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L’ENTREPRISE BUREAU DES CŒURS ENTRETENEZ VOTRE RÉSEAU / MA LIBERTÉ AU BOUT DES DOIGTS /ANNE CLAESSENS EN EAU PROFONDE/ ANNE CLAESSENS PHOTO ALAIN DEWEZ DESIGN YOUR CAREER

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l’entreprise bureau des cŒurs entretenez votre réseau / Ma liberté au bout des doigts /anne claessens en eau profonde/

Anne ClAessensPHOTO alain dewez

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J’ai fait un breakDavid BernardAu bout des doigts, la liberté

Quand on habite Arlon, travailler au Luxembourg, de préférence dans une banque, sonne comme une évidence. Gradué en comptabilité et gestion, David Bernard n’a pas résisté à l’appel des finances, malgré un passage dans l’hôtellerie qui présupposait déjà un goût prononcé pour des univers moins procéduriers. Bon salaire. Bonne situation. Les jobs qu’il a exercés jusqu’en février 2009 produisent toujours leur petit effet : « Je me suis par exemple occupé des OPC, c’est-à-dire des fonds communs de placement. »En réalité, il se sentait enfermé dans une fonction « où il n’y avait aucune place pour la liberté et la créativité. » « J’avais cependant mon échappatoire, raconte-t-il. En dehors de la banque, j’avais besoin de bricoler. » La matière et le travail manuel lui procurent une tout autre satisfaction. « J’étais fier de ce que je réalisais, concrètement. Ce qui n’était pas vraiment le cas à la banque. » Cette occupation a pris la forme d’une véritable passion. Il a lu, s’est formé : menuiserie, garnissage de fauteuils, patines, enduits, dessin assisté par ordinateur… Ce qui lui a permis de passer du stade « fabrication de maisons en carton quand j’étais petit », à « rénovation d’habitation de mes propres mains. » David Bernard a commencé par retaper une ferme. Enfin… quatre murs où tout était pratiquement à refaire. C’est ce chantier qui lui a permis de s’initier à tous les corps de métiers. Et de se rendre compte à quel point il a de l’or dans les doigts… et dans la tête puisque les copains, et même des professionnels, apprécient visiblement ses

conseils. « Avec cette ferme, j’ai commencé à me dire qu’il fallait que je quitte la banque. Mais j’avais besoin de sécurité. Question que j’ai résolue en aménageant des appartements, pour les louer. » C’était début 2009. La décision de quitter le monde financier était quasi prise. Mais il restait quelques points à régler. De un, David avait très peur de sauter. De deux : qu’allait-il faire après ? « J’ai commencé par partir trois semaines en Asie. Seul, avec un vol sec. Je voulais sortir de ma zone de confort. » Ce voyage était un test. « Il m’a mis face à moi-même et aux vraies valeurs. J’ai découvert des gens qui vivaient très heureux sans toute cette sécurité. » Le retour a été très difficile. « ça a été de mal en pis, j’ai somatisé beaucoup. » Il a donc négocié son départ. Le point « peur » était désormais réglé. Restait l’autre question : et après ? Début d’un autre « break ». Beaucoup plus long, cette fois. « Au début, j’étais perdu. Je n’avais plus de repères. J’avais envie de tout faire et j’étais complètement déstructuré. J’ai d’abord récupéré physiquement. Je vivais au ralenti, moi qui avais toujours travaillé comme un fou. Et j’ai commencé à changer complètement d’état d’esprit. J’ai décidé que je prendrais du plaisir à faire tout ce que je fais. Et si avant je critiquais les chômeurs, là j’ai appris à m’écouter, à prendre le temps. Je marche maintenant complètement au feeling. »

