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Renouvellement de la fonction publique fédérale Vers une Charte de la fonction publique Par : Ralph Heintzman École supérieure d’affaires publique et internationales, Université d’Ottawa, Massey College, Université de Toronto Un document de politique pour Canada 2020

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Renouvellement de la fonction publique fédéraleVers une Charte de la fonction publique

Par : Ralph Heintzman École supérieure d’affaires publique et internationales, Université d’Ottawa,

Massey College, Université de Toronto

Un document de politique pour Canada 2020

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Introduction

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À PROPOS DE CANADA 2020Canada 2020 est le plus important groupe de réflexion indépendant et progressiste du Canada. Il cherche à redéfinir le rôle que joue le gouvernement fédéral dans l’édification du Canada moderne. Nous proposons des recherches (comme le présent document), organisons des rencontres et suscitons des conversations sur l’avenir du Canada. Canada 2020 s’est donné pour objectif d’établir une communauté de gens et d’idées qui façonneront et transformeront les gouvernements. Nous vous invitons à consulter www.canada2020.ca.

À propos de cette collection de documentsLa place des nouvelles idées au Canada grandit de façon exponentielle.

Et alors que nous nous dirigeons vers une année d’élection, notre gouvernement fédéral devra exercer des choix intelligents et stratégiques en adoptant les idées qui mèneront la prospérité sociale et économique du Canada en 2020 et au-delà.

Cette collection de documents sur les politiques – publiée au printemps et en été 2014 – exposera ces choix.

Canada 2020 croit que le gouvernement fédéral peut devenir un vecteur de grand changement positif. Pour que cela se produise, il devra adopter une stratégie politique sérieuse nationale qui en fasse moins dans certains secteurs et plus de façon décisive et énergique dans d’autres domaines importants. Cela exigera de se livrer à une analyse approfondie des grands défis et possibilités réels qui attendent le Canada.

C’est exactement ce que font ces documents et leurs auteurs.

Pour vous tenir au courant des nouvelles de la collection et pour plus de contenu, comme les entrevues-vidéo et d’autres commentaires, veuillez vous rendre à www.canada2020.ca/publications et abonnez-vous à notre Liste d’envoi, suivez-nous sur Twitter, et devenez notre ami sur Facebook.

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À propos de l’auteurRalph HeintzmanAvant de joindre la Fonction publique canadienne, Ralph Heintzman, détenteur d’un Ph.D. de la York University, a poursuivi une carrière universitaire. Au cours de sa brillante carrière, il a été vice-président de l’Agence de gestion des ressources humaines de la Fonction publique du Canada, sous-ministre adjoint au Conseil du trésor et vice-président au Centre canadien de gestion. En 2006, Ralph Heintzman s’est vu décerner la médaille Vanier, la plus haute distinction canadienne attribuée aux gestionnaires publics pour leur contribution exceptionnelle à l’administration publique du Canada, en particulier dans les domaines de l’éthique et de la prestation des services axés sur les citoyens.

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RÉSUMÉLe présent document défend la thèse qui veut que le renouveau authentique de la fonction publique exige un nouveau « contrat moral » entre la fonction publique, les ministres et le Parlement qui appuie les valeurs d’une fonction publique professionnelle et non partisane. Le nouveau « contrat moral » est nécessaire parce que la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique est maintenant brouillée aux niveaux les plus élevés, un problème qu’a identifié la Commission Gomery, le Comité parlementaire permanent des comptes publics, les partis politiques mêmes et des chercheurs de renom. Comme l’ont recommandé plusieurs groupes de travail, commissions et experts, un nouveau « contrat moral » devrait se présenter sous forme d’une Charte de la fonction publique, que les deux chambres du Parlement s’étaient engagés, unanimement, en 2005 à mettre en œuvre. Une charte de la fonction publique devrait se fonder sur quatre piliers : (1) les valeurs et l’éthique de service public; (2) le renforcement du rôle du sous-ministre en tant qu’administrateur comptable (accounting officer); (3) la réforme du processus de nomination des sous-ministres; et (4) de nouvelles règles pour la communication gouvernementale. Le document conclut en proposant 29 recommandations précises de politique.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 5RENOUVEAU DE LA FONCTION PUBLIQUE 6

Éviter le problème inhérent

POURQUOI LE PROBLÈME INHÉRENT ACQUIÈRE UNE URGENCE INÉGALÉE 8

RESTAURER LA LIGNE DE DÉMARCATION 11Vers une charte de la fonction publique

ÉLÉMENT NO 1 DE LA CHARTE 13Valeurs et éthique de la fonction publique

ÉLÉMENT NO 2 DE LA CHARTE 16Renforcer le rôle du sous-ministre comme agent comptables

ÉLÉMENT NO 3 DE LA CHARTE 19Reformer le processus de nomination des sous-ministres

ÉLÉMENT NO 4 DE LA CHARTE 24Nouvelles règles de communication du gouvernement

CONCLUSION 29Renouvellement de la fonction publique fédérale comme fonction publique

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1 INTRODUCTIONLa plupart des élections fédérales portent principalement sur la politique et le leadership. Mais tout parti politique qui souhaite gouverner doit réfléchir non seulement à ce qu’il fera, mais en cas de réussite, à la manière dont il le fera. Une bonne gestion publique constitue une condition essentielle à la mise en œuvre d’une politique publique.

