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4 LES NOUVELLES FISCALES - N° 1175 - 1 ER AVRIL 2016 ÉVÉNEMENT Rappel des faits et de la procédure Au titre de son exercice clos en 2007, la Société Edel Tamp (ci-après, « la Société ») a constaté qu’une dette four- nisseur inscrite à son passif pour un montant de 105 473 était prescrite depuis 1996, soit depuis plus de 10 ans. La Société a donc tiré les consé- quences de cette prescription et effacé cette dette fournisseur de son bilan. Or et pour rappel, en application des dispositions du 2 de l’article 38 du CGI : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les asso- ciés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amor- tissements et les provisions justifiés. » Par conséquent, toute diminution du passif entraîne une variation posi- tive de l’actif net. En l’espèce, la cor- rection de cette erreur comptable involontaire par la Société a donc mécaniquement augmenté son résul- tat imposable à l’impôt sur les socié- tés (IS). Afin de neutraliser les conséquences fiscales de cette variation d’actif net qui trouvait son origine dans un exer- cice prescrit et qui ne pouvait donc pas donner lieu à un complément d’imposition, la Société a déduit de son résultat fiscal la somme de 105 473 correspondant à la dette fournisseur prescrite. Suite à une vérification de compta- bilité, l’administration fiscale a réin- tégré cette somme dans les résultats de la Société au titre de l’exercice clos en 2007. L’affaire a donné lieu à l’introduc- tion d’une instance devant le juge de l’impôt. Par un jugement du Règle de l’ intangibilité du bilan : actualité pratique du « droit à l’oubli » pour les contribuables La question des modalités d’application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit fait l’objet d’un contentieux fourni et d’une actualité jurisprudentielle régu- lière. Dans un arrêt en date du 13 octobre 2015 (1) , devenu définitif le 13 décembre 2015 en l’ab- sence de pourvoi en cassation, la Cour administrative d’appel de Lyon précise la délimitation des exceptions à la règle de l’intangibilité du bilan en jugeant que le maintien à tort en comptabilité d’une dette fournisseur prescrite depuis plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit peut être corrigé depuis son exercice d’origine sans que puisse être opposée la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit. CAA Lyon, 13 oct. 2015, n° 14LY00250, Société Edel Tamp. POUR EN SAVOIR PLUS : CE, ass., 7 juill. 2004, n° 230169, Min. c/ SARL Ghesquière Équipement; CE, 11 mai 2015, n° 370533, Société A Promotion; L. fin. rect. 2004, n° 2004-1485, 30 déc. 2004, JO 31 déc.; BOI-BIC-BASE-40-20-20-10 et s.; BOI-ANNX-000114. Repère : Le Lamy fiscal 2015, § 8227, 8229. (1) CAA Lyon, 13 oct. 2015, n° 14LY00250, Société Edel Tamp. Par Jean-Christophe BOUCHARD, avocat associé NMW Avocats et Rémi CASTEBERT, avocat à la Cour, NMW Avocats

Règle de l intangibilité du bilan : actualité pratique du « … un bénéfice sans exis-tence réelle. La circonstance que les écritur es comptables, lorsqu elles ne sont pas

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➜ Rappel des faits et de la procédure

Au titre de son exercice clos en 2007,la Société Edel Tamp (ci-après, « laSociété») a constaté qu’une dette four-nisseur inscrite à son passif pour unmontant de 105473 € était prescritedepuis 1996, soit depuis plus de10 ans.La Société a donc tiré les consé-quences de cette prescription eteffacé cette dette fournisseur de sonbilan.Or et pour rappel, en application desdispositions du 2 de l’article 38 duCGI : « Le bénéfice net est constituépar la différence entre les valeurs del’actif net à la clôture et à l’ouverturede la période dont les résultats doiventservir de base à l’impôt diminuée dessuppléments d’apport et augmentée desprélèvements effectués au cours de cettepériode par l’exploitant ou par les asso-ciés. L’actif net s’entend de l’excédentdes valeurs d’actif sur le total formé aupassif par les créances des tiers, les amor-tissements et les provisions justifiés. »