Depuis lors, David Bernard avance dans le sens du vent. « Je savais ce que j’aimais faire, mais je ne savais pas comment le mettre en place. » Et il sait aussi ce qu’il considère désormais comme important pour lui : gérer son temps, travailler dans une ambiance conviviale, rencontrer des gens intéressants, et avoir un métier qu’il peut exercer de n’importe où. « Je n’ai plus envie de m’enfermer dans des frontières ». Un projet se précise peu à peu. « Aujourd’hui, je me dis que je vais assembler tous les cours que j’ai suivis et essayer d’en faire quelque chose. » Il va se lancer dans l’aménagement d’espaces intérieurs, la création de mobilier, le “Home Staging” Il va aussi organiser des ateliers de bricolage et de décoration. « J’ai envie de partager ma passion, de créer des objets détournés, à partir d’objets oubliés ou perdus, et avec des outils de “Monsieur-Tout-le-Monde”. » D’ici à la fin de l’année, il devrait être en couveuse d’entreprises. « Tant que j’avais la question de la sécurité en tête, je ne prenais pas beaucoup de risques. Alors qu’aujourd’hui… Et c’est drôle, maintenant que j’ai acquis la sécurité, avec les appartements que je loue, je ne me sens plus attaché. Et je serais prêt à tout vendre pour partir. En même temps, je n’ai personne à charge et si je tombe, je tombe tout seul. »Dans quelques jours, David Bernard aura 40 ans… et un nouveau « diplôme ». « Je viens de suivre un programme d’accompagnement à la création d’entreprise, et quand on me demande ce qu’il va m’apporter, je réponds : mon diplôme, c’est ma liberté. » LILIANE FANELLO

Près de quinze ans dans des banques luxembourgeoises. david Bernard ne s’est jamais vraiment senti dans son élément dans cet univers normé. Mais cela convenait bien à son besoin d’une certaine reconnaissance et de sécurité. Jusqu’au jour où il a décidé de faire un break. le premier. Sa « liberté » l’attendait au tournant.

Virginie Vandeurenest porteuse de projet. actuellement en couveuse d’entreprises,

elle a créé son entreprise « dans le but d’aider les PMe et les indépendants à réussir leurs projets web ».

Les acrostiches du créateur d’entreprise (7/8)

Rencontres les réseaux sont l’occasion de rencontrer du monde, de vous faire connaître et de créer des relations. ne restez pas seul dans votre coin, ce n’est pas bon pour votre projet.

Echanges Une des bases d’un bon réseau, c’est l’échange. Qu’avez-vous à donner ? des conseils, des informations, des produits, des contacts intéres-sants… aidez les autres, montrez-vous, donnez. et quand, un jour, vous aurez à votre tour un besoin, demandez et recevez !

Succès Vous faire connaître, montrer votre expertise, nouer des contacts sont indispensables à votre succès. et réseauter est une des manières de tout mettre en place afin d’y arriver.

Entretenir Un réseau, ça s’entretient. Prenez le temps et l’énergie afin de le nourrir et de le faire grandir.

Action Commencez par agir. il y a tant de choses à faire ! etablissez une liste et des priorités. Vous n’avez pas besoin de tout faire aujourd’hui mais vous devez faire tous les jours…

Utilité Toute action de votre part doit avoir une utilité. Pensez à vo-tre projet, à vos objectifs et agissez dans le but de les concrétiser, de les faire avancer.

Temps Réseauter prend du temps, c’est certain. alors pensez coût-bénéfices. Prenez un peu de temps toutes les semaines mais mettez-vous également des limites. Votre temps est un bien précieux

Entraide et pourquoi pas plus ? Que diriez-vous d’établir des par-tenariats pour faire grandir votre entreprise ainsi que les opportu-nités de vous développer ? ayez l’esprit ouvert et pensez toujours à une relation gagnant-gagnant.

Réseaux sociaux Bien évidemment… n’oubliez pas qu’il en existe deux sortes, les virtuels et les physiques. les deux sont à prendre en considération et il faut les combiner. Vous rencontrez quelqu’un ? invitez-le ensuite sur votre profil internet. Vous désirez rencontrer quelqu’un ? Qui, dans vos connaissances, pourrait vous mettre en contact ?

Recueilli par LFwww.apsaranet.com

Entretenez votre réseau Chaque semaine, durant l’été, Références livre aux jeunes entrepreneurs en herbe le conseil spécifique d’un expert sous la forme d’un acrostiche. Pour qu’ils puissent mettre toutes les chances de leur côté.

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Références.beVotre avis nous intéresse!

