7
Le Praticien en anesthésie réanimation (2014) 18, 345—351 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com OPINION Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast) Perioperative fluid loading with and without hydroxyethylstarches Jean-Luc Fellahi a,,b , Laurent Muller c,d , Marc-Olivier Fischer a,b , Jean-Yves Lefrant c,d a Pôle réanimations-anesthésie SAMU-SMUR, CHU de Caen, 14000 Caen, France b UFR de médecine, EA 4650, université de Caen Basse-Normandie, 141000 Caen, France c Division anesthésie-réanimation-douleur-urgences, CHU de Nîmes, 30029 Nîmes, France d Faculté de médecine, université Montpellier 1, 34000 Montpellier, France Disponible sur Internet le 26 septembre 2014 MOTS CLÉS Hydroxyéthylami- dons ; Perméabilité vasculaire ; Hydratation ; Optimisation hémodynamique Résumé Seuls les hydroxyéthylamidons de dernière génération (HEA 6 % 130/0,4) sont actuellement disponibles en France. Des travaux physiologiques récents remettent en cause l’approche traditionnelle pharmacodynamique et pharmacocinétique des solutés cristalloïdes et colloïdes et soulignent le rôle majeur du glycocalyx dans la perméabilité vasculaire et la fuite capillaire de type 2. Les autorités sanitaires européennes et franc ¸aises ont restreint récem- ment les indications des HEA et contre-indiquent désormais leur utilisation chez les patients septiques, chez les brûlés, en cas d’insuffisance rénale, de coagulopathie et/ou d’insuffisance hépatique sévère, en cas d’hémorragie intracrânienne ou cérébrale et chez les patients de réanimation. Les HEA demeurent autorisées selon des procédures nationales dans le traitement de l’hypovolémie périopératoire par hémorragie aiguë et chez les traumatisés. Deux straté- gies distinctes interviennent dans l’optimisation hémodynamique périopératoire : l’hydratation de base utilisant volontiers les cristalloïdes isotoniques selon un mode plutôt restrictif et la compensation volume pour volume des pertes sanguines utilisant davantage les colloïdes de synthèse et guidée au mieux par le monitorage continu du volume d’éjection systolique chez les patients à haut risque. © 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Fellahi). http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.08.009 1279-7960/© 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

Le Praticien en anesthésie réanimation (2014) 18, 345—351

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

OPINION

Remplissage vasculaire au bloc opératoireavec ou sans HEA (podcast)

Perioperative fluid loading with and without hydroxyethylstarches

Jean-Luc Fellahia,∗,b, Laurent Mullerc,d,Marc-Olivier Fischera,b, Jean-Yves Lefrantc,d

a Pôle réanimations-anesthésie SAMU-SMUR, CHU de Caen, 14000 Caen, Franceb UFR de médecine, EA 4650, université de Caen Basse-Normandie, 141000 Caen, Francec Division anesthésie-réanimation-douleur-urgences, CHU de Nîmes, 30029 Nîmes, Franced Faculté de médecine, université Montpellier 1, 34000 Montpellier, France

Disponible sur Internet le 26 septembre 2014

MOTS CLÉSHydroxyéthylami-dons ;Perméabilitévasculaire ;Hydratation ;Optimisationhémodynamique

Résumé Seuls les hydroxyéthylamidons de dernière génération (HEA 6 % 130/0,4) sontactuellement disponibles en France. Des travaux physiologiques récents remettent en causel’approche traditionnelle pharmacodynamique et pharmacocinétique des solutés cristalloïdeset colloïdes et soulignent le rôle majeur du glycocalyx dans la perméabilité vasculaire et la fuitecapillaire de type 2. Les autorités sanitaires européennes et francaises ont restreint récem-ment les indications des HEA et contre-indiquent désormais leur utilisation chez les patientsseptiques, chez les brûlés, en cas d’insuffisance rénale, de coagulopathie et/ou d’insuffisancehépatique sévère, en cas d’hémorragie intracrânienne ou cérébrale et chez les patients deréanimation. Les HEA demeurent autorisées selon des procédures nationales dans le traitementde l’hypovolémie périopératoire par hémorragie aiguë et chez les traumatisés. Deux straté-gies distinctes interviennent dans l’optimisation hémodynamique périopératoire : l’hydratationde base utilisant volontiers les cristalloïdes isotoniques selon un mode plutôt restrictif et lacompensation volume pour volume des pertes sanguines utilisant davantage les colloïdes desynthèse et guidée au mieux par le monitorage continu du volume d’éjection systolique chez

les patients à haut risque.© 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Fellahi).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2014.08.0091279-7960/© 2014 Publie par Elsevier Masson SAS.