L’une des priorités clés de tout parti qui prend le pouvoir suite à une élection, devrait toujours être celle d’établir une relation efficace avec une fonction publique professionnelle et apolitique. Les gouvernements canadiens qui ont connus des difficultés au cours de leurs mandats que ce soit au niveau fédéral ou provincial, ont souvent perdu la confiance des électeurs parce qu’ils ont négligé de tenir compte de cette exigence élémentaire. Les Canadiens veulent des gouvernements compétents (ou qui du moins ne paraissent pas incompétents), efficaces et fiables. Une fonction publique non partisane, professionnelle s’est avérée essentielle à la réalisation de ces objectifs. Si vous l’écoutez et l’utiliser convenablement, une fonction publique impartiale peut vous aider à vous éviter des déboires, à gagner la confiance des citoyens et à mettre efficacement en œuvre votre programme politique. Le professionnalisme neutre de la fonction publique constitue une condition sine qua non de l’efficacité du gouvernement, de la bonne gouvernance, de l’intégrité, de la préservation de la confiance des citoyens et, par conséquent, du succès politique durable.1

1 Le lien entre professionnalisme et efficacité relevait antérieurement de bon sens intuitif. Mais une récente étude quantitative du gouvernement fédéral des É.-U. effectuée par David E. Lewis a montré de façon empirique que le remplacement de professionnels de carrière par des nominés partisans « nuit à leur performance à travers le gouvernement, des fois dramatiquement et avec des effets catastrophiques » : « Une certaine distance par rapport au contrôle politique est nécessaire à l’efficacité de la bureaucratie – pour l’aider à cultiver son savoir-faire, à élaborer l’efficacité de sa perspective et de sa planification à long terme, et de fournir la mémoire institutionnelle qui assure le fonctionnement du gouvernement entre élections » David E. Lewis, The Politics of Presidential Appointments: Political Control and Bureaucratic Performance ( Princeton: Princeton University Press, 2008), 202. Voir également : Ralph Heintzman and Brian Marson, « People, Service and Trust: Is There a Public Sector Service Value Chain? » International Review of Administrative Sciences, 71, no. 4 (December 2005), 549-75; “Linked In: Research Proves that People, Service and Public Trust Are Linked.” Canadian Government Executive 16, no. 1 (January 2010), 12-14; Erin Research, Citizens First 5. (Toronto: Institute for Citizen-Centre Service Delivery, 2008).

Ainsi, la réflexion sur les moyens de renouveler et de renforcer la compétence non partisane de la fonction publique, et l’établissement d’une relation efficace entre responsables élus et non élus constituent un aspect essentiel de la préparation à la gouvernance politique. Cela est particulièrement important lorsqu’un gouvernement est passé par une période où cette relation s’est détériorée, ou lorsqu’il y a eu négligence ou dévalorisation de la fonction publique de la part du gouvernement, ou que le gouvernement ait abusé de la neutralité non partisane, comme c’est le cas de l’administration Harper.

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2 RENOUVEAU DE LA FONCTION PUBLIQUE : ÉVITER LE PROBLÈME INHÉRENTAu cours des 25 dernières années, le gouvernement du Canada s’est livré à au moins huit exercices de renouvellement de la fonction publique, aussi bien majeurs que mineurs. Le premier – intitulé FP 2000 – s’est révélé parmi les exercices de renouvellement les plus hauts en profil. Menée par le Greffier du Conseil Privé de l’époque, cet exercice a produit en 1990 un livre blanc gouvernemental et, en 1992, une nouvelle loi qui, entre autre, désignait le Greffier comme « Chef de la fonction publique ». Selon ce que l’on compte, la liste des rapports et des initiatives subséquentes de renouvellement peuvent également comprendre le Plan directeur pour le renouvellement des services gouvernementaux à l’aide des technologies de l’information (1994); De solides assises, Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (1996); Repenser le rôle de l’État (1997); La Relève (1997-99); Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes (2000); la Loi modernisant le régime de l’emploi et des relations de travail dans la fonction publique (2003); et maintenant, l’exercice de renouvellement en cours, mené par le Greffier, et connu sous le vocable Objectif 2020. Selon votre point de vue, d’autres initiatives ou mesures pourraient être ajoutées à cette liste, comme la Loi fédérale sur la responsabilité (2006).

