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C10 Rééducation et scoliose : actualisation des pratiques Cécile Le Moteux Dijon, France Adresse e-mail : [email protected] Mots clés : Kinésithérapie ; Scoliose À ce jour la scoliose est dans la plupart des cas sans origine connue de façon certaine (idiopathique). Cependant, plusieurs hypothèses sont émises sur ses causes réelles d'apparition (génétiques, hormonales, neuromusculaires, posturales...)An de comprendre l'histoire naturelle de la scoliose idiopathique, et de pouvoir adapter son traitement de la manière la plus efcace, nous faisons toujours référence de nos jours aux études menées par Mme Duval-Beaupère (Fig. 1), montrant une corrélation entre la croissance, la puberté et l'évolution de la scoliose. Ainsi, il est admis que le traitement le plus précoce est le mieux même s'il n'est jamais trop tard pour le débuter, en sachant que l'atteinte du niveau Risser 5 (croissance terminée) reste la limite de l'aspect indis- pensable de la prise en charge. La rééducation fait partie des traitements recommandés pour la sco- liose idiopathique, et a une place à tous les stades de sa prise en charge (fonctionnel, orthopédique, chirurgical). Elle n'est pas capable de stopper l'évolution d'une scoliose sévère mais ses résultats sont le plus souvent favorables notamment dans le traitement antalgique et des troubles posturaux. Le masseur-kinésithérapeute doit alors pouvoir disposer d'un « arse- nal thérapeutique » dans lequel il choisira ses outils en fonction du type de scoliose à traiter et du patient concerné. Cela est d'autant plus important que les déformations liées à la sco- liose sont à la fois tridimensionnelles, et situées au niveau du rachis, élément central du corps humain. Il est ainsi aisé de comprendre qu'une déformation rachidienne aura inévitablement une consé- quence sur une autre partie du corps et inversement. Le bilan kinésithérapique prend alors tout son sens. Il doit être pré- coce, régulier et rigoureux dans le seul but de traiter la cause et non uniquement les conséquences en découlant. Les causes des scolio- ses n'étant pas certaines, mais plusieurs étant évoquées, il est donc primordial de concevoir ce bilan dans une approche systémique. Le groupe kinésithérapique de travail sur la scoliose et le rachis (GKTS) a conçu, dans cette optique, des ches de bilan d'un patient scoliotique, simples et exhaustives pouvant ainsi aider le kinésithérapeute à abor- der le jeune patient dans toute sa globalité (http://www.gkts.net). Suite à ces bilans, sont généralement retrouvés des troubles de l'équilibre postural statique et dynamique en position debout, des hypoextensibilités des groupes musculaires des ceintures et de ceux situés dans la concavité, des faiblesses musculaires en endurance des muscles de la statique rachidienne et des muscles étirés, ainsi que des troubles de la dynamique respiratoire. À ce jour, aucune technique kinésithérapique est reconnue comme la plus efcace, aucun consensus existe sur un protocole de rééduca- tion des scolioses, et de ce fait les techniques à notre disposition sont multiples. Il revient alors au masseur-kinésithérapeute de décider des méthodes et des techniques qu'il jugera les plus pertinentes à mettre en place. Encore faut-il qu'il les connaisse, et surtout qu'il reconnaisse leurs limites. Nous trouverons ainsi des méthodes relativement anciennes (début 20 e siècle) comme Klapp, Schröth ou Niederhoffer, des méthodes plus modernes (1970/1980) comme Mézières, GDS ou RPG, et des méthodes nouvelles comme par exemple la posturologie. Ces métho- des ne sont pas spéciques à la rééducation de la scoliose mais peuvent toutes être utilisées dans des pathologies complexes, avec comme principe commun la prise en compte d'un patient dans sa globalité (Fig. 2). Chacune a sa place, l'idée étant de les mixer pour plus d'efcacité. Le SOSORT guidelines (Scoliosis Journal 2012) nous indique ainsi des recommandations sur la kinésithérapie spécique pour prévenir la progression de la scoliose durant la croissance, ainsi que dans le cadre d'un traitement orthopédique ou chirurgical. Ainsi, dans le cas d'un traitement uniquement MK, la SOSORT recom- mande la MK en première intention, avec un consensus des techniques autour d'une autocorrection en 3D, d'une stabilisation de la posture corrigée, de l'intégration de ces démarches dans les AVQ avec une éducation thérapeutique prépondérante de l'enfant et de ses proches. Dans le cas d'un traitement de la scoliose idiopathique par corset, la SOSORT recommande la MK an de proposer des mobilisations segmentaires du rachis en amont du corset, d'augmenter l'observance du patient au traitement pendant la durée de port du corset ainsi que des exercices en autocorrection avant le sevrage. Ainsi, « grâce à un meilleur dépistage et des thérapeutiques mieux codiées, il se produit, de nos jours, une diminution des scolioses infantiles dans les pays développés ». Pour chaque enfant atteint Figure 1. Courbe de Duval-Beaupère. Figure 2. Cécile Le Moteux, masseur-kinésithérapeute cadre de santé, Master en sciences de l'éducation, directrice adjointe, IFMK Dijon. Kinesither Rev 2014;14(148):3150 Congrès 41

