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RÉFORME D'UN ETAT SANS ETAT ? LES CHANGEMENTS AU SEIN DU GOUVERNEMENT AMÉRICAIN Guy Peters E.N.A. | Revue française d'administration publique 2003/1 - no105-106 pages 193 à 202 ISSN 0152-7401 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2003-1-page-193.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Peters Guy, « Réforme d'un Etat sans Etat ? Les changements au sein du gouvernement Américain », Revue française d'administration publique, 2003/1 no105-106, p. 193-202. DOI : 10.3917/rfap.105.0193 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour E.N.A.. © E.N.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - University of Michigan - - 141.213.236.110 - 14/05/2013 22h27. © E.N.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - University of Michigan - - 141.213.236.110 - 14/05/2013 22h27. © E.N.A.

Réforme d'un Etat sans Etat ? Les changements au sein du gouvernement Américain

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RÉFORME D'UN ETAT SANS ETAT ? LES CHANGEMENTS AU SEINDU GOUVERNEMENT AMÉRICAIN Guy Peters E.N.A. | Revue française d'administration publique 2003/1 - no105-106pages 193 à 202

ISSN 0152-7401

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2003-1-page-193.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Peters Guy, « Réforme d'un Etat sans Etat ? Les changements au sein du gouvernement Américain »,

Revue française d'administration publique, 2003/1 no105-106, p. 193-202. DOI : 10.3917/rfap.105.0193

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RÉFORME D’UN ÉTAT SANS ÉTAT ?LES CHANGEMENTS AU SEIN DU GOUVERNEMENT

AMÉRICAIN 1

Guy PETERS

Professeur à l’Université de Pittsburgh (États-Unis), Département de science politique

À l’instar de ce qui s’est produit dans tous les systèmes politiques, l’appareiladministratif aux États-Unis a connu d’importantes réformes au cours des dernièresdécennies 2. Cette période ne présente pas un caractère très original car les réformes s’ysont avérées être plus régulières et plus incrémentielles que dans beaucoup d’autres pays.Par exemple, le New Deal et la seconde guerre mondiale ont entraîné des modificationsprofondes dans l’appareil administratif fédéral 3, modifications aussi bien suscitées parles recommandations managérialistes de la Commission Hoover, elles-mêmes suivies del’adoption de la loi sur les procédures administratives 4, que par d’importantes réformesdu dispositif de la sécurité nationale après la guerre 5. Même la présidence Eisenhower,pourtant considérée comme assez inactive 6, avait mis en œuvre des changementsimportants dans le mode de fonctionnement du gouvernement fédéral, suivant en partieles idées des différentes commissions qui avaient proposé des modifications de typemanagérial.

Le principal argument de cet article repose sur l’idée selon laquelle les réformesentreprises pendant les dernières décennies n’ont pas entraîné des changements signifi-catifs de l’État, mais représentent plutôt une solution de continuité dans le cadre d’unetradition bien établie de l’État aux États-Unis 7. Les États-Unis n’ont pas mis en œuvre

1. Traduction revue et corrigée par Luc Rouban.2. Kettl (D.-F.), Civil Service Reform : Building a Government that Works, Washington, DC, The

Brookings Institution, 1996.3. Arnold (P.-E.), Making the Managerial Presidency : Comprehensive Reorganization Planning,

1905-1996, Lawrence, University Press of Kansas, 1998.4. Freedman (J.-O.), Crisis and Legitimacy, Cambridge, Cambridge University Press, 1980.5. Lord (C.), The Presidency and the Management of National Security, New York, Free Press, 1988.6. Cf. cependant Greenstein (F.-I.), The Hidden Hand Presidency : Eisenhower as Leader, New York,

Free Press, 1982.7. Cf. Peters (B.-G.), « The Anglo-American Administrative Tradition », in : Halligan (J.-A.) (ed.), Civil

Service Systems in Anglo-American Political Systems, Cheltenham, Edward Elgar, 2003.

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pendant cette période des réformes aussi extensives que le Royaume-Uni ou laNouvelle-Zélande, en partie parce que les mutations managériales introduites ailleursétaient dans une certaine mesure déjà en place et se trouvaient déjà bien intégrées dansla culture administrative. Les fonctionnaires américains avaient déjà tendance à seconsidérer comme des managers depuis un certain temps 8 et le modèle de l’agencedécentralisée était déjà en place, même s’il n’avait pas été institutionnalisé d’une manièreaussi formelle qu’en Suède ou désormais qu’au Royaume-Uni 9.

