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Récit complet du voyage en PDF

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  • 1. Route et documents 2. De Paimpol Madre 3. Canaries (Les les fortunes appeles aussi Balares par Marik) 4. Cabo Verde 5. Dakar et Saloum 6. Brava 7. Traverse 8. Tobago 9. Martinique Guadeloupe

    10. Ile Vache (Hati) 11. Cuba 12. Guatemala 13. Belize, quand tu nous tiens ... + cartes, planches et renseignements techniques.

    1. Route et documents

    Trajet : Paimpol (Bretagne) Muros (Espagne) Porto-Santo et Funchal (Madre) Santa Cruz deTenerife (Canaries) Mindelo Santo-Antao Carracal Sal Rei (Cap-Vert) Dakar et Saloum (Sngal) Brava (Cap-Vert) Tobago (Trinidad et Tobago) Martinique et Guadeloupe (France) Ile Vache (Hati) Jardines de la Reina, Cienfuegos, Trinidad, Cayos de Dios, (Cuba), Rio Dulce (Guatemala), Belize City (Belize) Au total un peu plus de 8500 milles.

    Voir la carte en fin de document Documents de rfrence :

    Anne HAMMICK Iles de l'Atlantique Imray Editions Loisirs Nautiques 2000 Nigel CALDER Cuba Imray Editions Loisirs Nautiques 2001 Jacques PATUELLI Guide des (petites) Antilles Editions Atoll 2002 Willem LE TERRIEN CARABES Les petites Antilles de la Dominique Trinidad Guide Olizane / Maritime Plus personnel mais moins complet que le Patuelli

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  • Jimmy CORNELL Routes de grande croisire Editions Loisirs Nautiques 1999 Pilot charts (papier et sur ordinateur) Cartes (photocopies STW et couverture mondiale sur ordinateur) REED'S Caribbean 2003

    2.De Paimpol Madre (aot 2003)

    De Paimpol Muros (450 miles, 5 jours)

    Une traverse laborieuse du golfe de gascogne pour cause de ptole. Aprs un coup de cafard pour moi, chacun trouve ses marques ; le rythme est donn par les quarts, jusqu' 1h pour Pierre, de 1h 3h pour moi, nouveau Pierre de 3h 5h (et oui, a tourne vite deux) et je reprends la suite pour voir le soleil se lever quand les nuages le veulent bien. Nous quittons Ouessant dans la brume et nous passerons le cap Finisterre de mme, avec du vent en prime ! Dans ces situations, vive le radar, a rassure pas mal.

    J' entends plus que je ne vois mes premiers dauphins. Il fait nuit et ils soufflent sur les flancs du bateau. C'est toujours le mme plaisir. Qu'est ce qu'on fait sur un bateau quand ce n'est pas la tempte ? Et bien le temps passe toute allure. Entre un cours d'espagnol et une petite sieste, Pierre fait Monsieur mto et moi je pche. D'ailleurs, la trane est peine installe qu'une bonite vient s'y accrocher; je ne suis pas peu fire mme si je n'y suis pas pour grand chose.

    Nous devons faire une halte Muros en Galice pour se ravitailler en gasoil. Nous nous y tions dj arrts voici quelques annes et nous retrouvons avec plaisir ce port de pche anim et color et ses spcialits de "pulpo a la plancha". Finalement, comme la station du port est ferme et que les avis sont assez contradictoires sur les jours et heures d'ouverture, nous allons faire le plein 5 milles de l, Porto Sin et on repart.....avec la ptole.

    Marie

    De Muros Porto Santo (700 miles, 8 jours)

    Arrive facile sur Porto Santo le 18 aot. Un gros

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  • Madeira (bois en portugais)

    Arrive sur Porto Santo

    caillou, avec une roche vif, dans les tons brun et noir. Le port lui-mme ressemble une immense carrire avec quelques btiments industriels. Accueil sympa et nous voil amarr un ponton, entre un voilier franais et un autre, portugais, avec un quipage trs affair et trs quip pour la plonge. Effectivement Marik plongera avec eux deux jours plus tard quand elle s'apercevra qu'ils parlent Franais et que la femme de l'quipage est monitrice.

    Quant au bateau franais il appartient un monsieur qui l'a construit lui-mme Bergerac et qui porte le nom de ...Cyrano. Monsieur trs sympathique qui connat tout le monde et qui a beaucoup de conversation. Il attend des vents favorables pour remonter vers Cadix.

    On fait le plein de gazole (un peu trop, a se termine par un geyser affreux) et on se dcide laisser notre trace peinte sur la jete en bton, comme tant d'autres l'ont fait avant nous (habitude hrite des grands navires d'autrefois parat-il).

    Et hop vers Madre sur le coup de 3h du matin le 22 aot (malgr les douaniers qui ont

    retir l'chelle permettant de remonter sur le quai o l'on

    s'est amarr. Sacrs douaniers portugais). Pierre

    Les diffrentes rencontres de ponton nous avaient prdit que nous trouverions

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  • Marie et Pierre

    3. Canaries (aot-septembre 2003)

    difficilement une place au port de Funchal (qui signifie fenouil) ; en fait nous n'avons eu aucun problme. La haute saison pour les bateaux ne doit commencer que vers octobre. Le port se

    trouve en plein centre et les Madriens aiment pousser les dcibels.

    Madre est totalement diffrente de sa petite soeur Porto Santo. C'est une abondance d'eau venue des hauteurs et qui nourrit une vgtation opulente aux multiples parfums et couleurs.

    On y trouve vraiment toutes sortes de plantes, aux noms qui font rver : aristoloche gante, bougainvilles, araucaria htrophylle (trs diffrent du dsespoir des singes qu'on voit en Bretagne), jacaranda (aux fleurs d'un bleu tincelant) etc. Les hortensias poussent comme du chiendent, les fougres arborescentes se pavanent partout, et des arbres ressemblant des frangipaniers embaument rues et jardins.

    Marie-Christine faisant la course avec l'eau d'une levada. (Ce paysage, comme beaucoup d'autres Madre, fait penser aux jardins de Chaumont et en particulier cette rampe d'eau qui servait rafrachir les menottes des califes.)

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  • TENERIFE (260 miles, 3 jours et demi)

    Dpart vers 23h, dans la nuit du 27 au 28 aot: un tout petit peu de vent, mais de sud, donc dans le nez, et une mer trs confuse. Le pire ! On pense mme revenir sur Funchal. Mais a s'arrange, le vent se remet au nord, et vogue la galre, sur une mer plate, bleue de bleue le jour, phosphorescente la nuit. Puis c'est le miroir total, un disque d'eau immobile, presque du mercure. On observe tout l'horizon, fascins : et soudain une espce de chose noire. On se droute et en s'approchant on commence avoir peur que ce soit un cadavre humain. "Bonjour ; on ne s'attendait pas vous voir ici ; vous voulez monter ou descendre. Une photo peut-tre ?"

    De quelle tortue s'agit-il ? Et comment se nomment les commensaux ? (Rcompense: une bonite envoye par la poste.) Une rponse d'od'le pour le moment.

    Mais non, c'est une tortue, qui plonge assez vite, notre grand dsespoir. Mais, plus loin, il y en a d'autres et on finit par trouver une copine avec qui on va nager (l'un aprs l'autre !), la toucher. Sous elle frtillent quelques petits poissons zbrs. Et G.F. Haendel joue "Jules Csar" dans le carr. Ca va, la vie n'est pas trop mauvaise. Pierre

    Dans la soire du 30 aot, tranquillement installe sur le pont avant, je suis en train de m'entraner laborieusement avec les aquarelles offertes pour le voyage (merci les copines !) quand j'aperois les

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  • montagnes de Tenerife. On en est pourtant encore plus de 30 miles mais comme toutes ces les volcaniques, elle est trs montagneuse et le pic du Teide culmine 3718m. Le vent s'est un peu lev mais on ne se presse pas trop, on prfre arriver de jour. On entre donc dans Santa Cruz le 31 aot vers midi. Il y a 2 marinas, on choisit la plus proche du centre, la marina del atlantico. Nous sommes rapidement accueillis par d'autres plaisanciers, tous en partance, et pour l'instant en attente, les uns d'quipier, les autres de mto favorable, ou en train de rgler les derniers problmes techniques. On sent chez certains une hsitation, et il est vrai qu'aprs, il n'y a pas de retour rapide possible vers nos contres. Je suis tonne de voir le nombre de navigateurs solitaires et comme toujours, beaucoup de bretons comme Luc et Mireille de Quimper en route pour Sao Tom. Nos voisins de ponton, des suisses arrivent, eux, des Aores et repartent pour un deuxime tour dans la foule, si l'on peut dire. Le nom de Santa Cruz me faisait rver, la ville possde un certain charme mais il faut s'loigner du centre qui ressemble tous ces lieux trs touristiques, pleins de commerces et sans me. Ici, ce sont les confins de l'Europe mais c'est encore bien l'Europe. Le jour de notre arrive, 90 immigrs clandestins ont t arrts leur arrive en bateau. Ils sont prs d'un millier dans des camps en attente de renvoi

    dans leur pays, le Maroc et le Sahara occidental pour la plupart.

    Le systme de bus est au point sur l'le, nous un peu moins car nous ne russirons pas nous lever suffisamment tt pour aller voir le Teide et ses vapeurs de soufre. Nous vous proposons donc l'image d'un cratre qui vient de s'ouvrir ... la Runion, et qui a t prise chaud (ah, ah !) par Pierrick, un ami de Pierre. Nous ferons quand mme une escapade dans le nord-est de l'le Taganana, petit paradis encore sauvage o les surfeurs sont installs dans des cabanes construites de bric et de broc.

    A 100 m du photographe...

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  • 4. Cabo Verde (septembre-octobre 2003)

    Sao Vicente (860 milles, 9 jours)

    On se prpare quitter Santa Cruz en fin d'aprs midi. Luc nous demande si on a regard la mto. Oui, oui, weatheronline for ever, 15 noeuds de nordet, pas de problme. "Ah bon ! Je prfre ne rien vous dire alors". Et nous partons. Ds la sortie du port, un vent frais cueille Nomade, qui gigote beaucoup des fesses sur une forte houle croise. Marie prend un deuxime ris, nous

    rduisons le gnois et rglons assez pniblement le rgulateur d'allure en choisissant un cap qui nous loigne de la cte. Nous esprons ainsi trouver un vent plus clment, mais en fait il forcit rgulirement jusqu' 35 noeuds (force 8) avec des grosses vagues qui bouillonnent au sommet, exactement comme c'est dcrit dans les livres. Le troisime ris, c'est Marie qui va au mt, laisse une surface de grand voile qui nous parat encore bien grande. Et Nomade qui veut tout prix gagner la cte des grandes Canaries. Et cela va durer une dizaine d'heures. C'est dans des moments comme cela qu'on se demande vraiment pourquoi on s'est embarqu dans une telle affaire. Mais ce sont ces moments l aussi qui vous creusent le caractre, les sensations et aussi l'estomac (surtout si vous tes sensible au mal de mer !). Et vous laissent, une fois le calme revenu, comme simplifi, et assoupli. Le lendemain, mardi, n'est gure plus reposant et c'est seulement le jeudi que l'on retrouve un rythme paisible, avec une mer tout de mme agite, mais un nordet bien stable de 10-15 noeuds.

