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L’association marocaine de lutte contre la corruption : Transparency Maroc
Remarques concernant le projet de loi n° 31.13 relatif au Droit à l’Accès à l’Information
Dans le cadre de sa mission de lutte contre la corruption, l’association marocaine de lutte
contre la corruption (Transparency Maroc) a milité depuis sa création pour la mise en place
d’un système national d’intégrité qui réponde aux critères internationaux et aux bonnes
pratiques dans ce domaine. De même, depuis janvier 2006, date de la publication du
« Manifeste relatif aux seize mesures prioritaires de lutte contre la corruption », Transparency
Maroc a établi parmi ses priorités la revendication de l’édiction d’une loi garantissant le Droit
d’accès à l’information et aux documents administratifs. En outre, étant consciente de
l’importance de la promulgation de cette loi, l’Association a poursuivi sa lutte par un
plaidoyer en vue de l’établissement d’une telle loi, en organisant des ateliers et des
conférences publiques avec la participation d’experts et de compétences multiples.
L’Association a également réclamé l’adoption de cette loi dans le mémorandum remis à la
Commission chargée de la révision de la constitution en avril 2011. Ces ateliers organisés
avant et après la promulgation de la nouvelle constitution ont constitué une occasion pour la
rédaction et la publication de documents fondamentaux dans ce domaine dans lesquels
l’Association a inclus sa vision de ce que devrait être une loi sur l’accès à l’information en
tant qu’outil important pour assurer la transparence dans la gestion de la chose publique, la
mise en œuvre du principe de la reddition de comptes, et d’une manière générale
l’amélioration de la relation entre l’Administration d’une part, les citoyens et l’ensemble des
acteurs économiques et sociaux d’autre part.
C’est pour cela que, à titre de contribution à la mise au point d’une loi garantissant le droit
d’accès à l’information conformément aux normes internationales et aux bonnes pratiques et
expériences dans ce domaine, l’Association estime que la publication d’un avant-projet de loi
relatif au droit d’accès à l’information représente une occasion pour donner son avis à ce
sujet. Avant de faire part de ses observations et suggestions détaillées, l’Association rappelle
ce qui suit:
-1 – Tout projet de loi à ce sujet devra s’inscrire dans le cadre de la Constitution de 2011, qui
établit de manière explicite les principes de la démocratie participative, de la neutralité, de
l'égalité et de l'intégrité dans la gestion et la gouvernance des services publics, et
l’établissement du lien entre la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes. De même
un tel projet de loi devra prendre en considération l’une des revendications fondamentales à
l’origine de la mise en place de la constitution de 2011, à savoir la revendication populaire
réclamant qu’il soit mis fin à la corruption.
-2- La loi sur le Droit d’Accès à l’Information prévue doit être considérée comme étant
supérieure aux autres lois, que ce soit celles qui interdisent sans motif valable la divulgation
d’informations, ou celles qui régissent l’exercice de ce droit dans des hypothèses limitées. Il
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convient par conséquent de réviser ces lois en les abrogeant ou en les amendant, afin que le
droit d’accès à l’information soit largement garanti.
-3 – Une bonne mise en œuvre du droit à l’information exige, d’une part, un grand effort de
sensibilisation quant à son importance et quant aux modalités de son exercice, effort auquel
doivent participer tous les acteurs, qu’ils soient officiels ou appartenant aux organisations de
la société civile qui ont milité en faveur d’une telle loi, et d’autre part la mise à niveau de
l’Administration et de l’ensemble des instances concernées du point de vue de la structuration
et la disponibilité des données et de leur catégorisation, de la formation de fonctionnaires
aptes à exercer leurs missions et la diffusion au sein de ces instances du caractère nécessaire
de l’application d’un telle loi.
C’est à partir de ces déterminants que l’Association présente les observations et propositions
suivantes :
Titre 1 : Définitions (Article 1)
Afin de rendre cet article plus précis, et pour faciliter l'exercice du Droit à l’Accès à
l’Information, l'Association propose ce qui suit:
- En ce qui concerne le format des données (a), il convient d’ajouter « les images », et en ce
qui concerne les documents, il convient de compléter le paragraphe (b) en ajoutant, en plus
des correspondances, les correspondances électroniques.
