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REFORME DES ZONAGES ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE Rapport à Monsieur le Premier ministre Par Jean Auroux Ancien ministre Maire de Roanne Président de la Fédération des maires de villes moyennes Avril 1998

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REFORME DES ZONAGESET

AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

Rapport à Monsieur le Premier ministrePar

Jean AurouxAncien ministreMaire de RoannePrésident de la Fédération des maires de villes moyennes

Avril 1998

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Synthèse du rapport

L'avenir n'est pas celui que l'on attend, c'est celui que l'on fait. Ilreste environ 18 mois avant les nouveaux contrats Etat-Régions et les nouveauxfonds structurels, ces échéances nous imposent une lourde tâche qui est enmême temps un défi et une chance à saisir . Le présent rapport en esquisse leprogramme et formule les propositions que j'estime utiles à sa mise en œuvre .

Le découpage de notre territoire national est devenu au fil desans si extraordinairement complexe qu'il échappe désormais à la connaissancevoire à la compréhension du citoyen " moyen " qui ne se reconnaît plus dans desinstitutions qu'il finance et qui devraient être à son service .Souhaitant mettredavantage de clarté et de cohérence dans ce maquis, le gouvernement m'achargé de faire des propositions selon les lignes directrices soulignées parMonsieur le Premier ministre dans la lettre de mission qu'il m'a adressée.

Les élus, les décideurs et plus généralement les acteurséconomiques ont le sentiment fondé de trouver dans le découpage évoqué ci-dessus plus d'entraves et d'obstacles que d'encouragement et de facilité pourentreprendre et créer des emplois . Cette réalité n'est contestée par personne etje n'ai rencontré aucun interlocuteur qui ne soit favorable à une simplification etune rationalisation réelles et lisibles des interventions publiques en la matière.

Or, jusqu'à présent, il m'apparaît qu'on a largement agi àcontresens. En effet, malgré la prise de conscience de cet état de fait fortementnuisible au développement économique et social et au rééquilibrage dynamiquedu territoire, on a ajouté, par " le haut ", au fil des années, des découpagessupplémentaires et des procédures plus complexes. En réalité la confusion etl'inefficacité ont grandi en même temps que les coûts .

A la lumière de mes diverses expériences locales et nationales,ma conviction forte est qu'il faut s'engager dans une logique nouvelle trèsdifférente des habitudes prises .

Mes recommandations, qui s'inscrivent dans une démarcheprogressiste au bénéfice du citoyen dans son " territoire de vie " , vont doncdans le sens d'un changement fort mais réaliste, responsable et perceptible parl'opinion .

Il s'agit d'abord de prendre pleinement conscience, au momentmême d'une nouvelle étape de l'unification européenne, de l'atout majeur que

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représente notre territoire vaste et diversifié. Tous les Etats européens n'ont pascette chance .

Il s'agit ensuite, plus de 15 ans après les lois de décentralisation,d'engager une nouvelle étape pour rendre l'initiative au citoyen là où il vit nonseulement pour défendre son emploi et son environnement mais pour devenirl'acteur d'un développement nouveau .

Cela signifie que l'aménagement du territoire ne serait plus conçucomme une démarche régalienne venue de Paris mais comme une mobilisationcitoyenne de tous les partenaires du terrain dont le niveau régional a vocation àcoordonner et à cofinancer la réalisation concrète .

Je préconise ainsi que soit engagée sur l'ensemble du pays(métropole et outremer ) la mise en œuvre de " territoires de projets " dont lepérimètre et le contenu seront définis par les partenaires eux-mêmes, avantd'être cofinancés par l'Etat, les Régions et les intéressés eux-mêmes.

L'opportunité des nouveaux Schémas Régionaux d'Aménagementet de Développement du Territoire, ainsi que celle de la mise en oeuvre desContrats Etat-Régions permettraient les modulations indispensables pour aiderdavantage les zones en difficulté ou en retard économique .Il importe, et jesouligne tout particulièrement ce point, que tous les services de l'Etataccompagnent sans arrière-pensée cette démarche sur le plan humain, financieret surtout organisationnel .

Il n'est pas normal en effet que l'on compte de 40 à 60découpages administratifs divers dans chacune de nos régions : il y a là ungisement manifeste d'économies, de cohérence et de modernisation de l'Etatattendu par la population dans sa vie quotidienne .

Je précise néanmoins qu'il n'est pas souhaitable dans unepremière étape d'institutionnaliser formellement ces " territoires " d'autant plusque la quasi totalité de mes interlocuteurs conviennent que la question del'empilement onéreux et complexe des Régions, des Départements, des Cantons,des structures intercommunales et des Communes devra trouver une réponsedans les années qui viennent .

En proposant de mettre en œuvre la formule : " un territoire, unprojet, un contrat", qui permettrait à chacun d'être "acteur sur son territoirevécu " j'ai le sentiment que nous pourrions susciter le dynamisme et cetteconfiance dont les français manquent encore trop souvent parce qu'ils estimentn'être pas assez écoutés . J'ajoute que les jeunes pourraient y trouver matière àexpression de leurs talents et de leur énergie .

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Compte tenu du contexte actuel on peut imaginer trois cas defigure pour la mise en œuvre de ces " territoires de projets contractualisés " :

- l'agglomération urbaine seule;- le " pays rural " seul;- l'ensemble des deux associés dans une même démarche.

Naturellement, on peut concevoir et même recommander descombinaisons adaptées et des coopérations constructives entre ces diversterritoires limitrophes, ainsi qu'avec leurs " voisins " régionaux outransfrontaliers .

Voilà donc la recommandation fondamentale qui a vocation àétablir d'une manière démocratique et dynamique le " zonage par les citoyens "et à élaborer le " fond de carte " sur lequel viendraient tout naturellement se"caler" les zonages plus spécifiques d'intervention en faveur des espaces urbainsou ruraux en difficulté, qu'il s'agisse des zonages nationaux ou des zonageseuropéens.

En ce qui concerne les zonages nationaux, je propose unepremière étape d'allègement et de simplification pour une plus grande lisibilité etune meilleure efficacité. Il n'y aurait plus ainsi qui deux grandes catégories dezonages :

- les zones de soutien : l'une à vocation urbaine, l'autre àvocation rurale qui bénéficieraient principalement d'allègementsfiscaux et sociaux;- les zones d'intervention économique qui bénéficieraienten outre, dans le respect de la réglementation communautaire,d'aides et de subventions publiques à l'emploi.

En ce qui concerne les zonages européens, dans l'état actuel despropositions plutôt restrictives et très directives de la Commission, je formuleles recommandations suivantes fondées sur l'application pleine et entière duprincipe de la subsidiarité :

- il faut découpler autant que possible nos zonagesnationaux des zonages européens;

- il faut obtenir le maximum de souplesse dans la mise enœuvre des fonds pour prendre en considération les " zonesd'emploi" et leurs " territoires de projets";

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- il faut obtenir un " lissage dans le temps " permettant lamise en œuvre d'un dispositif de sortie pour les anciennes zonesbénéficiaires;

- il faut obtenir un " lissage dans l'espace " pour éviter les "effets de frontière " toujours très déstabilisants.

Pour tous ces dispositifs nationaux ou européens, autant il estnécessaire d'annoncer que les " territoires de projets " ont vocation à s'inscriredans la durée, autant il importe de faire prendre conscience que les zonagesn'ont par définition qu'une durée limitée et ne sont pas forcément renouvelables.

Pour conclure j'ajoute que l'aménagement et le développementdurable de notre territoire ne sauraient se résumer en une politique de"zonage".Il convient en effet d'être pleinement attentif aux autres outils deportée plus générale dont certains seront plus que jamais d'actualité avec lamonnaie unique:

- la qualité des infrastructures de communication et detélécommunication;- la déconcentration et la délocalisation de servicespublics en province;- les dotations attribuées aux collectivités territoriales(ou les charges transférées ! );- l'environnement bancaire pertinent et efficace sur leterrain ;- l'environnement universitaire et la formation ;- la fiscalité et les charges sociales en particulier sur lesentreprises de main d'œuvre et les associations.

Je tiens particulièrement à remercier toutes les personnesrencontrées, élus, responsables socio-professionnels, hauts-fonctionnaires, pourla franchise et l'intérêt de leurs réflexions. D'autres, que je n'ai pu rencontrer,m'ont fait parvenir des contributions écrites de qualité . Ce large échangepluraliste a nourri mon travail, dont il va sans dire que j'assume la responsabilité. Je remercie enfin les collaborateurs des divers ministères et de la Datar enparticulier pour leur aide précieuse.

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Sommaire

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pagesListe des sigles et abréviations 4

Introduction et rappel historique 5

Première partieDes zonages : un outil utile, mais trop complexe et insuffisant 12

1 - Typologie des zonages 141-1 Les zonages institutionnels 141-2 Les zonages d'intervention économique 151-3 Les zonages prescriptifs 161-4 Les zonages d'étude 161-5 Les zonages de projet 17

2 - Inventaire des principaux zonages d'intervention 18

3 – Un bilan mitigé 213-1 Une évaluation difficile 213-2 Eléments de bilan 22

3-2-1 Aspects financiers 223-2-2 Le point de vue des acteurs 26

3-3 La localisation des investissements : un enjeu majeur 29

Deuxième partieHorizon 2000 : propositions pour la mise en oeuvre d'une nouvellepolitique dynamique et démocratique d'aménagement du territoire. 32

1 - Les trois composantes d'un projet mobilisateur : le territoire, les acteurs, et la durée. 33

1-1 Faire de notre territoire l'atout fondamentalde notre développement futur. 331-2 Faire des citoyens des acteursde cette reconquête de leur territoire 341-3 Mettre en œuvre une politique nouvelled'aménagement et de développement durable 35

1-3-1 Au niveau local, une nouvelle politique : "un territoire, un projet, un contrat". 351-3-2 Au niveau régional : l'organisation concertée du territoire sur la basedes schémas régionaux et des contrats Etat-régions. 401-3-3 Au niveau national :les grands choix d'aménagement . 41

2- Les zonages : simplification, équité, efficacité 43

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2-1 Des principes au programme 442-2 Les zonages nationaux économiques : une première phase d'allégement et de simplification . 48

2-2-1 Les zones de soutien 48A Pour l'espace ruralB Pour l'espace urbain2-2-2 Les zones d'intervention 502-2-3 Les départements d'outre-mer 51

2-3 Pour une utilisation efficace des fonds structurelseuropéens 53

3- Les instruments de portée générale :des outils efficaces et des réformes nécessaires. 55

3-1 Le contrat 553-2 Les dotations aux collectivités locales 553-3 Les allégements de charges fiscales et sociales 563-4 Les schémas de service publics 563-5 Une vraie politique de "décentralisation" – relocalisation 563-6 Une rationalisation de notre organisation administrativeterritoriale 57

4 - Un vrai dispositif d'évaluation : savoir où vont les dépenses et où sont créés les emplois 59

4-1 Les différentes modalités de l'évaluation 594-1-1 Le contrôle 604-1-2 L'évaluation proprement dite 60

4-2 Les niveaux de l'évaluation 624-2-1 Le niveau du territoire : projet et évaluation 624-2-2 Le niveau régional 644-2-3 Le niveau national : évaluation de politique publique 64

Conclusion et perspectives 63

Annexes- Récapitulatif des propositions- Liste des personnes rencontrées- Présentation détaillée des zonages- Annexe cartographique et statistique complémentaire

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Introduction et rappel historique.

Si le concept même "d'aménagement du territoire" est relativementrécent en France, c'est-à-dire postérieur à la seconde guerre mondiale, lavolonté d'organisation des territoires est inhérente à la relation des hommes àleur espace vécu y compris, bien que de façon différente, pour les peuplesnomades.

De la pratique tribale ou féodale au plus vaste empire, l'histoire nousmontre, pas toujours dans la paix, un souci constant de définir, de contrôler,d'organiser et de gérer son territoire soit avec une volonté modeste desubsistance, soit avec une ambition plus grande de conquête.

C'est dire que cette démarche a été d'abord éminemment politique etque sa forme la plus achevée, à défaut d'être définitive, est la frontière des Etats.

Mais à l'intérieur même des frontières nationales le pouvoir d'Etat atoujours mis en place toute une série de découpages politiques et administratifsgénéralement très structurés.

Ces découpages, qui pouvaient être fort variés en terme desuperficie, de compétences et de cohérence locale, furent et sont parfois encore,le fruit de l'histoire. Ils ont très souvent été durablement institutionnalisés par laloi voire par la Constitution.

La France dont la tradition centraliste, de la monarchie à laRépublique, ne s'est jamais démentie présente néanmoins un singulier paradoxe :on y trouve en effet la coexistence plus ou moins conflictuelle d'unecentralisation hypertrophiée dans et autour de la capitale avec l'atomisationterritoriale la plus singulière de l'Union européenne.

La Révolution avait certes installé la démocratie et imposé ledécoupage départemental dans une société rurale fondée sur une économie desubsistance mais elle n'avait pu que transformer les paroisses en communes ; sibien que la "cellule de base de la démocratie" dans la France du 21ème siècledemeure plus ou moins fondée sur la réalité religieuse de 1789.

En outre, la confrontation permanente entre la volonté de puissancedes organismes centraux de l'Etat, fussent-ils peuplés de "provinciaux"convaincus, et la capacité de résistance des structures de base a conduit àl'addition et à l'empilement des découpages, circonscriptions, zonages etpérimètres politiques ou administratifs les plus divers et les plus complexes.

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Je ne suis pas éloigné de penser que cette complexité, ajoutée à lacarence de notre instruction civique, n'est pas pour rien dans la désaffection,voire le "rejet", du politique par l'opinion publique.

Quand on sait, par exemple, que la plupart des régions sont"organisées" si l'on peut dire en une cinquantaine de zonages internes, on nepeut que saluer l'indulgence, provisoire, du français moyen qui en accepte lacomplexité et les coûts.

En effet, outre les circonscriptions politiques qui sont loin d'êtretoutes pertinentes (par exemple les cantons en zone urbaine) chaque ministère,et même chaque administration centrale, a souvent découpé le territoire à sonusage particulier selon les évolutions, parfois les besoins, souvent les budgets,les pressions politiques, voire les opportunités foncières ou immobilières.

Ainsi, on peut affirmer de façon un peu simplificatrice, voireprovocatrice, que notre découpage politique et administratif n'a guère connu desouffle rénovateur depuis la Révolution !

Même les Régions actuelles, qui sont globalement les territoiresadministratifs et politiques les plus pertinents dans le cadre européen, sontissues d'une démarche administrative plutôt que d'une forte volonté politique.

Certes, pour ne pas être totalement injuste il convient de rappelerqu'après la publication du livre événement de Jean-François GRAVIER en 1947"Paris et le Désert Français", les politiques et l'Etat ont pris un certain nombred'initiatives parfois fortes en faveur d'une véritable politique d'aménagement duterritoire.

Ainsi en 1950 "la brochure verte" préfacée par E.CLAUDIUS-PETIT qui s'intitule "Pour un Plan National d'Aménagement du Territoire"débouche en 1954 sur les premiers zonages qui accompagnent ladécentralisation industrielle. Peu après, à la mise en place en 1955 de"programmes d'action régionale", succédera en 1956, à partir de la définition de"zones critiques", la création de 21 "régions de programme".

Les années soixante voient en ce domaine un renforcement del'action de l'Etat. C'est la création de la DATAR en 1963 qui rassemble, dans sadénomination même, la double préoccupation de l'aménagement du territoire etdu développement régional.

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Mais c'est aussi le renforcement de l'autorité du Préfet sur lesservices extérieurs ; l'institution en 1963 des Préfets de Région dont le rôlecoordonnateur est affirmé à travers la mise en œuvre des missions régionales quideviendront les SGAR, des Conférences administratives régionales, et desCODER (Commission de Développement Economique Régional).

Dans la décennie suivante, la réalité régionale quitte peu à peu sonstatut d'espace administratif pour devenir progressivement une institutionpolitique sous forme d'Etablissement Public avant la grande réformedémocratique des lois de décentralisation voulues par le PrésidentMITTERRAND et mises en œuvre par Gaston DEFFERRE et le gouvernementMAUROY ( en 1982-1983).

La Région devient alors une véritable institution politique élue ausuffrage universel et dotée de larges compétences en matière d'aménagement duterritoire.

La loi de février 1992 relative à "l'administration territoriale de laRépublique" qui renforce l'intercommunalité et les dispositifs de solidarité(dotation de solidarité urbaine et dotation de solidarité rurale) conforte dix ansplus tard les lois de décentralisation, cependant qu'en février 1995 la loiPASQUA-HOEFFEL "d'orientation pour l'aménagement et le développementdu territoire" tout en créant de nouveaux zonages relance modestement lanotion de "pays".

Enfin, à défaut de décliner pleinement "l'ardente obligation" chèreau Général De GAULLE ou à des hommes comme Olivier GUICHARD, on nesaurait passer sous silence des dispositifs importants comme la création desCommunautés Urbaines, des Villes Nouvelles ou des Pôles de Conversion.