Page 2: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

346 J.-L. Fellahi et al.

KEYWORDSHydroxyethyl-starches;Vascularpermeability;Perioperative fluidloading;Early goal-directedtherapy

Summary Among hydroxyethylstarches (HES), only tetrastarches 130/0.4 are commerciallyavailable in France. Recent reports highlight the critical role of the glycocalyx in physiologicalvascular permeability and pathophysiological type 2 capillary leak. These reports have changedthe pharmacological approach of crystalloids and colloids use. The European Medicines Agencyand the French authorities have recently limited the clinical use of HES to perioperative hypovo-lemia, hemorrhage and trauma. Goal-directed therapy includes the baseline fluid support thatshould be conducted on a restrictive way by using mainly crystalloids, and on the other hand,the dynamic evaluation of fluid responsiveness based on continuous stroke volume monitoringin high-risk surgical patients to early compensate perioperative blood losses mainly by usingcolloids.© 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

I

L(thmSsslnécsdPahtcdfCtpcj

dnvcnptgv

qm

Pr

Tsv(tvvicddesrttnmcvrsp

plndeAvus

La version audio de cet article est disponible en podcast(Annexe 1 en fin d’article).

ntroduction

es solutions de perfusion, à base d’hydroxyéthylamidonsHEA), appartiennent à la classe des colloïdes de syn-hèse. Utilisées depuis plusieurs décennies en médecineumaine, l’évolution progressive de leur structure chi-ique a permis d’améliorer leur rapport bénéfices/risques.

euls les HEA de dernière génération (HEA 6 % 130/0,4)ont actuellement disponibles en France. Si les HEA pos-èdent d’indéniables qualités pharmacologiques expliquanteur succès auprès des professionnels de santé, un certainombre d’effets indésirables potentiellement graves ontgalement été rapportés [1,2]. Les HEA sont aujourd’hui auœur d’un débat passionné et d’une polémique virulenteur leur véritable rapport bénéfices/risques qui menaceirectement la pérennité de leur utilisation en routine.arallèlement, une littérature abondante est consacréeux stratégies de remplissage vasculaire et d’optimisationémodynamique en médecine périopératoire. De telles stra-égies semblent capables de réduire la morbi-mortalité àourt terme des patients chirurgicaux à haut risque [3,4] etes recommandations récentes ont été émises par la Sociétérancaise d’anesthésie et de réanimation à ce sujet [5].es recommandations nous rappellent aussi que les solu-és de remplissage vasculaire sont des médicaments auxropriétés et aux indications différentes et probablementomplémentaires et que leur utilisation doit être plus queamais raisonnable et raisonnée.

Après un bref rappel sur la pharmacologie comparéees différents solutés de remplissage vasculaire et sur lesouveaux concepts physiologiques qui président aux mou-ement liquidiens à travers la paroi vasculaire et leursonséquences sur l’utilisation des HEA au bloc opératoire,ous aborderons successivement dans cette mise au point la

olémique récente autour des HEA et les nouvelles disposi-ions réglementaires européennes qui en découlent puis laestion périopératoire raisonnée des solutés de remplissageasculaire pour les deux objectifs thérapeutiques distincts

srpe

ue sont l’hydratation de base et l’optimisation hémodyna-ique des patients à haut risque chirurgical.

harmacologie comparée des solutés deemplissage vasculaire

raditionnellement, les cristalloïdes isotoniques étaient pré-entés comme des solutés à faible pouvoir d’expansionolémique (PEV), à faible durée d’expansion volémiqueDEV), bien tolérés au plan systémique et peu coûteux, enotale opposition avec les colloïdes de synthèse aux pou-oirs d’expansion volémique élevé et à la durée d’expansionolémique prolongées, susceptibles d’entraîner des effetsndésirables graves (notamment sur la fonction rénale et laoagulation) et d’un coût supérieur. En outre, si le volume deistribution attendu des cristalloïdes concerne l’ensembleu compartiment extracellulaire (secteurs intravasculairet interstitiel), celui des colloïdes se limite a priori auecteur intravasculaire. Des travaux physiologiques récentsemettent en cause aujourd’hui le caractère simpliste d’uneelle approche [6]. En effet, la pharmacocinétique des solu-és de remplissage vasculaire dépend non seulement de laature des solutés utilisés mais également du statut volé-ique du patient, de la vitesse de perfusion du soluté

hoisi et de l’état anatomo-histologique de l’endothéliumasculaire. L’ensemble de ces facteurs rééquilibre la placeelative des cristalloïdes et des colloïdes dans le remplis-age vasculaire et explique, au moins en partie, la toxicitéotentielle des HEA dans certaines situations cliniques.

