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Reconstruction tridimensionnelle des plexus veineux vertébraux internes et antérieurs d’un fœtus humain : étude de faisabilité

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Page 1: Reconstruction tridimensionnelle des plexus veineux vertébraux internes et antérieurs d’un fœtus humain : étude de faisabilité

Morphologie, 2006, 90, 181-187© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

ARTICLE ORIGINAL

RECONSTRUCTION TRIDIMENSIONNELLE DES PLEXUS VEINEUX VERTÉBRAUX INTERNES ET ANTÉRIEURS D’UN FŒTUS HUMAIN : ÉTUDE DE FAISABILITÉ

M. HAMID (2, 3), G.M. HOUNNOU (2), P.J. TOUSSAINT (1), J.F. UHL (2), V. DELMAS (1, 2), O. PLAISANT (1, 2, 4)

(1) Anatomie, Université Paris V, Faculté de Médecine, Paris, France.

(2) Anatomie, Université Paris V, UFR Biomédicale, Paris, France.

(3) Université de Paris- Sud 11, École Doctorale STAPS, Paris, France.

(4) AP-HP, GH Pitié-Salpêtrière, Paris, France.

INTRODUCTION

L’espace épidural est l’espace situé entre la dure-mèrespinale et la paroi du canal vertébral [14]. Il contient dutissu conjonctif, des adipocytes, les plexus veineux verté-braux internes et le ligament longitudinal postérieur(LLP) [25].

Les plexus veineux vertébraux internes représen-tent un système fondamental sur lequel se branchentles veines des foramens intervertébraux. « La densitédes plexus, leur continuité du sacrum au crâne, l’orga-nisation métamérique calquée sur celle du rachis, ré-sument leurs principaux traits morphologiques » [10].Les plexus veineux vertébraux sont considérés commedes réservoirs naturels servant à égaliser la pression

veineuse et à redistribuer le sang [3, 4]. Une des gran-des particularités des plexus veineux vertébraux estl’avalvulation, qui permet au sang de circuler indiffé-remment dans les deux sens [3, 4, 11]. Dans des caspathologiques de la veine cave inférieure (par exem-ple : une sténose serrée), ils servent de voies de déri-vation permettant la continuité de la circulationsanguine [11]. De même, Batson [3, 4] a confirmé leurrôle dans la propagation des métastases du cancer dela prostate vers la colonne vertébrale, et du cancer dusein vers le cerveau.

De nombreuses descriptions des plexus veineux ver-tébraux internes et antérieurs (PVVIA) de l’adulteont été faites à partir de travaux de dissections anato-miques [10, 11, 34], de techniques radiologiques [3, 4,26] ou d’observations microscopiques [12, 25]. Bienque leur importance clinique ait été démontrée parplusieurs auteurs [3, 4, 8], peu de travaux ont étéconsacrés à l’étude de ces plexus chez l’embryon ou le

RÉSUMÉ SUMMARY

Les plexus veineux vertébraux internes et antérieurs ontfait l’objet de nombreuses études du fait de leur impor-tance clinique dans les pathologies de la colonne verté-brale et les interruptions de la veine cave inférieure. Lebut de cette étude de faisabilité est de réaliser une re-construction 3D de l’espace épidural antérieur thoraci-que bas d’un fœtus humain de 69 mm vertex-coccyx de laCollection Rouvière de 1927. Quarante coupes (espacéesde 40 μm) au niveau des dixième et onzième vertèbresthoraciques et des disques intervertébraux sous-jacentsont servi pour la reconstruction 3D réalisée par le logicielSURFdriver. Dans une étude préliminaire, les structuresde l’espace épidural sont apparues à ce stade déjà enplace et comparables à celles de l’âge adulte (2002) ; lareconstruction 3D à partir des coupes microscopiques apermis de mieux visualiser les plexus veineux et leursrapports et représente donc un complément aux étudeshistologiques.

