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Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé 37 es besoins de soins de santé sont en hausse alors même que les gouvernements pro- vinciaux cherchent à limiter leurs dépenses. 1 La réaction courante à ces pressions parallèles s’est souvent résu- mée à chercher des moyens de réformer le système de santé. Les réformes provin- ciales implantées au cours de la dernière décennie ont été caractérisées par la mise en place de nouvelles structures décisionnelles, de nouveaux rapports relationnels fondés sur la régionalisation, 2 et l’adoption de techniques d’organisa- tion de la production et d’approches axées sur le marché. 3 Malheureu- sement, tel qu’exposé dans un premier article, les récentes pratiques qui composent ce nouveau paradigme de gestion publique n’ont pas engendré les succès espérés. Ce second article propose une philosophie de gestion qui peut surmonter les aléas du paradigme de gestion publique qui a présentement cours pour gérer les organismes de soins de santé. On pourrait décrire le cadre proposé comme étant un style de gestion organique doté d’éléments d’inten- dance, de responsabilisation, de coopération, de soulignement des différences, d’apprentissage organi- sationnel et de rétroaction. Cette forme de gestion correspond à un style qui était employé lorsque les établissements de santé étaient gérés par la collectivité et fondés sur la responsabilité partagée pour la prestation des soins de santé. Vers une gestion organique Si le monde corporatif ne fournit pas des modèles de gestion parfaitement adaptables à un système de santé financée par les deniers publics, il importe alors de chercher ailleurs. La nature pourrait s’avérer un champ de recherche plus convenable et plus fructueux en vue de trouver des modèles pertinents de gestion et ARTICLE ORIGINAL Thomas Rathwell D. David Persaud Résumé Dans le premier volet de cette série de deux articles, nous avons démontré que l’adoption de techniques d’organisation de la production et l’application d’approches axées sur le marché pour la prestation de soins de santé n’avaient pas répondu aux attentes initiales. De plus, la situation impose de grandes contraintes aux gestionnaires qui se voient forcés d’appliquer ces mécanismes. Dans ce deuxième volet, nous proposons une nouvelle philosophie de gestion des soins de santé qui se rapproche davantage des véritables racines de la prestation des soins de santé au Canada. Remanier le paradigme de la gestion des soins de santé : vers une gestion organique par Thomas Rathwell et D. David Persaud L

Remanier le paradigme de la gestion des soins de santé : vers une gestion organique

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Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé 37

es besoins de soins de santésont en hausse alors mêmeque les gouvernements pro-vinciaux cherchent à limiterleurs dépenses.1 La réactioncourante à ces pressionsparallèles s’est souvent résu-mée à chercher des moyensde réformer le système desanté. Les réformes provin-ciales implantées au coursde la dernière décennie ont

été caractérisées par la mise en placede nouvelles structures décisionnelles,de nouveaux rapports relationnelsfondés sur la régionalisation,2 etl’adoption de techniques d’organisa-tion de la production et d’approchesaxées sur le marché.3 Malheureu-sement, tel qu’exposé dans un premierarticle, les récentes pratiques quicomposent ce nouveau paradigme degestion publique n’ont pas engendréles succès espérés. Ce second articlepropose une philosophie de gestionqui peut surmonter les aléas duparadigme de gestion publique qui a

présentement cours pour gérer lesorganismes de soins de santé. Onpourrait décrire le cadre proposécomme étant un style de gestionorganique doté d’éléments d’inten-dance, de responsabilisation, decoopération, de soulignement desdifférences, d’apprentissage organi-sationnel et de rétroaction. Cetteforme de gestion correspond à unstyle qui était employé lorsque lesétablissements de santé étaientgérés par la collectivité et fondés surla responsabilité partagée pour laprestation des soins de santé.

Vers une gestion organiqueSi le monde corporatif ne fournit pasdes modèles de gestion parfaitementadaptables à un système de santéfinancée par les deniers publics, ilimporte alors de chercher ailleurs. Lanature pourrait s’avérer un champ derecherche plus convenable et plusfructueux en vue de trouver desmodèles pertinents de gestion et

ARTICLE ORIGINAL

ThomasRathwell

D. DavidPersaud

Résumé

Dans le premier volet de cette série de deux articles, nous avons démontré que

l’adoption de techniques d’organisation de la production et l’application

d’approches axées sur le marché pour la prestation de soins de santé n’avaient

pas répondu aux attentes initiales. De plus, la situation impose de grandes

contraintes aux gestionnaires qui se voient forcés d’appliquer ces mécanismes.