Il n’est pas simple que d’évaluer le succès ou l’échec de cette pléthore inépuisable d’initiatives ou de programmes de renouvellement de la fonction publique au cours des vingt-cinq dernières années. Cela dépend de la façon dont vous percevez le verre : à moitié vide ou à moitié plein. En ce qui me concerne, je suis porté à croire que le verre est à moitié plein,2 bien que les deux positions soient tout à fait défendables.3 En revanche, l’aspect le plus frappant de ces exercices de renouvellement n’est pas tant leurs succès ou échecs, mais plutôt le fait qu’on choisisse généralement (mais pas uniformément) d’éviter ou de passer à côté du problème inhérent.

2 Voir, par exemple, Ralph Heintzman, « Measurement in Public Management: The Case for the Defence. » Optimum Online 39, no. 1 (March 2009): 66–79. http://www.optimumonline.ca/article.phtml?id=325.

3 Pour le point de vue négatif, voir Donald Savoie, Whatever Happened to the Music Teacher? How Government Decides and Why (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2013).Pour un point de vue plus positif, voir Phil Charko, « Management improvement in the Canadian public service, 1999-2010 », Revue d’adminnistration publique du Canada (Mars 2013), 91–120. Voir également Canada, Vérificateur général du Canada, La réforme de la gestion de la fonction publique : progrès, échecs et défis (Ottawa : Bureau du vérificateur général du Canada, février 2001). http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/docs/01psm_f.pdf.

Dans une démocratie parlementaire, le problème inhérent au renouvellement de la fonction publique est celui de la nature et du mandat mêmes de la fonction publique. Son rôle au sein de notre type de gouvernement démocratique : la relation de la fonction publique avec le Ministère au pouvoir, avec le parlement et avec les institutions parlementaires, ainsi qu’avec les citoyens du Canada. Qu’est donc que la fonction publique ? Quelle devraient être son identité et ses valeurs ? À quoi sert-elle ? Que doit-elle faire ? Quelles identité et valeurs doit-elle avoir ? Comment doit-elle les aider à s’épanouir et les protéger au cœur de la bataille politique ? Comment la fonction publique peut-elle réaliser et assurer la durabilité de la confiance des citoyens du Canada, et tous les acteurs du processus politique ? Et, d’abord et avant tout, quelle est la relation appropriée entre les responsables élus et ceux qui ne le sont pas, et comment devrait-on structurer cette relation ? Qui est imputable et de quoi ? À qui et comment ?

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Renouveau de la fonction publique

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Ce sont là les problèmes inhérents au renouvellement de la fonction publique. Et pourtant, ce sont ceux-là mêmes qui ont souvent (mais pas toujours) fait l’objet de mutisme.4 Comme nombre de ses prédécesseurs, Objectif 2020, l’actuel exercice de renouvellement de la fonction publique, néglige toujours le problème inhérent à l’exercice : le rôle de la fonction publique dans une démocratie parlementaire et sa relation avec les élus (aussi bien les ministres que les autres députés) et avec les citoyens du Canada.

4 Fonction publique 2000 a été l’une des exceptions. Le Livre blanc de FP 2000 comprenait une excellente discussion du rôle de la fonction publique dans le cadre de la démocratie parlementaire canadienne, notamment la « hiérarchie de responsabilité individuelle qui s’étend du parlement aux moindres recoins de la fonction publique ». (Canada, Bureau du Conseil privé, Fonction publique 2000 : le renouvellement de la fonction publique du Canada (Ottawa : Approvisionnements et Services Canada, 1990), 5-14). Toutefois, Fonction publique 2000 ne pose pas de diagnostic de crises quelconques pour ce rôle, ou offert de recommandations pour en traiter. L’affaireAl-Mashat, qui est arrivée à peine un an plus tard, montre tout ce que FP 2000 a négligé. Éclairé par les événements, le rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique de la fonction publique a consacré un chapitre entier aux défis que ces nouveaux développements ont posé à une fonction publique professionnelle et non partisane dans le cadre de la démocratie parlementaire, et a présenté plusieurs recommandations clés à ce chapitre. De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (rapprt Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion, 1996, 2000), 7-18, 59-61.

C’est là le problème qui devrait se trouver au cœur de tout processus, digne de ce nom, de renouvellement de la fonction publique. Et il devrait constituer le pilier central du programme politique de tous les partis politiques qui souhaitent gouverner efficacement et honorablement.