On le voit, si depuis un demi-siècle l'aménagement du territoire estdevenu une priorité politique plus ou moins associée à la planification et plus oumoins "nomade" dans les configurations gouvernementales, le seul événementnouveau majeur en la matière est bien la décentralisation et la création desRégions.

Cependant le problème est que sur ce paysage politique etinstitutionnel qui s'est plus complexifié que rajeuni et plus stratifié qu'adaptéd'autres évolutions incomparablement plus lourdes sont venues peser de toutleur poids : la nouvelle donne économique libérale et mondiale et la nouvelledonne politique et géographique de l'Union européenne.

En ce qui concerne la dimension économique, et pour aller àl'essentiel, l'histoire retient que pendant des siècles la société presque

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exclusivement rurale n'avait connu d'espaces spécialisés que les ports, les villesadministratives, militaires, de foires ou de pèlerinages.

C'est la révolution industrielle et les bouleversements qu'elle induit,notamment l'exode rural, qui introduit une nouvelle dimension dans ledécoupage politique: la dimension économique.

C'est ainsi que l'on voit apparaître, parfois très vite, des zonageséconomiques de fait, liés à la spécialisation industrielle des territoires : zonesd'extraction minière, zones de production métallurgique, zones d'industrietextile, etc.

Ces zonages issus, non pas de la volonté politique ou administrative,mais des ressources naturelles ou des courants d'échanges, vont marquerprofondément le paysage français au cours du XIXème siècle, générant lacréation de villes parfois importantes polarisant habitat, activités et réseaux detransport autour d'elles et induisant en même temps développement économiqueet inégalités sociales.

Sur un autre registre mixant à la fois le politique et l'économique onne saurait passer sous silence la localisation des activités militaires et desindustries d'armement étroitement dépendantes des besoins d'une conscriptionde masse, d'une défense proche des frontières et d'une industrie souventlocalisée en retrait.

Le terme de "zone" a d'ailleurs été utilisé par les militaires bienavant les civils et les économistes. La paix durablement et heureusementretrouvée depuis deux générations n'est d'ailleurs pas sans conséquences sur ces« territoires » qu'il conviendra d'aider puissamment pour corriger les effets desrestructurations militaires et industrielles dus à la professionnalisation desarmées.

Ce zonage économique "spontané" qui a structuré plus qu'on necroit notre territoire était porteur de lourdes conséquences économiques etsociales. En effet, lorsque ces activités ont décliné pour diverses raisons que l'onconnaît bien, des territoires qui avaient connu la prospérité furent affrontés, etcertains le sont encore, aux dures nécessités de la reconversion et de ladiversification.

Il convient enfin d'ajouter la réalité diversifiée des destructions plusou moins massives dues à la guerre et des résultats inégaux en termeséconomiques, sociaux ou urbains de la reconstruction et du Plan MARSHALL.

C'est alors qu'intervient la nouvelle donne européenne :

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C'est d'abord la CECA (Communauté Européenne du Charbon et del'Acier) créée en 1951 qui prévoit des aides pour des opérations de conversionet de reclassement social.

C'est la signature du Traité de ROME en 1957 qui s'accompagnealors du premier fonds structurel européen, le FSE (Fonds Social Européen).

Si la BEI (Banque européenne d'Investissement) est née l'annéesuivante, ce n'est qu'en 1964 que sera mis en œuvre le FEOGA (Fonds européend'Orientation et de Garantie Agricole).

Néanmoins ces trois outils financiers d'intervention ne sont pas liés àun zonage particulier mais plus précisément aux problèmes sociaux (FSE) àl'investissement et aux infrastructures (BEI) et au soutien des prix agricoles(FEOGA).

Il faudra attendre 1975 pour qu'apparaissent véritablement les outilseuropéens d'aménagement du territoire associés à des critères précis et donc àdes zonages. C'est en 1975, en effet, qu'est mise en place la Directiveeuropéenne relative aux zones agricoles défavorisées qui est, entre autres, àl'origine des politiques spécifiques de la montagne. C'est en 1975 aussi qu'estcréé le FEDER (Fonds européen de Développement Régional) qui se donnepour ambition de réduire les écarts de développement existants entre et dans lespays de la Communauté par des actions de soutien aux régions en retard, oudéfavorisées, ou en difficulté.

Intervenant de façon intégrée à partir de 1988 dans une logiqued'objectifs, pour la plupart correspondant à des zones déterminées selon descritères de développement économique, les fonds structurels représententactuellement 35 % du budget de l'Union européenne et donc des sommesimportantes même si, notamment en FRANCE, elles sont loin d'atteindre leniveau de financement de la politique agricole commune (16 Milliards de francsen 1997 pour les politiques structurelles et 65 Milliards de francs au titre de laPAC).

Il convient de souligner le principe d'additionnalité des FondsStructurels : le financement européen ne remplace pas le financement nationalpuisque ces fonds ne peuvent être mis en œuvre précisément qu'avec descontreparties nationales.

Néanmoins, l'effet d'affichage est d'autant plus clair et plusimportant que nos mécanismes financiers et administratifs français complexes,croisés, hiérarchisés ne sont un régal que pour "les spécialistes d'usines à gaz".

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Le résultat est que pour les élus et les acteurs économiques locaux,"l'objectif 2" et le "5 b" sont des concepts plus familiers que le FNADT. Seule laPAT (Prime d'Aménagement du Territoire) malgré son relativement faiblemontant sauve sa place dans le hit-parade de la notoriété sinon de laconnaissance.

En outre, les taux d'intervention des Fonds Structurels Européenssont généralement attractifs et laissent parfois l'impression que la politiquenationale d'intervention en matière d'aménagement du territoire estsingulièrement en retrait pour ne pas dire davantage.

Cette présence de l'intervention européenne est d'autant plusmarquée qu'elle s'appuie, en ce qui concerne plus particulièrement les FondsStructurels, sur des zonages clairement identifiés et précisément délimités.

En effet les critères permettant l'attribution de fonds européensdoivent présenter des caractéristiques précises : être reconnus par tous les Etatsmembres, être calculables par ces mêmes Etats membres, être applicables enfinde la même manière dans l'Union. Je n'entre pas ici dans le détail puisque lamission confiée à M.TROUSSET y est consacrée.

On peut néanmoins souligner ici qu'actuellement, en matière depolitique d'aménagement du territoire, les interventions et peut être aussi lacommunication de l'Europe apparaissent beaucoup plus nettement dans l'opinionpublique que celles de la France proprement dite.

Les modes d'intervention de l'Europe entraînent une pression fortede la part des acteurs locaux pour bénéficier d'un zonage favorable.

On dépense ainsi beaucoup d'énergie pour obtenir le bénéfice d'unzonage ou son maintien. Le guichet des aides ainsi ouvert a parfois un effetbeaucoup plus médiatique que réel, faute d'initiatives et de solidarité active pourimpulser des projets de développement sur le territoire considéré.

Ainsi donc, après ce bref survol historique forcément schématique, ilest clair aujourd'hui que la mondialisation à la mode libérale avec son cortège dedéréglementation, de précarité, d'instabilité économique, sociale ettechnologique, conduit naturellement à rechercher toutes les formes possibles deprotection, de stabilité et de solidarité.

Cela peut conduire à une attitude passive face à un "zonageprovidence" à l'évidence peu tonique pour l'avenir, ou au contraire à uneapproche résolument offensive plus soucieuse de bénéficier d'un soutien efficacemais limité dans le temps que de s'installer dans l'assistanat ou la dépendance.

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Ce peut être aussi l'opportunité à l'orée d'un nouveau siècled'enrichir la notion d'aménagement du territoire par des considérations"nouvelles" et fortes :

- la prise en compte de l'environnement pour un développementdurable ;

- la prise en compte de la place réelle de la France dans le nouvelespace européen qui se dessine et qui est beaucoup plus "continental". A cetégard l'élargissement en cours à l'Est provoque sinon une "finistérisation" denotre pays, du moins un décentrage dont il faut prendre la mesure en termes deflux économiques présents et à venir, et donc des infrastructures diversesstructurantes et pas seulement " suivistes ".

- la prise en compte des notions fortes et mobilisatrices de solidaritéet de proximité.

Les lignes qui suivent seront consacrées d'abord à dresser un bilanen matière de zonages et d'interventions associées, puis à l'analyse du contextenational et européen, enfin aux propositions estimées souhaitables pour lesdécennies qui viennent.

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PREMIERE PARTIE.

LES ZONAGES : UN OUTIL UTILE, MAIS TROP COMPLEXE ET INSUFFISANT

Il existe de multiples zonages. Les atlas élaborés par l'INSEE et laDATAR en citent, suivant les régions, entre 30 et 60. Plusieurs rapports réaliséspar les Conseils économiques et sociaux régionaux en dénombrent égalementplusieurs dizaines. Cependant, tous les zonages n'ont pas la même signification,et il est difficile de mettre sur le même plan districts scolaires, cantons, zonesd'intervention des fonds européens ou bassins d'emploi pour ne citer quequelques exemples. Tous ces zonages affectent cependant à des degrés diversl'économie et la société, et jusqu'à la vie quotidienne du citoyen. Il faut donctout d'abord classer les zonages dans une typologie simplifiée pour y voir un peuplus clair dans le véritable maquis existant, maquis dont le tableau figurant à lapage suivante, qui n'est pourtant pas exhaustif, donne une idée assez claire, sij'ose dire…

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UN EXEMPLE DE LA "CREATIVITE" FRANÇAISE EN MATIERE DE ZONAGES

LE CAS (BANAL) DE LA REGION RHONE-ALPES

(SOURCE INSEE)

Nombre Zonages Date de création12 Chambres de Commerce et d'Industrie 1702

292 Trésoreries 180412 Caisses d'Allocations Familiales 191862 Régions agricoles 1946

172 Unités Urbaines 1952147 Groupements de Communes à fiscalité propre 195924 Centres des Impôts Fonciers 196087 Centres des Impôts 196022 Périmètres de transports urbains 19602 Académies et 46 contrats scolaires 19655 Parcs naturels régionaux 19672 Parcs naturels nationaux 196737 Réserves naturelles 196758 Agences locales pour l'emploi 1970

544 Codes Postaux 197218 SDAU 19734 Zones défavorisées de montagne 197511 Secteurs Sanitaires 197776 Bassins d'emplois 197940 Bassins d'habitat régionaux 198020 PAIO et 35 Missions Locales 19823 Zones d'Aménagement du Territoire 1982

1931 Zones naturelles d'intérêt écologiqueFaunistique et floristique

1982

27 Zones d'emplois 198330 Bassins de Formation 19841 Périmètre à neige 19853 Zones Objectifs 2 19891 Zone Objectif 5b 198934 Zones d'emploi formation 198957 Commissions Locales d'insertion 198942 Zones touristiques 1990

207 Bassins de vie 199249 Contrats globaux de développement 19932 Territoires ruraux de développement prioritaire 19944 Zones à risques naturels majeurs 199540 Aires Urbaines 1996

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1- TYPOLOGIE DES ZONAGES.

La classification la plus accessible des zonages est sans doute cellequi repose sur les objectifs que poursuit ce zonage. Veut-on en faire le supportde l'exercice d'une compétence législative ? On aura les collectivités territoriales.Celui d'une gestion administrative ? On aura la carte scolaire ou le périmètred'intervention de la police ou de la gendarmerie. Celui encore de l'interventionéconomique par la distribution de subventions ? Ce seront les zones éligiblesaux fonds structurels européens ou les zones franches urbaines. Celui enfin quipermet de se livrer à une observation statistique ? Nous trouverons les zonesd'emploi ou, plus récemment, les aires urbaines. On distinguera donc ici cinqtypes de zonages.

1-1 Les zonages institutionnels.

Appelés parfois zonages de pouvoir, ces zonages recouvrent en faitdeux aspects :

- les zonages qui correspondent au découpage institutionnel duterritoire, tel que fixé par la Constitution et la loi : collectivitésterritoriales et structures de coopération entre ces collectivités ensont l'expression territoriale. La pertinence de ces structures et laquestion de leur évolution sortent du cadre du présent rapport,même s'il est clair qu'elles ont un rôle éminent à jouer dansl'aménagement du territoire, tant au niveau de la conception que dela gestion . Il est clair également qu'il y en a trop.

- les zonages qui correspondent ensuite à divers découpagesadministratifs, et qui relèvent pour l'essentiel du pouvoirréglementaire. Ceux qui prolongent le découpage institutionnel(arrondissement, canton), mais surtout ceux qui constituent le cadred'action des administrations relèvent de cette catégorie. Ce typeparticulier de zonage est particulièrement proliférant, chaqueadministration, voire des services différents d'une mêmeadministration pouvant développer le leur. Il s'agit souvent dezonages dont les périmètres ne coïncident pas. Cette non-coïncidence est parfois justifiée par la spécificité des objectifs (zonesde défense ou zones d'éducation prioritaires par exemple) mais dansun grand nombre de cas elle laisse au citoyen une impressiond'arbitraire et de non-transparence de l'action administrative.

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1-2 Les zonages d'intervention économique.

Ce type de zonage fait l'objet essentiel du présent rapport. Ce sontdes périmètres d'intervention à l'intérieur desquels les acteurs publics,collectivités, entreprises, bénéficient de procédures d'aides limitativementénumérées. Le périmètre d'intervention est défini à partir de l'application decritères statistiques sur une maille donnée (canton, zone d'emploi, etc.). Lesprocédures d'aides combinent en général des subventions directes ou indirecteset des allégements ou exonérations fiscales ou sociales. D'une façon générale,l'attribution des aides, fondée sur des critères d'éligibilité, débouche sur unelogique de guichet : qui répond aux critères peut bénéficier de la procédure.

Les zonages d'intervention économique, on l'a vu ci-dessus, ontconnu une véritable accélération avec la mise en œuvre des fonds structurelseuropéens. La logique d'intervention qui y est à l'œuvre est celle de ladiscrimination positive : donner plus à ceux qui ont moins de façon à leurpermettre de rattraper leur retard. Cette discrimination constitue une exceptionau principe d'égalité qui veut que tous les acteurs publics soient traités de lamême manière. Cependant cette exception est considérée maintenant, tant par leConseil Constitutionnel que par le Conseil d'Etat, comme conforme à l'esprit duprincipe d'égalité dès lors qu'elle repose sur une logique de correction fondéesur une intervention temporaire. C'est dans le même esprit que le droit européenconsidère que les aides (dites d'Etat, et à finalité régionale), bien qu'à prioricontraires au principe de libre concurrence, sont utiles dans une phasetransitoire où le marché intérieur n'est pas suffisamment homogène et où c'est leretard de développement lui-même qui devient alors un facteur de distorsion dela concurrence.

On voit donc que les principes même qui fondent les zonagesd'intervention économique entraînent que ceux-ci doivent être très ciblés,concentrés et limités dans leur durée. Nous verrons ci-dessous que ce n'estpratiquement plus le cas et que les zonages dérivent dans le sens d'unaccroissement et d'une pérennisation.

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1-3 Les zonages prescriptifs.

On rangera sous cette dénomination des zonages qui résultent d'unelégislation ou d'une réglementation visant à définir des prescriptions, surtout enmatière de protection ou d'organisation de l'espace, sans entraînernécessairement de procédures d'aides particulières. Ainsi tous les documentsd'urbanisme (schémas directeurs, POS, etc.) constituent des zonagesprescriptifs. De par leur caractère très spécialisé, et bien qu'ils puissentconstituer un outil important d'aménagement, notamment pour les collectivitésterritoriales, ils ne seront pas considérés dans le présent rapport. En revanche,certains zonages prescriptifs devront être évoqués, dans la mesure où ilspeuvent avoir un effet important en matière d'aménagement : c'est notamment lecas de la loi "Montagne". Il faut aussi s'interroger sur la nécessité d'uneclarification des divers zonages de protection dont les sigles parfois "poétiques"(ZICO ou ZNIEFF par exemple) recouvrent un foisonnement qui peut êtrecontre-productif, y compris par rapport à leurs objectifs environnementaux.

1-4 Les zonages d'étude.

Parfois appelés aussi "zonages de savoir". Ce sont les périmètresd'observation statistique sur lesquels s'appliquent les critères permettant dedéterminer l'éligibilité des territoires à un zonage fonctionnel. Le choix dupérimètre d'observation est conditionné par la possibilité de disposer desdonnées nécessaires pour construire la statistique : par exemple si on ne disposepas du taux de chômage par commune, il sera impossible de construire unzonage fonctionnel agrégeant des communes sur la base du taux de chômage.Le choix du périmètre comme celui des critères ne sont pas neutres. C'estpourquoi l'INSEE, responsable en France des opérations, a choisi de privilégierdes espaces d'observation qui rendent compte de la complexité du vécu desterritoires. Les statistiques par zones d'emploi et, plus récemment, par airesurbaines permettent une approche plus fine des dynamiques, des flux et del'évolution des territoires.