- En outre, il convient d’ajouter un paragraphe qui pose en règle générale que les données
doivent être livrées sous un format qui permet leur exploitation. A titre d’exemple, les
statistiques et les tableurs seront livrés sous format type Excel car leur livraison sous format
PDF les rendraient difficilement exploitables. Il serait même préférable que de telles données
soient programmées en « Open Source ».
- En ce qui concerne la personne responsable (c), il convient de préciser que cette personne
doit disposer de la formation appropriée pour l’exercice de ses missions.
Titre 2 : Le Droit d’Accès à l’Information (Articles 2, 5 et 6)
- Les bénéficiaires du Droit d’Accès à l’Information (Article 2)
Cet article repose sur l’alinéa premier de l’article 27 de la Constitution relatif aux
bénéficiaires du Droit à l’Accès à l’Information et fait référence à « chaque citoyen et
citoyenne » et ajoute « toute personne morale de droit marocain ».
Il semble à partir de ce libellé que les citoyens étrangers soient privés de l’exercice du Droit à
l’Accès à l’Information en tant qu’individus, ce qui est en contradiction avec l’esprit et la
lettre de la Constitution et avec d’autres textes de lois.
Et de préciser ce qui suit:
- L’article 2 est en contradiction avec l’article 30 de la Constitution qui dispose dans le même
Titre II relatif aux libertés et aux droits fondamentaux que « les étrangers jouissent des
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libertés fondamentales reconnues aux citoyens et citoyennes, conformément à la loi », et qu’il
est « possible pour les étrangers résidant au Maroc de participer aux élections locales en vertu
de la loi, ou en application de conventions internationales ou sur la base du principe de
réciprocité. »
Comment peut-on alors imaginer la jouissance des libertés fondamentales et la participation
aux élections locales sans pouvoir exercer le droit d’accès à l’information » ?
L’article 2 est également en contradiction avec certaines lois principales qui prévoient la
possibilité d’accéder aux données, ainsi que la consultation de certains documents
administratifs dans le cadre de procédures bien définies. Nous donnons uniquement deux
exemples à cet égard :
Premier exemple : La loi relative aux archives qui parle en termes généraux dans son article
15 où il est prescrit « Les documents qui, de par leur nature, ont vocation à être communiqués
au public ou ceux qu'une loi spéciale rend communicables…peuvent être consultés, sans
délai, par toute personne qui en fait la demande. » Puis dans l’article 16 de la loi relative aux
archives, nous trouvons l’expression « public » : «… les archives publiques sont librement
communicables au public… » Enfin, l’article 19 de la même loi dispose que « … toute
personne peut….. ». Cette loi ne limite donc pas le droit de consultation des données et des
documents sur la base de la citoyenneté.
Deuxième exemple : La loi du 12 mai 2003 relative aux études d’impact sur l’environnement
qui dispose que l’étude d’impact environnemental doit inclure parmi ses composantes « un
résumé simplifié des éléments d'information et des données fondamentales incluses dans
l'étude au profit du public », et ouvre une enquête publique pour permettre au public de
consulter les principales informations et conclusions. Il apparaît également à travers ce
deuxième exemple que le droit d’accès aux informations doit être accessible aux étrangers
résidant au Maroc en tant qu'individus et non seulement en tant que personnes morales de
droit marocain.
- Bien que l'expression «personne morale de droit marocain » comprenne les entreprises
étrangères ayant des filiales au Maroc, cette expression ne comprend pas les « Etablissements
stables » dont le statut juridique et fiscal est fixé par les conventions internationales et par le
droit fiscal marocain, exerçant leur activité commerciale ou industrielle ou de services au
Maroc, et affiliés à une société non-résidente ou à un groupe dont le siège est basé à
l'étranger, et qui peut être attributaire d’un marché public.
- Désignation de la personne ou des personnes chargées de recevoir les demandes et de
fournir les informations (Article 5)
Afin de simplifier la procédure, il convient d’énoncer dans cet article « que le nom du
fonctionnaire responsable et ses coordonnées de contact doivent être rendus publics par tous
les moyens disponibles ».