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3 POURQUOI LE PROBLÈME INHÉRENT ACQUIÈRE UNE URGENCE INÉGALÉEPendant que la fonction publique du Canada ait assidûment évité ce problème au cours des vingt-cinq dernières années – même lorsque le premier ministre l’avait conviée à s’en occuper5 – le problème s’est constamment aggravé et sa résolution est devenue urgente.

Une bonne relation entre les élus et les non élus responsables a toujours constitué une question primordiale pour l’administration publique dans les démocraties parlementaires. Actuellement, la question a pris une importance capitale pour le Canada. Pour deux genres de raisons : les forces qui façonnent en ce moment la vie politique et publique; ainsi que les actions et politiques précises d’acteurs politiques et de bureaucrates récents.

Les forces sous-jacentes concernent l’impact de la technologie – surtout celle des communications – sur la culture et la société généralement, et sur la vie politique précisément. L’impact sur la politique – d’abord la radio et ensuite la télévision et maintenant Internet ainsi que tous les nouveaux médias sociaux – s’est traduit par la montée d’une politique axée sur le leader et dominée par les médias.6 Il en a découlé ce que le politologue canadien Peter Aucoin a nommé « la nouvelle gouvernance politique » la NGP qui est composée d’un mélange d’« hyper politisation » croissante de tout le débat public (la « campagne permanente »), un contrôle central plus serré par le premier ministre et ses plus proches conseillers, et une importance croissante accordée à la communication du gouvernement.

5 Le « plan d’action en huit points » publié par le Premier ministre Chrétien le 11 juin 2002, se réfère précisément au concept britannique d’administrateur comptable en tant que précédent que le Canada examinerait pour renforcer « la gestion et l’imputabilité de la fonction publique relativement aux fonds publics », notamment « des mécanismes plus explicites pour la fonction publique en matière d’imputabilité des sous-ministres pour les affaires ministérielles ». Mais à cause d’oppositions internes dans la fonction publique, cette invitation du premier ministre est restée sans réponse. Des oppositions semblables ont mené à l’échec (décrite plus loin) de la Loi sur la responsabilité (2006) pour mettre en œuvre le concept d’administrateur comptable pour mettre en œuvre le concept de agents comptables au Canada. Voir : Donald Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability (Toronto: University of Toronto Press, 2008), 258; Canada, Bureau du Conseil privé, « Le premier ministre annonce de nouvelles lignes directrices d’éthique et de nouvelles procédures de nomination pour les conseillers en éthique », communiqué de presse sur le « Plan d’action en huit points sur l’éthique gouvernementale ». 11 juin 2002. www.collectionscanada.gc.ca/webarchives/20060127091847/http://www.bcp.gc.ca/default.asp?Language=E&Page=archivechretien&Sub=newsreleases&Doc=ethics.20020611_e.htm2002: 8).

6 S.J.R. Noel, “Dividing the Spoils: The Old and New Rules of Patronage in Canadian Politics,” Journal of Canadian Studies. Vol. 22. No. 2 (Summer 1987), 83-5.

Même une tendance à la politique en tant que communication, par laquelle « l’interprétation partisane » peut acquérir plus d’importance que de substance.7 Donald Savoie, l’un des plus importants chercheurs canadiens en administration publique a caractérisé le type de gouvernement centralisé qui découle de la NGP de « gouvernement de cour ».8 Il n’est pas surprenant que le comportement qui naît de ce gouvernement de « cour » – aux niveaux politique et bureaucratique – soit le comportement de « courtiers » – peut-être même de « courtisans » – qui cherchent à s’insinuer dans les bonnes grâces de ceux qui occupent le centre et qui contrôlent leur carrière politique ou bureaucratique. Pas le comportement de ministres ou fonctionnaires indépendants, prêts et capables de dire la vérité aux détenteurs du pouvoir.9

L’impact de la NGP et du « gouvernement de cour » sur la politique est une chose. L’effet sur la fonction publique est encore pire. L’impact conjugué de la NGP et du « gouvernement de cour » a exercé une pression énorme sur le professionnalisme et la neutralité de la fonction publique fédérale. Ils menacent de miner les valeurs mêmes et l’éthique de la fonction publique, particulièrement sa philosophie de neutralité, et sa vocation de dire la vérité aux détenteurs du pouvoir.

7 Peter Aucoin, “The New Public Governance and the Public Service Commission,” Optimum Online, Vol. 36, No. 1 (Spring 2006), 33-49; “New Public Management and New Public Governance: Finding the Balance,” in David Siegel and Ken Rasmussen, eds., Professionalism and Public Service: Essays in Honour of Kenneth Kernaghan. Toronto: University of Toronto Press, 2008), 16-33; “New Public Management and the Quality of Government: Coping with the New Political Governance in Canada,” paper prepared for the Conference on New Public Mangement and the Quality of Government, University of Gothenburg Sweden, 13-15 November 2008.