Vous êtes de plus en plus nombreux a réagir et commenter nos articles. Quelques réactions glanées cette semaine. « lors des entretiens avec les dRH, principalement des femmes, l’apparence physique du candidat est l’un des critères les plus importants. le CV anonyme ne sert à rien : le testing fonctionne! On appelle le candidat et dès qu’on découvre son apparence, c’est non. le patronyme, l’origine, le lieu d’habitation, en plus des titres d’études peuvent être aussi handicapants. On embauche au feeling plutôt que sur les compétences.» « le terme d’accident est approprié en termes de blessures visibles. Mais cela ne tient pas compte des accidents que sont les mala-dies dues au stress croissant, infligé par la hausse de la flexibilité et de la charge de travail horaire! les cols bleus ont des blessures physiques visibles et les cols blancs des blessures invisibles… » nous attendons vos commentaires sur www.references.be

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Dossier

Loïc roche docteur en psychologie et professeur de management, auteur de « cupidon au travail », un livre qui décrypte les relations amoureuses au travail et révèle des chiffres étonnants.D’après vous, sur le lieu de travail, il ne faut que 4 mois, en moyenne, pour trouver un partenaire sexuel. Alors qu’il faut compter entre 6 et 12 mois pour le trouver dans la vie civile. Comment l’expliquez-vous ? Pour qu’il y ait rencontre, encore faut-il qu’il y ait opportunité de rencontre. Dans la vie quotidienne, en réalité on fait très peu de rencontres nouvelles. On croise tous les jours les mêmes personnes. Le travail, en revanche, est un lieu très propice. On y passe la majeure partie de son temps réveillé, maquillé, lavé, habillé correctement. On y rencontre de nombreuses personnes. Parmi elles, des gens que l’on connaît depuis plusieurs années et des person-nes nouvelles. On a calculé qu’il fallait 2 à 3 fois moins de temps pour rencontrer une personne au travail qu’en dehors. Selon une loi statistique, une personne aurait en moyenne un

partenaire sexuel nouveau tous les sept ans dans son environ-nement professionnel. L’entreprise est-elle un « bureau des cœurs » ? Au bureau, tout le monde cherche à savoir qui est avec qui ! La sexualité est une façon de mettre de la vie dans l’univers aseptisé et parfois morne de l’entreprise. Or parado-xalement, ce sujet est peu étudié. On est dans la négation. De la même façon que quand on va au Club Med, on dit que l’on va bronzer et se reposer, mais on n’avoue jamais les autres raisons. Quelle est votre conclusion ? Chaque homme et cha-que femme, en fonction de son ancienneté et du nombre de personnes que compte son environnement professionnel, va développer un nombre précis de relations intimes sur son lieu de travail. Si je suis grutier, j’ai moins de chances de rencontrer quelqu’un dans ma grue que si je suis au CEA où travaillent 5.000 personnes… Selon l’un de vos principes, « plus on est haut placé, plus on séduit bas » On l’a tous expérimenté : le pouvoir exerce une séduction sur les subordonnés. Une étude

américaine montre que la moitié des femmes qui ont eu une relation sur leur lieu de travail l’ont eue avec leur patron. On porte toujours le regard sur plus haut que soi. Qu’en est-il de la promotion canapé ? Ce n’est pas si simple que ce que l’on croit. Si les deux parties sont consentantes, il ne s’agit pas de harcèlement car les deux savent à quoi s’en tenir. Il peut même y avoir un accord tacite entre elles. De toute façon, outre la promotion canapé, il ne faut pas se leurrer, il y a toujours une part de séduction physique. Combien de dirigeants recrutent une assistante sans faire attention à son physique ? Ce ne sont pas toujours les compétences professionnelles qui sont les plus importantes. Même si un manager n’a pas de vues sur elle, il estime parfois qu’une secrétaire jolie le représentera mieux à l’extérieur et que son image sera valorisée. Propose recueillis par R.N.Cupidon au travail, loïc Roche, editions d’Organisation. 157 p.