    Les papiers du bateau que j'avais oublis la marina de Funchal (a ne m'arrivera pas deux fois, c'est trop angoissant) sont arrivs assez rapidement contrairement mes scnarios les plus pessimistes du style Madre-Lisbonne-Madrid-Tenerife 15 jours mini et encore si

    tout se passe bien. Nous pouvons donc partir et finalement, nous renonons aller sur l'le de La Palma et prfrons partir directement pour le Cap Vert le 8 septembre.

    Je vois mon premier poisson volant, et un peu plus tard en ramasse un dans le cockpit. Et la

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  • Moon. La luna. On peut dire que la lune a "marrain" notre descente des Canaries au Cap Vert comme Mars a parrain celle de Muros Madre. La nuit, l'impression d'tre dans une demi-bulle se renforce, et ces loupiotes prennent beaucoup d'importance. Et puis en promeneurs des mers que nous sommes, nous observons et cherchons emmagasiner tout ce qui vit et brille. Redescendons un peu sur terre, sur mer veux-je dire. Au petit matin j'aperois par un hublot, ahuri, un gros cargo qui passe 300m de Nomade, alors que l'alarme du radar aurait d retentir depuis longtemps. Explication : une temporisation de 10 minutes et une zone d'alarme de 3 milles seulement, et un cargo peut faire plus de 3 milles en 10 minutes. Conclusion : repasser la temporisation 3 minutes. Et rviser ses maths. Ptole nouveau. Fleur marine. Entres d'eau et sorties d'nergie. A la nuit tombante Marik concocte un nouveau plat : patates rpes, lard, pruneaux, le tout cuit la vapeur et arros d'une sauce crme-oignons. Avec un ros trange de la "Valle de la Orotava" (Tenerife) a rjouit bien le palais. Et en avant pour les quarts nocturnes (qui sont des moitis pour nous).

    Fin de parcours en mer douce. Une coryphne glisse des doigts de Marie, et avec elle un bon dner. Le lendemain apportera une coryphne (la mme ??) qui ira, elle, jusqu' nos assiettes. Nomade acclre ; il sent le mouillage proche ! Des nues de poissons volants strient

    l'horizon. Les oiseaux (labbes et puffins principalement) se font de plus en plus nombreux. Arrive splendide Mindelo, tandis que le soleil se lve.

    nuit suivante c'est quasiment la pche miraculeuse avec une douzaine d'entre eux qui atterrissent sur le pont tandis que des dauphins longent la coque et sautent des hauteurs qui, sous la lune, me semblent prodigieuses; j'ai mme peur qu'ils retombent eux aussi sur le bateau ! Et au dner il y avait dj deux dorades coryphnes succulentes pches la palangrotte par Marik (et rissoles par moi). Nous allons devenir trs intelligents.

    Des yeux trangement humains.

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  • Mindelo

    Vu du bateau c'est d'abord une petite ville faite de cubes colors harmonieusement disposs au fond d'une baie grandiose, avec, sur le front de mer, des hommes, femmes, enfants, voitures qui circulent dans un flux continuel et indolent. Le monte Cara, un mont en forme de visage, domine tout cela d'un air impassible. A peine mouill, nous sommes abords par Rafal qui nous propose de surveiller le bateau et l'annexe. Il est plutt sympathique avec sa voix casse et son air rasta : nous ne disons ni oui ni non. La ville a un air moderne et actif, tout en gardant, sauf quelques htels, une taille humaine. Il y a beaucoup d'incroyables minettes, encore plus qu'aux Canaries. Cela semble tre une institution. Au point que suivant une agent de police en uniforme qui j'avais demand ma route, j'ai pu la voir dodeliner des fesses comme si elle marchait sur des talons aiguille de 10 cm de haut. Est-ce relier au fait que l'on voit couramment dans les mercearia (petits magasins qui font aussi bistrots), mme en pleine campagne, des affiches trs suggestives de femmes ou de couples ? Mais au del de ces apparences, et de l'indolence gnrale, on est frapp par la gentillesse et la richesse intrieure des gens que l'on approche. Ainsi de la serveuse du "clube nautico" qui semble renfrogne et mlancolique et qui rpond un simple mot sympathique par un sourire d'une luminosit rare (et on comprend mieux sa "mlancolie" quand on sait qu'elle gagne 100 euros par mois dans une ville o la vie est aussi chre qu'en France). Ainsi de Jos, dont je reparle un peu plus loin, et de beaucoup d'autres. Il y a une me ici, et la morna n'est pas un vain mot.

    Plusieurs marchs sont dissmins dans la ville. Le march municipal est le plus trange, avec ses sculptures de monstres marins et son choppe d'lixirs, dont l'un fait de vous un Einstein aux muscles ravageurs. Des femmes, croles pour la plupart (je n'ai vu qu'une noire) vendent fruits, lgumes

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  • et tabac sur des talages soigns. On y discute ferme dans une ambiance la fois populaire et un peu guinde. Il est plac au cur de la ville, contrairement au march aux poissons, qui donne sur la mer. L ce sont les hommes qui dcoupent, salent, prparent et les femmes qui vendent. A ct, le noyau d'un deuxime march aux lgumes tend comme des filaments dans les rues avoisinantes. Femmes et enfants, assis, debout, proposent herbes, lgumes et petits poissons dans une atmosphre anime, souvent cocasse et

    parfois mouvante. C'est dans le tout petit bistrot-resto du march municipal que je me suis retrouv, un midi, en qute d'une cachupa, rpute excellente ici. Plus de cachupa ! Pourtant toutes les tables sont prises et les cuillers vont bon train. Je reluque le contenu d'un bol : c'est

    une sorte de soupe au riz avec des morceaux de viande peu identifiables. J'en commande une et c'est excellent, mme si quelques abats sont un peu

    mous mon got. Une place se libre, et je m'assieds avec mon bol la table de Jos, qui engage tout de go, ni distant, ni importun, la conversation, comme si on se connaissait depuis toujours. J'apprends que la cachupa ne se sert que jusqu' 11h, et que ce que je mange s'appelle une " canja ". Que Cesaria Evora habite 100 m d'ici, que sa maison est ouverte qui veut, mais qu'elle s'est envole pour la France il y a 15 jours. Qu'il n'aime pas trop Herminia, dont on vient d'acheter un cd, mais qu'il prfre Cesaria une chanteuse qu'il a encore coute la veille sur sa radio, mais dont il ne se souvient plus du nom ; et il sort sa radio de sous son coude, en se moquant de sa mmoire, et c'est seulement ce moment l que je m'aperois qu'il est en fauteuil roulant. Une jeune femme s'installe notre table. Ils se connaissent et discutent un moment en riant. Je ne comprends rien. Elle a des traits fins et un air dlur ; et sous l'aisselle une touffe noire frise qui parat dure comme une ponge mtallique. Jos m'explique qu'elle est vendeuse ici depuis 15 ans. J'offre un verre et on se quitte comme a, amis d'un jour. Nous voulions, bien sr, couter de la musique capverdienne. Nous n'avons

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  • russi que trs modestement. Un concert du groupe " Caboa Negra " le premier samedi de notre sjour : la chanteuse, une capverdienne installe en Italie, a une voix aussi nergique que Cesaria, et quand elle entonne une morna clbre, accompagne de son seul guitariste, la nuit vibre pour de bon. Et quelques airs, chants par Pedras, le deuxime samedi, attraps de justesse avant la fin de son tour de chant, alors que nous errions dans les rues la recherche de sonorits savoureuses. Pour la saveur nous sommes servis ; sa voix comme sa posture sont la fois touchantes et impayables. Il faut voir ! et entendre ! Parmi les accompagnateurs guitaristes, nous retrouvons Philippe Le Gall, notre plus proche voisin de mouillage, sur Graal. Breton aux anctres

    mi-"coupeurs de vers", mi-"curs sals", il a opt pour cur sal et navigue dans les les et leur musique depuis 8 mois. Il nous " dniaise " un peu, mais trop tard : si la "musica" reste trs vivante Mindelo, c'est seulement en fin de semaine. Pour ceux que ce sujet intresse il existe un excellent site : mindelo.info (voir liens, on y apprend en particulier que le guitariste mindelien Bau a t choisi par Almodovar dans Parle avec elle.) Nous avons sympathis avec d'autres voisin-e-s de mouillage. Vronique et Nathalie, qui ont tout lch pour partir sur leur joli Trismus jaune :

    Dagobert. Avec leur moral d'acier et leur profonde gentillesse on peut difficilement ne pas les apprcier. Un peu plus loin, trois jeunes Franais sur un bateau troit un peu bizarre, et qui nous paraissent un peu aventureux, se rvlent mener un formidable projet

    social(voir le lien : passeraile). Plus loin encore, Daniel

    et Catherine, partis de puis 9 ans sur le rve d'antilles "Trait-d'union ", sont des puits d'exprience, ainsi que Marie et Jacques, partis " seulement " depuis 4 ans, avec leur fille Ocane. Marik se demande souvent comment ils font tous pour joindre les deux bouts (ah, ah !), mais ce sont des secrets de

    marins, n'est-ce pas ! Sur le plan pratique, pas grand-chose ajouter l'Imray. Il ne semble plus y avoir d'inscurit : nous avons laiss Nomade 3 jours sous la seule garde des voisines, avec l'annexe l'arrire, sans problme. Faire garder l'annexe ne semble pas utile non plus. Bien sr il ne faut pas laisser traner son portefeuille : comme partout ! On peut faire le plein d'eau (dssalinise) et de gazole sur un quai assez loign, au sud-ouest. Il ne faut pas hsiter

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  • filer de la chane (40 m en ce nous concerne) car le vent s'est souvent lev

    avec de violentes rafales de nordet (plus de 40 noeuds). Le seul cyber-caf o j'ai pu actualiser ce site se situe dans la rue en haut et gauche de la Lisboa. Et le restaurant Pico Pau est bien sympa, avec ses centaines de lettres de remerciement qui voltent au mur.

    Santo Anto

    Tous ceux qui reviennent de Santo Anto sont si emballs que nous dcidons de prendre notre tour le ferry. On part comme des voleurs, l'aube et la rame ; l'annexe sera ramene au bateau par les voisines. La traverse sur le Ribeira do Paul (une institution ici) se fait sans encombres, par petite houle, mais quelques passagers sont tout de mme bien verts et se penchent bizarrement par dessus bord. On trouve tout de suite un aluguer, et nous voil Corva, un cratre entirement cultiv, o des pins siffleurs, des nuages fantomatiques, des silhouettes courbes sur la terre et une verdure tropicale voquent "les contes de la lune vague aprs la pluie". Et pour la pluie, la chuva, on est servi ; sitt arrivs dans la descente vers