Dans ce deuxième volet, nous proposons une nouvelle philosophie de gestion

des soins de santé qui se rapproche davantage des véritables racines de la

prestation des soins de santé au Canada.

Remanier le paradigme de la gestion dessoins de santé : vers une gestion organique

par Thomas Rathwell et D. David Persaud

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d’organisation.4 On retrouve en effetcertains des rapports et des modesorganisationnels les plus complexesqui soient dans le règne animal et lemonde des insectes. Prenons laruche comme exemple. Elle comprenddifférents types de membres organisésen groupes de travail qui ont chacunla responsabilité d’un élément précisdu bon fonctionnement de la ruche.La structure organisationnelle de laruche est partiellement organique—tout en laissant une place àl’initiative en vertu de laquelle lesmembres de la ruche avertissent lesautres, par une forme de rétroaction,de la présence de nouvelles sourcesd’alimentation. De plus, on pourraitdire que certaines activités sontstructurées comme, par exemple, letravail coordonné des abeillesexécuté selon des routines établiesen vue de tirer le maximum dessources d’alimentation. On pourraitfaire le rapprochement dans ledomaine de la santé avecles salles d’opération etles installations delaboratoire. Dans l’en-semble, la vie de laruche évolue en fonctiondes circonstances localeset en s’adaptant auxchangements environ-nementaux dans lecadre d’un systèmeouvert.5 Le succès de laruche dépend del’intégration synergiquedu produit de chacun des groupes dela ruche. Même si la reine peutdéterminer certaines facettes ducomportement des ouvrières par lasécrétion d’hormones, l’ensemble del’activité au sein de la ruche est lié àl’intérêt commun—au bien-êtresocial et économique de la ruche. Parconséquent, il y a une visiondéterminante partagée du fonction-nement, du bien-être et de l’existenceoptimale de la ruche.

L’efficacité de la ruche est égalementaméliorée par la coordination dediverses activités. Les membres sonttous conscients de leurs responsa-bilités et ont la responsabilité de s’enacquitter. De plus, même si la reinefournit une certaine orientation, ellene contrôle pas la vie de la ruche. Cesont les membres de la ruches quidécident quoi faire, quand le faire etcomment le faire. Ainsi, ils fontpreuve à la fois d’initiative et dejugement (instinct) dans l’acquittementde leurs tâches. L’instinct est le liencontextuel qui cimente la ruche etqui dirige ses activités. Par conséquent,en raison de la diversité des habiletésdes membres et de la capacité decoordonner leurs activités en vue dubon fonctionnement de la ruche,envisager la gestion d’organisationsde soins de santé comme si ellesétaient une version humaine de laruche a un certain mérite : unecollectivité plutôt qu’une entreprise.L’analogie avec l’organisation de

soins de santé estr e m a r q u a b l e m e n tsimilaire car on peutaffirmer que même si leprésident directeur-général ou l’équipe dehaute direction a desresponsabilités éviden-tes de leadership, ils nepeuvent évidemmentpas contrôler les faits etgestes de chacun desemployés. À l’image dela reine de la ruche, leprésident directeur-général compte sur des

politiques et des procédures afin deveiller à ce que les employés soientredevables envers l’entre l’entrepriseet responsables de leurs activités,assurant ainsi le fonctionnementefficace de l’organisation. De plus,les attributs vitaux essentiels à lagestion des soins de santé quicorrespondent à ceux de la ruchesont la coopération, la coordination,l’initiative, la confiance, la rétroaction,le jugement, le leadership et laparticipation.