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1-5 Les zonages de projet.

Il faudrait plutôt dire ici les zonages fondés sur un projet. En effet, àla différence des zonages précédents où c'est le périmètre qui est premier, ici ilvient en second. Le zonage de projet privilégie d'abord un "vouloir faireensemble" entre acteurs locaux, qui se fédèrent pour cette action. Le périmètrene correspond donc pas ici à des critères préétablis qui vont permettre d'ouvrirdes guichets d'aide, mais à un territoire construit par les acteurs. La question dufinancement et des aides n'a dès lors plus le même critère d'automaticité quedans le mécanisme des zones "à guichet" . C'est pourquoi il est difficile, voire apriori contradictoire de zoner des territoires sur la base de projets quin'existeraient pas d'abord.

L'idée que la logique de projet est plus efficace que celle de guichetcommence à se développer. Outre l'exemple des parcs naturels régionaux quisera développé ci-dessous, on peut citer deux aspects de cette évolution :

- le programme d'initiative communautaire Leader 1 (Liaisons entreactions de développement économique rural) ; l'éligibilité aux aidesde ce programme était conditionnée par deux éléments: l'existenced'un projet complet appuyé sur un plan de financement, et laconstitution d'un Groupe d'Action Local (GAL) pilotant le projet.Même si l'apprentissage par les GAL de la mécanique parfoissophistiquée des aides européennes a fait que tous les programmesn'ont pu connaître la même réussite, de l'avis général des acteurslocaux, Leader 1 a rencontré une large adhésion. Le fait que lemécanisme de financement reposait sur une subvention globaleversée directement au GAL a été un des éléments de ce succès,l'autre étant la véritable pédagogie de gestion de projet qu'ilconstituait.

- la LOADT, dans son titre II consacré aux "pays" ouvre un espaceutile pour l'expression de territoires qui "expriment unecommunauté d'intérêts économiques et sociaux" (art. 23) ; même sile caractère insuffisamment précis de ce texte a été souvent relevé,l'émergence des pays en expérimentation montre bien que la logiquede projet peut parfaitement être prise en compte par les acteurs eux-mêmes sur des territoires non constitués à priori.

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Un zonage de projet exemplaire : les parcs naturels régionaux(PNR)

Les parcs naturels nationaux (PNN), créés en 1960, concernent desespaces dont la zone centrale est peu habitée et considérés comme ayant unevaleur biologique internationale. Ils n'avaient donc pas vocation à répondre auxenjeux d'aménagement et de développement qui se posent à des territoires plusaccessibles et plus peuplés. Impulsée par la DATAR dès 1965, la création desParcs Naturels Régionaux est consacrée par le décret du 1er mars 1967.

Les PNR, au nombre de 34 aujourd'hui, couvrent 10 % du territoirenational, métropole et outre- mer, sur 21 régions, 2160 communes rurales, unecentaine de petites villes, des villes moyennes. 20 projets de parcs sontégalement à l'étude.

S'appuyant sur une structure connue, le syndicat mixte, le PNRdéveloppe son action sur une logique de contrat, la "Charte du Parc" : lasignature de la charte par tous les partenaires, validée par décret sur une duréede 10 ans, procède donc bien de la logique de développement durable nécessaireà la mise en œuvre d'un programme cohérent dans le temps.

Par leur capacité de fédération des ressources locales etd'innovation, les PNR apparaissent bien comme un exemple fécond de territoirede projet dans lequel le périmètre, dessiné par les acteurs, n'est pas le simple lieuoù s'alimentent des guichets d'interventions juxtaposées.

2 -INVENTAIRE DES PRINCIPAUX ZONAGES D'INTERVENTION.

Les deux grands types de zonages d'intervention existant aujourd'huisont d'une part les zonages d'application des politiques communautaires de miseen oeuvre des fonds structurels, et d'autre part les zonages inscrits dans la Loid'Orientation pour l'Aménagement et le Développement du Territoire (LOADT)de février 1995 ou découlant de celle-ci. Enfin, certains zonages urbains ont étéprécisés par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte derelance pour la ville. Pour mémoire, d'autres zonages n'ont pas encore épuiséleur durée, même si on a pu en mesurer tous les effets pervers, l'exemple durachat d'Orangina par Coca-Cola grâce en grande partie à des fonds publicsayant été largement commenté. Les grandes lignes de ces zonages sontprésentées ci-dessous sous forme de tableaux synthétiques. Cette présentationest complétée par le rappel des principaux fonds d'intervention relatifs àl'aménagement du territoire.

Une présentation plus complète et détaillée, sur la base des travauxréalisés par la Segesa (Société d'études géographiques et sociologiquesappliquées ) pour la DATAR, figure en annexe .

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Tableau synthétique des zonages d'interventionsen vigueur en France en 1998

1 Territoires Ruraux de DéveloppementPrioritaire

(TRDP)

2 Zones de Revitalisation Rurale (ZRR)3 Zones d'Aménagement du Territoire (ZAT)4 Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU)5 Zones Urbaines Sensibles (ZUS)6 Zones Franches Urbaines (ZFU)7 Zones de Montagne8 Zones d'Aménagement et de Protection du

Littoral9 Fonds Structurels Européens Objectif 110 Fonds Structurels Européens Objectif 211 Fonds Structurels Européens Objectif 5b

Programmes d'Initiative Communautaire

12 INTERREG 16 RETEX13 RECHAR 17 PESCA14 RESIDER 18 LEADER15 KONVER 19 URBAN

20 REGIS

¯ N.B. : Certains zonages (fonds structurels par exemple) ont une durée devalidité qui se termine fin 1999. D'autres contiennent des mesures ouprocédures limitées dans le temps.

TABLEAU SYNTHETIQUE DES POPULATIONSET DES TERRITOIRES CONCERNES

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ZONES POPULATION( en million hab )

SUPERFICIEEN KM2

NOMBRE DECOMMUNES

TRDP 12,8 347.000 21 000

ZRR 4,5 212.000 11 674ZAT (Industrie) 14,3 228.000 15 838

ZAT (tertiaire) 39,6 474.000 30 689

ZRU 3,3 / 329 quartiers

ZUS 3,6 / 750 quartiers

ZFU 0,8 / 44 quartiers

Montagne 7,7 162.143 8 615

Objectif 1 1 1.119 657

Objectif 2 14,6 MH 86.490 7 524

Objectif 5b 9,7 MH 290.000 17 063

Les Fonds d'intervention, avec le rappel de leur niveau de dotation.

« Le FNADT (Fonds National d'Aménagement et de Développementdu Territoire) : résultant de la refonte de 5 fonds antérieurs, il intervient pourl'aménagement du territoire, la restructuration des zones minières, ladélocalisation des entreprises, l'aide aux initiatives locales, le développement dela montagne et l'aménagement rural.

Dotation 1998 : 291 MF en crédits de paiement (dont 140 MF laissés à ladécision des Préfets) et 1 300 MF en autorisations de programmes.

« Le FITTVN (Fonds d'Investissement des Transports Terrestres et lesVoies Navigables)dispose de 3,9 milliards de francs (issus pour 1,7 milliardsd'une taxe sur l'électricité et pour 2,2 d'une taxe sur les péagesautoroutiers).Particulièrement utile pour compléter le budget des transports,encore faut-il que l'affectation des crédits aille bien à des programmesprioritaires retenus par le Ministre.

Ses crédits sont ventilés en 1998 à hauteur de 1,8 milliard pour les routes, de1,6 milliard pour le ferroviaire et les transports combinés et de 430 MF pour lesvoies navigables.

« Le FGER (Fonds de Gestion de l'Espace Rural) :il a pour objet desoutenir des actions d'entretien et réhabilitation de l'espace rural. Ce fonds a

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vocation à accompagner les contrats territoriaux d'exploitation et la nouvellePAC

Doté de 140 MF en 1998 ses programmes sont décidés par le Préfet après avisde la commission compétente (CODEGE).

« Le Fonds de Péréquation des Transports Aériens : il fait l'objet d'unrapport confié à M. MARTRE. Financé par une taxe de 1F sur chaque billetd'avion, il dispose en 1998 de 48 MF destinés à aider l'aviation de 3ème niveau.Ce fonds débutant apparaît extrêmement utile pour participer audésenclavement de certaines villes moyennes et au développement de liaisonsinterrégionales et transversales indispensable à un développement moinscentralisé des transports aériens.

∗∗∗∗∗∗

Enfin, l'inventaire des zonages serait incomplet si l'on nefaisait pas état des mesures accompagnant ces zonages. A ce titre, les mesuresd'atténuation de charges comprises dans les zonages "nationaux" sont aunombre de 24, ceci sans tenir compte des sous-catégories, des exceptions, etc.qui rendent le mode d'emploi du zonage particulièrement ardu.

3 - UN BILAN MITIGE.

3-1 Une évaluation difficile :

De l'avis général, le bilan des zonages est délicat. Ceci tientd'abord à plusieurs facteurs objectifs, dont on citera quelques exemples:

- les zonages n'ont pas tous le même âge ; par exemple lapossibilité de se prononcer sur les zonages crées en 1995 par la LOADT, avecun recul de moins de 3 ans, est très limitée ;

- on peut mesurer plus facilement un volume de dépensesde subventions, alors qu'il est difficile d'apprécier la dépense fiscale, quicorrespond au volume de l'impôt qui n'est par perçu du fait de mécanismesd'exonération. Elle équivaut donc pour la collectivité qui devrait la percevoir à

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un manque à gagner, qui est parfois compensé, partiellement ou intégralement,par une autre collectivité, en général l'Etat, compte tenu des procédures derecouvrement de l'impôt ;

- on ne dispose pas toujours de statistiques correspondantau territoire sur lequel le zonage s'applique : ainsi du taux de chômage sur unquartier, qu'on ne peut saisir que par le recensement général de la population.

Plus profondément, l'impact des zonages s'apprécie mal sion ne sait ce qui doit être mesuré ou évalué : un indicateur de consommationdes crédits ne dit rien sur l'efficacité de ces crédits, notamment en termed'emploi.

Enfin, la logique majoritairement à l'oeuvre avec le zonage,qui est une logique de guichet, ne permet pas une approche précise del'évaluation. Une évaluation suppose en effet qu'en amont soit construite unesérie d'indicateurs (quantifiables ou non) destinés à vérifier que des objectifssont atteints, totalement, partiellement, ou non.

Malgré ces difficultés, on peut donner des indicationsgénérales sur le plan financier, et surtout synthétiser l'appréciation que font lesacteurs eux-mêmes des avantages et des inconvénients des zonages.

3-2 Eléments de bilan.

3-2-1 Aspects financiers.Sources : DATAR, Ministère du budget, rapports parlementaires

Sur le plan financier, on dispose essentiellement de chiffresrelatifs aux dépenses de l'Etat (y compris les dotations européennes, PAC etfonds structurels) ; ces dépenses sont présentées par mesures ou par fonds. Lesinformations sur leur ventilation en fonction des zonages ne sont donc quefragmentaires : il est notamment difficile de recouper les dépenses consacrées àdes mesures zonées avec leur utilisation sur des territoires (régions,départements, zones d'emploi), ces informations sont à compléter utilement parcelles contenues dans les rapports de MM. CHEREQUE et TROUSSET pource qui concerne le détail des fonds structurels européens et des contrats de plan.On s'est efforcé surout de faire ressortir l'effort global en matièred'aménagement du territoire, et il est clair qu'un approfondissement del'évaluation financière des zonages est recommandée de façon prioritaire.

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Enfin, si le présent bilan s'attache aux dépenses de l'Etat(ainsi qu'aux financements communautaires), il est évident que la part descollectivités locales dans l'effort d'aménagement du territoire est déterminante,notamment, mais pas uniquement, dans les mécanismes contractualisés(contreparties des contrats de plan et des programmes communautaires )

- Principales masses budgétaires intéressant totalementou partiellement des zonages d'intervention économique :

«« Fonds structurels européens : sur la période 1994-1999,ils ont représenté en moyenne 16,5 Milliards de F par an, dont 10,22 pour lesobjectifs zonés (Obj. 1, 2 et 5 B, ainsi que les PIC).

Pour mémoire, la PAC (année de référence 1996) areprésenté 63 Milliards de F.

«« Budget de l'aménagement du territoire au sens strict : ils'agit essentiellement du budget de la DATAR, d'un montant global arrondi de1,8 Milliards de F pour 1998. Ce budget a essentiellement un rôle d'effet delevier, et il est nécessaire d'avoir une approche plus large de l'effort de l'Etat.

«« L'appréciation de l'effort global fait ressortir un montanttotal de l'ordre du 60 Milliards, les principaux départements contributeurs étantl'agriculture, l'équipement, l'éducation nationale, l'industrie et la recherche. Il estévident que la globalité de l'approche, si elle donne une indication d'ensemblesur le fait que l'aménagement du territoire est un tout, et repose aussi sur laprésence des services publics, est insuffisante pour mesurer de façon plus finedes politiques de rééquilibrage qui sont à la base de la philosophie des zonages.

«« Pour être complet, il faut indiquer que les Dotations deDéveloppement Rural (DDR) et de Solidarité Urbaine (DSU) prélevées sur laDGF représenteront pour 1998 respectivement 1,4 et 2,2 Milliards de F.

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Quelques indications sur les dépenses zonées :

«« Les dépenses de l'Etat dans les contrats de planfournissent une indication globale, dans la mesure où toutes les régions, àl'exception de l'Ile-de-France, sont peu ou prou concernées par des zonages.Hors Ile-de-France et pour la période de 1994/1999, la part de l'Etat s'est élevéeen moyenne à 12 MDS de Francs par an, chiffre à rapprocher de celui des fondsstructurels.

«« Les dépenses fiscales et sociales : elles sont présentéesdans le tableau ci-dessous, de façon globale, les analyses plus détaillées par typede zonage restant fragmentaires .

Dépenses fiscales et exonérations de cotisations sociales ( zonages Loadt et Pacte de relance pour la ville)

En MF 1997 1998Dépenses fiscales

Hors ZFUDont exonérations de TPDont exonérations d'IS

ZFUDont exonération d'ISDont exonération de TPDont exonération de TFPB

1728,00

1315,7015,70

1300,00

412,30180

191,5040,80

1756,50

1315,7015,701300

440,80180,00220,0040,80

Exonérations decotisations sociales

ZFUHors ZFU ( y compriscotisations familiales enZRR)

996,00

371,OO

625,00

1392,00

522,00

870,00

Total général 2724 3148,50

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« L'impact de la PAT est lui suivi de façon plus précise,comme le montre le tableau ci-dessous, notamment pour apprécier son effet sur lacréation d'emplois. On peut constater la faiblesse relative du nombre de dossiersprésentés et la relative modestie du niveau des aides pas emploi . A l'évidencel'engagement des pouvoirs publics est à reconsidérer.

Tableau synthétique : Bilan de la Prime d'Aménagementdu Territoire 1992 - 1996

1992 1993 1994 1995 1996Dossiers présentés 169 133 143 182 219Dossiers primés 152 117 125 164 187Taux de rejet 11 % 12 % 13 % 10 % 17 %PAT accordées (MF) 563 252.4 724.1 613 717Emplois aidés 14.351 9.322 13.934 12.966 16.948Investissements (MF) 8.860,45 4.690 9.607 13.636 17.990Nature du programme (Nbre/PAT en %)Création 45,50 % 35,1 % 40,8 % 39 % 36 %Extension 49,60 % 50,4 % 50,4 % 54,9 % 59 %Décentralisation 4,90 % 14,5 % 8,8 % 6,1 % 5 %Reprise 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %Conversion 0 % 0 % 0 % 0 % 0 %Investissements étrangersNombre de projets 56 37 54 60 65Emplois 6.295 3.290 6.492 6.017 7.393Montant de PAT (MF) 317 97 493 383 310Investissements (MF) 4.801 2.001 5.870 4.277 6.490Secteur d'activité(en % du nombre de dossiers )

Industrie 71,2 % 43,5 % 60,0 % 65,2 % 57 %Agro-alimentaire 10,6 % 27,5 % 15,2 % 15,8% 20 %Tertiaire 18,2 % 29,0 % 24,8 % 18,9 % 23 %Montant moyen PAT par emploi (F)Industrie 38.000 29.000 48.000 49.296 43.849Tertiaire 37.500 29.000 28.500 30.807 35.467Montant moyend'investissement par emploi industriel

609.730 687.32 817.22 1.145.9

1.296.9

Montant moyen de PAT par investissement en % pour les projets industriels

5,90 % 5,70 % 7,70 % 4,3 % 3,4%

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3-2-2 Le point de vue des acteurs.