« QUATRE mOIS POUR TROUvER UN PARTENAIRE SExUEL AU bOULOT »

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L’entreprise bureau des cœurs

Prenez des hommes et des femmes, mélangez-les, enfermez-les dix heures par jour dans le même bureau, ajoutez une louche de stress et vous obtiendrez une recette vieille comme le monde... la séduction fait partie intégrante des relations de travail. Pas forcément avec des idées louches derrière la tête.

Ce cocktail explosif a inspiré bien des livres, des films, et au passage brisé quelques vies, fait déposer quelques bilans. Le « qui est avec qui » est l’un des passe-temps favoris des conférences de la machine à café et l’émission la plus écoutée sur radio-moquette. « Promotion canapé » est devenu un classique. « Harcèlement » l’a détrôné au box-office des comportements politiquement incorrects.Séduire ? Si l’on s’en tient à l’étymologie latine, il s’agit juste de « conduire à soi », et pas nécessairement avec des idées louches derrière la tête… Au quotidien, on se sert, consciemment ou non, de son pouvoir de séduction pour vendre, obtenir une promotion, une augmentation, un petit passe-droit. D’une usine à un bureau, on ne séduit

pas de la même façon, ni pour la même chose. Les codes et les mots sont différents, les stratégies

aussi. C’est ce qui rend complexe la séduction au travail, avec ses variations dictées par le milieu professionnel. « Les bureaux en open space sont un contexte idéal pour la séduction, confie Eric, chef de produit marketing dans une banque. Ma voisine proche de la hiérarchie, je sais qu’elle a des problèmes de couple. Comme nous travaillons 60 heures par semaine, nous sommes plus exposés à la confidence de

bureau ». Il s’est ainsi attelé à conquérir la secrétaire de son supérieur, qu’il salue, qu’il complimente sur sa coiffure, ses nouvelles responsabilités. « Elle m’a parlé de sa vie privée puis progressivement, elle m’a lâché des infos sur l’entreprise, poursuit-il. Chaque mois, elle assiste au management meeting, je suis au courant de pas mal de choses. Mais pour avoir des infos, je dois aussi raconter ma vie. Je n’hésite pas à me ridiculiser, à me mettre en situation de faiblesse, ça crée de l’empathie ». Grâce à ce traitement, qui s’appuie sur un mélange de spontanéité et de calcul, Eric réussit à glaner des informations, des attentions particulières, et même du « piston ». Encore faut-il savoir user de son pouvoir de séduction subtilement, en étant sûr que celui ou celle qui fait l’objet de votre sollicitude ne trouve pas la ficelle un peu trop grosse. Car, avertit Loïc Roche, docteur en psychologie et l’auteur de « Cupidon au travail » (lire ci-dessous) : « La séduction peut parfois apparaître comme une manipulation. Il faut donc bien comprendre les modes de perception de son interlocuteur et ses besoins réels : présenter des faits validés aux anxieux ou des réalisations possibles aux créatifs. » Sandrine, 35 ans, directrice

clientèle, s’est fabriqué une grille d’approche 100 % balisée : « Il y a toujours, lorsque j’arrive chez un client, ce moment de babillage avant d’entamer une conversation sérieuse. Les hommes aiment exercer leur pouvoir de séduction, en jouer avec une belle femme. Cela flatte leur ego. Je m’y suis habituée. Je respecte ce sas de décompression. Cette entrée en matière nous permet toujours de trouver des atomes crochus et de construire une relation personnelle. » Cette stratégie de proximité, elle la tempère pourtant d’un peu de distance. « Plus jeune, cela m’a parfois irritée. Mon physique en imposait, mais professionnellement j’avais du mal à m’imposer. Au fond mes interlocuteurs ne me prenaient pas au sérieux ; je ne pouvais être que l’ambassadrice de charme, il y avait forcément derrière moi un type compétent pour prendre les décisions.

Aujourd’hui, j’arrive à faire la démonstration du contraire ». Pas question d’arriver en décolleté plongeant à un rendez-vous. « Je

veille toujours à afficher une certaine neutralité vestimentaire qui correspond au fond à ma personnalité. La vendeuse est confrontée à un paradoxe. Elle doit rassurer en se montrant familier et surprendre pour ne pas paraître banale », souligne Sandrine.