Par conséquent, toute diminutiondu passif entraîne une variation posi-tive de l’actif net. En l’espèce, la cor-rection de cette erreur comptableinvolontaire par la Société a doncmécaniquement augmenté son résul-tat imposable à l’impôt sur les socié-tés (IS).Afin de neutraliser les conséquencesfiscales de cette variation d’actif netqui trouvait son origine dans un exer-cice prescrit et qui ne pouvait doncpas donner lieu à un complémentd’imposition, la Société a déduit deson résultat fiscal la somme de105 473 € correspondant à la dettefournisseur prescrite.Suite à une vérification de compta-bilité, l’administration fiscale a réin-tégré cette somme dans les résultatsde la Société au titre de l’exercice closen 2007.L’affaire a donné lieu à l’introduc-tion d’une instance devant le juge del’impôt. Par un jugement du

Règle de l’intangibilité du bilan : actualité pratique

du «droit à l’oubli» pour les contribuables

La question des modalités d’application de la règle de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premierexercice non prescrit fait l’objet d’un contentieux fourni et d’une actualité jurisprudentielle régu-lière. Dans un arrêt en date du 13 octobre 2015 (1), devenu définitif le 13 décembre 2015 en l’ab-sence de pourvoi en cassation, la Cour administrative d’appel de Lyon précise la délimitation desexceptions à la règle de l’intangibilité du bilan en jugeant que le maintien à tort en comptabilitéd’une dette fournisseur prescrite depuis plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice nonprescrit peut être corrigé depuis son exercice d’origine sans que puisse être opposée la règle del’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit.

CAA Lyon, 13 oct. 2015, n° 14LY00250,Société Edel Tamp.

POUR EN SAVOIR PLUS :CE, ass., 7 juill. 2004, n° 230169, Min. c/ SARL Ghesquière Équipement;CE, 11 mai 2015, n° 370533, Société A Promotion;L. fin. rect. 2004, n° 2004-1485, 30 déc.2004, JO 31 déc.;BOI-BIC-BASE-40-20-20-10 et s. ;BOI-ANNX-000114.

Repère : Le Lamy fiscal 2015, § 8227,8229. (1) CAA Lyon, 13 oct. 2015, n° 14LY00250, Société

Edel Tamp.

Par Jean-Christophe BOUCHARD,

avocat associé NMW Avocats

et Rémi CASTEBERT,

avocat à la Cour, NMW Avocats

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l’erreur (3). Ce droit à correction esttoutefois limité, dans certains cas,par la règle de « l’intangibilité du biland’ouverture du premier exercice nonprescrit ».

Cette règle de l’intangibilité, initia-lement instaurée de façon préto-rienne, trouve son origine dans le faitqu’appliquée sans restriction, la règlede « la correction symétrique » peutparfois conduire, en raison des cor-rections en chaîne qu’elle implique,à faire remonter un bénéfice, uneperte ou une charge jusqu’à un exer-cice prescrit.C’est pour éviter cette conséquencedéfavorable pour le Trésor public quele juge de l’impôt a instauré la règledite d’« intangibilité du bilan d’ou-verture du premier exercice non pres-crit (4) ».Cette règle repose sur l’idée qu’unbilan de clôture d’un exercice estnécessairement identique aux écri-tures du bilan de clôture de l’exer-cice précédent qui, se rapportant àun exercice prescrit, expriment unevaleur d’actif net regardée commedéfinitive. Par conséquent, si un bilande clôture d’un exercice prescrit com-porte des erreurs qui ont entraînéune sous-estimation (ou une sures-timation) de l’actif net, celles-ci nepeuvent plus en principe être corri-gées dans ce bilan, puisqu’elles sontatteintes par la prescription. Toute-fois, en vertu de cette règle, l’admi-nistration fiscale est en droit derehausser l’insuffisance d’actif net enrectifiant le seul bilan de clôture dupremier exercice non prescrit.Cette construction prétorienne a étéabandonnée par le Conseil d’Étatdans sa décision d’Assemblée Ghes-quière du 7 juillet 2004 (5), avant d’êtrerétablie, avec toutefois certaines