Les récentes réformes managériales peuvent être distinguées des réformes adoptéessous la présidence Johnson et, dans une moindre mesure, sous la présidence Nixon, quiont beaucoup plus profondément transformé le gouvernement fédéral et son rôle dans lasociété 10. Plus exactement, alors que les réformes de la fin des années quatre-vingt etquatre-vingt-dix ont introduit une panoplie de nouvelles procédures permettant deremédier en interne aux problèmes administratifs, ces procédures se sont généralementinscrites dans des modèles de gouvernement bien établis et n’ont pas bouleversé lahiérarchie des priorités. En revanche, les programmes de la « Grande Société » avaientfondamentalement altéré le rôle du gouvernement dans la société et impliqué legouvernement fédéral dans des domaines d’intervention (assurance-maladie, éducationpré-scolaire, soutien aux exécutifs locaux) qui n’avaient pas été jusqu’alors compris dansle répertoire des activités fédérales 11. En substance, les États-Unis étaient alors devenusun État-providence, même si ses dimensions et ses priorités différaient sensiblement decelles qui caractérisaient les États-providence européens. Ces changements affectant lespolitiques publiques eurent également pour conséquence de changer l’équilibre dufédéralisme américain et tendirent à centraliser les rapports entre le gouvernement fédéralet les gouvernements des États fédérés.

En conclusion, je soutiendrai néanmoins que certaines des modifications introduitesdans la mise en œuvre des politiques publiques pendant la seconde présidence Bush sontpotentiellement susceptibles de produire des changements fondamentaux de l’Étataméricain. Ces changements peuvent être analysés comme des tentatives de désinstitu-tionnaliser certaines dimensions de l’État américain 12. Tout d’abord, des tentativessignificatives ont été faites afin de supprimer les garanties de la fonction publique dansde nombreux secteurs de la fonction publique fédérale. De même, les réductions d’impôtet les déficits budgétaires qui en résultent sont utilisés comme des moyens dansl’intention de plomber toute future expansion ou restauration du rôle de la fédérationdans la société. Enfin, les tentatives de privatiser totalement ou partiellement d’autresservices gouvernementaux vont également faire revenir le gouvernement fédéral vers unmodèle d’État minimum du type « veilleur de nuit ». Certains conservateurs peuvent voirdans ces changements le simple moyen de réaffirmer la tradition fondamentale de l’État« veilleur de nuit » qui avait été subvertie, et, dans une large mesure, remplacée pendant

8. Cf. Aberbach (J.-D.) et Rockman (B.-A.), In the Web of Politics, Washington, DC, The BrookingsInstitution, 2000.

9. Cf. Seidman (H.), Politics, Power and Position, New York, Oxford University Press, 5e éd., 1999.10. Schulman (B.-J.), The Seventies : The Great Shift in American Culture, Society and Politics, New

York, Free Press, 2001.11. Trattner (W.-I.), From Poor Law to Welfare State : A History of Social Welfare in America, New

York, Free Press, 1999.12. L’on pourra objecter qu’il paraît difficile de l’affirmer, mais d’autres on pu avancer que l’État

américain est tout à fait puissant lorsqu’il désire l’être. La différence avec les États européens consiste en ceque le gouvernement américain a rarement voulu exercer son pouvoir, au moins dans le domaine intérieur.

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les années soixante, mais pour beaucoup de citoyens la possible réduction de l’activitéfédérale en matière de soins de santé et d’autres programmes sociaux constitue unemenace pour l’avenir. Cela dit, cependant, l’administration Bush prend également desinitiatives régulatrices qui l’impliqueront plus directement dans des politiques quirelevaient jusqu’alors de la responsabilité des États, des collectivités locales ou dusecteur privé.

LA RÉFORME SOUS REAGAN, BUSH I ET CLINTON

Margaret Thatcher peut facilement être identifiée comme la source des réformesadministratives au Royaume-Uni, mais ses homologues (dans le temps comme sur le planidéologique) à Washington n’ont pas été en mesure de produire de la même manière desréformes durables du secteur public américain 13. Assurément, l’administration Reagan acherché à faire de tels changements, étant donné le profond mépris de cette administra-tion pour la bureaucratie de Washington 14. Elle a tenté de produire le changement deplusieurs manières. L’une a consisté à accepter l’héritage des réformes de la fonctionpublique réalisées sous Carter et à procéder à de nombreuses nominations politiques surdes postes réservés à des fonctionnaires de carrière 15. L’administration Reagan a laisséle gouvernement fédéral plus politisé qu’elle ne l’avait trouvé, et, dans une certainemesure, plus fortement placé sous la direction du Président et de son équipe 16.