Les dangers d’un excès de faMiLiaritéIl suffit parfois de se montrer attentionné, ou sympathique et souriant, pour que cette attitude soit interprétée comme une tentative de conquête. Ludovic en a fait l’expérience, il y a dix ans, alors qu’il travaillait comme analyste dans une société informatique. « Nous avions l’habitude de sortir en bande, avec tout le service. Un jour, ma boss m’a invité seul, chez elle… J’ai compris que mon attitude avait pu laisser croire à autre chose que de la simple camaraderie. » Éconduite, la jeune femme ne lui a jamais pardonné. Il a dû quitter l’entreprise dans les mois qui ont suivi. Autre écueil : compter un peu trop sur son pouvoir de séduction. Vanessa, responsable marketing dans une boîte d’ameublement, n’hésitait pas à approcher les dirigeants en instaurant une relation à la limite du flirt. Résultat ? Aucun ! « Je me suis rendu compte qu’on me trouvait jolie mais superficielle, voire idiote. »

Depuis, elle s’est calmée. Enfin, reste

le risque de se voir ranger dans la catégorie des « serial »

charmeurs. « Quand on aime tout le monde, on n’aime personne ! » Jonathan s’est

ainsi vu apostropher par sa boss, dans la maison d’édition dans laquelle il travaillait. Ce chef de produit avait l’art et la manière de se mettre tout le monde dans la poche en un clin d’œil. À tel point que sa supérieure hiérarchique en aurait voulu un

peu plus… Une marque de considération, voire d’affection, qui aurait montré qu’il ne la traitait pas comme tout le monde dans la boîte. « Je dirige une petite équipe et quand nous avons beaucoup de travail, je me fais plaindre, je minaude comme une fille, pour qu’une de mes collaboratrices reste travailler tard le soir, explique Jonathan. Le danger de ce jeu est de tomber dans le sentiment, et perdre l’autorité sur son équipe. Ou pire, coucher avec une collègue de bureau. » Car les sentiments viennent encore brouiller les pistes, avec des attirances qui ne disent pas leur nom. Graphiste de 39 ans, Nathalie a vécu une relation torride avec un collègue durant huit mois. « La sensation de violer un interdit transforme le bureau en lieu de fantasme. Au début, c’est vraiment très chaud. On est continuellement sur le vif. On s’observe en permanence. On tremble à l’idée qu’un mail un peu hard arrive chez le mauvais destinataire. La tension monte à mesure qu’approche le moment d’aller folâtrer au sous-sol. » L’aventure se termine. Et là, ça vire au cauchemar. « La personne que vous ne voulez plus voir est constamment sous votre nez, dans l’open space. Il faut endurer sa présence lors des repas et des séances de travail. J’étais très mal à l’aise et obsédée par les commentaires ».

entre MaLaise et conViViaLitéLorsque des relations nées sur le lieu de travail débouchent sur de belles histoires, c’est souvent aux mêmes conditions. Un comportement sans ambiguïté face aux collègues, la séparation stricte des questions privées et professionnelles et un fair-play total lorsque la liaison s’achève. « C’est en condition de stress, dans un environnement difficile qu’il se crée le plus de relations intimes, affirme Loïck Roche. Une liaison amoureuse est une tentative de reconstruire la vie dans un univers douloureux. Ce n’est pas un hasard si le milieu médical s’y prête particulièrement. On y côtoie la maladie, la mort et on y travaille sous pression. »Les Américains ont tendance à voir ces liaisons en termes de « risques ». Loïck Roche, lui, soutient que « les entreprises les plus créatives sont celles où les relations intimes sont les plus nombreuses ». La situation créerait en effet une plus grande convivialité. Cela étant évidemment valable tant que la relation est au beau fixe. De chaque côté de l’Atlantique, on réagit très différemment au scénario de la rupture potentielle. « Ces relations et surtout leur dégradation débouchent sur des tensions qui nuisent au travail. On assiste à des règlements de comptes sans l’avoir voulu. Or au département des ressources humaines, ces problèmes font l’objet d’une tache aveugle. Les souffrances et les dysfonctionnements sont niés, alors même qu’ils interfèrent dans la pratique professionnelle de tout le groupe », relève Sophie, 32 ans, collaboratrice d’une multinationale basée à Bruxelles.Aux Etats-Unis, on fait signer des « Love Contract » déchargeant l’employeur de tout effet dommageable pour les amants désunis (changement de service, licenciement…). En Belgique, le couple est protégé par la loi et il est interdit à une entreprise d’imposer des règles ou des codes de conduite en matière de vie privée. Seule exception : si la liaison perturbe le travail. « Avec autant de foyers d’intrigue sexuelle au bureau, il n’est pas étonnant que certaines grandes entreprises essayent actuellement de faire des liaisons sur le lieu de travail une possible rupture de contrat, dans le but d’augmenter la productivité et de garantir que des séparations difficiles ne fassent pas perdre de temps à la compagnie », observe Dimitri, avocat spécialisé dans le droit du travail. Car finalement, il n’y a rien sur quoi plane autant de séduction et de malédiction que sur un secret. RAFAL NACzyk