Selon Glouberman et Mintzberg,6 lacoopération est une denrée rare dansle monde de la santé. Ils affirmentque paradoxalement, les forces quirassemblent les travailleurs de lasanté renforcent leurs différences.Les forces récalcitrantes sontl’engagement à l’égard de l’objectif,le désir de faire progresser lesconnaissances et l’urgence. Lapremière, l’engagement à l’égard del’objectif, se manifeste par ledévouement et, souvent, par lesacrifice de soi, qui sont éclipsés parl’inquiétude et l’attitude défensive.La seconde force, le désir de faireprogresser les connaissances, mènesurtout à une différentiation entre lesprofessions. Par conséquent, plusnous en savons sur la santé et lessoins de santé, moins nous compre-nons parfois collectivement. Latroisième, l’urgence, est évidentedans des situations de crise où lacoopération de tous et chacun estnécessaire. Toutefois, l’urgence ensoi ne suffit pas à maintenir lacoopération, car une fois la situationd’urgence passée, le modèlefragmenté habituel refait surface. Lesorganisations de soins de santé ontbesoin de soins coopératifs continuset non de cures intermittentes. Lacoopération au sein des différentsgroupes professionnels doit êtrecontinue afin de pouvoir mener àl’intégration des soins qui s’est avéréeinsaisissable jusqu’à maintenant.7

La coordination est également uningrédient essentiel de l’intégration.Tout comme pour la ruche, unsystème de santé ne peut fonctionneren l’absence d’une étroite coordi-nation des différentes activités de sesmembres. Selon Jacobs et Nilakant,8(p. 109)

la tâche organisationnelle clé consisteà coordonner le travail des diversprofessionnels. Selon eux, le modèlecorporatif peut ne pas convenir àcette fin en raison de son accent surla hiérarchie, les plans, les procédures,

SelonGlouberman

et Mintzberg,6

la coopérationest une denréerare dans lemonde de la santé.

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les programmes et les règlements.Or, il faut plutôt mettre l’accent surl’interdépendance et le soutienmutuels dans un contexte quivalorise autant les aptitudes auxrelations interpersonnelles que lescompétences techniques, quirécompense de préférence le travaild’équipe plutôt que le rendementindividuel et qui accorde autantd’importance aux aptitudes multiplesqu’aux aptitudes spécifiques à unediscipline donnée.8 Ces attributs nese retrouvent habituellement pasdans les modèles corporatifs qui sontomniprésents dans les organisationsde soins de santé. Il est doncparadoxal de voir les gouvernementsforcer le secteur public à appliquerdes modèles de gestion provenant dusecteur privé qui semblent lacunaireset incapables de résoudre lesproblèmes organisationnels inhérentsau système de santé. Certainséléments de l’approche du secteurprivé à la gestion organisationnellepeuvent certainement être utilisésdans le secteur public. Toutefois, ilest important que de telles mesuressoient tempérées par d’autresapproches, comme celles que nousdécrivons ici, qui tiennent comptedes valeurs du domaine public.9

La situation comporte une ironiesaisissante : au moment même où lesecteur public s’entête à appliquerdes concepts de gestion désuets dumonde corporatif, les sociétésadoptent des éléments propres auxmodèles organiques fondés sur laresponsabilisation et le partenariat.10

Ainsi, au lieu d’élaborer des modèlesde gestion convenant à sa proprephilosophie, le secteur public se voitforcé par des politiques néoconser-vatrices d’accepter des paradigmesdépassés et inadaptés pour desmotifs d’opportunisme politique.Certains éléments du modèlecorporatif qui pourraient contribuer àrendre le système de santé plus

efficace méritent un examen plusapprofondi.

Le bon leadership est un ingrédientessentiel de cette recette d’unnouveau paradigme de gestionorganisationnelle. De plus, un styledifférent de leadership est maintenantnécessaire à tous les échelons dusystème de santé. Le niveau centraldevra se doter d’un nouvel ensembled’aptitudes de leadership et degestion. L’ancienneapproche de micro-gestion en vertu delaquelle le centreservait principalementà la compilation dedonnée et au paiementde factures n’est plusdéfendable face à unsystème de soins desanté décentralisé. Ilest impératif que lecentre s’éloigne decette approche etacquière les aptitudes analytiquesvoulues pour formuler des politiqueset des directives centrales claires,surveiller leur mise en œuvre etévaluer leur impact sur le système.11

Le centre prend donc un rôle de miseen contexte et d’orientation en vuede la prestation efficace des soins desanté. Or, jusqu’ici, les ministèresprovinciaux de la santé ne se sontpas avérés particulièrement douéspour y arriver.