La politisation introduite durant l’administration Reagan était à la fois strictementpartisane et se manifestait également dans le style de gouvernement. En effet,l’administration utilisa pleinement ses pouvoirs étendus de nomination et elle cherchaégalement à modifier l’opinion que l’on pouvait avoir du gouvernement aussi bien ausein de la fonction publique que dans la société plus généralement. Il est évident qu’elley a réussi, comme il est évident qu’il s’est produit une évolution graduelle, maisperceptible, tant dans l’attitude des agents publics à l’égard du rôle joué par legouvernement que dans leurs affiliations partisanes 17. Alors que les présidents républi-cains paraissent toujours croire que la bureaucratie est leur ennemie, les idées et lesallégeances des fonctionnaires semblent être devenues plus conservatrices durant lesdernières décennies.

L’administration Reagan a également essayé de réduire les dépenses publiques deplusieurs manières, notamment en faisant appel à une commission externe composéed’hommes d’affaire (la Commission Grace) qui, en fin de compte, n’a presque pasproduit de changement, étant donné son manque total de compréhension du mode defonctionnement du gouvernement. Il y eut de plus un certain nombre de changementsmanagériaux portant notamment sur la gestion de la trésorerie ainsi que sur d’autres

13. Cf. Savoie (D.-J.), Reagan, Thatcher, Mulroney : In Search of a New Bureaucracy, Pittsburgh,University of Pittsburgh Press, 1994.

14. Benda (P.) and Levine (C.-H.), Reagan and the Bureaucracy : Bequest, Promise and Legacy », in :Jones (C.-O.), The Reagan Legacy, Chatham, NJ, Chatham House, 1988.

15. Aberbach (J.-D.) et Rockman (B.-A.), op. cit.16. Cf. pour une appréciation équilibrée, Hill (L.-B.), « Is American Bureaucracy an Immobilized

Gulliver or a Regenerate Phoenix ? », Administration and Society, n° 27, 1995, p. 322-360.17. Aberbach (J.-D.) et Rockman (B.-A.), op. cit.

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aspects du management financier à travers lesquels furent introduits dans l’administra-tion des concepts développés dans le secteur privé sans que ces changements n’aienttoutefois fondamentalement modifié le fonctionnement du gouvernement fédéral ou lesrapports entre le gouvernement et la société.

De manière peut-être paradoxale, l’impact le plus important de l’administrationReagan sur le secteur public est venu du processus budgétaire, non pas en modifiant lesprocédures d’élaboration du budget, mais tout simplement en réduisant les impôts et enamenant le déficit budgétaire à un niveau sans précédent. Ce déficit plombait lesprogrammes publics et surtout l’expansion du secteur public 18. Il semble que cettestratégie n’ait pas été choisie consciemment, elle reflétait plutôt l’adoption de ce queGeorge Bush, alors candidat, avait une fois appelé « l’économie-vaudou », autrementconnue sous le nom d’« économie de l’offre » 19. La doctrine selon laquelle lesréductions d’impôts auraient un impact suffisant sur la croissance économique pourremplacer les revenus perdus en raison de la baisse des taux d’imposition se révélafausse ; le résultat fut que le Trésor fédéral ne pouvait plus financer les programmes encours et encore moins financer de nouveaux programmes 20.

Le premier président Bush arriva à Washington avec une bien meilleure connais-sance du fonctionnement interne de l’appareil administratif que n’en avait eue l’admi-nistration Reagan. La plus grande partie de sa vie avait été consacrée au service dugouvernement et il comprenait, et, généralement, respectait, le service public. Ildéveloppa donc fort peu cette rhétorique anti-gouvernementale qui avait été si présentesous l’administration Reagan. Le président George Bush devait par ailleurs hériter desdéficits massifs de l’administration Reagan et n’avait qu’une marge de manœuvre fortréduite pour opérer d’importants changements dans l’appareil administratif. Dans lamesure où il a réformé effectivement la bureaucratie fédérale, les changements se sontavérés mineurs, comprenant par exemple la création de l’Institut fédéral de qualité, unetentative en vue d’instiller l’idée de qualité dans la gestion administrative. En somme, cefut une époque très paisible pour la réforme administrative à Washington.

