions et les soins de santé, exi-gent plus de ressources et que (b) de nouveaux risques et besoins sociaux sontapparus. Par ailleurs, nous savons par expérience que l’intégration européenne nemène pas nécessairement à une érosion sociale. En effet, dans un grand nombre depays, le marché unique a entraîné le renouvellement de conventions entre partenai-res sociaux et, par conséquent, le renouveau – plutôt que l’érosion – de leurs Etatssociaux.

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Néanmoins, il serait naïf de se satisfaire d’une seule extrapolation (9). L’intégrationéconomique et monétaire et l’importance accrue de la mobilité du capital et du tra-vail au sein de l’Union laisseront, à long terme, des traces profondes sur l’architectu-re de nos Etats sociaux. De plus, à court terme, nous sommes à la veille d’un nouvelélargissement de l’Union. Autrement dit, l’histoire de l’intégration reste à écrire.Lorsqu’il est question de l’impact véritable de l’intégration européenne sur le déve-loppement de l’État social, les délibérations n’ont pas encore abouti, bien que lathéorie économique soit parfaitement claire sur ce sujet. Les économistes ontdepuis longtemps reconnu les dangers potentiels de la mobilité accrue susceptibled’entraîner une érosion de la base d’imposition (peut-être même à une « concurren-ce fiscale ») avec des effets sur la capacité des Etats membres à financer leurs pro-grammes sociaux.

La pression sur les Etats sociaux n’est pas simplement le résultat de l’intégration dumarché, elle est aussi produite par le suivi des politiques économiques des Etatsmembres via les Grandes orientations des politiques économiques (GOPE) de l’UE etles plans annuels de stabilité. Une chose est sûre, reconnaître que ces processuspolitiques créent des pressions n’implique en aucune façon occulter l’attention con-sidérable accordée au sein de l’UE à la santé des finances publiques. Au contraire,des finances publiques saines et viables sont une condition sine qua non pour êtreen mesure de soutenir une politique saine et durable, ce qui, de toute évidence, estun souci majeur dans nos sociétés vieillissantes. Toutefois, une prudence excessiveen matière de finances s’accompagne du danger d’économiser sur ce qui constitu-erait un investissement sain et nécessaire. Les investissements sociaux ne font pasexception à cette observation. Les investissements sociaux intelligents sont absolu-ment nécessaires pour deux raisons : primo, répondre aux attentes accrues de noscitoyens quant à la qualité des services publics actuels en général (une question quipréoccupe le public dans un grand nombre d’Etats membres, et l’un des sujets lesplus sensibles lors des récentes élections) et, secundo, préparer nos Etats sociaux àl’avenir. Il est vraisemblable qu’un transfert « direct » des coûts vers le secteur privéallège les charges budgétaires, mais ce transfert ne peut offrir que peu de solutionssubstantielles à des questions complexes comme la qualité, l’équité et la justice –par contre, il peut entraîner moins de qualité, moins d’équité et moins de justice(10). Dès lors, des finances publiques saines devraient être accompagnées d’investis-sements sociaux rationnels. Alors qu’une pression tangible (justifiée) de l’UE s’exer-ce en faveur de finances publiques saines, il n’y a en comparaison, à ce jour, quepeu d’efforts de l’UE en faveur d’investissements sociaux intelligents.

(9) Tout comme il serait naïf de limiter l’analyse à une évaluation superficielle de l’évolution histori-que : même si nous n’assistons pas actuellement à une ‘régression sociale’, il se pourrait qu’il y aitdéjà un certain degré de ‘sous-provisionnement de l’assurance sociale’ dans nos Etats sociaux con-temporains; voir Drèze pour une synthèse récente de cette discussion dans J. H. Drèze (2002),“Economic and Social Security: The Role of the EU”, De Economist, vol. 150(1), p. 1-18.(10) Myles présente une excellente analyse de ce problème en ce qui concerne les pensions dans unrapport préparé à l’intention de la Présidence belge de l’UE par Esping-Andersen et al., qui a étépubliée sous forme de Chapitre 3 dans G. Esping-Andersen (Ed.), D. Gallie, A. Hemerijck etJ. Myles (2002), Why we Need a New Welfare State?, Oxford University Press, 272 p.

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1.3. OBJECTIFS COMMUNS ET DIVERSITE LEGITIMEUne évaluation sobre des faits, conjointement à une théorie économique ne souf-frant aucune controverse, nous amène à deux conclusions.

Primo, il semble juste de dire que les Etats membres ont perdu plus de contrôle surleurs politiques sociales nationales que l’UE n’a gagné de facto en transferts d’auto-rité. Dès lors, notre capacité de mener des politiques sociales s’affaiblit. Le problè-me est d’importance étant donné que la réduction d’autonomie et d’autorité desÉtats membres, combinée à la faiblesse continue dont témoigne l’UE dans ses répon-ses sont susceptibles de restreindre les investissements sociaux innovateurs qui sontnécessaires dans tous les Etats membres Le problème va s’aggraver avec l’élargisse-ment de l’UE parce que l’unanimité requise au sein du Conseil pour des domainesessentiels de la politique sociale risque de paralyser le processus décisionnel et,c’est probablement encore plus important, parce que l’élargissement entraînera uneaugmentation dramatique de l’hétérogénéité économique, sociale, politico-culturel-le et politico-institutionnelle parmi les Etats membres de l’UE (11).

Secundo, une mobilité accrue des travailleurs et du capital, mais aussi des organisa-tions prestataires de services, des dispensateurs de soins et des patients pourraitaccorder la priorité à deux trajectoires polarisées, comme le craignent Leibfried etPierson. Des fonctions essentielles de l’Etat social (redistribution, système par répar-tition,…) conserveraient un statut de « libre intervention », dans la mesure où ellesconstituent une aide sociale « pure ». Cependant, plus ces fonctions sont assuréespar des services basés sur le marché, plus l’Etat social évoluerait, du point de vuedes institutions de l’UE, vers la sphère de « l’action économique », se pliant ainsi auxprincipes du marché unique et aux règles de marché. Ce faisant, l’Etat social pour-rait se voir progressivement submergé pour devenir un marché intérieur européende la « sécurité », c’est-à-dire un marché unique pour une protection personnelle etdes instruments d’assurance (12). Certaines raisons économiques fondamentales etbien connues (asymétrie de l’information, sélection défavorable, etc.) font que lesprincipes de marché et la sécurité sociale ne suivent pas des trajectoires parallèles,ni au niveau national, ni au niveau européen. Comme je le développerai ci-après, àce jour, la Cour a suivi une voie sûre, suffisamment nuancée et respectueuse despréalables des politiques sociales nationales. Il serait injuste de blâmer « l’Europe »pour certaines difficultés rencontrées par les responsables des politiques socialesnationales lorsqu’ils préfèrent se fier aux mécanismes de marché ou de quasi-marché dans l’offre proposée en matière de prestations sociales. Pourtant, le Traiténe fournit aucune garantie solide contre un développement polarisé tel que l’appré-hendent Leibfried et Pierson.

(11) Selon des simulations effectuées par la Commission, le fossé entre les revenus dans les différentspays augmentera du simple au double dans une Union à 27 membres. Pour les 8 pays les plus pau-vres, représentant environ 16% de la population de l’UE à 27, le revenu moyen par tête d’habitants’élèvera à environ 40% du revenu moyen de l’UE à 27(12) Leibfried et Pierson, o.c., p. 283.

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Ce n’est pas une question d’opinion politique, mais une question de fait que la dyna-mique économique et institutionnelle de la création d’un marché unique a rendu deplus en plus difficile l’exclusion des questions sociales de l’agenda de l’UE : « la sépa-ration nette entre les questions de marché, relevant de la sphère supranationale, etles questions sociales, relevant des sphères nationales, ne peut être maintenue »(13). Toutefois, la réponse à ce problème ne réside pas dans un transfert additionnelde compétences nationales vers l’UE, ni dans le fait d’imposer l’uniformité, sansmême parler de l’harmonisation pour le plaisir d’harmoniser. Même si je souligneplus loin que le concept d’un « modèle social européen » n’est pas seulement sensémais qu’il devrait être précisé au moyen « d’objectifs communs », je pense égale-ment que les gouvernements nationaux ne pourraient jamais s’accorder sur un pro-jet européen détaillé de fonctions essentielles de l’Etat social. Comme le fait juste-ment valoir Fritz Scharpf, toute tentative visant à passer outre la diversité légitimeen imposant des solutions européennes uniformes risque de faire éclater l’Union. Ladiversité nationale ne peut être traitée d’illégitime ; au contraire, elle fait elle-mêmepartie de la structure légitimante des convictions et des pratiques qui soutiennent lecadre politique européen à plusieurs niveaux (14).

Bien qu’un rôle propre soit dévolu à la législation UE dans le domaine social (et leprocessus décisionnel doit s’améliorer dans ce domaine, comme je l’expose dans lasection 3.4), la politique de la protection sociale est principalement du ressort descommunes, des régions et des Etats-nations et devrait le rester. Néanmoins, l’Euro-pe devrait permettre aux Etats membres de développer des « Etats sociaux actifs » etdoit encourager des investissements sociaux intelligents, en indiquant les objectifsgénéraux, lorsque sont concernés l’emploi et la protection sociale. En outre, lamobilité transfrontalière devrait faciliter l’élaboration de nouvelles mesures socialesraisonnables, plutôt que rendre les politiques sociales plus difficiles à soutenir àlong terme.

2. LE DEFI DE L’APRES-LISBONNE : CONVERSION DES PRINCIPES DANS LA PRATIQUE

Cette approche de la politique sociale de l’UE – à savoir, la nécessité pour l’UE dedisposer d’un concept opérationnel de politique sociale, qui se distingue d’unevolonté d’imposer l’uniformité, voire d’un transfert de compétences – a inspiré la

(13) Leibfried et Pierson, o.c, p. 268.(14) Scharpf, F., (2002), Legitimate Diversity: The New Challenge of European Integration, Cahierseuropéens de sciences po, 1. Scharpf fournit une analyse passionnante des obstacles à la réalisationd’une politique sociale au niveau de l’UE, centrée sur l’idée de ‘diversité légitime’, que je partage.Toutefois, il propose des solutions différentes à celles que je suggère ici. La première solution deScharpf repose sur (une version révisée) des dispositions relatives à une ‘coopération renforcée’ duTitre VII du Traité. Sa seconde solution consiste à combiner la ‘Méthode ouverte de coordination’avec l’idée de ‘directives-cadres’. Dans le cadre du présent article, je ne puis toutefois pas faire justi-ce à son argumentation sophistiquée. Pour faire bref, disons que je crains que, dans le secteur social,une ‘coopération renforcée’ pourrait semer plus de discorde que ne le pense Scharpf, et, en deuxiè-me lieu, que le fait de combiner des directives-cadres avec la Méthode ouverte de coordination pour-rait s’avérer contre-productif sur le plan politique.

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Présidence belge de l’UE lors du second semestre 2001. Notre leitmotiv consistaiten l’application des principes convenus lors du Sommet de Lisbonne en mars 2000,en continuant à bâtir sur le travail réalisé par les Présidences française et suédoise,qui ont succédé à la Présidence portugaise. Ces « principes de Lisbonne » – commeje les appellerais – tournaient autour d’une idée centrale (la performance économi-que et la cohésion sociale ne sont pas des objectifs qui s’excluent, mais qui se ren-forcent mutuellement) et d’une proposition de méthodologie, labellisée « méthodeouverte de coordination ». Par ailleurs, la Présidence portugaise poursuivait uneambition précise à propos du « leadership » de la coordination européenne : renfor-cer le rôle directeur et coordinateur du Conseil européen, réduire la compétencequasiment exclusive du Conseil économique et financier (ECOFIN) sur les Grandesorientations des politiques économiques (GOPE) et tenir compte lors de leur élabo-ration de l’emploi et des préoccupations sociales (15).

Pour ce qui est de la protection sociale, notre ambition « de mettre en œuvre Lisbon-ne » impliquait trois objectifs : rendre opérationnelle la collaboration européennedans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ; lancer la méthode ouverte decoordination dans le domaine des pensions et préparer le terrain à une réforme desrègles actuelles régissant la coordination des régimes de sécurité sociale pour lescitoyens migrants (Règlement 1408/71) (16). La troisième priorité – la coordinationde la sécurité sociale – relève du domaine de la législation UE, c’est-à-dire du droit« dur » ; les deux premiers sujets appartiennent au domaine de la « méthode ouvertede coordination », ou droit « doux ».

J’examinerai la notion de coopération ouverte dans la section 2.1. Ensuite, je résu-merai les résultats obtenus à ce jour pour ce qui est de l’inclusion sociale, des pen-sions et de la coordination de sécurité sociale dans les sections 2.2, 2.3 et 2.4, et jementionnerai un certain nombre de défis à court terme. Dans la section 2.5, je m’é-tendrai sur les perspectives de développement de la méthode ouverte de coordina-tion dans le domaine des soins de santé et des soins aux personnes âgées. Les sec-tions 2.6 et 2.7 seront consacrées à un bref examen de deux autres instruments dedécision politique, qui ont également un rôle à jouer : la législation UE et le dialoguesocial. En même temps que les questions soulevées dans la Partie 1, cette descrip-tion de notre expérience actuelle prépare le terrain à ma discussion dans la Partie 3sur les amendements nécessaires à apporter au Traité.

(15) Comme le font remarquer à juste titre M. Ferrera, M. Matsaganis et S. Sacchi dans “Open coor-dination against poverty: the new EU ‘Social Inclusion process”, Journal of European Social Policy,Vol. 12, No. 3, Août 2002, p. 227-239. Pour une discussion intéressante de ce problème de ‘leader-ship’ au sein de l’UE, avec référence au processus de Lisbonne, voir M. Telò (2002), “Governanceand government in the European Union: the open method of coordination”, in M. J. Rodrigues(ed.), The New Knowledge Economy in Europe, Edward Elgar, Cheltenham.(16) Ce troisième objectif de la Présidence belge est moins explicite dans les Conclusions de Lisbon-ne, mais je suis d’avis qu’il résulte logiquement de la combinaison d’un certain nombre de préoccu-pations générales exprimées par le Sommet de Lisbonne, telles que la mobilité des forces de travail,la cohésion sociale, etc.

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2.1. LA METHODE OUVERTE DE COORDINATION : INSTRUMENT CREATIF (17)Les fondements méthodologiques de la méthode ouverte de coordination en tantque nouvelle approche paneuropéenne de la politique sociale ont été formellementposés lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. Avant ce Sommet, lacoordination politique au niveau de l’UE se rapportait à la politique économique(surveillance multilatérale des politiques économiques nationales, prévue dans leTraité de Maastricht de 1992) tout comme à l’emploi (le processus de Luxembourg,formalisé par le Traité d’Amsterdam de 1997 en tant que « stratégie coordonnéepour l’emploi » et affinée par le Conseil européen de Luxembourg au cours de cettemême année). Dans ce qui suit, je distingue la « coordination politique » qui avaitété établie avant le Sommet de Lisbonne, pour laquelle existe une base formelledans le Traité, et la « méthode ouverte de coordination » telle qu’elle a été définie àLisbonne. Ensemble, ces pratiques constituent toutefois un « livre de recettes » deméthodologies de loi douce / droit doux, et dans le débat politique, ces méthodessont souvent regroupées sous la rubrique générale de « coordination ouverte » (18).

En résumé, la méthode ouverte de coordination est un processus au cours duquelsont définis des objectifs clairs et convenus d’un commun accord, après quoi unpeer review, sur la base de Plans d’action nationaux (PAN), permet aux États mem-bres de l’UE de comparer leurs pratiques et d’apprendre les uns des autres. Cetteméthode respecte la diversité locale, elle est en fait fondée sur celle-ci; elle est flexi-ble, mais vise à promouvoir le progrès dans la sphère du social. Un processus d’ap-prentissage efficace requiert l’utilisation d’indicateurs comparables et convenusd’un commun accord afin de pouvoir superviser les progrès réalisés par rapport auxobjectifs communs, ainsi qu’une évaluation et, le cas échéant, des recommandationsdouces faites par la Commission européenne et par le Conseil. L’échange d’informa-tions fiables a pour objet – du moins dans une certaine mesure – d’institutionnaliserle « mimétisme politique » intelligent (19).

(17) Pour des analyses récentes plus pointues de la méthode ouverte de coordination, voir p.ex. deLa Porte, C. et Ph. Pochet (eds.) (2002), Building Social Europe through the Open Method of Co-ordination, P.I.E.-Peter Lang, Bruxelles, et M. J. Rodrigues (ed.) (2002), The New Knowledge Eco-nomy in Europe, Edward Elgar, Cheltenham.(18) Dans une perspective juridique du Traité existant, l’agrégation politique très commune de la‘coordination politique’ et de la ‘méthode ouverte de coordination’ ne mène pas seulement à confu-sion, elle est tout simplement erronée, vu que le Traité existant contraint à l’évidence à opérer cettedistinction. Comme je l’ai indiqué succinctement dans la section 3.3., opter ou non pour une défini-tion ‘générique’ de la coordination ouverte, incluant tout à la fois la coordination politique qui trouvedéjà ses fondements juridiques dans le Traité existant et la méthode ouverte de coordination définielors du Sommet de Lisbonne, est une question épineuse. (19) Un mimitisme politique (policy mimicking) intelligent doit être activement géré et – pour ledire dans les termes utilisés par Anton Hemerijck et Jelle Visser – “contextualisé”. Voir A. Hemerijcket J. Visser (2001), Learning and Mimicking: How European Welfare States Reform, paper presen-ted at Cologne, Max Planck Institute, 13 November 2001.

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Parce qu’elle est pragmatique, cette approche « ouverte » peut effectivement menerà un progrès social. Ainsi, nous avons trouvé une voie qui implique un engagementcrédible pour une Europe sociale. En conséquence, nous adressons des signauxforts aux citoyens européens. Par exemple, la formulation explicite d’un Agendasocial européen peut être considérée comme un « bouclier » contre une possibleérosion de nos Etats sociaux à la lumière de l’unification économique. Toutefois, jecrois que la valeur ajoutée de la méthode ouverte de coordination va au-delà duprincipe du processus d’apprentissage technique et d’une simple prévention d’uneérosion de l’Etat social en Europe.

Définir des objectifs convenus d’un commun accord est nettement plus qu’unesimple technique utile en vue de réaliser les progrès visés dans les Etats membres.Les objectifs communs sont essentiels parce qu’ils nous permettent de traduire le« modèle social européen », amplement discuté mais plutôt abstrait, en un ensembletangible d’objectifs communs dont les racines remontent à la coopération européen-ne. Pour la première fois, grâce à la méthode ouverte de coordination, ce conceptabstrait est interprété au moyen de définitions plus précises des résultats que noussouhaitons atteindre.

Faisant écho à Anton Hemerijck (20), je dirais que la méthode ouverte de coordina-tion représente à la fois un outil cognitif et normatif. C’est un outil « cognitif »,parce qu’elle nous permet d’apprendre les uns des autres. A mon avis, ce processusd’apprentissage ne se limite pas à l’expérience d’autres Etats membres, mais s’étendégalement à leurs vues et opinions sous-jacentes, domaine qui n’est pas moinsimportant. La coordination ouverte est un outil « normatif » parce que, nécessaire-ment, les objectifs communs incorporent des points de vue substantiels sur la justi-ce sociale. Ainsi, la coordination ouverte crée graduellement un paradigme de poli-tique sociale européenne.

La coordination ouverte n’est pas une sorte de recette fixe pouvant s’appliquer àn’importe quel sujet. Notre méthodologie dans le domaine de l’inclusion sociale(voir section 2.2) diffère de la coordination politique qui a été développée en 1997dans le cadre du Processus de Luxembourg sur l’Emploi sur la base de l’Art. 128 duTraité. (Le Processus pour l’emploi implique la production annuelle d’un rapport.Sur la base de ce dernier, des recommandations individuelles sont émises à chaqueÉtat membre.) Notre méthodologie quant aux pensions diffère à son tour de celleappliquée à l’inclusion sociale : elle consiste en un processus relativement léger, oùles Etats membres s’adressent des rapports mutuels tous les trois ou quatre ans sur lamanière d’inclure les objectifs convenus ensemble dans leur politique nationale,avec une mise à jour annuelle qui nous permet d’intégrer des conclusions commu-nes sur la politique des pensions dans les GOPE élaborées chaque année par

(20) Hemerijck définit le modèle social européen sur la base de dimensions ‘cognitives’ et ‘normati-ves’ dans ‘The Self-transformation of the European social model’ in G. Esping-Andersen et al., o.c..

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l’Union. En d’autres termes, la coordination politique et la coordination ouverteconstituent ensemble un livre de recettes diverses, certaines légères et d’autres, pluslourdes.

J’ai souligné ailleurs que, lors de l’utilisation de ce livre de recettes, il faut garder enmémoire un certain nombre de principes clés (21). Premièrement, il ne s’agit qued’une méthode parmi d’autres. Nous ne pouvons réaliser une Europe sociale ennous appuyant exclusivement sur la coordination ouverte. Nous avons égalementbesoin d’un autre instrument, à savoir le travail législatif. C’est pourquoi la méthodeouverte de coordination ne doit pas remplacer le travail législatif là où il s’avèrenécessaire. Deuxièmement, nous ne devons pas confondre les objectifs avec les in-struments de la politique sociale. Confondre ces éléments est contraire à l’esprit desubsidiarité, fondamental dans la méthode ouverte de coordination. Par ailleurs, unmanque de clarté par rapport aux objectifs fondamentaux mène à une analyse politi-que faussée (22). Le troisième principe consiste en « l’exhaustivité » : nous devonsinclure dans l’analyse tous les outils possibles (23). Le quatrième principe concernele choix des critères que nous utilisons lorsque nous souhaitons mettre des objectifsen pratique : lors de la définition de nos normes, nous devons simultanément êtreréalistes et ambitieux. Nous avons résolument besoin des meilleures pratiquesdans le processus d’apprentissage : des « normes d’excellence » réalisables au lieu denormes de médiocrité. Le cinquième – et dernier – principe pour une applicationfructueuse de la méthode ouverte de coordination se situe à un niveau pratique. Adéfaut d’indicateurs comparables et quantifiables, il nous est impossible de mesurerles progrès accomplis. Pour cette raison, aux yeux de la Présidence belge de l’UE,une priorité essentielle consistait à s’accorder sur une série d’indicateurs relatifs àl’inclusion sociale. Pour cette même raison, nous voulons maintenant développerune série d’indicateurs en matière de pensions. Il me semble que ce cinquièmeprincipe est le véritable test décisif quant à la volonté politique de s’engager dans la

(21) Voir F. Vandenbroucke, “Sustainable Social Justice and ‘Open Coordination’ in Europe”, in G.Esping-Andersen e.a., o.c., et F. Vandenbroucke (2002), “Social Justice and Open Coordination inEurope. Reflections on Drèze’s Tinbergen Lecture”, De Economist, vol. 150(1), p. 83-93.(22) Par exemple, le débat sur l’avenir des pensions a pendant longtemps été dominé par une analysecomparative élaborée du système par répartition opposé au système par capitalisation. De telles ana-lyses d’instruments abordent par exemple la question de leur efficacité relative par rapport à certai-nes hypothèses macroéconomiques et démographiques. Etant donné que cette question est décisi-ve, nous devons nous assurer que le débat sur les pensions ne s’englue pas dans de telles discussionssur les instruments.(23) A la fin de la section 1.2, j’ai déjà mentionné qu’un transfert des coûts de l’assurance sociale versle secteur privé allégerait probablement le fardeau budgétaire du gouvernement, mais risquerait den’offrir que peu de solutions à des questions fondamentales complexes. Ceci vaut clairement, parexemple, pour le domaine des pensions, où des problèmes d’équité intergénérationnelle et de justiceintragénérationnelle ne sont manifestement pas ‘résolus’ par un tel transfert. Cela peut en effetmême entraîner moins d’équité et de justice. Une approche globale du défi des pensions nous obligede ce fait non seulement à réexaminer nos piliers de pensions publiques, mais encore à réguler nospiliers privés.

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coordination ouverte. Tous ceux qui, en paroles, se sont dit favorables à cetteméthode devraient transformer leurs paroles en actes lorsqu’il s’agit de développerdes indicateurs. Mentionnons encore, en liaison avec ce cinquième principe, lebesoin de constituer une capacité statistique au niveau de l’UE.

Le caractère « doux » de la coordination ouverte est souvent considéré avec scepti-cisme. Pourtant, je suis persuadé qu’avec une coopération « douce » et la réalisationd’un consensus, nous pouvons aller bien au-delà des déclarations solennelles maisvagues des sommets européens. Il est admis en général, pour ce qui concerne l’in-clusion et la protection sociales, que les délibérations à propos des résultats de lacoordination ouverte n’ont pas encore abouti. Néanmoins, je pense que nous som-mes autorisés à procéder à des extrapolations (mutatis mutandis) à partir de l’ex-périence que nous avons acquise dans le domaine de l’emploi. Le premier testexhaustif quant au fait de savoir si la coordination politique appliquée à l’emploi estréellement capable de répondre aux grandes attentes résidera dans l’évaluation inté-rimaire du processus de Luxembourg. En juillet 2002, la Commission européenne aprésenté une Communication dans laquelle elle a évalué la stratégie de l’emploi,basée sur une analyse des estimations de l’impact national. En ce qui concerne l’é-valuation de l’impact belge, le rapport DULBEA – HIVA stipule justement qu’ « Il nefait pas de doute que la stratégie européenne pour l’emploi a induit des change-ments significatifs des politiques d’emploi et de la gestion du marché du travail enBelgique ». […] La stratégie européenne pour l’emploi et les lignes directrices ontentraîné des adaptations et des innovations dans tous les domaines de la politiquede l’emploi […] » (24). Le rapport stipule également que « Depuis la mise en œuvredes plans d’action nationaux en 1998 la coordination entre l’Etat fédéral, les Com-munautés et les Régions a positivement évolué » (25). On peut conclure que le« stress de la convergence » a été très réel, et qu’il est possible de mettre en éviden-ce des résultats tangibles. Les évaluations mettront sans aucun doute en lumièreque l’impact a varié d’un Etat membre à l’autre, et elles seront critiques face à uncertain nombre de questions. Si le rapport d’évaluation rédigé par les institutionsbelges est représentatif, il critiquera notamment le manque de mécanismes d’évalu-ation et l’obligation de produire un rapport chaque année. Il en résultera accroisse-ment de mesures à court terme manquant parfois de pertinence, parce que de nou-velles mesures doivent être conçues chaque année au détriment d’une efficacité àplus long terme.

Des questions légitimes sont soulevées, notamment par le Parlement européen, àpropos du lien entre coordination ouverte et prise de décision démocratique enEurope. Même si l’un des bénéfices potentiels de la coordination politique ouverteest qu’elle contraint tous les gouvernements nationaux à préparer et à débattre de

(24) DULBEA, HIVA (2002), L’évaluation d’impact de la stratégie européenne pour l’emploi en Bel-gique, Résumé, p 1.(25) o.c, p 4.

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leurs réformes politiques en public, l’absence d’une participation formelle du Parle-ment européen indique un déficit démocratique. Ce thème est important dans ledébat sur l’avenir des institutions européennes qui sera préparé par la Convention.

En termes plus généraux, un risque potentiel quant à son développement ultérieurest que la méthode ouverte de coordination est susceptible de modifier progressive-ment l’équilibre actuel entre les institutions européennes et de s’engager dans unevoie indésirable, évolution qui se ferait au détriment à la fois du Parlement et de laCommission. Non seulement, la coordination ouverte ne doit pas remplacer d’au-tres outils politiques qui ont prouvé leur utilité, mais elle ne doit pas être non plusun instrument dirigé contre la Commission ou contre le Parlement. Par ailleurs,sans la participation de la Commission, il est difficile d’envisager la coordinationouverte en tant que telle.

La coordination ouverte n’est pas une panacée, ni même une formule magique pourla politique sociale. Toutefois, une méthode ouverte de coordination efficace estplus qu’un processus d’apprentissage géré intelligemment. Si nous l’utilisons judici-eusement, la coordination ouverte est une méthode proactive et créative qui nouspermet de définir « l’Europe sociale » en termes plus spécifiques et de l’ancrer fer-mement comme un bien collectif commun au cœur de la coopération européenne.

2.2. COMBATTRE LA PAUVRETE ET PROMOUVOIR L’INCLUSION SOCIALEEradiquer la pauvreté et promouvoir l’inclusion sociale constituaient une des ambi-tions clés formulées lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. Endécembre 2000, un accord politique était obtenu sur des objectifs communs enmatière d’inclusion sociale et, au début de 2001, les États membres étaient invités àsoumettre des PAN relatifs à l’inclusion sociale. À la fin de 2001, nous étions enmesure :

d’adopter un premier rapport commun sur l’inclusion sociale, contenant à la foisune analyse des PAN en faveur de l’inclusion sociale déposés par chaque Etat mem-bre en juin de la même année et des « recommandations douces » en matière de poli-tique à suivre par les Etats membres ;

d’adopter une série de 18 indicateurs quantitatifs concernant l’exclusion socialeau sein des Etats membres de l’UE (26). Ils permettront dorénavant à chaque paysde mesurer précisément la situation actuelle et l’évolution de l’exclusion sociale,comme un concept multidimensionnel, d’une manière comparable. Cette premièresérie couvre quatre dimensions de l’exclusion sociale : la pauvreté financière, l’em-

(26) Report from the Social Protection Committee on indicators in the field of poverty and socialexclusion (13509/01). Voir également, pour une discussion approfondie de l’utilisation des indica-teurs quantitatifs au niveau de l’UE, Atkinson, T., Cantillon, B., Marlier, et B. Nolan (2002), SocialIndicators. The EU and Social Inclusion, Oxford University Press, Oxford.

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ploi, la santé et l’éducation. L’exemple le mieux connu de ces indicateurs est le« taux de bas revenu », défini comme le pourcentage d’individus vivant dans unménage dont le revenu total est inférieur à 60% du revenu national médian; il indi-que le pourcentage d’individus qui « courent le risque de devenir pauvres ». Parmiles autres indicateurs, citons : le taux de « bas revenu persistant », le taux de person-nes de faible niveau d’éducation, la cohésion régionale, le taux de personnes vivantdans un ménage de chômeurs, la proportion de jeunes en décrochage scolaire, l’au-toperception de l’état de santé en fonction du niveau de revenus et la proportion dechômeurs de longue durée et de très longue durée ;

d’approuver un programme d’action de quatre ans, qui a été lancé formellementle 1er janvier 2002; il vise à stimuler la coopération entre décideurs politiques, par-tenaires sociaux, ONG, scientifiques et individus socialement exclus.

Ainsi, un « cycle » de coordination ouverte a été mis en œuvre et, grâce aux indica-teurs convenus d’un commun accord, la méthode peut devenir pleinement opéra-tionnelle. Par ailleurs, des progrès ultérieurs figurent à l’agenda. Au cours de laseconde moitié de 2002, la Présidence danoise s’est engagée dans une évaluationdes objectifs communs en matière d’inclusion sociale convenus lors du Sommeteuropéen de Nice. Cet examen s’est limité à quelques matières importantes, parexemple l’intégration de la question de l’égalité entre hommes et femmes dans leprocessus d’inclusion et l’engagement des Etats membres à fixer des objectifs quan-tifiés en matière de pauvreté nationale, pouvant être liés aux indicateurs convenusd’un commun accord. Comme les indicateurs sont multidimensionnels, une manièrepragmatique de progresser consistait à requérir des Etats membres la présentationd’objectifs quantifiés et de leur laisser la possibilité de choisir le(s) leur(s).

Gardant en tête l’élargissement, j’apprécie énormément le fait que la Commissioneuropéenne s’est engagée dans des discussions bilatérales avec les pays candidats. Apartir de l’été 2002, les pays candidats commenceront à préparer leurs propres rap-ports nationaux appelés « Joint Inclusion Memoranda » (JIM), basés sur les plansd’action nationaux en faveur de l’inclusion sociale afin d’être en mesure de devenirimmédiatement membres du Comité de la Protection sociale et de s’engager pleine-ment dans la méthode ouverte de coordination dans ce domaine dès qu’aura lieu l’é-largissement. Comme je l’indique dans la section 3.3, nous devrions dès à présentpréparer la mise en œuvre de la méthode ouverte de coordination de l’après-élargis-sement – et l’adapter le cas échéant – à la fois en termes de faisabilité pratique et entermes de constitutionnalisation.

2.3. PENSIONS : UN ENJEU SOCIAL ASSORTI DE CONTRAINTES FINANCIERESEn matière de pensions, le Conseil Emploi et Affaires sociales, le Conseil économi-que et financier (ECOFIN) et, plus tard, les Conseils européens de Laeken et de Bar-celone se sont accordés sur 11 objectifs communs et sur une méthode de travail en

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vue de la coopération européenne en cette matière (27). Ces objectifs communs seréfèrent au caractère adéquat des pensions, à la viabilité financière des systèmes depensions et à leur modernisation en réponse aux besoins sociétaux changeants. LaPrésidence belge a très explicitement voulu une approche intégrée, alliant à la foisune préoccupation quant à la viabilité financière au caractère adéquat des pensions(28). Cette vaste perspective a été institutionnalisée en incluant dans ce processussimultanément le Conseil Emploi et Affaires Sociales et ECOFIN, mais également endemandant explicitement d’intégrer les résultats dans les GOPE. L’Europe seraitainsi en mesure de parler pour la première fois d’une même voix – cohérente – surles pensions.

Les 11 objectifs sont en effet le reflet d’une approche intégrée. Par exemple, le pre-mier objectif commun stipule que les Etats membres devraient «[…]veiller à ce queles personnes âgées ne soient pas exposées au risque de pauvreté et puissent jouird’un niveau de vie décent; qu’ils partagent le bien-être économique de leur payset puissent en conséquence participer activement à la vie publique, sociale et cul-turelle». Conformément au sixième objectif, les États membres devraient également«[…]réformer les systèmes de pensions par des moyens appropriés en tenantcompte de l’objectif global de maintien de la viabilité des finances publiques.Dans le même temps, la viabilité des systèmes de pensions doit s’accompagner depolitiques fiscales saines, incluant, lorsque c’est nécessaire, une réduction de ladette. Les stratégies adoptées pour atteindre cet objectif peuvent également inclurela mise en place de fonds de réserve spécifiques pour les pensions». Selon un autreobjectif encore, les Etats membres doivent «[…]veiller, grâce à des cadres réglemen-taires appropriés et une gestion saine, à ce que les régimes de retraite financéssur des fonds privés et publics puissent offrir des pensions suffisamment efficaces,abordables, transférables et sûres».

Les Etats membres ont également accepté de rédiger un premier Rapport stratégi-que national sur les pensions pour septembre 2002. Dans ce rapport, ils ont renducompte des efforts réalisés au niveau national pour atteindre les objectifs communs.Enfin, les Etats membres ont consenti à s’attaquer à la mise au point d’indicateurs envue d’évaluer et de surveiller l’action dans le domaine des pensions. Un accord finaldevrait être possible pour la fin de 2003, sous la Présidence italienne.

(27) Qualité et viabilité des pensions. Rapport conjoint sur les objectifs et les méthodes de travaildans le domaine des pensions (14098/01), tel qu’avalisé par le Conseil Emploi et Affaires sociales le3 déc. 2001. Bruxelles, 11 p .(28) La viabilité financière et la justice sociale sont souvent considérées, au mieux, comme des amisdifficiles, au pire, comme des ennemis jurés. C’est une erreur. La viabilité financière n’est pas unecontrainte “extérieure” affectant nos systèmes de pension indépendamment de leur logique interne.Au contraire : l’équité intergénérationnelle (et intragénérationnelle) est une condition préalable àleur viabilité. Ceci est tout à fait transparent dans le débat budgétaire : la viabilité du système publicdes pensions sera compromise si d’essentielles dépenses gouvernementales futures sont abandon-nées à cause du coût du vieillissement, ou si celles-ci ne sont envisageables qu’au prix d’impôtsintolérablement élevés.

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Toujours dans le domaine des pensions, les Présidences de l’année 2003, à savoircelles de la Grèce et de l’Italie, devront s’assurer que le travail sur les pensions seravéritablement intégré dans les GOPE. Ce point est important compte tenu du faitque notre méthode ouverte de coordination européenne est le résultat de négocia-tions longues et parfois difficiles qui tentaient - et elles ont réussi - d’atteindre unéquilibre entre deux formations du Conseil, ECOFIN et le Conseil Emploi et Affairessociales. Il serait inacceptable pour les GOPE, instrument essentiel (prévu par leTraité) aux mains du Conseil ECOFIN pour la coordination et la supervision des poli-tiques économiques des Etats membres, de dévier, pour ce qui concerne les pen-sions, de ce qui a été convenu dans l’approche conjointe de la méthode ouverte decoordination. Ce serait évidemment inacceptable compte tenu des deux exigencesexplicites des chefs d’Etat et de gouvernement concernant les GOPE. À Lisbonne, leConseil européen a en effet exigé que les GOPE se focalisent également sur lesréformes visant à promouvoir la cohésion sociale. À Göteborg, le Conseil européena demandé d’incorporer les résultats du travail conjoint sur les pensions dans lesGOPE.