3D reconstruction of anterior internal vertebral venous plexus of a human fetus: a feasibility study

Anterior internal vertebral venous plexus have been studiedextensively due to their clinical importance in diseases of thespine and obstruction of the inferior vena cava. The aim ofthis feasibility study was to reconstruct in 3D the lower tho-racic area of the anterior epidural space of a 69 mm (crown-rump) human fetus from the Rouvière Collection, circa1927. Forty slices (spaced by 40 μm) at the level of thetenth and eleventh thoracic vertebrae, and their loweradjacent intervertebral discs, were reconstructed in 3Dusing the commercial software SURFdriver.In a preliminary study, we had found that the structures ofthe epidural space are already formed at this stage of de-velopment, and that they are comparable to the adult stage(2002).Reconstruction of the microscopic slices in 3D allowed tobetter visualize spatially the structures of the venousplexus and their anatomical relationships. This techniquecould be used as a complement to the classically used his-tological studies.

Mots-clés : ligament longitudinal postérieur. espace épi-dural. plexus veineux vertébraux. 3D.

Key words: posterior longitudinal ligament. epiduralspace. vertebral venous plexus. 3D.

Correspondance : O. PLAISANT, 45 rue des Saints Pères,75006 Paris. E-mail : [email protected]

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fœtus. Du fait des faibles dimensions de l’embryonhumain qui varie de 1,5 à 30 mm vertex-coccyx (VC)entre les 17e et 56e jours après fécondation [20], et dufœtus humain qui atteint 350 à 360 mm VC entre les37e et 38e semaines de gestation [16], les techniques deradiologie ou de dissection sont difficilement réalisa-bles. Les études histologiques d’embryons ou de fœtussont basées sur des images bidimensionnelles (2D) etne permettent pas d’avoir une idée précise de l’em-bryogenèse qui est un processus tridimensionnel (3D)dans le temps [19, 30]. Les rapports topographiquesdes structures anatomiques sont mieux compris parune représentation dans l’espace [15, 32]. Depuis leXIXe siècle, des techniques de reconstruction 3D demodèles solides à partir d’images 2D de coupes histo-logiques ont été mises au point. Elles utilisaient de lacire (technique de Born 1883) [6], puis du plastique[23, 24]. Cette première étape fut très utile, mais cestechniques sont laborieuses et chères [1, 2, 27].

Au cours de ces dernières années, le développementde la puissance des ordinateurs et de logiciels adaptésà l’analyse de l’image et à la morphométrie ont favori-sé l’application des techniques informatiques au do-maine de l’anatomie. La modélisation informatiquepermet non seulement de visualiser la morphologiecomplexe des structures, mais aussi de faire des modè-les mathématiques de leur croissance ou de leurs ca-ractéristiques fonctionnelles.

Dans le but de préciser les caractères morphologi-ques tridimensionnels des PVVIA et leurs rapportsprincipaux avec les structures de l’espace épidural an-térieur, nous avons réalisé une reconstruction 3D del’espace épidural et de ses structures au niveau desdixième et onzième vertèbres thoraciques (T10, T11)et des disques intervertébraux T10 -T11 et T11-T12 dufœtus humain de 69 mm VC de la Collection Rouvière.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel

Fœtus humain

Un fœtus féminin mesurant 69 mm VC, correspon-dant à un âge de 13 semaines d’aménorrhée [20], a étéutilisé. Il provenait de la Collection Rouvière de l’Ins-titut d’Anatomie de Paris. Réalisées en 1927, lescoupes histologiques transversales sériées de 10 μmd’épaisseur ont été fixées au formol, colorées à 1acoloration de Morrel et Bassal, soigneusement réper-toriées et conservées dans des boîtes AH et AI.Quatre-vingt lames, numérotées de 501 à 581, inté-ressent les vertèbres thoraciques (T10, T11) et lesdisques intervertébraux T10 -T11, T11-T12.

Matériel microscopique et informatique

L’étude microscopique des structures anatomiquesà reconstruire a été faite au moyen d’un microscopeoptique binoculaire (Zeiss).

Le matériel informatique comportait un micro-ordinateur iMac, un système de numérisation (MinoltaDimage Scan Dual II AF-2820U), des logiciels de numé-

risation (Minolta DS Dual2 Easy Scan Utility), detraitement d’images (Adobe Photoshop 5.5), de re-construction 3D (SURFdriver 3.5.3 ; version Macintosh)et d’animation (Cinéma 4D XL Release, version 6).