Bill Clinton et Al Gore firent campagne contre « le chaos à Washington », commele firent presque tous les candidats aux postes de Président et de vice-président dans lepassé, mais contrairement à la plupart des autres, ils se mirent assez diligemment àl’œuvre afin de faire quelque chose en ce qui concerne ce présumé chaos. Le principalinstrument de réforme choisi par l’administration Clinton fut la National PerformanceReview, également connue sous le nom de Commission Gore 21. Le travail de cettecommission a fait couler beaucoup d’encre chez les universitaires tout comme chez lesadministrateurs, mais si l’on examine ses objectifs — faire en sorte que le gouvernementtravaille mieux et coûte moins —, on voit qu’ils se situent dans la ligne des traditionsadministratives américaines qui ont toujours mis l’accent sur l’efficience administrativeet la nécessité de s’en tenir à un gouvernement minimaliste.

18. Peterson (P.-E.) et Rom (M.), « Lower Taxes, More Spending and Budget Deficits », in : Jones (C.-O.) (ed.), The Reagan Legacy, Chatham, NJ, Chatham House, 1988.

19. Sawhill (I.-V.), « Reaganomics in Retrospect », in : Palmer (J.-V.) (ed.), Perspectives on the ReaganYears, Washington, DC, The Urban Institute, 1986.

20. L’administration Bush II s’engage dans un programme fiscal assez comparable, avec toutefois unemeilleure compréhension des conséquences que cela entraîne pour les programmes fédéraux (internes).

21. National Performance Review, « Creating a Government that Works Better and Costs Less » (TheGore Report), Washington, DC, Government Printing Office, March 1993.

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Les instruments choisis en vue d’atteindre ces objectifs (notamment la forteparticipation des agents eux-mêmes et une plus grande liberté de gestion) se situaientsans doute un peu moins dans la ligne de la tradition étatique sans être d’aucune manièreen décalage par rapport aux modèles réglant l’action gouvernementale. La plusimportante différence avec le passé tenait sans doute à l’idée de « déréguler legouvernement » ce qui impliquait la réduction des effectifs et l’introduction de règles decomptabilité et d’achat qui limitaient la liberté des managers 22. La culture politiqueaméricaine a toujours été marquée par une profonde méfiance à l’égard de la bureaucratieet toute réduction des contrôles externes est significative. Cela étant dit, elle secaractérise également par une forte propension à préférer une conception managériale dugouvernement. La plupart des traditions politiques et administratives présentent de telsdualismes, et, en l’occurrence, la réforme faisait prévaloir l’un de ces aspects sur l’autre.

Le second grand dispositif de réformes pendant les années quatre-vingt-dix fut la loisur les performances et résultats du gouvernement (Government Performance andResults Act, GPRA) de 1993. Alors que la Commission Gore résultait presqueentièrement d’une initiative de l’exécutif, le GPRA était d’origine parlementaire et il doit,dans une certaine mesure, être compris dans le contexte de la politique institutionnelleainsi que comme une tentative d’imposer un management de la performance à labureaucratie fédérale 23. L’idée de départ du GPRA consiste à établir un systèmeopérationnel d’indicateurs de performance pour toutes les organisations et tous lesprogrammes du gouvernement fédéral, et à lier directement ces indicateurs à la procédurebudgétaire. En utilisant ce système, le Congrès pouvait plus rapidement apprécier lesperformances des différentes organisations et les sanctionner ou les récompenser dans lebudget annuel. Grâce à la mise au point d’objectifs mobiles, ce système était conçu, enoutre, en vue de promouvoir une amélioration continue et une efficacité renforcée dugouvernement.