    Ribeira grande, c'est une mer de bruine et de blancheur opaque qui nous attend. Aprs une petite hsitation, durant laquelle on savoure de toute notre peau la fracheur de l'air, on emprunte le chemin empierr (et parapet !) qui serpente le long d'une paroi verticale qui nous parat d'autant plus

    vertigineuse qu'on n'y voit pas 10 m ; seuls des sommets pointus se profilent parfois dans une chancrure des nuages (comme au Machu Picu parat-il). Les cailloux sont glissants, on croirait presque skier sur une pente neigeuse. En bas, changement de dcor. La lumire revenue inonde un gigantesque eden : manguiers, bananiers, jacquiers prolifrent perte de vue, avec par ci par l des retenues d'eau et des chaumires. Eden pauvre, malheureusement : les premires habitations n'ont ni

    lectricit, ni route d'accs. Et si enfants et femmes paraissent dlures, un homme, qui je lance un "boa tarde" sympathique, ne me rend qu'un regard triste et lourd. Plus loin une odeur suave nous attire : c'est celle d'une "groguerie". Elle est installe sur

    une petite hauteur, o nous nous hissons. Un jeune, qui parle franais SVP,

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  • nous montre l'alambic et son systme de refroidissement en rigole, la cabane o sont stocks les fts de jus ferment et de grogue, et l'aire o les cannes sont broyes et le jus mis fermenterune quinzaine de jours dans un

    grandbac. On trinque et c'est fort bon. Il nous parle de son le o les gens sont honntes,

    contrairement Mindelo, le Chi-

    cago du cap vert. Et il nous fait le geste d'un doigt qu'on

    coupe pour en rcuprer la bague. Il trinque et retrinque. On achte un litre, qu'on met dans une bouteille d'eau en plastique ! La descente continue, encore plus euphorique, jusqu' ce que des pluies diluviennes rptition teignent nos ardeurs. Mes grosses chaussures pleines d'eau, on finit par s'abriter dans une maison en construction, o le

    propritaire, un Capverdien de retour chez lui aprs une longue migration, nous prend en charge. Il arrte un bus municipal, qui nous mne fond la caisse sur une route de plus en plus boueuse, Vila das Pombas. Puis dans la foule un aluguer nous mne directement notre destination : la pension de Mme Fatima Ponta do sol. Il tait temps car une heure plus tard la route n'tait plus praticable. Il reste une chambre qui donne sur une grande terrasse, et avec douche : le grand luxe, pour 1800 escudos. Ayant essor nos vtements et vid tant bien que mal l'eau des chaussures, nous sortons : c'est le dernier jour d'une fte religieuse qui en compte 3, et il y aura bal ce soir. La nuit est tombe, mais les rues restent trs animes avec des stands un peu partout, et des odeurs de grillades ; bonnes, les cuisses de poulet ! A plusieurs reprises nous reprons des ombres porteuses de violon, guitare et autre cavaquinho, mais chaque fois elles disparaissent sans savoir ni o, ni comment. Par contre un mouvement incessant de jeunes nous mne facilement la salle de bal. Il est 10h et soudain une prsentatrice fait une annonce, et tout se vide. Nous attendons un peu, puis rentrons la chambre, dpits. Et 11h, une musique intressante monte dans la nuit ; mais nous n'avons plus le courage de redescendre, d'autant que demain c'est tt rveil et tt dpart pour une balade rpute splendide. Nous dcidons d'aller Corvo, aller et retour pied, plutt que de gagner Cruzinhas en aluguer et d'en revenir par le chemin ctier. Trs vite on

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  • domine la ville, qui fait assez jeu de construction, avec ses rues bien quadrilles, son petit aroport qui donne directement sur la mer, et son minuscule " hydroport ", plus petit encore que celui de Sercq et qui abrite

    quelques longues barques tires au sec. Puis nous longeons des falaises rouges tombant en -pics vertigineux sur la mer parfaitement bleue. Dans la

    lumire lave par lespluies torrentielles de la

    veille, c'est un monde tout neuf, d'une beaut gigantesque qui nous apparat. Et ce n'est pas fini ; car nous arrivons dans une valle verdoyante, avec

    un village, des maisons disperss, des chvres noires, des sources mieux disposes que dans le rve le plus fou d'le au trsor d'un enfant rveur. Et l'entre de Fontainhas, un papayer avec une papaye, toute seule et bien mre sur le tronc, comme le fruit dfendu de l'Eden.

    Nous nous arrtons chez une dame, dans une courette ombrage, pour boire. Puis nous repartons pour Corvo qui se trouve dans la valle suivante. a monte, la lumire est plus lourde, et notre marche aussi. En haut, un roc se dresse comme un grand mur de maison en ruines. La descente est facile, d'autant que de l'eau suinte des parois rocheuses et coule dans le fond du val. Un homme nous dpasse toute allure ; il est pieds nus, sur des pierres qui ne sont vraiment pas des galets, et nous laisse interloqus. Des chvres noires ...

    Le village, Corvo, est aussi vert, mais plus labyrinthique encore que Fontainhas. Nous descendons jusqu' la mer, et nous y trouvons de la fracheur, bien que rouleaux et rochers empchent toute baignade.

    La remonte est franchement dure, et Marie-Christine qui n'a pas de chapeau et qui je propose ma casquette un peu tard, atteint une couleur

    presque aussi rouge que celle des libellules que l'on peut voir par ici. En haut, nous retrouvons le coureur, assis en lotus, en pleine mditation, et nous nous posons prs de lui sans qu'il bouge un cil. On

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    et des libellules rouges

  • Sao Nicolau et Boa Vista Aprs Santo Antao, nous restons encore quelques jours Mindelo et partons pour Boa Vista (120 milles). Comme souvent, nous tranons un peu et le dpart se fait un peu tard dans la journe. Aprs une nuit en mer, nous savons qu'on ne pourra arriver Boa Vista avant la nuit, ce qui ne nous plat

    pas trop, l'le est rpute pour tre un cimetire de bateau ; peut-tre est

    ce d aux erreurs magntiques connues dans ce secteur. Un navire espagnol d'exploration des zones de pche a coul devant le port de Sal Rei quelques semaines auparavant et nous ne tenons pas tre le suivant. Nous sommes ce moment devant Sao Nicolau et, vu le beau temps, dcidons de mouiller pour la journe devant le petit port de pche de Carachal la pointe Sud-est de l'le. Cache derrire les collines arides, la baie est minuscule, entoure de rochers, avec une petite plage borde de palmiers. A peine arrivs, deux

    nageurs viennent nous saluer. Manuel, qui est pcheur et Luis, qui habite Mindelo et est en vacances dans le village. Heureusement, Luis parle couramment espagnol pour avoir fait ses tudes Cuba et la conversation peut se faire autrement que par gestes, d'autant plus que

    dirait Milarepa ; et c'est vrai que seuls les pieds d'un moine magicien du Tibet peuvent voler comme a au dessus des cailloux. Nous croisons des femmes portant de lourdes charges sur la tte, autre forme de sport ! (on ne peut aller Corvo qu' la marche).

    A Fontainhas nous retournons chez notre dame ; nous sommes de vieilles connaissances, n'est-ce pas ? et nous commenons parler. Miracle, bien qu'elle ne parle qu'en portugais, nous arrivons la comprendre et tenir une conversation : elle a 8 enfants, dont un Lisbonne et une autre Marseille. Et elle rentre de Marseille justement, o elle est reste 45 jours. Elle nous dtaille son voyage, et elle en est encore blouie : aussi belle que soit sa valle, cela ne suffit pas. Au retour sur Ponta do Sol, les falaises sont toujours aussi impressionnantes, mais la lumire trop crue a rompu l'enchantement. Nous sommes contents de retrouver notre chambre, puis de faire un copieux dner, avec de dlicieux lgumes mijots par Mme Fatima

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  • chaque le a son crole et que le portugais n'est pas la langue parle.

    Carachal est compltement isole, seule une piste la relie aux autres parties de l'le, pas de voitures personnelles, pas de boutiques sinon quelques mercearias mais ... un dancing, la faade vert ptant et qui distille de la musique disco fond les dcibels ds le crpuscule. Nous qui pensions qu'enfin, dans ce lieu authentique, nous allions entendre au coin d'une rue quelques airs de mornas ou de coladeiras ! Pendant notre balade dans le village, un bruit nous intrigue et nous mne vers un terrain de sport btonn, face la mer. Des enfants sont en train de mener une partie endiable de hockey, avec comme patins des bouteilles

    plastiques de coca crases. Dans les rues, c'est visiblement l'heure de la dtente, les hommes sont au bistro ou discutent entre eux sur les pas de porte et les femmes sont installes dehors jouer aux cartes ou faire des tresses dans les cheveux des fillettes. J'ai l'impression de dbarquer sur une autre plante. C'est tellement diffrent de Mindelo.

    Les maisons sont plus que simples, pas de meubles, la cuisine se fait dehors sur des braseros, et la nuit tombe, tout devient noir et nous n'avons plus qu' rentrer au bateau. Carachal nous plat et nous dcidons de rester quelques jours ici.

    Le lendemain, lever l'aube pour aller dcouvrir la valle. Un ruisseau bord de petits jardins coule faiblement et nous ne rencontrerons pas me qui vive. Le contraste est saisissant avec Santo Antao o chaque parcelle regorgeait de plantations. Le fond de la valle est plein de palmiers dattiers, malheureusement les dattes ne sont pas mres, elles sont grosses mais encore jaunes et ont le got rpeux des prunelles. Je vois mon premier baobab ct d'un magnifique dragonnier.

    A notre retour, les pcheurs sont en train de pcher la senne (on dit comme a je crois ?) dans la baie. a crie et s'agite, les enfants tapent dans

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  • l'eau pour empcher les poissons de quitter le filet. La pche est bonne et atterrit dans une nasse flottante. Ce sont des leurres qui serviront toute la

    communaut des pcheurs pour la pche au gros. Manuel nous en donne un plein sac qui terminera en une dlicieuse friture.

    Aprs Mindelo et sa baie aux eaux troubles, cela fait du bien de pouvoir se baigner. La temprature extrieure avoisine les 30 et l'eau, pourtant chaude, est un vrai bain de fracheur. En

    plus, les fonds sont superbes, poissons perroquets, girelles, poissons trompette et bataillons de poissons multicolores dont je ne connais pas le nom. Il ne manque que les langoustes dont on ne voit toujours pas la couleur alors qu'elles abondent au cap vert d'aprs ce qu'on a pu entendre dire. Il parait aussi qu'il y a plein de requins, des gentils et des plus mchants. Le lendemain, un pcheur dbarque le produit de sa pche sur les rochers, thons, coryphnes, brochets de mer sous l'oeil attentif des femmes. Je veux acheter un garupa, sorte de petit mrou tout rouge pois bleus, la femme ne veut pas que je paye et, juste avant notre dpart, Manuel revient de la pche et nous en offre un autre. Court bouillon pour l'un, l'touffe pour l'autre, c'est ma foi dlicieux et vu nos exploits en pche sous-marine ou en pche la ligne, il sont les bienvenus.

    Dpart au crpuscule. Pierre lve l'ancre et j'entends tout d'un coup un boucan de tous les diables ; c'est la chane qui a saut du guindeau et tout redescend l'eau. J'en suis quitte pour une grosse frayeur en voyant Pierre essayer de freiner la chane avec son pied.

    Nous quittons avec nostalgie ce village qui se meurt tout doucement depuis que la conserverie a ferm ses portes.

    Nous arrivons, comme d'habitude au petit jour, Sal Rei "Sel Roi" sur l'le de Boa Vista. La baie est immense, entoure d'une plage de sable blanc immacul. Deux bateaux sont au mouillage mais ils partent dans la journe, du coup, on se sent un peu isols, dans cette grande tendue d'eau, et 15 min en annexe du port. L'atmosphre est curieuse. D'un ct, des htels tenus essentiellement par des italiens et de l'autre, le village o les femmes

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  • frottent le linge sur la planche laver. Comme c'est le WE, pas d'aluguer pour sortir de Sal Rei. On essaie une balade pied jusqu' la praia de atalanta sur la cte nord pour voir le Cabo Santa Maria, un vapeur qui a coul sur la plage en 1968. Manque de bol, aprs une marche en plein soleil au milieu d'anciennes salines, nous atterrissons trop l'ouest. Tant pis pour le vapeur ... Finalement, nous ne verrons pas grand chose, et les seuls moments vraiment sympas seront une soire passe avec des Capverdiens avec chants et guitare en alternance avec un match de foot la tl, et une incursion, le dimanche matin, dans une glise o les paroissiens chantent des cantiques sur des rythmes....endiabls !