Méthodes

Examen microscopique

Quatre vingt lames correspondaient au niveau desvertèbres T10 -T11 et des disques T10-T11, T11-T12.Chaque lame comportait quatre coupes espacées de10 μm pour un total de 320 coupes. Les lames impairesont été sélectionnées, soit 40 lames.

La deuxième coupe en partant de la gauche sur cha-cune de ces 40 lames a été choisie pour la reconstruction3D, soit 40 coupes espacées de 40 μm correspondant àune hauteur totale de 1,6 mm.

Acquisition et traitement des images

Les lames ont été directement numérisées grâce auscanner de film, à la taille de 2100 × 1800 pixels et à larésolution maximale. Les images couleurs ont été stoc-kées au format JPEG à 1045 × 895 pixels avec compres-sion en qualité supérieure. Chaque image a été ensuitetransformée en niveau de gris à 8 bits/couche, puis re-cadrée, recalée, renumérotée et enregistrée sous for-mat Pict à 8 bits/pixel sans compression pour être lisiblepar le logiciel de reconstruction 3D (SURFdriver).

Un recalage manuel sous Adobe Photoshop a consis-té en un alignement géométrique par superpositiondes images, associant une translation et une rotationgrâce à l’utilisation de calques. Les vertèbres et la dure-mère ont été utilisées comme repères d’alignementvisuel, chaque image servant de référence pour la sui-vante. Avant de commencer la reconstruction 3D, unparamétrage a été nécessaire consistant en la numé-risation d’un micromètre d’une cellule de Malassezdans les mêmes conditions que les lames. Une lon-gueur de 8 mm a été prélevée sur l’image du micro-mètre puis transférée sur la première coupe de la sérieafin d’être calculée automatiquement en pixels par lelogiciel, permettant ainsi le paramétrage des distancespour la mise à l’échelle du modèle 3D.

La reconstruction 3D

Elle a comporté :1. Le tracé des contours des structures anatomiques

à reconstruire, réalisé manuellement par points suc-cessifs selon une expertise visuelle (le contourage).

2. L’ajustage par alignement géométrique descontours de points empilés (l’ajustement).

3. La modélisation des surfaces par maillage de lacharpente de points transformée en polygones (rendu filde fer), et le lissage des contours de l’objet, reconstruit àpartir des points (rendu surfacique). La modélisation estpossible à partir des coupes successives grâce à des algo-rithmes spécifiques tels que décrits par Boissonat [citépar 18] qui construisent un méchage 3D par interpola-tion d’une coupe à l’autre [1, 7, 18].

4. La visualisation interactive en 3D des structuresreconstruites et les mesures de dimensions. Un codage

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couleur a permis l’attribution à chacune de ces structu-res d’une couleur différente (par exemple rouge pourl’aorte, bleu pour les plexus veineux et le systèmeazygos…), transformée en niveau de gris sur les images.

RÉSULTATS

Aspect microscopique des structures anatomiques (figure 1)

Les coupes histologiques du fœtus étaient remar-quablement conservées, facilitant l’identification desstructures anatomiques au microscope. Les structuresde l’espace épidural, bien que fines et délicates,étaient facilement identifiables. Les plexus veineuxapparaissaient sur les coupes et étaient localisés entrela dure-mère et les parois du canal vertébral.

Au niveau du corps vertébral

Le canal vertébral avait une forme triangulaire(figure 1, gauche). La dure-mère était très prochede la paroi du canal vertébral. Seuls les plexus veineuxet une mince couche de tissu conjonctif la séparaientde la paroi.

Les PVVIA étaient localisés dans la partie antéro-médiale à côté du LLP et dans la partie antéro-latérale.Ils étaient entourés par une couche mince de tissuconjonctif. Leur partie antéro-médiale était plexique,diffuse et mal limitée, alors que la partie latérale étaitplus individualisée, notamment au niveau du disqued’où le nom de veine longitudinale antérieure (VLA)donné aux plexus veineux vertébraux internes anté-rieurs et latéraux. Il existait une continuité entre lapartie antéro-médiale et la partie antéro-latérale. Cettedernière, située dans l’espace épidural antérieur et la-téral, communiquait avec les veines du foramen inter-

vertébral. Le LLP était identifié comme une coucheépaisse, coupé en deux par un artéfact dû à la coupehistologique, la partie ventrale du ligament étant atta-chée à la paroi postérieure cartilagineuse du corpsvertébral au niveau de sa portion médiane. L’espaceépidural était donc divisé en deux parties gauche etdroite. La coupe passait par l’émergence des veinesbasi-vertébrales. Deux veines basi-vertébrales se drai-naient dans le PVVIA de part et d’autre du LLP.Trois centres d’ossification étaient visibles, le premierdans le corps vertébral, le deuxième et le troisièmedans l’arc vertébral. L’arc vertébral et le corps verté-bral étaient limités par du tissu conjonctif.