Le pouvoir d’expansion volémique d’un soluté de rem-lissage vasculaire dépend de la volémie du patient à’instant donné. Selon l’équation initiale de Starling, le débitet de filtration à travers la paroi vasculaire d’un solutéépend de la différence entre les pressions hydrostatiquest oncotiques des secteurs intravasculaire et interstitiel.insi, pour un patient normovolémique ou faiblement hypo-olémique, la perfusion d’un soluté cristalloïde entraînene augmentation de la pression hydrostatique respon-able d’une fuite capillaire dite « de type 1 », c’est-à-dire

urvenant sur un endothélium vasculaire intègre [6]. Enevanche, l’augmentation de pression hydrostatique seralus modérée pour un patient franchement hypovolémiquet l’extravasation du cristalloïde sera elle-même réduite,
Page 3: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

(pod

filtdhcdsdcrncamSsc

lndpdardvpUdlmnltplpllpmHlism

Gr

H

Dst

Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA

expliquant un PEV plus important et une DEV prolongée. LaDEV et le PEV d’un soluté cristalloïde isotonique sont parconséquent d’autant plus élevés que l’hypovolémie initialeest sévère. Même si les colloïdes, grâce à leurs propriétésoncotiques, diffusent beaucoup moins dans le secteur inter-stitiel sous l’action d’une fuite capillaire de type 1, leurs DEVet PEV dépendent de la même facon de l’état volémique dupatient [6]. Enfin, il est clair que la vitesse d’administrationconditionne à la fois PEV et DEV des solutés de remplissagevasculaire et plaide pour une administration rapide, voire enbolus, des solutés de remplissage vasculaire lorsqu’ils sontprescrits pour corriger une hypovolémie.

Le contexte clinique intervient également dans lapharmacocinétique et la pharmacodynamie des solutéscristalloïdes et colloïdes en modulant l’état anatomo-histologique de l’endothélium vasculaire du patient.Certaines situations physiopathologiques comme le sepsis oul’ischémie-reperfusion ou encore le polytraumatisme sonten effet responsables d’une lésion endothéliale générantune fuite capillaire dite « de type 2 » et expliquant unefuite extravasculaire accrue des solutés cristalloïdes et col-loïdes [6]. Il en résulte un œdème interstitiel plus ou moinsimportant par défaut de résorption lymphatique et un risqued’accumulation des molécules d’HEA potentiellement res-ponsable d’une surmorbidité, en particulier rénale [7]. Latoxicité rénale des HEA pourrait également s’expliquer parl’augmentation brutale de pression oncotique au niveau ducapillaire glomérulaire, conduisant à une diminution de lapression de filtration glomérulaire. Un remplissage raisonnéassociant une combinaison de solutés colloïdes et cristal-loïdes permettrait de réduire la toxicité rénale des HEA. Destravaux expérimentaux récents soulignent le rôle majeur duglycocalyx dans la perméabilité vasculaire et la fuite capil-laire de type 2, complétant ainsi la théorie initialementdécrite par Starling.

Polémique récente autour des HEA etnouvelles dispositions réglementaires

Suite à la publication de plusieurs études cliniques et épidé-miologiques mettant en cause la sécurité d’utilisation desHEA comme solutés de remplissage chez les patients deréanimation, en particulier au cours du sepsis grave [7,8],le comité européen pour l’évaluation des risques en matièrede pharmacovigilance (Pharmacological Risk AssessmentCommittee = PRAC) de l’agence européenne du médicament(EMA) a initié fin novembre 2012 une réévaluation du rapportbénéfice/risque des HEA. La Suède et l’Allemagne étaienten charge de ce dossier. De fait, ces études suggèrent uneaugmentation de la morbidité rénale et potentiellement dela mortalité globale chez les patients recevant des HEA.Plusieurs méta-analyses soulignent également l’absence debénéfice et les risques potentiels liés à l’utilisation desHEA chez ce type de patients [9,10]. En juin 2013, jugeantl’analyse bénéfice/risque des HEA globalement défavorable,le PRAC recommande la suspension de la commercialisationdes HEA sur le marché européen, aussitôt suivi par les auto-