    Ceux ou ce qu'on aurait pu voir : le padre franais de l'le qui tient une papeterie Sal Rei, l'closion de tortues sur la praia de Santa Monica, la frgate rarissime, visible seulement sur l'lot de Curral Velho, le festival de mornas qui avait lieu le WE prcdent.

    5. Dakar et Saloum (octobre-novembre 2003)

    DAKAR

    Certains demandent des photos de nous, c'est dans le domaine du possible, d'autres nous demandent de l'aventure avec un grand A et l, on pense " A la poursuite du diamant vert ", on se dit que c'est l'Afrique, les crocodiles, les gros serpents, les trafics d'or ou de diamant mais dsols, ce ne sera pas pour cette fois. 7 octobre, nous voil en route pour Dakar. Trois jours et demi pour faire les 350 milles qui nous sparent du Sngal, on ne bat pas des records de vitesse depuis notre dpart de Paimpol. Vent de nordet, de la mer et quelques grains qu'on voit arriver toute allure mais qui ne seront finalement pas bien mchants. La route est tranquille et nous dcouvrons sous des couleurs de soleil levant l'le de Gore sortant peine de son sommeil et les nombreuses pirogues

    colores qui reviennent d'une nuit de pche. Nos narines ne sont pas envahies par les multiples senteurs de l'Afrique comme le dcrivent beaucoup de navigateurs, mais par celles des gouts qui se dversent dans la baie de Hann o se trouve le mouillage du club de voile de

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  • Dakar (CVD). Beaucoup de voiliers, sur des corps mort dont la solidit n'est pas toujours toute preuve : un bateau s'est retrouv sur la plage un petit matin. Bon, pars dcouvrir Dakar, un coup de corne de brume, et le passeur vient nous chercher bord. Nous sommes accueillis par Laurent qui s'occupe du club, avec un verre de bouhy, jus dlicieux ( mon got, Pierre lui trouve un got de mallox) fait avec le pain de singe, fruit du baobab. Le club, tout le monde le dit et c'est vrai, est un lieu trs agrable, et la structure du lieu facilite grandement les rencontres. Nous, confort confort, on apprcie en premier lieu les douches ; aprs un mois se laver en conomisant l'eau, c'est le grand luxe et ici je prends plusieurs douches par jour. J'achte ce premier jour des beignets de poisson dlicieux (que je mangerai toute seule, Pierre est encore la dite aprs sa tourista) " mama pastel " qui vient rgulirement dans le quartier vendre beignets, cacahutes et encens. Le CVD est une vingtaine de minutes, en taxi, du centre ville o nous nous rendons rapidement pour retirer de l'argent. Ca fait drle de se retrouver avec des billets pleins de zros. Le CFA, c'est comme nos anciens francs. J'ai hte de goter la cuisine africaine que je ne connais pas du tout. Il parat qu'en plus, c'est au Sngal qu'on trouve la meilleure cuisine d'Afrique de l'ouest. Ce sera un poulet yassa pour dbuter : riz, sauce pice base d'oignons et poulet frit. La vie est si peu chre ici qu'on mangera pratiquement tous les jours l'extrieur et on n'a que l'embarras du choix. On trouve des petits restaurants partout, des vendeurs de brochettes ( 50 CFA la brochette), des marchands ambulants de viande de mouton grille. On se fera aussi des orgies de mangue, ce n'est pas la saison, mai juin normalement, mais il en vient de Guine. Ce premier jour, on profite d'tre au centre ville pour aller visiter le muse de l'IFAN. Ne connaissant pas encore Dakar, on prend la rue Pompidou, celle o nous attendent les racoleurs de tous genres qui esprent faire une bonne affaire et comme ce dimanche matin, nous sommes peu prs les seuls gogos en vue ... je me fais mme sermonner par l'un d'eux car j'ai achet un tissu chez un libanais et pas chez un sngalais. Ca semble difficile de gagner sa vie dans cette ville, un salaire mensuel moyen doit tre de 50000 CFA et encore ! si le boulot n'est pas

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  • spcialis, ce sera plutt 20000 CFA, et ni scu ni retraite. Alors quand ils nous voient arriver, ils esprent bien en tirer quelque chose. On arrive quand mme au muse et il n'y a pas un chat, on l'a pour nous

    seuls. Si on enlve le ct poussireux, c'est un vrai rgal de masques et de costumes avec mises en scnes assez ralistes. Pierre touche tout et fait tomber une porte dcore. Pas de panique, le gardien visiblement habitu remet la porte dans le gond et c'est rpar ! J'imagine la mme chose dans un muse parisien On termine la balade par un tour au march Sandaga. Il est immense, entirement couvert et s'tend sur trois tages. C'est visiblement le ventre de la ville. Tout ce qui se mange peut se trouver ici ; viande, poisson, fruits, lgumes et pices. L'ambiance est tonnante, les alles sont en terre battue, les tals baignent dans une clart blafarde et les bruits semblent compltement touffs. " Bonjour ", " Bonjour ", elle me regarde d'un air tonne mais en Afrique on se salue beaucoup. Quelques heures plus tard, on se reconnat. C'est Cathy qui est sur Fugue avec Mahu. Nous les avions croiss Tnriffe et ils

    repartent pour une deuxime traverse d'Atlantique. Nous passerons des moments vraiment agrables avec eux et la mmoire de Cathy nous sera prcieuse pour prciser l'itinraire de notre prochaine tape, le Saloum. On retrouve comme a deux autres bateaux rencontrs Santa Cruz. Toutes sortes de gens passent au CVD, des

    anciens voileux ayant frquent le club, des voileux installs dans le coin faire du charter, d'autres ayant pos leur valise en Casamance ou dans le Saloum. Avec Alice et Cline, deux bateaux stoppeuses, et guides par gnagna, la nice de mama pastel, nous partons pour le march " HLM ". En fait, je ne sais pas si a s'crit comme a, c'est peut-tre achlem ou hachelleaime, mais la prononciation est bonne. Nous y allons en bus rapide. Ce sont des minibus, compltement dcors de couleurs vives et le trajet cote trois fois rien compar au taxi. Il faut simplement avoir le coup ; avec Pierre on essaiera sans succs d'en prendre un ; ils sont souvent pleins avant de s'arrter et pas moyen de comprendre leur lieu de destination.

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  • Le problme de la langue, a fait partie des choses que j'ai dcouvertes en arrivant Dakar. Je croyais que tout le monde parlait franais, et bien, pas du tout. Tout le monde parle wolof mme ceux qui sont originaires d'autres ethnies. On verra a dans le Saloum o un Srre discute sans problme avec un guinen dans cette langue. Le franais est bien sr beaucoup parl mais c'est une langue utilitaire, et il faut tre all l'cole ou frquenter des franais pour la connatre. En tous cas, je suis pate de la facilit avec laquelle, souvent, ils parlent plusieurs langues. Je fais des digressions mais nous arrivons donc au march HLM qui est en fait un immense march de tissus. Nous dambulons toute la matine dans d'troits couloirs, dballer, marchander. Les tailleurs ont leurs ruelles et on peut se faire faire dans l'heure boubous, chemises ou robes. Les commerants sont durs au marchandage ou alors on value mal les prix, on se voyait revenir avec des monceaux de tissus mais la rcolte sera pauvre. Le quartier de Hann est trs anim et pas du tout touristique. C'est un plaisir des sens de dambuler dans les rues, de boire un caf touba (mlange grill de caf vert, mil et djar) au march au poisson, de regarder travailler

    un sculpteur install dehors. Les femmes sont belles, avec leurs boubous colors, leur dmarche lgante, les odeurs des tals se mlangent, cacahutes grilles dans le sable, encens, poisson. Presque tous les soirs, on entend le son des djembs apport par le vent. Peut-tre que a dpend des quartiers, mais je peux dambuler seule mme des heures avances sans qu' aucun

    moment, j'ai l'impression qu'on va m'agresser ou me dvaliser. On risque plus sa peau en marchant le long des routes. La route de Rufisque qu'on emprunte pour aller au caf internet est toujours embouteille et comme elle est pleine de trous, les voitures, bus et camions roulent en zigzag et souvent sur le bas-ct. Ca ne s'arrange pas quand il y a des pluies torrentielles comme celle

    qu'on a eue un soir, je ne vous raconte pas l'tat dans lequel on tait ; ce mme soir, les taxis avaient doubl leur tarif et N'Dyaye, qui travaille au CVD n'en a mme pas trouv un qui veuille la ramener chez elle. Ct artistique, on a l'occasion de voir un groupe de danse et musique au centre culturel franais, 23 artistes franais et sngalais nous annonce le dpliant. En fait, 4 franais jouent tendance jazz et les sngalais sont percussionnistes avec un chanteur et deux danseuses. Le spectacle est gnial,

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  • certains percussionnistes sont excellents. Pendant tout ce temps, des femmes essentiellement, viennent mettre des billets dans la main du chanteur, il y en a mme une qui lui laisse son sac main. Mon voisin m'explique qu'on fait a si on est content du chanteur mais que c'est aussi une faon de parader et de montrer sa richesse. La semaine s'coule comme a au gr des rencontres et il va tre temps de partir. Gros avitaillement car dans le Saloum, et ensuite au Cap Vert, le choix sera rduit. On fait le plein d'eau et l, Pierre a d vouloir rinventer le moteur eau : alors que le rservoir de 200 litres est vide, en 2 min a dborde ; normal puisqu'on est en train de remplir le rservoir de gasoil qui, lui, est pleinbon, a nous donne l'occasion de nettoyer la cuve de gasoil et d'apprendre qu'au lieu des 90 litres, elle en contient 120, positivons positivons, y'a plus grave dans la vie. Cette fois, tout est prt et nous quittons Dakar pour s'arrter deux heures plus tard l'le de Gore. On passe la nuit l-bas et on prend la

    journe du lendemain pour s'y balader. C'est vraiment diffrent, beaucoup plus touristique, plus calme, il n'y a pas de voiture. Tout est bien arrang, les maisons sont peintes dans de belles couleurs, les jardins sont beaux, pas de baraques de bric et de broc, de dcharges sauvages...on

    pourrait dire que c'est le Brhat du coin.

    SALOUM (voir carte en fin de document)

    Navigation idale pour descendre de Gore au Saloum. On se sent comme dans un cocon d'toiles, de vent et de chaleur. Nomade file, trop mme, et on est oblig de ne garder qu'un petit bout de gnois de rien du tout pour ne pas arriver avant le lever du jour ( la fois pour ne pas percuter les pirogues des pcheurs qui ne sont gure ou pas claires de nuit, et pour reconnatre la passe de Djiffer). Aux premires lueurs on pique vers le rivage, entre la pointe de Djiffer et le chteau d'eau, rivage que l'on longe jusqu' trouver des piquets laisser sur bbord. Nous y sommes. Le Saloum est grand, immense mme. Mais le monde est petit : peine mouills, un peu en amont, nous apercevons Gilles et sa femme, que nous avions rencontrs au CVD. Ils viennent nous voir, depuis leur feeling 10.90, et je rentends avec plaisir sa voix lui, la fois rocailleuse et chaleureuse. Ils ont une maison en chantier juste sur la berge, o ils vont vivre avec leurs

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  • deux fils. Il pensait que Nomade tait aussi un feeling 10.90. La conversation coule comme le fleuve, on sent qu'on pourrait sympathiser davantage ; mais voyage, voyage et on profite de la mare montante pour jeter l'ancre une dizaine de milles en amont. A la nuit un violent orage clate, zbrant de gros clairs un ciel vraiment africain. L'ancre tient. Lever l'aube avec les oiseaux. On installe la table du cockpit, ce qui ne nous tait pas arriv depuis longtemps.