Le point de vue des acteurs peut parfois être entaché desubjectivité, voire de partialité. Cependant, il reste fondamental pour apprécierune politique :

- d'abord il reflète le fait que toute politique est le faitd'acteurs, élus, monde socioprofessionnel et associatif, opinion, forces politiques; la richesse de ce tissu local traduit bien un foisonnement dont les interactionspeuvent difficilement être analysées par une approche trop technique outechnocratique ;

- ensuite parce que les acteurs de terrain ont uneperception très concrète des choses ; qui peut contester par exemple qu'unmaire ait souvent une bien meilleure conscience des réalités de sa commune, deses problèmes, des quartiers en difficulté, que celle que peut apporter unebatterie de critères souvent trop complexes ?

Il est d'ailleurs très significatif d'observer la convergencedes analyses des acteurs de terrain rencontrés pour l'élaboration de ce rapport,quelles que soient leurs origines. Elus communaux, départementaux ourégionaux, responsables socioprofessionnels, associatifs et responsables de l'Etatont ainsi exprimé, quant à l'appréciation des zonages, des points de vue trèssimilaires.

L'approche en termes d'avantages et inconvénients estcommode pour tracer les grandes lignes du bilan par des acteurs. On doitnéanmoins garder à l'esprit qu'elle doit être nuancée. Un zonage peut êtreconsidéré comme un avantage à certains points du vue, et un inconvénient àd'autres : par exemple si les critères sont opaques, ou si les mesures quiaccompagnent le zonage ne sont pas adaptées au territoire zoné.

- Avantages : ils peuvent être regroupés sous 4 rubriques :

a) La clarté, au moins théorique, de la règle du jeu :

Dessiner un périmètre à partir de critères en principeobjectifs et quantifiables, et permettre à ceux qui remplissent les conditionsdéfinies dans ce périmètre d'être éligibles à des aides présente une garantie desécurité, et d'équité. De plus, le zonage apparaît comme l'affichage clairementredistributeur des politiques de l'Etat ou de l'Union européenne ; cet effetredistributeur est d'ailleurs mieux compris, et surtout plus clairement perçu etcommuniqué, quand il s'agit d'aides directes (subventions, financements), qued'aides plus indirectes (allégement de charges).

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b) Le caractère incitatif d'un zonage pousse les acteurs àsolliciter les aides :

-l'existence des mesures liées au zonage suscite de l'intérêtpour les élus et l'opinion qui constate la possiblité de bénéficier d'aides.

-les résultats peuvent être concrètement perceptibles assezrapidement.

-la préoccupation de ne pas laisser échapper l'opportunitéde bénéficier d'aide peut être un facteur d'émergence des projets.

c) L'appartenance à un périmètre zoné peut avoir un effetpédagogique pour les responsables et les acteurs locaux :

-par la mise en réseau des compétences, la recherche departenariat pour monter des projets et construire les dossiers de financement.

-par l'aptitude à développer des projets permettant auxacteurs de s'approprier les outils et de mieux concevoir des programmesglobaux de développement.

d) L'effet d'entraînement des politiques structurelleseuropéennes, notamment en termes de communication sur les réalisations, estun élément positif de la perception de la construction européenne.

- Inconvénients

a)Le zonage induit une logique de guichet.

Sans émergence de projets, un zonage peut n'être qu'unaffichage ; un zonage sans projets ne coûte rien ; le guichet est ouvert mais il nefonctionne pas. A l'inverse, et parfois concomitamment , il suscite un effetd'aubaine : le guichet est pris d'assaut pour bénéficier des aides, sans que leprojet soit nécessairement solide ou pertinent ; le mécanisme de guichet favoriseégalement les acteurs les mieux armés pour monter les dossiers, et peut donccréer, à l'intérieur même du périmètre zoné, des discriminations.

b) Le zonage est porteur de rigidités.

Rigidité liée aux effets de frontières. Des territoires trèsproches ayant souvent les mêmes problèmes ou le même niveau dedéveloppement sont coupés par la frontière de la zone, en raison du choix descritères et de l'unité territoriale où ceux ci s'appliquent .

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Rigidité liée à la durée d'un zonage. Celle-ci est, àl'exception des fonds structurels européens, rarement limitée dans le temps. Latendance est ainsi à la pérennisation des périmètres, qui entraîne une dilution del'effort de développement car la notion de rattrapage d'un retard par une actionlimitée et concentrée dans le temps est oubliée.

c) La politique des zonages peut induire une complexitéexcessive créant incohérence et illisibilité pour l'extérieur.

Les rigidités évoquées ci-dessus tiennent à ce qu'onsuperpose des zonages nouveaux aux zonages existants, à ce que l'on imbriquedes zonages dont la finalité est parfois identique avec des procéduresdifférentes, rendant ainsi l'ensemble très opaque et peu compréhensible.

La délimitation des périmètres prend rarement en compte laquestion de la cohérence avec les zonages foisonnants de l'action administrative.

Une politique de concurrence entre les niveaux (Etat,région, département) se substitue souvent à une politique de complémentaritéaccentuant ainsi le nombre et la superposition.

Enfin, là où un effort de cohérence dans la délimitation despérimètres est observé, il peut être anéanti par la complexité des mesures et desprocédures qui sont mises en oeuvre dans ce périmètre. C'est notamment le caspour les mesures fiscales, avec souvent un régime d'exceptions, dedifférenciations d'aides, etc. qui rend peu clair non le zonage lui-même, mais lesprocédures qui y sont associées.

d) Enfin les zonages peuvent induire des effets pervers.

L'effet de stigmatisation qui, associant un territoire à desproblèmes, peut accroître le sentiment de mise à l'écart des habitants de ceterritoire : c'est le cas évoqué parfois pour les zonages liés à la politique de laville.

Le manque de concentration des zonages qui diminue leurefficacité par dispersion des moyens, et empêche l'application d'une vraiepolitique de discrimination positive en faveur des territoires qui en ont besoinréellement.

L'apparition, à l'inverse, d'une "discrimination négative",notamment envers les territoires contigus aux bénéficiaires des zonages,conséquence des problèmes de frontière cités plus haut.

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3-3 La localisation des investissements : un enjeu majeur.

La localisation de la création ou du développement d'une entrepriseest un choix stratégique de l'investisseur qui s'appuie sur un certain nombre decritères plus ou moins rationnels ou subjectifs.

Néanmoins une série de considérations semble se dégager d'aprèsles études disponibles et l'expérience des aménageurs et des élus locaux. Nousles citons ici sans ordre hiérarchique :

- Qualité des infrastructures de transport et de communication ;- Qualité de la main d'oeuvre ;- Proximité des structures de formation et de recherche ;- Qualité du site d'implantation lui-même ;- Proximité (ou facilité d'accès) du marché ;- Proximité (ou facilité d'accès) des approvisionnements ;- Qualité de l'environnement économique de l'entreprise ;- Flexibilité des règles sociales ;- Qualité de vie dans la localité ;- Qualité du contact avec les élus et les administrateurs.

On le voit, même si dans les discussions avec les élus les questionsde taxe professionnelle et les aides sont souvent mises en avant par lesinvestisseurs potentiels, il semble bien que dans la très grande majorité des cas,ces considérations ne soient pas les plus déterminantes.

Certains mêmes, n'hésitent pas à dire que la pratique courante, ettrès pénible pour les élus locaux, de la mise en concurrence de plusieurs sites surle plan local ou national, ne vise qu'à obtenir le maximum d'aides directes ouindirectes possibles bien que le choix de site soit déjà arrêté.

Ainsi l'analyse de la carte des investissements réalisés en France aucours des dernières années montre que c'est dans la moitié Est du pays que nousconstatons le plus de créations d'entreprises y compris dans des régions peu oupas du tout bénéficiaires de la Prime d'Aménagement du Territoire comme l'Ilede France, Rhône-Alpes et l'Alsace.

Cependant, et les expériences étrangères le montrent également, ilest évident que l'absence d'aides zonées spécifiques aurait condamné à priori desimplantations d'activités dans des régions disposant de moins d'atouts ouconnaissant des crises économiques lourdes comme le Nord Pas-de-Calais ou laLorraine.

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Dans ces conditions, même s'ils doivent être simplifiés ouréaménagés, les zonages demeurent un outil réel de lutte contre les disparitésrégionales la manifestation publique et concrète d'un Etat solidaire,l'encouragement à l'initiative économique et l'espérance ouverte à chaqueterritoire local d'avoir aussi un avenir.

J'ajoute même qu'une ville ou qu'un territoire gravement touchés parune crise économique structurelle ou conjoncturelle grave qui ne bénéficieraientpas de la moindre attention ou du moindre soutien de la part de sa région, deson Etat, voire de l'Europe seraient condamnés par l'hémorragie plus ou moinsrapide de ses acteurs les plus entreprenants et les plus créatifs.

Sans doute ne serait-il pas sain de mettre sous assistance générale etpermanente une ville ou un territoire en crise sans demander la moindrecontrepartie, mais il doit y avoir une juste place pour une solidarité intelligenteet active.

Dans cette problématique, la structure administrative jacobine,malgré quelques efforts de déconcentration au niveau des Préfets, est contraire àl'exigence d'efficacité économique actuelle; en effet :

- La multiplication des financements croisés et des structureslocales, intercommunales, départementales, régionales ou consulaires deprospection ou de développement parfois concurrentes ajoute à la difficulté del'investisseur qui doit "décoder le mode d'emploi politique et économique" deces institutions ou organismes pour avancer. Cet inconvénient estparticulièrement grave pour les petites et moyennes entreprises qui ne disposentni du temps, ni de l'encadrement suffisant pour ce "parcours du combattant".

- L'insécurité sur les petites Collectivités Locales qui s'engagentparfois dans des investissements immobiliers risqués ou des aides hasardeusesqui mettent en péril durablement leurs budgets, l'argent du contribuable etl'attractivité future de leur localité à cause de la fiscalité accrue qui s'imposera. Ilest bon de rappeler à cet égard que le montant des interventions diverses desCollectivités Territoriales avoisine les 20 milliards de francs par an ce qui est àcomparer aux 700 millions maximum attribués à la prime d'aménagement duterritoire. L'encouragement à la mutualisation des risques entre les CollectivitésTerritoriales notamment entre celles qui seraient organisées en "territoire dedéveloppement" ou en "réseaux" serait une réponse à cette insécurité. A cetégard on ne peut que souligner l'intérêt des projets gouvernementaux surl'encadrement et l'harmonisation des interventions économiques des CollectivitésLocales.

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- La frilosité de notre système bancaire qui hésite à s'engagernotamment dans les zones moins dynamiques où leurs effectifs et surtout leurcapacité de décision locale s'amenuisent en permanence. Entre les aventuriers dela "Silicon Valley" et les "prêteurs sur gages" qui refusent toute prise de risque ily a place pour l'initiative responsable que des audits simples et efficaces comme"Geode" proposé la Banque de France peuvent utilement conforter. Encouragerles banques à la présence locale, à la déconcentration de leurs décisions et à lamise en place de dispositifs de financement souples, efficaces et appropriés(fonds d'investissement, capital risque, etc.) est donc une nécessité majeure eturgente.

- Améliorer l'évaluation et la transparence de ces interventionspubliques en direction des élus locaux, des salariés et de l'opinion publique.Actuellement, les Collectivités Locales sont tenues de publier d'une manièreexhaustive l'ensemble de leurs marchés publics; il serait utile de faire la mêmechose chaque année avec les interventions économiques.

- En outre il faut souligner d'une façon toute particulière le rôle dela fiscalité qui va peser de plus en plus fortement sur le paysage économiqueeuropéen avec la mise en place de la monnaie unique. Les comparaisons defiscalité seront aisées et instantanées. On ne prend pas de risque à affirmer quela fiscalité comparée sera dès 2000 un critère déterminant pour la localisation debeaucoup d'entreprises moyennes et grandes en Europe.

- Enfin, il faut souligner l'inflation des trop nombreuses structures etorganismes de développement qui encombrent trop souvent le paysage desinvestisseurs et des décideurs.

Au terme d'un bilan nécessairement fragmentaire, on constate que siles zonages présentent sans doute des avantages difficiles à évaluer, leursinconvénients sont importants. Il est parfois difficile d'ailleurs d'isoler si c'estle principe même du zonage qui est en cause, ou sa mauvaise utilisation:critères peu transparents, insuffisante concentration, procédures trèscomplexes et enchevêtrées, superposition pas toujours cohérente. Il est clairque le zonage apparaît bien comme ce qu'il devrait être : un instrument auservice d'une politique; en lui faisant tenir un rôle qui n'est pas le sien, on nepeut que créer une confusion. On peut donc améliorer l'outil, mais il fautd'abord le mettre au service d'une politique.

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DEUXIEME PARTIE .

HORIZON 2000 : PROPOSITIONS POUR LAMISE EN ŒUVRE D'UNE NOUVELLE POLITIQUE

DYNAMIQUE ET DEMOCRATIQUED'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

La France dispose de cinq immenses richesses : ses hommes, sonterritoire, son histoire, sa culture et la paix.

Il n'est pas normal qu'elle se morfonde dans le doute ; il est dangereuxqu'elle s'abandonne à une attitude passive ou un renoncement attentiste ; il n'estpas sain que l'on dépense plus d'énergie à demander, voire à quémander, qu'àcréer. Il est absurde que trop de capacités humaines, de compétencesprofessionnelles et de volonté d'action demeurent en friche.

La France a montré au cours de son histoire qu'elle sait et qu'elle peutréagir quand la nécessité commande : elle retrouve alors cette vraie grandeurqui lui donne sa place bien particulière dans le concert des nations.

Le moment est venu pour elle, pour nous les Français, à la veille d'unnouveau siècle et d'un nouveau millénaire de reprendre l'initiative et de montrernotre dynamisme et nos capacités d'initiative et de réforme.

A la fois paradoxalement et logiquement c'est dans la relation nouvelleavec leur territoire vécu que les Français doivent trouver un de leurs grandsprojets mobilisateurs pour le 21ème siècle.

Ils y trouveront à la fois l'esprit d'initiative et d'entreprise nécessaire audéveloppement et à l'emploi, la dimension humaniste de la solidarité et de laproximité, le respect de leur histoire comme d'un environnement à protéger et àvaloriser pour leurs enfants et petits enfants, la pratique enrichissante del'échange, de la coopération et de la contractualisation.

Je propose dans les lignes qui suivent d'examiner successivement lescomposantes de ce grand projet mobilisateur, les conditions de sa réussite et lesdivers moyens de sa mise en oeuvre.

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1- LES TROIS COMPOSANTES D'UN PROJET MOBILISATEUR : LETERRITOIRE, LES ACTEURS ET LA DUREE .

1-1 Faire de notre territoire l'atout fondamental de notredéveloppement futur.

L'étendue, la variété des ressources et des paysages, la situationgéographique et climatique de la France dans l'espace européen sont des atoutsque nous devons utiliser pleinement aussi bien pour notre propre développementque pour attirer les investissements étrangers sur l'ensemble de notre territoire.A cet égard il convient de veiller à ce que la "continentalisation" de l'UnionEuropéenne engagée par l'élargissement ne nous "marginalise" pas en terme degrands flux d'échanges, de transports et de communication que la libéralisationdu commerce et la mondialisation ne pourront que renforcer.

Accessoirement veillons aussi à ce que l'attrait touristique,climatique et convivial de nos 36 000 communes, notamment du Sud, ne nousconduise pas à être seulement la future grande "maison de retraite" de l'Europecontinentale ou septentrionale.

Si à l'évidence chacune de nos régions voire chacun de nosdépartements ne peuvent prétendre accueillir une "Silicon Valley", il n'y aaucune raison qu'une telle perspective leur soit à tout jamais interdite enparticulier avec les potentialités encore mal explorées et exploitées desnouvelles techniques d'information et de communication.

Rappelons - nous cette phrase particulièrement tonique : "Il n'y apas de territoire sans avenir, il n'y a que des territoires sans projet".

Il nous faut, d'une certaine manière, réinventer le mythe de la"Frontière" qui a fondé l'âme américaine et engager sur des bases nouvelles laconquête de l'avenir. Des "villes-Etats" sur des espaces parfoisextraordinairement contraints, comme Hong-Kong et Singapour, ont bien réussiun développement spectaculaire (à défaut d'être forcément exemplaire) alorspourquoi pas la France avec la volonté et la compétence de ses femmes, de seshommes et de ses jeunes.

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1-2 Faire des citoyens les acteurs de cette reconquête de leur territoire.

De la désertification rurale à la surdensité urbaine, des problèmes debanlieues produites par une "architecture de la photocopieuse" aux agressionsdes diverses pollutions de l'air, de l'eau ou du paysage, de la concentration decertaines zones d'activités sans âme, à l'accablement de friches industrielles, descontraintes quotidiennes des déplacements franciliens à l'absence de transportsinterurbains en province, les français n'ont pas tort de penser qu'ils subissentvéritablement leur territoire, ou plutôt son "organisation" de plus en pluscomplexe, agressive et incohérente au regard de leur vécu.