rités de santé du Royaume-Uni et de l’Italie. La publicationde l’étude CRYSTAL [11] et de propositions de procédures deminimisation des risques ont apporté de nouvelles donnéeset amené le PRAC à nuancer son jugement. Les conclusions

p•

cast) 347

nales proposées par le PRAC le 10 octobre 2013 restreignentes indications des HEA et contre-indiquent leur utilisa-ion chez les patients septiques, chez les brûlés, en cas’insuffisance rénale, de coagulopathie et/ou d’insuffisanceépatique sévère, en cas d’hémorragie intracrânienne ouérébrale et chez les patients de réanimation. En attendantes données supplémentaires, les HEA demeurent autori-ées selon des procédures nationales dans le traitemente l’hypovolémie périopératoire par hémorragie aiguë ethez les traumatisés, dans le respect strict des posologiesecommandées et moyennant une surveillance appropriée,otamment de la fonction rénale. En France, une lettre pré-isant les restrictions importantes d’utilisation des HEA a étédressée sous l’autorité de l’agence nationale de sécurité duédicament aux professionnels de santé (urgentistes, SAMU,

MUR, unités de soins intensifs, anesthésistes-réanimateurs,ervices de réanimation médicale/chirurgicale/polyvalente,entre de brûlés) le 12 novembre 2013.

L’histoire ne s’arrête pas là. Le 4 novembre 2013, uneettre ouverte co-signée par 76 médecins spécialistes origi-aires d’Europe, des États-Unis, du Canada, d’Australie ete Nouvelle-Zélande a été adressée au directeur de l’EMA etubliée dans le British Journal of Anaesthesia. Les auteurse cette lettre ouverte s’étonnent et s’inquiètent de cetssouplissement inattendu dans le jugement du PRAC etéclament une nouvelle fois l’interdiction de l’utilisationes HEA en médecine humaine, considérant que les nou-elles recommandations pratiques d’utilisation des HEA neeuvent garantir efficacement la sécurité des patients.ne contre-offensive a aussitôt été menée sous la forme’un rapport également adressé au directeur de l’EMAe 21 novembre 2013. Ce rapport, co-signé par 71 autresédecins spécialistes émanant des quatre coins de la pla-

ète, souligne le caractère scientifiquement abusif de laettre ouverte précédente et oppose des arguments fac-uels laissant une chance aux HEA 6 % 130/0,4 qui pourraientrésenter un réel intérêt pour les patients chirurgicaux etes traumatisés [12,13]. Ce rapport est actuellement sousresse dans le British Journal of Anaesthesia. Finalement,a Commission européenne a entériné le 19 décembre 2013es recommandations du PRAC. Nul doute que le débat n’estas définitivement clos. De futures études devraient per-ettre de mieux cerner la balance bénéfices/risques desEA dans tous les sous-groupes de patients, notamment

es patients chirurgicaux. En attendant, les praticiens sontnvités à déclarer immédiatement tout effet indésirableuspecté d’être dû à l’utilisation d’HEA au centre de phar-acovigilance dont ils dépendent géographiquement.

estion périopératoire des solutés deemplissage vasculaire

ydratation périopératoire

eux principales stratégies liquidiennes semblent’opposer : la stratégie d’optimisation volémique et la stra-égie de restriction liquidienne. Au niveau méthodologique,

lusieurs remarques s’imposent :les études évaluant la stratégie d’optimisation volémiquepériopératoire ont été réalisées avec une stratégie prin-cipalement peropératoire utilisant un monitorage de la
Page 4: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

348 J.-L. Fellahi et al.

Figure 1. Algorithme d’optimisation hémodynamique périopératoire. On distingue en pratique l’hydratation de base et la compensationv hypod

qdbvgd

ttee•

edcposédrddm

olume pour volume des pertes sanguines. La compensation d’un’actualité.

volémie et un algorithme prédéfini. Les stratégies liqui-diennes périopératoires sont, dans ces études, souventimprécises ;toutes ces études ont optimisé la volémie avec un col-loïde, essentiellement un HEA, en prenant pour base queleur PEV était plus important que celui des cristalloïdes ;les études évaluant l’intérêt de la restriction liqui-dienne souffrent de nombreux biais car la restrictionétait tantôt peropératoire, tantôt postopératoire et tan-tôt périopératoire, le groupe témoin recevant parfois desapports liquidiens de base excessifs pouvant aller jusqu’à18 mL/kg et la période opératoire étant parfois l’objet del’utilisation d’algorithmes d’optimisation volémique.