8 Donald Savoie, Governing from the Centre: The Concentration of Power in Canadian Politics, (Toronto: University of Toronto Press, 1999); Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers and Parliament, (Toronto: University of Toronto Press, 2003); Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom, (Toronto: University of Toronto Press, 2008); Power: Where Is It? (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2010).

9 Savoie, Court Government, 312.

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Bien que la situation ait empiré au cours des dernières années, ce problème n’est pas nécessairement nouveau. Il se propage depuis au moins 1974, lorsque le premier ministre de l’époque nommait un Greffier du Conseil Privé qui était largement perçu comme lui étant très proche sur le plan personnel – et peut-être même politique.10 Depuis, sans être ouvertement partisan, les greffiers successifs, avec quelques exceptions notables, ont souvent exécuté leur mandat avec un zèle qui a brouillé la ligne de démarcation entre l’ « espace » politique et bureaucratique, c’est-à-dire, entre les valeurs et les normes des politiques et celles de la fonction publique. Comme l’a dit Donald Savoie, ils ont souvent mis l’accent sur leur rôle comme représentants du premier ministre auprès de la fonction publique plutôt que l’inverse, c’est-à-dire comme représentant institutionnel auprès du premier ministre.11

L’impact de cette tendance sur la culture et le comportement de la fonction publique fédérale s’est dramatiquement manifestée dans l’affaire Al-Mashat en 1991 alors que le greffier et son associé pointaient du doigt un fonctionnaire pour qu’il soit le bouc émissaire d’une bourde politique.12 Il s’est révélé à nouveau une décennie plus tard, lors du scandale des commandites. La Commission Gomery a trouvé que le sous-ministre des Travaux publics non seulement n’avaient pas réussi à définir la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, mais qu’en outre le Bureau du Conseil privé (BPC) s’est opposé à ce qu’il le fasse. Effectivement, lorsque le sous-ministre et le sous-ministre adjoint des Travaux publics et Services gouvernementaux ont tenté de donner au programme des commandites un vernis d’administration publique correcte, ils ont reçu un appel téléphonique de la part du sous-greffier du Conseil privé qui leur intimait clairement de reculer et de ne pas s’opposer à la direction politique du programme par le Bureau du Premier ministre (BPM).13

10 Gordon Robertson, Canada’s greatest post-war public servant, agrees with Donald Savoie and Colin Campbell that this appointment was a turning point in the centralization and “politicization” of the federal public service. Gordon Robertson, Memoirs of a Very Civil Servant: Mackenzie King to Pierre Trudeau ((Toronto: University of Toronto Press, 2000), 308-10; Savoie, Governing from the Centre, 112-13; Colin Campbell, Governments Under Stress: Political Executives and Key Bureaucrats in Washington, London and Ottawa (Toronto: University of Toronto Press, 1983), 83.

11 Savoie, Governing from the Centre, 112.12 S.L. Sutherland, “The Al-Mashat affair: Administrative accountability in parliamentary

institutions,” Canadian Public Administration, Vol. 34, No. 4 (Winter 1991), 573 - 603.13 Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités

publicitaires, Qui est responsable ? Rapport d’enquête. (Ottawa : Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2005), 157. L’échec surprenant de la commission Gomery dans l’examen de cet événement critique et l’exploration de ses conséquences dans son rapport final costitue un « trou noir » dans ses conclusions et dans l’attribution du blâme.

Le même réflexe s’est à nouveau manifesté une décennie plus tard, alors que la fonction publique mettait des bâtons dans les roues du Directeur parlementaire du budget (DPB), en 2012. Le Greffier du Conseil privé a non seulement assumé le rôle fortement politique de porte-parole pour obstruer la surveillance par le Parlement des finances publiques – un rôle politique qui ne devrait jamais être assumé par une fonction publique professionnelle dans une démocratie parlementaire. Le greffier l’a fait d’une manière qu’on peut qualifier de décidément partisane. « À notre avis », le greffier a dit au DPB, alors qu’il rejetait sa demande de données sur la réduction des dépenses gouvernementales, « les plus récentes mesures du gouvernement pour réduire le déficit devraient être… crédibles ».14

C’était là une déclaration surprenante. Premièrement, le greffier défendait ainsi et justifiait une décision politique hautement contestable. Dans une fonction publique professionnelle et non partisane, les fonctionnaires peuvent et devraient fournir de l’information. Dans certains cas, ils peuvent même expliquer, mais en toute neutralité, le raisonnement utilisé, non pas par eux-mêmes, mais par les acteurs politiques. Mais ils ne devraient jamais s’approprier ce raisonnement. Ils ne devraient jamais défendre ou justifier, ou se mettre en position pour argumenter publiquement en faveur d’une décision politique légitimement contestable. S’ils le faisaient, comment pourraient-ils s’attendre à être considérés neutres ou de mériter une confiance égale – comme ce devrait l’être – de la part tous les acteurs du processus politique ?