Malgré nos intentions politiques claires, les GOPE de l’année 2001 ne reflètent pasassez l’importance des objectifs en matière d’emploi et de politique sociale. Je merange complètement à l’avis du Comité de la protection sociale sur les GOPE lors-qu’il déclare que : « les Grandes orientations devraient être un instrument central etpromouvoir un assortiment politique bien coordonné qui reflète les articulationsentre politiques économique, de l’emploi et sociale – le triangle politique – établipar le Conseil européen de Lisbonne. Il devrait également s’ensuivre une plus gran-de reconnaissance du travail effectué, dans le cadre de la méthode ouverte de coor-dination, en relation avec la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et avec lefinancement de pensions sûres et viables, en vue de réaliser l’objectif de créer uneplus grande cohésion sociale fixé par Lisbonne » (29). Par rapport à l’un des « prin-cipes » fondamentaux « de Lisbonne », nous ne sommes sûrement pas encore là oùnous devrions être. Ce qui se produira avec le résultat de la coordination ouvertesur les pensions en 2003 sera le véritable « moment de vérité ».

2.4. PROTECTION SOCIALE POUR LES CITOYENS MIGRANTS : SIMPLIFIER ET AMELIORERLA COORDINATION EUROPEENNE DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALELa libre circulation des personnes est l’une des pierres angulaires de l’intégrationeuropéenne et l’une des quatre libertés garanties par le Traité CE. L’un des facteursdéterminants quant à la question de savoir si les personnes peuvent bénéficier decette liberté consiste à s’assurer que les barrières administratives n’affecteront pasleurs droits en matière de sécurité sociale. À cet effet, en 1971, le Conseil des mini-

(29) Voir “Opinion of the Social Protection Committee” sur la Recommandation de la Commissionpour les Grandes Orientations de Politique Economique 2002, 16 mai, 2002 (doc. 8673/02).

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stres a adopté le Règlement 1408/71, qui garantit que les personnes qui sedéplacent au sein de l’Union européenne conservent leurs droits en matière desécurité sociale.

Etant donné que ce Règlement consent une protection large, on pourrait dire que lacomplexité du Règlement et de ses innombrables amendements représente uneentrave à la libre circulation. C’est pourquoi la Présidence belge a décidé de s’atta-quer à la question fondamentale de savoir comment procéder aux nécessaires sim-plification et amélioration du Règlement 1408/71. En décembre 2001, le ConseilEmploi et Affaires sociales est arrivé à un accord sur un certain nombre de principeset d’options de base (qualifiés de « paramètres ») qui ont fourni le cadre politique ausein duquel le Conseil et le Parlement européen œuvrent à présent à des réformesspécifiques en vue de moderniser le Règlement 1408/71. Le dernier Conseil desAffaires sociales sous la Présidence espagnole (3 juin 2002) est arrivé à un accordpolitique sur les dispositions générales du nouveau Règlement, qui déterminent desquestions importantes telles que le champ d’application personnel et matériel (Quiest couvert ? À quels secteurs de la sécurité sociale le Règlement s’applique-t-il ?) etles principes généraux qui régissent la coordination de la sécurité sociale (l’agréga-tion des périodes assurées, l’égalité de traitement et la détermination de l’Etatcompétent – « Quel est le droit en vigueur ? »). Depuis juillet 2002, la Présidencedanoise poursuit les négociations sur ces chapitres spécifiques du Règlement. Aupoint où en sont les choses, il se pourrait qu’intervienne, d’ici la fin de l’année2003, un accord sur un nouveau mécanisme de coordination, du moins au niveaudu Conseil.

Dans ce contexte, nous sommes également parvenus à un accord politique impor-tant sur les conditions qui président à l’extension du Règlement (CEE) 1408/71 auxcitoyens de pays tiers. Un tel accord n’aurait pas été possible sans le fort soutien dela Commission européenne. L’objet de cette extension vise à permettre dans l’ave-nir aux citoyens de pays tiers d’exporter leurs droits en matière de sécurité socialeacquis dans un Etat membre vers un autre lorsqu’ils se déplacent à l’intérieur del’UE. À ce jour, seuls les citoyens de l’UE en ont la possibilité.

Un exemple illustre les conséquences possibles sur la situation actuelle : la fille d’unemployé marocain travaillant en France va à Londres pour ses études. Son père tra-vaille en France depuis trente ans. Et pourtant, en principe, il perd le droit aux allo-cations familiales et ce, nonobstant qu’il paye régulièrement toutes ses cotisationsde sécurité sociale.

En décembre 2001, les ministres des Affaires sociales se sont mis d’accord en pre-mier lieu sur la question– en apparence triviale, mais néanmoins politiquement sen-sible – du fondement juridique de l’extension du Règlement 1408/71 aux nationauxde pays tiers, en deuxième lieu sur le principe de l’application d’une telle extensionaux systèmes de sécurité sociale de tous les Etats membres. Il en découle que leRoyaume-Uni et l’Irlande ont la possibilité de rejoindre les autres Etats membres

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dans l’extension du Règlement à des nationaux de pays tiers en recourant à leurdroit de « opt in». En troisième lieu, les ministres se sont entendus pour déclarerque la coordination applicable aux nationaux de pays tiers devrait leur offrir unesérie de droits uniformes aussi proches que possible de ceux dont bénéficient lescitoyens de l’Union européenne.

Grâce aux importants efforts de la Présidence espagnole et au fait que le R-U et l’Ir-lande ont en effet décidé de nous rejoindre, le Conseil des Affaires sociales du 3 juin2002 est parvenu à un accord sur cette extension du Règlement 1408/71 aux natio-naux de pays tiers. Il n’est pas exagéré de dire que cet accord représente un événe-ment déterminant dans l’objectif de l’Union européenne visant à réaliser une plusgrande égalité entre nationaux UE et non-UE. Cet accord réduira, à partir du 1 jan-vier 2003, les difficultés juridiques et administratives pour les institutions de sécu-rité sociale et devrait contribuer à l’avènement de la solidarité ainsi qu’à une Europesocialement juste.

2.5. COORDINATION OUVERTE EN MATIERE DE SOINS DE SANTE ET DE SOINS AUXPERSONNES AGEESOutre l’inclusion sociale et les pensions, un troisième domaine a été identifiécomme entrant en ligne de compte pour l’application de la coordination ouverte :les soins de santé et les soins aux personnes âgées. Étant donné que, dans nossociétés, le défi des pensions se combine avec l’augmentation des coûts de santé etdes soins aux personnes âgées, une évaluation appropriée de la future protectionsociale exige une approche intégrée. Pour le prochain Conseil européen de prin-temps, en mars 2003, la Commission européenne préparera un rapport complet surce sujet, qui nous fournira suffisamment d’éléments pour décider des conditions dulancement d’une méthode ouverte de coordination dans ce domaine.

Même s’il nous faut être circonspects et ne pas commencer à appliquer la méthodeouverte de coordination dans de nouveaux domaines de travail simplement « pourfaire quelque chose », je pense en effet que l’impact croissant de l’intégrationeuropéenne sur les systèmes de soins de santé auxquels j’ai fait référence, justifieréellement la préparation d’une certaine forme de coordination ouverte européennedans ce domaine. Idéalement, une coopération trilatérale entre le Comité de la Pro-tection sociale et le Comité de la Politique économique ainsi qu’avec un Comité spé-cifique (encore à créer) du Conseil des ministres européens de la Santé pourraits’avérer du plus haut intérêt, pour fournir des idées à la Commission et au Conseil.Les différents Comités intéressés pourraient chacun se concentrer sur l’un des prin-cipes d’accessibilité, de viabilité financière et de qualité, identifiés par le Conseileuropéen comme les principaux défis dans ce domaine. Mais l’absence d’une tellestructure consultative complexe ne signifie pas pour autant qu’il faille se croiser lesbras et ne rien entreprendre.

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2.6. L’AGENDA LEGISLATIF : SE CONCENTRER SUR LA REALISATIONMême si je me concentre, dans le point 3 du présent article, sur le travail de la Con-vention et de la prochaine CIG, je n’en oublie pas moins qu’entre-temps, nousdevrions être en mesure de boucler l’Agenda de Politique sociale décidé à Nice(décembre 2000). Cet agenda incluait, parmi d’autres éléments, un certain volumed’activité législative dans le domaine social (dans la présente section, j’inclus dansma discussion de la politique sociale la politique de l’emploi). Ceci étant dit il nefaut pas être devin pour comprendre qu’il est improbable qu’une législationeuropéenne importante se développe dans le domaine social au cours des prochai-nes années. Je n’entends toutefois pas par là que, jusqu’à présent, le travail législatifde l’UE s’est avéré infructueux. Pour ne donner que deux exemples récents, lesDirectives sur l’information et la consultation des travailleurs (30) et sur l’implica-tion des travailleurs dans la Société européenne (30bis), ont été adoptées en 2001.

C’est principalement en raison de l’existence de cet acquis substantiel que je suisconvaincu qu’une focalisation accrue sur la mise en œuvre est aujourd’hui à l’ordredu jour. J’y vois deux raisons connexes : la première étant les différences majeuresdans les réalisations des actuels Etats membres en matière de transposition de lalégislation UE dans leur droit national et la seconde - plus fondamentale - étant lesperspectives de l’élargissement.

Dans ce contexte, le bon sens veut que nous accordions maintenant la priorité à lamise en œuvre effective de l’acquis actuel, qui est déjà tout à fait considérable etimpliquera de ce fait des efforts énormes et soutenus, spécialement de la part desnouveaux Etats membres. Dès lors, le point qui mérite actuellement toute leurattention est la réalisation. Pour être clair, ce qui a été décidé à l’Agenda social, auSommet européen de Nice, doit être concrétisé.

Pour certains actes législatifs existants, l’Agenda social entrevoyait une possibilité derévision et de mise à jour. C’est notamment le cas pour les Directives sur l’insolva-bilité (31), l’exposition à l’amiante (32) et l’égalité de traitement entre hommes etfemmes dans le domaine de l’emploi (33). On y trouve aussi la simplification et lamodernisation du troisième Règlement à émettre par l’Union, actuellement régulépar le Règlement 1408/71, que j’ai examiné antérieurement.

(30) Directive 2002/14/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant uncadre relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne,JOL 80 du 23.3.2002.(30bis) Directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la Sociétéeuropéenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs, JOL 294 du 10.11.2001.(31) La modification consiste principalement à adapter la Directive existante au caractère transna-tional de certaines sociétés : les travailleurs devront uniquement s’adresser à un employeur poursavoir quel fonds de réserve leur versera leurs dernières rémunérations.(32) La modification de la “Directive concernant la protection des travailleurs des risques liés à l’ex-position à l’amiante au travail” consiste principalement en l’introduction de niveaux maxima d’expo-sition et en l’amélioration de la protection des travailleurs dans certains cas (p. ex. démolition).(33) Les principales modifications de cette Directive (datant de 1976) portent sur l’égalité de traite-ment entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les conditions de travail.

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L’Agenda social réclame également un nombre limité de nouvelles initiatives législa-tives. La proposition de Directive sur le travail temporaire (34) a été récemmentprésentée par la Commission européenne. Les négociations relatives aux Directivessur la protection des travailleurs contre les risques de vibrations (35) et contre lebruit (36) tout comme celle sur les activités des institutions de fonds de retraite pro-fessionnelle sont sur le point d’être - ou ont déjà été - bouclées avec succès.

2.7. DIALOGUE SOCIAL EUROPEENLe dialogue social européen couvre, d’une part, les négociations (bipartites) inter-professionnelles et sectorielles et, d’autre part, une consultation (tripartite) sur unlarge éventail de questions. Ceux qui ont déclaré que le dialogue social au niveaueuropéen était une réussite font le plus souvent allusion à la négociation sectoriellebipartite entre employeurs et syndicats, ne couvrant pas moins de 27 secteurs, qui aproduit des accords contraignants et d’autres, moins contraignants. D’autres inter-locuteurs, se référant au résultat de la négociation interprofessionnelle, considèrentque le dialogue social européen en est à ses débuts. Le fait est que, depuis le lance-ment du « dialogue social de Val Duchesse » en 1985, nous sommes passés du stadede la simple discussion entre partenaires sociaux européens à la reconnaissanceexplicite de leur rôle dans le Traité et, qui plus est, à la reconnaissance de la pri-mauté des canaux de négociation sur les canaux législatifs. Cependant, la négocia-tion interprofessionnelle n’a abouti qu’à peu de résultats tangibles. Aujourd’hui,nous sommes encore loin d’un véritable traitement européen des relations indus-trielles : à ce jour, seules trois conventions collectives ont été conclues.

Pourtant, à la veille du Conseil européen de Laeken, les partenaires sociaux ont faitune déclaration dans laquelle ils exprimaient leur volonté de développer le dialoguesocial en établissant de concert un programme de travail pluriannuel, et se sontaccordés sur la nécessité de généraliser et d’améliorer la coordination de la consulta-tion tripartite sur les divers aspects de la stratégie de Lisbonne. En outre, le récentConseil européen de Barcelone a insisté pour que les partenaires sociaux mettentleurs stratégies au service des Objectifs et de la Stratégie de Lisbonne. À cette fin, ilssont invités à produire un rapport annuel sur leurs efforts, au niveau tant nationalqu’européen, et de le présenter lors du Sommet social qui, dorénavant, se tiendraavant chaque Conseil européen de printemps.

(34) Des négociations ont lieu sur une nouvelle Directive sur les conditions du travail des travailleursintérimaire, à la suite de l’échec des négociations entre partenaires sociaux européens.(35) Directives 2002/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 concernant lesprescripions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dusaux agents physiques (vibrations), Journal officiel n° L 177 du 06/07/2002.(36) Position commune (CE) n° 8/2002 du 29 octobre 2001 arrêtée par le Conseil, statuant confor-mément à la procédure visée à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, en vuede l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions mi-nimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agentsphysiques (bruit), Journal officiel n° C 045 E du 19/02/2002.

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Pour cette raison, l’UE a manifesté à plusieurs reprises sa volonté d’accorder desresponsabilités aux partenaires sociaux. Aujourd’hui, je pense qu’il est prudent dedire que les développements futurs dans cette matière devront être initiés principa-lement par les partenaires sociaux eux-mêmes. En premier lieu, c’est à eux de prou-ver qu’à leur tour, ils sont disposés et capables de devenir de véritables acteurs auniveau européen. Par ailleurs, certains arguments plaident en faveur d’un amende-ment du Traité visant à faciliter le dialogue social européen, comme je le suggéreraidans la Section 3.5.

3. ANCRER LA POLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE PAR LE BIAIS DE LA CON-VENTION EUROPEENNE ET DE LA CIG : SIX PROPOSITIONS

Dans la Partie 1 du présent article, j’ai examiné le rôle que l’UE devrait jouer dans ledomaine de la protection sociale, en partant de sa mission actuelle. En termes trèsgénéraux, je suis arrivé à la conclusion que l’Europe devait permettre aux Etatsmembres de développer des Etats sociaux actifs et doit encourager les investisse-ments sociaux intelligents, en indiquant les objectifs généraux. La mobilité trans-frontalière devrait créer des occasions supplémentaires pour des solutions socialesintelligentes, plutôt que de rendre les politiques sociales plus difficiles à soutenir.Dans la Partie 2, j’ai présenté l’agenda UE actuel en matière de protection sociale,qui a gagné en dynamisme depuis le Sommet de Lisbonne. Mon aperçu de la Partie2 sous-entend également que ce dynamisme dépend très nettement de la volontépolitique des gouvernements des États membres de réaliser des progrès. Par consé-quent, les acquis restent fragiles du point de vue politique et institutionnel. Deplus, les questions importantes (comme l’organisation en soi de la mobilité despatients) restent ouvertes, vu que le Traité manque d’un équilibre explicite entre lesprincipes du marché unique et les principes poursuivis par les Etats sociaux natio-naux. Par ailleurs, dans le domaine de la protection sociale, l’efficacité de la prisede décision peut être améliorée.

La Convention européenne et la prochaine CIG offrent l’occasion d’ancrer cetteapproche de la politique de la protection sociale dans l’architecture de l’UE et detrouver un équilibre neuf et explicite entre les principes du marché unique et lesprincipes poursuivis par les Etats sociaux nationaux. Six propositions doivent êtreprises en considération, qui visent à conférer à la protection sociale une place pro-pre dans l’architecture de l’UE. Même si je sais que la Convention peut mener à unconcept tout nouveau en vue d’un futur Traité de base, j’ai développé ces proposi-tions d’amendement du texte actuel du Traité pour concrétiser autant que possiblemes arguments.

3.1. INCLURE DANS LE TRAITE CONSTITUTIONNEL LA CHARTE DES DROITS FONDA-MENTAUXEn premier lieu, nous devrions introduire la Charte des Droits fondamentaux dans leTraité constitutionnel (de base). Je considère que cette intégration ne devrait pastrop prêter à controverse, primo, parce que les droits fondamentaux sont l’essence

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de toute constitution et, secundo, parce que le contenu du texte de la Charte faitl’objet d’un très large consensus. Même si les citoyens n’en retiraient pas des droitssusceptibles d’être invoqués et à effet immédiat, cette intégration rendrait les princi-pes sociaux horizontaux et, ce faisant, traduirait clairement l’engagement fonda-mental européen et la vision que nos citoyens ne sont pas de simples facteurs deproduction. Plus important encore, une telle insertion de la Charte impliquerait quechaque action prise par l’Union et chaque action envisagée par les Etats membresdans l’application du droit européen respectent la Charte.

3.2. INCLURE UNE DECLARATION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA POLITIQUEDE LA PROTECTION SOCIALE DANS LE TRAITEDans la Section 1.1, j’ai examiné l’érosion de l’autorité juridique des États membres,en soulignant le rôle de la Cour. En guise d’exemple, je me suis plus particulière-ment référé aux célèbres cas Kohll et Decker, qui ont eu un grand retentissement àtravers l’Europe parce que la Cour affirmait que la nature particulière des presta-tions et des biens médicaux ne les exonère pas du principe fondamental de laliberté de mouvement (37). Or, il serait sûrement simpliste de blâmer la Cour pourles problèmes auxquels nous sommes confrontés. En premier lieu, la Cour ne faitqu’appliquer les dispositions du Traité en prenant en compte les objectifs tels qu’ilsy sont identifiés, mais il va de soi qu’elle ne peut créer de politique en tant que telle.Ceci dit - et c’est mon second point -, il semble que la Cour a en fait développé unethéorie cohérente sur les droits sociaux, marquant les limites de l’intégration écono-mique européenne avec plus de netteté que la législation CE. Dans les affaires Kohllet Decker, par exemple, la Cour a pris en considération l’équilibre financier dusystème de sécurité sociale. Néanmoins, dans les affaires en question, l’équilibrepenchait en faveur de la libre circulation parce que la Cour a estimé que les presta-tions demandées – à savoir, le remboursement d’une paire de lunettes dans l’affaireDecker et le remboursement d’un traitement d’orthodontie dans l’affaire Kohll - n’é-taient pas de nature à exercer un impact significatif sur le financement des systèmesnationaux de sécurité sociale (38).

Les arrêts Kohll et Decker furent suivis en juillet 2001 des arrêts Smits-Peerbooms,qui ont clarifié davantage l’application du droit européen aux systèmes de soins desanté des Etats membres. Dans ces arrêts, la Cour a confirmé que tous les Etatsmembres doivent se soumettre au droit communautaire lorsqu’ils exercent leur pré-rogative d’organisation de leurs systèmes de sécurité sociale. La Cour a confirmépar ailleurs que les prestations médicales, y compris les services hospitaliers, relè-vent du champ d’application de l’Article 50 du Traité (la liberté de fournir des servi-ces au sein de la Communauté). Cependant, la nécessité de maintenir l’équilibrefinancier des systèmes de sécurité sociale et le maintien d’un service médical et hos-pitalier équilibré ouvert à tous peuvent justifier une restriction telle qu’elle existe

(37) Decker, para. 24; Kohll, para. 20.(38) Decker, para. 40; Kohll, para. 42.

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dans le système de l’autorisation préalable. Toutefois, la Cour a arrêté que, pourqu’un programme d’autorisation administrative préalable soit justifié, même s’ildéroge à une liberté fondamentale, il doit, en tout cas, se fonder sur des critèresobjectifs et non discriminatoires, connus à l’avance, de manière à limiter le pouvoirdiscrétionnaire des autorités nationales afin qu’il ne soit pas exercé arbitrairement(39).

Sans aucun doute, la Cour tente de soupeser les objectifs sociaux des systèmesnationaux lorsqu’elle décide de l’application des règles de marché, mais elle n’a pasla possibilité de tenir compte de toutes les conséquences – directes mais aussi, etsurtout, indirectes – possibles de ses décisions sans indications plus claires duTraité. De plus, nous ne pouvons être entièrement sûrs de la direction que pren-dront les futurs arrêts de la Cour.

C’est pourquoi je partage entièrement le point de vue d’Elias Mossialos selon lequelnous devons nous accorder au plus haut niveau politique sur une déclaration deprincipes fondamentaux qui intègre les valeurs et les objectifs des systèmes de santéeuropéens, sans toutefois réduire le degré d’autonomie actuel des Etats membresdans la conception et la réforme de leurs systèmes de soins de santé (40). Ces prin-cipes devraient figurer dans un futur Traité, équilibrant ainsi le marché intérieuravec les objectifs sociaux que poursuivent les systèmes de soins de santé des Etatsmembres.

(39) Mme Smits-Geraets cherchait à se faire rembourser par son fonds d’assurance néerlandais le trai-tement pour la maladie de Parkinson qui lui avait été dispensé en Allemagne. La demande de rem-boursement fut rejetée pour le motif que ce traitement spécifique à la maladie de Parkinson étaitdisponible auprès d’un dispensateur conventionné. La requérante faisait valoir l’argument que laqualité des soins cliniques offerts par la clinique allemande était supérieure à celle proposée auxPays-Bas. Dans un cas distinct, M. Peerbooms fut envoyé pour une thérapie de neurostimulationexpérimentale à Innsbruck, en Autriche, pour laquelle il n’aurait pas pu entrer en ligne de compteaux Pays-Bas qui actuellement réservent ce traitement à des patients âgés de moins de 25 ans. Aprèsle traitement en Autriche, M Peerbooms a recouvré une conscience totale. Toutefois, le rembourse-ment demandé fut refusé sur la base que les soins appropriés auraient pu être obtenus auprès d’undispensateur conventionné.En pratique, dans les affaires Smits-Peerbooms la CEJ a suivi l’opinion des autorités néerlandaises. LaCour a considéré que les conditions de la législation néerlandaise, selon lesquelles le patient doitbénéficier d’une autorisation, sont compatibles avec la loi UE dans la mesure où le critère de ‘norma-lité’ du traitement est rempli, a pour effet que l’autorisation ne peut être refusée pour cette raisonlorsqu’il apparaît que le traitement concerné a été suffisamment essayé et testé par les cercles scienti-fiques médicaux internationaux, et dans la mesure où l’autorisation peut être refusée sur la base del’absence de nécessité médicale uniquement si le même traitement ou un traitement également effi-cace peut être obtenu sans délai déraisonnable dans un établissement ayant un accord contractuelavec le fonds d’assurance de maladie de la personne assurée. Etant donné que la notion de ‘délaidéraisonnable’ n’a pas été entièrement définie, il y a lieu de noter que certains Etats membres où lesdélais d’attente sont très longs pour un certain nombre de conditions médicales peuvent éprouverdes difficultés à justifier un refus d’autorisation d’un traitement à l’étranger.(40) Une fois encore, je fais référence à E. Mossialos et. al., o.c.

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Néanmoins, nous ne devons pas confiner la portée de cet acte de rééquilibrage auxseuls soins de santé, mais l’élargir à toute la politique sociale. Afin d’être en mesured’exprimer clairement l’idée que la dimension sociale fait partie intégrante de l’U-nion, nous devons nous efforcer de renouveler la formulation des principes géné-raux de la Communauté européenne, tels qu’ils ont été définis dans les Articles 2 et3 du Traité. La meilleure manière de procéder serait d’amender, ou plutôt, de com-pléter, l’Article 3, § 2, qui porte sur la promotion de l’égalité entre hommes et fem-mes. Ce nouvel Article pourrait utilement intégrer l’acquis jurisprudentiel socialde la Cour. En pratique, le nouvel Article pourrait être formulé comme suit : « Danstoutes les activités auxquelles il est fait référence dans cet Article, la Communautéaura pour objectif d’éliminer les inégalités et de promouvoir l’égalité entre hommeset femmes et prendra en considération les besoins de protection sociale, particu-lièrement en vue de promouvoir une protection sociale accessible et financière-ment viable de haute qualité organisée sur la base de la solidarité. »

Proposition de texte

Inclure une disposition sur les principes fondamentaux de protection socia-le dans le Traité

L’Article 3, § 2, concernant l’égalité entre hommes et femmes (référence au Traitéd’Amsterdam) devrait être complété comme suit :

« Dans toutes les activités auxquelles il est fait référence dans cet Article, la Commu-nauté aura pour objectif d’éliminer les inégalités et de promouvoir l’égalité entrehommes et femmes et prendra en considération les besoins de protection sociale,particulièrement en vue de promouvoir une protection sociale accessible et finan-cièrement viable de haute qualité organisée sur la base de la solidarité. »

Pour que le texte soit cohérent, l’actuel Article 6 concernant la protection de l’envi-ronnement et la promotion du développement durable devrait devenir l’Article 3, § 3.

Toutes les actions entreprises par l’Union devraient alors se plier à ces principes etrépondre aux souhaits des États membres de préserver leur capacité de les mettre enœuvre via des services et des mesures de l’Etat social. Ces actions comprennent l’ap-plication et l’interprétation des règles du marché intérieur et de la concurrence parla Commission européenne, la Cour et par les Etats membres et, de façon plus géné-rale encore, l’élaboration des GOPE, des lignes directrices concernant l’Emploi, etc.

Un accord sur de tels principes généraux pourrait se fonder sur l’intelligence mutuel-le que nous développons en ce moment grâce à la méthode ouverte de coordination;il pourrait à son tour délimiter le cadre dans lequel les Etats membres continueront àaffiner, dans différents domaines, les détails de la méthode ouverte de coordination.

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

3.3. ANCRER LA METHODE OUVERTE DE COORDINATION EN MATIERE DE POLITIQUESOCIALE A L’ARCHITECTURE DE L’UELa coordination ouverte, telle qu’elle s’est développée à ce jour, présente une fai-blesse potentielle : en effet, ce type de collaboration intergouvernementale tend àdépendre étroitement de la constellation liée aux tendances politiques du moment.Puisque la méthode ouverte de coordination ne fait pas partie de l’acquis formel,nous devons imaginer des solutions qui préservent la validité de cet acquis douxaprès l’élargissement. L’acquis doux représente le résultat tangible de la voix desministres des Affaires sociales dans la prise de décision européenne et devrait êtreconsidéré comme un puissant soutien pour les politiques sociales des pays candi-dats. Sans aucun doute, les pays candidats seront heureux d’apprendre qu’en matiè-re de politique sociale, cette voix décline d’autres accents que ceux des organisa-tions internationales, comme le FMI et la Banque mondiale.

L’élargissement de l’UE à 25 Etats membres compliquera sûrement les processus de« peer review » et d’évaluation dans le cadre de la méthode ouverte de coordination.La faisabilité pratique exigera une simplification (peut-être aussi un ajustement de lafréquence) et éventuellement une intégration des divers processus. Je ne m’étendraipas sur ce point, mon propos étant ici la constitutionnalisation de la méthode ouvertede coordination dans les domaines de la protection sociale et de l’inclusion sociale.

Eu égard à l’ambition d’établir un nouveau Traité cohérent et transparent, il semblelogique de prôner, au sein de la Convention, l’inclusion de la méthode ouverte decoordination comme l’un des instruments généraux de l’Union. Cette intégrationpourrait se faire dans l’article du Traité constitutionnel projeté qui décrirait tous lesinstruments de l’Union. Cet article général fournirait une description des caractéris-tiques de base de la méthode ouverte de coordination. Un tel article « générique »pourrait même englober les processus de coordination politique déjà établis dansl’actuel Traité, par exemple le processus de l’emploi (Art. 128). L’application spéci-fique de la méthode ouverte de coordination à l’emploi pourrait ensuite êtreexposée plus en détail dans le chapitre du Traité consacré à l’emploi, l’applicationspécifique à la protection sociale et à l’inclusion sociale pourrait être développéedans les dispositions sociales du Traité, etc. Il convient de s’engager dans une telle« définition générique » avec toute la circonspection voulue étant donné les risquespolitiques y afférents : par exemple, proposer une description « ad minima » de toustypes de coordination au sein de l’UE pourrait porter préjudice à ce qui a déjà étéréalisé en matière de coordination dans le domaine de l’emploi.

La question de savoir si une telle définition générique de la coordination ouverte estindiquée ou non dans le nouveau Traité excède le cadre du présent article. Aussi, jene tiens pas à m’aventurer ici dans cet exercice horizontal, et je me contenterai deproposer une assise légale pour la coordination ouverte telle qu’elle s’applique spé-cifiquement à la protection sociale et à l’inclusion sociale. Cette base légale devrait

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

prendre appui sur le processus d’apprentissage dont nous faisons actuellement l’ex-périence et que j’ai donc développé dans la Partie 2, et devrait répondre aux critè-res suivants :

faire clairement comprendre que la coordination ouverte concerne deux matièresspécifiques dans le vaste champ de la politique sociale : la modernisation de la pro-tection sociale et la promotion de l’inclusion sociale (pour traduire notre volontéque la coordination ouverte ne remplace pas le « droit UE dur », dans les secteurs oùune approche de type « droit dur » est indiquée) ;

faire comprendre de manière non ambiguë que la coordination ouverte sur certai-nes matières ne dépendra pas de la bonne volonté politique, mais sera formuléecomme une obligation du Traité;

pourvoir la Commission d’un rôle actif, sans occulter le rôle positif de premierplan qu’a joué le Comité de la Protection sociale au cours de ces deux dernièresannées dans la constitution d’une identité politique commune des ministres desAffaires sociales ;

définir le rôle du Parlement européen et des partenaires sociaux ;prévoir la possibilité, et non l’obligation, de développer des lignes directrices (il

semble plus aisé, à ce stade, d’envisager le développement de lignes directrices con-cernant l’inclusion sociale que sur un domaine excessivement sensible tel que lespensions) ;

exiger l’incorporation des résultats du processus dans les GOPE (pour la facilité,j’utilise l’expression « Grandes orientations des politiques économiques », en meréférant au Traité tel qu’il existe aujourd’hui ; peut-être la Convention devra-t-elleopter pour un concept plus large, par exemple « Grandes orientations des politiqueséconomiques, de l’emploi et de la protection sociale ».

Puisque le Traité de Nice a instauré le Comité de la Protection sociale via l’Article144, je suggère d’intituler ce nouvel Article « 144bis » ; vu l’ambition de restructurerle Traité dans son ensemble, il ne s’agit ici, de toute évidence, que d’une questionde présentation.

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

Proposition de texte (Article « 144bis »)

Ancrer la méthode ouverte de coordination relative à la protection socialeet à l’inclusion sociale dans le Traité

Dans les domaines visés à l’Article 137, paragraphe 1, points (j) et (k), (*)

le Conseil,

sur la base des conclusions du Conseil européen,

statuant en vertu d’un consensus entre les Etats membres, sur proposition de laCommission qui prend en compte l’avis du Comité de la protection sociale, et aprèsconsultation du Parlement européen, des partenaires sociaux et du Comité de laprotection sociale,

- adopte des objectifs communs et des indicateurs communs,- élabore, le cas échéant, des lignes directrices dont les Etats membres tiennentcompte dans leurs politiques,

- adopte des rapports sur la mise en œuvre de ce processus de coopération.

Les résultats de ce processus seront incorporés dans les Grandes orientations despolitiques économiques.

(*) référence au Traité instituant la Communauté européenne tel qu’amendé par leTraité de Nice

Notons que la base légale proposée n’exclut pas une coopération entre le Comité dela protection sociale et, par exemple, le Comité de politique économique, commece fut le cas jusqu’à présent (avec succès) dans la coordination ouverte sur les pen-sions. En pratique, il suffit que le Conseil européen réclame cette coopération.

3.4. RENFORCER LES DISPOSITIONS SOCIALES DU TRAITEMa quatrième proposition se rapporte aux dispositions sociales du Traité, que l’ontrouve dans les Articles 136 et 137 (41). Les nouvelles formulations des dispositionssociales depuis Amsterdam nous autorisent à conclure que les objectifs sociaux del’Union sont acceptés comme étant indépendants, bien que la place centrale duprincipe de subsidiarité soit toujours en vigueur; en conséquence, la politiquesociale relève toujours et avant tout de la compétence des Etats membres, comme il

(41) Ex. Articles 117 et 118.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

se doit. À mes yeux, ces Articles ont un champ d’application suffisamment vaste.Toutefois, nous devons changer la procédure décisionnelle applicable aux disposi-tions sociales du Traité, dont certaines sont toujours régies au Conseil par la règle del’unanimité. Comme mentionné plus haut, la perspective de l’élargissement récla-me une généralisation du vote à la majorité qualifiée (VMQ), dans ce cadre égale-ment; en tout état de cause, il conviendrait d’appliquer le VMQ en tant que mini-mum minimorum à la coordination technique des systèmes de sécurité sociale(Règlement 1408/71 ; Art. 42 du Traité).

Je suis conscient que certains Etats membres (actuels et futurs) appréhendent le glis-sement vers un vote à la majorité qualifiée pour toutes les dispositions sociales et yvoient une tentative de les obliger à renoncer à leurs avantages concurrentiels entermes sociaux, qu’ils considèrent parfois comme une compensation à leurs désa-vantages géographiques et en matière de biens d’investissements. Je voudrais dissi-per cette crainte en mentionnant trois éléments. Le premier est substantiel : nousne devrions pas oublier que des preuves scientifiques cumulatives ont encore corro-boré, depuis la Présidence néerlandaise en 1992, que la protection sociale est unfacteur productif et non une entrave à la compétitivité. Mon deuxième argumentest institutionnel : même si nous sommes en mesure d’abandonner enfin la règle del’unanimité pour les décisions en matière de politique sociale à la prochaine CIG, ilest clair qu’une large coalition des pays candidats, éventuellement soutenus par unou deux Etats membres actuels, pourrait aisément, et justement, bloquer la prise dedécision dans ce domaine. Justement, en effet, puisque nous prendrions un mau-vais départ dans l’unification de l’Europe si l’Union en venait, dès le début, à forcerla main aux pays candidats. En fin de compte, je crois que nous pouvons adjoindreles conditions indispensables pour s’assurer qu’une telle extension du VMQ n’impo-se pas aux Etats membres de charges trop lourdes à supporter. Les conditions quiont déjà fait l’objet d’un accord sous l’Article 137 du Traité et qui font référence,entre autres, aux exigences minimales et aux contraintes administratives et finan-cières inutiles, peuvent servir de source d’inspiration (42).

3.5. FACILITER LE DIALOGUE SOCIAL EUROPEENVu la complexité du cadre légal, basé sur le Traité, dans lequel est mené le dialoguesocial au niveau européen, on peut arguer de la nécessité de sa simplification. Eneffet, dans certains cas, l’unanimité est requise pour « rendre obligatoires / exécu-ter » les dispositions résultant des négociations au sein du Conseil, alors que, dansd’autres cas, il suffit de la majorité qualifiée. La plupart du temps, différentesprocédures de vote s’appliquent à divers aspects d’un seul accord; de plus, il arriveassez fréquemment que les départements juridiques des institutions intéressées ne

(42) L’Article 137, § 2 du Traité de Nice mentionne explicitement “à l’exclusion de toute harmonisa-tion des dispositions législatives et réglementaires des États membres” et “par voie de directives, desprescriptions minimales applicables progressivement […]. Ces directives évitent d’imposer des con-traintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le déve-loppement de petites et moyennes entreprises”.

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

s’accordent pas sur les procédures décisionnelles appropriées. Par ailleurs, l’éten-due des sujets susceptibles de faire l’objet d’une négociation reste limitée dans leTraité et exclut des aspects importants tels que la rémunération. Ici, également,une grande part d’insécurité juridique naît de la question de savoir si certaines par-ties d’accords potentiels relèvent ou non des sujets à propos desquels une négocia-tion est autorisée.

Certains arguments poussent à donner la possibilité aux partenaires sociaux de déci-der eux-mêmes des sujets relatifs à l’emploi qu‘ils souhaitent négocier. Ou en d’au-tres termes : il faut supprimer les dispositions du Traité qui limitent l’étendue desnégociations). Ainsi, il serait possible de promouvoir le dialogue social européen endonnant force de loi à toutes les conventions collectives européennes par un VMQ.