➜ La neutralisation desconséquences fiscales de la correction d’erreursinvolontaires parapplication du mécanismede la correctionsymétrique des bilans

Pour rappel, lorsque l’administrationfiscale ou les contribuables consta-tent des erreurs dans les écritures dubilan, ces derniers doivent, en prin-cipe, procéder à leur correction symé-trique. Cela signifie qu’ils doiventcorriger l’erreur involontaire identi-fiée affectant le bilan en remontantjusqu’à l’exercice au titre duquel celle-ci est intervenue.Ce mécanisme dit de « la correctionsymétrique des bilans » a été formuléde longue date par le Conseil d’Étatqui a jugé que : « Lorsque l’Adminis-tration, dans l’exercice de son pouvoirde vérification et de redressement desdéclarations, constate que la méthodecomptable suivie par le contribuablepour la détermination de ses résultatsest critiquable, il lui appartient de rec-tifier les résultats par application d’uneméthode convenable. Toutefois, elle nesaurait limiter les corrections ainsiapportées aux écritures de l’assujetti àcertaines d’entre elles seulement, alorsqu’il est établi que la même erreur seretrouve dans d’autres, et dégager ainsi,arbitrairement, un bénéfice sans exis-tence réelle. La circonstance que les écritures comptables, lorsqu’elles ne sontpas entachées de simples erreurs matérielles, sont opposables au contri-buable, parce qu’elles exprimentdes décisions prises, à tort ou à raison,par l’exploitant de l’entreprise, n’est pasde nature, sauf en cas de manœuvrefrauduleuse, à faire obstacle à ce quecelui-ci, en cas de redressement, cri-tique à son tour la méthode de redres-sement incomplète et, par suite, erro-née, suivie par l’Administration. » (2)

Ce mécanisme a ainsi pour objectifd’éviter de dégager arbitrairementsur un seul exercice un bénéfice ouune perte ne correspondant à aucuneréalité économique, suite à la consta-tation d’une variation d’actif net autitre de l’exercice de correction de

22 novembre 2013, le Tribunal admi-nistratif de Grenoble a déchargé laSociété des compléments d’IS mis àsa charge en faisant application desdispositions combinées du premieret deuxième alinéa du 4 bis de l’ar-ticle 38 du CGI qui disposent que :«Pour l’application des dispositions du2, pour le calcul de la différence entreles valeurs de l’actif net à la clôture età l’ouverture de l’exercice, l’actif netd’ouverture du premier exercice nonprescrit déterminé, sauf dispositionsparticulières, conformément aux pre-mier et deuxième alinéas de l’articleL. 169 du Livre des procédures fiscalesne peut être corrigé des omissions ouerreurs entraînant une sous-estimationou surestimation de celui-ci.Les dispositions du premier alinéa nes’appliquent pas lorsque l’entrepriseapporte la preuve que ces omissions ouerreurs sont intervenues plus de 7 ansavant l’ouverture du premier exercicenon prescrit. »Dans cette affaire, l’administrationfiscale justifiait, quant à elle, sonredressement sur le fondement desdispositions du quatrième alinéa du4 bis de l’article 38 du CGI qui pré-cisent que : « Les corrections des omis-sions ou erreurs mentionnées auxdeuxième et troisième alinéas restentsans influence sur le résultat imposablelorsqu’elles affectent l’actif du bilan.Toutefois, elles ne sont prises en compteni pour le calcul des amortissements oudes provisions, ni pour la détermina-tion du résultat de cession. »Selon elle, les dispositions dudeuxième alinéa du 4 bis de l’ar-ticle 38 du CGI qui autorisent lescontribuables à corriger symétrique-ment les erreurs involontaires affec-tant leur bilan étaient neutraliséespar l’alinéa 4 qui ne fait référencequ’à « l’actif du bilan ».L’administration fiscale en déduisaitque les dispositions du deuxième ali-néa ne trouvaient donc à s’appliquerque dans le cas de corrections d’er-reurs comptables affectant l’actif dubilan. La neutralité fiscale prévue parle dispositif précité ne trouvait donc,selon elle, pas à s’appliquer dans lecas d’une erreur ayant affecté le pas-sif du bilan.