C’est à l’échelon décentralisé que leparadigme de gestion changerabeaucoup. Ici aussi, des aptitudesdifférentes sont nécessaires pour lenouveau système de santé. Uneévolution de la gestion est en cours.L’ancien style de commandement etde contrôle est remplacé par un stylede gestion de nature habilitante etqui, curieusement, relève d’un modèlecommercial. Le nouveau style est axé sur la responsabilisation12—laparticipation active du personnel etdes patients dans la prise de

décisions à tous les échelons. Voilàqui n’est pas une mince tâche àaccepter et à entreprendre pour laplupart des gestionnaires car celas’élève contre leur formation initiale,qui a toujours mis l’accent surl’importance de la prise en charge.L’ironie repose toutefois dans le faitque la responsabilisation des autrescrée une situation où le gestionnaireest plus que jamais aux commandes,

étant donné que lesdécisions prises ontdavantage de chanced’être plus largementacceptées qu’elles nele seraient autrement.Établir les paramètresde fonctionnement estun élément crucial dela responsabilisation.Il faut d’abord élaborerune vision d’ensemblepour l’organisation etveiller à ce qu’elle soitadoptée tant par le

personnel que par la clientèle (lespatients). Il s’agit d’une approche auleadership beaucoup plus ardue maisqui peut se révéler beaucoup plusenrichissante. Veiller à ce que lepersonnel dispose du contexte et desoutils voulus pour se débrouiller nesignifie pas pour autant que le rôledu gestionnaire est redondant. Il doitalors équilibrer l’autogestion destravailleurs avec la reddition decomptes par la mesure de laperformance à l’égard des buts etobjectifs établis de l’organisation.12

Le plus grand défi de leadershiprepose dans l’adoption d’un modedécisionnel fondé sur l’expérience etles résultats, permettant ainsi decanaliser les ressources limitées versles secteurs qui engendreront lesplus grands avantages. Bien quelouable, un tel objectif sera difficile àréaliser car les cliniciens, lesgestionnaires, les patients et lesresponsables des orientations

Le bon leadership est un ingrédientessentiel de cette recette

d’un nouveauparadigme de gestion

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politiques auront sans doute desperspectives et des critères fortdifférents pour juger de l’efficacité etdes résultats.13 La prise de décisionfondée sur l’expérience offre uncertain nombre d’avantages : elleencourage les médecins à maintenirleurs connaissances à jour et à lire ladocumentation avec un regardcritique; elle favorise et facilite larésolution de problèmes en groupeet l’enseignement; elle cherche àfaire en sorte que les patientsreçoivent le traitement le plusefficace.14 Toutefois, mal utilisée, ellepeut opposer les gestionnaires auxprofessionnels. Avec cette approche,la capacité des cliniciens de traiterleurs patients comme bon leursemble, sans égard aux coûts, est deplus en plus contestée. Elle peutparfois servir de moyen détournépour rationner les services, enalléguant le rapport entre le coût etl’efficacité pour justifier la réductionou l’interruption d’un service. Lescliniciens pourraient donc voir dansl’approche fondée sur l’expérience etles résultats un moyen employé parles gestionnaires pour leur dicter lafaçon dont ils devraient pratiquer lamédecine.15 Les gestionnaires doiventencourager les cliniciens à profiterdes éléments positifs de la médecinefondée sur l’expérience et les résultatset à intégrer le concept dans leursprocessus décisionnels.15

L’usage actuel des systèmes demesure du rendement dans lesorganisations de soins de santé estun prolongement naturel de l’accentsur la prise de décision fondée surl’expérience.16,17 Ces systèmes sontdevenus institutionnalisés à traversla santé en raison du besoin dejustifier une utilisation efficace desressources et des résultats béné-fiques.18 Néanmoins, il faut disposerd’un contexte organisationnel conve-nable afin de tirer le maximum de la

mesure du rendement.19 À défautd’un tel contexte, les membres d’uneorganisation pourraient ne pas êtreconvaincus des bienfaits de lamesure. Il n’est donc pas surprenantque les systèmes de mesure durendement et autres systèmesd’amélioration de la qualité n’aientpas encore rapporté les dividendesescomptés.18,20