Particulièrement en l’espèce, où le greffier non seulement justifiait et défendait un comportement politique très contestable, mais il justifiait et défendait exactement le type de comportement politique qui avait déjà entrainé un jugement contre le gouvernement d’outrage au Parlement par le Président de la Chambre.

14 Wayne G. Wouters à Kevin Page, 21 septembre 2012.

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Mais, deuxièmement, il faut noter le langage même du greffier à cet égard. Des mots comme « À notre avis » – notre! – serait assez naturel dans la bouche d’un premier ministre. Dans la bouche du chef de la fonction publique, ces mots sont très difficiles à expliquer ou à justifier.15 En les utilisant, il n’a laissé aucun espace entre lui et le gouvernement au pouvoir.16 Un Bureau du Conseil privé qui rédige une telle lettre, et un greffier qui pourrait la signer courent un sérieux risque d’estompement de la distinction entre une fonction publique et l’administration politique qu’elle sert. Il n’est pas étonnant que, sous l’administration Harper, le BCP est devenu la grande machine de « communication » qui sert les besoins partisans du gouvernement et du premier ministre en place – un très sérieux problème pour une fonction publique dite non partisane et professionnelle, problème sur lequel je reviendrai ci-dessous.17

15 La démocratie parlementaire canadienne exige (selon Gordon Robertson) « d’être servie par par des fonctionnaires professionnels et non partisans, dont l’un est le greffier du Conseil privé » qui devraient avant tout le monde dans la fonction publique, être et paraître non politique ». Robertson, Memoirs, 316-17. Nous soulignons.

16 Ce n’était pas la première ni la dernière fois que le greffier a utilisé la première personne du pluriel pour rassembler la fonction publique et le gouvernement du jour. Comme exemple antérieur, voir l’entrevue avec Paul Crookall : « Faites confiance à l’antidote pour vous risquer à l’aversion », Canadian Government Executive, Vol. 16, No. 1 (January 2010), 16. Encore plus antérieur, voir le Rapport du greffier au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, (Ottawa : Bureau du Conseil privé, mai 2014), 20-1. http://www.clerk.gc.ca/fra/feature.asp?pageId=371 - II-3-2.

17 Ces incidents publics, bien que très importants, ne disent pas tout sur la manière dont les greffiers se sont conduits au cours des vingt-cinq dernières années. Il y sûrement eu beaucoup d’occasion ratées au cours desquelles on leur avait demandé de tracer la ligne de démarcation entre les valeurs du politique celles de la fonction publique, et l’ont fait. Par exemple, il y a eu des rapports de telles initiatives suite au budget fédéral de 2009. Un conflit entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique portant sur l’administration du programme des Infrastructures aurait contribué à la soudaine démission du greffier au début du mois de mai 2009, et peu après la démission du sous-ministre des Transports/Infrastructure. Il a été dit que ces démissions soudaines répondaient au souhait du Bureau du premier ministre (BPM), et du ministre des Transports, pour assurer une cadence encore plus rapide du débours du financement des Infrastructures, pour des motifs politiques qui inquiétaient le greffier et le sous-ministre sortant qui voulaient assurer une diligence raisonnable conformément à une administration publique saine. Voir : John Ivison, “Pragmatist falls victim to partisans: PMO fingerprints all over Lynch resignation,” National Post, May 8, 2009; Adam Radwanski, “Guy Giorno, foot soldier,” globeandmail.com, May 8, 2009; James Travers, “Another victory for hired guns,” The (Toronto) Star, May 9, 2009; Bruce Campion-Smith, “Trouble at Transport: Clashes over spending,” The (Toronto) Star. 20 June, 2009.

Les implications de ce type d’exemple, du BCP et d’une succession de chefs de la fonction publique, ont un effet d’entrainement sur les comportements de leurs collègues. Un sous-ministre de l’Industrie a récemment dit de lui-même et de ses collègues, fièrement et mal à propos, qu’ils sont « monogames sériels en ce qui concerne la loyauté envers le gouvernement au pouvoir ».18 C’était là une dangereuse mécompréhension du rôle des fonctionnaires en général et des sous-ministres en particulier. Cela pourrait expliquer quelques actes déplorables du gouvernement du Canada au cours de la dernière décennie, y compris chez Industrie Canada même.19 Mais cela ne peut être qualifié de fonction publique professionnelle et non partisane. Une fonction publique ne peut, et ne peut en avoir même l’apparence, se dire non partisane et professionnelle en étant également partisane avec chaque changement de gouvernement. La monogamie sérielle est équivalente à une « promiscuité sérielle ».20 Ce n’est pas une recette pour l’élaboration une solide institution de fonction publique, respectée pour son intégrité à l’interne et à l’externe. Une fonction publique qui fait preuve de promiscuité ou de partisanerie sérielle n’est pas une institution fiable pour tous les acteurs du processus politique également. Ou même pour ses propres employés, sans parler des citoyens du Canada.