Pour faire bonne mesure il faut y rajouter l'intolérable multiplicitédes découpages politiques, administratifs et "périphériques" (une cinquantainepar région !) chacun étant naturellement associé à "une riche et vivanteréglementation" qui ne fait la joie que des spécialistes sectoriels, des consultantsonéreux, de l'imprimerie nationale et des éditeurs de codes et de... leurscommentaires !

Au vu de l'abstention massive lors des consultations électorales, quipeut nier l'indifférence voire le rejet d'un nombre croissant de citoyens à l'égardde procédures, de règles, voire d'institutions qu'ils ne comprennent plus parcequ'elles sont trop complexes et trop étrangères à leurs préoccupationsquotidiennes sans même leur apporter par ailleurs le rêve d'une grande ambitioncollective.

Pire : ils ont parfois le sentiment de ne plus découvrir de finalitépositive à des structures qu'ils paient de leurs impôts. Là où ils attendentlégitimement : cohérence, lisibilité, services, ils ne trouvent qu'émiettement,rigidité et complexité.

On ne sera pas étonné que je propose à nouveau, en cette matièrede relations à son territoire, une sorte de "droit d'expression des citoyens" qui,partant de leur vécu, formuleraient, bien au-delà des revendications légitimes desécurité, de tranquillité et de cadre de vie, un projet pour leur territoire :agglomération ou pays ou naturellement les deux associés.

A l'opposé de la passivité "exigeante" face à tel ou tel zonage espéréou primes diverses attendues, on s'engagerait ainsi dans une attitude active etmobilisatrice des énergies, des compétences et des idées aujourd'hui souventinexploitées ; on y trouverait à la fois la réponse à sa quête identitaire et ledynamisme d'une démarche collective.

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On y trouverait aussi l'incomparable richesse de la diversité deshommes, des lieux et des projets qui correspond largement à la dimensionindividualiste et affinitaire de notre société et qui nous protégerait utilement del'uniformité toujours réductrice et précaire dans un monde en perpétuelleinnovation.

On verra plus loin quelques suggestions plus précises sur lesprocédures possibles d'élaboration de "territoires de projet" associantintelligemment les acteurs de terrain et les responsables institutionnels dans lecadre d'une démocratie plus participative ; mais il est nécessaire que s'y appliqueaussi la dimension de solidarité.

C'est ainsi que tout naturellement doit se mettre en oeuvre lapratique contractuelle déjà initiée depuis la décentralisation dans les "ContratsEtat-Régions".

Si la relation est équilibrée, la politique contractuelle comporte desatouts majeurs :

- la richesse du dialogue entre les partenaires qui permet d'affiner et de faireconnaître les projets ;

- la possibilité de modulation financière selon la situation du territoire considéré,de ces moyens humains ou budgétaires.

1-3 Mettre en oeuvre une politique nouvelle d'aménagement et dedéveloppement durable.

1-3-1 - Au niveau local, une nouvelle politique : un "territoire, un projet,un contrat"

Un projet associé à un territoire élaboré à la base et bénéficiant d'unsoutien contractualisé, voilà les éléments fondateurs d'une nouvelle politiquedynamique d'aménagement et de développement durable au service deshommes.

Certes, beaucoup de questions se posent qu'il appartiendra auGouvernement, voire au Parlement de trancher : mais il m'apparaît nécessaire defixer quelques points fondamentaux.

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I - Cette démarche d'aménagement du territoire doit s'inscrire dans la durée.

II - Cette démarche ne doit ni s'aligner, ni se confiner servilement dansl'opportunisme et la précarité d'une zone, d'une aide, d'une prime fussent-elleseuropéennes .

III - Cette démarche doit être reconnue, encouragée et partagée par lesadministrations et pas seulement tolérée .

IV - Cette démarche ne doit pas s'enfermer étroitement dans les limitespolitiques ou administratives existantes : si les communes, dont "les clochersdoivent devenir un peu moins pointus", ont vocation à rester l'unité de base, le"territoire de projet" peut parfaitement s'affranchir des limites du canton ou dudépartement, voire de la région. Le périmètre pertinent devra être avant toutcelui du territoire vécu quotidiennement ou régulièrement par la majorité deshabitants dans tous les domaines de la vie: travail, santé, social, études,démarches administratives, culture, sports, loisirs, activités associatives, etc.

V - Cette démarche doit être authentiquement partenariale et participative danssa conception, sa mise en oeuvre et son évaluation. A cet égard il ne semble pasnécessaire, au moins dans un premier temps de créer des institutions lourdes ; aucontraire la responsabilisation de divers partenaires existants désignés commemaître d'ouvrage sur telle ou telle action appropriée est un gage de motivationet de plus large mobilisation ; l'expérience réussie des Parcs Naturels Régionauxpeut-être une utile référence sur le plan de la méthode .

VI - Cette démarche, si elle doit respecter les règles de droit et peutintelligemment s'organiser en réseau, ne doit pas forcément être confinée dansun encadrement normatif et uniforme ni même dans une appellation unique .

VII - Cette démarche, au moment même de la définition du projet et duterritoire, exige des moyens humains et financiers dont sont malheureusementdépourvues certaines zones rurales en particulier. Il conviendra donc de lesaider plus fortement dès la conception du projet et naturellement dans sa miseen oeuvre .

VIII - Cette démarche devra s'intégrer dans celle des Contrats Etat-Régions etdes Schémas Régionaux. Cela signifie que le périmètre comme le contenu serontvalidés par l'Etat via le Préfet de Région et le Conseil Régional, l'un et l'autreayant vocation à participer au financement, au suivi et à l'évaluation des actionsengagées .

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IX - Cette démarche devra impliquer fortement le monde économique etbancaire pour que se développent largement toutes les synergies possiblesassociées à des niveaux de décision les plus déconcentrés. A cet égard sansméconnaître le poids de la concurrence internationale dans le monde bancaire, ilest plus que jamais indispensable que les épargnants comme les professionnelsde la finance soient réorientés vers l'investissement productif plutôt que vers lespratiques spéculatives. Une fiscalité plus attractive sur l'actionnariat directementproductif y compris dans les PME/PMI et les TPE, et une fiscalité alourdie surles produits strictement spéculatifs, seraient de nature à encourager la créationet le développement, si nécessaire, d'entreprises.

De nombreux exemples étrangers montrent que des réseaux locaux definancement recyclant et valorisant l'épargne locale avec des banquiersentreprenants, connaissant bien le tissu économique et les hommes et disposantdu pouvoir de décider, sont les atouts irremplaçables pour accompagner lacréation, l'innovation et le développement d'activités diverses. La mise en place"d'emprunts de proximité" ciblés sur un territoire ou un projet, va à l'évidence sedévelopper, tant il est vrai que le nomadisme ultralibéral qui court le monde enquête du seul profit porte en lui ses limites; l'économie sociale n'est pas morte...

X - Cette démarche devra en outre bénéficier d'outils d'intervention et definancement réorientés ou nouveaux. On peut penser ainsi à une nouvelleaffectation des instruments fiscaux, financiers ou sociaux existantéventuellement pour certains zonages.On peut penser également à l'utilisation d'une partie des "Fonds Propres" desCaisses d'Epargne dont la disponibilité est tentante pour le niveau central maisdont l'injection dans l'économie de proximité que l'institution connaît bien seraitun puissant moteur de développement sous forme par exemple de prêts à tauxtrès réduits. Au demeurant cet usage serait particulièrement approprié à unstatut rénové dans le cadre de l'économie sociale : on a bien trouvé vingtmilliards de francs pour Air France !On pourrait aussi imaginer qu'une taxe, qui ne manquera pas d'apparaître unjour plus ou moins prochain, même très faible sur les télécommunications seraitparticulièrement bien adaptée à des actions d'aménagement du territoire. Etpourquoi pas demain, une taxe sur certaines opérations ou transactionsboursières dont l'idée a déjà été évoquée... quitte à diminuer un certain nombred'impôts locaux ?

XI - Cette démarche devra s'efforcer d'associer le plus largement possible lemonde de l'enseignement général, professionnel, technique et supérieur ainsi quela recherche : produire, partager et valoriser le savoir sur l'ensemble du territoireest une belle ambition raisonnable.

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XII - Cette démarche, en matière d'évaluation, devra pouvoir s'appuyer sur lescapacités reconnues de l'INSEE qui suivra l'évolution de ces territoires de projetdans leur périmètre et avec des critères socio-économiques nouveaux etappropriés. Par ailleurs, l'animation devrait être assurée et coordonnée par uneDATAR renouvelée et renforcée notamment dans sa présence et son actiondéconcentrées.

Ainsi on le voit ces "territoires de projet", "ces pays" devraientprogressivement constituer le "fond de carte" du territoire nationalmétropolitain et ultra marin. L'expression et l'action des citoyens dessineraientune nouvelle carte de leur France où s'exprimeraient tous les talents disponiblespour un développement local que viendraient naturellement conforter desinvestissements externes ou étrangers en quête d'espace et de savoir faire dansun cadre de vie protégé et valorisé.

Ces perspectives nouvelles et fortes d'un développement local prioritaire etnon marginal ne sont pas proposées comme un hommage "girondin" à tous lesdéveloppeurs et animateurs de terrain dont on sait la conviction, l'opiniâtreté etles trésors d'imagination, très largement partagés par les Maires, les ElusLocaux et nombre d'associations entreprenantes et militantes. Il s'agit d'unevéritable stratégie de reconquête de notre territoire par les Français. Ce doit êtrel'ambition des vingt ans qui viennent pour donner un visage humaniste à cesiècle et ce millénaire qui commencent avec bien des incertitudes : il y aurait làau moins un socle robuste et authentique, parce qu'il émergera du territoire etdu vécu des hommes.

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SCHEMA INDICATIF POUR LA MISE ENOEUVRE DES "TERRITOIRES DE PROJET"

L'objectif étant de couvrir à terme d'une manière exhaustivel'ensemble du territoire national, la méthode d'action doit êtreparticulièrement soignée.

A – L'association de tous les acteurs concernés par le territoire enquestion : élus communaux, intercommunaux, départementaux etrégionaux, les Préfets, Sous-Préfets et administrations de l'Etat, lesreprésentants patronaux, syndicaux, consulaires, associatifs, le mondeéducatif, l'économie sociale et les conseils économiques et sociaux.

B- Une procédure démocratique

l Une phase de sensibilisation et d'information s'achevant sur desAssises Régionales à la préparation desquelles les ConseilsEconomiques et Sociaux Régionaux devront particulièrement êtreassociés.l Une phase d'élaboration du "document fondateur" qui comprendraoutre le périmètre, le contenu du projet, le mode de fonctionnement(financement, maîtrise d'ouvrage, communication, etc...). Ce travail,dont on sait qu'il exige une longue et réelle concertation entre lespartenaires, doit être aidé par des contributions "intellectuelles" desadministrations, des partenaires sociaux, de bureaux d'étudessubventionnés par l'Etat et/ou la Région et des monographies del'INSEE.

l Une phase de validation du "projet-territoire" par les diversescollectivités territoriales concernées (communes, intercommunalité,départements, régions) par les partenaires et par l'Etat qui dispose del'arbitrage final sur le projet comme sur le contrat modulé en fonctiondes besoins, des priorités et de la situation sociale et économique dechacun des territoires.

Il est recommandé également de ne pas imposer une appellationunique pour chacun de ces territoires (pays, val, plateau, parc, etc.)Il est recommandé de ne pas imposer non plus une formeinstitutionnelle unique, il est plus important de motiver et de mobiliserle maximum de partenaires par la ventilation des maîtrises d'ouvrage.

l Une procédure d'évaluation dont les modalités sont détaillées dansla dernière partie du rapport .

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1-3-2 - Au niveau régional : l'organisation concertée du territoire sur labase des Schémas Régionaux et des Contrats Etat et Régions.

D'autres travaux en cours, notamment les rapports deM.CHEREQUE et de M.MORVAN, fourniront aux pouvoirs publics lesinformations et les recommandations utiles sur la mise en oeuvre de ces deuxoutils d'aménagement et de financement.

On se contentera ici de quelques suggestions plus particulièrement liéesà la politique des "territoires de projet", des zonages maintenus ou réformés et àla "vie régionale".

I - Le niveau régional, malgré ses limites actuelles, est pertinent pour élaborerune stratégie d'aménagement et de développement à condition de bien définirses priorités, en cohérence avec les choix nationaux, ses complémentarités et sescoopérations internes et externes et à condition d'éviter une nouvellecentralisation administrative, politique, économique ou culturelle qui pénaliseraitl'avenir de l'ensemble de son territoire au profit de la seule ville centre.

II - Le niveau régional, le plus récent dans nos institutions, doit être le lieu de laplus large concertation en particulier pour définir les "territoires de projet" et leSchéma Régional : il est donc proposé :

- de valoriser le rôle des Conseils Economiques et Sociaux Régionaux : ilspourraient, par exemple, être chargés de la mission de préparer et de présenter,lors d'Assises Régionales précédant les arbitrages, les futurs périmètres des"territoires de projet";

- de rendre effectif le fonctionnement des Conférences Régionales pourl'Aménagement et le Développement du Territoire ( CRADT), créées parl'article 6 de la LOADT et ses décrets d'application . Un véritable pouvoir decoordination et de pilotage doit lui être conféré, et pour se faire, elle doit seréunir plus d'une fois par an ;

- de tenir tous les deux ans des Assises Régionales plus larges réunissant àl'initiative et autour du Conseil Régional toutes les forces vives de la Région :élus, administrations, monde économique, syndical, culturel et associatif. Lesrencontres seraient l'occasion de faire le point sur l'évolution régionale et derenforcer le sentiment régional dans le contexte national et européen .

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III- Le niveau régional doit être également une force de proposition, d'arbitrageet d'initiative dans plusieurs registres :

- élaboration des périmètres des "territoires de projet" (Conseil Régional, l'Etatconservant un pouvoir ultime d'arbitrage );- proposition des zonages bénéficiant des soutiens de l'Etat ou de l'UnionEuropéenne;

- proposition et soutien, voire animation de politiques actives en faveur detoutes les formes de réseaux, infra-régionaux (de villes, de transports, denouvelles techniques, d'informations et de communications) et surtoutuniversitaires;- promotion des coopérations inter-régionales, transfrontalières et desparticipations à de grands ensembles Européens (Arc atlantique, Arcméditerranéen, etc.);

- promotion, valorisation et soutien des politiques européennes, générales ouspécifiques concernant la région, notamment dans les domaines où les acteurssont moins structurés;

- en outre, le renforcement du rôle des CAR (Conférences AdministrativesRégionales) et des SGAR paraît très souhaitable y compris pour veiller à laprésence équilibrée, effective et efficace des diverses administrations surl'ensemble du territoire régional.

1-3-3 - Au niveau national : les grands choix d'aménagement et dedéveloppement durable du territoire.

Le CIADT du 15 décembre 1997 a lancé une réorientation deschoix majeurs de l'Etat, désormais largement publics, qui vont se décliner dansun calendrier très tendu dans les 18 mois qui viennent jusqu'à l'échéanceparticulièrement importante de l'an 2000.

En effet, à cette date, devraient entrer dans leur phase active lesréformes suivantes, dont la préparation, notamment sous forme de projetslégislatifs, est en cours:

- la nouvelle "Loi pour l'Aménagement Durable du Territoire" ;- la nouvelle "Loi d'Orientation Agricole" ;- la nouvelle législation sur l'intercommunalité ;- la nouvelle législation sur l'intervention économique des

collectivités territoriales ;- les nouveaux règlements relatifs aux "Fonds Structurels

Européens" ;- la nouvelle "Politique Agricole Commune" ;- les nouveaux "Contrats Etat-Régions" ;

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On le voit "le paysage national" devrait connaître des évolutionsfortes qui correspondent d'une part à l'attente des Français, et d'autre part ànotre ambition légitime dans l'espace européen.

C'est pourquoi un certain nombre de suggestions nous semblentutiles pour éclairer les débats à venir.

Ä En ce qui concerne la loi du 15 février 1995 (PASQUA -HOEFFEL) son actualisation a, entre autre, pour objet de définir les nouvellesorientations relatives aux "Schémas de Services Collectifs" dans les domainesessentiels : enseignement supérieur et recherche, culturel, sanitaire et social,information et communication, transports de voyageurs, transport multimodalde marchandises, espaces naturels et énergie.

Il est évident que les projets issus du territoire et des régionsdevront être cohérents avec les orientations nationales et compatibles avec lesressources budgétaires de chacun. La démarche contractuelle y veilleranaturellement mais il est fondamental que les engagements de l'Etat soientmieux tenus que dans le passé.

Comme il est prévu dans les travaux préparatoires du nouveaudispositif législatif, l'accent devra être mis non seulement sur les besoins actuelset internes de nos populations, mais aussi sur la préparation dynamique del'avenir à dix ou vingt ans et sur un horizon plus large que nos seules frontièreshexagonales.