Au niveau du disque intervertébral

Le LLP adhérait au bord postérieur de l’anulus fi-brosus. La face ventrale de la dure-mère était attachéeà la face dorsale du LLP par du tissu conjonctif. Seu-les les VLA étaient visibles latéralement.

Morphologie et rapports des PVVIA dans la reconstruction 3D (figures 2 à 4)

La reconstruction de chaque structure anatomique apermis d’étudier leur morphologie macroscopique etde préciser la morphométrie des PVVIA.

Les PVVIA étaient localisés dans l’espace épiduralentre la dure-mère et les parois antérieure et latéraledu canal vertébral (figure 3, droite).

— Au niveau du disque, les PVVIA se situaient laté-ralement au LLP et étaient plus individualisés, consti-tués uniquement de leur partie antéro-latérale ou VLA.

— Au niveau de la partie basse du corps vertébral,la VLA s’élargissait, recevant la partie antéro-médialedes PVVIA, plexique à ce niveau.

— Au niveau moyen du corps vertébral, les PVVIAmédians recevaient les veines basi-vertébrales et

FIG. 1. — Foetus féminin de 69 mm (Collection Rouvière 1927). Coupe horizontale 2D au niveau du 11e corps vertébral thoracique (a).Coupe horizontale 2D au niveau de disque intervertébral T11-T12 (b).

FIG. 1. — Female fetus (69 mm) Rouvière Collection, circa 1927. Horizontal 2D slice at the level of the eleventh thoracic vertebral body(a). Horizontal 2D slice at the level of the intervertebral disc T11-T12 (b).

a b

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s’unissaient à leurs homologues du côté opposé, leurdonnant un aspect en papillon (figure 4).

— Au niveau des foramens intervertébraux, laVLA se jetait, par l’intermédiaire de la veine du fora-men intervertébral, dans la veine intercostale posté-rieure. Cette dernière veine s’anastomosait avec laveine azygos à droite, et la veine hémi-azygos à gau-che (figure 4). Les veines azygos et hémi-azygos mon-taient parallèlement de part et d’autre de l’aorte, etn’échangeaient à ce niveau aucune anastomose.

Morphologie et topographie du LLP sur la reconstruction 3D (figure 4)

Le LLP s’étendait de haut en bas sur la longueur dela face postérieure du corps vertébral et du disqueintervertébral. Au niveau du corps vertébral il étaitétroit, mais au niveau du disque il devenait très largeet entourait le disque postérieurement et latérale-ment. Le LLP était étroitement accolé au disqueintervertébral et à la partie adjacente du corps verté-bral. Les plexus veineux s’insinuaient entre le corpsvertébral et le LLP, détachant les deux structures ana-tomiques. La face postérieure du LLP était accoléesur la face antérieure de la dure-mère par un tissuconjonctif.

Morphométrie de l’espace épidural

Les dimensions de l’espace épidural ont été déter-minées au niveau des plus grands diamètres transver-sal et sagittal du canal vertébral. Après avoir tracé cesdiamètres, l’espace épidural a été mesuré de la paroivertébrale jusqu’à la dure-mère. Diamètre transversalmaximal du canal vertébral (au centre) = 2,62 mm.Diamètre transversal maximal du fourreau dural (aucentre) = 2,27 mm

— Largeur moyenne transversale de l’espace épi-dural = (2,62 - 2,27)/2 = 0,175 mm

— Diamètre sagittal maximal du canal vertébral= 2,44 mm

— Diamètre sagittal maximal du fourreau dural= 1,96 mm

— Largeur moyenne sagittale de l’espace épidural= (2,44 - 1,96)/2 = 0,240 mm

• Morphométrie du LLP— Largeur du LLP au niveau du corps vertébral

= 0,389 mm— Largeur du LLP au niveau du disque interverté-

bral = 1,234 mm

FIG. 2. — Aspect à l’écran de la conversion de la charpente depoints en « maillage » de la 10e vertèbre (a) et rendu « fil defer » de l’aorte (b).