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(2) En ce sens, voir notamment : CE, 27 oct. 1958,n° 39767; CE, 11 mai 1964, n° 60663; CE, 15 juin1966, n° 62140; CE, 22 déc. 1967, n° 71206; CE, 28janv. 1976, n° 77909; CE, 11 juin 1982, n° 24639.(3) En effet, les dispositions de l’article 38, 2 du CGIdéfinissent le bénéfice imposable d’une société parla différence entre les valeurs de l’actif net à laclôture et à l’ouverture de la période.(4) Voir notamment : CE, 20 déc. 1952, n° 86821;CE, 18 déc. 1954, n° 10187 et CE, 31 oct. 1973,n° 88207 pour la réintroduction de la règle.(5) CE, ass., 7 juill. 2004, n° 230169, min. c/ SARLGhesquière Equipement.

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réserves, par la loi de finances recti-ficative du 30 décembre 2004 (6) quia introduit un 4 bis à l’article 38 duCGI inchangé depuis lors.Parmi les dérogations énoncées au4 bis de l’article 38 du CGI, figure,en son deuxième alinéa, l’hypothèsedans laquelle l’entreprise apporte lapreuve que les omissions ou erreurssont intervenues plus de 7 ans avantl’ouverture du premier exercice nonprescrit (7). Dans ce cas, la règle del’intangibilité du bilan ne trouve pasà s’appliquer.Toutefois, il convient de noter quele quatrième alinéa du 4 bis de l’ar-ticle 38 du CGI précise que : «Les cor-rections des omissions ou erreurs men-tionnées aux deuxième et troisièmealinéas restent sans influence sur le résul-tat imposable lorsqu’elles affectent l’ac-tif du bilan. Toutefois, elles ne sontprises en compte ni pour le calcul desamortissements ou des provisions, nipour la détermination du résultat decession. »C’est justement sur le fondement dela lettre du quatrième alinéa du 4 bisde l’article 38 du CGI que l’adminis-tration fiscale s’est, en l’espèce, fon-dée pour refuser à la Société le béné-fice de la correction symétrique.Pour justifier sa position, l’adminis-tration fiscale faisait notammentvaloir que les erreurs affectant le pas-sif ne pouvaient bénéficier de la cor-rection symétrique, dans la mesureoù le dernier alinéa du 4 bis de l’ar-ticle 38 du CGI précise que : « Les corrections des omissions ou erreurs men-tionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résul-tat imposable lorsqu’elles affectent l’ac-tif du bilan. »Elle considérait donc que la Sociéténe pouvait se prévaloir de la correc-tion symétrique et ainsi déroger à larègle de l’intangibilité du bilan, dansla mesure où les dispositions préci-tées ne mentionnent pas expressé-ment les erreurs affectant le passif dubilan.Sur cette question, il convient denoter que la doctrine administrativeadopte une position ambigüe puis-qu’elle considère que les omissionsou les erreurs affectant le passif sont

exclues du dispositif de neutralisa-tion (8) tout en admettant, à titred’exemple, qu’une dette éteinte, soitune erreur affectant le passif, depuisplus de 7 ans avant l’ouverture dupremier exercice non prescrit, puissefaire partie des exceptions à la règled’intangibilité du bilan d’ouvertureet puisse faire l’objet d’une correc-tion symétrique (9).

➜ La CAA de Lyonconfirme que la Sociétépouvait bénéficier de la correction symétrique des bilans

Dans l’arrêt commenté, la Couradministrative d’appel de Lyon(CAA) confirme la position des jugesde première instance en jugeantqu’« il résulte de l’instruction que leredressement litigieux opéré à l’en-contre de la société Edel Tamp concernela réintégration par l’Administrationau bénéfice net imposable de laditesociété du produit comptable consti-tué par la reprise, au cours de l’exer-cice clos le 30 juin 2007, d’une sommede 105 473 € correspondant à unedette fournisseur ; qu’il n’est pas contestéque la dette fournisseur en litige étaitprescrite depuis 1996, soit plus de7 ans avant l’ouverture du premierexercice non prescrit et que le main-tien de cette dette dans les écriturescomptables de la société jusqu’à cetexercice constituait une erreur comp-table ; qu’en application de l’article 38,4 bis précité du CGI, la correctionde cette erreur par la société entraitdans le champ des exceptions au prin-cipe d’intangibilité du bilan d’ouver-ture du dernier exercice non prescrit ;que, par suite, la reprise de cette dettepar la société Edel Tamp ne pouvaitconduire, pour le calcul de son béné-fice net imposable, à une variation del’actif net de la société ».Selon la CAA de Lyon, la correctioneffectuée par la Société ainsi que laneutralisation de ses conséquencesfiscales entraient bien dans le champd’application des exceptions au prin-cipe d’intangibilité du bilan d’ouver-