À nouveau, la réforme du budget contenue dans le GPRA se conforme assez bien àla tradition administrative des États-Unis. Elle se situe largement dans la traditiongestionnaire du gouvernement, qui insiste sur l’efficience administrative et l’importanced’une bonne gestion. Si les pertes et profits ne sont pas disponibles en tant qu’indicateursde qualité du management, alors l’ensemble des indicateurs, négociés entre les agenceset le General Accounting Offıce, peuvent être considérés comme des succédanéssatisfaisants. Par ailleurs, cette réforme souligne qu’à la différence de beaucoup d’autressystèmes politiques, la branche législative est un partenaire, d’un poids certes parfoisinégal, dans la gestion du secteur public. Le GPRA constitue une tentative assez clairepour restaurer dans une certaine mesure l’équilibre des pouvoirs entre le Congrès et laPrésidence, équilibre qui avait largement évolué au profit de l’exécutif. En fait, cette loipeut être considérée comme une affirmation de la primauté de la politique et desinstitutions politiques dans un monde où la gestion était devenue en premier lieu ledomaine de l’exécutif 24.

22. DiIulio (J. J.), Deregulating Government, Washington, DC, The Brookings Institution, 1994.23. Radin (B.-A.), « The Government Performance and Results Act (GPRA) : Hydra-Headed Monster or

Flexible Management Tool ? », Public Administration Review, n° 58, 1998, p. 307-316.24. Dans la plupart des pays, ce rôle ne serait pas facilement accepté par le pouvoir législatif, mais le

Congrès s’est toujours perçu comme un partenaire égal avec le Président en matière de bonne gestion.

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L’INTERVENTIONNISME COMME RÉFORME

Les réformes administratives des années quatre-vingt-dix peuvent être opposées auxplus importantes initiatives politiques mises en œuvre pendant les années soixante etsoixante-dix. Les programmes de la « Grande Société » sous l’administration Johnson et,par la suite certaines des réformes réalisées ou tout juste esquissées sous l’administrationNixon, constituèrent une rupture avec le passé pour le gouvernement fédéral. Ellesmodifièrent les tâches du gouvernement ainsi que son rôle dans la société et rapprochè-rent les États-Unis des États-providence d’Europe. En outre, si certains projets del’administration Nixon avaient été mis en œuvre, ils auraient à la fois confirmél’apparition d’un État-providence et, de surcroît, auraient pu renforcer la brancheexécutive en la rendant encore plus « impériale » que ce qu’en disaient déjà ses critiques.

D’une certaine façon, l’ampleur des changements introduits par l’administrationJohnson peut difficilement être surestimée. Même si le New Deal avait ajouté unprogramme élémentaire d’assurance sociale aux attributions du gouvernement américain,le gouvernement fédéral n’était guère plus qu’un État veilleur de nuit ou éventuellementun État en voie de développement. Dans la mesure où le gouvernement fédéral étaitimpliqué dans la politique sociale et éducative, il le faisait par le biais de subventions aubénéfice des programmes menés par les États fédérés. Avec des programmes tels queHead Start, l’Offıce of Economic Opportunity, ainsi que Medicare et Medicaid, legouvernement fédéral devenait un acteur central de la politique sociale. Ces programmesétaient certes mis en œuvre, dans une large mesure, par les États fédérés et lescollectivités territoriales, mais, par rapport au passé, le rôle du gouvernement fédéral étaitnettement plus étendu et plus important dans la conception et le détail des programmes.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’administration Nixon peut être considéréedans une certaine mesure comme ayant poursuivi l’intrusion faite par l’administrationJohnson dans le domaine de la politique intérieure. Cette tendance fut plus particuliè-rement observable à travers la création de l’Agence de protection de l’environnement,mais elle l’aurait été encore plus si le Family Security Plan, une espèce de revenu garanti,avait été adopté tel qu’il avait été proposé par le Président Nixon 25. Alors que cetactivisme inattendu dans les affaires intérieures a fortement marqué le profil de l’Étataméricain, les réformes proposées pour l’administration auraient été encore plussignificatives. Par un « complot qui échoua » 26, l’administration chercha à imposer uncontrôle politique bien plus strict sur la bureaucratie fédérale qui aurait effectivemententraîné la fin de la neutralité politique de la fonction publique qui constituait alorsdepuis un siècle une pièce maîtresse du gouvernement fédéral.

L’ADMINISTRATION GEORGE W. BUSH

L’analyse de l’administration Nixon est importante en elle-même, mais elle l’estencore davantage en ce qu’elle annonce certaines propositions faites par l’administrationde George W. Bush. Ce Président a été le premier à être élu après avoir reçu une véritable

25. Cette idée a été « vendue » au Président Nixon par feu Daniel Patrick Moynihan, qui en était alorsle conseiller, Cf. Moynihan (D.-P.), The Politics of the Guaranteed Income : The Nixon Administration and theFamily Assistance Plan, New York, Random House, 1973.