Rééducation et scoliose : actualisation des pratiques

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C10Rééducation et scoliose : actualisation despratiquesCécile Le MoteuxDijon, FranceAdresse e-mail : [email protected]

Mots clés : Kinésithérapie ; ScolioseÀ ce jour la scoliose est dans la plupart des cas sans origine connue defaçon certaine (idiopathique). Cependant, plusieurs hypothèses sontémises sur ses causes réelles d'apparition (génétiques, hormonales,neuromusculaires, posturales. . .) Afin de comprendre l'histoire naturellede la scoliose idiopathique, et de pouvoir adapter son traitement de lamanière la plus efficace, nous faisons toujours référence de nos joursaux études menées par Mme Duval-Beaupère (Fig. 1), montrant unecorrélation entre la croissance, la puberté et l'évolution de la scoliose.Ainsi, il est admis que le traitement le plus précoce est le mieux mêmes'il n'est jamais trop tard pour le débuter, en sachant que l'atteinte duniveau Risser 5 (croissance terminée) reste la limite de l'aspect indis-pensable de la prise en charge.La rééducation fait partie des traitements recommandés pour la sco-liose idiopathique, et a une place à tous les stades de sa prise encharge (fonctionnel, orthopédique, chirurgical). Elle n'est pas capablede stopper l'évolution d'une scoliose sévère mais ses résultats sont leplus souvent favorables notamment dans le traitement antalgique etdes troubles posturaux.Le masseur-kinésithérapeute doit alors pouvoir disposer d'un « arse-nal thérapeutique » dans lequel il choisira ses outils en fonction dutype de scoliose à traiter et du patient concerné.Cela est d'autant plus important que les déformations liées à la sco-liose sont à la fois tridimensionnelles, et situées au niveau du rachis,élément central du corps humain. Il est ainsi aisé de comprendrequ'une déformation rachidienne aura inévitablement une consé-quence sur une autre partie du corps et inversement.Le bilan kinésithérapique prend alors tout son sens. Il doit être pré-coce, régulier et rigoureux dans le seul but de traiter la cause et nonuniquement les conséquences en découlant. Les causes des scolio-ses n'étant pas certaines, mais plusieurs étant évoquées, il est doncprimordial de concevoir ce bilan dans une approche systémique. Legroupe kinésithérapique de travail sur la scoliose et le rachis (GKTS) aconçu, dans cette optique, des fiches de bilan d'un patient scoliotique,simples et exhaustives pouvant ainsi aider le kinésithérapeute à abor-der le jeune patient dans toute sa globalité (http://www.gkts.net).

Suite à ces bilans, sont généralement retrouvés des troubles del'équilibre postural statique et dynamique en position debout, deshypoextensibilités des groupes musculaires des ceintures et de ceuxsitués dans la concavité, des faiblesses musculaires en endurancedesmuscles de la statique rachidienne et desmuscles étirés, ainsi quedes troubles de la dynamique respiratoire.À ce jour, aucune technique kinésithérapique est reconnue comme laplus efficace, aucun consensus existe sur un protocole de rééduca-tion des scolioses, et de ce fait les techniques à notre disposition sontmultiples. Il revient alors aumasseur-kinésithérapeute de décider desméthodes et des techniques qu'il jugera les plus pertinentes à mettreen place. Encore faut-il qu'il les connaisse, et surtout qu'il reconnaisseleurs limites.Nous trouverons ainsi des méthodes relativement anciennes (début20e siècle) comme Klapp, Schröth ou Niederhoffer, des méthodesplus modernes (1970/1980) comme Mézières, GDS ou RPG, et desméthodes nouvelles comme par exemple la posturologie. Cesmétho-des ne sont pas spécifiques à la rééducation de la scoliose maispeuvent toutes être utilisées dans des pathologies complexes, aveccomme principe commun la prise en compte d'un patient dans saglobalité (Fig. 2).Chacune a sa place, l'idée étant de les mixer pour plus d'efficacité. LeSOSORT guidelines (Scoliosis Journal 2012) nous indique ainsi desrecommandations sur la kinésithérapie spécifique pour prévenir laprogression de la scoliose durant la croissance, ainsi que dans lecadre d'un traitement orthopédique ou chirurgical.Ainsi, dans le cas d'un traitement uniquement MK, la SOSORT recom-mande laMK en première intention, avec un consensus des techniquesautour d'une autocorrection en 3D, d'une stabilisation de la posturecorrigée, de l'intégration de ces démarches dans les AVQ avec uneéducation thérapeutique prépondérante de l'enfant et de ses proches.Dans le cas d'un traitement de la scoliose idiopathique par corset, laSOSORT recommande la MK afin de proposer des mobilisationssegmentaires du rachis en amont du corset, d'augmenter l'observancedu patient au traitement pendant la durée de port du corset ainsi quedes exercices en autocorrection avant le sevrage.Ainsi, « grâce à un meilleur dépistage et des thérapeutiques mieuxcodifiées, il se produit, de nos jours, une diminution des scoliosesinfantiles dans les pays développés ». Pour chaque enfant atteint

Figure 1. Courbe de Duval-Beaupère.