Les seuils de cette optimisation peuvent avoir des consé-uences importantes sur la stratégie restrictive ou libéralee remplissage vasculaire : un seuil d’optimisation tropas (augmentation du volume d’optimisation) augmente lesolumes perfusés et favorise artificiellement une straté-ie restrictive ; un seuil trop haut (diminution du volume’optimisation) favorise la politique libérale.

Une méta analyse récente s’est proposée de compareroutes ces stratégies avec pour critères d’évaluation la mor-alité, les durées de séjour, les complications pulmonairest les complications rénales [14]. Les principales conclusionsn sont les suivantes :l’optimisation de la volémie permet de réduire les risquesde défaillance rénale, de pneumopathie, le délai dereprise du transit et la durée de séjour à l’hôpital parrapport à une prise en charge sans optimisation ;une stratégie de restriction liquidienne réduit l’incidence

des pneumopathies et des œdèmes pulmonaires et le délaide reprise du transit ;les patients avec une optimisation de la volémie etune stratégie libérale périopératoire recoivent plus de

vpae

thétique troisième secteur et du jeûne préopératoire n’est plus

liquides dans la période périopératoire que les groupescontrôles ;bien que l’optimisation de la volémie et la stratégie libé-rale s’accompagnent d’apports liquidiens périopératoiresplus importants, la première stratégie est associée à undélai de reprise du transit plus court et à un moindrerisque de pneumonie postopératoire ;les stratégies restrictive et d’optimisation de la volémieperopératoire sont associées à une diminution des duréesde séjour ;aucune des stratégies n’est associée à une diminution dela mortalité ;les études sont d’une grande hétérogénéité méthodo-logique. Au vu de tous ces résultats et des limitespréalablement évoquées, il semble que des essais ran-domisés de grande envergure soient nécessaires pourévaluer plus avant les différents impacts de ces diffé-rentes stratégies.

Comment concilier en pratique restriction hydriquet optimisation volémique ? Ces deux concepts découlentes modifications hydriques induites par l’acte chirurgi-al. Initialement, les études issues de la guerre de Coréerévoyaient des pertes hydriques de bases (jeûne pré-pératoire, perspiration, évaporation, diurèse, « troisièmeecteur ») au-dessus de 10 mL/kg/h. Des études ultérieuresvaluant plus précisément ces pertes ont montré que leéficit hydrique était en réalité bien moindre. Une étudeécente a confirmé notamment qu’un jeûne préopératoiree 6 heures n’induisait pas d’hypovolémie chez le patientevant être opéré d’une chirurgie abdominale program-ée [15]. Le jeûne préopératoire n’altère donc pas le

olume extracellulaire, ce d’autant qu’il n’interdit plus larise de liquides clairs jusqu’à 2 heures avant l’inductionnesthésique. Ainsi, la perfusion liquidienne systématiquen début d’intervention semble parfaitement infondée

Page 5: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

(pod

cl3epttdisrtméptàdpdv

lldrcdmcrcivsshtagud

lsmmsrHétldcoll

Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA

scientifiquement, l’hypotension artérielle post-inductionétant plus probablement la conséquence de la vasoplé-gie liée à l’anesthésique que d’une hypovolémie vraie. Lespertes insensibles sont habituellement elles aussi largementsurestimées et plutôt de l’ordre de 1 mL/kg/h, soit 10 foismoindres que classiquement enseigné dans les facultés demédecine. Encore souvent évoqué par les praticiens pourjustifier un niveau d’hydratation de base élevé, l’existencemême d’un troisième secteur n’a jamais été formellementdémontrée et il n’est plus justifié aujourd’hui d’envisagerson éventuelle compensation [6]. La quantité des pertesliées au saignement peropératoire doit en revanche êtreévaluée précisément. Les études périopératoires ont montréque l’utilisation d’un critère d’évaluation de la préchargecardiaque dans un algorithme préétabli permettait de dimi-nuer les complications périopératoires en diminuant lesépisodes d’hypotension artérielle. La compensation de cespertes doit théoriquement rester dans le secteur vasculaireet l’utilisation de solutés colloïdes iso-oncotiques sembleici à la fois licite et logique. Cependant, compte tenu desrisques liés aux HEA, il est souhaitable d’envisager desétudes randomisées de grande envergure comparant HEAet cristalloïdes dans cette indication. Les objectifs seraientde comparer les volumes perfusés et les complicationspostopératoires. Apports hydriques à visée intravasculaire(compensant le saignement) et à visée extracellulaire(compensant les pertes insensibles et la diurèse) ne sontcependant pas indépendants en raison de la nature del’endothélium vasculaire qui ne se comporte pas commeune barrière infranchissable (voir plus haut). À la lumièrede tous ces résultats, compensation des pertes extracel-lulaires et compensation du saignement sont parfaitementsynergiques pour améliorer le pronostic du patient (Fig. 1). Ilest important de restreindre les apports hydriques de base.Le seuil de 6 mL/kg/h est déjà théoriquement très impor-tant, 10 mL/kg/h étant un véritable « régime d’inondation »du secteur extracellulaire. Les pertes sanguines doivent êtrecompensées au plus vite par un diagnostic rapide. C’est làoù réside l’intérêt du monitorage de la volémie et de lacompensation rapide par un soluté capable de rester dansle secteur intravasculaire sans en altérer l’interface.