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mON PREmIER EmPLOI J’avais 17, 18 ans quand j’ai commencé à rêver de livres, mais aussi de voyages alors que je tapais sur une machine électrique des manuscrits de bouquins pour les éditions Marabout. J’ai d’ailleurs fait un certain nombre de petits boulots alimentaires à l’époque, dont l’un d’eux m’a menée jusqu’à Paris. Je faisais à l’époque du boulot de secrétariat pour un organisme qui enquêtait sur l’in-fluence de la publicité sur les ventes saisonnières. lorsque le bureau a été

déplacé à Paris, le responsable m’a demandé de le suivre pour m’occuper de l’installation et de l’organisation au quotidien de cette petite structure. J’ai foncé et ce fut une année passion-nante. de retour à Bruxelles, j’ai passé l’examen d’entrée à la RTB et je suis devenue journaliste, avant tout par curiosité.mON PREmIER SALAIRE a Paris, je ne gagnais pas grand-chose, je logeais dans une petite chambre d’hôtel que je relouais le week-end, puisque je

rentrais à Bruxelles. À la RTB, je n’ai plus souvenir de mon premier salaire, mais de la réflexion de ma mère qui était responsable infirmière et qui m’a dit avec tendresse que j’allais gagner d’emblée le double de son salaire, sans avoir les responsabilités inhérentes à son métier.mES PREmIERS ACQUIS PROFES-SIONNELS Que ce soit à Paris, à la RTB ou en rachetant les éditions labor, j’ai toujours su saisir la chance qui pas-sait. Je pense que mon enthousiasme

m’a beaucoup aidée. le fait d’avoir été tout de suite plongée dans le bain, en lançant ce projet à Paris, m’a beau-coup apporté et j’ai toujours appris en m’imbibant des expériences comme une éponge. Sans doute aussi le fait de ne pas pouvoir rester en place explique mon besoin de découvrir sans cesse de nouveaux horizons.mA FIN DE CARRIÈRE RÊvÉE Je suis une passionnée d’aviation, j’ai mon brevet de pilote de planeur, d’avion de plaisance et de montgolfière. J’ai

cessé de voler à la suite d’un événe-ment douloureux, mais mon rêve serait d’ouvrir un petit aéroport de tourisme avec le souci de réduire les nuisances et dans le respect de l’écologie. Je me vois bien aussi écrire des romans policiers.mON CONSEIL AUx PLUS JEUNES Transformer les revers en victoires, tirer les leçons de ses échecs ou des difficultés et aller de l’avant avec passion. Propos recueillis par NAThALIE CObbAUT

Sensibilisée au tourisme durable au cours de ses nombreux voyages, Marie-Paule eskénazi, journaliste et éditrice dans une autre vie, a fondé l’aSBl Tourisme autrement en 2005, laquelle propose de réfléchir à un autre choix de consommation touristique. C’est en tapant des manuscrits sur l’inde sur une machine à écrire Olivetti à 18 ans qu’elle a commencé à rêver.