26. Nathan (R.), The Plot That Failed : Nixon and the Administrative President, New York, Wiley, 1975.

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formation de manager et il a essayé de transformer la gestion du gouvernement fédéral.Un grand nombre des changements proposés sont rédigés dans la langue du managementet de l’efficience, et ces valeurs constituent des aspirations familières pour le secteurpublic aux États-Unis. La perception d’une menace pesant sur les intérêts américains enraison du terrorisme a offert au Président Bush une forte marge de manœuvre alors qu’ilcherchait à introduire des modifications dans le gouvernement.

Alors que les réformes en train d’être institutionnalisées apparaissent commejustifiées au regard de certaines idées traditionnelles ainsi qu’au regard du besoin desécurité, les conséquences de ces réformes sont susceptibles d’avoir un impact particu-lièrement important pour le gouvernement aux États-Unis. Si tous les changementsproposés sont mis en œuvre, le style de gouvernement à la fin de la secondeadministration Bush sera très différent de celui dont elle a hérité de ses prédécesseurs.Comme on a pu le remarquer, les États-Unis ont échappé à la plupart des excès du NewPublic Management imposés dans d’autres démocraties industrialisées 27, mais lespropositions actuellement en discussion auraient pour effet une extension du « gouver-nement par contrat » (contracting out) ainsi qu’une érosion du service public dans desproportions inconnues dans beaucoup d’autres pays.

En outre, on peut craindre que ces changements de type managérial constituent unmoyen permettant de ressusciter le spoils system au sein de l’appareil administratifaméricain, après des décennies de batailles en vue d’instituer un système méritocrati-que 28. La législation créant un département de la sécurité intérieure a écarté le droit dela fonction publique ainsi que les garanties syndicales pour les employés affectés à cedépartement. Cette décision a entraîné la mutation d’environ 150 000 agents quibénéficiaient auparavant de ces protections vers des postes qui pourraient être plusfortement assujettis aux volontés politiques de la direction du département ou duPrésident. Avec cette seule loi, le système du mérite a perdu environ un sixième de sespersonnels.

Certes, on peut faire valoir qu’il s’agit de postes sensibles concernant la sécuriténationale, mais les employés civils du département de la défense font toujours partie dusystème de la fonction publique. En outre, un grand nombre des postes affectés auHomeland Security n’impliquent pas l’exercice de prérogatives de puissance publique etsont occupés par des scientifiques, agronomes ou techniciens des situations d’urgence dela Federal Emergency Management Agency qui devront bien plus probablements’occuper d’inondations et de tornades que d’attaques terroristes. Bref, il apparaît quecette législation a constitué une tentative délibérée en vue d’affaiblir le système de lafonction publique et d’ouvrir le gouvernement à une forme renforcée de patronage. Étantdonné que les appels à la sécurité nationale ont créé une plus forte solidarité à l’intérieurdu gouvernement, il n’y a eu, jusqu’à présent, que peu de conflits entre l’administrationet la fonction publique concernant la mise en œuvre de ces changements. Cette solidaritépourrait cependant commencer à se défaire au regard de questions telles que la gestion

27. Cf. Peters, op. cit., 2003.28. Hoogenboom (A.-A.), Outlawing the Spoils : A History of the Civil Service Reform Movement,

Urbana, University of Illinois Press, 1961. Ingraham (P.-W.) ; Foundations of Merit : Public Service inAmerican Democracy, Baltimore, MD, Johns Hopkins University Press, 1995.

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de l’après-guerre en Irak, l’usage (ou l’abus) des services de renseignements ayant menéà cette guerre, et, de façon plus générale, la manière de traiter la fonction publique 29.

Le changement le plus important que l’on est en train de mettre en œuvre, bienqu’en général de manière très furtive, consiste à supprimer la possibilité pour legouvernement fédéral d’être un acteur central de la politique intérieure en raison de laréduction des impôts et de la croissance du déficit du budget fédéral. Les prétextes de cesallégements fiscaux sont plus ou moins identiques à ceux invoqués sous Reagan, maiss’ils produisent quelque effet, ce sera une baisse bien plus significative des ressourcespubliques. Si on compare cette situation à celle de la présidence Clinton, on peutremarquer que l’une des nombreuses ironies de la politique américaine fut qu’unprésident démocrate, vilipendé par la droite politique comme un homme de gauche nonrepenti, ait été capable d’éliminer, pendant son mandat, l’immense déficit fédéral qu’ilavait hérité de son prédécesseur « conservateur ». Autre ironie, les surplus créés parl’administration Clinton ont été éliminés et remplacés par des déficits massifs pendant lespremières années de Bush II.