Stratégies d’optimisation hémodynamique

Les stratégies standardisées d’optimisation hémodynamiquepériopératoire ont montré leur efficacité en termes deréduction de la mortalité à court et long terme [16]. Lepremier principe est que la surveillance portant unique-ment sur la pression artérielle et la fréquence cardiaque,est insuffisante pour porter le diagnostic d’hypovolémie etd’hypoperfusion d’organe sévère. L’adjonction d’un outilde diagnostic et de monitorage de l’hypovolémie (monito-rage du débit cardiaque par Doppler œsophagien ou analysedu contour de l’onde de pouls et analyse de ses varia-tions respiratoires chez un patient en ventilation contrôléeet en rythme sinusal) réduit significativement l’incidencedes complications postopératoires quel que soit le type depatient et/ou de chirurgie. L’identification des patients à

haut risque se fait sur la base des critères retenus par Shoe-maker et coll. [17]. Il s’agit de patients de plus de 70 ansporteurs de comorbidités cardiaques, respiratoires, vascu-laires ou rénales et subissant une chirurgie majeure. Dans

écpt

cast) 349

e groupe, la mortalité attendue est proche de 20 % et’optimisation hémodynamique peut diviser par un facteur

à 5 la mortalité observée. Pourtant, ce premier principest encore peu appliqué par les praticiens [18]. Le secondrincipe est que le remplissage vasculaire reste indiquéant que le débit cardiaque ou le volume d’éjection sys-olique augmentent de 10 à 15 % après un bolus liquidiene 200 à 250 mL [5]. Le remplissage vasculaire n’est plusndiqué lorsque débit cardiaque et/ou volume d’éjectionystolique n’augmentent plus. La poursuite intempestive duemplissage vasculaire est alors responsable d’une séques-ration liquidienne associée à une augmentation de laorbi-mortalité périopératoire. Des résultats analogues ont

té obtenus avec les variations respiratoires de la pressionulsée ou du volume d’éjection systolique dont les seuils cri-iques vont de 9 % pour la borne basse (remplissage inutile)

13 % pour la borne haute (remplissage utile). Entre ceseux valeurs, aucune décision fiable ne peut être prise enratique [19]. Ces indices dynamiques de précharge dépen-ance sont réservés aux patients en rythme sinusal et enentilation contrôlée.

Un monitorage plus complexe peut être nécessaire chezes patients à très haut risque, en chirurgie cardiaque ouorsque l’optimisation du débit cardiaque n’a pas permise stabiliser l’hémodynamique. Les stratégies de monito-age et d’optimisation hémodynamique associent alors débitardiaque, indices de précharge dépendance et paramètres’oxygénation tissulaire tels que la saturation veineuseesurée par cathétérisme artériel pulmonaire (SvO2) ou par

athétérisme veineux central dans le territoire cave supé-ieur (ScvO2). Les indications sont néanmoins à discuter auas par cas étant donné leur caractère complexe et plusnvasif. Les protocoles de soins utilisés sont extrêmementariés, allant de la simple correction à la maximali-ation du débit cardiaque et/ou du volume d’éjectionystolique. Toutes chirurgies confondues, l’optimisationémodynamique périopératoire visant des objectifs quan-itatifs d’index cardiaque à 4,5 L/min/m2, de transportrtériel en oxygène à 600 mL/min/m2 ou de consommationlobale en oxygène à 170 mL/min/m2 associés à une SvO2 oune ScvO2 > 70 % permet une réduction significative du risquee complications postopératoires [4].