Proposition de texte

Faciliter le dialogue social au niveau communautaire

L’Article 139 TCE concernant le dialogue social devrait être amendé comme suit :

« 1. Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau communautaire peut conduire,si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris desaccords.2. La mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient soitselon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux Etats mem-bres, soit, dans les matières relevant de l’Article 137, y compris le salaire, le droitd’association, le droit de grève, le droit d’imposer des lock-out, à la demande con-jointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Com-mission.Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf lorsque l’accord en question contientune ou plusieurs dispositions relatives à l’un des domaines visés à l’Article 137, para-graphe 3, auquel cas il statue à l’unanimité. »

3.6. RESPECTER LES ACCORDS ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX AU NIVEAU NATIONALET PRESERVER LES SERVICES D’INTERET GENERALLe point final avant ma conclusion concerne le dialogue social au niveau des Etatsmembres, directement affecté par les règles européennes de concurrence via deuxdispositions du Traité.

L’Article 81, paragraphe 1, du Traité « interdit les accords entre entreprises, les déci-sions d’associations d’entreprises et les pratiques concertées qui sont susceptiblesd’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effetd’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

marché commun » (43). Pendant longtemps, pour ce qui concerne l’application decet Article du Traité, un grand nombre d’incertitudes a accompagné le statut desaccords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux.Ces dernières années, la Cour a introduit des clarifications importantes, par exempledans l’affaire Albany (44), relative au système néerlandais d’affiliation obligatoire àun fonds sectoriel de pension. Dans ce cas célèbre, la Cour a, entre autres, arrêtéque « les objectifs de politique sociale poursuivis par de tels accords seraient toute-fois sérieusement compromis si les partenaires sociaux étaient soumis à l’Article81(1)CE dans la recherche en commun de mesures destinées à améliorer les condi-tions d’emploi et de travail » (45).

La Cour a suivi un raisonnement similaire en ce qui concerne l’Article 86, paragra-phe 2, du Traité, qui traite des entreprises chargées de la gestion de servicesd’intérêt économique général. De récents arrêts de la Cour ont donné une interpré-tation plutôt flexible au concept de « service d’intérêt économique général », quitraditionnellement couvrait toujours des services d’une nature purement économi-que. Ainsi, la Cour considère que les « entreprises » (p. ex. les fonds sectoriels depension) chargées d’une fonction sociale essentielle ou d’une mission sociale parti-culière d’intérêt général (p. ex. lorsqu’elles jouent un rôle majeur dans le systèmenational des pensions) doivent être considérées comme des « entreprises chargéesde la gestion de services d’intérêt économique général », ce qui peut donner lieu,conformément à l’Article 86(2) CE, à une dérogation aux règles de concurrence duTraité.

Compte tenu de cette jurisprudence de la Cour, il semble opportun d’insérer unenouvelle disposition dans l’Article 81(1) CE selon laquelle les accords conclus dansle contexte de négociations collectives entre partenaires sociaux poursuivant desobjectifs de politique sociale ne relèvent pas du champ d’application des disposi-tions du Traité concernant les entreprises. Il semblerait également approprié deréfléchir en vue du Traité sur l’interprétation flexible donnée par la Cour au con-cept de « service d’intérêt économique général ».

(43) Lenaerts, K., Le dialogue social en Europe, Working Paper pour la Convention européenne,2002, p 8.(44) CEJ, Albany, C-67/96, (1999) ECR 1-5863, par. 59.(45) Lenaerts, K., o.c., p. 9.

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

Proposition de texte

Dialogue social au niveau nationalRègles s’appliquant aux entreprises - services d’intérêt général

1. insérer à l’Article 81 CE la disposition suivante :

« Les accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenairessociaux en vue d’objectifs de politique sociale ne relèvent pas du champ d’appli-cation de l’Article 81(1) CE. »

2. modifier l’Article 86(2) CE dans le sens suivant :

« Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique ou inves-ties d’une mission sociale d’intérêt général ... »

Une proposition alternative serait d’adapter l’Article 86(2) CE comme suit :

« Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique ou social... »

Une autre solution consisterait à supprimer la référence à « économique ». L’Article86(2) CE se lirait alors comme suit :

« Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt général ... »

4. RESUME ET CONCLUSION

Mon étude du rôle que devrait jouer l’UE dans le domaine de la protection socialetrouve sa source dans une question empirique : quel rôle l’UE joue-t-elle à présentdans le développement de la protection sociale ? Les faits mènent à deux conclu-sions. En premier lieu, la part de contrôle que les Etats membres ont perdue sur lespolitiques sociales nationales en raison des pressions émanant de l’intégration desmarchés est plus importante que la part que l’UE a, de facto, gagnée en autoritétransférée, aussi substantielle que celle-ci puisse être. Dès lors, notre capacité deconduite de la politique sociale s’affaiblit.

Cette situation pose problème, étant donné que l’autonomie et l’autorité réduitesdes Etats membres, conjuguées à la faiblesse continue à développer des réponses auniveau de l’UE, pourraient restreindre tant la portée que les efforts en faveur d’inves-tissements sociaux innovateurs, pourtant nécessaires de toute part vu les défiscommuns créés par le vieillissement démographique. Le problème deviendra plus

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aigu encore avec l’élargissement de l’UE parce que l’unanimité requise au Conseilpour des domaines essentiels de la politique sociale est une règle qui risque de para-lyser le processus décisionnel et peut-être plus important encore - parce que l’élar-gissement augmentera fortement l’hétérogénéité économique, sociale, politico-cul-turelle et politico-institutionnelle parmi les États membres de l’UE.

En deuxième lieu, dans un contexte de mobilité accrue, non seulement des travail-leurs et du capital mais encore des organisations de prestations de services, des dis-pensateurs de soins et des patients, la constellation du Traité pourrait céder la prio-rité à deux trajectoires polarisées, comme le craignent Leibfried et Pierson. Certai-nes composantes de base de l’Etat social (redistribution, …) resteraient à l’abri de« l’intervention » européenne, dans la mesure où elles sont « purement » sociales ;mais plus ces fonctions sont assurées par des services basés sur le marché, plusl’Etat social se déplacerait, du point de vue des institutions de l’UE, vers la sphère de« l’action économique », se soumettant ainsi aux principes du marché unique et auxrègles du marché. Dans ce processus, l’Etat social pourrait graduellement être sub-mergé dans un marché européen unique de la « sécurité », c’est-à-dire un marchéunique pour la protection personnelle et les instruments d’assurance. Bien qu’il soitinjuste de blâmer « l’Europe » pour certaines des difficultés auxquelles sont con-frontés les stratèges en matière de politique sociale lorsqu’ils choisissent d’accorderdavantage de confiance aux mécanismes de marché ou de quasi-marché dans leurarsenal de dispositions sociales, le Traité ne donne pas de garanties solides contreun tel développement polarisé.

Toutefois, la réponse à ce problème ne réside pas dans un transfert additionnel decompétences nationales à l’UE et encore moins en l’harmonisation pour l’amour del’harmonisation. Bien que je souligne que le concept d’un « modèle socialeuropéen » n’est pas seulement rationnel mais qu’il doit être défini au moyen d’ob-jectifs communs, je pense également que la diversité nationale en matière de systè-mes de protection sociale ne peut être traitée comme si elle était illégitime. Au con-traire, la diversité fait elle-même partie de la structure légitimante de convictions etde pratiques supportant le cadre politique européen multiniveaux. Bien que lalégislation de l’UE ait un rôle propre à jouer dans le domaine social, la politique dela protection sociale est et devrait essentiellement rester la responsabilité des com-munes, des régions et des Etats-nations. Néanmoins, l’Europe devrait permettre auxEtats membres de développer des Etats sociaux actifs et doit encourager les investis-sements sociaux intelligents en indiquant les objectifs généraux lorsque sont con-cernés tant l’emploi que la protection sociale. Par ailleurs, la mobilité transfrontaliè-re devrait créer de nouvelles possibilités de solutions sociales intelligentes, plutôtque de rendre les politiques sociales plus difficiles à soutenir.

J’espère avoir démontré dans la seconde partie du présent article que la politique dela protection sociale – conçue de cette façon – a gagné en dynamisme grâce au Som-met de Lisbonne. Néanmoins, ces progrès restent fragiles du point de vue politiqueet institutionnel. De plus, les questions majeures (par exemple, l’organisation adé-

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L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONS POUR LA CONVENTION EUROPEENNE

quate de la mobilité des patients) restent ouvertes, parce que le Traité ne présentepas d’équilibre explicite entre les principes du marché unique et les principes quepoursuivent les Etats sociaux nationaux. En outre, l’efficacité du processus déci-sionnel dans le domaine de la protection sociale peut être améliorée. À cette fin, jetable sur six propositions :

Premièrement, nous devrions inclure la Charte des Droits fondamentaux dans leTraité constitutionnel.

Deuxièmement, afin de pouvoir exprimer clairement l’idée selon laquelle ladimension sociale fait partie intégrante de l’Union, il est crucial de reformuler lesprincipes généraux de la Communauté européenne, tels qu’ils figurent aux Arti-cles 2 et 3 du Traité, et d’ancrer dans le nouveau Traité un engagement envers laprotection sociale. Étant donné que ce principe serait de nature « horizontale », tou-tes les actions entreprises par l’Union devraient en tenir compte.

Troisièmement, nous avons besoin d’une base légale pour la méthode ouvertede coordination, telle qu’elle doit être appliquée au domaine de la protection etde l’inclusion sociale. Elle devrait garantir le transfert des résultats de la méthodeouverte de coordination relative au domaine social vers la coordination des politi-ques économique et budgétaire au niveau des Grandes orientations des politiqueséconomiques.

Quatrièmement, l’élargissement exige que nous augmentions l’efficacité déci-sionnelle quant aux dispositions sociales du Traité. Le VMQ devrait sûrements’appliquer, en guise de minimum minimorum, à la coordination technique dessystèmes de sécurité sociale.

Cinquièmement, les partenaires sociaux devraient avoir la possibilité de décidereux-mêmes des questions relatives à l’emploi qu’ils souhaitent négocier. Tous lesaccords collectifs devraient être déclarés juridiquement contraignants par le VMQ.

Enfin, il semble opportun d’introduire une nouvelle disposition prévoyant que lesaccords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenairessociaux en vue d’objectifs de politique sociale ne relèvent pas du champ d’appli-cation des règles du Traité s’appliquant aux entreprises. Il semblerait tout aussiapproprié de réfléchir à l’interprétation flexible, par la Cour du concept de « serviced’intérêt économique général » dans le Traité.

__________

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

TABLE DES MATIERES

L’UNION EUROPEENNE ET LA PROTECTION SOCIALE : PROPOSITIONSPOUR LA CONVENTION EUROPEENNE

INTRODUCTION 835

1. QUEL ROLE DEVRAIT JOUER L’UE DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA POLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE ? 836

1.1. EROSION DE L’AUTORITE LEGALE A LA SUITE DES EXIGENCES DE COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 836

1.2. DIMINUTION DE L’AUTONOMIE DUE AUX PRESSIONS DE FAIT SUR LES ETATS SOCIAUX 8401.3. OBJECTIFS COMMUNS ET DIVERSITE LEGITIME . . . . . . . . . . . . . . . . 842

2. LE DEFI DE L’APRES-LISBONNE : CONVERSION DES PRINCIPES DANS LAPRATIQUE 843

2.1. LA METHODE OUVERTE DE COORDINATION : INTRUMENT CREATIF . . . . . . . 8452.2. COMBATTRE LA PAUVRETE ET PROMOUVOIR L’INCLUSION SOCIALE. . . . . . . . 8492.3. PENSIONS : UN ENJEU SOCIAL ASSORTI DE CONTRAINTES FINANCIERES. . . . . . 8502.4. PROTECTION SOCIALE POUR LES CITOYENS MIGRANTS : SIMPLIFIER ET AMELIORER LA

COORDINATION EUROPEENNE DES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE . . . . . . . 8522.5. COORDINATION OUVERTE EN MATIERE DE SOINS DE SANTE ET DE SOINS AUX

PERSONNES AGEES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8542.6. L’AGENDA LEGISLATIF : SE CONCENTRER SUR LA REALISATION. . . . . . . . . . 8552.7. DIALOGUE SOCIAL EUROPEEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 856

3. ANCRER LA POLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE PAR LE BIAIS DE LA CONVENTION EUROPEENNE ET DE LA CIG : SIX PROPOSITIONS 857

3.1. INCLURE DANS LE TRAITE CONSTITUTIONNEL LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 857

3.2. INCLURE UNE DECLARATION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA POLITIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE DANS LE TRAITE . . . . . . . . . . . . . . . . 858

3.3. ANCRER LA METHODE OUVERTE DE COORDINATION EN MATIERE DE POLITIQUE SOCIALE A L’ARCHITECTURE DE L’UE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 861

3.4. RENFORCER LES DISPOSITIONS SOCIALES DU TRAITE. . . . . . . . . . . . . . 8633.5. FACILITER LE DIALOGUE SOCIAL EUROPEEN . . . . . . . . . . . . . . . . . 8643.6. RESPECTER LES ACCORDS ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX AU NIVEAU NATIONAL ET

PRESERVER LES SERVICES D’INTERET GENERAL . . . . . . . . . . . . . . . . 865

4. RESUME ET CONCLUSION 867

870

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MOBILITE DES PATIENTS ET REPONSESPOLITIQUES DE L’UE (1)

PAR RITA BAETEN

Chercheuse, Observatoire social européen, Bruxelles

1. INTRODUCTION

La couverture de l’hebdomadaire anglophone « The Bulletin » du 18 octobre 2001avait pour manchette : « la Belgique : supermarché de la chirurgie, principale desti-nation des réfugiés de la santé ». L’introduction de l’article signalait : « Attirés par lesservices médicaux belges relativement bon marché, efficaces et rapides, lesEuropéens – particulièrement les Britanniques – viennent se faire opérer ici pardizaines ». Dans les journaux flamands, on pouvait lire en avril de cette année com-ment l’assureur de soins de santé néerlandais CZ avait conclu des contrats avec cer-tains médecins généralistes et hôpitaux belges pour faire traiter ses patients. L’in-demnisation s’effectue sur la base des tarifs néerlandais. Les éditoriaux mettaient engarde contre une médecine de classe (2).

Que se passe-t-il ? Pourquoi cet engouement des patients et des financiers des soinsétrangers pour nos infrastructures de soins ? Pourquoi cet intérêt de nos établisse-ments de soins de la part de ces patients étrangers ? Quelle est l’ampleur du phé-nomène et, dans ce contexte, la Belgique constitue-t-elle un cas isolé ? Que savons-nous des évolutions et quelles sont les conséquences, avantages et risqueséventuels ? Comment cette histoire se situe-t-elle dans un environnementeuropéen ? Telles sont les questions auxquelles cet article tente de répondre.

2. PATIENTS ETRANGERS DANS DES ETABLISSEMENTS DE SOINS BELGES : TOILE DEFOND ET MOTIFS

Les systèmes publics européens de soins de santé se basent principalement sur leprincipe de la territorialité : des autorités nationales définissent l’ensemble des soinsà financer et les frontières nationales équivalent aux limites de validité des droits etdes soins de santé dispensés et remboursés.Des règles ont été élaborées au plan européen, communément appelée « Règlementde coordination ». Ces règles doivent garantir que les citoyens européens, lorsqu’ilsse déplacent au sein de l’Union européenne, conservent leurs droits à des traite-

(1) Avec mes remerciements à Willy Palm, Bart Vanhercke et Chris De Laet pour leurs réactions con-structives à cet article.(2) Het Nieuwsblad, De Gentenaar et Het Volk du 12 avril 2002.

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ments médicaux. Ce Règlement (3) détermine l’accessibilité et le financement dessoins pour les personnes qui sont domiciliées ou qui résident temporairement dansun autre pays que dans l’Etat où s’applique leur droit à des soins médicaux (4).

Ce Règlement assure l’accès à des soins médicaux à quiconque circule en Europepar-delà ses frontières nationales, en gardant toutefois globalement intact le principede la territorialité. Au cours d’un bref séjour à l’étranger, on a, en principe, uni-quement droit à des soins médicaux urgents. Que quelqu’un se fasse soigner à l’étranger pour des soins non urgents ou programmés, pour le compte de l’institu-tion de financement à laquelle il est affilié, n’est admis qu’à certaines conditionsstrictes. L’institution de financement doit pour cela avoir accordé son consentementpréalable et les soins sont dispensés sur la base des tarifs et des conditions de rem-boursement en vigueur dans le régime légal de l’Etat membre dans lequel sont dis-pensés les soins. C’était du moins la situation qui prévalait jusqu’en 1998 et ellerécoltait d’ailleurs un large consensus chez les Etats membres.

Le 28 avril 1998, la Cour européenne de Justice prononça les célèbres arrêts Kohllet Decker (5). Dans ces arrêts, la Cour a assimilé la dispense de soins médicaux àdes prestations de services au sens du Traité et a déclaré que s’y appliquaient lesrègles communautaires relatives à la libre prestation de services. Les arrêts ouvraientla possibilité de se rendre directement à l’étranger pour y recevoir des soins, sansavoir demandé préalablement l’autorisation de l’institution à laquelle est affilié lepatient. Celui-ci doit payer la totalité du prix sur place et demander ultérieurementle remboursement des soins à son institution de financement au tarif applicable dansle pays d’affiliation. Ces arrêts ont cependant laissé beaucoup de questions ouvertesquant à leur portée.

Le 12 juillet 2001, la Cour a quelque peu précisé ses intentions en se prononçantdans deux nouveaux arrêts (6). Le point le plus important se résume comme suit : laCour déclare applicables les règles communautaires relatives à la libre prestation

(3) Version consolidée : Règlement (CE) n° 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996 modifiant et révi-sant le Règlement (CEE) n° 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travail-leurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intéri-eur de la Communauté et Règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d’application du Règle-ment (CEE) n° 1408/71, JO L 28, 30 janvier 1997.(4) Ce Règlement a déjà fait à plusieurs reprises l’objet de commentaires dans des articles parus dansla présente Revue : Lewalle H. et Palm W., “Quel est l’impact de la jurisprudence européenne surl’accès aux soins à l’intérieur de l’Union européenne ?”, Revue belge de sécurité sociale, 2ème trime-stre 2001, pp. 435-453 ; Baeten R., “La politique des soins de santé a-t-elle une place dans l’agendaeuropéen ?”, Revue Belge de Sécurité Sociale, 3ème trimestre 2000, pp. 831-853 ; Schulte B., “Droitsocial européen”, Revue belge de sécurité sociale, 4ème trimestre 2001, pp. 661-705.(5) Cour de Justice, Affaires jointes C-120/95 et C 158/96, N. Decker contre Caisse de Maladie desEmployés et R. Kohll contre Union des Caisses de Maladie, Arrêts de la Cour, 28 avril 1998. Cesarrêts ont également été commentés à plusieurs reprises dans la présente Revue : Lewalle H. et PalmW. ; op.cit.; et Schulte B., op.cit.(6) Cour de Justice, Affaire C-157/99, B.S.M. Smits, épouse Geraets contre Stichting Ziekenfonds etH.T.M. Peerbooms contre Stichting CZ Groep Zorgverzekeringen ; Cour de Justice, Affaire C-368/98,Abdon Vanbraekel e. a. contre Landsbond der christelijke mutualiteiten (LCM), Arrêts de la Cour,12 juillet 2001.

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de services tant pour les soins ambulatoires que pour les soins hospitaliers et aussibien pour les soins dispensés dans des régimes de soins basés sur leur rembourse-ment que dans des systèmes qui dispensent des soins en nature. Toutefois, la Courreconnaît, que dans certaines circonstances, un frein à cette liberté de circulationpeut être justifié, par exemple en exigeant une autorisation préalable. Ceci peuts’avérer nécessaire dans un système opérant sur la base de contrats avec des dispen-sateurs de soins - comme aux Pays-Bas, sur lequel portait d’ailleurs l’arrêt -, pourgarantir l’équilibre financier de la sécurité sociale ou le maintien d’une offre étendueen dispositifs hospitaliers accessibles à tous. Ces limitations doivent être basées surdes critères objectifs et ne peuvent entraîner aucune discrimination vis-à-vis des dis-pensateurs de soins étrangers. Dans le cas du système néerlandais, ceci signifie quel’accord ne peut être refusé que si le patient peut obtenir des soins identiques ou demême valeur dans un délai raisonnable dans une institution avec laquelle lamutualité concerné a signé un contrat.

La Cour se prononce sur la base de dossiers spécifiques qui lui sont soumis. Les prin-cipes étayant les prononcés doivent cependant être appliqués dans tous les Etatsmembres, lesquels doivent eux-mêmes examiner comment les mettre en pratiquechez eux. Après les premiers arrêts, Kohll et Decker, une grande inquiétude étaitnée dans les Etats membres, mais peu d’entre eux ont adapté leur régime auxarrêts (7). Les pays qui dispensent des soins en nature ont estimé qu’ils n’étaient pasconcernés par ces prononcés. Toutefois, les arrêts de juillet 2001 ont fait clairemententendre que les principes s’appliquent également à ces régimes et que ces Etatsmembres doivent également chercher à traduire les principes découlant des pro-noncés dans leurs systèmes.

Parallèlement à ces développements juridiques, une évolution importante s’estproduite dans les régimes de soins d’un certain nombre d’Etats membres. Des me-sures de maîtrise des dépenses de soins de santé, une régulation stricte de l’offre, lamise à disposition de budgets fermés pour les infrastructures de soins et une politi-que des revenus restrictive pour les dispensateurs de soins ont donné naissancedans certains pays à de longues périodes d’attente pour les soins. Chez nosvoisins néerlandais et britanniques, les listes d’attente sont ressenties comme un réelproblème (8). Les hôpitaux néerlandais ont de longues listes d’attente dans les

(7) Seuls le Luxembourg, auquel s’appliquait le prononcé, et la Belgique, qui possède un système desoins possédant les mêmes caractéristiques que le luxembourgeois, ont adapté leurs procédures pourles soins ambulatoires aux dispositions des arrêts. Par ailleurs, le Danemark, la Finlande et la Grèceon reconnu une applicabilité partielle et limitée de la procédure à leur système. Voir à ce sujet : PalmW., Nickless J., Lewalle H. et Coheur A., Implications of recent jurisprucence on the co-ordinationof health care protection systems, rapport général, produit pour la Commission européenne, Direc-tion générale pour l’Emploi et les Affaires sociales, Bruxelles, AIM, 2000. (8) Certaines études ont démontré que les listes d’attente pour des soins sont plus importantes dansles pays ayant une densité moindre de spécialistes, dans les pays où les médecins sont soit rémunéréspar abonnement soit sont salariés, et dans les pays où le patient n’a pas un libre accès au spécialiste,voir : Post D. et Stockx L. J., Volksgezondheid Toekomst Verkenning, 1997, VI Zorgbehoefte enzorggebruik, Utrecht, Bilthoven, RIVM, ELSEVIER/ De Tijdstroom, 1997.

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secteurs de l’ophtalmologie, de l’orthopédie, de la chirurgie et de la chirurgie plasti-que (9). De plus en plus de patients cherchent à souscrire des assurances privéespour se faire soigner dans un circuit parallèle (principalement au Royaume-Uni) ouse rendent à l’étranger pour recevoir des soins, parfois payés par une assuranceprivée, mais souvent à leurs propres frais.

Dans ces pays, les autorités sont fortement pressées de remédier à la situation. Tantaux Pays-Bas qu’au Royaume-Uni, les listes d’attente dans le secteur des soins consti-tuaient une question brûlante lors des dernières élections. De nouveaux plans straté-giques furent déployés pour réduire ces listes et les moyens financiers injectés dansle secteur des soins ont été drastiquement augmentés (10).

L’investissement de moyens supplémentaires en matière de santé ne peut toutefoisproduire des effets qu’à terme. Attirer des praticiens supplémentaires ou débutantsdans ce secteur constitue un processus lent (formation, recrutement) dont le succèsdépend des rémunérations et des conditions de travail proposées. Par ailleurs, lacréation (construction) d’infrastructures supplémentaires exige aussi du temps. Dèslors, les autorités de ces pays sont à la recherche de mesures susceptibles d’aider àrésorber le problème des listes d’attente à court terme. Ainsi, elles tentent d’attirerde l’étranger des dispensateurs de soins et même parfois des équipes médicales etparamédicales complètes et concluent des contrats avec des circuits de soins privéset commerciaux. Une autre possibilité réside dans la conclusion de contrats avecdes infrastructures à l’étranger en vue de faire soigner les patients.

Les arrêts Kohll et Decker et suivants, favorisent ce processus. Ils obligent les paysqui ne sont pas en mesure de dispenser dans un délai raisonnable les soins nécessai-res – repris dans la nomenclature des soins du pays concerné - à rembourser les trai-tements de patients qui sont allés chercher cette prestation de services dans unautre pays.

Les Etats membres et les assureurs de soins de santé doivent ouvrir en principe sansdiscrimination leur système contractuel pour la dispense de soins aux dispensateurset établissements de soins étrangers. En concluant directement des contrats avecdes institutions à l’étranger, les financiers du secteur des soins (mutuelles ou auto-rités) sont à même de conserver un plus grand contrôle sur le coût, le contenu et laqualité des prestations de soins. L’institution étrangère est intégrée dans l’offrepropre (11). C’est pour cette raison que les pays qui connaissent des listes d’attentepréfèrent cette piste au remboursement des soins aux patients inscrits sur des listesd’attente qui ont été de leur propre initiative chercher de l’aide à l’étranger.

(9) RIVM, Nationaal Kompas Gezondheidszorg (http://www.rivm.nl/nationaalkompas/).(10) Pour les Pays-Bas : Deuxième Chambre, Brief minister en staatssecretaris met het ActieplanZorg Verzekerd, zoals toegezegd tijdens de Algemene Politieke Beschouwingen. La Haye : sessionsde l’année 2000-2001, 2000g; 27488, n° 1 (). Pour le Royaume-Uni : The NHS Plan, 2000.(11) Voir entre autres Lewalle H. et Palm W., op. cit.

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Une certaine confusion règne encore cependant quant à savoir précisément cequ’est, selon les arrêts, une période raisonnable au cours de laquelle les Etats mem-bres doivent pouvoir garantir des soins et dans quelle mesure cela s’applique aux lis-tes d’attente. L’un des prochains arrêts, l’arrêt Van Riet, apportera, nous l’espérons,plus de clarté dans ce domaine (12).

Au Royaume-Uni, les sections locales du National Health Service (NHS) ont reçu lapossibilité de faire soigner des patients à l’étranger. Au cours d’une phase expéri-mentale, des contrats ont été conclus pour des pathologies spécifiques entre troisautorités locales du Sud du Royaume-Uni et des hôpitaux en Allemagne et en Fran-ce. De janvier à avril 2002, 200 patients ont été traités à l’étranger (13). On estimeque la moitié des patients sur les listes d’attente dans cette région du Sud serait dis-posée à se faire soigner à l’étranger (14). Dans “Delivering the NHS Plan - next stepson investment, next steps on reform”, publié par le NHS en avril 2002, le gouverne-ment britannique indique clairement qu’un plus grand rôle sera dévolu à la pluralitédes dispensateurs de soins de santé, y compris des dispensateurs du continent, envue de fournir des soins aux patients NHS et de résorber les listes d’attente. Ce fai-sant, on préfère formellement encourager des équipes médicales étrangères à venirs’installer au Royaume-Uni. Cependant, toutes les options restent ouvertes. Despourparlers sont engagés avec des établissements de soins d’autres pays de l’UE.

Aux Pays-Bas, les assureurs soins de santé sont rendus responsables de l’acquisition(achat) de suffisamment de soins, le cas échéant à l’étranger, et disposent d’une plusgrande liberté quant à la conclusion de contrats. Le système des soins y sera plusaxé sur la demande que sur l’offre.

Le marché belge des soins possède le profil approprié pour répondre à cette deman-de supplétive de soins de l’étranger. Notre pays se situe, avec la France et le Luxem-bourg, dans le groupe de pays où le financement des soins de santé est intégré à lasécurité sociale et où les soins sont remboursés à la prestation. En comparaison avecla plupart des autres Etats européens, nous disposons d’une très grande offre d’in-frastructures de soins, continuellement en expansion (15). Du fait de la baisse de ladurée moyenne des hospitalisations, certains établissements de soins sont con-frontés à une sous-occupation structurelle. Etant donné que ces hôpitaux doivent detoute façon continuer à payer des frais fixes, ils sont susceptibles de connaître desproblèmes financiers. La Belgique ne connaît pas le phénomène des listes d’attenteet la concurrence entre hôpitaux pour s’attirer les patients est grande. De plus,notre offre d’hôpitaux n’est pas structurée de manière hiérarchique et il n’existepratiquement pas d’arrangements sur une éventuelle répartition des tâches engtrehôpitaux. Le positionnement d’un hôpital sur le marché détermine en majeure partieles services qu’il offre. Certains hôpitaux en périphérie, plus modestes, ont consenti

(12) Affaire C-385/99, Müller-Frau et Van Riet.(13) “Treatment overseas”, Primary Care, an edition of NHS Magazin, 5 juillet 2002(http://www.nhs.uk/nhsmagazine/ primarycare/feature3b.asp).(14) Extrait des documents préparatoires à la réunion d’experts à Minorque, organisée par la pré-sidence espagnole de l’Union européenne au cours du premier semestre de 2002.(15) OCDE Eco-santé 2002. et Peers J., Gezondheidszorg in België : uitdagingen enopportuniteiten, 1999.

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de lourds investissements en personnel et appareillages afin de pouvoir participer àce marché concurrentiel. Aussi, dans de telles circonstances, le fait d’attirer despatients étrangers peut être un moyen d’assurer la viabilité financière de l’hôpital.Pour les hôpitaux plus grands, attirer des patients étrangers peut signifier des reven-us complémentaires, mais aussi constituer une opportunité pour continuer à se spé-cialiser, et pour acquérir un instrumentaire onéreux et engager, voire garder, decoûteux spécialistes renommés. Les patients étrangers supplémentaires rendent pos-sible de rentabiliser ces investissements. En attirant des patients étrangers pour despathologies spécifiques, les hôpitaux peuvent en outre atteindre un seuil d’activitécritique et acquérir et entretenir l’expérience nécessaire. Par ailleurs, si les soins dis-pensés à ces patients ne se font pas aux tarifs en vigueur en Belgique, mais sur labase de prix convenus au cours de négociations avec les financiers étrangers, il peuten résulter des conditions avantageuses pour les hôpitaux et les médecins en Belgi-que (16). Faire venir des patients nantis disposant d’assurances privées peut s’avérerlucratif pour les établissements et les dispensateurs de soins (17). Recruter uneclientèle étrangère peut donc être source d’un grand nombre d’avantages pour leshôpitaux belges. Selon un article paru dans le journal De Morgen, 25 hôpitaux bel-ges se sont présentés dans une brochure du service de santé britannique pouraccueillir et traiter des patients britanniques (18). Par ailleurs, les tarifs hospitaliersen Belgique relativement modiques (19) ne reflètent pas toujours le coût réel.

3. CONSEQUENCES EVENTUELLES SUR LE SECTEUR DES SOINS DE SANTE

Que signifient des lors ces évolutions pour le secteur des soins de santé en Belgique?Plusieurs analyses nous laissent présumer que les patients qui cherchent, de leurpropre initiative, à se faire soigner à l’étranger constituent et constitueront à l’avenirun phénomène limité, qui se présentera principalement dans les régions frontalières

(16) Dans l’arrêt Ferlini (Cour européenne de Justice, Affaire C-411/98 entre A. Ferlini et Centre hos-pitalier de Luxembourg, 3 octobre 2000), la Cour déclare que rien ne justifie l’application de tarifsdifférents pour des soins médicaux (dans ce cas précis, pour un accouchement) entre des individusaffiliés au système de sécurité sociale national et des fonctionnaires des Communautés européennes,à défaut d’une justification objective, puisque ceci implique une discrimination interdite sur la basede la nationalité. Sur la base de cette affaire, il n’est dès lors, en principe, pas permis d’appliquer des« tarifs lucratifs », ou des tarifs spécifiques pour des patients étrangers. Les rapports entre cet arrêt etles arrêts Kohll et Decker, où devraient être appliqués les tarifs de l’institution de financement dupatient étranger ne sont cependant pas clairs.(17) Pour les motifs des hôpitaux, voir e.a. : Van Thillo, J. et Pouders E. Internationalisering in degezondheidszorg. Hoe kan Uw ziekenhuis zich openstellen? Een bedrijfseconomische analysenaar aanleiding van de arresten Decker-Kohll, Anvers, Pricewaterhouse-Coopers, 15 janvier 1999.(18) De Morgen du 2 février 2002.(19) Selon The Economist du 1er septembre 2001, pour une opération de placement d’une prothè-se, dans le privé, les prix vont de 5.000 £ en Belgique à 5.500 £ en Allemagne et montent jusqu’à6.750 £ au R-U. Voir également : Starmans B., Leidl R. et Rhodes G., “A comparative study on cross-border care in the Euregio Meuse-Rhine”, European Jounal of Public Health, 1997, N° 7 (suppl. 3),pp.33-41.

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et pour des affections spécifiques graves (20). La faible superficie de la Belgique, legrand nombre de frontières par rapport à sa surface, font que, toutes proportionsgardées, il existe beaucoup d’établissements de soins de l’autre côté de la frontière àproximité des assurés belges et vice-versa. C’est pourquoi en Belgique le flux despatients qui, de leur propre chef, traversent la frontière pour consommer des soinsest plus important, bien que limité, que dans les autres Etats européens. Les soinstransfrontaliers sur la base du règlement européen de coordination ont représentéen 2000 2,25 % du budget total de l’INAMI (20a). Un certain nombre d’initiativesdans les zones frontalières visent à assouplir l’accès aux soins transfrontaliers pourles habitants des régions frontalières des deux côtés de la frontière, sur la base duRèglement européen de coordination (21).

La situation devient cependant tout autre lorsque des financiers de soins étrangers(publics et privés) concluent unilatéralement des contrats avec les établissements desoins belges pour faire soigner en Belgique des patients de manière systématique etorganisée. Il s’agit ici d’une évolution récente, souvent encore au stade de discus-sions exploratoires et de négociations. Les données chiffrées sur ces développe-ments sont rares et ne sont pas toujours fiables, comparables et univoques.

Il ressort d’une enquête récente du ministère de la Santé publique belge auprès deshôpitaux belges que, près d’1,7 % des admissions dans les hôpitaux belges au coursdu deuxième semestre de 2001 concernaient des patients non belges, habitant dansun autre pays de l’UE. Le mode de financement des soins accordés à ces patients n’apas été spécifié dans l’enquête. Une importante partie de ces admissions portait surdes urgences au cours d’un séjour temporaire en Belgique. Plus de la moitié despatients sont des Néerlandais admis dans des hôpitaux en Flandre. Cette enquêteindique également que la présence des patients néerlandais dans les hôpitaux belgesaugmente. Cette augmentation a surtout lieu en Flandre et à Bruxelles (22).

L’assureur soins de santé néerlandais CZ, qui compte parmi ses membres d’assurésparticuliers et d’assurés mutualisés aurait d’août 2001 à mai 2002 il a dirigé près de1.300 affiliés vers deux hôpitaux flamands pour y suivre un traitement programmé,sur la base d’un contrat direct avec ces établissements, donc indépendammentdu Règlement de coordination (23). Ce chiffre est à placer en regard des

(20a) Réponse du Ministre Vandenbroucke à la question parlementaire 2-764 de la Sénatrice ErikaThijs. Sont compris dans ces chiffres, les soins dispensés pendant des séjours temporaires ou de lon-gues durée à l’étranger.(20) Voir entre autres Hermesse J., “L’ouverture des frontières aux patients. Quelles conséquenceséconomiques?”, Soins sans frontières dans l’Union Européenne?, Symposium International, Luxem-bourg, A.I.M., 1999 ; Palm, W. et al., 2000, op cit.; Brouwer, W.B.F. Het Nederlandse gezondheids-zorgstelsel in Europa, een economische verkenning, RVZ, Zoetermeer, 1999.(21) Pour un aperçu, voir : Baeten R., De gevolgen van de Europese eenmaking voor de organisatieen de verstrekking van de gezondheidszorgen in België, patiëntenmobiliteit en grensoverschrij-dende zorg, Bruxelles, OSE, novembre 2000.(22) Ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement, European foreignpatients in the Belgian hopitals: A survey of the Belgian Ministry of Public Health form 1/7/01 to31/3/02, juin 2002.(23) Information orale.