ture du premier exercice non pres-crit prévues par les dispositions duquatrième alinéa du 4 bis de l’ar-ticle 38 du CGI.La solution adoptée par la CAA deLyon semble assez peu se prêter à lacritique. En effet, l’interprétationdes dispositions du quatrième ali-néa du 4 bis de l’article 38 du CGIdéfendue par l’administration fis-cale dans cette affaire n’était pas satis-faisante, ceci, dans la mesure où ellese fondait sur une interprétation lit-térale de ce texte conduisant à créerune asymétrie là où le juge de l’im-pôt a toujours veillé à faire bénéfi-cier tant le contribuable que l’Ad-ministration des effets de lacorrection symétrique et de la règlede l’intangibilité, que l’applicationde cette règle soit favorable à l’Ad-ministration ou au contribuable.En effet, la possibilité ouverte aucontribuable de corriger les erreurscomptables involontaires en appli-cation du dispositif de correctionsymétrique a pour objet, comme lerappelait d’ailleurs le Commissairedu Gouvernement Pierre Collin dansses conclusions sur l’arrêt précitéGhesquière Équipement, d’établir unrésultat fiscal conforme à la réalité.En d’autres termes, la règle de la cor-rection symétrique vise à rapprocherle résultat fiscal de la réalité. PierreCollin en conclut qu’« assimiler unecorrection comptable à une “opéra-tion” de l’exercice reviendrait à per-mettre l’émergence et, par suite, lataxation d’un bénéfice purement comp-table, c’est-à-dire sans existence réelle,ce que votre jurisprudence a toujourscherché à éviter, avant comme après1973, en imposant le jeu des correc-tions symétriques ».Ainsi, en adoptant la position défen-due par l’administration fiscale et en

(6) L. fin. rect. 2004, n° 2004-1485, 30 déc. 2004,JO 31 déc.(7) Sur ce point, il ressort des travaux parlementairesque le législateur a voulu instaurer un «droit à

l’oubli» pour les erreurs trop anciennes, commises ily a plus de 10 ans (les 7 ans de cet alinéa plus ledélai de reprise normal de 3 années), cette périodede 10 ans ayant été déterminée par rapport àl’obligation faite aux entreprises, par l’article L. 123-

22 du Code de commerce, de conserver les documentscomptables. (8) BOI-BIC-BASE-40-20-20-20, n° 1.(9) BOI-BIC-BASE-40-20-20-10, n° 20 et BOI-ANNX-000114.

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du bilan (12). Cette solution allant unenouvelle fois à l’encontre de la doc-trine administrative alors que celle-ci retient une interprétation plus favo-rable au contribuable (13).

En conclusion, l’arrêt commenté, enadoptant une solution de bon senss’inscrivant dans la continuité de laligne jurisprudentielle adoptée enmatière de correction symétrique desbilans, a le mérite de tendre vers lasécurisation de la situation des contri-buables en précisant que le champ del’exception à la règle de l’intangibilitédu bilan posée par l’alinéa 4 du 4 bisde l’article 38 du CGI s’applique auxerreurs involontaires affectant lepassif. On attendra avec intérêt que leConseil d’État ait l’opportunité deconfirmer la solution adoptée par laCAA de Lyon afin de trancher définiti-vement cette question mais égalementque l’administration fiscale clarifie sadoctrine administrative sur ce point.

la portée des alinéas précédents, maisd’indiquer les conséquences à tirerde ceux-ci. L’objectif était d’éviterune double déduction qui résulteraitdu cumul de la déduction initiale lorsde la constatation en charge au coursde la période prescrite, puis d’uneseconde déduction après avoir opéréla correction du bilan lors de la dépré-ciation d’un élément corrigé ou dela cession d’un élément d’actif.