    Et, dlice, alors que je la croyais impossible, baignade. La berge n'est qu'une grande tendue de sable, d'eau et de paltuviers. Sous l'impulsion de Marik on rejoint des femmes qui cuisent des coques dans un petit campement. Elles les font bouillir puis les entrechoquent avec un sacr coup de main avant de les faire scher au soleil. Une des femmes est drle avec son " beaucoup d'argent " qui revient souvent dans la conversation. Quand on sait ce qu'elles gagnent ! Le soir on quitte le Saloum pour bifurquer vers le sud, juste avant Guirnda. On mouille tout de suite dans le marigot, superbement calme, et on reste, non moins calmement, bord. Au matin, deux singes qui me font juste coucou, et une petite nage pour aller examiner les hutres sur les racines des paltuviers, mais elles sont vraiment trop petites. Et remonte un peu dlicate, avec plusieurs chouages vaseux, et un singe qui semble nous narguer du haut d'un arbre mort jusqu' NGHADIOR A peine ancrs, nous voyons arriver sur la rive un homme qui nous fait un grand "Bonjour, je suis l'ami des voiliers", venez dner chez moi. On accepte bien volontiers, et on le suit, dans l'obscurit montante, sur un chemin bord de paillotes et de quelques btiments en dur aussi, jusque chez lui. Sa femme et ses 4 enfants nous accueillent comme des amis, et on sort des photos, des lettres d'quipages qui sont dj passs ici. Mamadou Djam est trs volubile et parle un bon franais. Il est 7 heures, le temps de casser le jene de ce premier jour de Ramadan, et on entre tous dans l'unique paillote d'habitation (il y en a une autre, 10 mtres de l, qui abrite la cuisine) pour s'accroupir autour d'un plat de riz baignant dans une huile de palme magnifiquement orange. On mange la musulmane,

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  • avec la main droite, sauf l'affreux toubab qui se fait octroyer une cuiller (mais la toubab se lche les doigts avec art !). Soire familiale, dans la cour sableuse, o dambulent des grenouilles : les enfants, assis sur une grande natte, font leurs devoirs. L'un d'eux prsente son ardoise pour qu'on lui pose des oprations, et a devient vite un jeu pour tous, au point qu'on a du mal fournir. Djam m'explique que le tube non qui nous claire date seulement

    d'aot, lorsque ont t installs, sous sa responsabilit, une premire srie de panneaux solaires. Avant rgnait le ptrole. On prend rendez-vous, moi avec Djam pour visiter le dispensaire, et Marie avec Teneng, sa femme, pour prparer un thiboudienne. Puis ils nous raccompagnent, la lueur de lampes de poche, jusqu'au

    bolong. Le dispensaire, dont Djam est co-responsable avec une infirmire, est un btiment en dur comprenant quelques pices dont une salle de soins et une salle d'accouchement, mais les critres d'hygine et mme d'ordre sont assez loigns des ntres. Ce qui frappe c'est que personne n'ait envie de rendre ce lieu sinon coquet, du moins propre et fonctionnel. Il est vrai que le bricolage semble une notion inconnue, indigne des hommes sans doute, qui n'ont " le droit " que de pcher, jouer ou discuter. Par contre l'installation des panneaux solaires, la mme que celle qui quipe les habitations, est parfaitement oprationnelle : grosse batterie transparente, trois sorties 12v et une autre rglable de 0 12v, panneau de 50w bien orient, c'est visiblement costaud et bien pens (pas comme au Cap Vert !). Et parfaitement, cologique, sauf quand il faudra changer les batteries, dirait un copain des Verts ! Puis Djam nous emmne voir les notables : le chef du village, qui nous reoit dans l'ombre profonde de sa case ; les anciens qui devisent benotement (pas tant que a d'ailleurs) dans leur " maison des palabres ",

    tout au bord du bolong, et l'Imam, dont la mosque est plutt dcrpite, sauf la coupole, qui tincelle de mille feux sous le soleil. En chemin, des enfants nous suivent puis nous prennent la main, et j'en ai bientt quatre de chaque ct. Certains sont tonns par les poils de mes bras et ils les caressent qui mieux mieux. Cela ne m'est

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  • pas habituel ! On continue ainsi jusqu'au chantier naval o une grande pirogue est en construction ; il reste la calfater, avec un mlange de poudre obtenue partir de diverses parties du baobab et d'huile de palme. Dner dans la case comme la veille, mais d'un thiboudienne, excellent, prpar donc par Teneng et Marik. Il fait encore plus chaud (36 l'ombre, dans le bateau, cet aprs-midi). Les enfants, de jeunes voisins se sont joints eux, demandent encore plus d'oprations sauf Binta (la cadette) qui, atteinte d'une crise de palu, reste couche sur la natte. Du monde dfile dans la cour. Vraiment sympa. Nous resterons encore 2 jours dans les mmes conditions. Nous discuterons avec les matres d'cole, Sd, Semour, Saar, Jedi et nous entendrons une classe chanter l'hymne sngalais, en franais. Je deviendrai ami avec le jeune Ibrahim, qui montera dans le bateau, et

    y lira du Baudelaire ; il m'offrira un coquillage. Marie invitera Teneng, avec son petit Sdou, qui trouvera que c'est bien plus beau que chez lui. Nous verrons des baobabs, des oiseaux rouge et noir, des iguanes. Et le

    dernier soir nous descendrons dans les profondeurs du village saluer la mre de Teneng, avant de faire nos adieux. " On n'oublie jamais Nghadior et son

    accueil, jamais ", rpte Djam, sur un ton incantatoire. Et c'est vrai.

    DIORAN BOUMAK (l'le aux coquillages). C'est un lieu magique, plein de baobabs gants, de perruches, de perroquets au ventre jaune et aux ailes vertes, de merles violets au col turquoise et l'il jaune, de plicans, de hrons. Autour de ce tumulus, fait

    de coquillages amasss vers l'an mil, l'eau est claire et les bains dlicieux. Pour manger il suffit de couper des racines de paltuvier, elles sont couvertes d'hutres, et de les faire griller comme des brochettes. Excellent. Un matin on voit des espces de baleine

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  • bosses au milieu du fleuve. Le matin suivant, celui de notre dpart, c'est une tribu en pirogues qui dmnage avec meubles et chvres, et qui fait un arrt pipi sur l'le.

    On fait une provision d'hutres et en avant pour TOUBAKOUTA C'est une petite ville trs diffrente de Nghadior. Chaque famille s'est dlimite un terrain, souvent clos de murs, parfois de la taille d'un village, avec mosque prive ! Il y a mme un cybercaf " Chez Lynda " : on peut enfin rcuprer des messages et en crire, entre deux pannes de courant. Je me fais faire une chemise chez un tailleur, qui propose Marik une place dans son cur et dans sa boutique ! On se lve l'aube pour aller observer oiseaux et singes, mais on ne rencontre que des

    militaires franais, en oprations dans le coin. Le jeune Moussa, qui voudrait un correspondant franais, nous aide faire le plein d'eau, et vient voir le bateau. On trouve aussi un petit march couvert, avec quelques lgumes, et un tal o trne un buf entier. Le boucher

    nous en dcoupe 2 kg dans une partie qu'on lui montre, au hasard ! La viande sera un peu dure mais trs savoureuse. Et on repart pour SIPO Ce petit village, pos sur la rive droite de la Bandiala, nous a t conseill par "Billy le cordonnier", Toubakouta. On tombe trs vite, pas tout fait par hasard sans doute, sur sa femme, qui sympathise tout de suite avec Marik. Soudain, on voit un homme qui part rcolter du vin de palme, et on lui

    embote le pas, qu'il a long ! Il s'appelle Michel (c'est un Srre catholique, comme une moiti du village), il a beaucoup d'allure (aux deux sens du terme !), et il grimpe aux palmiers comme, nagure, les agents EDF escaladaient les poteaux lectriques ; mais pieds nus. Le vin de palme est blanc, clair et acidul. Avec quelques hutres cuites, a dcape. On quitte Adeline,

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  • Augustin et Michel pour rentrer au bateau. Le lendemain, nous irons faire un tour vers la palmeraie, puis retournerons un bon moment chez la femme de Billy, qui a un bel ensemble de paillotes au bord du bolong, et dont les ascendants sont maliens. Des militaires dbarquent, et on apprend que notre prsence sur la berge, lors de notre promenade, a failli faire rater une mission ! Nouvelle escale devant une annexe de l'htel des paltuviers, o il n'y a pas un chat. On se lave les cheveux et on fait le plein d'eau (soufre ?) un robinet extrieur. Et on va chercher les singes, pour ne trouver toujours que des militaires. Marik pche, la ligne, une petite lotte qui, mme sans peau et sans tte, met des gargouillis bizarres. A terre, dans une sorte de lac sal, on observe un superbe toucan, des hrons, des perroquets et une mangouste. M'Baye, un pcheur, nous a promis de nous faire voir des singes, vers Missirah, et nous allons mouiller de l'autre ct de la Bandiala pour nous rapprocher. Nous partons 7h du matin et nous faisons une jolie balade travers des champs de pastques, et un joli village de huttes en dur harmonieusement disposes autour d'un calebassier. Mais de singe, pas la queue d'un, alors que deux filles qui sont restes dans un des champs de pastques, en ont vu une vingtaine ; et M'Baye qui se dit pisteur, et qui "se sent oblig" de dire qu'on ne lui donne pas assez ! Il a l'air tellement pein en disant cela que je lui donnerai un complment, aprs qu'il nous aura aids, tout guilleret du reste, faire un petit approvisionnement. Et vogue Nomade vers la dernire escale dans le Saloum, l'le de Woudirin (dite aussi l'le de la femme Marabout). Le bolong est moins intime que prvu, mais extraordinairement tranquille dans le crpuscule. A terre, il y a un tout petit village o les femmes vivent les seins quasiment nus. Je joue au foot avec un petit gars qui, quand je shoote, fixe le ballon avec un regard d'une intensit incroyable. Le chef de famille est un homme

    dynamique qui veut faire fructifier son le grce la culture des papayers et au tourisme. Promenade le soir ; pas de singes, mais des oiseaux par centaines, tant et de tant de sortes, qui volent entre les arbustes et les baobabs, qu'on se croirait

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  • dans un rcif corallien. Magique. Le lendemain, prparatifs avant le dpart pour Brava.