Comme la mesure du rendement estlà pour rester, les organisationsdoivent être gérées de façon àmaximiser le potentiel que représentela mesure du rendement. Lesorganisations doivent comprendrecomment les employés utilisent etpartagent l’information. Si uneorganisation se sert de l’informationpour repérer et souligner les lacunes,les employés ont moins de chanced’accepter de se plier au système demesure. De plus, la qualité del’information utilisée dans la mesuredu rendement et la façon dont lesmesures du rendement sont utiliséespar les dirigeants de sociétésmodernes peuvent engendrer uncomportement dysfonctionnel chezles membres d’une organisation oud’un système.16 Ces comportementspeuvent inclure le maquillage et lasimulation de données sur lerendement en vue d’obtenir unmeilleur financement.16

Les cultures organisationnelles quiont le plus de chance de réussir lamise en œuvre de systèmes demesure du rendement sont celles quicomportent les caractéristiquessuivantes : respect mutuel, confiance,travail d’équipe, recherche et partaged’information, autonomie, responsa-bilisation et perspective communede la signification attribuée auxrésultats.19 Par ailleurs, lesorganisations qui pratiquent uneculture de gestion organique qui metl’accent sur la coordination et lacommunication grâce à des lienshorizontaux et verticaux bien établis

peuvent s’attendre à une plus grandeacceptation de la mesure durendement, puisque l’échange etl’utilisation de l’information en sontfacilités.19 Enfin, la direction doitfavoriser l’éclosion d’un contexted’apprentissage par le recours à laformation, la mise sur pied d’équipesinter-fonctionnelles et la créationd’une culture qui valorise larétroaction générée par la mesuredes résultats. L’amélioration de laqualité est un domaine qui estétroitement lié à la mesure durendement. Cette technique n’a pasremporté le succès espéré, maisFerlie et Shortell20 ont bon espoir quel’amélioration de la qualité peutréussir dans le monde de la santé siquatre conditions essentielles sontrespectées : du leadership, une cultureprépondérante de valorisation del’apprentissage, du travail d’équipeefficace et des systèmes d’informationadéquats. Toutes ces variables sontdans les limites d’une formeorganique de gestion qui prévoit laresponsabilisation des travailleurs etla décentralisation de la prise dedécision, dans la mesure du possible.

Souligner les couturesUne ligne de pensée se dessine dansle monde de la santé en vertu delaquelle aucune démarcation visiblene devrait exister entre les différentséléments qui composent le systèmede santé. En vertu de ce concept decontinuité des soins, les patients etles autres usagers du système desanté ne devraient pas subird’inconvénients du fait que lesystème regroupe des élémentsdistincts ni même percevoir dedémarcation. Les tenants de lacontinuité transparente affirmentque les divisions administratives nedevraient pas empêcher les patientsd’obtenir les soins ou les servicesdont ils ont besoin, au moment où ilsen ont besoin. En d’autres mots, les

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patients devraient s’attendre à recevoirles soins voulus en temps opportunet au bon endroit. Malheureusement,tout comme l’amélioration de laqualité, la prestation de soins intégrésn’a pas, selon nombre d’observateurs,répondu aux espoirs.21 La situations’explique par le mauvais alignementdes cultures et des incitatifs, lemanque d’engagement organisationnelet les problèmes associés avecl’édification d’un climat de confianceau sein des intervenants.21 Néanmoins,la quête des services de santéintégrés se poursuit dans les paysdéveloppés, y compris au Canada, enraison de son attrait séduisant.

Le système de santé canadiencomporte différents fournisseurs deservices, certains relevant dudomaine public et d’autres provenantdu secteur privé, à but lucratif ounon. Devant une telle diversité, ilpourrait être plus logique dereconnaître l’existence de couturesreliant des services limitrophes et, aulieu de chercher à atteindre latransparence dans la continuité dessoins, il est sans doute préférable dechercher des moyens permettant degérer ces coutures. L’absence decoutures ne garantirait pas pourautant l’uniformité du système. Lescoutures sont des repères visiblesimportants qui permettent diversassemblages. De fait, ce sont lescoutures qui donnent à un vêtementsa forme et son style. Il n’y a aucuneraison pour que la situation soitdifférente dans le domaine de lasanté. En Nouvelle-Écosse, parexemple, on a décrit le système desanté comme étant une courte-pointe. La courte-pointe est faited’un assemblage de pièces de tissudisparates de forme, de taille et decouleur différentes cousus ensemblepour former un tout homogène.L’analogie est valable car les diversespièces qui composent la mosaïquequ’est le système de santé sont

distinctes, tout en étant des partiesintégrales aux «coutures» biendéfinies. C’est la façon dont lesdifférentes pièces sont assembléesqui importe le plus.