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2.849 admissions en Flandre de patients domiciliés aux Pays-Bas, figurant dans lerapport du ministère dans 39 hôpitaux au cours de la période de juillet à décembre2001 et des 1.145 admissions de patients en provenance des Pays-Bas signalés dansle courant des trois premiers mois de 2002 dans 29 hôpitaux. Les patients néerland-ais sont donc très probablement concentrés actuellement dans quelques hôpitauxflamands. Cet assureur a également négocié des contrats similaires avec d’autreshôpitaux et d’autres assureurs néerlandais prennent des initiatives semblables. LeNHS britannique mène également des négociations avec certains établissements desoins belges. Tout semble dès lors indiquer que nous nous trouvons ici au débutd’un nouveau processus.

Quant au contenu de ces contrats, aux tarifs qui sont portés en compte, au mode depaiement, etc., nous ne disposons actuellement de quasiment aucune donnée. Si lesfinanciers des soins de santé étrangers (privés ou publics) concluent des contratsavec des établissements de soins belges, en dehors du cadre du Règlementeuropéen de coordination, sans qu’y soient impliquées les autorités concernées, lesrisques suivants sont à craindre :

Durées d’attente plus longues ?Dans la mesure où il est question d’une surcapacité des dispositifs et des dispensa-teurs de soins dans les hôpitaux belges, les patients étrangers sont susceptibles d’al-léger la pression financière sur ces derniers. Dans la récente enquête du ministèrede la Santé publique, mentionnée ci-dessus, les hôpitaux ont déclaré avoir suffisam-ment de capacités pour admettre les patients étrangers. Il est toutefois important desurveiller cette situation. Les hôpitaux ne reconnaîtront pas facilement qu’ils admet-tent des patients étrangers, mais que leur capacité pour ce faire est insuffisante.Ceci signifierait qu’ils avouent accorder la priorité aux patients étrangers. La vigilan-ce est de mise surtout si les hôpitaux concluent des contrats avec des financiersétrangers pour des pathologies spécifiques ou des contrats par lesquels ils s’enga-gent à réserver une capacité déterminée exclusivement aux patients étrangers. Parailleurs, l’hypothèse selon laquelle des patients néerlandais sont concentrés dansquelques hôpitaux flamands mérite que l’on suive de près la situation.

Prix plus élevés ?Il est tout aussi plus important de s’arrêter au fait que de nouvelles formules de con-trats sont introduites dans notre système des soins. Jusqu’à présent, notre systèmede soins, tout comme la plupart des autres en Europe, était relativement fermé, avecdes dispensateurs et des mutuelles qui opéraient sur le territoire national pour lescitoyens résidant à l’intérieur de ce territoire et les pouvoirs publics qui créaient uncadre pour les normes de qualité, les moyens budgétaires, etc. Dans notre système,les tarifs sont déterminés par des négociations collectives entre assureurs maladie etdispensateurs de soins et, ensuite, approuvés par les autorités publiques. Cette poli-tique est le résultat d’un grand nombre d’équilibres subtils qui doivent garantir depart et d’autre la viabilité financière du système et l’accessibilité à un vaste ensemblede soins à quasiment la totalité de la population, dans un système principalement

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mis à exécution par des acteurs privés. Du fait de l’introduction de financiers desoins de santé étrangers qui négocient directement en dehors de tout cadre adminis-tratif avec des dispensateurs et des établissements de soins, ces équilibres peuventêtre mis à mal. Il est tout à fait vraisemblable que les dispensateurs de soins réussis-sent à négocier des tarifs plus avantageux dans leurs contrats. Les financiers publicsde soins de santé des pays soumis à des listes d’attente subissent en effet de fortespressions politiques pour remédier aux problèmes, et leur solution alternative con-siste à faire appel à un circuit de soins privés dans leur propre pays, où les tarifs sontlibres. Les financiers privés de soins de santé qui achètent des soins pour despatients qui disposent de moyens financiers peuvent également proposer des tarifsplus élevés. De telles évolutions sont susceptibles de faire monter la pression en vueégalement d’augmenter les tarifs sur le plan national. Par ailleurs, dans le chef desétablissements de soins, ceci donne un signal d’encouragement à accorder la prio-rité aux patients étrangers.

Circuits parallèles de soins de santé ?Cela signifie que, pour les institutions, il peut s’avérer plus intéressant d’admettredes patients étrangers que des patients belges. Pour les médecins aussi, il peut sem-bler plus rentable de soigner des patients étrangers parce que les tarifs convention-nels ne s’appliquent pas à eux. Le risque existe que les hôpitaux se mettent à sélec-tionner des patients riches ayant souscrit des assurances privées ou des patientssouffrant de pathologies lucratives. Cette évolution s’accompagne d’un danger devoir naître un système de soins de santé à deux vitesses : les patients belges aisés quisouhaitent être soignés plus rapidement ou dans un cadre plus luxueux peuventégalement tenter de faire appel à ces infrastructures.

Médicalisation à outrance ?Les institutions qui mènent une politique consciente d’attraction des patients étran-gers, ont de ce fait la possibilité de continuer à se spécialiser. Pour les hôpitaux, cettespécialisation représente un avantage concurrentiel, y compris dans le recrutementde patients nationaux. Dans ces institutions, l’offre continuera à glisser des soins «normaux » vers des soins plus spécialisés, et ceci alors que notre pays dispose déjàd’une très vaste offre et surabondance d’équipements et de dispositifs techniques, encomparaison avec d’autres pays industrialisés. Puisque, dans le secteur des soins desanté, l’offre supplémentaire a tendance à créer une demande supplémentaire (provi-der induced demand) (24), cela peut signifier que de nouveaux problèmes de santéseront médicalisés et que, dans ces établissements, les affections y compris depatients nationaux seront inutilement traitées dans un circuit de plus grande spéciali-sation. Nous trouvons une illustration de ce glissement du flux des patients vers descircuits plus spécialisés dans le projet de l’Eurégion Meuse-Rhin. Du fait de l’assouplis-sement de l’accès aux soins de santé transfrontaliers, les hôpitaux périphériques

(24) Voir entre autres Lapré R. et al., Algemene economie van de gezondheidszorg, Elsevier/De Tijd-stroom, Maarssen 1999.

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de la région germanophone de Belgique voient passer une partie de leurs patientsdans le circuit des hôpitaux universitaires de l’autre côté de la frontière (vers Aix LaChapelle et Maastricht).

Jusqu’à présent, dans les évolutions que l’on observe ici, les pouvoirs publics sonttrès peu voire quasiment pas du tout impliqués. Les contrats sont directement con-clus entre les assureurs étrangers et les autorités, d’une part, et, d’autre part, lesinstitutions belges. Les pouvoirs publics disposent de très peu d’informations sur cequi s’y passe, sur le contenu des contrats, leur étendue, les prix en vigueur, lesprocédures, etc. Et, pourtant, ils sont directement concernés en tant qu’acteurschargés de préserver la qualité et l’accessibilité des soins et la viabilité financière dusystème de soins. Or, il s’avère que, d’après ce que nous avons mentionné plushaut, ce caractère social de notre système risque d’être mis sous pression par cettenouvelle situation. Par ailleurs, les pouvoirs publics sont également le financier dessoins, via le paiement du prix à la journée de soins et via les subventions des fraisd’investissement dans les hôpitaux.

C’est pourquoi il est extrêmement important que les pouvoirs publics disposent desuffisamment d’informations et de prise sur les flux de patients et les contrats établisentre établissements belges de soins et dispensateurs de soins étrangers : sur le con-tenu des contrats, le nombre de patients, la nature des pathologies, les modes depaiement, etc. Si les systèmes de soins veulent continuer à remplir leur mission debase – à savoir, offrir des soins de santé de qualité et accessibles à tous -, il est indis-pensable de conclure des accords entre les autorités compétentes des pays con-cernés, ceci afin de créer un cadre au sein duquel les dispensateurs et les financierspeuvent conclure des contrats.

Au moment d’écrire cet article (septembre 2002), les autorités britanniques et bel-ges semblaient négocier avec succès en vue d’un tel cadre. Cet accord-cadre prévoitle financement des soins via une forme assouplie du Règlement européen de coordi-nation, ce qui offre plus de garanties de transparence et peut-être de préventiond’un certain nombre des risques décrits ci-dessus.

4. REACTIONS EUROPEENNES A LA JURISPRUDENCE RELATIVE A LA MOBILITE DESPATIENTS

Nous avons déjà mentionné ci-dessus les arrêts qui ont joué un rôle dans les évolu-tions au sein du secteur hospitalier belge. La plupart des pays européens se consul-tent sur la manière dont ces arrêts doivent être appliqués à leur système de soins. Cefaisant, bien des problèmes voient le jour.

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MOBILITE DES PATIENTS ET REPONSES POLITIQUES DE L’UE

En voici quelques-uns :problèmes pour déterminer le prix exact et le tarif de remboursement correct

pour des soins que les patients ont reçus à l’étranger. La qualité des soins, leur con-tenu, les qualifications de leur dispensateur, l’établissement dans lequel ils sont dis-pensés (par exemple ambulatoires ou intramuraux) sont susceptibles de divergerfortement d’un pays à l’autre ;

les Etats membres peuvent difficilement imposer aux dispensateurs et aux établis-sements de soins de l’étranger les mêmes exigences en matière de qualité, de coût-efficacité, de respect d’un cadre budgétaire, qui s’appliquent aux dispensateurs etétablissements de soins nationaux. Les possibilités de contrôle de tels critères(p. ex. services d’inspection) à l’étranger sont très limitées ;

si les dispensateurs et les établissements de soins étrangers ne doivent (peuvent)pas se tenir aux réglementations, les dispensateurs et établissements de soins natio-naux sont susceptibles de contester ces réglementations nationales avec l’argumentque les règles qui leur sont imposées les discriminent par rapport aux services àl’étranger.

Les arrêts Smits-Peerbooms et Vanbraekel de juillet 2001, que nous avons com-mentés ci-dessus, n’ont sûrement pas été de nature à apaiser l’inquiétude qui avaitvu le jour dans les Etats membres après les prononcés dans les affaires Kohll etDecker. De plus en plus d’Etats membres ressentent désormais la nécessité de met-tre ces problèmes à la discussion au niveau européen. Par ailleurs, les Etats sontaussi de plus en plus conscients que ces arrêts s’intègrent dans une problématiquenettement plus vaste, qui résulte de l’application des règles du Traité européen rela-tives au marché unique à certains aspects des soins de santé. Dès lors, il ne s’agit passeulement des règles en rapport avec la liberté de circulation des services, ayant étéappliquées dans les arrêts commentés ci-dessus, mais aussi des dispositions relativesà la liberté de circulation des personnes et des marchandises et des règles européen-nes relatives au droit de la concurrence. Ces règles n’ont pas été établies en vue deleur application aux systèmes de soins de santé. Cependant de plus en plus d’as-pects de celles-ci sont déclarés valides pour les systèmes de santé. Ceci entraînedans plusieurs domaines des effets non souhaités susceptibles de toucher à laqualité, à l’accessibilité et à la viabilité financière des systèmes.

L’énorme résistance qu’opposaient les Etats membres à une discussion au niveaueuropéen de la politique de la santé commence peu à peu à s’effriter. Au départd’approches et de domaines de compétence différents, certaines initiatives politi-ques voient le jour dans différentes institutions européennes.

La présidence belge de l’Union européenne au cours du seconde semestre 2001 aorganisé une conférence « Intégration européenne et systèmes nationaux de soinsde santé : un défi pour la politique sociale ? ». Cette conférence a été une premièreamorce pour mettre la problématique de l’impact des règles économiques commu-

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nautaires sur les systèmes nationaux de soins de santé à l’agenda politique. Uneétude, menée à la demande du ministre Vandenbroucke par une équipe d’expertssous la direction du Professeur Elias Mossialos, en vue de préparer cette conférence,présente un bon aperçu de la problématique (25). « L’executive summary » de cerapport, écrit pour un public de décideurs politiques et de managers du secteur dela santé, figure dans le présent numéro. Suite à cette conférence, les conclusions dela présidence du sommet de Laeken de décembre 2001 ont inséré le passage suivant: « Une attention particulière devra être accordée à l’impact de l’intégrationeuropéenne sur les systèmes de soins de santé des Etats membres ».

La présidence espagnole de l’Union européenne a placé explicitement et pour lapremière fois le thème de la mobilité des patients à l’agenda politique au cours del’année 2002.

L’intérêt particulier de l’Espagne sur ce sujet a été en partie suscité du fait de problè-mes internes au pays. De nombreux retraités d’Europe du Nord, résident pendant delongues périodes le long du littoral espagnol. Les soins leur sont dispensés par lesétablissements de soins régionaux, la compensation des frais consentis est toutefoispayée à l’autorité centrale madrilène par les autorités étrangères et assureurs-maladie.Les services locaux de soins de santé ne perçoivent généralement pas de compensa-tion pour la charge de travail et de frais supplémentaires auxquels ils sont exposés dufait de l’administration de soins à des patients étrangers. La ministre espagnole de laSanté publique qui prit l’initiative de cette conférence, Celia Villalobos, provient dela région côtière de Malaga. Par ailleurs, l’Espagne connaît également des listes d’at-tente pour certains traitements médicaux, et les autorités craignent que les patientsconcernés n’aillent chercher des soins à l’étranger. La présidence espagnole tentaitainsi de mettre à profit le climat européen favorable pour discuter sur le plan politi-que de la mobilité des patients, pour un agenda politique en grande partie espagnolinterne. Le processus lancé par les Espagnols, semble toutefois devoir mener nette-ment plus loin que les objectifs que les Espagnols avaient mis en évidence.

L’Espagne a organisé sur le thème de la mobilité des patients une réunion informelle desministres de la santé publique, à Malaga, (en février) et une réunion d’experts (fin mai)en guise de préparation du Conseil de santé publique qui a eu lieu le 26 juin dernier.

Le passage suivant extrait du compte rendu de la réunion à Malaga mérite d’être sou-ligné: « Se croiser les bras n’est pas une option raisonnable. La politique des soins desanté doit être dirigée par les hommes politiques et il ne semble guère indiqué pourla santé des patients en Europe d’admettre que les tribunaux dessinent la politiquedes soins de santé » (traduction libre).

A la réunion d’experts en mai 2002 à Ménorce, avec des participants désignés parles Etats membres, quatre thèmes ont été étudiés :

(25) Mossialos E. et Mc Kee M., EU law and the Social Character of Health Care, P.I.E. Peter Lang,Bruxelles, 2002.

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– Des centres de référence spécialisés;– Le partage des surcapacités pour des patients sur des listes d’attente;– Les soins transfrontaliers dans des zones frontalières;– Des soins aux personnes résidant pour une plus longue période dans un autre

pays.

Ainsi, lors du Conseil des ministres de la Santé du 26 juin 2002, des conclusions ontété adoptées sur la mobilité des patients. Ces conclusions mettent en avant la néces-sité d’une coopération renforcée entre Etats membres afin de promouvoir l’accessi-bilité à des soins de santé de qualité et, simultanément, de garantir l’équilibre finan-cier des systèmes de soins de santé européens. La décision la plus importante dansces conclusions réside dans le lancement d’un «processus de réflexion de hautniveau » sur la mobilité des patients en coopération avec les ministres de la santépublique et d’autres intéressés majeurs. Ce processus doit déboucher sur des con-clusions en vue d’éventuelles mesures ultérieures.

La décision de lancer ce processus est un pas important, compte tenu de la résistan-ce qui existait jusqu’à tout récemment dans un grand nombre d’Etats membresquant à une discussion sur le plan politique au niveau européen des soins de santé.La plupart des Etats membres se sont toujours scrupuleusement gardés, pour desraisons compréhensibles, de toute immixtion européenne dans leur système desanté. Maintenant que l’on remarque que l’Europe s’est malgré tout infiltrée dans lessystèmes de soins de santé par le biais du marché intérieur, les Etats membres res-sentent la nécessité de chercher une réponse à ces défis à l’échelon européen oumultilatéral. Pourtant, une résistance persiste quant à la formalisation de cesquestions au niveau européen. Le Conseil n’a pas accepté l’institution d’un Comitéde Haut Niveau officiel (institutionnalisé) mais s’est contenté de proposer un « pro-cessus de réflexion de haut niveau ». Ceci reflète le souhait de souligner le caractèreintergouvernemental de l’initiative, au lieu du caractère supranational. Une proposi-tion, dans une version précédente des conclusions du Conseil, visant à appliquer laméthode ouverte de coordination (voir explications ci-dessous) en liaison avec lamobilité des patients n’a pas non plus abouti. La résistance à l’application de laméthode de coordination dans le domaine de la (des soins de) santé reste manifeste.D’autre part, il est important que, dans ses conclusions, le Conseil reconnaisse qued’autres évolutions, comme les développements sur le plan du marché intérieur,exercent des effets sur les systèmes de soins de santé. Le Conseil est d’avis que cesévolutions doivent concorder avec les objectifs de la politique de santé des Etatsmembres ainsi qu’avec les principes généraux de solidarité, d’équité et d’universa-lité.

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En mai 2002, au cours d’une procédure de conciliation, le Parlement européen etle Conseil approuvaient un programme d’action sur le plan de la santé publi-que (26). Ce programme d’action prévoit entre autres la possibilité d’entreprendredes initiatives en vue «d’améliorer les analyses et la connaissance de l’impact dudéveloppement de la politique de santé et d’autres mesures politiques et activitéscommunautaires, telles que le marché intérieur, sur les systèmes de santé, plus pré-cisément de leur contribution à un haut niveau de protection de la santé des person-nes … » (traduction libre). Ceci est un nouveau paragraphe qui ne figurait pascomme tel dans la proposition initiale de 2000 de la Commission et qui a peut-êtreété inspiré par les développements qui se sont produits depuis.

En plus de ces initiatives qui se sont développées en vertu des compétences desanté publique européenne, un processus a également été lancé dans le cadre de lapolitique européenne en matière de protection sociale. Le Conseil européen de Lis-bonne (27) a confirmé que les systèmes de protection sociale doivent être réformés,entre autres pour pouvoir continuer, dans le futur aussi, à offrir des prestations desoins de santé de haute qualité (27a). Afin de réaliser les objectifs en matière de pro-tection sociale, ce Conseil européen a plaidé pour une coopération renforcée entreles Etats membres, dans le cadre d’échanges d’expériences et de meilleures pratiquesà l’aide de réseaux d’information améliorés (le processus de Lisbonne). Pour mettrecette stratégie en œuvre, le Conseil de Lisbonne a introduit la «méthode ouverte decoordination ». Cette méthode implique la fixation de directives européennes et deplanifications spécifiques pour atteindre les objectifs fixés collectivement, la détermi-nation d’indicateurs et de « benchmarks » (points repères) comme moyen de compa-raison des meilleures pratiques, la traduction des directives européennes dans les lig-nes politiques nationales et régionales en fixant des buts spécifiques et en adoptantdes mesures qui tiennent compte des différences nationales et régionales, un exa-men et une évaluation périodiques ainsi qu’un examen par des experts, organisés àl’instar d’un processus mutuel d’apprentissage. Un Comité de la Protection socialecomposé de fonctionnaires de haut niveau des Etats membres a été installé en vued’activer cette stratégie en matière de protection sociale (28).

Afin de préparer l’application de ce processus de Lisbonne aux soins de santé, leConseil de mars 2002 a approuvé un rapport introductif sur les lignes politiques enmatière de soins de santé et de soins aux personnes âgées (29). Le rapport plaide

(26) Le Parlement européen et le Conseil, Décision du Parlement européen et du Conseil en vue dela fixation d’un programme d’action communautaire dans le domaine de la santé publique(2003-2008), 15 mai 2002, PE-Cons 3627/02 SAN 56 CODEC 590.(27) 23 et 24 mars 2000.(27a) Ainsi que favoriser l’emploi, préserver les pensions et promouvoir l’inclusion sociale.(28) De La Porte C. et Pochet P., « Une stratégie concertée en matière de sécurité sociale au planEuropéen », Revue belge de sécurité sociale, 2ème trimestre 2000, pp. 471-490 et Pochet, Ph. « Lalutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et la méthode ouverte de coordination », Revue belgede sécurité sociale, 1er trimestre 2002, pp. 159-177.(29) Conseil de l’Union européenne, Rapport introductif sur les soins de santé et les soins aux per-sonnes âgées, document 6361/02 SOC 82 ECOFIN 61 SAN 23 du 25 février 2002.

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pour l’échange d’informations et pour les meilleures pratiques, mais ne parvientcependant pas à décider d’appliquer la méthode ouverte de coordination dans cedomaine. Pour 2002-2003, le rapport propose d’analyser en tout premier lieu lesinfrastructures de soins destinées aux personnes âgées. Pour ce qui est de la problé-matique initiée par les arrêts de la Cour européenne de Justice quant à la libre circu-lation des patients, le rapport renvoie aux activités à ce propos dans d’autres forma-tions du Conseil. Il vise ainsi les initiatives dans le cadre du Conseil des ministres dela Santé. En réaction à ce rapport, le Conseil européen de Barcelone a prié la Com-mission et le Conseil d’examiner en profondeur les questions de l’accessibilité, de laqualité et de la viabilité financière des soins de santé d’ici le Conseil européen duprintemps de 2003.

Ce rapport fait ressortir une fois de plus la résistance des Etats membres quant à unecomparaison et une évaluation des systèmes de soins de santé à un niveaueuropéen, ainsi qu’à la mise en pratique de la méthode ouverte de coordination à cedomaine. Le fait que la problématique est réduite, du moins temporairement, auxsoins aux personnes âgées, illustre également cette résistance, mais peut égalements’expliquer au départ des objectifs des initiatives européennes en matière de protec-tion sociale, c’est-à-dire s’efforcer de rendre les systèmes plus efficaces et de tenircompte du vieillissement de la population, pour alléger la pression financière sur lesdépenses de sécurité sociale. Pourtant, l’analyse des soins de santé aux personnesâgées mènera inévitablement à une analyse du système global de soins de santé.Bien qu’un certain nombre d’infrastructures soient exclusivement axées sur les per-sonnes âgées, la majorité d’entre elles (notamment celles chargées de dispenser dessoins en cas de malades aiguës) ne sont en effet pas spécifiques à l’âge.

5. CONCLUSION

Ces deux dernières années, l’Union a été confrontée à une évolution rapide dans l’in-teraction entre systèmes de soins de santé, tant au niveau de la dispense de soinsqu’au niveau politique, principalement en réaction à la jurisprudence de la Coureuropéenne de Justice sur l’applicabilité des règles européennes en matière de libreprestation de services sur le plan des soins de santé. Les autorités et les mutualitésqui opèrent dans le cadre de l’assurance-maladie publique explorent les possibilitésde conclure des contrats directs avec les établissements de soins d’autres pays. Auniveau de l’UE, les Etats membres tentent de mettre sur la table les problèmes qui endécoulent. Pour la première fois, il existe un large consensus pour discuter au niveaueuropéen de certains aspects de l’organisation des systèmes de soins de santé.

Un certain nombre de tensions continuent cependant à parcourir le processus dedécision politique, verticalement en ce qui concerne les compétences entre Etatsmembres et les institutions européennes, horizontalement entre les responsablespolitiques des affaires sociales et les responsables de la santé publique ainsi qu’entrela politique de santé et la politique sociale d’une part et la politique économique etla politique du marché intérieur d’autre part.

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Chez les responsables de la santé publique et des affaires sociales, la nécessité d’unecollaboration plus étroite dans ce domaine s’impose de plus en plus. Entre-temps,les différents documents politiques renvoient systématiquement à l’indispensablecoordination avec d’autres initiatives dans le domaine des systèmes de soins. Nousassistons aussi à la naissance d’une répartition des tâches entre organes « sociaux »et organes de « santé publique ». L’application du processus de Lisbonne et de laméthode ouverte de coordination aux soins de santé et aux soins aux personnesâgées relève des organes sociaux et économiques (formations du Conseil, Directionsgénérales et Comités). Le traitement de la problématique de l’impact des règles dumarché intérieur sur les soins de santé et du problème de la mobilité des patientsqui y est associé, fait l’objet d’un examen dans les organes (formations du Conseil etDirections générales) compétents en matière de santé. Par ailleurs, on discute aussiouvertement du transfert de compétences liées aux soins de santé (médicaments,dispositifs médicaux, qualifications professionnelles) des organes ayant autoritépour le marché unique et pour l’industrie vers les organes exerçant leurs compéten-ces dans le domaine de la santé publique.

Bien du chemin a été accompli y compris pour ce qui est de la tension née de larépartition des compétences entre niveaux européen et national. Jusque tout récem-ment, toute tentative visant à mettre à la discussion la politique des soins de santéau niveau européen était directement bloquée par les Etats membres qui, à cet effet,faisaient appel au principe de la subsidiarité et au Traité qui affirme que l’organisa-tion et le financement des systèmes de santé sont de la compétence des Etats mem-bres. A présent, les Etats membres, en général, ont compris que, pour préserver lesprincipes de base de leurs systèmes – à savoir la solidarité, la justice et l’universalitéils doivent inclure – les garanties nécessaires au niveau européen. Le temps semblemûr pour une discussion sur le fond quant à l’impact du marché unique sur lessystèmes de soins de santé.

Une grande réserve se maintient quant à la discussion au niveau européen d’autresaspects des systèmes de soins. Les Etats membres ne semblent pas vraiment dis-posés à produire une comparaison systématique de leurs systèmes de soins respec-tifs et de recourir pour cette matière à la méthode ouverte de coordination, dumoins pas au niveau politique. A un niveau plutôt technique, cette ouverture sem-ble cependant exister dans le cadre du programme d’action pour la santé publique.La résistance à l’application de la méthode ouverte de coordination peut aussi s’ex-pliquer étant donné la complexité du domaine. Les systèmes de soins de santé con-sistent en des interactions entre financiers publics, exécutants privés des secteursmarchands et non marchands, et patients qui bénéficient des soins. La vaste gammede parties concernées et intéressées, le risque toujours présent d’un usage impropredes moyens disponibles, la possibilité de substitution entre différentes formes desoins, etc., rendent la quête de réponses aux défis dans ce secteur très complexe etla comparaison entre les systèmes des différents pays difficile. Par ailleurs, dans cesecteur, l’échange des meilleures pratiques se déroule à d’autres niveaux que pourles autres domaines de la protection sociale. Il ne s’agit pas seulement d’échanger

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des expériences sur des mesures politiques et des initiatives des autorités. En effet,l’échange d’expériences et de meilleures pratiques est pour le moins tout aussiimportant sur le terrain, entre cliniciens et dispensateurs. Un Comité de la protec-tion sociale avec des fonctionnaires des Etats membres n’est pas l’instance la mieuxappropriée pour mener des discussions sur ce plan.

Il est toutefois probable que les évolutions initiées par la jurisprudence de la Coureuropéenne de Justice incitent également les Etats membres à procéder plus volon-tiers à une comparaison de leurs systèmes respectifs. Avec des patients qui sontincités à faire leurs emplettes en Europe, des financiers qui se mettent en quête desoins à l’étranger pour leurs affiliés et l’obligation d’apprécier la reconnaissancescientifique d’une méthode de traitement sur la base d’un consensus européenplutôt que national, il sera de plus en plus indispensable de comparer à un niveaueuropéen les prix, le contenu des soins administrés, les modes de paiement, laqualité des soins dispensés, les modes sur lesquels les patients sont renvoyés à desspécialistes, les critères de prescription, etc. Dans ce cadre, la détermination d’unensemble minimal de soins assurés partout en Europe et la fixation de normes dequalité pour les établissements de soins semblent également judicieuses, surtout sil’on tient compte de l’élargissement de plus en plus proche de l’Union européenne.

La conviction s’accroît, et nous en avons commenté plusieurs exemples, qu’en sonétat actuel, le Traité n’offre qu’insuffisamment de garanties de sauvegarde des objec-tifs sociaux des systèmes de soins de santé européens dans le cadre du développe-ment du marché unique européen. Dans ce contexte, les discussions qui sont actu-ellement menées dans le cadre de la Convention pour l’Avenir de l’Europe sontd’une importance capitale. Ce faisant, il s’agit de trouver une réponse au problèmeque le ministre belge Vandenbroucke formulait comme suit dans son allocution àl’Institut Max Planck de Cologne : « les Etats membres ont perdu une plus grandepart de contrôle sur les politiques sociales nationales en raison des pressions éma-nant de l’intégration des marchés que l’UE n’a, de facto, gagné en autorité trans-férée, aussi substantielle que celle-ci puisse être. Dès lors, le fossé se creuse dansnotre capacité de conduite de la politique sociale » (30).

(Traduction)__________

(30) Vandenbroucke F., The EU and social protection: what should the European Convention pro-pose?, Article présenté à l’Institut Max Planck pour l’Etude des Sociétés, Cologne, le 17 juin 2002.

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TABLE DES MATIERES

MOBILITE DES PATIENTS ET REPONSES POLITIQUES DE L’UE

1. INTRODUCTION 871

2. PATIENTS ETRANGERS DANS DES ETABLISSEMENTS DE SOINS BELGES : TOILE DE FOND ET MOTIFS 871

3. CONSEQUENCES EVENTUELLES SUR LE SECTEUR DES SOINS DE SANTE 876

4. REACTIONS EUROPEENNES A LA JURISPRUDENCE RELATIVE A LA MOBILITE DES PATIENTS 880

5. CONCLUSION 885

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L’INFLUENCE DE LEGISLATION DE L’UESUR LA NATURE DES SYSTEMES DE SOINS DE SANTE DANS L’UNION EUROPEENNE (1)

PAR ELIAS MOSSIALOS*, MARTIN MCKEE**, WILLY PALM***, BEATRIX KARL****et FRANZ MARHOLD*****

* Co-Directeur, LSE Health and Social Care, London School of Economics and Political Science et Directeur de recherche, European Observatory on Health Care Systems;** Professeur au European Public Health, London School of Hygiene and Tropical Medicine et Directeur de recherche, European Observatory on Health Care Systems;*** Directeur, Association Internationale de la Mutualité, Bruxelles;**** Assistant Professeur, Institute for Labour Law and Social Law of the Karl-Franzens-University Graz, Autriche et Cadre invité, Max-Planck-Institute for Foreign and International Social Law, Munich;***** Professeur, Institute of Labour Law and Social Security Law, Karl-Franzens-University Graz, Autriche.

Bien que l’organisation des systèmes de soins de santé varie fortement selon lesÉtats membres, leur point commun est un modèle basé sur la solidarité sociale et lacouverture universelle. La nature précise des droits aux allocations varie.

Dans les pays dotés d’un seul système de santé national financé par les taxes, ledroit à la couverture est généralement immédiat et se base sur la résidence à l’intéri-eur du pays en question. Dans les systèmes d’assurance sociale, la situation est pluscomplexe, particulièrement où il existe de nombreux organismes assureurs, maisl’adhésion est toujours obligatoire, sauf dans les quelques pays qui ont exempté ouexclu les catégories de la population les plus nanties en partant de l’hypothèsequ’elles peuvent prendre d’autres dispositions. Même dans ces cas, les gouverne-ments peuvent requérir une couverture contre les maladies graves, comme auxPays-Bas. Plus récemment, des mesures ont été prises à l’égard de ceux qui ne serai-ent pas couverts à un autre titre, même s’il faut reconnaître que celles-ci peuventencore exclure certains groupes tels que les migrants illégaux.

Néanmoins, le modèle social européen va au-delà d’une simple couverture, considé-rant la protection sociale comme un moyen de promouvoir tant la cohésion socialeque la croissance économique. Pour atteindre ces objectifs, il faut que les systèmesde santé soient organisés de telle sorte qu’ils donnent un accès équitable à des soins

(1) Ce texte est un résumé succinct d’un rapport scientifique « The influence of EU law on the socialcharacter of health care systems in the European Union » du 19 novembre 2001 dans le cadre de laPrésidence belge (UE).Ce rapport est aussi publié sous forme d’un livre intitulé: “EU Law and the Social Character ofHealth Care”, Elias Mossialos & Martin McKee, en collaboration avec Beatrix Karl, Willy Palm etFranz Marhold, Work & Society n°38, P.I.E.-Peter Lang, 2002, Bruxelles, 259 pp.

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efficaces. Les systèmes de santé devraient faire plus que simplement satisfaire à lademande des individus. De manière spécifique, ils devraient évaluer les besoins deleur population en matière de santé, en particulier les besoins qui ne sont pas satis-faits, et assurer que des politiques efficaces seraient déployées de façon équitableafin d’y satisfaire. Les approches pour ces extensions et leur mise en œuvre sontvariées mais on retrouve une telle aspiration clairement identifiable dans tous lessystèmes de soins de santé de l’UE.

Essentiellement, le modèle social européen est fondé sur le fait que les soins desanté ne sont pas un bien que l’on échange normalement et que l’accès à ces soinsconstitue un droit fondamental. Par conséquent, il se base sur un système complexede subventions croisées, des riches aux pauvres, des gens en bonne santé aux mala-des, des jeunes aux personnes âgées, des célibataires aux familles et des travailleurssalariés aux inactifs. Ce modèle a continué à récolter un soutien populaire majoritai-re, reflétant les forces historiques desquelles il est né et les valeurs profondémentancrées de la solidarité en Europe.

Un marché pour la prestation de soins de santé est inévitablement imparfait ; lesindividus ne peuvent pas toujours être dans la meilleure position pour évaluer leursbesoins en matière de santé, soit parce qu’ils ignorent la nature de leurs besoins enmatière de santé ou soit parce qu’ils ne sont tout simplement pas capables de lesexprimer correctement. Les soins de santé constituent une matière de plus en pluscomplexe, qui engendre des asymétries majeures au niveau de l’information quiouvrent la voie au comportement opportuniste d’exploiteur de la part des fournis-seurs et donc un besoin de systèmes efficaces de réglementations et de surveillance.Pour ces raisons, tous les pays industrialisés ont pris un rôle actif dans l’organisationdes soins de santé. Même les Etats-Unis qui sont seuls face aux autres pays industria-lisés à croire, à tort, au fait de pouvoir appliquer les mécanismes du marché auxsoins de santé, ont établi un secteur public substantiel, couvrant environ 40% de lapopulation pour traiter au moins certains des symptômes les plus manifestes del’échec du marché. Par conséquent, les États membres ont explicitement déclarédans les Traités que l’organisation et la prestation de services en matière de santé etde soins de santé demeure une matière qui relève des compétences nationales.

Toutefois, de nombreux éléments individuels de soins de santé sont, de manièretout à fait équitable, soumis aux principes du marché. Les gouvernements ne pro-duisent ni ne distribuent des produits pharmaceutiques. Les établissements de soinsachètent du matériel, clinique ou non, sur le marché libre. A la fois le matériel médi-cal et la technologie sont en vente libre sur le marché international. De nombreuxprofessionnels de la santé sont des non-salariés, qui s’engagent dans des contratsavec des autorités sanitaires ou des organismes assureurs. Les patients peuvent obte-nir des traitements en dehors du système de soins de santé légalement établi, soitdans leur propre pays, soit à l’étranger. Toutes ces matières sont légitimement assu-jetties aux règles en application dans le cadre du marché interne ; en effet, leslibertés fondamentales faisant partie intégrante du Traité nécessitent que de telles

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L’INFLUENCE DE LEGISLATION DE L’UE SUR LA NATURE DES SYSTEMES DE SOINS DE SANTE DANS L’UNION EUROPEENNE

transactions soient transparentes et non discriminatoires. De plus, dans la mesureoù les réformes des soins de santé adoptent les mécanismes du marché, elles s’expo-sent indirectement au contrôle du droit européen.

Cette situation engendre certaines difficultés. Les politiques mises en place pourmaintenir le principe de solidarité, assortie de son système complexe de subven-tions croisées, sont particulièrement vulnérables aux politiques qui trouvent leursorigines dans les principes du marché. La concurrence non réglementée en matièrede soins de santé réduira, presque inévitablement, l’équité en raison de l’inclinationà sélectionner ceux dont les besoins en matière de santé sont les moindres, rendantdifficile ou coûteuse l’obtention d’une couverture pour ceux qui en ont le plusbesoin. Des systèmes d’ajustement des risques peuvent être établis mais sont loind’être parfaits, particulièrement dans un environnement aussi compétitif. Les politi-ques de maîtrise des coûts peuvent se baser sur une restriction de l’offre, comme lenombre de structures sanitaires. Cela peut être mis en péril si les patients peuventexiger que leurs organismes assureurs paient leur traitement ailleurs. Des politiquesqui évoquent la question d’asymétrie de l’information pourraient impliquer des con-trats sélectifs avec les fournisseurs mais cela nécessite l’existence de normes uni-formément admises. Les inquiétudes relatives à l’asymétrie de l’information ont éga-lement eu comme conséquence que les gouvernements européens rejettent despolitiques qui peuvent sembler, de manière superficielle, redresser cette asymétrie,comme les publicités en matière de produits pharmaceutiques, basées sur l’éviden-ce empirique, directement axées sur le consommateur, qui s’avèrent souvent trom-peuses et augmentent les coûts en soins de santé tout en apportant peu, voire aucunbénéfice aux patients. Cependant, il s’agit manifestement d’une ingérence avec lefonctionnement du marché. En d’autres termes, même pour ces éléments de soinsde santé qui sont couverts par des dispositions internes de marché, les États mem-bres et l’Union européenne ont explicitement déclaré que les effets du marché doi-vent être contenus.