- Demandes répétées plus de deux fois) (Article 6)
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Il convient de préciser davantage le quatrième alinéa de cet article en le rédigeant comme suit:
"Les demandes exagérées de manière évidente ou répétées plus de deux fois, au cours de la
même année, présentées par le même demandeur et dans laquelle il demande des
informations qu’ils lui ont été déjà délivrées ».
Logiquement, la demande ne peut être considérée comme exagérée ou répétée que si le
demandeur a déjà obtenu les mêmes informations qu’il demande à nouveau. Ne sont donc pas
considérées comme des informations déjà demandées par le demandeur, des informations qui
ont été actualisées quel que soit le nombre d’actualisations, car une copie actualisée est
considérée comme une nouvelle donnée et la demande qui lui est afférente est considérée
comme une nouvelle demande non répétée, n’entrant pas dans le cadre du dispositif de
l'Article 6.
Titre III: Divulgation proactive des informations (Articles 7, 8 et 10)
En dépit de l'importance des dispositions du présent Titre III, il convient de le compléter avec
diverses autres dispositions nécessaires qui font de l’exercice du Droit d’Accès à
l’Information un exercice idoine et utile :
- Le fait d’imposer aux instances concernées de publier un maximum d'informations (article
7) doit être assorti de l’obligation de le faire en temps opportun afin de rendre l'information
utile pour son bénéficiaire. A titre d’exemple, le « budget citoyen », dont l’importance de la
publication réside dans sa concomitance avec la programmation du débat public à son sujet et
l’approbation du projet de loi de Finances. A défaut de cela, la publication à un autre moment
fait perdre au dit budget toute son importance. Cette publication en temps opportun et non
tardive concerne également l’alinéa 16 de l'article 7 relatif aux « faits importants ayant un lien
pertinent avec les décisions importantes et les politiques ayant un impact sur les citoyens », où
nous considérons que l'expression « dès qu’elles deviennent publiques » peut accorder un
large pouvoir discrétionnaire à l’Administration dans le choix du timing de son annonce.
- Quant aux domaines couverts par la publication proactive (article 7), il convient également
d’ajouter la publication proactive des données relatives à ce qui suit : - les indicateurs de
résultats et réalisations des administrations et autres instances concernées ; les résultats
détaillés des élections et les procès-verbaux relatifs à ces élections dans un délai ne
dépassant pas les 30 jours; - l’ensemble des études réalisées au profit des administrations
publiques et / ou financées par l'argent public ; - l’ensemble des aides accordées par l’État et
les collectivités territoriales à autrui ; - les huit documents du budget ouvert
internationalement reconnus ; - les études de faisabilité des projets.
- Quant aux mesures appropriées pour faciliter la fourniture des données et les garanties
d’accès à de telles données (article 8), il convient d’imposer, soit dans l'article 8 soit dans
l’article 9 un délai raisonnable fixé par la loi pour la mise en œuvre de la publication proactive
par toutes les instances concernées, délai dans lequel ces instances organisent, classent et
archivent et publient les données en leur possession, et que ces données soient utiles comme
cela a été dit précédemment.
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Titre IV : La procédure pour l’accès aux données (Articles 11, 12, 13, 17, et 18)
Des remarques fondamentales peuvent être faites concernant la procédure d’accès à
l’information, que nous présentons comme suit:
Modèle de demande (Article 11)
Cet article ne fait pas référence au fait que la personne formulant une demande d’accès aux
données n’est pas tenue de faire référence au but dans lequel il sollicite les données ou
documents, comme cela est le cas internationalement.
C’est pour cela que, lorsque le dernier alinéa du même article 11 du projet de loi dispose que
« le modèle de la demande et du récépissé et leur contenu sont définis par un texte
réglementaire », cela pourrait exposer l’exercice du droit d’accès à l’information à un double
risque :
- Premièrement : il est connu au niveau international que les procédés de dépôt des
demandes doivent se limiter à ce qui est nécessaire pour permettre à l'autorité compétente de
traiter la demande. En d'autres termes, il n'est pas nécessaire de prévoir un modèle détaillé qui
dépasserait ce qui est nécessaire. L’on peut bien au contraire se contenter des dispositions de
l’article 11 en détaillant les données à inclure dans la demande dans le même article, en plus
de l'article 12, qui porte sur l’assistance aux personnes incapables de présenter une demande
et qui peuvent l’exprimer oralement.