Même si l’on met entre parenthèses l’importance des déficits et de la dette publiquepour la gestion économique, les conséquences secondaires pourront en être encore plusimportantes pour l’avenir de l’État. On ne peut pas encore clairement savoir si lesconséquences potentielles des déficits massifs sont bien comprises ou si les réductionsd’impôts sont simplement impulsées par le désir de venir en aide aux électeurs les plusaisés du parti républicain. Quoi qu’il en soit, les conséquences des déficits pourraient êtrede réduire le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la politique intérieure etd’en faire, comparativement à ce qu’il aurait pu devenir, un acteur de second ordre enmatière de santé, de problèmes urbains et d’environnement.

Il est intéressant de noter qu’au moment même où le gouvernement fédéral est entrain de devenir un partenaire moins important en matière de financement de la politiquesociale et économique intérieure, il acquiert un poids plus important dans la régulationde certains aspects de ces politiques publiques. Ce changement de stratégie peut être trèsclairement identifié en ce qui concerne l’éducation. L’administration Bush est en train deréduire les dépenses dans ce secteur, mais le dispositif de la législation « pas d’enfantlaissé pour compte » introduit une charge importante en termes de réglementation et definancement, pesant sur les États fédérés et les collectivités locales. La loi exige des testsstandardisés et autorisera les parents d’écoliers dans les « écoles en défaut » à demanderl’équivalent en vouchers (« chèques-avoirs ») de sorte que leurs enfants puissent aller àl’école dans un environnement plus performant.

Alors qu’une telle intervention peut paraître plutôt mesurée et légère dans bien desdispositifs nationaux, cette réglementation élaborée à partir du centre constitue auxÉtats-Unis une implication du gouvernement fédéral dans l’éducation au plan local plusdirecte que celle qui avait été le fait d’administrations présumées plus activistes. Uneinterprétation moins charitable de cette loi consisterait à dire qu’elle ouvre la porte àl’usage plus systématique des vouchers ainsi que d’autres moyens en vue de subvertirl’éducation publique au bénéfice d’une aide à l’école privée. Toutefois, il s’agitclairement d’un cas dans lequel le gouvernement fédéral fait usage de ses pouvoirslégaux afin de tenter d’améliorer l’éducation d’une partie de la population dont on est en

29. Barr (S.), « Civil Service Reform in a Crossfire », Washington Post, May 25, 2003. Barr (S.),« Whatever Merit Means, It Has Plenty of Support », Washington Post, June 1, 2003.

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droit de penser qu’elle avait été jusqu’à présent plutôt desservie par les arrangementsexistants.

CONCLUSION : QUEL TYPE D’ÉTAT SONT LES ÉTATS-UNIS ?

La description que l’on peut faire des changements effectués dans le gouvernementaméricain par l’administration actuelle donne un nouvel exemple du cliché du verre àmoitié plein ou à moitié vide. D’un côté, un certain nombre de modifications ont réduitla capacité du gouvernement fédéral à mettre en œuvre toute une gamme de programmesrelevant de la politique intérieure dont il avait accepté la responsabilité durant lesdernières décennies. Pour l’instant cette incapacité constitue seulement une conséquenceprésumée des changements affectant la politique fiscale et de l’alourdissement desdépenses en matière de défense. Cela étant dit, il est difficile de voir d’où pourrait bienvenir l’argent pour financer les politiques d’intervention placées sur l’agenda dontl’administration Bush a hérité. En outre, tant les conseillers que les critiques del’administration ont analysé les changements effectués dans la politique fiscale en termesde conséquences pour l’État-providence qui s’est constitué au cours des décenniesprécédentes. En bref, l’une des possibilités consiste dans le retour à l’État veilleur de nuitou à l’une de ses versions modernisées.