FIG. 2. — Computer-created “wire-frame” joining the seriallystacked outlines of the section of the tenth vertebra (a) and seri-ally stacked outlines of the sectioned aorta (b).

a b

FIG. 3. — Vue antérieure du modèle 3D montrant les vertèbres T10 et T11, les disques intervertébraux T10-T11, T11-T12 et le systèmeazygos après rendu surfacique sans lissage (a). Vue supérieure du modèle 3D montrant la 10e vertèbre, l’espace épidural, les côtes,l’aorte et le système azygos après rendu surfacique et lissage (b).

FIG. 3. — Anterior view of the 3D model showing vertebrae T10 and T11, intervertebral discs T10-T11 and T11-T12, and azygos systemafter surface rendering without smoothing (a). Superior view of the 3D model showing the tenth vertebra, the epidural space, ribs, aorta,and azygos system after surface rendering and smoothing (b).

a b

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• Morphométrie des PVVIA— Largeur de la VLA au niveau du disque inter-

vertébral = 0,498 mm— Largeur des PVVIA (gauche et droite) au ni-

veau du corps vertébral = 1,733 mm

DISCUSSION

La reconstruction 3D d’un fœtus de 69 mm (13 se-maines d’aménorrhée) a permis de préciser la mor-phométrie macroscopique et les principaux rapportsau niveau des dixième et onzième vertèbres thoraci-ques. À ce stade de développement, les structures épi-durales sont complètement formées [12, 20-22] et sontidentiques à celles de l’adulte quelle que soit la tech-nique utilisée [3, 4, 9, 25, 29, 33, 34]. Toutes les coupessériées de la colonne vertébrale du fœtus étaient dis-ponibles, mais la coloration des coupes lombairesn’avait pas été faite à l’époque de la constitution de lacollection. Ces coupes étant historiques et appartenantau patrimoine du Musée Delmas-Orfila-Rouvière,nous n’avons pas obtenu la permission de pratiquer lacoloration des coupes lombaires. L’étude de faisabili-té a donc porté sur le dernier niveau de coloration.

Par rapport aux techniques tridimensionnelles tradi-tionnelles de Born [6], la reconstruction vectorielle 3Dprésente l’avantage d’être facile, rapide, moins chère etdonne des résultats plus précis [2]. Les dimensions del’espace épidural, mesurées au cours de cette étude, serapprochent davantage des mesures radiologiquesmodernes [31]. La morphologie en papillon des PVVIAconfirme les descriptions classiques [10, 11].

Par ailleurs, l’image virtuelle obtenue peut être mani-pulée dans tous les axes, stockée sur support infor-matique pour un réexamen ultérieur et constitue unoutil interactif utilisable dans un but didactique [2, 28].« Grâce à cette technique, les outils virtuels créés peu-vent servir à des simulations à l’intervention chirurgicaleet permettent aussi le contrôle post-opératoire » [5].

Malgré les avantages de la reconstruction 3D, quel-ques inconvénients sont cependant à relever dansl’utilisation de cette technique. Les inconvénients sontliés à la longueur des méthodes manuelles de contou-rage et de recalage d’image, ainsi qu’à l’appréciationsubjective par l’opérateur de certaines images [2].

Le processus d’apprentissage des différents logicielsutilisés nécessite beaucoup de temps pour des nonprofessionnels de l’informatique. Cependant, une foisl’étape d’apprentissage franchie, les reconstructionsultérieures deviennent beaucoup plus rapides surtoutavec l’utilisation de recalage et de contourage auto-matiques. Le recalage automatique peut être obtenulors de l’empilement des coupes, soit par l’inclusionpréalable de fils de repères en laiton (au moins 3 repè-res) dans le fœtus avant de réaliser les coupes histologi-ques, soit par l’acquisition des images par photographiedirecte de la surface du bloc d’inclusion après chaquesection au microtome (episcopic images) [31]. Le con-tourage automatique nécessite un gradient de densitésuffisant entre les tissus voisins [5, 28].