    6. Brava (novembre-dcembre 2003) Du Saloum Brava (450 miles, 3 jours et demi) Pour sortir du Saloum, nous suivons la route indique par un document anglais : 1337,30N 1636,00W puis 1336,65N 1635,95W et cap au 196 vrai pour Banjul, plus sud-ouest pour nous. Des brisants impressionnants nous bordent des deux cts, alors que la mer est vraiment calme ; au-del des centaines de plicans nous font une haie d'honneur lointaine. Il nous faut 3 heures pour quitter les hauts-fonds. La nuit se fait noire et l'air du large est plein d'une somptueuse odeur de bois chaud. La traverse sera enfin rapide, grce un vent bien stable N N-E de force 4-5. La mer remue cependant beaucoup et je m'bouillante un petit bout du ventre en gouttant des spaghettis ; quelques grosses cloques, mais rien de bien mchant. Des puffins, des bataillons d'exocets, des centaines de dauphins taches roses nous tiennent par moments compagnie (ce sont les animaux domestiques des marins ?). Un aprs-midi, Marik fait du pain et des brioches : on se croirait en France dans une bonne boulangerie. On laisse les les de Santiago et de Fogo sur tribord, avec l'alternance de calmes et de surventes associs,

    pour arriver au petit matin du jeudi 13 Furna. BRAVA Le port de Furna, avec ses btiments htroclites, son village en surplomb, ses

    grosses roches, parait plutt austre. Mais tout de suite, malgr l'heure matinale, deux " bravados " montent en annexe et nous aident frapper une amarre arrire de 50m sur les grosses caillasses (contondantes, hlas) du quai. Une fois terre, nous ferons connaissance d'Alberto, un de ceux qui nous a aids, et de Toni, un gaillard l'air sympathique qui semble nous rencontrer

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  • par hasard dans LE bar de Furna (en fait il n'en est rien ; c'est LE spcialiste de l'accueil des voileux). Tout le charme du port tient ses habitants : le beau Toni, donc, avec qui je prendrai une demi cuite, un samedi soir, et qui se mettra danser superbement sur des airs de Gil Semedo (notre relation se refroidira quelque peu lorsqu'on saura qu'il rcupre les mdicaments pour son compte

    personnel). Les petits vieux et petites vieilles qui font dorer leurs visages joliment rids sur le pas de leur maison ; Marik soignera les yeux de l'une et la jambe d'un autre. Les femmes qui se retrouvent lors des distributions d'eau, payantes et heures fixes, et rient et se chamaillent. Et puis surtout Alberto Andrade, dit Beto : un " humaniste " avec qui on aura toujours plaisir discuter, et qui nous en impose par la clart et la largeur de ses vues. Et

    c'est lui de plus qui nous emmnera moi, Claude (skipper du Talios, arriv un peu aprs nous) et parfois Marik, chasser sous la mer presque tous les jours. Un chasseur remarquable, la vue perante, et aux gestes d'une conomie et d'une efficacit rares ; pratiquement chaque tir il

    remonte un poisson, ce qui nous permet d'organiser deux soirs de suite des bbq vraiment sympas, avec Alberto bien sr, et l'quipage du Talios (Claude, Irne sa femme, Phil, un suisse de Genve, et Christophe, un breton parisien,

    tous deux recruts sur Internet). La capitale de l'le, Nova Sintra, semble faire une douce sieste ternelle dans l'aisance que lui procure l'argent de ses migrs (pendant notre court sjour, le chargement complet d'un cargo venant des USA sera dbarqu dans un hangar pour distribution aux habitants). Nous y rencontrerons un commerant qui nous fera cadeau d'une passoire, d'une bire et de bonbons avec une gentillesse absolument dsarmante. Et lorsque Pepe, un rasta chauffeur d'aluguer, fera attendre 20 minutes tous ses passagers rien que pour me permettre

    de consulter la mto sur Internet, chez un particulier, il n'y aura pas l'ombre d'un nervement. En partant de Furna, on accde Vinagre

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  • par un chemin moins vident que ne le disent guide ou habitants. Mais cette " hacienda " abandonne vaut vraiment le dplacement, pas seulement pour sa source d'eau au got lgrement vinaigr, excellente boire, mais aussi pour ses terrasses de culture, encore bien visibles, ses palmiers, son bougainville immense, et un magnifique btiment consacr la captation et la distribution de l'eau, avec aux angles hauts, quatre gargouilles tranges offrant un petit air maya. Ajoutez cela une citerne en forme d'amphore, des libellules rouge, un geai aux couleurs fluos, et des

    inscriptions en rouge sur la Tchtchnie, et vous aurez un lieu rellement peu ordinaire. Le retour, sous la canicule, se rvlera moins enthousiasmant. Pepe nous emmne dans son aluguer, avec Claude, Irne et Phil jusqu' Faja de Agua, un port de pche au

    nord-ouest. La descente est superbe mais le village lui-mme, assez sauvage, et le mouillage, cause des rouleaux incessants, ne semblent pas aussi idylliques que cela. Il est vrai que, presss par Pepe, nous ne restons pas djeuner avec un couple courageux (la femme est franaise) qui a mont un htel sue la plage, ce qui aurait peut-tre modifi notre point de vue. Nous visiterons aussi l'cole, o nous assisterons un cours de ... maths. L'ambiance est trs studieuse, et quand l'lve au tableau fait un calcul juste, tous les autres applaudissent en chantant, fort, une phrase

    d'encouragement. Talios partira le mercredi 19 pour Fogo, puis les Bijagos, mais sans Christophe qui a dcid de poser son sac. Un autre voilier mouillera prs

    de nous, un plan Caroff de 14T, mais il cassera une amarre pendant la nuit, et prfrera partir. Un autre encore, men par un couple d'un abord peu chaleureux, prendra la place de Talios et partira en mme temps que nous. Derniers achats, pain et grogue. Au dbarcadre, la voisine de mouillage pique une crise de nerfs parce que le douanier lui demande de faire les formalits, et qu'elle n'a plus d'escudos. Il accepte de ne pas faire payer. Quand elle descend dans l'annexe avec nous (la leur est kaputt), elle manque

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  • de tomber l'eau et tout le monde rit plus ou moins intrieurement. Adios Alberto, adios Pepe, adios los gentes de Brava, los vielos

    7. Traverse

    Beau premier jour, avec l'aliz qui nous fait filer 7-8 nuds. On se voit dj sur l'autre rive en 13 jours, ce qui rend trs supportable le boucan et le remue-mnage ambiant. Mais hlas cela ne durera pas. Pour rsumer, sur les 20 jours, on aura 5 jours durant lesquels on fera plus de 120 miles (maxi : 150), 7 jours moins de 100 miles (mini : 58). Et la route nous a parus parfois longuette. Mais la boulangre fait du pain, du pain de mie et une flamiche. Et le mari de la boulangre que fait-il ? Il tangonne. Mais avec qui ? Avec la femme du mari de la boulangre. Et qui aide la boulangre enfourner ses miches ? Le mari de Mais les coryphnes et cavalos pleuvent sur la table, du moins jusqu'au 27. Car aprs plus rien, sinon des lignes casses. Et une trs grosse coryphne, chappe au dernier moment de l'puisette ; trangement elle tait paule dans sa lutte par deux consoeurs. Et aprs encore moins que plus rien. Mais un superbe oiseau blanc longue queue et au bec rouge vif. Mais une nuit o on se fait prendre par des grains noirs qui nous suivent comme une meute dchane. Pendant quatre heures je tiens la barre sous une pluie diluvienne, tandis que Marie-Christine me guide en s'aidant du radar. Mais je me sens comme un joujou entre les mains d'un gosse idiot. Et le lendemain une arme de cumulo-nimbus vers le couchant nous inquite rudement, pour finir par rentrer la caserne bien gentiment. Mais on a le temps de faire plus ample connaissance avec Betelgeuse dans Orion, Sirius dans le grand chien (d'Orion, qui a aussi un petit chien), Canopus dans la Carne (Carina) et Cappella et les autres. Mais on teste toutes sortes de combinaisons de voiles ; gnois plus solent, au vent arrire, cela fonctionne stablement. Et on peaufine notre point d'atterrissage : de Bequia au dpart, on se dcide pour Tobago, qui nous parait plus intressant que les " Tobago cayes ". Mais on peut rester des heures en fascination devant cette mer la fois immensment homogne, par sa masse norme d'eau identique, et infiniment htrogne par ses vagues, ses reflets, ses courants, ses couleurs, eux-

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  • mmes infiniment changeants et chatoyants. Et on observe, la nuit, les rares bateaux que l'on croise ou ctoie (3 voiliers en tout et pour tout dans les 20 jours). Et on arrive un matin, pas si content que a se termine. A Scarborough, Tobago.

    8. Tobago (dcembre 2003)

    Scarborough Le port est mieux abrit que ne le laissait penser la carte. La ville, trs colore pour ne pas dire bariole, ne ressemble rien de ce que l'on a vu

    jusqu'ici. Et les habitants, ttes, corps, habits, sont d'une diversit fantastique. Comme ces deux colires, habilles presque comme des religieuses, et qui restent en contemplation devant une boutique de dessous fminins oss. Les formalits durent un peu trop, et on a beaucoup de mal trouver l'office du tourisme, trs

    discrtement enfoui dans un immeuble. Mais Marik russit nous faire inviter, par un lieutenant surnomm d'Artagnan, sur une frgate militaire qui offre un cocktail le soir mme. Du pain franais, s'il vous plait, par le boulanger du bord, et des

    discussions sympathiques avec le commandant de bord, " d'Artagnan " qui me fait penser Pierre Loti, et un lieutenant fana de voile qui sait ce qu'il veut. On se couche bien vanns. Et 3h, pluie tropicale, avec les panneaux ouverts, of course. Et 5h Marik se lve pour

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  • installer le taud rcuprateur d'eau.

    Rsum de la journe suivante : visite de la frgate, Internet eternity, pluie encore et lourde sieste. Le lendemain on se ravitaille au march, riche et vivant, puis on dnera avec nos lieutenants, Jean-Baptiste et Joseph, aprs un apro dans le bateau (et aprs la messe de l'vque de Trinidad laquelle ils sont alls !). Jean-baptiste a appris dans la nuit qu'il tait papa. Nous, on apprend que les mentalits changent vite dans la marine nationale, et que ces frgates, dites de surveillance, participent la lutte contre la drogue en arraisonnant les navires douteux (en restituant toutefois les prises aux autorits du pays concern !) Irving bay Course au gazole, en taxi, puis dpart sous bon vent pour Irving bay. Mais

    on regrettera de ne pas s'tre arrt Pigeon point, car l'accs Bucoo Reef, un des plus beaux sites de plonge de Tobago, depuis cette baie, se rvle si compliqu qu'on y renonce. On se contente d'aller sur les rcifs proches et c'est dj trs beau. En particulier une toute jeune demoiselle queue jaune, au corps bleu fonc constell de fines turquoises irises : un vrai bijou vivant de 4 cm de long. Et hop, vent plein pif, pour Castara bay On me l'avait dit, mais maintenant je le sais dans ma chair, l'annexe fait facilement un looping quand on dbarque la plage de Castara : en

    l'occurrence c'est moi qui ai fait le looping sous le dinghy. Et un rinage complet l'eau douce, un, avant d'aller dner d'un savoureux King fish aux 8 lgumes. Jolie promenade dans une ore de jungle avec

    rivire, cacaotiers, perroquets et douche sous une vraie cascade. Puis on coute un trs touchant steel's band man jouer quelques morceaux, avant de discuter prs de 2 heures avec lui sur la plage. " If I can't do the best with my heart, then I do

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  • nothing ". Beau programme. Plus tard, PMT grandiose vers la pointe Est, o l'on voit des perroquets (marins ceux-l) et encore des demoiselles. Et des gorgones bleues ou violettes la Yves Tanguy. Dner : soupes chinoises en sachets, sous le sourire narquois de Marik ! Mais aussi aubergines cuites en sauteuse couverte, avec intercalage d'ail, sel

    et piment, et huile d'olive bien sr, prpares par le chef !! On va boire un coup dans un bistrot de pochtrons sympas (ils commandent de l'eau, mais ils ont la bouteille de rhum dans la poche). Une excellente escale une fois qu'on sait qu'il faut prendre l'annexe en maillot de bain et sans moteur, et mettre ses

    vtements dans un sac tanche.