Le choix d’un soluté cristalloïde isotonique ou d’un col-oïde de synthèse pour l’optimisation hémodynamique doituivre les recommandations énoncées précédemment. Laajorité des études relatives à l’optimisation hémodyna-ique standardisée a été réalisée avec des colloïdes de

ynthèse, le plus souvent des HEA. Deux méta-analysesécentes n’ont pas rapporté d’effets délétères rénaux desEA en période périopératoire [12,13]. Toutefois, aucunetude randomisée de grande envergure n’a comparé les deuxypes de solutés (cristalloïdes versus colloïdes) au cours dea période périopératoire. Pour guider son choix, la gravitéu tableau hémodynamique doit rester une préoccupationonstante du praticien. S’il n’existe aucun saignement per-pératoire et que l’indication du remplissage vasculaire estimitée à la seule correction de l’hypotension induite para vasoplégie anesthésique, les deux types de solutés sontquivalents et le ratio de PEV est égal à un. Dans ce cas pré-

is, le choix d’un colloïde de synthèse n’est probablementas légitime. A contrario, lors d’un saignement expérimen-al majeur, le ratio du PEV entre HEA et cristalloïdes est de
Page 6: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

3

lle4éaaDdlcdéptldtpmd

C

LéatdtdiccEmàelàs

D

Lr

A

Lps1

R

[

[

[

[

[

[

[

[

50

’ordre de 4 pour 1, y compris pour la vitesse de correction de’hypotension artérielle. En d’autres termes, l’hypotensionst corrigée 4 fois plus vite par un HEA avec un volume

fois moindre. En pratique clinique, cette différence existegalement mais elle est plus proche de 2 pour 1. Le PEVttendu d’un HEA lors d’une hémorragie grave est doncu moins le double de celui d’un cristalloïde isotonique.es effets favorables des HEA en termes de restauratione la perfusion globale au cours de l’hémorragie ont éga-ement été rapportés [20]. Dans cette étude randomiséeomparant le sérum salé isotonique à un HEA 6 % 130/0,4e chez 109 patients polytraumatisés, l’utilisation de l’HEAtait associée à une clairance du lactate significativementlus rapide ainsi qu’à un meilleur pronostic rénal. Cela jus-ifie le fait que les HEA restent indiqués actuellement dans’hémorragie grave ne répondant pas à la perfusion initialee cristalloïdes. De larges essais randomisés comparant cris-alloïdes et colloïdes pour l’optimisation hémodynamiqueeropératoire et incluant un critère de gravité hémodyna-ique pour l’utilisation des colloïdes pourraient permettre’éclaircir définitivement ce dernier point.

onclusion

es nouvelles connaissances physiologiques concernant leschanges liquidiens à travers la paroi vasculaire nousmènent à reconsidérer la place respective des solutés cris-alloïdes isotoniques et colloïdes de synthèse en fonctione la situation physiopathologique du patient et des objec-ifs thérapeutiques fixés. Si les HEA connaissent aujourd’huies restrictions d’indication que les praticiens ne peuventgnorer, il importe de savoir raison garder et de ne pasondamner définitivement des solutés de remplissage vas-ulaire ayant fait la preuve indéniable de leur efficacité.nfin, une stratégie moderne d’optimisation hémodyna-ique périopératoire distingue l’hydratation de base, revue

la baisse avec les nouvelles règles du jeûne préopératoiret l’abandon du concept théorique de troisième secteur, eta compensation volume pour volume des pertes sanguines

la faveur d’un monitorage continu du volume d’éjectionystolique chez les patients à risque.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

nnexe 1. Matériel complémentaire

e matériel complémentaire (audio au format mp3) accom-agnant la version en ligne de cet article est disponibleur http://www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/0.1016/j.pratan.2014.08.009.

éférences

[1] Schortgen F, Lacherade JC, Bruneel F, Cattaneo I, Hemery F,Lemaire F, et al. Effects of hydroxyethylstarch and gelatin

[

J.-L. Fellahi et al.

on renal function in severe sepsis: a multicenter randomizedstudy. Lancet 2001;357:911—6.

[2] Kozek-Langenecker SA, Jungheinrich C, Sauermann W, Van derLinden P. The effects of hydroxyethylstarch 130/0.4 (6 %) onblood loss and use of blood products in major surgery: apooled analysis of randomized clinical trials. Anesth Analg2008;107:382—90.

[3] Phan TD, Ismail H, Heriot AG, Ho KM. Improving perio-perative outcomes: Fluid optimization with the esophagealDoppler monitor, a metaanalysis and review. J Am Coll Surg2008;207:935—41.