A cet égard, l'achèvement du maillage Nord-Sud et Est-Ouest denos grands réseaux doit être réalisé pour garder l'attractivité de notre pays faceà la " continentalisation " de l'Europe et au développement qui s'accélère de la"Mitteleuropa " . Ainsi pourrait on fixer le principe que chaque ville moyennesoit correctement reliée à un système de liaisons autoroutières ou à 2x2 voiesainsi qu'à des lignes TGV par le biais de bonnes liaisons ferroviaires intercités.

Ä En ce qui concerne la loi d'orientation agricole et la nouvellePAC on peut formuler les recommandations suivantes relatives au monde ruraldont on sait, grâce à la très récente étude de l'INSEE et de l'INRA ("lescampagnes et leurs villes") qu'il est en pleine évolution. Evolution qui d'ailleursconforte d'une manière décisive les notions de "territoires de projet" ou de"pays" :

- Ainsi il apparaît indispensable que le monde agricole dans toute sadiversité soit étroitement associé à toutes les démarches locales etrégionales d'aménagement du territoire.- Ainsi il apparaît indispensable qu'y soient intégrés d'une manièrepositive et cohérente les "Contrats Territoriaux d'Exploitation"prévus par la loi d'orientation, les interventions nouvelles duFEOGA et d'une partie des Fonds Structurels (objectif 2 nouveau)en matière de développement local.

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- Ainsi, bien que la majeure partie des interventions publiques enfaveur de l'agriculture ne soient pas territorialisées, il apparaîtnécessaire de maintenir, quitte à procéder à certains ajustements, leszonages relatifs aux handicaps naturels (montagne) ou à descontraintes spécifiques imposées par la situation ou la législation(littoral par exemple).

Ä En ce qui concerne les lois relatives à la réforme del'intercommunalité, de l'intervention économique des collectivités territoriales,elles ne peuvent qu'avoir un effet bénéfique en contribuant aussi à la dynamiquedes territoires avec toutefois les prudences et les garanties nécessaires.

Ä En ce qui concerne les outils nationaux de l'aménagement duterritoire, si les "territoires de projet" relèvent d'une politique d'initiativelargement décentralisée et accompagnée par une pratique contractuelle, cettedémarche fondamentale ne suffira pas à combler rapidement les retards et lesdifficultés de certaines régions.

Une politique de solidarité est donc aussi légitime que nécessaire.Elle peut être d'origine nationale ou d'origine européenne. Ces deux registresont la particularité d'être étroitement associés à la pratique des zonages .

Il convient donc de préciser maintenant les orientations en matièrede zonages. La philosophie de ce rapport tient à en souligner les limites enterme de complexité et de résultats, tout en précisant qu'il s'agit d'une phasetransitoire et que l'effort de simplification et d'harmonisation avec les autresoutils de la politique d'aménagement devra être poursuivi et soutenu .

2-LES ZONAGES : SIMPLIFICATION, EQUITE, EFFICACITE .

Comme le bilan esquissé ci-dessus l'a montré, les zonages ont tropjoué à eux seuls, et de façon souvent ambiguë, le rôle d'une politique globale .Or la réalité nous montre que la mise en place d'un zonage ne suffit pas à créerl'initiative économique ni l'emploi, dans la mesure où la logique de guichetqu'elle sous-entend peut générer une attitude passive des acteurs . Si le zonageest donc un instrument dans la panoplie des instruments d'aménagement et dedéveloppement, son utilisation doit être plus clairement définie et encadréequ'elle ne l'a été jusqu'à maintenant.

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2-1 Des principes au programme.

Substituer une logique de projet à une logique de guichet doit êtrel'objectif d'une politique d'aménagement fondée sur l'initiative des territoires.Néanmoins, une telle substitution ne peut se faire sans transition, ne serait ceque parcequ'il faut laisser le temps de l'émergence aux territoires de projet . Parailleurs, il serait illusoire de se priver de l'outil qu'est le zonage pouraccompagner et favoriser les transitions vers la logique de projet . Enfin, il seraitcontradictoire d'affirmer que le développement repose sur la durée, et desupprimer des outils dont la mise en place est trop récente pour qu'on puisse enapprécier le réel impact . C'est pourquoi je propose de maintenir un dispositifallégé de zonages, en insistant sur deux aspects :

- ce dispositif devra désormais s'appuyer sur des principesrigoureux de mise en œuvre, de suivi et d'évaluation ;

- ce dispositif doit être entendu comme la transition, il n'est qu'uneétape vers une révision sans doute plus radicale à l'horizon d'une décennie .

Il convient donc de fixer au préalable quelques principes de base:

I - En termes d'efficacité il est incohérent de zoner plus de la moitié du territoire:dès qu'un problème atteint une certaine ampleur territoriale, il vaut mieux dansce cas prendre des mesures de politique générale.

II - En termes de périmètre, les zonages nationaux, dès lors que leur contenun'est pas contraire au droit communautaire, n'ont pas à être calqués servilementsur les dispositifs européens, qui ont leur spécificité. En effet, une conceptionclaire de la subsidiarité fait apparaître que les objectifs des zonages liés auxfonds structurels européens et ceux des zonages nationaux ne sont pas lesmêmes . Ceci sera précisé ci-dessous dans la partie traitant des politiquescommunautaires .

III - Tout zonage doit avoir une limite dans le temps, fondée sur une évaluation;des clauses de révision peuvent introduire une utile souplesse dans les duréesétablies.

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IV- Les mesures et les avantages associés à un zonage doivent être limités ennombre et simplifiés pour être compris par tous les acteurs, les citoyens et lessalariés. Dès maintenant, un groupe de travail interministériel devra procéder àune clarification pour mettre fin au véritable " mitage " fiscal et social soulignépar la direction du budget du Ministère de l'économie et des finances. Uninventaire précis de toutes les mesures fiscales et sociales contenues dans lesdispositifs existants liés à des zonages sera élaboré; le groupe devra faire despropositions concrètes pour limiter le nombre de mesures par zonages, enunifier l'application par la restriction des exceptions ou des durées noncohérentes; enfin l'impact attendu des mesures devra être chiffré, surtout dans lecas où elles reposent sur des allégements fiscaux ou sociaux.

V- Les procédures d'instruction et de gestion doivent être simplifiées . Ilconvient notamment que la mise en place des guichets uniques, souvent évoquéemais trop rarement mise en œuvre, soit accélérée.

VI- Un dispositif sera prévu pour empêcher le "nomadisme" d'entreprises : lesaides publiques doivent à cet égard être réservées à la création de nouveauxemplois ou activités et non aux transferts. Le contrôle de ces dispositifs devras'inspirer de la proposition ci-dessous relative aux Zones franches urbaines .

VII- Sauf exception les dispositifs en place pourront perdurer jusqu'au termefixé par la loi, lorsqu'il a été explicitement prévu. D'une manière générale ladurée des zonages devrait être la même pour tous les zonages, et cohérenteavec celle des contrats Etat- Régions . Néanmoins, les zonages fondés sur uneapproche plus " structurelle " pourront avoir une pérennité plus grande(montagne par exemple ) .

VIII- Toute création éventuelle de zonage doit être assortie d'un dispositiftransparent d'évaluation accessible à tous. Une étude d'impact devra préciser lesobjectifs de ce zonage, son coût et les effets attendus. Elle devra égalementenvisager si cette création ne peut s'accompagner de la suppression dedispositifs déjà existants, pour éviter l'accumulation de strates successives dezonages . Enfin l'Etat, les collectivités locales et les EPCI devront se concerterpour éviter l'accumulation excessive de zonages spécifiques " locaux " sesurajoutant à ceux existants : cette concertation pourrait utilement se déroulerau sein des CRADT , et du CNADT .

IX- Les moyens financiers dégagés par la suppression de certains zonages oudispositifs devront être redéployés au seul bénéfice de la politiqued'aménagement du territoire, par exemple par abondement des enveloppes PATou des Fonds d'aménagement ( FNADT notamment ) .

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X- "Agglomération" ou "pays" : quel territoire de projet pertinent ?

La question est souvent posée. En effet 80 % de la population vit en zoneurbaine et la désertification rurale est loin d'être enrayée même si l'on constateun réel développement d'un périurbain qui s'élargit. On peut distinguer lesschémas suivants :

Première formule : La juxtaposition

«« un territoire d'agglomération«« un territoire rural

Dans cette hypothèse, il semble judicieux d'encourager une coopération, aumoins thématique, entre les deux.

Deuxième formule : L'unité

«« Un seul territoire de projet regroupant zone urbaine et zone ruraleassociées.Plus exigeante mais plus porteuse d'avenir et de solidarité cette hypothèsedevrait être la plus soutenue.

Troisième formule :

«« Un seul territoire urbain et rural mais avec une doublecontractualisation:

- l'une à caractère global pour l'ensemble des projets ;- l'autre à caractère spécifique pour prendre en compte les "fonctions

urbaines" (charges de centralité et des quartiers sensibles).A cet égard au delà même des modulations financières proposées pour les

Contrats Etat-Régions il est recommandé de mettre en œuvre une majorationtrès forte de la DSU au profit de la " politique de la ville ", ou plutôt de la"politique des villes " quitte à exiger un rapport annuel aux Conseils Municipauxsur l'usage de ces fonds spécifiques de solidarité . On aurait là un partage fortutile et bien nécessaire des fruits de la croissance .

Cette 3ème formule reçoit ma préférence car elle permet une plus grandeflexibilité et une meilleure négociation entre les collectivités locales.

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XI- L'effort d'émergence des territoires de projet doit être particulièrementsoutenu, car il conditionne à terme l'abandon de la logique de guichet et deseffets négatifs dont elle est porteuse. Il s'agit donc de primer l'organisation desterritoires selon les modalités détaillées ci-dessous, l'objectif étant, à l'horizon2006, de disposer de la couverture la plus large possible du territoire national .

Territoires de projet et zonages : une nécessaire articulation

Trois cas sont à distinguer

a) Le territoire de projet est totalement inclus dans un zonage existant : lesdispositifs prévus de soutien liés au zonage seront en ce cas prioritairement affectésaux territoires de projet .

b) Le territoire de projet est partiellement inclus dans un zonage existant : ilconviendra de faire en sorte que la frontière créée par le zonage dans le territoire deprojet ne nuise pas à la logique de projet . Pour ce faire, il faut que la responsabilitéde la gestion des procédures zonées demeure de la compétence des gestionnaires duprojet global de territoire .

c) Le territoire de projet est contigu à un zonage existant : il conviendra là ausside concevoir des dispositifs négociés de lissage, dès lors que le diagnostic duterritoire de projet démontre que sa situation est proche de celle des territoires zonés.

d) Les mécanismes décrits en a, b et c devront être validés par le CNADT

De plus, les éléments suivants doivent compléter le dispositif :

. Territoires et contractualisation : la contractualisation, fondement de l'inscriptiondes territoires de projet dans la durée, sera conforme aux propositions formuléesdans son rapport par M. Jacques CHEREQUE .

. Territoires et mesures non zonées. Outre les futurs PIC redéfinis, il existe une importante panoplie de mesures misesen place par l'Etat ou les collectivités locales ( ORAC, OPAH, Coeur de pays, Millevillages, etc.) Afin d'assurer un usage optimal des fonds publics, ces dispositifs devront êtreréservés aux territoires de projet au fur et à mesure de l'émergence et dudéveloppement de ceux ci . Il est également proposé une majoration significative des aides et dessubventions de l'Etat et des Régions ( de l'ordre de 20 % ) dès lors qu'elless'appliquent à des territoires de projets constitués.

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2-2 Les zonages nationaux économiques : une première phase d'allégementet de simplification .

Il est clair que la stratégie esquissée dans ce rapport, qui repose surla promotion des logiques de projet associé à des territoires pertinents, conduiraà terme à une modification très radicale de la politique des zonages, dans le sensd’une limitation maximale . Il est non moins clair que cette stratégie, si on neveut pas bousculer des équilibres souvent fragiles, doit être progressive etlargement concertée .

Les propositions ci-dessous reposent sur deux principes : leregroupement des zonages par famille, en fonction de l’objectif poursuivi,soutien ou intervention ; le maintien de deux familles, urbaine et rurale, sachantque cette séparation ne devra être que provisoire et qu’il faut tendre vers uneapproche intégrée des territoires. En fonction de cela, je propose de retenir deuxfamilles de base pour les politiques publiques en faveur de la solidarité, durééquilibrage et de la redynamisation de certaines zones :

Les zones de soutien qui bénéficient principalement d'allégements diverset d'accès facilité à certains fonds ou financements privilégiés.

Les zones d'intervention qui bénéficient en outre de subventions et d'aidesaccrues.

2-2-1 Les zones de soutien.On en retiendra 2 catégories : l'une à dominante rurale, l'autre à dominante

urbaine.

A- pour l'espace rural :

I - Les zones de revitalisation rurale (ZRR) : elles concernent 30 %des communes (11 674) et près de 40 % du territoire (212 000 km²). Decréation législative récente elles pourraient être reconduites pour 5 ans soitjusque fin 2004. Elles reposent sur des critères bien définis, et font l’objet d’uneforte concentration ; elles répondent donc bien à leur objectif, même si ladélimitation des périmètres peut faire l’objet d’ajustements, notamment pourprendre davantage en compte la place des bourgs-centres dans le dispositif .

Corrélativement, la suppression des TRDP est proposée . Leurmanque de concentration et un choix des critères moins objectif les caractérise.De fait, les TRDP correspondaient assez largement au zonage de l’objectifeuropéen 5 b ; celui-ci disparaitra comme tel dès l’an 2000 . Les moyensconsacrés aux TRDP permettront ainsi un redéploiement de ressources dans unsouci de plus grande efficacité .

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II - Les zones de montagne .

Ce zonage a été longtemps considéré comme« exemplaire ». Il reposenotamment sur une approche fondée sur la constatation objective de handicapsnaturels, source de difficultés structurelles .

Les zones de montagne concernent actuellement 8 615 communes et 162143 km² dans nos 7 massifs montagneux et l’impact positif en termesnotamment de maintien de l’activité agricole est avéré. Certaines interrogationssur l'insertion de régions de piémont dans ce zonage se font jour, qu'il faudraexaminer avec soin ce qui conduira peut être à corriger à la marge les périmètres.

Il y aurait par ailleurs sans doute intérêt à réfléchir sur les zones agricolesdéfavorisées issues de la directive européenne de 1975 pour aboutir à une visionplus homogène de ces types de zonage, ceci bien entendu indépendamment desautres mesures, nationales ou communautaires, de la politique agricole.

B - Pour l'espace urbain :

I - Les Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU).

Il s'agit d'élargir à tous les 750 quartiers classés Zones Urbaines Sensibles(ZUS) le dispositif ZRU proprement dit qui n'en comporte que 329 actuellement.En effet les problèmes y sont relativement identiques, et le contenu desprocédures très proche . Le rapport SUEUR a montré l'ampleur et l'urgence desinterventions sur la ville, en soulignant le caractère peu approprié des dispositifsde zonage pour y faire face.

Le dispositif de simplification proposé est donc une étape vers la mise enplace des structures et des contrats d'agglomération, notamment pour permettreà ces futurs contrats d'intégrer la dimension " allégement de charges " queproposent les ZRU.

Par ailleurs, dans le souci de cohérence des futurs territoires de projet, ilconvient de s'interroger pour savoir si le niveau pertinent de négociation et demise en œuvre des futurs contrats d'agglomération ne doit pas être le niveaurégional .

A cet égard la mise en œuvre comme indiqué plus haut d'une nouvelle"politique des villes " et des agglomérations est à l'évidence prioritaire et devraavoir une part réservée et identifiée non seulement dans chaque contrat Etat-Région mais aussi dans la prochaine Loi de finances pour 1999.

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II - Les Zones Franches Urbaines (ZFU).

De même que les zones de montagne sont une formule complémentairerenforcée de l'aménagement rural, de même, malgré un coût élevé et denombreuses réserves exprimées, notamment dans le rapport SUEUR, les ZFUpeuvent apparaître comme un renforcement du zonage propre aux problèmesurbains. Il est proposé de maintenir, pour une durée limitée, sur leur périmètreactuel (44 zones) les zones franches urbaines sous certaines conditions enattendant de disposer d'une évaluation précise de leur impact. Néanmoins, il fautagir dès maintenant sur certains effets pervers qui ont pu être relevés dans lemécanisme des zones franches; il en est ainsi du " nomadisme" de certainesentreprises davantage préoccupées de rechercher des primes que de créer denouveaux emplois . Il faut donc favoriser essentiellement " la création pured'activité " . Quant aux transferts, je propose que les investisseurs, dès lors qu'ilssollicitent des aides publiques, ne puissent en bénéficier que si ce transfert faitl'objet d'un avis conforme de la collectivité ou de l'établissement public dedépart, qui pourront faire des contre-propositions . Tout détournement desaides publiques doit être sanctionné par le recouvrement intégral de celles-ci.