    Charlotteville Mouillage dans la baie des pirates, rserve aux pcheurs, mais heureusement il n'y avait pas de filets. Pas de rouleaux sur la plage. Ville coquette. Le gars de l'immigration ne veut pas nous faire la sortie. " It is not my problem ". Et on doit

    retourner en taxi Scarborough (et grands frais), o la prpose nous tamponne les passeports sans demander de prcisions. Dner chez Marilyn, avec vue sur Nomade. Good

    shrimps. Et on the sea to Martinique (200 miles), 20h30. Vingt noeuds de vent au prs, avec 2 ris et assez peu de gnois. On a un peu de mal tenir le cap (355 vrai) au dbut, et la vitesse ensuite. Mer agite forte. Arrive sans encombres au Marin dans l'aprs-midi du 19 dcembre.

    9. Martinique et Guadeloupe (dcembre-janvier 2004)

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  • L'arrive en Martinique se fait au cul de sac du marin. La baie est magnifique mais les voiliers y poussent comme des champignons. La marina a 600 places et c'est plein ! On se trouve en saison haute et c'est un va-et-vient incessant de valises et de chariots remplis de provisions. L'ambiance n'a rien voir avec ce qu'on a connu jusqu'ici. Elle n'est pas dsagrable mais il y manque une certaine chaleur. Pour nous, c'est escale technique en attendant Emilien qui arrive le 24 dcembre. On courra toute la semaine

    aprs un technicien pour rgler les problmes d'nergie (pas les ntres, ceux du bateau, mais il nous aura quand mme pomps) et part montrer le bout de son nez pour dire " je reviens ", il n'aura rien fait pour nous. Heureusement, cette attente est entrecoupe de bons concerts dans un bistrot du

    coin, de balade (en voiture) l'intrieur du pays et c'est superbe, et d'une escapade aux anses d'Arlet avec un mouillage o nous ne serons que deux bateaux, tous les autres tant agglutins au fond des anses. On y voit nos

    premires langoustes ... mais elles restent un plaisir des yeux. On quitte la Martinique pour la Guadeloupe puisque Emilien repart de Pointe Pitre. Comme souvent quand on se fixe un impratif de date, on part mme si la mto n'est pas favorable. 100 miles, ce n'est pas grand-chose et on choisit de passer sous le vent de la Dominique. Mais c'est du nord, 25 nuds avec une mer forme, on l'a pile dans le nez. On s'aide du moteur mais a n'avance pas et arrivs 5 milles des Saintes, au sud de la Guadeloupe, Pierre se rend compte qu'il y a un gros problme, l'inverseur nous a lchs. On met la trinquette et deux ris et on se retrouve tirer des longs bords qui ont vraiment l'air de nous ramener en arrire. En plus, les courants nous font driver et le prs n'est pas la meilleure allure de Nomade. Finalement, on arrive gagner du terrain pied pied, et 12h plus tard, au petit matin, on entre dans Grande baie. Nous sommes sur l'le de Terre-de-bas, la moins touristique des Saintes, la recherche d'un lieu o rveillonner. On n'a pas l'embarras du choix et on se retrouve au Maracuja, tenu par Jean-Marc, un gars du coin qui pourtant ressemble un touareg avec son turban bleu. On rveillonne avec des "mtros" venus prendre le vert ici et on termine en dansant la biguine avec les Antillais. On attendra un vent plus calme pour aller Terre-de-haut, deux milles de l au moteur en marche arrire (la seule qui s'enclenche), ce

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  • qui ne passe pas inaperu, et l, un mcano nous installe un inverseur provisoire. Les quelques jours passs Terre-de-bas sont reposants. On y trouve des gens accueillants et c'est l'occasion de faire une belle balade au milieu des courbarils et des bois d'Inde aux feuilles parfumes (un peu notre laurier sauce). On repart des Saintes pour Pointe Pitre avec trois belles langoustes pches par Emilien. Il n'est pas peu fier de ses prises et nous les mangerons en mer en tirant des bords pour passer Capesterre. La mer est agrable, Nomade avance, et c'est une belle nuit. Emilien nous quitte le lendemain. On

    aura le temps de faire avant son dpart une balade Pointe--Pitre, avec une visite qui vaut largement le dtour au muse Saint John Perse. On dguste au march de la darse notre premire noix de coco frache (eh oui ! et pourtant, a fait un moment qu'on voit des cocotiers) et on gote toutes sortes de fruits exotiques : mangues, pommes

    cannelles, bananes pommes, maracujaJ'apprends comme a que ce dernier n'est autre que le fruit de la passion. Ici, c'est nouveau escale technique. On doit attendre une semaine les pices de l'inverseur, car tout vient de mtropole. Et pour continuer dans la srie, on a failli perdre le guindeau en mouillant l'extrieur de la marina, tout a cause d'une soudure qui a lch. Y'a des jours comme a Enfin, la vie n'est pas si dure et on fera encore de belles balades dans la magnifique fort de Basse-terre, aux arbres si hauts qu'on n'en voit pas les feuilles. On quitte enfin la Guadeloupe avec un inverseur tout neuf, direction l'le Vache en Hati.

    10. Ile Vache (750 milles ; 8 jours ; janvier 2004)

    On fait d'abord un petit arrt aux Saintes pour rendre l'inverseur provisoire Eric, le mcano qui nous a dpanns au dpart. Cela fait plusieurs annes qu'il est install ici aprs avoir baroud avec son bateau (Sairce, qui

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  • vient de Paimpol !). En fait, il ancre son voilier pendant la saison sche aux Saintes, o il est dpanneur en tout genre et il repart pendant la saison des cyclones du ct du Venezuela. Comme il est le seul ici et que beaucoup de bateaux sont lous par des gens qui ne savent pas toujours o se trouve le moteur (j'exagre juste un peu), il arrive s'en tirer financirement comme a. Il n'est pas le seul avoir des comptences et s'tre install aux Antilles franaises mais ceux qu'on a rencontrs sont dans les marinas et ont l'air d'tre compltement surbooks alors qu'Eric a l'air de grer son temps comme il l'entend. Donc, aprs cette parenthse, nous voil partis pour 750 miles et je ne sais pas ce qu'on a fait Eole mais ce ne sera qu'alternance de calmes plats et de vent de 10-12 nuds maxi. Chaque jour, on se dit "a va changer, en

    pleine saison des alizs, la ptole, a ne dure pas". Eh bien NON ! ce sera comme a jusqu' l'arrive. On dcouvre la partie ouest de l'le vache avec l'anse Dufour, une vraie plage de carte postale, avec cocotiers, sable blanc et eau turquoise, juste arrondie ce qu'il faut. On contourne la pointe pour rentrer dans

    la baie Ferret avec au fond une autre petite anse : Port Morgan au bord de laquelle se trouve un htel du mme nom. Nous n'avions pas encore mouill qu'une pirogue vient notre rencontre, c'est Davy et Feldom qui nous conseillent de se mettre l'ancre et non aux boues de Port-Morgan, sinon, il nous en cotera 5$ par jour. Ils en profitent pour nous expliquer qu' "il vous faut un drapeau de Hati, c'est obligatoire et justement, on en a un vous vendre". Ils nous sortent le drapeau et aprs quelques tractations, nous voil presque en rgle. Ils nous apportent aprs deux noix de coco et deux ufs comme cadeau de bienvenue. Ensuite, ce sera un dfil quasi permanent de pirogues, et chacun a une histoire particulire qui se termine toujours par " Est-ce que tu penses pouvoir faire quelque chose pour moi ? " On a vu tellement de monde que j'ai du mal distinguer chacun et son histoire. Au bout de quelques jours, je finis par les reconnatre ; ils ont quelquefois des prnoms surprenants. Je m'attache trois petits mmes : Michelet, Lons et Makensy. Ils sont drles et dbrouillards et viennent nous voir tous les jours. On verra aussi Lorenski, David,

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  • Daniel, Cosey Dupond, un pcheur de langouste, Jean, un tudiant qui veut monter un groupe de musique Hatienne, un autre qui veut faire une troupe de thtre Le premier jour, on achte des petits citrons verts Mitterrand et Casimir " 25 gourdes les 5 citrons (4 francs)" " c'est trop cher " " non, non, en ce moment, ce n'est plus la saison, on n'en trouve plus ", tout a dit avec le plus grand srieux. Le lendemain, au march, on achte 75 gourdes un norme sac de citronsComme chaque fois, on apprend petit petit et je peux dire que a a bien fait rire les mmes qu'on se soit fait avoir. Les lundi et jeudi, c'est donc march Madame Bernard, le seul gros village de l'le. Nous y

    allons pied et russissons tre seuls, ce qui est un exploit. Les paysages sont superbes ; au dtour d'un morne, nous dcouvrons des hameaux aux maisons joliment dcores et aux couleurs vives. Ici, pas de voitures ni de motos ; on se dplace cheval, pied et beaucoup en " btiment ", le voilier pays. On croise sur le chemin des coliers en uniforme.

    Certains font tous les jours les 9 Km qui sparent Caye coq (le village devant lequel nous mouillons) de Madame Bernard. Les champs sont labours avec un attelage de buffles, dans les cours, on moud le mil ou le mas avec un moulin main. Touristes que nous sommes, nous trouvons cela pittoresque mais si la nature est gnreuse sur cette le, la vie reste quand mme dure. Pierre veut filmer des pcheurs qui remontent un filet, mais rencontre une hostilit immdiate ; " jamais, jamais " crie une femme. Du coup il range son camscope et se met dans la file d'hommes et de femmes qui tirent rythmiquement sur la corde. Rires mitigs, puis tout se termine dans la bonne humeur. Ce refus de se faire photographier n'est pas frquent, mais toujours vhment, et on n'a pas russi en savoir la raison. Le march est important, on trouve essentiellement des fruits, des lgumes, du poisson. Un boucher vend un cochon et c'est la seule viande qu'on verra durant notre sjour. Des dizaines de "bateaux pays" sont mouills devant et on en prendra un pour rentrer Caye coq. On avait retrouv Lorenski et c'est lui qui nous trouve un voilier. Le capitaine nous annonce 250

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  • gourdes pour les trois. Pierre, tout fier, fait baisser le prix 200 gourdes et nous voil embarqus sur un voilier non pont, plein de paniers de provisions, de cannes sucre, de rgimes de bananes Le dpart est

    une vraie bousculade, des femmes remontent leurs jupes pour rattraper le bateau qui s'loigne dj du rivage. On doit tre une douzaine, essentiellement des femmes. L'ambiance est dtendue et a tchache et rit beaucoup mais si je reconnais quelques mots dans leur crole, le sens m'chappe. En tous cas, le bateau file bonne allure avec son grement aurique et ses voiles rapices avec des morceaux de draps fleuris, et c'est un retour agrable mais quand l'arrive, je verrai les passagers donner 5 gourdes pour le voyage, je me suis dit que les gourdes ne sont pas o on le pense. Comme a dit Pierre au capitaine, " l, on a pay pour tout le monde ", ce qui a encore t un bon sujet de rigolade pour l'entourage. Pierre aura quand mme droit aux bras du capitaine pour aller jusqu'au rivage sans se mouiller le pantalon. Pendant une de nos balades, on tombe sur une arne de combats de coq. Il

    y en a un qui va commencer. Les esprits sont surchauffs, les paris montent, les coqs sont mis sur la piste et le dpart est donn. Chaque propritaire, l'un d'eux est Feldom, a des gestes particuliers pour encourager son coq ou l'exciter mais les volatiles doivent avoir une certaine lucidit et, au dbut, ne veulent pas se battre, ce qui excite encore davantage les parieurs ; le plus

    gros coq finira quand mme par porter des coups de bec cruels (ils n'ont pas de lames de rasoir la patte comme Bali) celui de Feldom, qui sort, vaincu, dans un piteux tat. Feldom, ple comme un mort, le ramasse pour le bercer dans ses bras. La religion occupe une place importante chez les Hatiens ; Caye Coq, ils sont protestants et Mme Bernard, catholiques. Un voilier amricain est au mouillage, nous apprenons

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  • qu'il appartient une association de l'glise de dieu et qu'ils sont l pour faire des confrences. On nous invite l'une d'elles mais nous dclinerons l'offre. Tous les soirs, nous entendons leurs tambourins et leurs chants et quand on coute le prdicateur dans l'glise, en plein air, on pense plutt une secte. Un jour, des cris et des pleurs rsonnent le long du rivage. On apprend qu'une femme du village vient de mourir, dans un hpital de la Ville aux Cayes (sur Hati). Le frre de la morte ne tardera pas nous faire part, avec une voix doucereuse, de ses difficults financires. Mais en dfinitive, ne pouvant satisfaire tout le monde, nous dciderons d'aider Lorenski, un tudiant qui ne pouvait plus payer ses tudes depuis 3 mois et qui allait se faire renvoyer. Un soir nous dnons Port Morgan. Un canadien, catholique et volubile, nous offre du muscadet. Puis il badine avec la secrtaire qui dne trangement l. La nuit, leurs voix alcoolises se mlent aux pleurs du village pour la morte. Ile dtonnante, aussi paenne que religieuse.