[4] Hamilton MA, Cecconi M, Rhodes A. A systematic reviewand meta-analysis on the use of preemptive hemodynamicintervention to improve postoperative outcomes in mode-rate and high-risk surgical patients. Anesth Analg 2011;112:1392—402.

[5] Vallet B, Blanloeil Y, Cholley B, Orliaguet G, Pierre S, TavernierB. Stratégie du remplissage vasculaire périopératoire. Ann FrAnesth Reanim 2013;32:454—62.

[6] Chappell D, Jacob M, Hofmann-Kiefer K, Conzen P, Rehm M.A rational approach to perioperative fluid management. Anes-thesiology 2008;109:723—40.

[7] Perner A, Haase N, Guttormsen AB, Tenhunen J, klemenz-son G, Aneman A, et al. Hydroxyethylstarch 130/0.42 versusRinger’s acetate in severe sepsis. N Engl J Med 2012;367:124—34.

[8] Myburgh J, Finfer S, Bellomo R, Billot L, Cass A, Gattas D, et al.Hydroxyethylstarch or saline for fluid resuscitation in intensivecare. N Engl J Med 2012;367:1901—11.

[9] Haase N, Perner A, Hennings LI, Siegemund M, Lauridsen B,Wetterslev M, et al. Hydroxyethylstarch 130/0.38-0.45 ver-sus crystalloid or albumin in patients with sepsis: systematicreview with meta-analysis and trial sequential analysis. Br MedJ 2013;346:839.

10] Zarychanski R, Abou-Setta AM, Turgeon AF, Houston BL,McIntyre L, Marshall JC, et al. Association of hydroxye-thylstarch administration with mortality and acute kidneyinjury in critically-ill patients requiring volume resuscita-tion: a systematic review and meta-analysis. J Am Med Assoc2013;309:678—88.

11] Annane D, Siami S, Jaber S, Maretin C, Elatrous S, DeclèreAD, et al. Effects of fluid resuscitation with colloids versuscrystalloids on mortality in critically-ill patients presen-ting with hypovolemic shock. J Am Med Assoc 2013;310:1809—17.

12] Martin C, Jacob M, Vicaut E, Guidet B, Van Aken H,Kurz A. Effects of waxy maize-derived hydroxyethylstarch130/0.4 on renal function in surgical patients. Anesthesiology2013;118:387—94.

13] Van der Linden P, James M, Mythen M, Weiskopf RB.Safety of modern starches used during surgery. Anesth Analg2013;116:35—48.

14] Corcoran T, Rhodes JE, Clarke S, Myles PS, Ho KM. Periopera-tive fluid management strategies in major surgery: a stratifiedmeta-analysis. Anesth Analg 2012;114:640—51.

15] Muller L, Briere M, Bastide S, Roger C, Zoric L, Seni G, et al.Preoperative fasting does not affect haemodynamic status:a prospective, non-inferiority, echocardiography study. Br JAnaesth 2014;112:835—41.

16] Rhodes A, Cecconi M, Hamilton M, Poloniecki J, Woods J, BoydO, et al. Goal-directed therapy in high-risk surgical patients:a 15-year follow-up study. Intensive Care Med 2010;36:1327—32.

17] Shoemaker WC, Appel PL, Kram HB, Waxman K, Lee TS. Pros-

pective trial of supranormal values of survivors as therapeuticgoals in high-risk surgical patients. Chest 1988;94:1176—86.

18] Cannesson M, Pestel G, Ricks C, Hoeft A, Perel A. Hemodyna-mic monitoring and management in patients undergoing high

Page 7: Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA (podcast)

(pod

[

Remplissage vasculaire au bloc opératoire avec ou sans HEA

risk surgery: a survey among North American and Europeananesthesiologists. Crit Care 2011;15:R197.

[19] Cannesson M, Le Manach Y, Hofer CK, Goarin JP, Lehot JJ, ValletB, et al. Assessing the diagnostic accuracy of pulse pressurevariations for the prediction of fluid responsiveness: a ‘‘grayzone’’ approach. Anesthesiology 2011;115:231—41.

cast) 351

20] James MF, Michell WL, Joubert IA, Nicol AJ, Navsaria PH, Gil-lespie RS. Resuscitation with hydroxyethyl starch improves

renal function and lactate clearance in penetrating traumain a randomized controlled study: the FIRST trial (Fluidsin Resuscitation of Severe Trauma). Br J Anaesth 2011;107:693—702.