L’intégration des systèmes de santéest la plus récente question àpréoccuper les observateurs dumonde de la santé. L’intégration estperçue comme étant la solution àtous les maux qui minent les soinsde santé. L’intégration se manifeste àtravers le Canada à mesure que lesprovinces réagissent à l’évolution despressions financières et organisa-tionnelles. Toutes les provinces, àl’exception de l’Ontario, ont réagi enmettant sur pied des structuresrégionales chargées d’exploiter et degérer le système. La structurerégionale constitue une tentatived’intégration horizontale. La mise surpied de conseils régionaux reposaitsur l’idée qu’ils entraîneraient unedécentralisation de la prise dedécision, une amélioration de lacoordination et de l’intégration desservices, des économies d’échelle etune réduction des frais généraux quipermettraient de consacrer davantagede ressources aux services et auxsoins prodigués aux patients.22 Lesdiverses réformes ne s’attaquentcependant pas véritablement àl’intégration verticale, même si onprésume que l’intégration totale vasuivre l’établissement des conseilsrégionaux et communautaires desanté. Jusqu’à maintenant, il n’y a pasde preuve démontrant que c’est lecas.23 Même si l’intégration totales’avère un concept souhaitable, il nese concrétisera probablement pasrapidement. Le défi consiste donc àélaborer des méthodes de gestionprenant en compte les nombreusescoutures du système de santé.

L’intégration verticale est perçuecomme étant un modèle plus efficaceque l’intégration horizontale. Sil’intégration horizontale est vue

comme le regroupement de serviceshospitaliers, l’intégration verticaleporte davantage sur la combinaisonde services hospitaliers (secondaireset tertiaires), de soins primaires(médecins) et de services commu-nautaires. Les tenants de l’intégrationverticale affirment que la meilleurefaçon d’appliquer le concept passepar une entité unique dotée d’unestructure de gestion appropriée.22,24

L’adoption d’un système intégrérepose sur l’idée que le patient nevoit pas qui fournit le service et qu’ilne s’en préoccupe d’ailleurs pasoutre mesure, pour autant qu’ilpuisse avoir accès à des soins dehaute qualité quand il en a besoin.Toutefois, il n’est pas nécessaired’avoir une continuité transparentedes soins pour réaliser l’intégrationde ces soins. Ce qui importe, c’estque les coutures, quand ellesexistent, ne soient pas des barrièresartificielles à l’obtention de services.La création d’une structure uniquepour gérer des services intégrés n’estpas un gage de succès en sois.Néanmoins, il est vrai qu’unestructure de gestion unique peuts’avérer plus rentable que d’avoirplusieurs structures administrativesdifférentes qui soient responsablespour la même brochette de services.

Il n’est pas nécessaire de faire appelà une structure unique de gestionpour assurer l’efficacité de servicesintégrés. Il est possible que deséléments distincts d’un systèmepuissent fonctionner de manièreintégrée, un peu à l’image de lacourte-pointe utilisée en Nouvelle-Écosse. Dans la courte-pointe, lescoutures sont évidentes; toutefois,c’est la diversité du système qui estreconnue; pour poursuivre l’allégorie,les coutures représentent le mortiercontextuel qui permet au tout deprendre forme. Qu’il y ait une ouplusieurs structures administratives,les trois facteurs clés de tout système