    Un seul voilier viendra mouiller dans l'anse pendant notre sjour. Un petit sloop en fibre de verre de la premire gnration, nomm Karma, avec un couple sympathique et courageux de jeunes franais bord. Ils viennent de Guyane franaise, via le Venezuela et Saint-Domingue et repartiront pour la Jamaque.

    Nous changerons des livres juste avant de lever l'ancre, en regrettant - de ne pas avoir fait mieux connaissance avec un couple de suisses qui, victime d'un piratage au large d'Hati suivi d'un chouage, a renonc rparer le bateau et s'est install sur l'le, - de ne pas avoir assist l'enterrement qui avait lieu le lendemain, et qui nous aurait peut-tre permis d'assister des rites vaudous, et de nous rapprocher de la population, mais la mto annonce que le grand ventilateur va tourner lentement et nous devons arriver le 5 fvrier

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  • Casilda.

    11. Cuba (fvrier 2004)

    Los Jardines de la Reina 30 janvier, on quitte regret les trois jeunes compres de Hati qui nous font promettre de revenir avec des vlos. Pas l'ombre d'un pirate dans le passage entre la Jamaque et Hati et ce sont 3,5 jours de belle navigation sous gnois et solent, avec quelques moments de calme plat, faut pas exagrer quand mme. En fin de traverse, le vent nous apporte une dlicieuse odeur de rsine. L'archipel des " Jardines de la Reina " est sur notre route, nous dcidons d'aller l'explorer en prvision du sjour prvu avec Didier (mon frre pour tout vous dire), Isabelle, Max et Germain. Aprs une entre par la passe sud un peu trop en rase corail (il vaut mieux prendre la passe nord), les les se rvlent dcevantes. Pas un chat sinon un

    bateau de plonge et quelques pcheurs, et de la mangrove partout. O sont les plages de sable blanc et les plonges dans les coraux ? On en trouve quand mme un peu au bout d'une heure d'annexe. Les pcheurs nous apportent trois belles queues de langouste et nous proposent un norme vivanneau que l'on

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  • troque contre casquette et bire. On a manger pour trois jours, plus besoin de pcher. On explore encore Cayo Alcatracito qui correspond mieux l'image qu'on se faisait de l'archipel. Le temps de plonger dans les coraux, un peu ternes mais bourrs de poissons de toutes les couleurs, et nous voil partis pour Casilda car on doit quand mme entrer officiellement Cuba. Aprs une nuit agite o le vent force 7-8 nous surprend, la guardia nous refoule manu militari de Casilda qui, nous avions des doutes mais maintenant, c'est une certitude, n'est pas un port d'entre international et il nous faut aller Cienfuegos, 40 milles de l. Cienfuegos L'accueil y est sympathique, et l'armada des officiels, aprs s'tre dchausse, se serre et transpire dans le carr ; douane, capitainerie, immigration, service vtrinaire, sant. Aprs une inspection sommaire, ils refuseront en tout et pour tout le saucisson et le gruyre d'importation franaise. On devrait payer une taxe, ils mettent alors la nourriture dans un sac scell et ils nous la redonnent la sortie. Devant l'absurdit de la chose, la Seorita vtrinaire nous les laisse en nous faisant promettre de les manger dans le jour qui suit. Finalement, on ne regrettera pas nos premiers pas sur Cuba travers la ville de Cienfuegos qui possde une splendeur passe avec ses maisons

    coloniales, ses arcades, ses rocking-chairs devant toutes les maisons aux pices en enfilade et pleines de beaux meubles, et ses belles "amricaines" photogniques. On comprend assez vite le systme montaire ; il faut des pesos et l, la vie est bon march. Le circuit touristique, lui, ne connat que le dollar. Pour les futures vires dans la jungle, Pierre trouve une machette dans un magasin d'tat 10 pesos (= 30 cts d') et le march quotidien est bien plus fourni qu'on pouvait l'imaginer. La ville offre un tonnant mlange d'activit et de nonchalance. On remonte le Malecn en calche, taxi local, pour rejoindre la marina. En me baladant dans le quartier, je trouve Javier, qui nous propose de nous emmener dans sa voiture visiter le jardin botanique. Ceux qui peuvent proposent comme a des services officieux aux touristes pour arrondir les

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  • fins de mois. Tout le monde travaille mais les payes tournent entre 250 et 600 pesos, ce qui permet d'acheter le minimum dans les magasins d'tat avec la livreta (carnet de rationnement) mais pas plus. En fait, beaucoup d'entre eux cherchent travailler dans les circuits touristiques o les gains sont plus intressants. Le mme Javier se dbrouillera pour nous remplir notre bouteille de gaz, chose qu'on n'aurait jamais pu faire seuls puisque ici, c'est du propane. On ne comprend pas tout mais a brle bien. La casa de la musica nous offre " ron " gogo et danse pleines paluches, sur fond de disco. Je serai mme invite par un " drag queen " tout de blanc vtu pendant que Pierre est rcupr par sa copine, une black ptillante. Cuba ressemble bien l'image que je pouvais m'en faire. Trinidad

    On retrouve Didier and co avec joie et on quitte Cienfuegos pour Cayo Blanco. On n'avait pas prvu une mer peu indulgente pour les novices et devant la blancheur de certains visages, on dcide de s'arrter dans une baie entre les deux ports. Pendant qu'on est sur la plage, la guardia tourne

    longuement autour du bateau puis vient nous dire de remonter l'annexe et s'assure qu'on va quitter le lieu rapidement. Aprs, ce sera une srie de petites tracasseries administratives car si Cuba s'ouvre au tourisme, celui-ci doit rester sur des sentiers baliss et il n'est pas question d'aller o on veut quand on a un

    bateau, d'ici ce qu'on embarque quelques cubains pour Miami, dj qu'on a du mal avoir des visas pour les Etats-Unis pour nous.. Enfin, ce sera le seul dsagrment avec les autorits, ce qui n'est vraiment pas tragique. A Cayo Blanco, on fera un peu de snorkeling et une fois les bateaux qui transportent les touristes des htels partis, l'le est un petit paradis. La machette permettra Pierre et Germain de cueillir et plucher les noix de coco qui pullulent sur l'le et le lendemain, on mouille la "marina" de Casilda, qui se trouve 15 km de Trinidad. La marina est, comme celle de Cienfuegos, en partie occupe par les voiliers de location et c'est un dfil permanent d'quipages ( chelle rduite par rapport la Martinique et la Guadeloupe).

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  • Trinidad est beaucoup plus touristique que Cienfuegos mais avec plus de charme encore et dans ses rues paves rsonne partout de la musique. En s'loignant un peu du centre, la vie s'coule tranquillement, joueurs de dominos installs dans la rue, femmes assises derrire les grilles des fentres ou debout sur les pas des portes, enfants qui jouent au hockey. Dans tous les cafs,

    des groupes se produisent et on coutera plusieurs concerts de musique cubaine, avec un plaisir toujours renouvel (mais c'est le Septeto Son de Cuba qui nous a le plus charm). La casa de la Trova, par contre, se rvle un peu triste ou alors, on n'y est pas all au bon moment. On a beaucoup de propositions dans la rue pour se loger ou pour aller manger dans des " casas particulares ". On se retrouve comme a un soir dner tous les six chez une

    dame dont j'ai oubli le nom, avec canchanchara (miel, citron vert, glace et ron) en apro puis calamars et langouste au menu. Et cette dame avait une

    telle pche qu'on s'est tous retrouvs en train de danser salsa et cha-cha-cha dans sa petite pice. On a termin la soire la casa de la Musica, haut lieu de la salsa mais l, on

    a besoin d'encore un peu d'entranement pour rivaliser avec les couples

    cubains qui semblent tre des vrais pros. Autour de Trinidad, on ira traner nos pieds dans la valle de los ingenios, o se cultive la canne sucre. On se fait une frayeur en se retrouvant au milieu d'un pont au moment o le train vapeur arrive et pendant qu'on court, Didier et moi, devant le train, Isabelle se retrouve accroche une des piles du pont (il n'allait pas trs vite, j'en conviens mais quand mme, les peurs ne sont pas toujours trs rationnelles). On passera un moment super dans une hacienda couter un groupe de musique traditionnelle accompagn d'une danseuse et l encore, on est sollicits, Pierre pour jouer des maracas et nous pour danser. On se fait une jolie balade aussi Topes de Collantes dans la sierra de l'Escambray. Le chemin traverse une vgtation luxuriante avant d'atteindre

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  • une cascade o les plus courageux se baigneront. Aprs le dpart de Didier and co (je n'ai pas pu m'empcher de verser ma larme, j'ai d tre pleureuse dans une autre vie) j'irai voir Mireya, une copine d'une copine, qui me donne un petit cours de salsa : "suave,

    suave" me rpte t-elle pendant que Pierre prend des cours de guitare ; "suave suave" lui rpte son prof. Cayos de Dios Avant de quitter Casilda, on essaye d'envoyer, sans succs, un ml group pour annoncer la mise jour du site par Didier puis Carlos, le responsable officiel de la marina, vient signer le despacho et demande des revues

    coquines. (la revue " photo " qu'on lui a propose n'a pas eu l'air de le satisfaire et c'est l qu'on a compris ce qu'il demandait). Pas de vent jusqu' minuit, puis il se lve de l'est et je droule le gnois : silence ; et toujours l'odeur dlicieuse de Cuba. On arrive aux Cayos de Dios par le S. E. L'eau est d'meraude, mais trop agite au mouillage du N. E., et on finit par jeter l'ancre celui du S. O., par 5m de fond. On dcouvre, sur la plage de sable blanc et fin, des bataillons de bernard-l'ermite et une multitude de ttes de langouste, certaines normes. La mer, au sud des rcifs, s'agite beaucoup mais nous sommes l'abri et notre soire s'coule entre soleil rouge, boulange, porc au curry et salsa. Un voilier suisse, Wind Song, avec une imposante sous-barbe, mouille non loin de nous ; son bord, Eric et Catherine qui nous donnent de prcieuses indications sur les coins " snorkeler ". Effectivement la taille