Ce n’est même pas une fonction publique qui sert bien le gouvernement en place. En réalité, cela pourrait accélérer sa chute en lui faisant perdre la confiance du public.

18 Richard Dicerni, « Les notes du Sous-Ministre pour sa comparution devant le Comité permanent de l’Industrie, des sciences et de la technologie,” 19 juin 2012. http://www.ic.gc.ca/eic/site/ic1.nsf/fra/07194.html. Qui a été également publié sous le titre “Parting Thoughts of a Deputy.” Canadian Government Executive, Vol. 18, No. 7 (September), 19. Emphasis added.

19 Par exemple, des cadres d’Industrie Canada, FedNor (l’agence de développment du nord de l’Ontario pour laquelle le Ministre de l’Industrie est également responsable) et Infrastructure Canada semblent avoir obéi à des impératifs et raccourcis politiques avant le sommet du G8 avant 2010. Ils semblent non seulement avoir coopéré à l’administration du Fonds d’infrastructure du G8 de manière à ne pas laisser de trace écrite, mais également pour contourner les exigences du processus établi de la politique du gouvernement même sur les paiements de transfert, comme a conclu la vérificatrice générale. (Canada. Vérificatrice générale du Canada. Rapport printemps 2011. Chapitre 2 : Fond d’infrastructure du G8. (Ottawa : Bureau de la vérificatrice générale 2011), 39. http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/docs/parl_oag_201104_02_e.pdf.) La vérificatrice générale n’a pas trouvé de documents sur le processus de sélection ou le motif pour lequel 33 projets ont été séléctionnés sur 242 proposés pour le financement de projets dans la région Parry Sound-Muskoka region, en préparation au sommet du G8. (Idem, 38-9) La prétention qui veut que les fonctionnaires n’ont joué aucun rôle dans le processus de sélection s’est avérée ne pas être vraie. (Joan Bryden, Joan, “Memos contradict Clement’s claims about G8 fund,” The Globe and Mail. 24 January, 2012, A10.) Même si c’était autrement, la question demeure de savoir comment les cadres de la fonction publique peuvent-ils accepter de mettre en oeuvre des propositions de dépenses qui ne répondent pas aux exigences procédurales. S’ils ont fait ces choses, ils étaient non seulement en violation des politiques gouvernementales mais également du Code de valeurs et d’éthique du secteur public. Les sous-ministres qui ont coopéré – ou permis à tout autre cadre de le faire – de cette façon auraient été en violation de ces politiques en vertu du Code et des obligations générales pour les agents comptables en vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité. Ce sont là des résultats catastrophiques de « monogamie sérielle ».

20 Graham Wilson and Anthony Barker, “Bureaucrats and Politicians in Britain.” Governance 16, No. 3, 2003, 349–72; Peter Aucoin, “The Staffing and Evaluation of Canadian Deputy Ministers in a Comparative Westminster Perspective: A Proposal for Reform,” in Canada, Commission of Inquiry into the Sponsorship Program & Advertising Activities (Gomery Commission). Restoring Accountability: Research Studies, Vol. 1 (Ottawa: Her Majesty the Queen in Right of Canada, 2006), 327; Lindquist, Evert, and Ken Rasmussen. 2012. “Deputy Ministers and New Political Governance: From Neutral Competence to Promiscuous Partisans to a New Balance?” In Herman Bakvis and Mark D. Jarvis, eds., From New Public Management to New Political Governance: Essays in Honour of Peter C. Aucoin. Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 179–203.

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4 RESTAURER LA LIGNE DE DÉMARCATION : VERS UNE CHARTE DE LA FONCTION PUBLIQUELe problème de base de tout ce qui a précédé, au cours des vingt-cinq dernières années, réside dans le fait que la fonction publique semble avoir progressivement perdu de vue la ligne de démarcation nécessaire entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique – et, conséquemment entre responsables élus et non élus – dans une démocratie parlementaire.