- Deuxièmement: Le renvoi au texte réglementaire dans ce cas tout particulièrement constitue
un transfert de compétences du domaine de la loi vers le domaine du règlement, surtout si le
texte réglementaire auquel il est fait renvoi ajoute de nouvelles conditions pour l’accès à
l’information, comme la justification de la présentation de la demande ou l’objectif de la
demande d’informations. En fin de compte, il y aura une violation de la Constitution, car ceci
limite indûment l’exercice de ce droit.
C’est pourquoi l’Association propose la suppression du dernier alinéa de l’article 11, qui
dispose que le modèle de la demande d’informations et le récépissé et leur contenu sont fixés
par voie réglementaire. Nous proposons également la suppression du renvoi à cette disposition
par l’article 12. Dans le même ordre d’idées, nous proposons la suppression de la référence à
un texte réglementaire prévue par l’article 13 en ce qui concerne le modèle de réponse aux
demandes d'informations.
Voies de recours (Articles 17 et 18) :
Il convient de revoir la formulation de ces deux articles afin d’éviter une certaine ambiguïté
qui les caractérise et qui se traduit par ce qui suit :
- Il semble, d'après le libellé de l'article 17 que le demandeur qui n'est pas satisfait de la façon
dont sa demande d'information a été traitée peut présenter une plainte à l'instance concernée
avant de recourir à la Commission nationale de garantie du Droit d’Accès à l'Information. Le
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recours préalable au chef de l’instance concernée est-il considéré comme obligatoire avant le
recours à la Commission ? C'est ce que l’on peut déduire de la formulation de l’article.
- Quant à la lecture de l'article 18, elle fait apparaître une sorte de répétition incompréhensible
et il apparaît également que le recours au président de l'instance concernée n'est pas
nécessaire, et qu’il est possible de déposer une plainte directement auprès de la Commission
nationale. Le projet de loi doit trancher cette question par le biais d’une autre rédaction plus
claire.
- Nous proposons également de réduire le délai de réponse à la plainte déposée dans le cadre
de l'article 17 de 30 jours à seulement 15 jours.
- Par ailleurs, et comme cela a déjà été soulevé afin d’éviter la référence à un texte
réglementaire, nous proposons de supprimer la dernière phrase de l'article 17, qui dispose que
le modèle de la plainte et son contenu sont définis par un texte réglementaire, et ce afin de
faciliter la procédure.
Titre V : Les exceptions (Articles 19 et 20)
Cet article établit une distinction entre deux catégories d’exceptions : des exceptions absolues
(objet du paragraphe (a) et des exceptions relatives (objet du paragraphe (b), en ce qui
concerne les informations dont la divulgation cause un préjudice dans huit domaines
numérotés de 6 à 13.
Cet article 19 repose dans sa formulation sur le deuxième alinéa de l’article 27 de la
Constitution, qui dispose que les domaines dont la protection doit être assurée en les
soustrayant au Droit d’Accès à l’Information, repris dans le paragraphe (a) de l’article 19
sont : la défense nationale, la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, la vie privée des
personnes, les libertés et droits fondamentaux garantis par la Constitution. Et l’article 19
d’ajouter une cinquième exception, à savoir les délibérations du conseil des ministres et du
conseil de gouvernement en ce qui concerne les exceptions susmentionnées. Par ailleurs, le
même article 19 a transféré le domaine « Sources d’informations » cité explicitement par la
Constitution à la liste des exceptions relatives.
L’article 27 de la Constitution dispose également à l’égard des « domaines définis avec
précision par la loi », à savoir les domaines faisant l’objet du paragraphe (b) de l'article 19 (en
plus des sources d’information). Et en règle générale, on ne peut divulguer les informations
couvertes par l’exception qu’après l’expiration d’une période de 15 ans à compter de la date
de production des documents auxquels se rapportent de telles exceptions, sauf dispositions
contraires prévues par d’autres lois prévoyant des délais particuliers.