2-2-2 Les zones d'intervention économique.

Ce zonage correspond aux Zones d’Aménagement du Territoire ( ZAT), etil est celui de la distribution de la Prime d’Aménagement du Territoire (PAT) .Cette "prime à l’investissement et à l’emploi " doit être repensée en prenant encompte les considérations suivantes :

- Compte tenu des inégalités persistantes voire croissantes en terme dedéveloppement économique et d'emploi sur le territoire ;compte tenu de laconcurrence européenne et internationale accrue ; compte tenu du découplagesouhaitable entre les zonages européens et nationaux ;- Compte tenu des projets législatifs de renforcement de l'intercommunalité etd’autorisation d'intervention économique des collectivités territoriales dans lerespect des règles communautaires (projets Chevènement-Zuccarelli) quicouvrira l'ensemble du territoire ;- Compte tenu du nombre limité de projets industriels et tertiaires présentésannuellement au bénéfice de la Prime d'Aménagement du Territoire et du coûtmesuré pour les finances publiques ;compte tenu de la nécessité d'accompagnerla reprise et de soutenir la croissance ;- Compte tenu de la durée pour obtenir le rééquilibrage souhaitable ,

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il est proposé les dispositions suivantes, notamment en fonction deséchéances européennes, la carte PAT devant être notifiée à la Commissionà échéance du 31 mars 1999 :

I- Dissocier le problème des implantations industrielles, notamment mobiles, decelui des implantations tertiaires . Le zonage PAT industrielle, compte tenu descontraintes communautaires, doit s'attacher essentiellement à permettre desopérations significatives en matière d'emploi . Il est donc clair que, si oncompare le coût d'un chômeur ( plus de 100 000 F/an) aux montants de PAT,celle-ci est insuffisante . Il faut donc la majorer .

II – Par ailleurs, la combinaison, dans les ZAT, de la PAT proprement dite etdes mesures associées ( allégement de charges, aide à l'immobilier d'entreprise),ne se justifie que si elle est obligatoire en droit communautaire . Dans le cascontraire, il convient de dissocier les mesures, car elles n'ont pas le mêmeobjectif : attirer des chefs d'entreprise dans un cas, conforter l'actionéconomique des collectivités de l'autre .

III- Maintenir la possibilité de taux majoré et dérogatoire pour les sites les plusen difficultés .

IV - Maintenir l'application de l'article 5 du décret du 6 février 1995:"Article 5 - A titre dérogatoire, la prime d'aménagement du territoire peut êtreattribuée pour des opérations qui, tout en respectant les autres conditionsprévues au présent décret, sont réalisées en dehors des zones figurant auxannexes I et II et contribuent à la solution de problèmes locaux d'emploi d'uneparticulière gravité" .

V - Maintenir l'application de l'article 6 du décret du 6 février 1995 qui permetdes interventions ponctuelles pour des opérations qui présentent un caractèreexceptionnel soit par leur coût, soit par leur intérêt économique notammentdans des régions touchées par le chômage ou le déclin démographique.

VI- La PAT tertiaire devrait quant à elle, sous certaines conditions, ne pas êtreune mesure zonée; par exemple, si un laboratoire souhaite s'installer seulementprès de Lyon et nulle part ailleurs en France, pourquoi ne pas lui permettre debénéficier de cet instrument ?

2-2-3 Prendre en compte la spécificité des départements d'outre mer.

Les DOM, qui sont à la fois Région et Département, fontpleinement partie du territoire de la République et appartiennent donc auterritoire communautaire européen.

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Ils ne forment cependant pas une entité homogène : à leur situationgéographique différente insulaire (Antilles - Réunion) ou continentale (Guyane)s'ajoutent des contextes géopolitiques, économiques ou sociaux très divers.

Il est donc légitime que l'Union Européenne reconnaisseofficiellement cette spécificité due à leur situation "ultra périphérique" (c'est cequi est prévu par le traité d'Amsterdam) mais il est important aussi que soientpris en compte et pleinement valorisés, dans leur espace géographique, leursatouts propres à la fois dans l'intérêt de leur population, de la France et del'Europe.

Actuellement les DOM sont classés en "objectif 1" et ont bénéficiéaussi d'un certain nombre de Programmes d'Initiative Communautaire pour unconcours global de 11 milliards de francs dans la période 1994-1999.

En ce qui concerne le dispositif national les zonages actuels y sontsouvent mal adaptés ou peu appliqués : ainsi aucune zone d'aménagement duterritoire n'y a été retenue mais les TRDP y apportent des mesures très voisines;les ZRR ont des critères qui s'adaptent mal à la spécificité notammentdémographique des DOM, et une seule zone à la Réunion a été délimitée; enfinquelques quartiers urbains ont été classés en ZUS mais bénéficient des mesuresZRU !

C'est pourquoi il est suggéré au groupe de travail qui doit êtreprochainement mis en place par J.J. QUEYRANNE, Secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer les orientations suivantes dans un souci d'efficacité et d'équité :

I - maintenir le bénéfice de l'objectif 1 des Fonds Structurels Européens qui estbien adapté aux problèmes tout en aidant les acteurs, notamment locaux, àmonter des dossiers pour une utilisation optimale des crédits ;II - créer un seul "Zonage Prioritaire Ultrapériphérique" coïncidant avec lezonage européen de l'objectif 1; le contenu des mesures de ce ZPU pourra êtreadapté à la situation spécifique de chaque DOM;III - encourager l'émergence de "territoires de projets" et soutenir ceuxexistants déjà en s'appuyant sur la similitude des périmètres institutionnels(Département-Région );IV - accroître les moyens de conception, d'expertise et de soutien à l'initiative dela DATAR à l'instar de ce qu'elle a déjà engagé à la Réunion.V- rechercher, là aussi, la simplification des procédures budgétaires etfinancières et de l'organisation administrative.VI- préparer dans la perspective de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam,des propositions d'adaptation spécifiques pour mieux exploiter les atouts desDOM (pêche, commerce, tourisme, tête de pont pour d'autres continents, etc.)

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Ainsi on voit qu'au niveau national, l'Etat n'est pasdémuni pour agir sur l'aménagement et le développement durable de sonterritoire :

- la politique contractuelle- les dotations aux collectivités locales- les allégements de charges- les schémas de services publics et les grands réseaux structurants- les zonages de soutien- les zonages d'intervention- le dispositif DOM- les délocalisations- la rationalisation de l'organisation administrative territoriale.

Il y faut donc "simplement" une grande volonté, une grandeconstance, de la conviction et de la méthode plus encore que des moyensbudgétaires.

Il s'y ajoute utilement les politiques européennes et plus précisémentles "Fonds Structurels" (et la "PAC", dans son registre spécifique)

2-3 Pour une utilisation efficace des fonds structurels européens.

Quelques observations préalables sont nécessaires au moment dudépôt de ce rapport; elles portent essentiellement sur l'aspect " zonage ", lesautres aspects étant traités dans le rapport de M. TROUSSET ;

- à l'heure actuelle, seules les propositions de la Commission sontconnues. Les règlements définitifs ne seront adoptés qu'en 1999, sans doutelaborieusement, et en tout cas après les élections allemandes de l'automne 1998;

- dans leur rédaction actuelle on peut souligner les points suivants:

«les dispositifs d'intervention communautaire appuyés sur lesfonds structurels (FEDER - FSE, etc.) verraient leurs objectifs réduits à 3,mais leur durée serait la plus longue jamais mise en oeuvre : 7 ans, avectoutefois une possibilité d'actualisation à mi-parcours ; les PIC seraientégalement réduits à 3 ;

«une prise en compte réduite en terme de population et deterritoires bénéficiaires potentiels (principe de concentration) ;

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«une batterie de critères très directifs qui laisserait d'assezfaibles marges de manœuvre aux Etats ;

« une certaine disproportion au bénéfice de l'objectif 1 dontles bénéficiaires seraient très (trop ?) largement dotés puisqu'en nombreréduit (il ne resterait plus que les DOM pour la France). En effet, ilscontinueraient à recevoir les 2/3 de l'enveloppe des Fonds StructurelsEuropéens.

Dans ces conditions de relative incertitude, il apparaît sage de selimiter aux recommandations suivantes pour appuyer la position dugouvernement dans les négociations, afin de tirer le meilleur parti de cesdispositifs européens en utilisant au mieux le "principe de subsidiarité" :

I- Au plan du principe, il faut découpler les zonages nationaux quisubsisteront des futurs zonages découlant de la mise en oeuvre des nouveauxrèglements "fonds structurels" . Les objectifs poursuivis par les politiquesstructurelles communautaires reposent sur le principe de la cohésionéconomique et sociale perçue au niveau de l'ensemble de l'Union . Les objectifsnationaux d'aménagement et de développement, s'ils s'inscrivent bien sûr dans lapolitique globale de cohésion, reposent sur des choix et des orientationspolitiques différents, adaptés à la spécificité française: place particulière de sonespace rural, situation géopolitique, nature des problèmes urbains oureconversion des sites de défense. Ainsi, s'il peut se faire qu'il y ait coïncidenceentre les deux types d'objectifs entraînant une superposition partielle deszonages, cette superposition ne doit pas être recherchée systématiquement, carelle pourrait entraîner des effets pervers de renforcement d'inégalités par unexcès de concentration des moyens .

II- La définition des périmètres des futurs zonages doit faire l'objetd'une attention toute particulière, elle ne doit pas notamment pénaliserl'évolution vers la logique de projet et les territoires qui émergent en ce sens . Acet égard, la proposition actuelle de la Commission d'établir les zonages à partirde critères appliqués au niveau Nuts 3 ( département ) peut se révélerpernicieuse : on peut certes concevoir qu'à partir des critères calculés au niveaudes départements, on établisse un plafond de population par Etat membre; ondoit laisser ensuite à l'Etat membre le choix de la maille adaptée à un zonage quiréponde aux objectifs de concentration et d'efficacité. Il faut donc soutenir uneélaboration sur des territoires correspondant mieux à des espaces vécus et pourlesquels on dispose d'un appareil statistique solide et cohérent : les zonesd'emploi .

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III- Les " effets de frontière " entre territoires bénéficiant des fondsstructurels ou non devront être dans la mesure du possible lissés, de façon à nepas introduire de coupure artificielle dans les territoires de projet . Il en est demême pour la nécessaire cohérence de territoires situés de part et d'autre desfrontières des Etats membres.

IV- Une attention particulière devra enfin être portée aux territoiresqui, ayant bénéficié de zonages européens, n'en bénéficieront plus pour laprochaine période. La Commission a prévu des dispositifs de sortie qui devrontêtre pleinement utilisés et au besoin renforcés ou complétés par des moyensnationaux .

V- Enfin, la question de l'emploi, à travers le futur objectif 3 nonzoné, devra être considérée comme prioritaire, et permette une utilisation plusefficace du FSE que ce qui a pu être observé dans le passé.

Il est cependant clair que l'évolution souhaitable étant celle dumaillage progressif de tout le territoire national par des territoires de projet, ildevient de plus en plus nécessaire de disposer d'une panoplie d'instruments deportée générale, en sus des politiques zonées . Cette panoplie a vocation àdevenir la boîte à outil universelle des territoires de projet .

3- LES INSTRUMENTS DE PORTEE GENERALE : DES OUTILSEFFICACES ET DES REFORMES NECESSAIRES .

3-1 Le premier doit être à l'évidence le contrat dont la modulation rendpossible le soutien différencié à chaque "territoire de projet" comme à chaquerégion (voir le rapport de M. CHEREQUE).

3-2 Les dotations de l'Etat aux collectivités locales dont le niveau globalrelève de la loi des finances et la modulation finement ciselée par le Comité desFinances locales, ont vocation a répartir équitablement une part significative desressources nationales. Les enveloppes spécifiques récentes DDR (Dotation deDéveloppement Rural) et DSU (Dotation de Solidarité Urbaine) devraient êtreutilement complétées par la prise en compte prévue, dans la réforme del'intercommunalité, des politiques d'agglomération et notamment du lourdproblème des charges de centralité qui pénalisent aujourd'hui les villes centres.A cet égard, la sortie du "Pacte de Stabilité" relatif aux dotations auxcollectivités locales ouvre toutes les opportunités possibles.

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3-3 Les allégements de charges fiscales et sociales :Ils sont nombreux, complexes et souvent mal connus comme le

savent les praticiens et le reconnaissent les administrations : exonération de taxeprofessionnelle, exonération d'impôt sur les sociétés, exonération de chargespatronales, amortissement exceptionnel, crédit bail immobilier, exonération de lataxe foncière, majoration du crédit impôt recherche, réduction de la taxedépartementale de publicité foncière, exonération des droits de mutation sur lescommerces, crédits d'impôts sur les sociétés, etc.

Ces nombreuses possibilités en faveur des entreprises qui setraduisent par un manque à gagner pour l'Etat et les collectivités localess'appliquent sur des parties importantes de notre territoire plus ou moins vastes,plus ou moins cohérentes, plus ou moins actives mais affublées d'appellationparticulièrement "réussies" (ZAT - TRDP - ZRR - ZUS - ZRU - ZFU -ZIP).Cependant, ces dispositifs devront être à terme réexaminés dans uneréflexion d'ensemble compte tenu du développement du marché intérieureuropéen et des évolutions fiscales qui ne manqueront pas de modifier lecontexte en matière d'aides et allégements, d'un Etat membre à l'autre .

3-4- Les Schémas de services publics et des réseaux structurants.Déjà évoqués plus haut ils doivent contribuer puissamment, par les

priorités définies et les investissements matériels et humains qu'ils engagent, àcréer les conditions d'une répartition plus équilibrée des activités et des hommessur notre large territoire.

Dans un espace européen élargi, dans une société d'échanges, toutesles formes de désenclavement physique et intellectuel seront fondamentales aumême titre que la protection de notre environnement et la valorisation de notrecadre de vie pour garder, susciter et accueillir les investisseurs et les emplois.De nouveaux outils et montages financiers devront également être mis en place.

3-5 Une vraie politique de " décentralisation " relocalisation .

Le "Comité de Décentralisation" existe depuis des décennies : sacomposition a été récemment élargie et sa bonne volonté n'est pas en cause.

Mais il y aurait beaucoup à dire du comportement de la plupart deceux qui doivent en obtenir l'agrément (administrations, services publics,entreprises publiques) ou l'avis favorable (secteur privé).

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La liste connue et disponible de tous les échecs dus à desmanœuvres de retardement et de sabotage voire à des désobéissances manifestesest édifiante et témoigne d'un singulier état d'esprit que la volontégouvernementale a la plus grande peine à combattre. Cette situation ne sauraitdurer et des mesures fortes et simples peuvent être prises pour corriger cet étatde fait qui n'a rien d'une fatalité.

I- Subordonner toute aide publique de l'Etat à une entreprisepublique au strict respect de la mise en oeuvre de son "Plan de Localisation"prévu par les textes ;

II- Tout service administratif nouveau, toute administrationnouvelle, tout organisme nouveau public, parapublic ou dépendant totalementou partiellement des fonds publics d'Etat devra être localisé en province saufdérogation expresse du Premier ministre ;

III- Une ligne budgétaire annuelle spécifique inscrite au budget del'aménagement du territoire aidera au transfert et à l'accueil de cesadministrations et de ces organismes ;

IV - Les entreprises privées seront encouragées également dans leurdémarches administratives, leur recherche de sites appropriés et la mise enoeuvre de leur localisation ou relocalisation en province ;

V- Le Comité de Décentralisation verra son rôle renforcé parl'élargissement du collège d'élus et des moyens matériels accrus.

3-6 Une rationalisation de notre organisation administrative territoriale.

Comme on l'a vu plus haut le "paysage" administratif français estd'une "richesse" pour le moins contestable vu du côté du citoyen - contribuablequi est en droit de disposer d'une administration faite pour lui et non pour elle-même.

A notre point de vue il serait inconcevable que l'on demande auxcitoyens de s'organiser en "périmètre pertinent" pour la mise en oeuvre d'unprojet collectif cependant que nos administrations ou organismes publicscontinueraient benoîtement de vivre leur vie dans une sorte d'existence parallèlevoire autonome.

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Ne serait-il pas souhaitable et même possible à l'horizon dequelques années de rendre cohérents les découpages existants dans unecartographie nouvelle fondée justement sur une approche locale et vécue desservices publics et assimilés.

A titre indicatif et pour susciter la réflexion (et sans toucher auxdécoupages politiques qui mériteraient pourtant... quelques réformes) on peutsuggérer les thèmes suivants :

- un espace unifié pour "l'économie, l'emploi, la formation" danslequel serait organisé de manière cohérente ce qui est aujourd'hui aussi disperséque "zone d'emploi", "bassin d'emploi", "zone d'emploi - formation", "bassin deformation", "collèges, lycées, CFA, GRETA", "Mission Locale", "PAIO","ANPE", "CLI", "Trésor", "Services Fiscaux" etc.