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global demeurent les mêmes : lacommunication, l’information et lepersonnel approprié. L’un des plusgrands obstacles à l’intégration desservices est l’absence d’un processusefficace de communication entre lesdivers éléments composant lesystème. Trop souvent, ceux et cellesqui ont besoin de savoir ne sont pasinformés assez rapidement ou avecsuffisamment de détails pour pouvoirprodiguer les soins voulus. Cettesituation s’explique en partie par lefait que les systèmes d’informationen place ne conviennent pas à latâche ou ne fournissent pas le typed’information nécessaire au fonction-nement efficace du système. Lepersonnel qui fournit les servicesconstitue le troisième élémentcrucial. Des trois, c’est le facteur leplus difficile à résoudre, en partie àcause de la façon dont le personnelsoignant professionnel est formé.Chaque profession a un programmede formation qui lui est propre et quirenforce la primauté de la professionpar opposition à la coopération et lacollaboration interprofessionnelle.La montée de la spécialisation ausein des professions créée égalementdes difficultés au plan de l’intégrationefficace des services. La mise surpied d’une structure administrativeunique ne suffira pas en soi à créerun système intégré sans s’attaquer à la triple question de lacommunication, de l’information etdu personnel. Bâtir des partenariatsinter-organisationnels pourrait êtreune avenue à explorer. Lesgestionnaires devraient cultiver l’artde bâtir des partenariats, car sanspartenariat, il est fort improbablequ’une organisation quelconquepuisse atteindre ses objectifs. Celas’applique tout autant aux ministèresprovinciaux de la santé, aux conseilsde santé régionaux, aux organismesde soins de santé et aux soignantsprofessionnels.

Une voie d’avenir—la gérance au service de la gestion des soinsde santéLa gérance est un ancien conceptfondé sur des principes éthiques quipourrait servir à orienter la prestationdes soins de santé du nouveaumillénaire. La gérance combine laresponsabilité personnelle pour sespropres actions et la redevabilitéenvers les autres. Un rapport deconfiance existe entre l’individu et lepublic qu’il s’engage à desservir. Legérant ou mandataire agit d’unefaçon éthique qui oriente lesprocessus qui produisent lesrésultats souhaités. Par conséquent,dans un contexte de gérance, la fin nejustifie pas les moyens. On constateplutôt un équilibre critique entre lesmoyens déployés pour générer desrésultats et les résultats eux-mêmes.C’est en cela que la gérance pourraitguider les rapports inter et intra-organisationnels en santé et favoriserle développement de structuresorganisationnelles organiques pavantla voie à davantage de coordination,de communication, de responsabili-sation, de rétroaction et d’autonomie.La gérance pourrait égalementsurmonter plusieurs des barrièresdécrites précédemment qui entraventla mise en place de systèmesd’amélioration de la qualité, de mesuredu rendement et de prestationintégrée des services.

On peut expliquer la possibilité derecourir à la gérance en santé en lacomparant à la théorie de l’agencequi a pris naissance avec la venue dela société moderne. L’agence reposesur une perspective économiquerationnelle selon laquelle leshommes et les femmes sont desagents rationnels qui agissent defaçon à maximiser leur utilitépersonnelle.25 Les mandants (lespropriétaires de sociétés modernes)délèguent à des agents (les cadres)l’autorité nécessaire pour dirigerleurs sociétés. Les agents et les

mandants sont tous motivés par laperspective de maximiser leursprofits personnels. Toutefois, lesmandants imposent des contrôlesinternes pour se prémunir contre lecomportement intéressé des agentset pour faire coïncider le pluspossible les intérêts des agents àceux des mandants. Les contrôlespeuvent prendre la forme de mesuresfinancières qui prévoient des primeset des pénalités ou des mécanismesde gouvernance comme la vérificationet l’évaluation de rendement.26

La théorie de la gérance cherche àaller au-delà de la perspectivepurement économique et d’expliquerd’autres facettes du comportementhumain. Elle fait valoir des situationsoù les dirigeants agissent dans lesmeilleurs intérêts des mandants etoù leur comportement est fondé surl’utilité supérieure d’un comportementcollectiviste plutôt que sur des actionsintéressées et individualistes.26 Lesmandataires ou gérants voient leursactions être bénéfiques nonseulement pour les mandants maisaussi pour les subordonnés. Lesmandataires estiment essentiellementqu’en visant l’exécution d’objectifsorganisationnels, les objectifspersonnels seront également satisfaits.Les modèles de gouvernance sontplus responsabilisants et moinscontrôlants en contexte de géranceplutôt que d’agence—situation quirésulte de la perspective orientéevers l’organisation du contexte degérance. Les récompenses intrinsèquescomme l’épanouissement personnelet les occasions de croissance et desuccès sont importantes pour ceuxqui travaillent selon une philosophiede gérance. Les organisations quiencouragent les cadres à jouer unrôle de gérant dans une relationmandant-gérant semblent développerchez leurs employés des qualitéstelles qu’un ferme engagementenvers l’organisation, la gestionparticipative, la responsabilisation etla communication ouverte.26