➜ L’approche adoptée parla CAA de Lyon met à malla doctrine administrative

La solution retenue par la CAA deLyon, inédite en la matière, présenteun intérêt certain, dans la mesure oùelle précise le champ d’applicationde l’exception à la règle de l’intangi-bilité du bilan en rappelant explici-tement que celle-ci s’applique à lacorrection d’erreurs involontairesaffectant le passif de la société. Cettesolution permet de renforcer la sécu-rité juridique des contribuables,compte tenu de la rédaction peu clairede l’alinéa 4 du 4 bis de l’article 38

du CGI qui ne fait référence qu’auxerreurs affectant l’actif du bilan et àla position également ambigüe de ladoctrine administrative sur ce point.En ce qui concerne l’actualité sur lesmodalités de correction des erreursaffectant le passif, on rappellera quele Conseil d’État a récemment jugéque le maintien au bilan d’une pro-vision injustifiée même réalisé plusde 7 ans avant l’ouverture du pre-mier exercice non prescrit constituaitla répétition d’une erreur excluantl’exception à la règle d’intangibilité

validant la rectification du résultatde la SA Edel Tamp, la CAA de Lyonaurait admis l’imposition d’un béné-fice purement comptable au titre del’exercice 2007 en contradiction avecla jurisprudence du Conseil d’État.Sur ce point, il convient également denoter qu’en ce qui concerne les erreurspouvant faire l’objet d’une correctionsymétrique, le Conseil d’État avaitdéjà eu l’occasion de se prononcerdans un avis contentieux du 17 mai2006 (10), dans lequel celui-ci avaitconsidéré que le quatrième alinéa du4 bis de l’article 38 du CGI ne faisaitaucune distinction selon la nature del’écriture corrigée, que celle-ci affecteun élément du passif ou de l’actif.Par ailleurs, si les dispositions du qua-trième alinéa du 4 bis de l’article 38,qui précisent les conséquences à tirerdes corrections des omissions ouerreurs, semblent opérer une distinc-tion entre les corrections sur les écri-tures d’actif ou de passif, elles ne com-portent aucune dérogation ourestriction expresse aux règles poséespar les deux premiers alinéas. De sorteque l’interprétation adoptée par l’ad-ministration fiscale dans cette affairen’est pas cohérente au regard de l’ar-ticle pris dans son intégralité. Au sur-plus, il convient de noter que les tra-vaux parlementaires ne permettentpas de penser que l’intention du légis-lateur aurait été d’autoriser l’impo-sition des corrections comptablesconcernant des écritures d’élémentsde passif de plus de 10 ans (11).En ce qui concerne les débats parle-mentaires relatifs au quatrième ali-néa du 4 bis de l’article 38 du CGI,ces derniers montrent que ce texteavait pour objet non de restreindre

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C O M M E N TA I R EC O M M E N TA I R E

(10) CE, avis, 17 mai 2006, n° 288511, Société Cati-mini International, qui évoque la possibilité de corri-ger dans les bilans des exercices prescrits «une erreurou omission affectant l’évaluation d’un élément quel-conque du bilan».(11) Il apparaît clairement que le législateur aentendu donner tout son effet au «droit à l’oubli».Le rapport de la commission des finances du Sénatindiquait concernant cette exception à la règle dubutoir que celle-ci « se veut favorable aucontribuable en ce qu’elle vise à introduire un droità l’oubli des erreurs ou omissions anciennes et debonne foi, telle qu’une dette éteinte depuis plus dedix ans pour un amortissement irrégulier constaté 10ans auparavant» (Rapp. de la Commission desfinances du Sénat n° 1976, sur le projet de loi definances rectificative pour 2004, fasc. 3, art. 25 à38, p. 131).(12) CE, 11 mai 2015, n° 370533, Société APromotion.(13) BOI-ANNX-000114 précité.

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