Bien que le projet de loi considère les domaines mentionnés expressément par la Constitution
comme entrant dans le cadre des exceptions absolues, rien n’empêche l'application du
« critère du préjudice » à certains de ces domaines, tels que la défense nationale où il est
possible de divulguer des informations ne nuisant pas à la défense nationale : les marchés
publics ordinaires relatifs à la construction de logements pour le personnel militaire ou des
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marchés de fournitures et autres marchés ordinaires, alors que ne seront considérés comme
secret militaire que les matières faisant l’objet de l’article 187 du code pénal.
L’Association considère qu’il y a un réel danger qui menace le droit à l’information pour les
matières classées comme des exceptions absolues, car le projet de loi ne distingue pas entre
les informations qu’il faut protéger (au sens de l’article 27 de la constitution), et les
informations qui peuvent être divulguées aux demandeurs d’informations. On peut même
affirmer que les informations qui ne sont pas considérées comme secrètes au sein de la
catégorie « exceptions absolues » doivent faire l’objet d’une divulgation proactive, à l’image
de ce qui est prévu par le titre III du projet de loi.
Par ailleurs, l’inclusion du domaine numéro b-3 de l’article 19 dans les exceptions visées par
la loi (politiques publiques en cours de préparation) est considérée comme contraire à l'esprit
et à la lettre de la Constitution, qui consacre dans un grand nombre de ses articles l’approche
participative dans la préparation des décisions prises par les pouvoirs publics (Article 13 de la
Constitution).
En ce qui concerne l’article 20, il convient de l’amender afin qu’il soit en harmonie avec le
projet de loi lui-même. Le début de l’article dispose que « si les informations demandées sont
relatives à des informations fournies par des tiers à l’instance concernée à titre
confidentiel… » Cette formulation donne à penser que certaines parties peuvent décider si
certaines de ces informations sont confidentielles ou non, alors que seule la loi sur l’Accès à
l’Information peut définir de telles exceptions. C’est pourquoi nous proposons une
reformulation du libellé de cet article comme suit: « Si les informations demandées sont
relatives à des informations fournies par un tiers à une instance concernée à titre
d’information secrète, à condition que ce caractère secret soit prévu par la liste objet de
l’article 19 de cette loi… »
Titre VI : Commission nationale de garantie du Droit d’Accès à l'Information (Articles
23 à 31)
Le projet de loi crée une instance dénommée « Commission nationale de garantie du Droit
d’Accès à l’Information». Les dispositions relatives à cette commission suscitent un bon
nombre de questions fondamentales relatives au fait qu’elles ne précisent pas certains
éléments essentiels :
- Quel est le régime juridique applicable à ses membres? Quelle est la durée de leur mandat, et
ce mandat est-il renouvelable ou non? Les membres travailleront-ils à temps plein ou bien sur
la base du bénévolat? Percevront-ils une indemnité au titre des missions qu’ils effectueront ?
Quels sont les cas d’incompatibilités avec d'autres fonctions?
- Il n'y a pas d'indication quant à l’autorité qui nomme le président de la Commission, même
s’il apparaît à la lecture de l'article 29 qu’une telle Commission relèvera du Chef du
gouvernement car elle est tenue de remettre à ce dernier des rapports de manière régulière.
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- Rien n'indique que la Commission jouira de l’indépendance financière nécessaire et de
l’indépendance administrative : la Commission nomme seulement un secrétaire général et
deux rapporteurs « dans les limites des crédits alloués à cette fin » (article 25 du projet de loi).
Il apparaît d’après les compétences de la Commission et les possibilités de faire appel de ses
décisions devant les tribunaux administratifs qu’elle constitue une autorité administrative. Il
semble que les principes d’usage dans ce domaine exigent que la Commission soit
indépendante par rapport aux courants politiques et qu’elle soit placée en dehors de la
hiérarchie administrative (plutôt que de relever de l’Administration). Ses membres devraient
bénéficier de la compétence nécessaire, de l’intégrité et de l'expertise. Il vaut mieux même
que la Commission soit une autorité indépendante. A cet égard, nous remarquons que les
dispositions du projet de loi restent non conformes à ces principes.