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Les soins de santé évoluent dans unmilieu incertain. Il a été avancé quedans des milieux incertains ouinstables, une approche axée sur laparticipation à la gestion serait plusefficace.26 Cela s’expliquerait par lefait que les travailleurs de premièreligne et ceux qui occupent des postesstratégiques sont alors en mesure derelayer à la direction de l’informationimportante sur l’environnement etl’organisation. Certains éléments decoordination et de communicationessentiels au bon fonctionnement del’organisation seraient favorisés dansun contexte de gérance, et les employésauraient davantage tendance à partagerl’information et à faire appel à larétroaction. La mesure du rendementet les directives de pratique cliniqueseraient perçues comme étant dansles meilleurs intérêts des patientsplutôt que d’être un moyen d’amenerla pratique de la médecine soussupervision administrative.

La gérance implique une relation deconfiance entre l’agent et le mandant.Cette confiance favorise naturellementle recours à la rétroaction de lamesure du rendement pour améliorerle fonctionnement et l’apprentissageorganisationnels. Les conséquencesde rapports entre mandant etmandataire s’appliqueraient à lagestion organique au plan de lacommunication, de la coordination,de la responsabilisation, de l’auto-nomie, de la rétroaction et de laconfiance. En outre, il deviendraitpossible d’intégrer les services desanté tout en soulignant lescoutures, étant donné que le climatde confiance permettrait l’acceptationdes différences dans un contexte quifavorise la coordination et lacommunication optimales. À moinsque les organisations de soins desanté et leurs employés n’élaborentdes rapports semblables à ceux demandant et mandataire, les nombreuxproblèmes observés relativement à lagestion de la qualité, aux directivesde pratique clinique et à la mesure

du rendement vont continuer à seproduire.

ConclusionNous avons proposé le recours auxprincipes de gérance afin d’orienterla gestion des organisations de soinsde santé. Une culture guidée par cesprincipes renforce le concept dutravail pour le bien collectif paropposition au gain personnelexclusif. De plus, dans ce type deculture, les membres de l’organisationestiment qu’ils pourront atteindreleurs objectifs en consacrant leursefforts à la réalisation des grandsobjectifs de l’organisation. En outre,il est plus facile d’élaborer un cadrede gestion qui vise une main-d’œuvre engagée et un rendementoptimisé dans un climat de confiance.Comme la gérance est fondée sur laconfiance entre mandants et manda-taires, elle conviendrait d’autant pluscomme philosophie de gestion desorganisations de soins de santé.

En résumé, plusieurs des problèmesliés à l’intégration des soins de santé,à la prise de décision fondée surl’expérience, à l’amélioration continuede la qualité et à la mesure durendement pourraient être surmontésen faisant appel à une philosophie envertu de laquelle tous les intervenantssavent que le système de gestion enplace est fondé sur le travail auservice de l’intérêt commun.19 Un telsystème serait caractérisé par lacoopération, la coordination, laresponsabilisation, la rétroaction quipermet la prise de mesures en vued’améliorer les résultats, la reconnais-sance des différences et l’apprentissageorganisationnel. Enfin, la confianceinhérente au principe de gérancecontribuera à surmonter les chassesgardées qui entravent l’intégrationdes services de santé.21 En bout deligne, les collectivités pourront profiterd’un tel modèle de gestion alors quenous travaillons à mettre sur pied legenre de système de santé que nousdésirons et que nous méritons.

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Thomas Rathwell, BA, MA, PhD, est directeur de l’École d’administration en services de santé,Université Dalhousie, Halifax.

D. David Persaud, MSc, MHSA, PhD, estprofesseur adjoint à l’École d’administration enservices de santé, Université Dalhousie, Halifax.