Il y a possibilité de modifier les contours par l’utilisa-tion de la fonction de lissage du logiciel, avec commeinconvénient des modifications anatomiques du modè-le. Il faut également noter que les bords des vaisseaux(veines azygos, hémi-azygos et l’aorte) sont « inden-tés » (figure 3), que les veines sont coupées après lissa-ge, ce qui résulte d’un ajustement global imparfait.

En effet, les figures 3 et 4 montrent clairement queces vaisseaux et ces vertèbres sont bien ajustés quandils sont faits séparément. Dans notre étude, nousn’avons pas vu les racines des veines azygos et hémi-azygos qui sont normalement au niveau des vertèbresT11-T12 [11, 17]. La fonction « adjust » du logicielSURFdriver doit être utilisée séparément pour cha-que objet. L’ajustement ainsi réalisé ne peut pas êtreparfaitement identique pour tous les « objets » quiconstituent le modèle, d’où les possibles modificationsde rapport anatomique entre les différentes structu-res. Pour cette raison, nous avons réalisé en premier

FIG. 4. — Vue antérieure du modèle 3D montrant les vertèbres thoraciques T10 et T11 et toutes les structures anatomiques de l’espaceépidural avec transparence des corps vertébraux (a). Vue antéro-latérale du modèle 3D sans vertèbres ni disques (b).

FIG. 4. — Anterior view of the 3D model showing the thoracic vertebrae T10 and T11, and the anatomical structures of the epidural space,with vertebral bodies shown in semi-transparent (z). Antero-lateral view of the 3D model without vertebrae or discs (b).

a b

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un ajustement global de chaque coupe avec Photoshop,puis nous avons appliqué ponctuellement de petitsajustements de détail à l’aide de SURFdriver.

En dehors du logiciel 3D (SURFdriver) utilisé danscette étude, il existe de nombreux autres logiciels,mais l’essentiel est de bien les maîtriser afin d’en opti-miser les potentialités.

En résumé, l’étude de faisabilité de la reconstruc-tion 3D a permis de retrouver la description classiquedes PVVIA. Les images planes (40 coupes histologi-ques) ont servi à construire un modèle 3D à partir decontours vectoriels espacés de 40 μm. Du point de vuede l’échelle d’un foetus de 13 SA, la marge d’erreurgraphique est acceptable puisque la longueur vertex-coccyx est de 69 mm et que la zone d’intérêt étudiéede 1,6 mm de hauteur. Ceci correspond à environ40 contours effectués, correspondant à une résolutionde 40 μm sur le maillage vectoriel.

Le stockage et la conservation des images virtuellesconstituent un outil interactif utilisable à des fins pé-dagogique et clinique.

CONCLUSION

La reconstruction 3D informatique en anatomie estun outil d’enseignement et de recherche très utiledans les études embryologiques car les embryons oules fœtus ne mesurent que quelques millimètres. Chaquestade embryonnaire pourrait être reconstruit en 3D,ce qui introduirait le temps comme quatrième dimen-sion dans l’étude de l’organogenèse [31].

L’étude des coupes histologiques et la reconstruction3D de l’espace épidural apparaissent comme deuxtechniques complémentaires dans la compréhensionde la morphologie et des rapports des PVVIA. L’histo-logie, grâce à une meilleure résolution des imagesobservées au microscope, permet de mieux apprécierles différentes structures tissulaires. La reconstructiondonne un aperçu direct et réel en 3D de la configura-tion spatiale de ces structures.

RemerciementCe travail a été supporté par une bourse Franco-Syrienne du CNOUS,attribuée au Dr Mamoun Hamid.

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AbréviationsAF : anulus fibrosusAO : aorteAV : arc vertébralD : diaphragmeDM : dure-mèreGS : ganglion spinalLLP : ligament longitudinal postérieurMS : moelle spinaleNCV : niveau du corps vertébralNDI : niveau du disque intervertébralPE : processus épineuxPO : centre (point) d’ossificationPVVIA : plexus veineux vertébraux internes

et antérieursT11, T12 : 11e et 12e vertèbres thoraciquesTC : tissu conjonctifVA : veine azygosVB : veine basi-vertébraleVH : veine hémi-azygosVLA : veine longitudinale antérieure ou partie

latérale des PVVIA

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