Figure 2. Cécile Le Moteux, masseur-kinésithérapeute cadre desanté, Master en sciences de l'éducation, directrice adjointe,

IFMK Dijon.

Kinesither Rev 2014;14(148):31–50 Congrès

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d'une scoliose idiopathique mineure, la rééducation constitue « le »traitement, limitant le plus possible une évolution « programmée ».Pour en savoir plushttp://www.gkts.net.http://www.cofemer.fr.Bernard JC. Examen clinique et radiologique du rachis scoliotique de

l'enfant et de l'adolescent. 36e Congrès International Toulouse,2008.

Boussard D. Rôles et importance du kinésithérapeute dans le traite-ment des scolioses. 36e Congrès International Toulouse, 2008.

Bruynell AV, Chavet P, Mesure S. Corset et scoliose idiopathique del'adolescence. Kinesither 2008;80–81:23–9.

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Chatelain G. Bilan clinique du tronc de l'enfant. 36e Congrès Inter-national Toulouse, 2008.

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C11La prise en charge du sujet hémiparétique :une nouvelle approche »Serge Mesure*, Noémie DuclosAix-Marseille, France*Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Mesure)

Mots clés : Hémiparésie ; Posture ; Vision ; Vibration stratégiesmotricesL'accident vasculaire cérébral est la première cause de handicapphysique de l'adulte en France (Fig. 1). La lésion cérébrale qu'ilentraîne a des conséquences motrices, mais également sensitives.La boucle sensorimotrice qui permet la régulation fine d'un contrôlepostural de qualité, nécessaire aux activités de la vie quotidienne, estperturbée. Le déficit multi-sensoriel des patients dépendants entraîneun contrôle postural perturbé et inefficace avec risque de chutepermanent. Ces coordinations inter-segmentaires et l'ordre séquen-tiel des mouvements de rééquilibration révèlent un déficit des méca-nismes anticipateurs de l'équilibre et du rééquilibre en fonction del'atteinte corticale. Une compréhension des mécanismes adaptatifsou déficitaires d'instabilité posturale et d'intégration hémisphériquedes informations sensorielles doit nous permettre d'orienter notre

prise en charge de manière plus précise, rigoureuse et efficace dansle temps.Les phénomènes de latéralités fonctionnelles ainsi que les stratégiesposturales présentes chez l'Homme montrent une asymétrie entre leshémisphères cérébraux dans la régulation du comportement humain.Cette asymétrie est particulièrement intéressante lors d'un ictus céré-bral perturbant la relation inter-hémisphérique et rendant visibles lescaractéristiques fonctionnelles de chaque hémisphère. Les déficitsd'organisation posturo-locomotrice, affectant un grand nombre depatients souffrant d'une atteinte cérébrale asymétrique (maladie deParkinson, hémiparétique, sclérose en plaque) même après rééduca-tion, doivent être évalués en termes de spécificités hémisphériques.Du fait de l'atteinte prédominante sur un des hémicorps (controlatéralà la lésion cérébrale), les patients hémiplégiques sont caractérisés parune asymétrie posturale avec une inégalité de répartition du poidscorporel sur leurs appuis. Cette asymétrie est généralement considé-rée comme étant une conséquence de la déficience unilatérale.Cependant, elle peut être considérée comme étant une stratégieadaptative mise en place par le patient. Elle aurait pour objectif delimiter les contraintes appliquées sur l'appui déficient comme cela a étéreporté chez des patients après amputation tibiale ou fémorale, arthro-plastie de hanche par exemple. Par ailleurs, les déficits sensorimo-teurs des patients hémiplégiques ont des conséquences à tous lesstades moteurs. La position assise indépendante, indispensable pourassurer une fonction correcte, est fortement perturbée demême que laposition debout (caractérisée par une mise en charge accrue de lajambe saine associée à une décharge de la jambe parétique) etl'initiation de la marche. Cette anomalie de répartition du poids ducorps rend plus difficile la gestion du maintien de l'équilibre et apparaîtcomme un facteur de chute reconnu pour les patients hémiplégiques.Nous pouvons aisément comprendre la place que peut prendre larééducation posturale en termes de stabilité posturale et de prise encharge de l'asymétrie sensorimotrice de ces patients afin de réduire lerisque de chute potentiel.Les stratégies posturales de tout individu pour assurer une position ouun mouvement particulier se construisent à partir de 3 sources d'infor-mations principales : visuelles, proprioceptives et vestibulaires. Cestrois sources d'informations sensorielles sont à la fois complémentaires

Figure 1. Serge Mesure, docteur en neurosciences, masseur-kinésithérapeute, université d'Aix-Marseille.

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