C’est pourquoi, à présent, la politique sociale et sanitaire en Europe s’est dévelop-pée de manière inadaptée et anachronique. Les Etats membres décident les objectifsqu’ils souhaitent atteindre, tels que l’équité et des soins plus efficaces, et doiventalors trouver des mécanismes qui permettent de les réaliser et qui sont compatiblesavec le droit européen. Une grande partie du droit européen pertinent provient d’ar-rêts fondés sur des considérations émises dans d’autres secteurs ou qui envisagentd’apporter un principe de solution à un cas isolé, laissant des questions majeuresd’applicabilité sans réponse. Par conséquent, les décideurs du domaine de la santésont confrontés à une multitude d’avis contradictoires émanant des partisans d’uneinterprétation stricte ou large de l’application du droit européen à la matière dessoins de santé.

La question en pleine évolution de la libre circulation des patients est instructive.Les arrêts Kohll et Decker de la Cour européenne de Justice (CEJ) ont contraint lesystème de sécurité sociale luxembourgeois à rembourser les soins de santé non

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autorisés dans un autre État membre sur la base des principes communautaires delibre circulation des biens et des services. Cela a clarifié que les systèmes de sécuritésociale, même s’il s’agit d’un domaine qui relève d’une compétence nationale, n’é-taient pas non-assujettis au droit européen. Suivant les dernières affaires de Smits etPeerbooms, la CEJ a précisé que tous les services médicaux, y compris l’hospitalisa-tion, tombent sous la définition de services selon le Traité CE, étant donné qued’une façon ou d’une autre le prestataire est rémunéré pour le service presté. Le faitque le remboursement soit réclamé dans le cadre du système d’assurance maladiedes Pays-Bas, qui est régi par une approche basée sur des allocations en nature, n’apas été considéré comme pertinent.

Même si la CEJ a considéré qu’exiger une autorisation préalable dans tous les cas oùdes soins de santé sont prestés dans un autre État membre constitue bien un obsta-cle à la libre circulation des biens et des services, elle a admis dans les affaires Smits-Peerbooms que dans le dessein de garantir une offre équilibrée et accessible de ser-vices hospitaliers, c’était une mesure nécessaire et raisonnable. Cependant, la Courn’accepterait une telle exception au principe de libre circulation des services que siles critères appliqués pour octroyer l’autorisation étaient objectifs et non discrimina-toires à l’égard des prestataires établis dans un autre État membre. A cet égard, elle aestimé que les conditions d’autorisation néerlandaises n’étaient pas compatiblesavec le principe d’égalité de traitement parce qu’elles sont susceptibles de favoriserles prestataires néerlandais.

Tout en ne bannissant pas complètement l’utilisation d’un système d’autorisationpréalable, les arrêts de la Cour ont restreint radicalement le pouvoir d’appréciationdes États membres pour déterminer leurs propres politiques en exigeant que leursdécisions soient nécessaires, proportionnelles et basées sur des critères objectifs etnon-discriminatoires. De plus, dans l’arrêt Vanbraekel, la CEJ a considéré que si l’au-torisation est donnée – ou refusée à tort – le patient devrait bénéficier du meilleurtarif de remboursement possible, soit celui du pays de résidence, soit du pays del’Etat compétent. En associant le contenu du règlement 1408/71, sur lequel la cou-verture en matière de soins de santé à l’étranger s’est basée à l’origine, avec les prin-cipes de la libre prestation de services, la CEJ semble avoir créé des difficultés pource système de coordination.

La jurisprudence de la CEJ a donné lieu à des incertitudes de taille. Étant donné laprédominance du Règlement 1408/71 en ce qui concerne la libre circulation despatients, ces décisions ont ébranlé des certitudes, du moins partiellement. Parconséquent, il semble nécessaire d’entreprendre une révision de l’ensemble ducadre légal réglementant l’accès aux soins de santé dans l’Union européenne. Étantdonné que la question attire maintenant davantage l’attention – particulièrementdans des pays où les patients sont confrontés à des listes d’attente ou à d’autres diffi-cultés d’accès et que des acteurs essentiels expérimentent de nouvelles façons derépondre aux attentes des patients, y compris à l’étranger, un encadrement estnécessaire.

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De la même façon, la croissance du commerce électronique génère également desdéfis pour la politique des soins de santé, comme admis dans l’appel du Conseil desministres visant à mettre en oeuvre les technologies de l’information dans le secteurdes soins de santé de façon à promouvoir l’inclusion sociale. L’UE a pris des me-sures destinées à protéger les consommateurs dans la société de l’information, denature législative ou autre. Nombre de ces mesures touchent indirectement certainsaspects des systèmes de soins de santé, dès lors qu’elles concernent les données etla protection de bases de données, la sécurité dans les transferts électroniques, lavente à distance, la responsabilité des produits et le contrôle de qualité. Comme peude ces mesures ont été instaurées en ayant les soins de santé à l’esprit, elles pourrai-ent s’avérer fragiles et donc être moins efficaces lorsqu’elles s’appliquent aux soinsde santé. Certaines des initiatives non-législatives concernent directement la qualitéet le champ d’application de l’e-health, en grande partie par des actions volontairesou autorégulatrices et bien que ces initiatives soient les bienvenues, leur tâche estrendue plus ardue par la complexité d’assurer la qualité sur Internet. La situation relative à la libre circulation des professionnels génère également desdifficultés. Les directives pertinentes sont apparues à une époque où lorsqu’on avaitobtenu une qualification, elle octroyait essentiellement un droit à vie à la pratique.C’est de moins en moins le cas et certains Etats membres instituent des mécanismesafin de limiter l’intégration à ceux qui remplissent certaines exigences de formationpermanente. La façon dont ceux-ci sont traités à l’intérieur du cadre légal existantest loin d’être claire. En outre, le principe de reconnaissance mutuelle, défendudans l’affaire Kohll, écarte effectivement la possibilité que des programmes de for-mation dans un pays ne soient pas de niveau équivalent à ceux d’autres pays, quoi-qu’il en soit manifestement ainsi.

A l’heure actuelle, il existe un vide juridique au niveau de la réglementation relativeaux professionnels de la santé en Europe, avec des structures réglementaires natio-nales renforcées mais une absence de coordination au niveau européen. Pour denombreuses raisons, l’autorégulation professionnelle prévaut en Europe mais lesorganes impliqués à l’échelon national ont souvent des fonctions additionnelles quipeuvent inclure l’éducation, l’établissement de normes professionnelles, une fonc-tion syndicale… Malheureusement, dans ces organes européens qui existent bel etbien, ces rôles prêtent souvent à confusion.

Le secteur pharmaceutique génère de nombreuses difficultés par son caractère net-tement plus international et l’acuité particulière du défi qui consiste à équilibrerintérêts commerciaux et sanitaires. Un exemple touche la publicité s’adressantdirectement aux consommateurs : il existe de fortes pressions commerciales pourl’autoriser mais aussi de bonnes raisons de politique de santé pour la refuser. Lesinstitutions de l’UE ont créé un cadre qui, suivant des lignes directrices communes,uniformise l’offre de médicaments sur un marché commun ou intérieur au profit desproducteurs de médicaments (et des fournisseurs qui se procurent leurs produitssur différents marchés au sein de l’UE – importations parallèles) même en dépit desdroits de propriété intellectuelle. Le droit européen et la politique européenne ont

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eu beaucoup moins d’influence directe sur la demande. Le droit européen – que cesoit au niveau primaire (les règles des Traités) ou la législation communautairedérivée – n’a qu’une influence marginale sur les contrôles de prix et de rembourse-ments ainsi que sur les techniques de management du côté de l’offre. Les contrôlesdes prescriptions des médecins, des marges des grossistes et des pharmaciens effec-tués dans le cadre de demandes indirectes via des intermédiaires, sortent du cadredes politiques de l’UE en matière de médicaments. Cependant, l’e-health et l’e-com-merce pourraient offrir de nombreuses possibilités de remplacer le modèle tradi-tionnel de voie d’accès unique par un modèle prévoyant de multiples voies d’accèstant pour une distribution qu’une information directe (quelle qu’en soit la qualité) àl’égard du patient. Reste à savoir si la commission sera ainsi en mesure d’influencerd’une manière plus directe tant la demande par des intermédiaires que la demandeelle-même.

En ce qui concerne les dispositifs médicaux, d’autres adaptations aux réglementa-tions nationales s’imposent également. Par exemple, bien que le nouvel Euro-systè-me comprenne le protocole de suivi de marché, de nombreux problèmes subsis-tent. Bien que le système puisse apparaître contraignant, il suscite toujours desquestions sur la vigilance et l’autogestion. Il existe aussi des différences nationalesquant à la mise en oeuvre et les comptes-rendus, soulevant la difficulté d’obtenirune convergence sans compromettre la santé et la sécurité des patients dans despays soumis à des règles strictes. Autrement dit, il faut éviter de réduire les règles auplus petit dénominateur commun tout en atteignant les objectifs de la politiqueindustrielle. Ces différences nationales font que le suivi post-marketing des disposi-tifs médicaux reste un processus complexe et difficile.

L’assurance santé volontaire est dans certains pays un moyen de plus en plus impor-tant pour accéder à des soins de santé de qualité dans des délais raisonnables. Enl’occurrence, l’objectif impératif d’intégrer les marchés de l’assurance domine lapolitique européenne. Le cadre légal actuel de la Communauté se fonde essentielle-ment sur la logique de la libre-concurrence au niveau de la Communauté entreassureurs, dont la solvabilité est contrôlée et garantie par les autorités compétentesde l’État membre d’origine, suivant un ensemble convenu de conditions d’assuranceet de règles de prudence. Le pouvoir du gouvernement pour régler concrètementles prix et les conditions des produits d’assurance est fortement réduit pour éviterqu’il n’entrave une concurrence loyale entre les assureurs européens et ne compro-mette la santé financière des entreprises d’assurance. En matière de soins de santé,les États membres se voient ainsi contraints de développer le rôle de l’assurancesanté libre, sans pour autant perdre de vue les principes de solidarité. L’article 54 dela troisième directive concernant l’assurance non-vie, qui introduit la possibilitéd’exemption fondée sur l’intérêt général, a peu de chances de satisfaire les besoinsde réglementation ressentis dans différents États membres.

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L’application de la législation sur la concurrence en matière de soins de santé pose éga-lement des problèmes. Si de nombreuses transactions effectuées dans un cadre régle-mentaire peuvent échapper à l’assujettissement pour des motifs sociaux, les autoritéssanitaires doivent être conscientes de la possibilité de supprimer cette protection parla déréglementation et la privatisation. Les institutions de soins de santé peuvent êtreconsidérées comme des entreprises. Ceci n’est pas remis en cause par des considéra-tions telles que la propriété ou le statut de société à but lucratif. Ce qui importe, c’estde savoir si elles pratiquent ou non une activité à caractère économique.

En outre, toute activité exercée par une organisation doit être jugée d’après sesmérites; même si la plupart de ses activités sont réputées ne pas avoir de caractèreéconomique et ne sont donc pas assujetties aux règles de concurrence, toutes sesactivités ne sont pas pour autant déréglementées.

Il existe plusieurs cas dans lesquels des activités peuvent être considérées commedénuées de caractère économique. Elles peuvent avoir un caractère souverain,autrement dit être nécessairement effectuées par l’État dans l’exercice de son auto-rité officielle. Toutefois, l’État doit prouver qu’il lui est nécessaire d’effectuer cetteactivité et doit être prudent lorsqu’il délègue son rôle à d’autres organes. Ce peutêtre une activité sociale, mais il doit prouver qu’elle concerne la protection socialeet se base sur le principe de la solidarité. L’activité peut aussi être exemptée parcequ’elle n’implique pas de paiement identifiable ou parce qu’elle engage simplementl’organisation en question dans la satisfaction de ses besoins fondamentaux pourfonctionner encore. Pourtant, on comprend aisément que des réformes de soins desanté mal conçues peuvent, surtout lorsqu’elles introduisent des mécanismes demarché et une décentralisation, soumettre inopinément des organisations à des rè-gles de concurrence.

Nous avons déjà souligné qu’en Europe, les soins de santé sont organisés de manièreà préserver la solidarité et à promouvoir un traitement équitable, effectif et efficace.De nombreuses causes, telles qu’une asymétrie informationnelle et des externalitésexpliquent pourquoi il est improbable qu’un marché libre promouvra ces objectifs,comme le démontre un bref examen du système de soins de santé américain. Enparticulier, soumettre des organisations de soins à la pleine application de la législa-tion en matière de concurrence peut rompre les nombreux accords nécessaires àune distribution équitable de services qui répondent d’une manière appropriée auxbesoins de soins de santé de la population. Ce faisant, on risque de désavantagerencore les membres les plus vulnérables de la société, dont la voix se fait déjà si peuentendre. Il est donc clair que la politique de santé et la promotion du marché uni-que peuvent, dans de nombreux domaines, soit entrer en conflit soit, plus souvent,générer des ambiguïtés.À défaut d’une définition claire des principes sur lesquels devrait se fonder la politi-que de santé en Europe, la CEJ est tenue de fonder ses décisions avant tout sur l’o-bligation de promouvoir le marché unique. Elle ne reconnaît pas les conditions par-

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ticulières aux soins de santé, comme la nécessité de ne pas saper les systèmes natio-naux; cependant, il faut des avis beaucoup plus élaborés sur ce que l’Unioneuropéenne entend réaliser en répondant aux besoins de santé de sa populationdans le cadre d’un marché unique.

Nombre de ces défis naissent de l’importance croissante du rôle de la CEJ, qui est dedonner son interprétation de l’application du droit de l’UE dans des cas spécifiques.Cependant, cette interprétation crée alors des précédents qui sont appliqués dansdes circonstances différentes. Si les États membres ne peuvent influencer l’interpré-tation de la CEJ, ils peuvent toujours modifier la législation européenne elle-même.Cependant, la procédure de codécision rend très difficile tout renversement desdécisions de la CEJ fondées directement sur un Traité de la CE. Bien qu’en théorie, ilaurait été plus facile de modifier les règlements et directives en raison des possibi-lités offertes par le vote à la majorité qualifiée, dans la pratique, rares sont lesinterprétations de la CEJ qui ont entraîné une action législative en vue d’inverser lesens des décisions.

En effet, la plupart des décisions de la CEJ touchent différemment les États mem-bres, si bien qu’ils ne s’unissent pas pour appuyer le changement d’une législationcontestée. La tendance à recourir aux juridictions peut contribuer à affaiblir la légiti-mité du processus d’intégration dans son ensemble. L’Union européenne souffredéjà d’une forme de «déficit politique», à tel point que des acteurs comme les partispolitiques, les syndicats, même les médias, dont les actions servent souvent de pointde référence aux électeurs nationaux sont généralement en position de faiblesse auniveau européen.

En camouflant les conflits d’intérêts et en remplaçant les conflits partisans par desdébats prétendument neutres sur l’interprétation de la loi, on affaiblit considérable-ment le processus politique et on offre aux opposants à l’intégration des occasionsde réclamer le remplacement de la démocratie citoyenne par une forme de «démo-cratie judiciaire». Cependant, le même processus peut être considéré sous un jourplus positif puisque entamer des procédures au niveau européen permet auxEuropéens de protéger leurs droits contre des décisions d’administrations nationa-les. Néanmoins, les arrêts de la CEJ peuvent aisément être perçus comme des ingé-rences qui remettent en question les options et traditions des communautés nationa-les.

Le défi auquel est confronté l’UE est que sa législation secondaire, c’est-à-dire sesdirectives et ses règlements, et l’interprétation qu’en donne la Cour doivent se fon-der sur ce qui est prévu dans les Traités. Cependant, le caractère social des systèmesde santé européens n’est pas inscrit dans ces Traités.

Que faire alors ? Le présent rapport se veut un plaidoyer en faveur d’une politiquede santé européenne explicite, qui offrirait des avantages considérables, en définis-sant une position convenue entre tous les États membres au sujet de ce qu’ils ten-

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dent à réaliser à travers leurs systèmes de santé. Il est probable qu’un certain con-sensus pourra se dégager en faveur d’une position commune, du moins quant auxprincipes. En conséquence, si l’on ne veut pas saper par mégarde le modèle socialeuropéen en appliquant incorrectement le droit de l’UE conçu pour répondre à desbesoins dans d’autres secteurs ou en rendant une série de jugements en matière desoins de santé, il faudra s’accorder sur une déclaration de principes fondamentauxqui établissent les objectifs des systèmes de santé européens, qui mettent en équili-bre marché intérieur et objectifs sociaux et qui puissent être intégrés dans un futurTraité.

Force est toutefois de reconnaître que les tentatives de développer des politiquesplus détaillées peuvent rencontrer des difficultés étant donné la grande diversité desréglementations de soins de santé en vigueur au sein des États membres. Par ail-leurs, une simple déclaration de principes, même si elle est susceptible de réduireles conséquences involontaires et indésirables du marché intérieur, n’est pas denature à suffire pour obtenir les avantages qu’une intégration européenne plus fortepourrait offrir aux systèmes de soins de santé.

Une méthode ouverte de coordination qui comprend des moyens formels pour pro-fiter de l’expérience d’autrui en tenant compte de ses propres conditions nationa-les, offre la possibilité de promouvoir les meilleures pratiques, en échangeant desinformations sur ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas, dans telles ou telles condi-tions. Dans de nombreux cas, il sera possible de développer des approches par-tagées de problèmes communs. Cette procédure respecte les différences histori-ques, politiques et culturelles et ne compromet pas le processus d’harmonisationdes initiatives nationales qui, alors qu’elles visent le même but, sont incompatiblesentre elles.

Une méthode ouverte de coordination rendra plus explicites certains des défisposés par le marché intérieur aux systèmes de soins de santé. Elle fournira égale-ment un cadre permettant de relever ces défis et d’examiner des réponses légalesappropriées, y compris d’éventuelles révisions du Traité.

Toutefois, ces procédures réclameront du temps et il est clair qu’il faut agiraujourd’hui. Ainsi est-il de la plus haute importance que l’UE mette en place, le plusrapidement possible, un système qui permette de suivre en permanence l’influencedu droit de l’UE sur les systèmes de soins de santé.

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LE SERVICE NATIONAL DE SANTE BRITANNIQUE : APERCU POLITIQUE ET HISTORIQUE *

PAR MICK CARPENTER

Lecteur en Politiques Sociales. Département de Sociologie. Université de Warwick

INTRODUCTION : PLIE MAIS NE ROMPT PAS, MALGRE DES PRESSIONSCONSIDERABLES ?

On pourrait décrire le « British National Health Service » (NHS) comme un systèmedétenu et financé par les pouvoirs publics, caractérisé par de puissants axes deresponsabilité verticale (OMS Europe 1999: 24).

Dans une certaine mesure, le NHS britannique est une institution unique, le produitd’une histoire nationale spécifique, d’une forte cohésion sociale et de la direction del’Etat au cours de la guerre de 1939-45, ensuite maintenu par le gouvernement tra-vailliste de 1945-51 via l’accord d’après-guerre. Malgré cela, la modernité des soinsde santé britanniques a exercé un grand impact sur le monde entier. Le principed’un système de soins de santé – financé principalement par l’impôt, accessible àtous gratuitement, institutions de soins aux mains des pouvoirs publics, personnelemployé par l’Etat – constitue le modèle de « Beveridge» qui a été imité, avec certai-nes variantes, par les pays scandinaves. Ce système a encore influencé les tentativesde construire des systèmes nationaux de santé dans les pays de l’Europe du Sud dansles années 1970. Il est même probable que ses tendances centralisatrices aient égale-ment influencé l’évolution des récentes réformes de la santé en France. D’autresinnovations telles que dans le système de soins britannique le « généraliste » ou« médecin » de première ligne sont largement promues dans le monde entier comme,d’ailleurs, la distinction opérée entre « dépense » et prestation de services introduitepar le gouvernement Thatcher en 1990. Je me risquerai à qualifier ces innovations deréformes anglo-américaines vu leur mode actuel de promotion, via essentiellementdes techniques américaines de management visant à contrôler les effets inflationnis-tes de la médecine privée sur un système socialisé de soins de santé.

A première vue, le National Health Service (NHS) britannique instauré en 1948 sem-ble également être une institution remarquablement flexible et stable. Il a survécu à17 années de politique néolibérale thatchérienne. Même les réformes radicales desannées 1990 n’ont rien modifié de fondamental dans son principe central de solida-rité en matière de financement, même si ce n’est pas forcément pour des raisons de

* Allocution prononcée lors du colloque ‘‘La Protection sociale en Europe : Mythes et Réalités’’ del’Institut européen des juristes en droit social (IES) qui s’est tenu à Paris les 30 novembre et 1erdécembre 2001.

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solidarité. Le gouvernement travailliste de 1997 prétend avoir mis fin au « marchéintérieur » et avoir ramené le NHS dans une voie plus cohérente, fidèle à ses princi-pes de base. Comme nous le verrons, cette affirmation est sujette à contestation, carles critiques font valoir comme argument que, d’une certaine manière, le « NewLabour » a intensifié la privatisation du secteur. Le problème apparemment insolubledes longues listes d’attente persiste, malgré les efforts incessants en vue de rendre lesystème plus efficace. En général, les patients disposent d’un choix limité parcequ’ils doivent s’inscrire auprès de leur médecin généraliste, qui prend alors les déci-sions capitales en matière de renvoi devant un autre médecin. La question des res-sources, de l’importance de la part du gâteau national que la société est prête àconsacrer au système, reste une question politique majeure.

Dans ces circonstances, les critiques de droite s’interrogent sur le futur maintien dusystème actuel de financement et d’organisation publics, parce que la nature desefforts nécessaires pour hisser les dépenses au niveau des normes Nord-européen-nes n’est pas politiquement réalisable avec les seules ressources du Trésor. Jereviendrai sur ces points à la fin de l’article, lorsque je ferai valoir que, bien que lesystème lui-même doive s’adapter aux nouvelles demandes et aspirations – surtoutpour affronter ce qui est qualifié de « déficit démocratique » -, le modèle de basepossède encore bien des vertus qui lui valent d’être recommandé vu le formidablesoutien qu’il connaît auprès du grand public.

Les évaluations des différents systèmes de santé divergent. L’Organisation Mondialede la Santé (OMS), dans son rapport (World Health Report 2000) a, sur la base decritères controversés, établi un palmarès. La France venait en première position entermes de performance d’ensemble pour sa bonne santé grâce à l’utilisation desdépenses de soins de santé, la Grande-Bretagne, quant à elle, a reçu une décevante18ème place (Organisation Mondiale de la Santé 2000, Braveman et al 2000). Lesréformes introduites dans certains Etats apportent leur lot de questions similaires etd’interrogations qui en amènent d’autres :

En termes de santé, quelle différence l’accès à la médecine opère-t-il réellement etque faut-il encore en plus que la simple fourniture de soins pour promouvoir lasanté ?

Comment trancher : qu’est-ce une bonne médecine, qu’est-ce un bon ou un mau-vais médecin ? Jusqu’où impliquer les patients et les utilisateurs dans ces décisionsqui, par tradition, sont prises par les médecins avec une certaine participation despouvoirs publics. En d’autres termes, quelle suite accorder aux agendas tant de« qualité » que d’« efficacité » ?

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Jusqu’où peut aller l’engagement d’universalisme (égalité et fraternité), comptetenu de l’explosion des onéreuses interventions médicales ? Jusqu’où, la médecinedoit-elle s’ouvrir ou se soumettre à certaines conditions ? Quelle est la hauteur del’intervention financée par des parties tierces, qu’il s’agisse de fonds d’assurance oude subventions gouvernementales ?

Comment répondre aux besoins sociaux des malades de longue durée et des aînéscomme un aspect de citoyenneté ou de solidarité ? Problèmes qui, dans leurensemble, n’ont pas été pris en considération au moment où les systèmes de santéeuropéens avaient été créés voici une génération.

1. PRIMO, UN BRIN D’HISTOIRE ET DE POLITIQUE ...

1.1. LA POLITIQUE A L’ORIGINE DE LA CREATION DU NHS : FINANCEMENT ETORGANISATIONHormis les USA « exceptionnellement » orientés sur le marché (1), le financementdes systèmes de santé des pays capitalistes développés s’opère de l’une ou l’autrefaçons: soit par une assurance sociale obligatoire (système bismarckien), soit par lesimpôts (système beveridgien). Ces deux systèmes présentent des similitudes en cequ’ils cherchent des moyens collectifs permettant à la population d’avoir accès àd’onéreux soins de santé. Ils ne s’en remettent pas simplement à l’individu. Tradi-tionnellement, tous deux ont également souscrit à l’autonomie clinique du médecin,via une relation « libre » ou libérale avec le patient qui, en pratique, est dominée pardes producteurs (2). Au départ de cette situation, tous deux s’efforcent de glisservers un cadre impliquant pour les médecins plus de responsabilités envers lesinstances de financement, une relation de travail en partenariat avec leurs patientset un meilleur équilibre entre soin, prévention et guérison, ainsi qu’entre hôpital etsoins de première ligne.

La beauté des systèmes basés sur la taxation repose (largement) sur le plan pratiquesur le fait qu’ils accordent l’accès comme un simple droit « citoyen », tel que définipar exemple dans la loi britannique sur le NHS de 1946. Ils restent dans une four-chette raisonnable du point de vue des coûts des transactions ou des frais de pape-rasserie/bureaucratie. Une forte quotité de service salarié (partiel chez les médecinsgénéralistes) évite l’inflation des honoraires médicaux à la prestation, généraliséedans les systèmes d’assurance sociale et privée. Par ailleurs, on pourrait faire valoirl’argument qu’en Grande-Bretagne, ce système maintient le niveau des dépenses àun seuil trop faible, à cause notamment des pressions liées au vieillissement de lapopulation, et ne fournit pas suffisamment d’incitants – problème que les réformesde 1990 ont tenté de résoudre – pour offrir un maximum d’efficacité.

(1) Les pays d’Europe méridionale, également, divergent quelque peu à cause, selon moi, de leur ca-ractère « hybride », mettant en oeuvre des éléments d’un système basé sur la taxation, l’assurancesociale, et l’orientation sur le marché – particulièrement la Grèce, pays qui m’intéresse.(2) Le « libéralisme » présente toujours des limites politiquement définies, et se restreint égalementsubstantiellement à certains domaines de la pratique médicale, plus particulièrement la psychiatrie. 901

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Les systèmes d’assurance sociale varient quant à l’étendue de l’accès accordé etencore davantage du point de vue de l’occupation professionnelle, ce qui nécessiteultérieurement de les enrichir de droits citoyens plus étendus. Le système canadieny parvient via un seul fonds d’assurances, qui en fait virtuellement un système beve-ridgien. Le système allemand est effroyablement complexe et fragmenté. Le systèmefrançais, quant à lui, oscille quelque part entre le canadien et l’allemand. Jusqu’il y apeu, les systèmes fondés sur la taxation opéraient sur une base “accès ouvert” - fût-ce avec des mécanismes « implicites » de rationnement -, les systèmes fondés surune assurance, par contre, ont traditionnellement défini les formes de dépensesmédicales admissibles et inadmissibles. En d’autres termes, ils ont plus fréquemmenteu recours à des processus de rationnement explicite.

Pour cette raison, il est plus aisé de contenir les coûts dans les systèmes fondés surla taxation comme le démontre l’expérience constante en Grande-Bretagne ourécente en Suède. En fait, le contrôle central offre en règle générale de meilleuresopportunités pour orienter la politique. Il tend également à se montrer « paternali-stes » envers les usagers dont on attend de la gratitude pour l’obtention de presta-tions de services gratuites (qu’ils ont en réalité payées). Les systèmes fondés sur uneassurance sociale, généralement basés sur des honoraires à la prestation et un fortsentiment de droit, sont nettement plus onéreux. Ainsi, alors que les dépenses enGrande-Bretagne à la fin des années ‘90 s’élevaient à 6,7% du PIB et en Suède à 8.2%,les deux grands systèmes de santé basés sur l’assurance sociale – Allemagne et Fran-ce – dépensaient respectivement 10,7% et 9,5% (OMS Europe 1999).

Généralement, il s’agissait des deniers publics. Jusqu’à un passé récent, le secteurprivé était réduit et son principal rôle se restreignait à dispenser des soins hospita-liers à des personnes qui, ayant reçu des soins de première ligne de l’Etat, souhaitai-ent contourner les longues listes d’attente en chirurgie non urgente des institutionspubliques.

Outre la Grande-Bretagne, des systèmes fondés sur la taxation sont également pré-sents en Scandinavie. Les systèmes basés sur l’assurance sociale sont plus répandus,nous en trouvons des variantes à travers l’Europe continentale, l’Australasie et leCanada. La question de savoir pourquoi certains pays disposent d’un système fondésur la taxation, d’autres d’un système fondé sur l’assurance sociale, voire d’aucuncomme les Etats-Unis, n’entre pas dans le cadre de ce bref article. Toutefois, lesprincipales influences sont liées, d’une part, à l’équilibre du pouvoir entre lesintérêts des médecins et des assurances civiles ou privées et, d’autre part, entre lecentralisme de l’Etat et la puissance des mouvements travaillistes socialistes. Cen’est que lorsque l’intérêt de ces derniers est assez fort et surpasse la puissance bienimplantée des premiers dans le système, que l’on voit émerger des Services Natio-naux de Santé fondés sur l’imposition. Or, même dans ce cadre, cette évolutiondépend d’acteurs de poids – en Grande-Bretagne, Beveridge et Bevan ; en Suède,Hojer – qui sont capables de saisir les moments historiques.

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En Grande-Bretagne, le NHS a été créé en 1948 comme partie intégrante du « post-war settlement » (règlement d’après-guerre) du gouvernement travailliste, via unesérie de compromis, négociés entre l’Etat et les professionnels de médecine, d’unepart, et le mouvement travailliste organisé, d’autre part. Ceci a donné lieu à un systè-me unifié basé, sur la taxation, mais dont l’organisation était effectivement dévolueaux médecins. Certes, la population en a obtenu l’accès, mais peu de contrôledémocratique. Les médecins étaient les grands vainqueurs, particulièrement lesmédecins hospitaliers. La guerre, par la force des choses, avait fait affluer dans leshôpitaux de grandes quantités d’argent et ils avaient bien l’intention de maintenircette situation. Cependant, ils ne tenaient pas à tomber sous le contrôle des auto-rités locales ni même des conseils régionaux, pas plus d’ailleurs que leurs confrèresgénéralistes (médecins de la communauté) qui, auparavant, dépendaient du « systè-me panel » semi-indépendant créé par Lloyd George via le « National Insurance Act »(Loi nationale sur les assurances) de 1911. Toute la philosophie sous-jacente étaitégalement étayée par la croyance dans les « progrès de la médecine » : supprimez labarrière des coûts et les gens iront consulter plus tôt, seront traités efficacement etguériront rapidement. Cette croyance était si ancrée que l’on prédisait même queles coûts liés aux soins baisseraient au fur et à mesure que la santé de la populations’améliorerait (Klein 1995, Baggott 1998).

Les principaux changements organisationnels étaient :

la relégation de l’assurance et de la médecine privée dans les marges ;la reprise par l’Etat des hôpitaux locaux publics et des hôpitaux « volontaires »

(charité) ou des hôpitaux d’enseignement élitaire, mais ces derniers acquirent unesemi-indépendance ;

le maintien de l’autonomie clinique des médecins hospitaliers, de leur droitd’exercer librement leur art en privé, et l’assurance d’une représentation collectiveà tous les niveaux des organes décisionnels ;

le maintien du statut contractuel semi-indépendant et de l’autogestion des méde-cins généralistes ;

« Regional Health Authorities » (Organes régionaux de santé) en tant que princi-paux organes de planification.

Le trait peut-être le plus important du système était le rôle de « portier » exercé par lemédecin généraliste. Ce rôle n’est pas né pour une question rationnelle de politique.Il résulte largement d’un compromis entre les médecins généralistes et les médecinshospitaliers d’élite, ce qui a eu pour conséquence que le travail des spécialistesdépendait toujours de l’appréciation des généralistes. En Grande-Bretagne, les gensne peuvent s’adresser directement à un spécialiste. Ce système peut être qualifié depaternaliste (« le médecin est le mieux placé pour choisir un autre médecin ») et limi-te les pouvoirs des consommateurs médicaux. Mais, on peut également reconnaîtrequ’il renforce la focalisation sur un système plus holistique et sur les soins de premiè-re ligne. Chacun doit s’inscrire auprès d’un généraliste pour obtenir un traitement,c’est le « billet d’accès » au système – et la grande majorité des gens le font.

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Autre fait significatif : le flux du personnel médical est réglé par un accord entre laprofession et l’Etat. Le nombre de médecins et d’infirmiers formés chaque annéeest réglementé, ce qui évite la surabondance de médecins à laquelle sont souventconfrontés d’autres pays européens. Ceci implique à son tour moins de résistances àl’encontre d’une médecine interventionniste, de haute technologie. Dans une étudesur la culture de certains systèmes de santé, Lyn Payer (1989) a fait valoir le caractè-re « conservateur » du système de médecine britannique. Avant de sanctionner unetechnique, les médecins britanniques veulent savoir si elle fonctionne. Le fait, qu’ex-cepté accident et arrivée aux urgences, les gens doivent s’adresser d’abord à unmédecin généraliste, agit également comme un frein sur la demande de traitementde haute technologie. De fortes caractéristiques teintées de paternalisme ont étéhéritées du passé, lorsque le médecin, le prêtre, le notaire et le « bobby » (agent depolice) local étaient des représentants naturels de l’autorité. Ceci est renforcé pardes pressions tant institutionnelles que culturelles. En particulier, le contrôle centralfort sur l’argent alloué chaque année au système agit comme méthode efficace demaîtrise des coûts et comme système « implicite » de rationnement, dans lequel les« dilemmes des médecins » sont apaisés.

L’ironie veut que ce « conservatisme » et ce paternalisme se soient développés paral-lèlement au « socialisme » après la seconde guerre mondiale et que, peut-être, ils necommencent à se fracturer que maintenant ; pourtant, en aucun cas, ils ne se sonttotalement désintégrés, malgré les réformes de santé radicales des années 1990.

1.2. LA POLITIQUE DU DEVELOPPEMENT DU NHS DE 1948 A 1979 – UN APERCUCONCIS ET PARTISAN Dès les premiers jours du NHS, certains articles de presse prétendaient que certainsabusaient d’un système « gratuit », ce qui, dans le contexte du gouvernement conser-vateur des années ’50, souleva la question de sa viabilité. Le gouvernement instituale « Guillebard Enquiry » (Commission Guillebard) en 1957 pour examiner cesquestions. Les scientifiques qui influencèrent cette commission étaient dominés parune pensée sociale démocratique et donc accordèrent au NHS un « bulletin debonne santé » en l’assortissant toutefois d’une remarque relative à son sous-investis-sement. Ceci renforça le consensus politique autour du NHS et facilita, dans le cou-rant des années ’60, l’expansion massive des dépenses hospitalières dans le cadre del’ « Hospital Plan » de 1962. Ce dernier fixa le principe selon lequel un Hôpitalgénéral de district moderne et multidisciplinaire devait servir les besoins d’une loca-lité définie. L’augmentation d’échelle et la complexité du NHS mirent une nouvellefois l’accent sur la nécessité de gérer les grandes institutions et de planifier lagamme complète des prestations de services sur le plan des localités. Dans l’idéolo-gie dominante de cette époque, ceci soulignait le besoin d’une technocratie. Celaaboutit à la Réorganisation du NHS, qui eut lieu parallèlement avec celle des gouver-nements locaux. Il est intéressant de noter que ces réformes furent attaquées simul-tanément par la droite et par la gauche, - bien sûr au départ de points de vue politi-

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ques et d’agendas différents - parce qu’elles mettaient en place des bureaucratiesdistantes qui n’avaient pas à se justifier Deux principes dominaient et peut-être untroisième, en quelque sorte en guise de post-scriptum :

Intégration verticale – une série de « couches » de planification du haut vers le basdu gouvernement central via les régions jusqu’au niveau du « district ».

« Management du consensus » – ceci signifie que les managers et les médecins ontdes pouvoirs identiques, c.-à-d. les médecins disposent d’un droit de veto, ce quis’apparente à une recette pour un « pat » permanent.

Des Local Community Health Councils (Conseils de santé pour les communautéslocales) furent installés pour représenter la voix des usagers, avec si peu de pou-voirs formels qu’on les qualifiait souvent de « bouledogues édentés ». Il faut malgrétout être honnête et reconnaître qu’un grand nombre d’entre eux ont mené de vivescampagnes pour représenter les intérêts des communautés.