En outre, la composition semble déséquilibrée et marginalise des secteurs importants et
pertinents : la nomination de juges au sein de la commission est considérée comme exagérée
et contradictoire avec le principe de fonctionnement de la Commission et la procédure de
contestation des décisions auprès de la justice elle-même. Il n’a pas été procédé non plus à
l’intégration de membres des barreaux et des professionnels des médias. Ainsi, la
représentation de la société civile qui a longtemps milité pour que ce projet voit le jour reste
très faible et en inadéquation avec le rôle que peuvent jouer les associations également en
matière de sensibilisation et d’aide à son application. On peut même considérer que
l’attribution au Conseil national des Droits de l’Homme de la compétence pour désigner un
représentant de la société civile dans la commission constitue une atteinte flagrante à l’identité
de la société civile dont la Constitution reconnaît l’existence et le rôle important.
Enfin, il convient de souligner que l'article 31, qui oblige la Commission à élaborer un rapport
annuel relatif à ses travaux, n’impose pas à la Commission de publier ce rapport, ce qui
permettrait d’évaluer la manière dont la Commission s’est acquittée de ses fonctions. Cela est
contradictoire avec son rôle en tant qu’instance de garantie du Droit d’Accès à l’Information.
Titre VII : Sanctions. Le secret Professionnel - La notion de bonne foi (Articles 35 et 39)
L’article 35 dispose « Est coupable de divulgation du secret professionnel conformément à
l’article 446 du code pénal, quiconque viole les dispositions de l'article 19 de la présente loi, à
moins que le fait ne soit qualifié de manière plus grave ».
Ce qui nous intéresse ici c’est l'expression contenue dans l’article 446 du code pénal, qui
dispose : « … toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions
permanentes ou temporaires, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige
ou les autorise à se porter dénonciateurs, sont punis de l'emprisonnement … »
Avant cette date, le secret professionnel n’était pas défini de manière claire, sauf dans
certaines hypothèses et dans des textes épars, ce qui permettait à l'Administration de brandir
le secret professionnel contre les fonctionnaires sans se baser sur un texte de loi clair. On peut
dire à présent que les informations protégées par le secret professionnel sont connues et
figurent dans l’article 19 du projet de loi. Il convient par conséquent de supprimer ou amender
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l'article 18 du Statut général de la fonction publique car devenu contraire à la Constitution et
au projet de loi.
Dans le même titre relatif aux sanctions, l'article 31 du projet dispose « qu’aucune personne
responsable ne pourra faire l’objet de poursuites judiciaires ou disciplinaires, en raison du fait
de son abstention, de bonne foi, de délivrer des informations dont l’accès est autorisé en vertu
de cette loi ».
La question de la «bonne foi» pose un problème de définition et d'interprétation, et fera partie
des difficultés qui entraveront l’accès à l’information, car au cas où le fonctionnaire refuserait
de remettre les informations, même de bonne foi, l’auteur de la demande serait alors contraint
de recourir aux voies prévues dans le projet de loi sans être sûr de la possibilité d’accéder aux
informations demandées par lui.
Pour éviter toute complication, l'Article 31 devrait être supprimé du projet de loi.
Titre VIII: Dispositions communes : entrée en vigueur de la loi (Article 40)
L'article 40 du projet de loi dispose : «La présente loi entrera en vigueur après la publication
des textes réglementaires y afférents. »
Outre les observations antérieures relatives à l’inutilité de se référer à des textes
réglementaires dans ce domaine, ce qui est reconnu internationalement, la loi relative au Droit
d’Accès à l’Information définit un délai bien précis pour son entrée en vigueur. Si
l’application de la loi reste liée à la publication des textes réglementaires, le danger ne réside
pas uniquement dans le recul par rapport à la loi qui peut résulter de ces textes, mais aussi
dans leur non-publication ou leur publication trop tardive qui ferait perdre à une telle loi toute
son utilité. Les exemples d’une telle situation existent, et nous pouvons citer celui de la loi
relative aux Archives. Ajoutez à cela qu’il n’existe ni dans la loi, ni dans la jurisprudence
marocaine, une règle qui obligerait l’Exécutif à promulguer des textes réglementaires
d’application d’un texte de loi donné.
Mardi 23 avril 2013