Mon premier emploi MaRie-PaUle eSkénaziDIrECtrICE DE L’ASBL tOUrISME AUtrEMEnt

TalentAnne Claessens

Eau profonde

elle est passée des hit-parades au fond de l’eau. Mais ce n’est pas une chute, c’est un aboutissement. la nouvelle directrice de l’académie de plongée nemo33 assouvit ses passions. Sa vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Elle a plongé très jeune dans la vraie vie, Anne Claessens. Un parcours scolaire pour le moins chaotique, des parents relativement absents, du moins sur le plan de l’autorité, une exclusion scolaire qui la propulse au jury central et la prive, in fine, de son diplôme du secondaire… Elle a dû s’assumer seule. Apprendre à gagner sa vie quand d’autres apprenaient un métier. Nager de ses propres nageoires. « J’ai manqué d’un guide, d’un exemple à suivre », regrette-t-elle aujourd’hui. Bien qu’en fait, elle ne regrette rien. Car c’est ainsi qu’elle s’est construite, autodidacte, qu’elle a pu goûter à un tas de métiers, cultiver de dévorantes passions et faire de superbes rencontres. Dont la plus récente lui permet de se sentir aujourd’hui comme une sirène dans l’eau… Mais n’anticipons pas. Il faut remonter aux sources de cette demi-vie remplie comme un bassin sans fond. Au commencement sont les années 60, qui voient défiler ses premiers pas. La jeunesse d’Anne Claessens s’offre le tournant des seventies, époque où tout est permis, où l’on s’émancipe tôt. Même si elle ne l’a pas vraiment choisi, elle n’échappe pas à la tendance. Heureusement pour elle, Anne ne manque pas d’atouts. Elle a une pêche d’enfer et elle est belle à croquer. Interrogez les louveteaux qui l’ont eue comme cheftaine, beaucoup s’en souviennent avec émotion… C’est donc comme hôtesse d’accueil pour une marque de cigarettes qu’elle gagne ses premiers cachets. Elle fréquente le monde de la fête, celui de la nuit. Y côtoie les vedettes de l’époque. Un certain Claude Delacroix, par exemple. L’animateur de la cultissime émission « Formule J » de la RTB radio a eu sa discothèque à Bruxelles, dans les années 70. Il offre un job à la jeune fille qui se souvient d’avoir été ainsi l’une des – sinon la – premières femmes « disc jockey » de Belgique. De là, Anne intègre le groupe Tonic, un trio déjanté qui laissera deux tubes disco-pop mémorables aux paroles qui le sont moins : « Dancing in the Moonlight » et « Oh Ma Nana », qui ont fait danser une génération de fêtards à l’aube des années 80… « Mais ça n’a pas duré longtemps, on a splité après deux ans », dit celle qui figurait à l’avant plan de la pochette du premier 45 T - pour ceux qui l’ont gardé au fond de leurs bacs.

de fred Jannin à Jean-cLaude VandaMMeQuelques années plus tard, c’est elle qui règle la chorégraphie des James Bond Girls… Pas celles de 007, d’accord, mais les presque aussi célèbres « bondettes » du hit planétaire « What’s your name » sorti en 1985, sous la baguette du duo Frédéric Jannin – Jean-Pierre Hautier, alias Zinno. Rappelez-vous, c’était la préhistoire du sampling : « Ja-Ja-Ja-James ! My name is… Bond. James Bond. Bon-bon-bon-Bond ! » Entre-temps, Anne était devenue « par amour d’un homme » championne et recordwoman de Belgique de body-building, à l’époque où Arnold Schwarzenegger commençait seulement à être connu… et où Jean-Claude Van Damme ne l’était pas encore. JCVD possède une salle de sport à Bruxelles où il embauche la jeune culturiste comme prof d’aérobic. Elle surfe sur les modes. Donne aussi des cours de musculation à de jeunes danseurs. Mais ce sont des mannequins qu’elle coache pour « What’s your name ». Assez bien

pour que la propriétaire lui propose la direction de l’agence… qu’elle transforme en agence de comédiens car entre-temps, elle a commencé à faire des castings pour la pub. « Le premier, pour une marque de serviettes hygiéniques ; il fallait trouver des femmes prêtes à livrer leur témoignage »… La vie d’Anne Claessens n’a jamais été un long fleuve tranquille. « Tout ce que j’ai fait professionnellement est le résultat de rencontres