Depuis les années ’40, les moyens dévolus au NHS ont considérablement été aug-mentés en termes de valeur nominale, mais non en tant que pourcentage de laprospérité nationale (PIB), à cause de la manière dont le système de « gestion et decontrôle » a servi de frein aux dépenses. La majorité de l’argent provenait directe-ment des impôts plutôt que des cotisations à l’Assurance Nationale, d’une faiblequotité des coûts portés en compte aux usagers et d’un secteur médical privé limitéqui avait commencé à grandir dans le courant des années ’60, lorsque la nouvelleclasse moyenne tenta d’esquiver la politique fiscale du gouvernement.

Les années qui suivirent la Réorganisation de 1974, furent des années de bouleverse-ment (Klein 1996, Baggott 1998). Pour rappel, le gouvernement cherchait à briderla médecine privée au sein du NHS, les infirmières et les aides sous-payés se révoltè-rent contre les salaires intolérablement bas, et, en guise de réponse à la « crise pétro-lière », des tentatives furent mises en place pour restreindre les dépenses de santé,plus spécialement les projets requérant des capitaux. La nouvelle structure provo-qua des batailles à divers niveaux entre managers entre eux et entre managers etprofessionnels de la santé. Les grèves des travailleurs faiblement rémunérés desannées 1978-9 - « l’hiver du mécontentement » -renforcèrent le sentiment de crise,ce qui contribua à porter au pouvoir un gouvernement conservateur.

Le gouvernement travailliste de 1974-9 chercha à traiter deux problèmes spécifi-ques. Le premier le fut effectivement, le second pas et est donc récemment réappa-ru à la surface. En premier lieu, depuis 1948, le système du financement des régionset des hôpitaux était contraire au principe de Robin des Bois, en ce sens que lesplus privilégiés et les moins privilégiés continuaient, année après année, à recevoirles mêmes parts du gâteau. Ceci faisait partie d’une « loi inverse sur les soins »(« inverse care law ») (voir Tudor Hart 1970), dans laquelle les plus pauvres et lesplus malades percevaient moins de ressources, parce que les hôpitaux d’élite à Lon-

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dres et dans le Sud Est, accueillant principalement (mais pas exclusivement) lesmieux lotis, continuaient à percevoir chaque année le plus gros morceau. Les pre-miers pas pour y remédier furent faits avec la Resources Allocation Party (Part d’allo-cation des ressources) de 1976, ou RAWP Formula qui cherchait à organiser larépartition entre les localités en fonction de la population et des « besoins de soins ».Cette formule a été changée depuis, notamment par les Réformes du NHS de 1990mais, pour l’essentiel, elle reste acquise et a résisté à l’usure du temps. La RAWPétait cependant un instrument peu pratique, incapable de supprimer les inégalités -de plus en plus criantes, selon les avis unanimes -, dans les soins de santé même si,globalement, la santé s’améliorait. Un groupe de travail fut institué, lequel fut à l’ori-gine de la rédaction du « Black Report” (Rapport sur les points noirs) de 1980, quien appelait à un effort concerté pour remédier à la pauvreté et à la misère commemoyen d’améliorer la santé, plutôt que d’investir simplement dans les services desanté. Ce rapport est considéré comme un document capital pour la nouvelle santépublique en Grande Bretagne et à l’étranger. Hélas, avant d’être publié, un gouver-nement conservateur avait pris le pouvoir et l’ignora délibérément. Toutefois, dufait de l’augmentation de la pauvreté et du chômage au cours des années 1980, lesinégalités dans le domaine de la santé n’ont cessé de s’aggraver (Townsend,Davidson et Whitehead 1992).

1.3. LA POLITIQUE DES SOINS DE SANTE SOUS L’ERE CONSERVATRICE 1979-87 Alors que le gouvernement travailliste radical de 1945 avait agi avec diligence pourréformer profondément le système de santé, les conservateurs radicaux de 1979atermoyèrent 11 ans avant de tenter de faire pareil. Pourquoi ces tergiversations ?En grande partie, à cause du danger potentiel de toucher à ce domaine sensible et àcause d’autres priorités plus pressantes : la lutte contre les syndicats en général etcontre le Syndicat National des Mineurs en particulier.

Ceci ne signifie pas pour autant que ce gouvernement fût inactif. Un arsenal de me-sures fut adopté afin de préparer le terrain à la réforme plus substantielle à partir de1983. Premièrement, le gouvernement passa du consensus à la « gestion générale »ce qui signifiait que des non-médecins et même des managers extérieurs issus del’industrie pouvaient désormais « occuper des fonctions dirigeantes », mettant ainsifin à l’impasse depuis 1974. Deuxièmement, il innova en sous-traitant avec le sec-teur privé des prestations de services non médicales et professionnelles comme lenettoyage et le catering.

Finalement, ce n’est que lors de la “troisième période de gouvernement” des radi-caux – à partir de 1987 - que les conservateurs s’attelèrent à « réformer » en profon-deur le NHS à la suite de la combinaison de deux facteurs. En premier lieu, uneaudace croissante liée à un sentiment d’invulnérabilité politique et, en second lieu,les pressions politiques des médecins et des médias pour augmenter les dépenses enmatière de soins de santé alors que, jusque-là, le gouvernement avait tenu très étroi-tement les cordons de la bourse. Margaret Thatcher elle-même, en tant que Premier

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Ministre, voulut prendre l’initiative et conduire une importante analyse politiquedes options futures de financement et d’organisation du NHS. En cours d’analyse,elle décida rapidement d’abandonner les projets visant à passer à un financementpar assurance, peut-être parce qu’elle réalisa que le financement par la fiscalité don-nait au gouvernement contrôle et influence. En lieu et place, elle chercha à réaliserun changement radical dans l’organisation et la philosophie du système en partantde la supposition que le problème ne provenait pas d’un manque de ressources,mais de la piètre efficacité à l’échelon local et de niveaux de performances inégales.En d’autres termes, elle décida de se débarrasser de « l’enveloppe socialiste » tout ententant d’en transformer les effets jusqu’à calquer son modèle préféré de l’industrieprivée, par le biais du « marché intérieur ».

Le « NHS and Community Care Act » (Loi sur le NHS et les soins dans la commu-nauté) de 1990 constitua la plus grande « fracture radicale » depuis 1948, et impli-quait les principaux éléments ci-après :

les « Health Authorities » (Autorités sanitaires) doivent surtout devenir des organesde planification et d’organisation de la sous-traitance ;

les médecins généralistes peuvent élire les « gestionnaires de budget » et traiteravec les hôpitaux pour les soins de seconde ligne ;

un nouveau contrat fut établi pour les médecins généralistes leur allouant une plusgrande responsabilité en matière de dépenses de médicaments (budgets indicatifs)et des paiements incitatifs pour certaines procédures telles que le screening despatients plus âgés ;

les trusts d’hôpitaux et d’ambulances doivent devenir des sociétés semi-indépen-dantes et rechercher du travail contractuel auprès des autorités sanitaires et desmédecins généralistes, gestionnaires de budget ;

création d’un exécutif NHS qui détournerait la responsabilité de la planificationnationale de santé des politiciens vers le Ministère de la Santé, oeuvrant à travers sesantennes régionales ;

la responsabilité des soins résidentiels et à domicile des personnes âgées doit êtreassumée par les autorités locales.

Etant donné que, délibérément, ces changements radicaux ne furent jamais évalués,il est difficile de savoir avec certitude quels effets ils ont exercés (OMS Europe1999). Un grand nombre de commentateurs, mais pas tous, pourrait s’accorder surce qui suit :

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il est probable que les améliorations globales des performances, par exemple laréduction des listes d’attente, fussent davantage dues à un financement accru aucours des premières années des réformes, et à des mesures spécifiques telles que la« Waiting List Initiative » (Initiative de la liste d’attente), qu’aux réformes elles-mêmes ;

les généralistes, gestionnaires de budget ont acquis quelques avantages pour leurspatients, mais apparemment au détriment de ceux dont le médecin généraliste n’estpas gestionnaire de budget ;

en pratique, les réformes étaient moins radicales et décentralisées qu’elles ne lesemblaient à première vue : la sous-traitance n’existait que dans certaines limites, lespoliticiens n’ont pas cédé le contrôle à l’Exécutif NHS, et les hôpitaux préféraientservir leur communauté locale plutôt que s’ouvrir au marché. A droite, ceci est con-sidéré comme une raison à l’échec, tandis qu’à gauche, c’est perçu comme une limi-tation des effets négatifs potentiels (par exemple la fermeture massive deshôpitaux) ;

le système de contrats annuels a fortement augmenté la bureaucratie sans qu’il enrésulte des bénéfices évidents et avérés ;

les réformes organisationnelles ne peuvent atteindre qu’un résultat limité lorsquele niveau des dépenses NHS reste faible par rapport aux normes internationales etque les innovations médicales et le nombre croissant de personnes âgées font pesersur le système de santé des demandes accrues. Le système hospitalier opérait avecpeu de capacités de réserve et était particulièrement mis sous pression durant lesmois d’hiver ;

le système de soins de la communauté a entraîné une lutte de compétences entreles autorités sanitaires et les pouvoirs locaux, au cours de laquelle les premières sou-haitaient se décharger des patients et les envoyer à « l’aide sociale » pour réaliser deséconomies, les derniers répugnant à voir augmenter les frais en assumant uneresponsabilité pour ces patients.

Il va de soi que ceci constitue une évaluation sélective : pour de plus amples détails,veuillez voir Le Grand et al (1998).

Au cours des derniers jours du gouvernement conservateur, la politique a glissé del’expérience de marché - la gestion de budget par les médecins généralistes - à uneffort concerté de « conventionnement » des généralistes, désormais noyau d’unnouveau système de « NHS de première ligne », afin de résoudre la tension née de lacompétition entre les autorités sanitaires et les médecins généralistes, en favorisantd’ailleurs ces derniers. Ceci s’est concrétisé avec la promulgation de la « PrimaryCare Act » (Loi sur les soins de première ligne) de 1997, qui obtint le soutien duParti travailliste parce que celui-ci souhaitait que la prise de décision réside entre les

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mains du « personnel de première ligne » (et, ce faisant, le rendre collectivementresponsable). Cette loi visait à instaurer de nouvelles structures locales dans lesquel-les les médecins généralistes pouvaient se regrouper en collectifs en vue de planifierla sous-traitance des soins de première ligne, de deuxième ligne et les soins commu-nautaires. Dans un premier stade, ceci se déroulerait sous les auspices des autoritéssanitaires par le biais de “Primary Care Groups » (Groupes de soins de premièreligne), tandis que, dans un deuxième stade, les soins de santé seraient sous-traitéspar des « Primary Care Trusts » (Trusts de soins de première ligne) locaux plus vas-tes. Ceux-ci reprendraient effectivement le rôle d’attribution de contrats des auto-rités sanitaires, fonction qui serait ensuite largement réduite à un rôle de supervi-sion.

2. NEW LABOUR ET LE NHS : DE VIEUX HABITS AVEC DE NOUVEAUX BOUTONS ?

Lorsque les travaillistes sont arrivés au pouvoir en 1997, le Parti s’était juré de sup-primer le marché intérieur et, surtout, le système des généralistes gestionnaires debudget qu’il considérait comme particulièrement inéquitable. Il chercha égalementà faire de la lutte contre les inégalités en matière de soins de santé une priorité poli-tique, après quasiment deux décennies durant lesquelles cette réalité avait à peineété reconnue. Dans l’espace limité qui m’est disponible ici, j’identifierai les principa-les mesures et fournirai un commentaire critique sur les états de services du gouver-nement.

Les trois principaux livres blancs de la politique du New Labour sont :

1997 The New NHS : Modern . Dependable (le nouveau NHS : Moderne . Fiable) ;

1999 Saving Lives : Our Healthier Nation (Sauver des vies : notre nation plussaine) ;

2000 The NHS Plan (le plan NHS) ;

Le “White Paper” (Livre blanc) de 1997 a aboli le système de contrats annuels pourle remplacer par des accords de trois ans.

Comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, le glissement vers un NHS avec lesmédecins généralistes en première ligne fut poursuivi et, en avril 2002, des “PrimaryCare Trusts » (Trusts de soins de première ligne) ont été initiés sur la base d’uneimplantation locale. Personne ne sait dans quelle mesure les généralistes s’adapte-ront à leur rôle accru en matière de planification, alors que, traditionnellement, ilsont eu tendance à ne pas regarder plus loin que la porte de leur cabinet. Les compé-tences et responsabilités des régions et des autorités sanitaires sont en voie d’êtreadaptées en conséquence. Quelqu’un de cynique pourrait faire valoir l’argumentqu’abolir totalement le système de gestion de budget des médecins généralistes

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n’est pas réalisable. Finalement, on a tenté de l’incorporer dans le système des soinsde première ligne en tant qu’ensemble. En l’absence du marché intérieur, le gouver-nement a introduit d’autres sanctions en matière de performances, parmi lesquellesdeux méritent d’être signalées. La « Modernisation Agency » (Agence de modernisa-tion) fixe les normes de bonne pratique tandis que la « Commission for HealthImprovement » (Commission pour l’amélioration de la santé) constitue un corpsd’inspection qui évalue les hôpitaux et les trusts selon un certain nombre de critè-res. Les institutions qui obtiennent des scores médiocres se verront accorder desopportunités d’amélioration, et seront, en fin de compte, confrontées à une inter-vention extérieure. Le « National Institute for Clinical Excellence » (NICE), malgrél’euphémisme de son titre, est essentiellement un mécanisme de rationnement quiévalue de nouveaux produits pharmaceutiques afin de voir si l’autorisation de leurprescription est bénéfique (les conservateurs avaient établi une liste officielle en1986). Le premier jugement de cet organisme a été de rejeter l’agréation du médica-ment antigrippe Relenza. Ultérieurement, il approuva la prescription du Viagra, maisuniquement dans les cas d’impuissance masculine.

Il est évident que le fait de se démarquer du marché intérieur a accru les tendancesà la centralisation ainsi que l’effritement de l’autonomie des médecins. Dans l’en-semble, le gouvernement n’a pas autorisé le consumérisme en partie d’une partd’une philosophie antimarché et, d’autre part de son souhait de renforcer certainsaspects de l’autorité professionnelle, particulièrement le rôle de portier (« gatekee-per ») afin de restreindre les aspirations des usagers à des prestations à prix fixes.Ainsi, la réécriture de la « Charte des Patients » des conservateurs souligne lesresponsabilités ainsi que les droits des patients. En outre, le NHS Direct (centred’appel téléphonique) et, dans les centres urbains, les “Walk-In Centres” offrentconseils et aide pour les maladies bénignes, tous deux fonctionnant avec des infir-mières plutôt qu’avec des médecins. Bref, des mesures populistes visant à augmen-ter l’accessibilité ; qui ont, par ailleurs, suscité de vives inquiétudes dans les cerclesmédicaux.

L’approche centralisatrice a également été appliquée à la santé publique, un domai-ne négligé jusqu’au « White Paper » de 1992 (« Health of the Nation » - santé de lanation) du gouvernement conservateur précédent, lequel n’était pas parvenu à ré-soudre les inégalités en matière de santé. Le gouvernement reconnaît et lutte contreces disparités mais, contrairement au « Black Report » (Rapport sur les points noirs)et à d’autres analyses de gauche (p. ex. Wilkinson 1996), il ne voit pas la nécessitéde répondre aux inégalités en tant que telles. Tony Blair a fait clairement entendrequ’il les accepte et qu’il tient uniquement à limiter l’inégalité des chances et à éleverle seuil de prospérité jusqu’à un niveau acceptable par des mesures politiquescomme son salaire minimum légal. Les inégalités ont été essentiellement combattu-es par une approche régionale, des “Health Action Zones” (zones d’action sanitaire).Celles-ci cherchent à encourager l’intervention conjointe des agences sanitaires gou-vernementales et locales en vue de promouvoir une amélioration des prestations etdes changements pour un mode de vie sain parmi les populations défavorisées. Au

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niveau local, les autorités sanitaires et les mandataires locaux doivent produireensemble des « Health Improvement Plans » (HImP) (Plans d’amélioration de lasanté) visant à améliorer localement la santé, en mettant surtout l’accent sur la luttecontre les inégalités Certains critiques ont fait valoir que ce type d’approche régio-nale ignore les causes structurelles de la mauvaise santé et renvoient à l’échec dugouvernement central qui s’est trouvé incapable de trouver une solution au hautniveau de pauvreté au Royaume-Uni, qui est des plus élevés de l’UE.

Les « National Service Frameworks » (Cadres nationaux pour les prestations de servi-ces) constituent une retombée importante du Livre blanc « Saving Lives » (Sauverdes vies). Dans des domaines tels que la maladie mentale, les troubles cardiaques etle cancer, ses lignes de conduite imposent des modèles de meilleures pratiques etdes normes nationales détaillées pour les prestations de services. On peut dire queces cadres produisent des normes identifiables de qualité et décrivent des domainesde meilleures pratiques, afin que chacun puisse en profiter. Le gouvernement a éga-lement engagé des « grosses pointures » dans les domaines des maladies cardiaques,du cancer et de la toxicomanie afin d’améliorer les résultats sur un plan national.Ceci peut être considéré comme un des volets de l’effort concerté de centralisationvisant à éroder l’autonomie médicale.

Le problème du financement ne sera pas résolu.

Le gouvernement a donc mis en oeuvre une quantité considérable d’efforts et de tra-vail depuis 1997, ciblant principalement des questions d’organisation, et se persu-adant que définir des normes, des objectifs, créer de nouvelles structures et engagerdes initiatives de tous ordres étaient une manière d’aller de l’avant. Certains ontmême qualifié cette attitude de nouvelle maladie gouvernementale, l’« initiativite ».Ceci laisse également entrevoir de grandes similitudes avec l’ère Thatcher, en cesens que, jusqu’à la veille des élections générales de 2000, le gouvernement s’en esttenu aux plans stricts de dépenses en matière de soins de santé des conservateursqui l’avaient précédé. Par ailleurs, il a cherché à financer de nouveaux axes via la« Private Finance Initiative » (PFI) (Initiative de financement privé) très controver-sée. Cette mesure sous-entend des partenariats entre public et privé, imaginés pourla première fois par le gouvernement conservateur en 1992. Cette opération consis-te à mettre un capital pour de nouveaux projets – par exemple, des hôpitaux – à ladisposition du secteur public, qui ensuite - pendant une période de 20 à 30 ans – enfacture la location au Trésor public. Des voix se sont élevées pour demander si legouvernement en aura pour son argent et s’il est moral de reporter le coût d’uneinfrastructure hospitalière sur la génération suivante. Les hôpitaux PFI disposaienttypiquement de moins de lits, ce qui, souvent, n’a pas manqué d’occasionner ratio-nalisation et fermeture. Sur le plan local, ces infrastructures ont souvent fait l’objetde débats et illustrent le problème du déficit démocratique en matière de soins et desanté. Les décisions sont prises par le Ministre de la Santé à Londres. A Coventry, lapopulation locale voulait un hôpital au centre de la ville, mais, en lieu et place, lenouvel hôpital sera construit à la périphérie de la ville. A Kidderminster, l’hôpital

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accueillant les urgences fut même fermé lorsque les services furent transférés dansdes bâtiments sur la route menant à Worcester. Les habitants étaient tellementmécontents que, lors des élections générales, ils éjectèrent le membre du parlementdu Labour et élurent un candidat de la liste « Save Kidderminster Hospital » (Sauvezl’hôpital de Kiddenminster).

Ce n’est que, depuis 1999, que le gouvernement travailliste accorde des ressourcessupplémentaires au NHS et ce, jusqu’en 2003 (ce qui se produira après cette date,n’est pas clair). Ceci faisait partie d’un effort concerté visant à oeuvrer encore plusen faveur d’une efficacité organisationnelle, (voir le livre blanc « The NHS Plan »).Avant la crise du 11 septembre, Tony Blair avait annoncé que l’amélioration dessoins de santé et des services publics était l’une de ses priorités centrales. Il déclareà présent avoir consacré suffisamment de ressources aux soins de santé et que c’estune question de meilleures prestations du personnel médical. Dans le cadre de cesefforts, son gouvernement a mis fin à la guerre avec le secteur privé qui faisait ragedepuis les années 1970 et signé un Concordat historique par lequel il s’engage à tra-vailler en partenariat. Etant donné qu’il n’existe que très peu de capacités de réservedans le secteur public, le gouvernement pense que ce n’est qu’à la veille des pro-chaines élections, en 2005, qu’il pourra accroître les activités en sous-traitant la chi-rurgie non urgente. Tony Blair proclame que, de toutes façons, cela ne comprometpas les principes au cœur du NHS.

Le public observe tout cela avec réalisme, sans idéologie. La retraitée qui attendd’être opérée des hanches ne se plaindra sûrement pas si elle obtient d’être opéréecomme patiente NHS via des capacités de réserve dans le secteur privé.

Il est inutile de dire que ceci est une question controversée pour un parti qui, partradition, s’entremettait pour le secteur public, et qui depuis s’est brouillé avec lessyndicats du secteur public. Toutefois, les événements qui se sont déroulés depuisle 11 septembre ont au moins, pour le moment, tempéré la polémique sur cesfronts.

L’une des questions centrales de la politique qui n’a pas été abordée est peut-êtrecelle du financement des soins de longue durée. Comme nous l’avons déjà vu ci-des-sus, le NHS de 1990 et la « Community Care Act » ont créé une distinction artificiel-le entre les « soins de santé » gratuits dans le cadre du NHS, et les « soins sociaux »relevant de la responsabilité des pouvoirs locaux et pouvant être portés en compte.La « Royal Commission on Long Term Care » (Commission royale sur les soins delongue durée) de 1998 tablait sur un argument : l’élément soins devait être gratuitdans les deux cas, mais des éléments tels que le logement devaient faire l’objet d’uncontrôle des moyens d’existence. Certains critiques prétendent que le glissementvers les « Primary Care Trusts » entraînera, après 2002 pour les patients NHS, le pay-ement de certaines de ces prestations de services, alors que, dans le passé, cesmêmes soins leur étaient accordés tout à fait gratuitement (Pollock 2001). Tout ceque nous pouvons dire à ce stade, c’est que, depuis avril 2000, le glissement vers les

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Trusts crée un niveau d’incertitude sur la mise à disposition future des soins desanté et des soins sociaux temporaires, encore aggravée par les pressions sur lefinancement. Dans d’autres pays, p. ex. en Allemagne et en France, ce problème aété résolu à la source en opérant des glissements vers des assurances de soins delongue durée.

3. CONCLUSION : LA POLITIQUE NORMALE SERA REPRISE AUSSITOT QUEPOSSIBLE...

Finalement, la politique en reviendra aux questions domestiques et le problème desressources du NHS remontera à la surface comme point central. Le gouvernementBlair semble affirmer au peuple britannique qu’il peut avoir des prestations de santéde haute qualité sans avoir à payer pour cela beaucoup plus. Blair semble croire quedéfendre des hausses d’impôts s’apparente à un suicide politique. Pourtant, il y ades limites à ce que peuvent atteindre les « initiatives » de quelque nature qu’ellessoient, quelque innovatrices et prometteuses un grand nombre d’entre elles puisseêtre. Le véritable choix politique consiste à savoir si nous nous dirigeons vers unmodèle de marché américain ou vers un modèle social européen. Actuellement, laGrande-Bretagne balance inconfortablement entre les deux.

Aux Etats-Unis, la part de revenu national des dépenses publiques est d’environ30%, au Royaume-Uni d’à peu près 40% et en Europe continentale, elle se situe sou-vent aux alentours de 50%. Nous ne pouvons avoir les niveaux européens de presta-tions de services avec les niveaux d’imposition britanniques ou des niveaux d’impo-sition américains avec les niveaux des prestations de services britanniques (Dilnot2001).

Le gouvernement a l’intention d’augmenter d’ici 2006 la part affectée aux soins desanté jusqu’à atteindre environ 8%, ce qui, déclare-t-il, représente la moyenneeuropéenne. Les économistes de la santé suggèrent toutefois que la moyenne desdépenses européennes est supérieure à 9% du PIB, et que ce chiffre serait encoreplus élevé si l’on s’alignait sur la norme des pays Nord-européens plus riches (Towseet Sussex 2000, Appleby et Boyle 2000). Vus sous cet angle, les projets du gouverne-ment sont extrêmement pusillanimes. Si nous ajoutons à ceci la nécessité de finan-cer les soins de longue durée, afin de soulager dans un sens la pression subie par lesservices de santé, et la nécessité d’adopter des mesures sociales pour lutter contre lapauvreté pour la soulager dans l’autre, les dépenses publiques devront à l’évidenceêtre augmentées de manière substantielle.

Ce type de démarche est-il politiquement réalisable ? Lors des dernières électionsgénérales, les projets des conservateurs visant à opérer des coupes sombres dans lesdépenses publiques et à isoler la Grande-Bretagne du courant dominant en Europeont été clairement rejetés. Ceci rend possible un optimisme prudent puisque lepublic britannique a tiré les enseignements des années Thatcher et a pris conscien-

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ce qu’il est possible « d’avoir le beurre et l’argent du beurre » – mais uniquement sil’on est disposé à payer pour cela ! Le danger d’une intervention trop peu énergiqueréside dans l’incapacité du secteur public de répondre aux impossibles demandesqui lui seront faites, ce qui mènerait tout droit à une réactivation de l’agenda radicalde droite de privatisation de l’ensemble du secteur.

(Traduction)__________

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Tudor Hart, J., The Inverse Care Law in The Lancet, 27 février, pp. 405-412, 1971.OMS Europe, Health Care Systems in Transition: United Kingdom, Copenhague,European Observatory on Health Care Systems, 1999.

Wilkinson, R., Unhealthy Societies, Londres, Routledge, 1996. __________

915

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

ANNEXE : LE NHS BRITANNIQUE : UNE BREVE CHRONOLOGIE

1 L’ère social-démocrate

Précurseurs : (sous un angle de vue rétrospectif):

1911 National Insurance Act (Loi sur l’assurance nationale) – Système de panelpour médecins généralistes

1940 Emergency Medical Service (Services médicaux d’urgence)

1945 Election du gouvernement travailliste d’après-guerre

1946 National Health Service Act (Loi sur les services nationaux de santé)

1948 Etablissement du NHS

1957 Commission Guillebaud

1962 Plan sur les hôpitaux

1974 Réorganisation du NHS – apothéose de la planification

1976 Resources Allocation Working Party – système d’affectation des ressources

1980 Publication du « Black Report » sur les inégalités en matière de santé

L’ère néolibérale

1979 Election du gouvernement conservateur de Thatcher

1979 Abolition du niveau régional

1983 Introduction de la gestion générale et obligation de procéder à des appelsd’offres concurrentielles

1990 Le NHS et la Loi sur les soins de la communauté – la cassure radicale ?

1992 Initiative du financement privé et Livre blanc “La santé de la Nation”

1997 Loi sur les soins de première ligne

Une troisième voie ?

1997 Livre blanc – Le NHS : Moderne . Fiable

1999 Livre blanc – Sauver des vies : notre nation plus saine Our Healthier Nation

2000 Livre blanc – Le Plan NHS __________

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LE SERVICE NATIONAL DE SANTE BRITANNIQUE : APERCU POLITIQUE ET HISTORIQUE

Commentaire :

Cette chronologie a pour objectif de montrer les liens qui existent entre glissementspolitiques/idéologiques et les réformes programmatiques, par opposition aux chan-gements progressifs (réformes à l’intérieur d’une voie et celles empruntant une voieradicalement différente). Les arguments clés sont :

Rétrospectivement, le National Insurance Act de 1911 qui a créé le système depanel pour les médecins généralistes et l’Emergency Medical Service de 1939 quiprépara le système à la guerre, sont considérés comme les précurseurs de l’èresocial-démocrate. Toutefois, ceci ne signifie pas pour autant que ces textes poursui-vissent ce but ni même qu’ils fussent des étapes incontournables sur cette voie. Ilsont plutôt facilité un mouvement ultérieur dans cette direction.

La chronologie montre que la création du NHS a eu lieu très rapidement après queles élections ont porté au pouvoir un gouvernement travailliste. La principale réfor-me du gouvernement conservateur fut cependant reportée de 1979 à 1990. Toute-fois, comme l’indiquent les italiques, les réformes progressives des années 1980 étai-ent des actes intentionnels, bien qu’hésitants, en direction d’une autre voie. Lesréformes de 1990 en tant que telles n’ont pas fondamentalement déstabilisé lessoins de santé organisés selon un modèle social-démocrate.

Mon argument suggère de manière quelque peu controversable que nous n’avonspas emprunté une autre, troisième, voie après l’élection du New Labour en 1997.Dans les grandes lignes, nous sommes plutôt restés – hormis quelques petitesvariantes - sur la même piste, qui nous mène dans une direction néolibérale (bienqu’il reste encore beaucoup de chemin à accomplir). Certains aspects du program-me socialiste ont développé une voie social-démocrate, mais il existe peut-être deséléments déstabilisateurs qui accélèrent le mouvement dans une direction néolibéra-le.

Il est encore toujours possible de conserver et de développer la tradition social-démocrate mais, à cet égard, il faut qu’il y ait des glissements politiques, que l’ons’attaque au « déficit démocratique » et que l’on s’engage à libérer plus de moyens età les garantir.

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TABLE DES MATIERES

LE SERVICE NATIONAL DE SANTE BRITANNIQUE : APERCU POLITIQUE ET HISTORIQUE

INTRODUCTION : PLIE, MAIS NE ROMPT PAS MALGRE DES PRESSIONS CONSIDERABLES 899

1. PRIMO, UN BRIN D’HISTOIRE ET DE POLITIQUE ... 901

1.1. LA POLITIQUE A L’ORIGINE DE LA CREATION DU NHS : FINANCEMENT ET ORGANISATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 901

1.2. LA POLITIQUE DU DEVELOPPEMENT DU NHS DE 1948 A 1979 – UN APERCU BREF ET PARTISAN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 904

1.3. LA POLITIQUE DES SOINS DE SANTE SOUS L’ERE CONSERVATRICE 1979-87 . . . . 906

2. NEW LABOUR ET LE NHS : DE VIEUX HABITS AVEC DE NOUVEAUX BOUTONS ? 909

3. CONCLUSION : LA POLITIQUE NORMALE SERA REPRISE AUSSITOT QUE POSSIBLE….. 913

BIBLIOGRAPHIE 915

ANNEXE 916

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LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIONALES. LES DISPARITES EN MATIEREDE PRESTATIONS DANS LES PAYS DEL’INION EUROPEENNE *

PAR MARIE-FRANCE LAROQUE

AISS. Bureau régional pour l’Europe

Vu de loin les systèmes européens semblent proches, et ce n’est pas pour rien quel’on parle de modèle social européen. Cependant s’ils étaient réellement prochesleur harmonisation n’aurait pas ce caractère un peu utopique que nous lui connais-sons et nous n’aurions pas eu besoin de ces complexes règles de coordination quiassurent des passerelles entre les divers régimes de l’UE pour les travailleursmigrants et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.En réalité si les divers régimes obéissent à des principes fondamentaux proches, ilsse sont constitués dans des cadres de référence différents. Les évolutions qu’ils ontconnues ont un peu brouillé les différences d’origine et même si l’on peut aperce-voir des convergences, on ne peut encore parler d’uniformisation.

1. LES DEUX SYSTEMES DE REFERENCE D’ORIGINE

Les régimes de protection sociale ont à l’origine été inspirés par deux courants depensée qu’ont incarnés deux hommes : le chancelier Bismarck en Allemagne et LordBeveridge au Royaume-Uni. Ce n’est pas seulement la personnalité et le parcours devie différents de ces deux hommes qui expliquent des choix différents dans lessystèmes mis en place, mais aussi des contextes nationaux et historiques différents.

L’Allemagne, au milieu du XIXe siècle connaît un développement marqué desmouvements socialistes parmi les travailleurs. C’est aussi à ce moment qu’émerge lanotion d’Etat au sens moderne du terme avec la construction de l’Allemagne. Lapolitique du Chancelier Bismarck est la répression classique mais aussi la mise enplace d’un système d’assurances sociales obligatoires généralisées pour tous les tra-vailleurs avec l’idée ainsi de couper court aux revendications sociales.Les assurances sociales seront gérées selon le principe du paritarisme afin d’ “occu-per” les syndicalistes et les empêcher de développer des luttes revendicatives; l’Etata la mission de “promouvoir positivement, par des institutions appropriées et en uti-

* Allocution prononcée lors du colloque ‘‘La protection sociale en Europe : Mythes et Réalités, del’Institut européen des juristes en droit social (IES) qui s’est tenu à Paris les 30 novembre et 1erdécembre 2001.

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lisant les moyens de la collectivité dont il dispose, le bien-être de tous ses membreset notamment des faibles et des nécessiteux” (message au Reichstag novembre1881).Le régime créé repose sur 3 lois fondamentales : l’une pour l’assurance maladie(1883), la seconde pour l’assurance accident du travail (1884), la dernière pour l’as-surance invalidité et vieillesse (1889).L’assurance sociale a pour rôle essentiel de compenser la perte de salaire quand letravailleur n’est plus, temporairement ou définitivement, en mesure de gagner sa vieet celle de sa famille. Le droit à la protection sociale est lié à l’existence d’un salaire,les travailleurs indépendants et ceux qui n’ont pas d’activité professionnelle ne sontpas couverts. Il est financé par les cotisations, proportionnelles au salaire et verséespar les employeurs et les travailleurs à part égale. Les prestations sont proportion-nelles à cet effort contributif. Le salarié ouvre des droits à sa famille. Mais, les assu-rances sociales ne concernent que les salariés et leurs familles. Enfin on fait une dis-tinction très nette entre l’assurance sociale et l’assistance sociale financée parl’impôt.

Ce modèle sera repris pour mettre en place des régimes d’assurances sociales dansd’autres pays européens. La révolution soviétique conduira à mettre en œuvre desmécanismes de protection sociale très différents en Union soviétique. La crise de1929, le New Deal et le Welfare State de Roosevelt vont conduire aux Etats-Unis auSocial Security Act (1935).

Il faut attendre 1942 et la publication du rapport de la commission chargée d’exa-miner le système anglais, présidée par Lord Beveridge, en plein cœur de la secondeguerre mondiale, pour voir se mettre en place les fondements du deuxième grandsystème de protection sociale.

L’influence de Roosevelt et de Keynes est patente, la primauté du plein emploiapparaît comme un élément-clé pour comprendre la logique de Beveridge. L’objec-tif est d’éliminer l’indigence, Beveridge se replaçant ainsi dans la tradition des loisanglaises sur les pauvres, antérieures à la révolution industrielle. Au nom de la di-gnité de l’homme, il refuse le principe des prestations soumises à conditions de res-sources. Le rapport critique le système anglais existant sur plusieurs points : couver-ture insuffisante tant pour les personnes concernées que pour les risques, l’organisa-tion complexe…Les principes qui sous-tendent le régime à mettre en place selon Beveridge sont lessuivants: éliminer automatiquement la pauvreté en garantissant des prestations for-faitaires de base sans même avoir à faire la preuve qu’il existe une indigence, cou-vrir toute la population, quand un risque se réalise verser une prestation forfaitaire,indépendante du revenu professionnel, identique quel que soit le risque, financer lesystème par des cotisations forfaitaires.

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LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIONALES ...

Le régime créé apporte une protection uniforme à toute la population en associantune assurance nationale pour les substituts de revenu professionnel, la responsabi-lité directe de la collectivité nationale pour les prestations familiales et les servicesmédicaux avec un financement fiscalisé, un service public unifié.

Le modèle bismarckien a été adopté avant ou pendant la 2e guerre mondiale par laplupart des pays européens y compris le Royaume-Uni pour le chômage, la maladieet l’invalidité mais pas la retraite.Le rapport Beveridge marquera la France, la Belgique, les Pays-Bas et les pays scandi-naves encore plus fortement. Aujourd’hui encore l’empreinte de ces deux systèmes de référence demeure, mêmesi elle a souvent été altérée. Elle semble expliquer en partie les réticences actuelles àmodifier certains éléments considérés comme fondamentaux.

2. LA PRISE EN CHARGE DE SOINS DE SANTE

2.1. DEUX APPROCHES: L’ASSURANCE MALADIE ET LE SERVICE NATIONAL DE SANTEL’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, la Grèce ont un système d’as-surance maladie. Les principes en sont les suivants :

– une protection catégorielle, souvent généralisée à l’ensemble de la populationmais il peut encore exister des exclusions (hauts revenus en Allemagne, petitsemplois en Espagne, Autriche) ;

– un financement en principe par des cotisations ;– une gestion par les partenaires sociaux.

Le service national de santé a été mis en place au Royaume-Uni, en Irlande, en Italie,en Espagne, au Portugal, au Danemark, en Suède. Il obéit aux principes suivants :

– une protection universelle étendue à tous les résidents ;– des services médicaux le plus souvent publics et financés par des ressources fisca-

les ;– pas de dépenses pour l’assuré mais le libre choix du médecin ou de l’établisse-

ment de soins plus ou moins restreint.

Les Pays-Bas où se côtoient assurance maladie pour les dépenses courantes et systè-me universel pour les dépenses médicales exceptionnelles et la Finlande où coexis-tent un service public et des services privés complémentaires avec mécanismes d’as-surance maladie constituent deux exemples de systèmes mixtes de prise en chargedes soins de santé.