L’aspect « verre à moitié plein » des changements mis en œuvre pendant laprésidence Bush consiste en ce que le gouvernement fédéral assume certaines respon-sabilités relevant jusque-là du secteur privé ou qui se trouvaient jusqu’alors aux mains dece secteur. De manière un peu paradoxale, les événements du 11 septembre ontopportunément offert à l’administration Bush le prétexte pour réduire les garantiesoffertes par le droit de la fonction publique à un grand nombre d’agents fédéraux, alorsqu’ils créaient également le besoin de fédéraliser la sécurité des aéroports. Le11 septembre a également permis de renforcer le rôle des autorités fédérales dans laconduite et la coordination de l’exécution de la loi à tous les niveaux de gouvernementimpliqués dans la lutte contre le terrorisme potentiel. Le gouvernement fédéral a recrutéde nouveaux agents et a élargi son champ d’intervention en réponse au terrorisme et lapolitique de réduction de l’activité fédérale menée par la présidence Clinton estdésormais inversée. Cela pourrait renforcer le rôle de veilleur de nuit du gouvernementfédéral, mais il s’agirait alors d’un gouvernement plus activiste.

L’autre changement majeur concernant la nature de l’État sous la secondeadministration Bush, et qui tend à renforcer le rôle du gouvernement dans la sociétéaméricaine, tient au niveau croissant de la « régulation à l’intérieur du gouverne-ment » 30. Cela veut dire que les préoccupations relatives à la performance et à la qualitégouvernementales ont conduit le gouvernement à utiliser de nombreux outils d’audit etde régulation ce qui implique que certains organes gouvernementaux cherchent à exercerdes contrôles sur d’autres. Aux États-Unis, la régulation doit nécessairement se doterd’une dimension « intergouvernementale », étant donné que la plupart des programmes(y compris un grand nombre de ceux financés et mandatés par le gouvernement fédéral)

30. Hood (C.), James (O.), Peters (B.-G.) et Scott (C.), Regulating the Public Sector, Cheltenham,Edward Elgar, à paraître.

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sont en fait exécutés par les appareils administratifs des États fédérés et des collectivitéslocales. Ainsi, l’une des options pourrait être que le gouvernement fédéral deviennedavantage un État régulateur, comparable au style de gouvernement dont on a pu direqu’il caractérisait l’Union européenne.

L’intervention du gouvernement fédéral en matière d’éducation, mentionnée plushaut, est importante en tant qu’il s’agit d’une implication dans un domaine où legouvernement fédéral n’a formellement que peu d’autorité ou d’activités directes. Alorsque le gouvernement se dégage de certaines politiques publiques il pourrait bienintervenir plus activement dans d’autres. Toutefois, les interventions concernant lesécoles en défaut pourrait bien constituer un prétexte en vue d’étendre le principe desvouchers dans le domaine de l’éducation ou bien de lancer une autre attaque contre lesecteur public en général, bien que les stratégies de ce genre soient potentiellementdangereuses. Ayant choisi d’intervenir d’une certaine façon, il peut être difficile derefuser d’intervenir dans l’avenir dans le même domaine pour d’autres objectifs. En effet,étant donné que beaucoup de districts scolaires sont confrontés à d’immenses problèmesfinanciers, de nombreux regards pourraient se tourner vers Washington en y voyant lasource des financements nécessaires.

En résumé, l’État américain a gardé beaucoup de ses caractéristiques présentes lorsde sa fondation, et qui se sont affinées et développées durant les décennies de sonexistence. En même temps, un grand nombre de changements fort importants sontintervenus qui ont changé le rôle de l’État dans la société ainsi que les modèles desinterventions que le gouvernement a menées afin de régler les problèmes sociaux etéconomiques. Ces changements se poursuivent et ils incarnent une lutte continue portantsur la définition de l’État qui s’inscrit au moins dans trois dimensions. L’une porte sur lepoint de savoir dans quelle mesure le gouvernement américain sera un État minimalisteet dans quelle mesure l’État (et plus particulièrement le gouvernement fédéral) seraimpliqué dans des politiques comme la protection de la santé ou le bien-être social. Ladeuxième dimension du changement concerne le degré de centralisation, et, partant, lavolonté du gouvernement fédéral d’imposer ou de chercher à imposer un contrôle sur lesautres entités de l’appareil administratif. Enfin, en troisième lieu, il existe des pressionsvisant à réduire la neutralité politique de la fonction publique et à imposer un leadershipprésidentiel plus fort sur la branche exécutive. Des changements intervenant sur l’une deces dimensions pourraient indiquer une certaine évolution de la tradition étatique, alorsque des changements opérant dans les trois dimensions à la fois pourraient signifier uneréinvention de cette tradition.

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