improbables. Comme si une petite fée me poussait à tenter chaque fois de nouvelles expériences. J’ai appris chaque métier sur le tas. Avec toujours un seul moteur : l’enthousiasme ». Du casting à l’agence de comédiens qu’elle entraîne notamment pour la ligue d’impro, elle creuse son sillon dans la pub, où elle devient assistante à la réalisation puis productrice. « Mon job consistait surtout à rassembler des équipes et à les faire fonctionner

ensemble. Ma force a toujours résidé dans le contact humain plus que dans la gestion. Disons que je savais m’entourer des bonnes personnes. » C’est son « passé boy-scout », dit-elle. « L’aspect humain a toujours primé ». Elle y passe une vingtaine d’années, dans la pub. S’y fait un nom. «C’est tout sauf du fonctionnariat. Quand un tournage se prépare, on se donne à fond pendant quinze jours, puis on souffle. Et on recommence au suivant.» Pourquoi pas le cinéma ? «Parce que j’ai trois enfants. Travailler sur un long métrage c’est renoncer à sa vie privée. Moi j’ai été maman à plein temps.»

coMMe une PLongée en aPnée«Un tournage, aime dire Anne Claessens, c’est comme une plongée en apnée». Elle n’avait pourtant pas imaginé où cela la mènerait un jour. Un repérage la conduit à Nemo 33, ce centre de plongée aux portes de Bruxelles qui possède la piscine la plus profonde – 33 mètres – d’Europe. «Le storyboard prévoyait des gens évoluant sous l’eau avec des poissons sans se rendre compte qu’ils sont sous la banquise. Cela demandait une grosse préparation. Je n’avais aucune idée de l’endroit où je mettais les pieds.» Anne organise un essai, mais les plongeurs étant sous l’eau, elle n’y voit rien. S’en plaint. Et entend une voix lui dire : «Si vous voulez, vous pouvez être sous l’eau dans dix minutes». C’est John Beernaerts, le maître des lieux. «Il y a deux choses que j’ai toujours refusé de faire, sourit-elle aujourd’hui : sauter en parachute et faire de la plongée. Je ne suis pas une bonne nageuse et l’idée de respirer sous l’eau m’a toujours terrifiée. Moi et ma grande g… J’ai répondu chiche.» On l’ harnache comme une pro, on lui passe les bouteilles. Elle pénètre lentement dans l’eau. Enfonce la tête. Et c’est le choc. « Plus moyen d’en sortir. J’étais comme une petite fille qui découvre de nouvelles sensations. Ou les retrouve : respirer sous l’eau, ce n’est pas sans rapport avec ce que vit le fœtus dans le ventre de sa mère. En tout cas, le tournage n’a jamais eu lieu, mais moi j’ai téléphoné tous les jours pour y retourner ». C’était il y a quatre ans. Anne n’a plus arrêté de plonger. Son compteur affichera bientôt 150 plongées. «C’est devenu une sorte d’instinct.» Au point qu’il y a un an, le patron de Nemo33 lui a proposé les rênes de son académie de plongée. Ce fut une surprise totale. Pas tellement pour le contenu de la fonction, puisqu’il s’agit avant tout d’un travail d’organisation parfaitement dans les cordes d’une productrice chevronnée. Mais pour quelqu’un qui avait peur de l’eau il n’y a pas si longtemps… Si elle a hésité, c’est parce que c’était un full time, un boulot d’employée. Pour quelqu’un qui est à ce point jalouse de son indépendance... Elle s’est tâtée six mois. A commencé à l’essai. Et le plaisir l’a emporté. «Il y a un lien direct entre mon amour du boulot et ma passion pour l’endroit. C’est un lieu jubilatoire.» Elle y est si bien qu’un jour, Anne s’est endormie pendant un palier de décompression. Mais elle ne dort que d’un œil. «C’est un boulot à part entière ici, où l’on n’a pas droit à l’erreur.» Elle y est investie à fond. Comme toujours. PhILIPPE bERkENbAUm

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