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2.2. LES DIFFERENCESLe remboursement des soins ambulatoires (Belgique, Luxembourg) après avance

des frais par l’assuré ou l’octroi direct des prestations en nature par des prestatairesconventionnés avec les caisses d’assurance maladie (Allemagne, Autriche, Dane-mark, Pays-Bas).

Le choix du médecin: libre sans restriction (Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni,Finlande pour les médecins privés), libre mais avec inscription (Pays-Bas) ou parmiles médecins conventionnés ou du service public (Allemagne, Autriche, Italie, Portu-gal, Suède), sous certaines conditions (Espagne), selon la catégorie d’assuré (Irlande,Danemark), inexistant (Grèce).

L’accès aux spécialistes : libre, éventuellement limité aux médecins convention-nés (Belgique, Allemagne, Suède, Portugal, Luxembourg, Norvège, Portugal ) ouobligatoirement prescrit par le généraliste “gate keeper” (Irlande, Italie, Pays-Bas,Autriche, Finlande, Royaume-Uni), au Danemark selon la catégorie d’assuré.

Le paiement du médecin: l’assuré paie des honoraires que lui rembourse sa caissesur la base des tarifs conventionnés (Belgique, Luxembourg), l’assuré paie une parti-cipation (Suède, Norvège), l’assuré ne paie rien et le médecin est rémunéré par lacaisse ou le service national de santé (Danemark, Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni).

La participation du patient: nulle (Grèce, Royaume-Uni), variable selon catégoried’assuré (Danemark, Irlande), selon type de soins (Suède), selon type d’établisse-ments.

2.3. LES PRINCIPALES EVOLUTIONSLe contexte dans les pays européens est sensiblement identique et se caractérisenotamment par un accroissement des coûts de prise en charge des soins de santé;des influences réciproques jouent dans le domaine des techniques de gestion et definancement. Il n’est donc pas surprenant qu’apparaisse une tendance à une certai-ne convergence.

Le passage de l’assurance maladie au service national de santé :Tous les pays du sud de l’Europe se sont dotés au cours des années 80 et 90 de servi-ces nationaux de santé et ont renoncé à l’assurance maladie.

L’accroissement de la participation des assurés dans les systèmes d’assurancemaladie :Il s’agit là d’une tendance générale; elle repose sur la volonté de maîtriser les dépen-ses de santé. Plusieurs moyens sont utilisés : prestations non remboursées, ticketsmodérateurs instaurés ou augmentés, relèvement des cotisations des assurés.

L’émergence de la concurrence restreinte: une (double) piste d’avenir en Europe?:L’Allemagne et les Pays-Bas, étaient des pays où existaient, jusqu’à la fin des années80, des régimes d’assurance maladie de type bismarckien avec segmentation profes-sionnelle et concurrence entre assureurs limitée aux assurés à hauts revenus.

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LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIONALES ...

Aux Pays-Bas tous les résidents étaient couverts pour les risques lourds, l’assuranceétait obligatoire; mais concernant les soins courants, les assurés à hauts revenus(30% de la population) bénéficiaient d’une assurance facultative auprès des compa-gnies privées. En Allemagne, les assurés, dont les revenus étaient inférieurs au pla-fond, étaient affiliés à une caisse publique professionnelle ou, à défaut, à une caisselocale publique ; ceux dont les revenus dépassaient le plafond étaient affiliés soitdans les caisses publiques soit auprès d’assureurs privés mais dans ce cas le retourdans le secteur public leur était interdit ; moins de 10% relevaient de l’assuranceprivée, il n’existait pas de péréquation financière entre caisses.Les réformes ont eu pour but d’étendre la concurrence à toute la population. Mais ils’agit d’une concurrence un peu théorique car les règles cadres aboutissent à desprimes peu différenciées aux Pays-Bas et ont peu d’effets sur les dépenses et sur laqualité des soins

Au Royaume-Uni la centralisation du National Health Service et la déterminationex-ante du budget ont empêché une dérive des dépenses de santé mais ont abouti àun certain rationnement des soins. Les réformes des années 80 ont favorisé l’émer-gence de mécanismes concurrentiels par une responsabilisation accrue des cabinetsmédicaux et des hôpitaux, un renforcement du rôle du “gate keeper” du généralistepour l’accès à l’hôpital et aux spécialistes, le généraliste négociant la prise en chargede ses patients avec les prestataires de second recours. Ces voies originales sont loind’avoir résolu tous les problèmes, elles ont cependant amené une amélioration de laqualité des soins mais aussi une hausse des dépenses, notamment pour les prescrip-tions pharmaceutiques.

3. LA RETRAITE

3.1. LES DEUX UNIVERSDans les régimes d’assurance bismarckiens, tels qu’on les observe en Belgique, enAllemagne, en Autriche, au Luxembourg, en Italie, en Espagne, en Grèce, les élé-ments clés sont :

– la condition d’activité professionnelle,professionnelle ;– le droit à pension ouvert avec une certaine durée d’assurance, le montant de la

pension proportionnel à la durée d’assurance et au salaire antérieur ;– un financement par les cotisations;– une gestion par les partenaires sociaux ;– pas nécessairement de minimum garanti ;– les régimes de base assurant un taux de remplacement élevé, les régimes complé-

mentaires sont peu développés.

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Dans les régimes universels, qui caractérisent la Suède, le Danemark, les Pays-Bas, laFinlande, le Royaume-Uni, l’Irlande, les points de référence sont :

– une condition de résidence ;– un montant forfaitaire fonction du nombre d’années de résidence (Danemark, Fin-

lande) ou de versement de cotisations (Pays-Bas, Irlande, Royaume-Uni) ;– un financement par l’impôt ou des cotisations forfaitaires ;– une gestion publique ;– à titre de complément, des régimes professionnels en répartition, obligatoires ou

facultatifs, gérés par les partenaires sociaux dans le cadre d’accords professionnels(Pays-Bas, Danemark, Finlande) ou gérés par l’Etat ou des compagnies d’assuranceprivées (Royaume-Uni SERPS).

3.2. LES DIFFERENCESSi les régimes d’assurance obéissent aux mêmes principes, les modalités selon les-quelles ils sont mis en œuvre diffèrent considérablement d’un régime à l’autre. Onpeut citer notamment :

– l’existence d’une pension minimum garantie mais avec des déterminants trèsvariables ;

– la durée d’assurance pour bénéficier d’une pension complète ;– l’âge du départ en retraite, en général autour de 65 ans, mais les conditions pour

bénéficier d’une pension anticipée sont très variables d’un pays à l’autre ;– les éléments de calcul de la pension (taux, salaire de référence, durée de cotisa-

tion) ;– les différents types de périodes prises en compte ;– les majorations ;– l’indexation est toujours prévue mais à un rythme variable (annuel ou selon le

rythme d’évolution d’un indice particulier), selon les prix ou les salaires ;– le cumul avec un salaire en général possible ;– le régime fiscal.

3.3. EVOLUTIONL’allongement de l’espérance de vie et la “rectangularisation” de la pyramide desâges, la chute de la fécondité, et le taux de dépendance caractérisent à peu prèstous les pays d’Europe au début du XXIe siècle. Mais la situation de l’emploi diffé-rente génère des attitudes différentes sur l’âge de la retraite et l’incitation à différerla liquidation de sa retraite. Ainsi des pays comme les Pays-Bas, les pays scandinaves,le Royaume-Uni et le Portugal se sont déjà engagés dans des réformes incitant les tra-vailleurs vieillissant à différer leur retraite, au contraire d’autres pays qui n’ont pasencore une situation satisfaisante sur le marché de l’emploi et continuent à favoriserles sorties anticipées du marché du travail.

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3.3.1. Vers des systèmes mixtesDans les pays où prédominaient les régimes universels se créent ou se développentfortement des régimes professionnels complémentaires, souvent obligatoires, encapitalisation ou en répartition, pour améliorer le niveau du revenu de remplace-ment (Danemark, Royaume-Uni); en Suède on a abandonné le système universelpour un système basé sur des cotisations. Les régimes d’assurance introduisent,quand il sn’existaient pas, des minima garantis (Allemagne), ce qui est contraire auprincipe de proportionnalité entre l’effort contributif et la prestation, et voient leurfinancement se diversifier, d’autres sources que les cotisations assises sur les salairesétant recherchées.

3.3.2. Le passage des régimes à prestations définies vers des régimes à cotisationsnotionnelles définies : une piste d’avenir ? On observe des tentatives pour construire des systèmes qui puissent s’autorégulerpartiellement et faire partager équitablement la charge entre les actifs et les retraités(cf. les réformes en Suède et Italie). Ces tentatives se caractérisent par plusieurs élé-ments. On cherche à :

rendre les régimes plus contributifs pour corriger les inéquités intragénérationnel-les et à inciter à une carrière plus longue, notamment en rendant flexible l’âge dedépart en retraite, l’arrêt ou la poursuite de l’activité ne dépendant plus que deschoix personnels ;

prendre en compte les gains d’espérance de vie, de sorte que ce soient les bénéfi-ciaires de cet allongement qui en supportent le coût induit ;

fixer les règles de revalorisation telles qu’elles permettent de partager les effets dela croissance ou au contraire de la récession ;

fixer un taux de cotisation unique et stable sur une très longue période.

Dans les régimes à cotisations notionnelles définies, les règles d’acquisition desdroits et de liquidation sont modifiées pour que le montant de la pension dépendede l’effort contributif total et de l’espérance de vie au moment de la liquidation. Lecompte individuel, chaque année, est crédité virtuellement des cotisations versées,cette sorte de capital virtuel est revalorisé en fonction de la progression du salairepar tête (Suède) ou du PIB (Italie). Lors de la liquidation on affecte le capital d’uncoefficient qui dépend de l’âge effectif de départ à la retraite et de l’espérance devie à cet âge. Il s’agit d’une capitalisation virtuelle car c’est toujours un régime enrépartition, il n’y a pas d’accumulation financière et la valeur de l’annuité ne dépendpas des performances des marchés financiers.

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3.3.3. L’adjonction d’éléments de retraite financés par capitalisation Ce complément, selon les pays, assure une part variable du revenu de remplace-ment. Il existe depuis longtemps au Royaume-Uni et représente une part non négli-geable de la pension de retraite. Il a été introduit dans les réformes récentes en Alle-magne, en Suède, en Italie.

3.3.4. L’âge de la retraiteIl se situe en général à 65 ans. En général il ne diminue pas mais il a parfois étérelevé pour l’uniformiser, quand il n’était pas le même pour les hommes et les fem-mes (Royaume-Uni, Autriche, Grèce, Belgique). On a développé des formules de re-traite flexible ou de pensions anticipées sous condition de durée d’assurance, pourdes raisons sociales ou de santé.

4. CONCLUSION

Cet exposé est limité à deux aspects de la protection sociale, la prise en charge desoins de santé et la retraite. Il aurait été intéressant de passer en revue d’autres cas :

l’assurance chômage et les politiques nationales qui, soit privilégient le retour surle marché de l’emploi et l’employabilité des chômeurs, soit tentent de conserver uncertain équilibre entre indemnisation et activation des dépenses de chômage ;

la prise en charge des soins de longue durée ou de la dépendance pour laquellel’Allemagne a créé une nouvelle branche des assurances sociales et le Luxembourgune prestation de sécurité sociale financée par la TVA, d’autres Etats s’efforçant detrouver des solutions en dehors de la sécurité sociale ;

les accidents du travail qui, en Belgique et en Finlande notamment, tombent dansle champ de la libre prestation de service et doivent donc, selon le droit communau-taire, pouvoir être assurés sur le marché avec le plein respect de la concurrenceéconomique sous le contrôle de l’Etat; les autres pays européens en général lesmaintiennent dans le cadre classique de l’assurance sociale publique, cependant les Pays-Bas, ont supprimé l’indemnisation spécifique, ne distinguant plus selon l’origi-

ne de l’accident la réparation à apporter.

En Europe les conditions économiques et démographiques sont homogènes, maisles différences culturelles demeurent encore relativement significatives. Les premiè-res rendent plus aisée une certaine convergence, sinon harmonisation, des disposi-tifs nationaux de protection sociale, mais dans les domaines où les secondes sontencore prégnantes les résistances seront plus fortes. Il ne faut pas oublier les con-traintes extérieures à l’Europe ou à la protection sociale comme la mondialisation,les progrès techniques, l’harmonisation fiscale, les principes de libre circulationdans les traités communautaires. Enfin quelles conséquences aura l’élargissement del’Union européenne et, à plus ou moins long terme, la refonte des règles de prise dedécision dans l’Union européenne?

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LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIONALES ...

TABLE DES MATIERES

LA CONVERGENCE EUROPEENNE CONFRONTEE AUX DISPARITES NATIONALES.LES DISPARITES EN MATIERE DE PRESTATIONS DANS LES PAYS DE L’UNION EUROPEENNE.

1. LES DEUX SYSTEMES DE REFERENCE D’ORIGINE 919

2. LA PRISE EN CHARGE DES SOINS DE SANTE 921

2.1. DEUX APPROCHES : L’ASSURANCE MALADIE ET LE SERVICE NATIONAL DE SANTE . . . 9212.2. LES DIFFERENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9222.3. LES PRINCIPALES EVOLUTIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 922

3. LA RETRAITE 923

3.1. LES DEUX UNIVERS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9233.2. LES DIFFERENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9243.3. EVOLUTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924

4. CONCLUSION 926

927

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TRAVAUX DE RECHERCHE

RECHERCHES EN COURS 931

RECHERCHES PROGRAMMEES 933

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TRAVAUX DE RECHERCHE

RECHERCHES EN COURS

Titre de la recherche :Les maladies professionnelles en Europe (2ème étude) 2002

Promoteur et institution :EUROGIPRue de la Fédération 55, Paris avec l’appui du groupe de travail international « maladies professionnelles » duForum européen de l’assurance AT-MP

Commanditaire :Caisse nationale de l’assurance maladie professionnelle des travailleurs salariés(CNAMTS) et Forum européen de l’assurance AT-MP

Durée :De 2000 à fin 2002

Personnes à contacter :Marie-Chantal Blandin, Christine Kieffer et Catherine Lecaonet EurogipRue de la Fédération 55, Paris, Francetélécopie : 33.1.40 56 36 66

But et méthode de la recherche :L’étude constitue la suite d’une première « étude sur les maladies professionnellesen Europe en comparaison sur 13 pays » publiée en septembre 2000 (Voir Revuebelge de sécurité sociale 2001, n°2 – p. 368 à 384).

L’étude actuelle actualise en harmonisant les données statistiques de chaque paysde 1990 à 2000 et présente l’actualité 1999-2002 intervenue ou en préparation danschacun des pays, ainsi que les travaux engagés pour améliorer les conditions dereconnaissance et/ou de réparation des maladies professionnelles.

Les pays qui ont pris part à l’enquête sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, leDanemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxem-bourg, les Pays-Bas (quoique ne disposant plus d’une assurance spécifique depuis1967 a néanmoins participé pour ce qui concerne le recensement de l’actualité), lePortugal, la Suède et la Suisse.

Les études de cas de l’année 2002 concernent l’asthme et la lombalgie.

L’étude prévoit également un examen du problème du sous enregistrement ou de lasous déclaration des maladies professionnelles soupçonnées dans plusieurs étatsainsi qu’une analyse de la prise en compte de l’état antérieur dans l’évaluation del’incapacité. 931

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Titre de la recherche :EODS (European occupational diseases statistics) – Statistiques européennes desmaladies professionnelles – Phase 1

Promoteur et institution :EUROSTAT – Unité E3 – Luxembourgavec l’aide de la Direction générale de l’Emploi et des Affaires sociales – Unité D5 –Santé, sécurité et hygiène du travail, les membres de la Task Force EODS et en parti-culier le Finnish Institute of occupational Health (FIOH) Institut finlandais pour lasanté professionnelle (Anti Karjolainen) et l’Institut national danois pour la santéprofessionnelle (Johnny Dyreborg)

Commanditaire :Commission européenne

Durée :La phase 1 fait suite à l’enquête pilote (1995-1999) (Voir Revue belge de sécuritésociale 2000, n° 4, p. 1149 et p. 1150), a débuté en 2000 et s’échelonne sur lesannées à venir.

Personnes à contacter :Didier DupréEurostat Unité E3Bâtiment Bech D2/727, rue Alphonse Weicher 2, 2721 LuxembourgTélécopie (352) 43 01 35 399

But et méthode de la recherche :La recherche a pour but de récolter progressivement des données harmonieusescomparables et fiables ainsi que les indicateurs sur les maladies professionnelles enEurope.

Etat de la rechercheLa première étape du projet a été lancée. Il s’agit de récolter, pour fin 2002, lesdonnées de l’année 2001 dans les 14 Etats membres (l’Allemagne s’étant désistée).

Les données statistiques récoltées concernent tous les cas de maladies profession-nelles reconnues et/ou indemnisées en incapacité temporaire, permanente et décès)dans le cadre des listes nationales dans 14 Etats membres au cours de l’année 2001.Les renseignements sont fournis pour chaque malade sur base de plusieurs varia-bles, après avoir été banalisés pour sauvegarder la protection de la vie privée.

Les variables étudiées sont le pays d’apparition de la maladie, l’âge, le sexe, l’acti-vité professionnelle du malade au moment de l’exposition, l’activité économique del’entreprise au moment de l’exposition, le numéro de référence à la liste européen-ne, le diagnostic médical (CIM10), la gravité de la maladie, l’exposition.

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TRAVAUX DE RECHERCHE

La seconde phase de l’étude débutera lorsque tous les Etats membres auront fait par-venir les données et consistera en l’analyse des renseignements fournis. La constitu-tion d’une base de données comparables sur le plan européen est en effet un élé-ment important de la stratégie de la Commission européenne pour évaluer l’effica-cité de la législation relative à la santé et à la sécurité au travail.

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RECHERCHES PROGRAMMEES

Titre de la recherche :“Solidarité” intergénérationnelle

Promoteur et institution :S. Opdebeeck et A. Van Meerbeeck – KU Leuven

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Sybille OpdebeeckInterfacultair onderzoekscentrum LUCASKapucijnevoer 35, 3000 Louvain016/33.69.10

Résultats et méthode de recherche :Les débats sociaux sur des thèmes comme durabilité financière des systèmes de pen-sion, saut de génération de l’héritage, obligation d’entretien (C.P.A.S.), avenir de lagarde des enfants et soins à domicile des personnes âgées, démontrent que laquestion de la solidarité entre groupes d’âge ou de générations restent d’une actu-alité brûlante. En outre, dans une société “vieillissante”, dans le cadre d’un Etat pro-vidence en construction, les responsables politiques devront prêter attention à tou-tes les formes d’‘‘âgisme” et à la représentation générale que l’on se fait de la “jeu-nesse”, de la « vieillesse » ainsi qu’à la solidarité entre groupes d’âge.

A l’instar du racisme, du sexisme ou de « l’handicapisme », « l’âgisme » a trois visagesou dimensions : attitudes, comportements et idéologie. Le présent projet de recher-che explore la dimension “attitude” de l’âgisme et les images, conceptions, attitudesenvers les personnes âgées, les jeunes, la solidarité intragénérationnelle et les rela-

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tions sociales entre groupes d’âge. Comme angle d’approche de ces thèmes, nousavons choisi d’observer trois groupes d’âge : les personnes de 25 à 29 ans, celles de40 à 44 ans et celles de 65 à 69 ans.

La recherche commencera par une brève étude de la littérature et une analyse dequelques banques de données quantitatives existantes. Par ailleurs, en guise de pré-paration et de complément aux interviews de la phase ultérieure de la recherche,nous analyserons certains documents. Ensuite, nous réaliserons et traiterons quel-que 65 interviews en tête-à-tête.

Titre de la recherche :Limites et possibilités des pauvres comme acteurs dans la politique belge de luttecontre la pauvreté.

Promoteur et institution :Jan Vranken – Université d’Anvers

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :Janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Jan VrankenOnderzoeksgroep Armoede, sociale uitsluiting en de Stad (OASeS)Prinstraat 13, 2000 Anvers03/220.43.20

Objectifs et méthode de recherche :Les collectifs organisés de pauvres agissent en étant convaincus d’avoir/d’obtenirune prise sur les facteurs extérieurs qui influencent leurs conditions de vie. Au mini-mum, ils espèrent contribuer à la prise de conscience du phénomène de la pau-vreté. Ils se profilent comme acteurs indispensables dans la politique menée en vuede la combattre. La participation instrumentale et communicative des pauvres estégalement inscrite dans les divers plans politiques – du niveau local jusqu’à et ycompris le niveau politique européen – comme une nécessité. A cet égard, la gou-vernance, comme la politique, du bas vers le haut et le dialogue sont des principespolitiques actuels illustratifs. Même l’idée d’autoorganisation, utilisée initialementpour les associations d’allochtones, inspire les “associations oeuvrant pour les pau-vres » contemporaines. Le degré de soutien accordé au collectif par des profession-nels – qui n’appartiennent pas (plus) au groupe des pauvres – est un critère autori-sant la distinction entre les associations.

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TRAVAUX DE RECHERCHE

Cette recherche a pour objet de vérifier s’il existe effectivement chez les pauvresdes facteurs objectifs qui leur permettent d’avoir suffisamment de prise sur leur réa-lité pour la changer.

Cette recherche offre l’opportunité d’esquisser une image du caractère souhaitable,des possibilités et des limitations du dialogue entre pauvres, leurs associations, lesresponsables politiques et autres acteurs dominants en fonction dans la lutte contrela pauvreté en Belgique.

Titre de la recherche :Choix sociétaux, pauvreté structurelle et coût social

Promoteur et institution :Ides Nicaise – HIVA, KU Leuven

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Ides NicaiseHoger Instituut voor de ArbeidVan Evenstraat 2E, 3000 Louvain016/32.33.37

Objectifs et méthode de recherche :S’appuyant sur un matériau empirique (l’Etude Panel des Ménages belges), ce projetvise à étudier un certain nombre de processus d’intégration et d’exclusion socialesaux intersections entre enseignement, marché de l’emploi et protection sociale enBelgique. Un modèle dynamique simple de simulation sera élaboré en vue d’évaluerles effets à court et à long terme des choix politiques (et des coûts et bénéficessociaux qui les accompagnent).

En premier lieu, on procédera à l’établissement d’un modèle général de base, fondésur un cadre conceptuel dans lequel sont distingués cinq statuts de protection socia-le. Les deux statuts inférieurs (‘sous-protection’ et ‘aide sociale’) correspondent à lacatégorie opérationnelle ‘pauvres’. Les mouvements (mensuels, annuels) entre lescinq statuts seront mis quantitativement en cartes dans une “matrice de mobilité”. Dans une deuxième phase, les effets de diverses mesures seront simulés, tant sur lecourt que sur le long terme (pour les effets à long terme, un modèle de Markov serautilisé , à l’occasion de quoi, la matrice de mobilité – selon le cas avec modificationdes paramètres – deviendra l’instrument central).

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Enfin, dans un troisième stade, les résultats des simulations seront traduits en termesde coûts et de bénéfices sociaux, tenant compte de divers effets partiels pour toutesles parties concernées (en fonction de la nature de la mesure, des retombées direc-tes et des effets sur la mobilité, de la sélectivité, du poids mort, des effets de cohor-te, des coûts budgétaires, des effets de récupération, etc.).

Ensuite, le modèle qui est développé dans la présente recherche pourra encore êtreaffiné et appliqué à des évaluations ex-ante de divers choix politiques.

Titre de la recherche :Les implications de la flexibilité du marché de l’emploi pour la sécurité sociale

Promoteur et institution :Jos Berghman – KU Leuven

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Jos BerghmanSociologie van sociaal beleidVan Evenstraat 2B, 3000 Louvain016/32.31.89

Objectifs et méthode de recherche :La présente recherche prendra pour point de départ une approche large de la sécu-rité sociale. Cela signifie, en premier lieu qu’il sera tenu compte des trois piliers dela sécurité sociale. Afin de parvenir à esquisser une image globale et fidèle de lasécurité sociale, il faut en effet qu’outre les réglementations légales (premier pilier)que la recherche se penche sur les dispositifs liés à une profession (deuxième pilier)et individuels (troisième pilier). Etant donné que les deuxième et troisième piliersgagnent en importance, il reste à reconnaître les rapports réciproques entre les troispiliers et les éventuels glissements dans ces relations.

La première question à traiter est la suivante : comment la sécurité sociale actuellepeut-elle offrir une protection efficace au sein d’un marché de l’emploi soumis àune flexibilité de plus en plus poussée ?En deuxième lieu, il faut s’interroger sur les mesures : quelles sont celles qui ontdéjà été prises sur le plan de la sécurité sociale et quelles sont celles qui doiventencore être prises en vue de la flexibilité accrue du marché du travail ? En troisième lieu, il faut vérifier si la concertation sociale, sur toile de fond d’unmarché de l’emploi plus flexible, est encore un modèle adapté pour la prise de déci-sions dans la sécurité sociale ?

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TRAVAUX DE RECHERCHE

Titre de la recherche :Les revenus des indépendants. Une enquête sur les causes de l’étroite (et peu rapidecroissance) base de revenus en vue du financement du statut social des indépen-dants.

Promoteur et institution :B. Cantillon et K. Van den Bosch – CSB, UA

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Bea CantillonCentrum voor Sociaal BeleidPrinsstraat 13, 2000 Anvers03/220.43.38

Objectifs et méthode de recherche :Cette recherche tente, en partant du matériau statistique disponible, d’améliorer lacompréhension :1. du contenu réel de la répartition des revenus des indépendants comme il ressortdes données de l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépen-dants (INASTI) ;2. des causes de l’inégalité extrêmement grande des revenus sur lesquels les indé-pendants paient des cotisations sociales, des causes de la croissance lente de la basede revenus dues au statut social propre aux indépendants.

Cette recherche doit permettre :1. d’obtenir une meilleure évaluation de la répartition des revenus des indépen-dants ; 2. de comparer cette répartition des revenus avec les revenus sur lesquels sontpayées des cotisations sociales (données INASTI) ;3. d’obtenir une meilleure compréhension des causes de la grande inégalité desrevenus des indépendants ;4. de formuler des recommandations visant à mieux s’informer sur les revenus desindépendants dans les enquêtes sur les revenus ;5. d’objectiver le débat sur la réforme de la sécurité sociale pour travailleurs indé-pendants ;6. de formuler des recommandations politiques afin de rendre possible une harmo-nisation de la sécurité sociale des travailleurs salariés et indépendants.

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Titre de la recherche :Vers une rationalisation des Règlements

Promoteur et institution :Yves Jorens – RU Gent

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Yves JorensVakgroep Sociaal rechtUniversiteitsstraat 49000 Gand09/264.68.63

Objectifs et méthode de recherche :Les dispositifs de coordination européens s’avèrent souvent trop complexes et tropdifficiles pour être interprétés par les autorités nationales, par les institutions desécurité sociale et par les tribunaux et même par les institutions européennes elles-mêmes. En 1997, la Commission européenne a reconnu (COM 97/586 final : Unplan d’action pour la liberté de circulation des travailleurs) qu’une modernisation etune simplification s’imposaient afin de rendre ces règlements plus pratiques et plusefficaces. Le Règlement peut être décrit comme une mosaïque où l’on trouve desréglementations spécifiques pour différentes catégories de personnes et où des prin-cipes différents sont appliqués à des risques divers.

La présente proposition souhaite contribuer à la suppression de ces incohérences.En soi, cela fournirait une contribution importante à la poursuite de la simplificationdu Règlement. Nous considérons la rationalisation comme le moyen par excellenced’aboutir à une modernisation et une simplification adéquates du Règlement.

Le point de départ de la proposition actuelle est les douze paramètres qui servent delignes directrices aux éventuelles réformes de la réglementation européenne decoordination. Ces paramètres ont été adoptés – sur proposition de la présidencebelge – par le Conseil européen des ministres lors du sommet de Laeken en décem-bre de l’année dernière.

L’étude se focalisera sur trois secteurs de la sécurité sociale, à savoir : la santé,l’emploi et l’invalidité. Ces risques seront étudiés selon deux angles d’approche : - identification et analyse des incohérences à l’intérieur des règles du(des) Règle-ment(s) en fonction du risque ;

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TRAVAUX DE RECHERCHE

- évaluation et analyse des initiatives bilatérales

La recherche vise donc en tout premier lieu à offrir un appui scientifico-juridique,économique, financier et de droit administratif aux actuels discussions et débats surl’éventuelle réforme du Règlement.

Titre de la recherche :Examen de la sécurité sociale belge à l’aune des paramètres européens en vue de lamodernisation du Règlement de coordination CE

Promoteur et institution :Coordinateur : P. Schoukens – KU LeuvenPartenaires : D. Pieters – KU Leuven

J. Berghman – KU Leuven

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Paul SchoukensInstituut voor Sociaal RechtTiensestraat 41, 3000 Louvain016/32.54.22

Objectifs et méthode de recherche :Ce projet de recherche vise à mettre en cartes l’impact potentiel des paramètres envue de la réforme et de la modernisation du Règlement 1408/71 sur la sécurité socia-le belge. A cet effet, on vérifiera en tout premier lieu par paramètre à quelles propo-sitions concrètes de réforme du Règlement 1408/71, on peut s’attendre et quellesen seront les retombées sur le système de sécurité sociale belge. Les conséquencesseront vérifiées tant du point de vue de leurs effets sur les plans tant juridico-techni-que que de la politique sociale. Outre l’éventuel impact des propositions sur le droitbelge de sécurité sociale, on examinera donc également le degré de cohérence despropositions avec les tendances actuelles de la politique (de sécurité) sociale belge.Afin de soutenir la composante de la politique sociale, on peut envisager de budgéti-ser l’impact financier d’un certain nombre de projets de réformes et de simplifica-tion.

Au cours des études préparatoires, nous avons déjà présenté un aperçu des proposi-tions de réforme existantes. Par ailleurs, nous avons examiné les degrés souhaitableet réalisable de plusieurs projets de réformes (européennes) courants dans un con-texte belge. Tout ceci doit désormais être mis en association avec le cadre que nous

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offrent à présent les paramètres européens. Au cours de cette étude, il faudra véri-fier quelles sont les propositions de réforme et de simplification compatibles avecles paramètres définis et les possibles conséquences de semblables propositions surla sécurité sociale de notre pays. De cette manière, les acteurs compétents belgespeuvent être soutenus quant à leur positionnement à l’égard de l’éventail des pro-jets de réforme qui se dessinent à l’intérieur des limites friables des paramètreseuropéens.

Titre de la recherche :Mobilité ascendante et descendante dans les carrières des travailleurs et des chô-meurs

Promoteur et institution :L. De Lathouwer - UFSIA

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Lieve de LathouwerCentrum voor Sociaal BeleidPrinsstraat 13, 2000 Anvers03/220.43.30

Objectif et méthode de recherche :Avec l’attention accrue portée sur l’employabilité de l’offre de main-d’œuvre, scien-tifiquement et politiquement, une importance plus grande est accordée à une per-ception dynamique de la carrière durant toute une vie et des transitions dumarché de l’emploi. Les évolutions sociétales telles que la féminisation du marchédu travail, une flexibilité accrue et une population professionnelle vieillissantemènent à de nouvelles combinaisons de travail et de vie privée et, par conséquent, àde nouveaux modèles de travail en comparaison avec la carrière standard de 45 ansd’un travailleur à temps plein (masculin) qui, auparavant, était la norme. Les institu-tions de l’Etat providence (protection du travail, sécurité sociale, etc.) devraientdavantage stimuler et soutenir la mobilité et les combinaisons des sphères de vie etdevraient s’adapter aux mutations du marché du travail et du contexte familial.

Pour la Belgique, nous n’avons quasiment aucune connaissance empirique de ladynamique des carrières. Ceci représente une grande lacune des points de vue tantscientifique que politique. Cette proposition de projet a pour objet de mettre en car-tes les transitions observées sur le marché de l’emploi, avec une attention toute par-

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TRAVAUX DE RECHERCHE

ticulière à la mobilité ascendante opposée à la mobilité descendante et aux dimen-sions sexe et âge. Pour cela, il est fait usage de données administratives des travail-leurs et des chômeurs de l’ensemble des banques de données de la Banque Carre-four de la Sécurité Sociale (BCSS). Les analyses permettent de se faire une idée de lanature, de la fréquence, des caractéristiques personnelles et des caractéristiques detravail des transitions du marché du travail. Les analyses permettront de valoriserl’instrument (encore très récent) de l’ensemble des banques de données et de lecompléter en fonction de l’étude sur les carrières.

Titre de la recherche :Dynamiques de participation des SDF dans les dispositifs et la politique : une enquê-te d’action exploratoire

Promoteur et institution :Barbara Demeyer – HIVA KU Leuven

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Barbara DemeyerOnderzoeksgroep ‘zorg voor maatschappelijke achterstelling’Van Evenstraat 2A, 3000 Louvain016/32.31.16

Objectifs et méthode de recherche :Ce travail a pour but de se faire une idée des dynamiques de participation des sans-domicile fixe à la vie sociale par rapport à leur problématique sociale. Outre l’aspectd’acquisition de connaissances, cette étude vise également à apporter du matérielen vue de dynamiser et de soutenir les processus de participation. Pour rendre pos-sible cet aspect « mû par le changement” (‘change-driven’), nous optons pour uneenquête active.

Le maigre intérêt scientifique et politique accordé au phénomène de l’exclusionsociale forme un net contraste avec le développement d’une action en faveur dessans-abri au cours de ces trois dernières décennies. Le thème de la participation deces derniers, en particulier, a échappé à l’attention des scientifiques. Partant du con-stat de cette lacune, la présente proposition de recherche amène à l’avant-plan lesquestions suivantes, se rapportant à la participation et aux initiatives des sans-domi-cile fixe :

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– quelles sont les initiatives prises par les sans-abri afin de faire connaître leur situ-ation à la population par rapport aux dispositions et à la politique menée ?– dans quelle mesure, les intéressés souhaitent-ils que les phénomènes de pauvretéet d’exclusion deviennent plus visibles et génèrent une plus grande connaissance ?– quel est l’impact des actions de collectifs, associations, ONG qui fournissent desinformations sur les besoins des SDF sur la population, les dispositifs et la politique ?– Quelles sont les conséquences de cette plus grande visibilité sur les plans écono-mique, social et humain ?

Titre de la recherche :Réponse et initiative du citoyen. Développement d’un marché de l’emploi transi-tionnel : enquête sur les déterminants des carrières transitionnelles.

Promoteur et institution :Coordinateur : D. Buyens – Vlerick Leuven Gent Management SchoolPartenaires : P. van der Hallen – Steunpunt WAV, KU Leuven

D. Mortelmans – Universiteit AntwerpenM. Rigaux – Universiteit AntwerpenA. Van Regenmortel – Universiteit Antwerpen

Commanditaire :Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles (S.S.T.C.)

Durée :De janvier 2003 à décembre 2004

Personne à contacter :Dirk BuyensHRM Centre – Vlerick Leuven Gent Management SchoolBellevue 6B9050 Gand09/210.97.22

Objectifs et méthode de recherche :Alors que la carrière traditionnelle était définie en termes de progression profession-nelle au sein d’une ou deux entreprises, la nouvelle carrière est définie comme uneséquence d’opportunités d’emplois qui dépassent les limites d’une seule société (DeFillippi & Arthur, 1996). Une deuxième évolution importante qui accroît l’intérêtd’une étude sur les carrières consiste dans le constat que, pour les individus, lasphère de vie “au travail” n’apparaît pas comme indépendante des autres sphères devie qui déterminent leur quotidien (Van Dongen, Omey & Wijgaerts, 2001). Dupoint de vue de la politique menée, également, la connaissance sur la mobilité desemplois et du marché du travail constitue une condition annexe cruciale.

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TRAVAUX DE RECHERCHE

D’une part, afin de donner forme au « marché de l’emploi transitionnel », il est eneffet nécessaire de collecter des informations sur la mobilité dans et autour dumarché de l’emploi. D’autre part, une intervention proactive et adéquate au départde la politique n’est possible que si l’on dispose d’une perception claire des facteursactifs “dans le courant de la carrière (professionnelle)”. C’est principalement à cettedernière piste que se rattache la présente proposition de projet. En d’autres termes,au centre de cette recherche se trouve la réalisation d’un inventaire et d’une analysedes éventuels facteurs inhibants et facilitants en fonction de la nouvelle conceptionsociale et juridique du concept de carrière.A cet effet, nous analysons dans une première phase, les données disponibles enmatière de carrières des neuf premières vagues du PSBH (1992-2000). L’analyse desdonnées du PSBH constitue une importante première ébauche et un cadre généralpour effectuer, au cours d’une seconde phase, une étude ultérieure sur les facteursdéterminants de la carrière (professionnelle) aux niveaux juridique et de l’entreprise.