- un espace unifié "sanitaire et social" dans lequel serait organisé demanière cohérente : vie hospitalière et de réseaux de santé publique,circonscriptions d'action sociale, protection de l'enfance, prévention de ladélinquance, prise en charge des personnes âgées, aide sociale, plans locaux del'habitat etc.

- un espace des "zones naturelles et sensibles" où seraientcartographiés et gérés d'une manière cohérente les "sites protégés", les "sitesnaturels protégés", les "zones de protection ", les "zones sensibles à lapollution", les "zones littorales", les "SAGE", les "ZNIEFF" etc.

- un espace des "zones à risques" où seraient répertoriées et géréesd'une manière unifiée, ou en tout cas coordonnée, les zones à risques naturels(inondations) ou technologiques (installation).

On peut continuer l'exercice : on verrait que sans tomber dans un"cartésianisme béat", de grandes économies, une meilleure compréhension et demeilleures relations seraient obtenues au profit du citoyen – usager -contribuable.

Par contre il ne serait pas anormal "d'exonérer" de cet exercice uncertain nombre de fonctions régaliennes comme la Défense.

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Je propose, pour qu'une telle démarche concrète soit impulsée auplus vite:

- qu'un groupe de travail comprenant administrations centrales etservices déconcentrés de l'Etat soit mis en place sous l'autorité du CNADT pourexaminer les simplifications possibles;

- qu'à titre expérimental dans une ou deux régions, les services del'Etat, sous l'autorité des Préfets, mettent en oeuvre dans les meilleurs délais desmécanismes de simplification .

4 - Un vrai dispositif d'évaluation: savoir où vont les dépenses, et où sontcréés les emplois.

La question de l'évaluation des mesures d'aides à des territoires est liée àcelle, plus générale, de l'évaluation des politiques publiques. La maîtrisenécessaire des ressources budgétaires tant nationales qu'européennes, la légitimeinterrogation du citoyen sur l'utilisation des fonds publics nécessitent de sedonner les moyens d'analyser de la manière la plus précise l'effet des politiquespubliques. Or, comme on a pu le constater, s'il existe bien quelques évaluationsen matière d'aménagement du territoire, le dispositif est incomplet et fragmenté.

L'évaluation ne doit pas être ressentie, comme c'est encore souvent le cas,comme un luxe inutile ou une inquisition intolérable et culpabilisante. Elle doitclairement faire partie de la culture des acteurs publics. Il faut donc lui donnerplus de force et de cohérence en distinguant clairement d'une part les différentesmodalités de l'évaluation, et d'autre part les niveaux où celle-ci est réalisée.

4-1 Les différentes modalités de l'évaluation.

En matière d'évaluation, les deux travers couramment constatés sont d'unepart de limiter l'évaluation à une mesure de la dépense, voire de la limiter à cetaspect des choses; et d'autre part de ne se poser la question de l'efficacité d'unemesure qu'à postériori, sans avoir inclus des objectifs en amont, dans le corpsmême du dispositif. Pour avancer dans ce domaine, il faut opérer desdistinctions claires entre contrôle et évaluation, entre outils et résultats, entreobjectifs et moyens enfin.

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4-1-1 Le contrôle.

Le contrôle est la vérification de la conformité d'une action à la norme et àla procédure qui régissent cette action. Le contrôle de légalité, par exemple,s'attache à s'assurer que les formalités nécessaires à une décision aient été toutesaccomplies; le comptable public, autre exemple, procède aux vérificationsnécessaires d'une dépense avant de payer celle-ci.

Ce contrôle est bien entendu fondamental car, dans un Etat de droit, ilassure la régularité des procédures et l'égalité des citoyens devant celles-ci. Lescorps de contrôle (Cour des Comptes, Inspection générale des finances,Inspection générale de l'administration, etc.) et le juge administratif (Conseild'Etat, tribunaux administratifs) y concourent. En ce qui concerne les politiquescommunautaires, les corps de contrôle des Etats membres coopèrent avec leniveau européen (Commission, notamment à travers l'Unité de coopération et delutte anti-fraude : UCLAF, Cour des comptes européennes).

Le Parlement peut d'ailleurs exercer également ce pouvoir de contrôle,notamment au travers de Commissions d'enquêtes, lorsqu'il estime nécessaire dedevoir se pencher de façon approfondie sur une politique ou une procéduredonnée. Ce pouvoir de contrôle du Parlement est bien entendu différent de sonpouvoir de jugement et de décision politique sur les actions publiques.

4-1-2 L'évaluation proprement dite.

L'évaluation c'est, selon la définition de la Cour des comptes"l'appréciation portée sur l'efficacité d'un programme, d'une politique ou d'uneaction publique à la suite de la recherche, scientifiquement exigeante, de leurseffets réels, au regard des objectifs (affichés ou implicites) et des moyens mis enoeuvre."

Ainsi, une évaluation approfondie doit reposer sur l'analyse de deuxaspects : l'efficience et l'efficacité.

- l'efficience rend compte de l'utilisation des moyens, et notamment descrédits, pour réaliser des actions ; l'outil de mesure repose donc sur laconstruction de tableaux de bord, regroupant des indicateurs relatifs à laconsommation des crédits, à la vitesse de réalisation des actions, au calendrierdes opérations, etc. Le suivi des fonds structurels européens est fondéessentiellement sur cette approche;

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- l'efficacité, quant à elle, rend compte de l'impact des actions surl'environnement dans lequel elles se déroulent. Elle suppose donc que desobjectifs aient été donnés à l'avance. Prenons l'exemple de l'emploi : si unemesure permet de créer ou de développer une zone d'activités par desfinancements d'immobilier d'entreprise, l'efficience de la mesure sera observéelorsque la zone sortira de terre, l'efficacité, quant à elle, sera plus complexe : ilest évident qu'elle sera nulle si la zone d'activité reste inoccupée, mais elle nesera pas nécessairement plus grande si, par des effets pervers, les emplois créésrésultent d'un transfert d'une autre zone, proche ou moins.

Dans ce cas précis, l'échelle de mesure de l'efficacité est très importante,et elle est liée à la taille de l'opération : un investissement d'une grandeentreprise étrangère ne s'apprécie pas comme celui d'une PME dans un secteurde montagne. C'est pourquoi l'évaluation de l'efficacité ne peut se faire que parune approche globale et non action par action. Elle implique donc :

« un diagnostic préalable du territoire sur lequel les actions, projets,programmes, vont être mis en œuvre

« la définition d'objectifs limités et hiérarchisés

« l'assurance qu'on dispose des outils permettant la mesure : ainsi leniveau de l'emploi mesuré dans des zones d'emplois par l'INSEE sera-t-il parfoisinsuffisant pour rendre compte de l'évolution de celui-ci dans une commune ouune structure intercommunale.

Enfin, pour être complète, une évaluation doit pouvoir prendre en comptedes éléments non quantifiables, mais qui jouent un rôle souvent primordial dansle développement d'un territoire : prise de conscience par les acteurs, mise enréseau des compétences, effets de synergie, etc. Cette dimension qualitativerepose donc sur des outils plus sociologiques qu'économiques ; réalisée souventpar des entreprises privées de conseil, elle a un coût qui n'est pas toujours facileà budgéter dans les programmes, notamment en raison de la méfiance debeaucoup d'acteurs qui la jugent parfois superflue ou n'en saisissent pas l'intérêt.

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L'implication d'acteurs publics dans ce domaine doit donc être encouragéeet stimulée : universités, instituts de recherche (INRA, CNRS), services d'étudesdes SGAR, CESR pourraient utilement construire de vrais réseaux d'évaluation,au service des territoires.

4-2 Les niveaux d'évaluation.

Tout ne peut et ne doit pas être fait par chaque niveau. En ce domainedoit s'appliquer aussi un principe de subsidiarité qui prescrit que chaque niveaudoit réaliser ce qui lui est utile et pertinent compte tenu des ressources,budgétaires et humaines, disponibles.

4-2-1 Niveau du territoire : projet et évaluation.

Le territoire est fondamentalement ici celui du territoire de projet.L'évaluation doit donc y être un outil au service des acteurs, à toutes les étapesde leur action :

- au niveau du diagnostic du territoire qui doit accompagner lapréparation du projet;

- au niveau de la construction du projet global du territoire, parl'introduction d'objectifs qui permettront de mesurer l'efficience et l'efficacité dece projet au cours de sa réalisation : il est donc nécessaire que les outils puissentêtre mobilisés par les responsables de ces territoires pour construire le tableaude bord de l'évaluation. Il sera donc nécessaire que les organismes compétents,et notamment l'INSEE puissent dans certains cas adapter leurs moyens à cesterritoires pour fournir les observations adéquates ;

- au niveau enfin de la reconduite des projets ou de l'élaboration denouveaux projets, où l'évaluation doit fournir les éléments d'une appréciationobjective des résultats dans les logiques de contractualisation et d'arbitrage pourles choix des projets.

C'est à cette condition que l'évaluation joue son rôle pédagogique pour lesacteurs de terrain, qui s'en approprient le sens au plus près des réalités desprojets qu'ils conduisent.

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A titre d'exemple, voici l'esquisse des indicateurs qui pourraient entrer dans laconfection d'un tableau de bord des territoires .

CRITERES SOCIO-ECONOMIQUES POUR l'EVALUATION D'UN"TERRITOIRE"

Il ne s'agit que d'indications à affiner ou à compléter par l'INSEE quidevrait réorganiser son travail pour prendre en compte ces territoires. Le suivi deces indicateurs - utilement actualisés de façon exhaustive au moins tous les 3 ans-serait aussi un bon outil d'évaluation de l'efficacité des politiques publiques et unguide précieux pour tous les acteurs du développement. Chacune des donnéespeut naturellement être complétée par un référentiel Départemental, Régional ouNational et par l'analyse des évolutions.

� Population : Totale – Densité – Naissances -Décès- Actifs – Retraités (plusde 75 ans) (- 20 ans)

� Emploi : Chômage – RMI – Emplois Jeunes - CES Publics – Privés –Ruraux – Industriels – Tertiaire – Nombre d'entreprises - Nombre deCommerces – Artisanat - Niveau des salaires – qualification

� Formation :Effectifs scolaires, maternelle, primaire, secondaire, supérieur,technique, apprentissage

� Habitat : Résidences principales, secondaires, nombre de logementssociaux, de permis de construire, d'autorisation de travaux, prix du foncier del'immobilier, nombre de transactions foncières et immobilières, etc.

� Equipements : Nombre et capacités d'équipements sanitaires, sociaux,sportifs, culturels, de loisirs, réseaux (transport et NTIC) services publics,présence bancaire, services de proximité, etc.

� Finances :Fiscalité locale détail et cumul : des communes, des structuresintercommunales, du Département, de la Région, endettement. Concours duDépartement, de la Région, de l'Etat, de l'Union Européenne. Revenu moyen etcollecte fiscale de l'Etat (impôt direct et indirect) etc.

� Vie associative : Nombre d'associations par secteur d'activités, nombred'adhérents, de salariés, indépendantes, fédérées, etc.

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4-2-2 Niveau régional.

Le niveau régional est celui de la contractualisation entre l'Etat et lesrégions; c'est également celui de l'élaboration et de la mise en oeuvre des futursSchémas régionaux d'aménagement du territoire.

L'évaluation de l'effet des zonages doit donc être ici menée en liaison avecles autres dimensions de la politique d'aménagement. C'est notamment ce niveauqui est pertinent pour apprécier l'effet à moyen et long terme sur l'emploi et ledéveloppement. C'est également le bon niveau envisageable pour la mise encohérence de certains zonages administratifs.

Le rôle de pilotage de l'évaluation devrait donc être confié aux futursobservatoires régionaux dont la mise en place est préconisée par le ministre dela fonction publique, de la décentralisation, et de la réforme de l'Etat, dans sonprojet de loi sur l'intervention économique des collectivités locales.

4-2-3 Niveau national : évaluation de la politique publique d'aménagementdu territoire.

A ce niveau, l'évaluation de l'impact des zonages ne doit être qu'une partiede l'évaluation plus générale de la politique nationale d'aménagement duterritoire. Cette politique est elle-même la résultante de la politique de l'Etat, del'application des politiques communautaires, mais aussi de celles des collectivitésterritoriales.

La décision du CIADT du 15 décembre 1997 de créer l'Institut des hautesétudes du développement et de l'aménagement du territoire (IHEADT), qui auraentre autres pour mission de procéder à l'évaluation des politiquesd'aménagement du territoire, en articulation avec le CNADT, va ainsi dans lesens de la mise sur pied d'un instrument qui permettra aux instancesresponsables de coopérer à une évaluation globale de la politiqued'aménagement du territoire.

Ainsi, revient il au Commissariat au Plan, chargé de l'évaluation despolitiques publiques, en liaison avec la DATAR, de construire un pland'évaluation qui intègre la cohérence des différents niveaux d'évaluation, selon ledispositif qui vient d'être sommairement esquissé.

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CONCLUSION ET PERSPECTIVES

On l'a vu, la matière de ce rapport est souvent ingrate, complexe etglobalement mal connue de la majorité de nos concitoyens et en particulier decelles et de ceux qui sont, ou veulent être, des créateurs d'activités et d'emplois.

Les propositions d'actions, de réorganisations ou de réformesformulées dans ce travail ne sont à mes yeux qu'une première étape.

En effet, il est clair que dans les décennies qui viennent, notreorganisation territoriale actuelle devra évoluer considérablement pour répondreaux aspirations et aux nécessités d'une population qui n'aura plus la mêmerelation ni au pouvoir, ni à l'espace, ni au temps.

En termes de pouvoir, si l'on veut réconcilier le citoyen avec lapolitique et par conséquent conforter notre système démocratique, il faudraoffrir aux françaises et aux français :

- la prise en compte prioritaire de l'espace dans lequel ils passentou veulent passer leur vie quotidienne. Cela signifie que lesdécoupages administratifs et politiques devront tôt ou tards'harmoniser avec les "territoires vécus" ;

- la possibilité de participation active et démocratique àl'aménagement de leur territoire de vie en termes d'environnement,de services, d'équipements et de paysage urbain ou rural ;

- l'extension progressive du suffrage universel direct à toutes lesinstitutions en capacité de lever l'impôt.

L'espace et le temps aussi ne seront plus perçus ni vécu de la mêmemanière et l'on est déjà bien loin de la création des départements en 1790 sur labase d'une "journée de voiture à cheval" pour aller au chef lieu!

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Le caractère instantané et universel des échanges d'informations detoute nature aussi bien publiques que privées, aussi bien politiquesqu'économiques, sociales ou culturelles, nous fait vivre aujourd'hui dans un"village planétaire" dont on n'a pas encore mesuré toutes les implicationshumaines.

Cependant je suis pour ma part convaincu que l'identificationculturelle, voire affective à un territoire - son territoire de naissance oud'adoption- sera la réponse, la contrepartie nécessaire à l'accélération de lamondialisation.

C'est pourquoi je ne suis pas de ceux qui prévoient "une civilisationnomade" généralisée car les nouvelles techniques d'information et decommunication nous offrant 24 heures sur 24, pour le travail comme pour leloisir et la culture, le monde à vos pieds, le besoin de déplacement sera minoréet il ne restera que le plaisir du voyage avec la joie et la sécurité du retour "auport".

Ainsi la France qui dispose d'une terre généreuse, d'une situationgéographique et climatique enviée, devra t-elle dans l'Europe nouvelle organiseret valoriser les atouts de son territoire d'une manière humaniste et intelligente.

On peut certes répondre à ce défi par une démarche cartésienne,centralisée et autoritaire en confinant une nouvelle fois l'expression des citoyensdans l'approbation ou le rejet politique.

Je propose plutôt que, en rupture avec nos traditions jacobines, etdans une nouvelle étape de la décentralisation (et par conséquent de ladéconcentration) on libère les initiatives et les projets de tous nos territoires etde ceux qui y vivent.

La France trouvera ainsi ce que j'oserai appeler une "nouvelleaventure collective" offrant à tous l'opportunité de répondre aux aspirationscontemporaines de liberté, de diversité, d'individualisme et d'initiative.

Le dynamisme des collectivités territoriales est à l'évidence un signeencourageant même si l'on perçoit bien qu'il faudra en ce 21ème siècle repensernos cantons, nos arrondissements, nos départements et nos régions.

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Cela ne se fera pas depuis Paris mais une démarche progressive etcitoyenne de terrain, les acteurs locaux de la démocratie et du développementsera les cartographes de la France de demain.

Nous y trouverons la richesse incomparable de nos espaces, et denos produits ruraux, nous y défendrons une civilisation urbaine nouvelle à lafrançaise qui ne sera pas plus une mauvaise copie de la ville américaine, nous yconcilierons, dans un Etat aux institutions et aux pratiques modernisées,l'efficacité d'une bonne gestion des ressources humaines, économiques etécologiques et la convivialité tolérante et active d'un humanisme retrouvé.