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BIBLIOGRAPHIE

LIVRES 947

ARTICLES 953

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LIVRES

Codex sociale zekerheid (2001-2002) par D. Simoens, W. Van Eeckhoutte, J. Van Steenberge, B. Herzits et G. Vandermeulen(red.)Bruges, die Keure, 2002, 250 pages

Ce codex présente avec la plus grande clarté un ensemble de lois, particulièrementpratique. Chaque chapitre est doté d’un tableau chronologique dans lequel, outreles lois et arrêtés publiés, peuvent également être traités des textes absents de cecodex avec leurs amendements ultérieurs. Spécialement à l’intention de l’utilisateur,au début d’un texte légal ou réglementaire important et/ou volumineux figure éven-tuellement une table des matières afin de faciliter d’autant le travail de recherche.Sous chaque modification du texte, figurent une référence avec la mention de lanature de l’acte qui le modifie, la date, le numéro d’article et éventuellement la dated’entrée en vigueur.Il est intéressant de savoir que le codex sera actualisé chaque année.

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Clés… pour le premier emploipar le ministère fédéral de l’Emploi et du TravailBruxelles, Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail, 2002, 92 pages

Pour augmenter ses chances de décrocher un premier emploi, il faut bien s’y prépa-rer. Le Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail a donc rassemblé dans la brochure« Clés pour…. le premier emploi » un ensemble de conseils pratiques et d’astucesqui permettront aux jeunes de trouver l’emploi qui leur convient le mieux.

Une fois les études terminées ou arrêtées, outre chercher un emploi, le jeune vadevoir effectuer un certain nombre de démarches. Il devra s’inscrire comme deman-deur d’emploi, s’inscrire auprès d’un organisme assureur….,ce qui n’est pas toujourstrès évident. Aussi, la brochure « Clés pour…. le premier emploi » explique les diffé-rentes étapes à suivre. Ensuite, qui dit recherche d’emploi, dit inévitablement rédac-tion de curriculum vitae et de lettres de motivation. Or, mettre en évidence sespoints forts ou accrocher un employeur sur base d’un C.V. n’est pas toujours choseaisée. Voilà pourquoi cette brochure présente également de nombreux tuyaux en lamatière :quel type de C.V. choisir ?, quels éléments doivent se retrouver dans la let-tre de motivation ? … Ensuite, les entretiens et les tests font eux aussi l’objet d’unedescription.

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BIBLIOGRAPHIE

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De plus, pour ceux qui rêvent d’être leur propre patron ou d’embrasser une profes-sion libérale, un chapitre est consacré au travail indépendant. Les obligations admi-nistratives, les règles en matière de sécurité sociale, les conditions d’accès à la pro-fession… tous ces points y sont repris. A noter aussi pour ceux qui ont le goût devoyage que deux chapitres sont consacrés au travail en Europe et à l’étranger. Ysont abordés les voies à explorer pour trouver un job, les institution auxquelles onpeut s’adresser pour un stage ou une formation, des conseils pratiques…

Enfin, une longue liste d’adresses utiles clôture cette brochure.

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Clés… pour sortir du chômage en créant son emploipar le Ministère fédéral de l’Emploi et du TravailBruxelles, Ministère fédéral de l’Emploi et du travail, 2002, 48 pages

Crée son emploi pour sortir du chômage est une initiative encouragée par les aidesfinancières, des formations, des conseils juridiques et comptables…. L’ensemble desaides qui permettront aux futurs indépendants de bâtir leur projet est rassemblédans la brochure « Clés pour….. sortir du chômage en créant son emploi » que leMinistère fédéral de l’Emploi et du Travail vient de mettre à jour.

Cette brochure répond aux nombreuses questions que peuvent se poser les deman-deurs d’emploi futurs indépendants. Qu’est-ce que le statut indépendant ? Quellessont les formations proposées aux chômeurs désireux de créer leur emploi ? Quellessont les aides permettant de réaliser un tel projet ? Quels sont les droits et les obliga-tions des indépendants ? … Une présentation des avantages et des risques liés au sta-tut indépendant permit ainsi aux chômeurs de mieux se préparer à créer leur em-ploi. Enfin, dans le dernier point de la brochure, ils trouveront la liste des adressesutiles s’ils souhaitent obtenir de plus amples informations à ce sujet.

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BIBLIOGRAPHIE

Politique de l’emploi et concertation sociale (1999-2002)par Etienne ArcqBruxelles, CRISP, 2002, 45 pages

Au moment où les interlocuteurs sociaux et le gouvernement reprennent contactpour baliser les négociations de l’accord interprofessionnel 2003-2004, il est intéres-sant de faire le point sur l’état de la concertation sociale. L’ « Etat social actif » a-t-il lamême conception de la concertation sociale que ses prédécesseurs ? Les interlocu-teurs sociaux ont-ils dû s’adapter à une nouvelle politique ou ont-ils maintenu lecadre existant. L’exercice est centré sur les mesures destinées à favoriser l’emploi,un thème qui est entré progressivement dans le champ du négociable depuis 1986et qui est présenté par l’actuelle coalion gouvernementale comme son cheval debataille.

Dans une partie consacrée aux préliminaires de l’accord interprofessionnel, EtienneArcq s’attache à replacer la dynamique de l’accord interprofessionnel dans l’ensem-ble de la politique de l’emploi du gouvernement, et il analyse les positions de départdes interlocuteurs sociaux avant la négociation de l’accord.

Dans la partie consacrée à l’accord interprofessionnel 2001-2002 et à son applica-tion, l’exposé suit les différents points de l’accord consacrés aux matières qui tou-chent directement ou indirectement l’emploi. Les trois étapes systématiquementsuivies (contexte, contenu de l’accord et mise en application) mettent en évidenceles pratiques (bipartisme ou tripartisme) auxquelles chaque mesure correspond.

En conclusion, l’auteur évalue le degré d’autonomie des interlocuteurs sociaux enmatière de négociation collective sur l’emploi, ainsi que l’état de la coordinationentre les niveaux de négociation.

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De Vlaamse Wooncode en de sociale huisvestingpar B. Hubeau, P. Desmedt et E. JanssensBruges, die Keure, 2002, 250 pages

Après l’introduction antérieure d’une taxe sur les logements inoccupés et sur lestaudis ainsi que du décret de la chambre, le décret du gouvernement flamand du 6octobre 1998 règle le contrôle de la qualité, le droit de préemption et le droit socialde gestion sur les logements. Le 1er novembre 1998, ce pilier du Code flamand dulogement entrait en vigueur. Le code du logement stipule que chaque logement doitsatisfaire à certaines normes minimales de qualité. Les logements non conformes àces normes risquent d’être déclarés inadaptés ou insalubres. La location d’immeu-

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bles non conformes est punissable. Via une attestation de conformité, les bailleurspeuvent démontrer que leurs logements sont en règle sur le plan qualitatif. Les pou-voirs publics peuvent sanctionner les propriétaires qui se battent l’œil des normesde qualité via le droit de préemption ou via le droit social de gestion. L’introductionde ces nouveaux instruments offre aussi de nouvelles opportunités à une politiquede qualité des logements.

Cet ouvrage riche en ressources couvre toutes les sources de la politique flamandedu logement avec, entre autres, le texte actualisé et annoté du Code flamand dulogement et de ses arrêtés d’exécution. Le tout est divisé clairement en 5 rubriques :

1. Code flamand du logement2. Surveillance de la qualité3. Subventions de projets4. Aide aux particuliers5. Système social de location

Pour donner un caractère permanent à ce recueil de lois unique, ce livre des sour-ces sera actualisé chaque année.

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Code de droit européen du travail et de la sécurité sociale par Roger Blanpain et Frank HendrickxBruxelles, Bruylant, 2002, 479 pages

Ce Code de droit européen du travail et de la sécurité sociale répond à l’évolutionconstante de la politique sociale européenne. En effet, la création de la Commu-nauté du charbon et de l’acier s’est déroulée il y a 50 ans et depuis, l’Euratom et sur-tout la Communauté économique européenne ont pris leur envol. Dès le début dela construction de la CEE, les grandes problématiques sociales et liées au travail,comme la libre circulation des travailleurs et l’égalité de traitement entre hommes etfemmes, ont été abordées. Et ceci n’était qu’un début, car d’autres problèmes ren-dant nécessaire une approche européenne se sont progressivement présentés, entreautre le droit du travail international privé, les contrats de travail individuels, la pro-tection des enfants, la protection des femmes enceintes, la durée du temps de tra-vail, la sécurité et l’hygiène, la restructuration d’entreprises, la participation des tra-vailleurs, les conseils d’entreprises européens et la coordination des systèmes desécurité sociale. Cette croissance de la législation européenne relative au droit dutravail et de la sécurité sociale est la raison d’être de ce Code, qui tend à rassemblertous les textes afférents dans un ouvrage clair.

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BIBLIOGRAPHIE

L’importante législation européenne se retrouve dans les traités, et dans un nombreimpressionnant de règlements, directives, résolutions et recommandations. Il existeaussi d’autres document importants qui ont trait aux droits fondamentaux, notam-ment la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (décembre 2000).

Ce Code renferme également la documentation considérable émanant du Conseil del’Europe. Depuis sa création, le Conseil de l’Europe joue effectivement un rôle trèsactif, surtout dans le domaine des droits fondamentaux.

Ce Code entend faciliter l’accès à l’éventail complet de textes relatifs au droit du tra-vail et de la sécurité sociale. En effet, les différents textes étant disséminés dans ungrand nombre de publications variées, ils ne se trouvent dès lors pas aisément à laportée des étudiants et des praticiens du droit.

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La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : son apport à la pro-tection des droits de l’homme en Europepar Jean-Yves Carlier et Olivier De SchutterBruxelles, Bruylant, 2002, 312 pages

Cet ouvrage est le fruit d’une journée d’étude organisée le 15 décembre 2000, à Lou-vain-la-Neuve, par le Département de droit international de la Faculté de droit de l’U-niversité catholique de Louvain et par le Diplôme d’études spécialisées (DES) endroit de l’homme de l’UCL et des Facultés Universitaires Saint-Louis, à l’occasion del’éméritat du Professeur Silvio Marcus Helmons. Le sujet retenu, analyse l’apport dela Charte des droit fondamentaux de l’Union européenne, proclamée solennelle-ment à Nice le 7 décembre 2000, à la protection des droits de l’homme en Europe.L’examen de la Charte s’articule en trois parties. La première donne le contexte, ladeuxième analyse le contenu de la Charte et la troisième donne des points de vue deceux qui seront appelés à la vivre ou à la faire vivre. Une annexe reproduit le textede la Charte avec les explications du Présidium.

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La reprise de l’emploi en Europe : l’exemple de l’Autriche, au Danemark, del’Irlande et des Pays-Baspar Peter AuerGenève, B.I.T., 2002, 149 pages

Cette étude originale porte sur le redressement remarquable de l’économie et dumarché du travail de quatre petits pays européens - l’Autriche, le Danemark,l’Irlande et les Pays-Bas. Elle analyse leurs bons résultats et les facteurs de leurredressement, en particulier la promotion du dialogue social et l’institution de politi-ques macroéconomiques et du marché du travail décisives. Evaluant les progrèsenregistrés, mais aussi les problèmes qui subsistent, elle compare leurs avancéesavec celles d’autres pays de l’Union européenne et examine la manière dont despolitiques et des mesures analogues pourraient contribuer à lutter contre le chôma-ge et à progresser vers le plein emploi.

Elaborée à partir de rapports préparés pour examiner la politique de l’emploi de cespays, rapports qui s’inscrivent dans le cadre du suivi du Sommet mondial de 1995pour le développement social, l’étude procède à une analyse comparée approfondiede leurs marchés du travail. Elle met en évidence l’intensité d’emploi de l’expansionéconomique et expose de façon circonstanciée la situation de chacun de ces pays.

Les raisons de ces bons résultats sont également examinées. Ainsi, l’étude fait appa-raître la capacité d’adaptation de l’Etat providence dans des pays européens déve-loppés, dont on estimait que les institutions et les acteurs sociaux étaient scléroséset incapables de créer des emplois. Or, ce qui a permis la reprise, ce ne sont pas desdéréglementations mais les efforts novateurs que les partenaires sociaux et les pou-voirs publics ont déployés pour définir ensemble de nouvelle règles, politiques etinstitutions et pour en conjuguer efficacement les effets. Enfin, l’étude formule desrecommandations en ce qui concerne l’action à mener pour promouvoir la croissan-ce et le progrès social, dans ces pays et dans d’autres en Europe.

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ABSTRACTS

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“Départ anticipé des travailleurs âgés en Belgique”par Gerhard Gieselink, Yves Stevens et Bea Van Buggenhout

Le texte présente une analyse descriptive du départ anticipé des travailleurs âgés enBelgique. Le phénomène du départ anticipé massif s’est instauré à partir du milieudes années ‘70. Plusieurs voies de départ anticipé avaient été introduites par lesgouvernements ou par les partenaires sociaux en vue de rétablir l’équilibre, per-turbé par la crise économique, sur le marché du travail. Ce faisant, les responsablesont fait preuve d’une grande inventivité. Différents systèmes ont vu le jour au coursde ces trente dernières années, certains étaient greffés sur le régime des pensions,d’autres sur l’assurance-chômage et d’autres encore reposaient sur une combinaisondes deux.

Aujourd’hui, il reste encore quatre grandes voies de sortie anticipée. La première estla prépension conventionnelle. Le système qui trouve ses fondements juridiquesdans une C.C.T. du Conseil National du Travail, octroie aux travailleurs aînés licen-ciés un supplément à leurs allocations de chômage. Le deuxième circuit est basé surl’assurance-chômage. L’assise en est le statut du ‘chômeur âgé’, qui exempte les tra-vailleurs aînés de l’obligation d’être disponibles sur le marché de l’emploi. Ce statutspécifique est souvent complété en termes financiers par un supplément pourancienneté pour les travailleurs aînés ou par des indemnités conventionnelles com-plémentaires. Ces derniers systèmes, qualifiés du sobriquet “prépension CanadaDry”, sont surtout depuis ces dernières années particulièrement populaires au seindes entreprises parce qu’ils constituent une solution alternative intéressante à la pré-pension conventionnelle. Les troisième et quatrième voies de départ anticipé con-cernent la retraite anticipée et l’invalidité. Quant à cette dernière voie, nous pou-vons constater que, même si l’assurance-incapacité de travail ne prévoit aucun sta-tut particulier pour invalides âgés, l’invalidité, souvent, fait office de « salled’attente » à la pension de retraite.

Ces quatre circuits de départ anticipé s’avèrent – tant isolément que dans leurensemble – récolter énormément de succès. Si l’on observe la population des tra-vailleurs salariés âgée de 50 à 64 ans, le rapport entre actifs et personnes qui quit-tent prématurément le circuit de travail est de 39% contre 61%. La retraite est le cir-cuit de départ anticipé qui recueille le plus de suffrages. Vingt pour cent de tous lestravailleurs entre 50 et 65 ans font usage de la possibilité de partir à la retraite avant65 ans. Parmi les autres voies de départ anticipé, le statut de “chômeur âgé” estcelui qui recueille le plus grand succès. Dix-sept pour cent des travailleurs salariésentre 60 et 65 ans bénéficient de ce statut. La prépension n’arrive qu’en troisièmeposition avec 13%. Ce constat n’est pas insignifiant, étant donné que le débat sur ledépart anticipé est assez fréquemment ramené et réduit à la notion de prépension.Les invalides âgés enfin, représentent 11% du total.

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Ces dernières années, le départ anticipé massif fait de plus en plus souvent l’objetde discussions. La diversité des canaux de départ anticipé démontre cependantque, pour réduire ce phénomène, il faut une approche globale et nuancée. Ledépart anticipé trouve son origine dans un consensus entre travailleurs et em-ployeurs. Réussir à limiter ce phénomène ne peut résulter que d’un nouveau con-sensus et que d’une seule condition : les deux parties doivent tirer avantage d’unmaintien au travail plus large des travailleurs aînés.

“Early release for older employees in Belgium”by Gerhard Gieselink, Yves Stevens and Bea Van Buggenhout

The article presents a descriptive analysis of the early release of older employees inBelgium. The phenomenon of large scale early release became established in themiddle of the 70’s. Several methods of early release had been introduced by govern-ments or social partners in order to restore the balance in the employment marketthat had been distorted by the economic crisis. In the process, considerable imagi-nation had been used. Different systems were implemented over these last thirtyyears, some of which were grafted onto the pensions scheme, others onto unem-ployment insurance, and yet others that relied on a combination of both.

Today, there remain four main routes to early discharge. The first is the collectivepre-pension agreement. The system, which has its legal basis in the Collective Bar-gaining Agreement (CCT) of the National Works Council (Conseil National du Tra-vail), grants a supplement to unemployment benefit to older employees who aremade redundant. The second route is via redundancy insurance. Its underpinning isthe régime of the “older unemployed person” (chômeur agé), who is exemptedfrom the obligation to remain available for employment. This specific status is oftencomplemented by a financial supplement in respect of length of employment forolder employees or by additional contractual allowances. These systems, sometimesreferred to as “Canada Dry pre-pensions”, have been particularly popular with com-panies in recent years because they provide an attractive alternative to collectivepre-pension agreements. The third and fourth routes to early release, are those ofearly retirement and invalidity. In the case of the last of these, we observe that evenif incapacity benefit confers no particular status to older invalids, invalidity is oftenthe “de facto” waiting room for a retirement pension.

These four systems of early release are – individually and collectively – hugely suc-cessful. If we look at the population of salaried employees between the ages of 50and 64, the ratio of actively employed to those who have prematurely left employ-ment is 39% as against 61%. Early retirement is the preferred method of early dis-charge. Twenty percent of employees between 50 and 65 use the possibility of reti-ring before 56. Of the other methods of early discharge, the status of “chômeur agé”is the most popular. Seventeen percent of salaried employees between 60 and 65take advantage of this régime. The pre-pension occupies only the third position

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with 13%. This observation is not without significance, given that the debate onearly release is often brought down to the notion of pre-pension. Finally, olderinfirm persons represent 11% of the total.

In recent years, early discharge, on a wide scale, is increasingly the subject of deba-te. The diversity of the ways to reach early release demonstrates, however, that inorder to reduce the phenomenon, it will be necessary to adopt a global and flexibleapproach. Early release was born out of a consensus between employees andemployers. If its impact is to be limited, it can only be through a new consensus andunder one condition: namely that the two parties must be able to derive benefitsfrom a wider continuity of employment for older employees.

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“Stimulants financiers et travail faiblement rémunéré. L’impact des réformes de la sécurité sociale et de la fiscalité sur le piège à l’em-ploi en Belgique”par Lieve De Lathouwer et Kristel Bogaerts

Au fil des ans, dans la plupart des pays industrialisés, les priorités politiques ontévolué. Alors que, dans les années ’70, la protection du revenu était au centre de lapolitique sociale, au cours des années ’90, l’exigence d’activation et d’une plus gran-de rentabilité du travail (‘making work pay’) occupe l’avant-scène. De vastes disposi-tions en matière du revenu et une forte pression fiscale sont susceptibles, tout parti-culièrement pour les personnes ne disposant que d’un faible potentiel de gain, derendre financièrement inintéressant le travail à bas salaire (le piège à l’emploi).

Cet article se consacre à une analyse du piège à l’emploi dans les années quatre-vingt-dix. Nous esquissons d’abord le problème de la dépendance accrue dans lasécurité sociale. Ensuite, nous tentons de comprendre pourquoi le problème dupiège à l’emploi a été mis à l’agenda politique belge au cours de la seconde moitiédes années ‘90.

Une partie importante de notre contribution est consacrée aux calculs de l’évolu-tion du piège à l’emploi au cours de la période 1989-2001. Pour cela, nous recou-rons au modèle de simulation standard Stasim, mis au point par le Centrum voorSociaal Beleid à la demande du Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail. Ce modè-le permet également de vérifier l’impact des dernières réformes de la sécurité socia-le (réduction des cotisations des travailleurs pour bas salaires et allocations complé-mentaires) et de la fiscalité (crédit d’impôts) sur le piège à l’emploi.

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Enfin, nous tirons un certain nombre d’enseignements d’une politique de supplé-ments aux revenus et de crédits d’impôts pour les personnes faiblementrémunérées.

“Financial incentives and low paid work. The impact of social security and tax reforms on the unemployment trap in Belgium ”by Lieve De Lathouwer and Kristel Bogaerts

Over the years, in most industrialised countries, political priorities have evolved.Whereas in the 70’s, protection of income was at the centre of social policy, duringthe 90’s, the requirement of activation and making work pay, moved centre stage.Substantial income related measures and strong fiscal pressures can make low paidwork unattractive, particularly for those with low earnings potential (the unemploy-ment trap).

In this article we analyse unemployment traps in the 90’s. We first outline the pro-blem of benefit dependency in social security. We then try to understand why theproblem of unemployment traps was placed on the political agenda during thesecond half of the 90’s.

The major part of our study concerns calculations of the evolution of the unemploy-ment trap over the period 1989-2001. We have used a tax-benefit model for varioushousehold types STASIM, developed by the Centrum voor Sociaal Beleid at therequest of the Federal Ministry for Employment and Labour. This model enables usto verify the impact of the latest reforms in social security (reduction of employeecontributions for low wage earners and in-work benefits) and in taxation (tax cre-dits) on the unemployment trap.

Finally, we draw lessons from a policy of income supplements and tax credits forlower paid workers.

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« Entreprises de Formation par le Travail et Ateliers Sociaux : une analyse de clas-sification des publics cibles en terme de caractéristiques individuelles et de tauxd’insertion »par A. C. D’Addio et A. Pinxteren

Dans une société où l’intégration sociale se réalise largement par le travail salarié, oùl’emploi, plus qu’une source de revenu, confère une reconnaissance sociale, l’exclu-sion du marché du travail ne peut pas être acceptée. Révélant les limites d’une poli-

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tique passive d’indemnisation, cette observation confirme la nécessité d’aller au-delà et de développer un dispositif de dépenses dites « actives » associées à des poli-tiques qui visent l’insertion des exclus du système.

Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes intéressés plus particulièrement àdeux politiques actives émanant de l’économie sociale d’insertion : les Entreprisesde Formation par le Travail (EFT) et les Ateliers Sociaux (Sociale Werkplaatsen). Cesdeux mesures se caractérisent par des fondements légaux, des objectifs, des structu-res de fonctionnement et de financement divergents. Malgré leurs différences, cesdeux initiatives s’adressent à un public inactif et peu qualifié et tentent d’insérer oude réinsérer socioprofessionnellement ce public en lui fournissant une formation ouen lui procurant un travail. Il apparaît essentiel d’évaluer dans quelle mesure cespolitiques atteignent ce double objectif.

« Training through employment – (Entreprises de Formation par le Travail) andSocial Workshops – (Ateliers Sociaux): an analysis of the classification of targetpopulation groups in terms of individual characteristics and insertion rates »by A. C. D’Addio and A. Pinxteren

In a society where social integration is largely achieved through remunerated work,where it is employment, rather than a source of income, that confers social accep-tance, exclusion from the labour market is unacceptable. This statement not onlyhighlights the limitations of a passive policy of « hand-outs »; it also underscores theneed to go further and to develop a program of « active » expenditure allied to poli-cies that seek to include those that are excluded from the system.

In the context of this study, we have given particular attention to two active poli-cies that stem from the social economy of insertion : the training through employ-ment centres (les Entreprises de Formation par le Travail (EFT)) and the SocialWorkshops (Ateliers Sociaux - Sociale Werkplaatsen). These two initiatives are cha-racterised by different legal set-ups, objectives and operational and financial structu-res. Despite their differences, however, both initiatives are directed towards thosein society who have no activity and have low levels of skill, seeking to give themsocio-professional insertion or reinsertion by providing training or jobs. It seemsessential to evaluate to what degree these policies achieve these twin objectives.

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« Le parcours d’insertion augmente-t-il les chances des chômeurs dans leurrecherche d’un emploi ? L’influence de l’intégrité, de la participation et de laconfiance sur la perception des chances »par Jasper von Grumbkow et Eric Ramaekers

Certaines catégories de chercheurs d’emploi restent confrontées à des difficultésqui, pour ainsi dire, semblent insurmontables. Pour une multitude de raisons, le tra-vail rémunéré continue à être perçu comme un but inatteignable. Manifestement,l’accompagnement qui était (est) dévolu à ce groupe n’est pas suffisamment effi-cace. C’est pourquoi au cours de ces dernières années, ce groupe a été progressive-ment approché d’une manière différente. La nouveauté de l’approche réside dans lamanière individuelle d’aborder l’individu et d’induire son comportement. Cetteapproche sur mesure est aussi parfois qualifiée de « parcours d’insertion ».

Un grand nombre d’acteurs sur le marché de l’emploi flamand s’est approprié cetteméthode. Nous pensons au VDAB (méthode mise en oeuvre dans leurs travauxdepuis 1999), au CPAS, à l’enseignement à temps partiel, aux tiers, aux initiativeslocales, etc. Aux Pays-Bas, une politique similaire est encadrée par la Loi d’Insertiondes demandeurs d’emploi [Wet Inschakeling Werkzoekenden (WIW)].

Dès lors, la réussite d’un parcours d’insertion dépend aussi de la manière dont l’usa-ger ressent cet accompagnement et du fait de savoir si cet accompagnement peutaméliorer sa situation. D’un point de vue sociopsychologique, nous avons vérifiéauprès de 471 usagers au chômage si le parcours d’insertion améliorait leur percep-tion des opportunités sur le marché du travail. A notre avis, l’amélioration des chan-ces a trait e.a. à un travail régulier, à de meilleures compétences professionnelles, àl’élargissement des contacts, etc...

Le parcours d’insertion est majoritairement apprécié positivement. Néanmoins,nous constatons que l’opinion du public diffère quant à la perception des opportu-nités. Nous avons examiné quelles pouvaient être les explications à ces divergences.Dans le présent article, nous avons vérifié l’influence de trois facteurs possibles surla perception des opportunités. Les facteurs examinés sont la cohérence et l’inté-grité de la procédure du programme, le degré de participation de l’usager et sa con-fiance dans l’accompagnateur et l’opérateur du circuit d’insertion. Par facteur exa-miné, nous avons chaque fois intégré à l’analyse le type de parcours (limité oulong), l’institution qui met en œuvre le programme (VDAB ou autres) et une caracté-ristique répartitrice, plus particulièrement la sensibilité au risque.

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« Does the assisted process of integration increase the chances of an unemployedperson finding employment? What influence does integration, participation andconfidence have on the perception of ones chances? »by Jasper von Grumbkow and Eric Ramaekers

Certain categories of job seekers are confronted by what appear to be insurmounta-ble difficulties. For a great many reasons, paid employment continues to be viewedas a goal that is unachievable. Clearly, the assistance that is given to this group ofpersons is not efficient enough. It is for this reason that, in recent years, the appro-ach to this group has progressively changed. The novelty of the approach is exem-plified by the individual manner in which each is treated and encouraged to modifyhis or her behaviour. This personalised approach is also sometimes referred to asthe “process of integration” (“parcours d’insertion”).

A large number of those involved in the flemish employment market have adoptedthis method. We are thinking here of the VDAB (that has used this method in itsactivities since 1999), of the CPAS, of part-time teaching, of other institutions, oflocal initiatives, etc. In the Netherlands, a similar policy is enshrined in the Law onthe Integration of Job-seekers [Wet Inschakeling Werkzoekenden (WIW)].

The success, therefore, of the integration process also depends on the way the userperceives the assistance offered and whether he or she feels that it will improvetheir situation. From a socio-psychological stand point, we have questioned 471unemployed users on whether the integration process improved their view of theirchances in the labour market. In our opinion, improved chances, means, for exam-ple; regular employment, improved professional skills, wider contacts, etc...

The integration process is, by and large, seen as positive. We note, however, thatpublic opinion differs on the perception of opportunities. We have looked at whatcould explain such differences. In this article, we evaluate three possible factors thatmight influence the perception of opportunities. The factors we have looked at arethe coherence and integrity of the procedures of the program, the degree of user par-ticipation and his or her confidence in the assistant and the organisation providingthe integration program. For each factor under review, we have taken account of thetype of process (limited or long), the institution that operates the program (VDAB orothers) and a distinguishing characteristic, namely attitude to risk.

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« Services de proximité : activer les chômeurs ou soutenir la demande ? »par Bernard Conter et Marie-Denise Zachary

Pour résorber le chômage de longue durée, les politiques d’emploi nationales,encouragées par les recommandations européennes, se tournent vers les nouveauxgisements d’emploi que constituent les services de proximité. Leur développementrepose souvent sur diverses formules d’activation du chômage.

La mise en place des Agences locales pour l’emploi a, notamment, généré un volu-me de travail correspondant à quelques 8 000 équivalents temps plein. Cependant,elles ne sont pas exemptes d’effets pervers : les prestataires demeurent des chô-meurs, effectuant de petits boulots, ils ont peu accès à la formation et il s’agit d’unepopulation majoritairement féminine (plus de 80% des prestataires). Par ailleurs, s’ilpermet de répondre à certains besoins, ce dispositif ne constitue pas un outil effi-cace d’insertion, il s’appuie sur un statut précaire et représente pour les individusun piège à l’emploi.

En revanche, l’introduction prochaine des titres-services semble relever d’uneapproche alternative susceptible d’améliorer le statut des travailleurs et davantageen mesure de garantir la qualité des services prestés. Ce système s’appuie en effetsur des emplois salariés et non plus sur des activités occasionnelles consenties auxdemandeurs d’emploi. Une activité régulatrice forte semble cependant nécessaire sil’on veut garantir aux utilisateurs la qualité indispensable à la nature des servicesvisés, en particulier ceux qui relèvent de l’aide aux personnes.

« Local services: beating unemployment or feeding it ? »by Bernard Conter and Marie-Denise Zachary

In order to reduce long-term unemployment, national employment policies, encou-raged by European recommendations, are turning to new sources of employment,comprised of local services. Their development is often the product of differentjobless mobilisation strategies.

The instauration of local employment agencies has, in effect, generated a volume ofwork corresponding to the equivalent of some 8 000 full-time jobs. They have,however, some less desirable side effects: those providing the services remainunemployed, perform odd jobs, have little access to training and the majority ofthem are women (more than 80%). Furthermore, even if the system satisfies certainneeds, it is not an efficient means of achieving integration, it leans upon the preca-rious status of the unemployed and represents for them, an employment trap.

However, the coming introduction of service vouchers, « titres-services » seems toderive from an alternative approach that could improve the status of workers and,furthermore, improve the quality of the services provided. This system relies upon

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salaried employment and no longer upon occasional jobs handed out to jobseekers.A strong regulatory system would, however, appear to be necessary if one is to giveusers a guarantee of quality that is a requirement of the nature of the services inquestion, particularly when it concerns assistance to persons.

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« La situation atypique des indépendants dans le champ de la sécurité sociale :quels enseignements en tirer pour d’autres groupes de travailleurs atypiques ? »par Paul Schoukens

Dans le présent article, l’auteur livre une esquisse des problèmes qu’éprouvent lesEtats lors de l’élaboration d’une sécurité sociale qui adhère le mieux possible à lasituation spécifique des travailleurs indépendants. Ce faisant, il tente de créer uncadre théorique des techniques utilisées dans ce contexte. Ce cadre est orienté surla distinction qui devrait être opérée, à son avis, entre, d’une part, les principes debase neutres du point de vue du statut professionnel, formant le fondement denotre sécurité sociale et, d’autre part, l’application spécifique au statut profession-nel de ces principes de base. Cette théorie revient à dire que les règles de base doi-vent être similaires pour tous les groupes professionnels (travailleurs salariés et tra-vailleurs indépendants), mais que leurs effets doivent respecter autant que possiblela spécificité de ces catégories professionnelles. Dès lors, le point de départ de lasécurité sociale devrait être le même pour toutes les personnes professionnellementactives : en cas de survenance d’un risque social, tenter de remédier à la perte derevenus ou de compenser les frais déboursés. Lors de la mise en pratique, il faudratenir compte des caractéristiques propres au groupe professionnel. Ainsi, les condi-tions d’exécution chez le travailleur salarié tournent autour du rapport de travailavec son employeur. Chez le travailleur indépendant, les conditions d’applicationdoivent être adaptées à son statut d’indépendant.

L’auteur pense que cette distinction entre neutralité et spécificité du statut de travailpeut également générer une valeur ajoutée lors de la conception de la sécurité socia-le pour d’autres catégories de travailleurs atypiques comme : travailleurs à tempspartiel, personnes qui travaillent à des moments irréguliers ou pendant de brèvespériodes, télétravailleurs, etc… L’article franchit ainsi un premier pas visant à appli-quer cette théorie citée aux autres formes de travail atypique.

Après s’être inquiété de savoir s’il était possible de concevoir une sécurité socialeadaptée aux travailleurs atypiques, l’auteur aborde la question suivante : dans quellemesure, les institutions supranationales - plus précisément l’Union européenne -incitent-elles les Etats à mettre au point une telle protection adaptée. Tous ces élé-ments sont associés à la libre circulation des citoyens, ainsi qu’au débat actuel surl’exclusion sociale au sein de l’Union européenne.

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REVUE BELGE DE SECURITE SOCIALE - 4e TRIMESTRE 2002

« The atypical situation of the self-employed in the field of social security : whatlessons can be learned as regards other groups of atypical workers ? »by Paul Schoukens

In this article, the writer sketches out the difficulties that states experience whenthey draw up social security provisions that adhere as closely as possible to the spe-cific situation of the self-employed. In so doing, he attempts to create a theoreticalframework of the techniques that are used for this. This framework is directedtowards the distinction that ought, in his view, to be made between, on the onehand, the basic principles of neutrality as regards professional status, which are atthe heart of our social security, and, on the other hand, the particular application ofthose principles to professional status. This theory comes down to saying that thebasic rules must be similar for all professional groups (salaried workers as well asthe self-employed), but that their application should be adapted as far as possible tothe specificities of these professional categories. Accordingly, social security should,at its starting point, be the same for all professionally active persons: in the event ofsocial risk, it should seek to remedy loss of revenue or compensate for costs incur-red. In its practical application, account should be taken of the particular characte-ristics of the professional group. Thus, the application to salaried workers will beinfluenced by the working relationship with the employer. For the self-employed,the conditions of application should be adapted to that status.

The writer believes that this distinction between neutrality and specificity can alsogive added value to the creation of social security provisions for other categories ofatypical workers such as: part-time workers, those who work for irregular or briefperiods, home-workers, etc … The article thus takes a first step towards the applica-tion of the stated theory to other forms of atypical work.

After being concerned to know whether it might be possible to create a system ofsocial security suitable for atypical workers, the writer broaches the followingquestion: to what extent do the supranational institutions – more particularly theEuropean Union – encourage states to develop such adapted protection. All thesematters are related to the freedom of movement of citizens and to the current deba-te on social exclusion within the European Union.

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PRIX

Le numéroEn Belgique ..........................6,20 EURA l'étranger ...........................7,44 EUR

L'abonnement annuel (4 numéros)En Belgique ........................18,59 EURA l'étranger ........................ 22,31 EURISSN : 0035-0834C.C.P. : 679-2005863-97

Les auteurs sont priés d'adresser leursmanuscrits à Hendrik Larmuseau, Directeurgénéral, Service public fédéral Sécurité sociale3C, rue de la Vierge Noire - 1000 Bruxellese-mail : [email protected]

Les textes reçus sont soumis, pour avis, à des spé-cialistes en la matière.

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CONSEIL DE REDACTION

PRESIDENTSLes Commissaires royaux honorairesROGER DILLEMANSPIERRE VAN DER VORST

CONSEILLERS SCIENTIFIQUESGABRIELLE CLOTUCHE, directrice à la Commission euro-péenneHERMAN DELEECK, professeur émériteMICHEL DISPERSYN, professeur à l’Université Librede Bruxelles (U.L.B.)PIERRE PESTIEAU, professeur à l’Université de Liège (U.Lg)BERND SCHULTE, professeur au Max Planck Institut, Mün-chenWILLY VAN EECKHOUTTE, professeur à la RijksuniversiteitGent (R.U.G.)JEF VAN LANGENDONCK, professeur à la KatholiekeUniversiteit Leuven (K.U.L.)PASCALE VIELLE, professeur à l’Université catholique deLouvain (U.C.L.)

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COMITE DE REDACTION

PRESIDENTHENDRIK LARMUSEAU, Directeur général, Service publicfédéral Sécurité sociale

MEMBRESFRANK VAN MASSENHOVE, Président, Service public fédéralSécurité socialeDirecteurs généraux au Service public fédéral Sécuritésociale:MARC GOOSSENS, JOHAN LUTTUN, HUBERT MONSEREZ et ELISEWILLAME

Ont collaboré à la réalisation de ce numéro :JEANNINE DROUOT, MICHEL EGGERMONT, FRANCOISE GOSSIAU,JEAN-PAUL HAMOIR, JEAN MEERSSCHAERT, MURIEL RABAU, GUY RIN-GOOT, DANIEL TRESEGNIE et ROLAND VAN LAERE