Cela ne veut pas dire que les valeurs de la fonction publique soient meilleures ou plus importantes que les valeurs du politique. C’est même le contraire. Parce que les valeurs politiques ont une légitimité démocratique directe que possèdent, indirectement seulement, les valeurs de la fonction publique, les valeurs du politique devraient normalement primer celles de la fonction publique. Cependant, lorsqu’elles le font, il est essentiel pour la vitalité à la fois de l’imputabilité démocratique et de la bonne administration publique que les Canadiens et leur Parlement – et les fonctionnaires eux-mêmes – reconnaissent que cela se produit. Que la ligne de démarcation est franchie.

Le problème réside dans le fait que les sous-ministres semblent de moins en moins capables, ou disposés, à reconnaître cette ligne et de réaliser quand ils, ou d’autres, la franchissent. Ils se sont habitués à une approche vague et fluide de la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique – entre responsables élus et responsables non élus – et en sont arrivés à considérer que son absence relative constitue un avantage.21

Les fonctionnaires canadiens ont historiquement été fiers de dispenser de loyaux services aux gouvernements successifs, et cela constitue jusqu’à un certain point un bon principe et une expression de leurs valeurs démocratiques. La réactivité aux priorités politiques du gouvernement en place constitue l’une des valeurs de base d’une vraie fonction publique. Mais les fonctionnaires fédéraux se sont tellement habitués à collaborer étroitement avec les ministres, et à qualifier cette situation de vertueuse que certains – surtout au haut de l’échelle hiérarchique – semblent ne plus se rendre compte quand ils franchissent une ligne de démarcation qu’ils ne devraient pas franchir. Ni le prix à payer pour ce comportement, surtout en ce qui concerne la perte de confiance : celle des Canadiens, celle des autres partis et celle des fonctionnaires mêmes.22

21 Pour une déclaration sans détours sur cette préférence, voir Sheldon Ehrenworth, « Lettre au Premier ministre Stephen Harper signée par Sheldon Ehrenworth et quelque 58 autres personnesdes secteurs public et privé » 3 mars 2006. http://www.pm.gc.ca/grfx/docs/gomery_toaupm_f.pdf.

22 Ralph Heintzman, “Loyal to a Fault.” Optimum Online 40, No. 1 (March 2010), 48–59.

Mais s’ils ne le voient pas, d’autres le peuvent. Au sein même de la fonction publique, ce type de comportement a mené à une « faille » entre la haute fonction publique et les autres fonctionnaires.23 Au niveau politique, le brouillage de la ligne de démarcation entre responsables élus et responsables non élus a mené à un consensus remarquable sur la nécessité de redéfinir et restaurer cette ligne. Cette nécessité a été reconnue par le Comité parlementaire permanent des comptes publics.24 Le Parti libéral a également reconnu cet état de fait alors qu’il gouvernait.25 Et le Parti conservateur l’a énergiquement reconnu alors qu’il était encore dans l’opposition. « La ligne de démarcation entre les ministres et les fonctionnaires apolitiques a été brouillée » a déclaré la plateforme électorale conservatrice de 2006, « et des critères clairs de responsabilisation doivent être rétablies ».26

C’était là aussi le diagnostic posé par la Commission Gomery. Le juge Gomery conclut que la « confusion » en question ici a été au cœur du problème révélé par le scandale des commandites.27 Le juge Gomery avait parfaitement raison de pointer du doigt précisément cette « zone grise », ligne de démarcation imprécise entre les responsables et les responsables non élus, en disant qu’il s’agissait de la plus importante leçon à tirer de tout le scandale des commandites. Sa première recommandation principale a été d’ailleurs d’adopter ce qu’il a appelé Charte de la fonction publique pour régler ce problème.28

23 De solides assises, 15-16, 45-6. À peine la moitié des répondants (52%) à l’enquête de 2011 du gouvernement de la fonction publique concluait que les fonctionnaires faisaient confiance à la haute direction de leur ministère ou de leur agence. C’était là une chute de 3 pour cent par rapport à l’enquête de 2008. http://www.tbs-sct.gc.ca/pses-saff/2011/psesfsm-saffrcs-fra.asp.

24 Canada, Chambre des Communes, Gouvernance dans la fonction publique du Canada : l’obligation ministérielle de rendre des comptes, Rapport du Comité permanent des comptes publics, mai 2005.

25 Canada, Gouvernment Réponse au dixième rapport du Comité permanent des comptes publics, août 2005. http://www.tbs-sct.gc.ca/report/gr-rg/2005/0817_fra.asp; Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires aux attentes des Canadiennes et des Canadiens, 19 octobre 2005. http://http//www.tbs-sct.gc.ca/report/rev-exa/ar-er-PR_e.asp

26 Parti conservateur du Canada, Loi fédérale sur la responsabilité. (Ottawa : 4 novembre 2005), 13; Changeons pour le vrai, Plateforme de l’élection fédérale 2006, 13.

27 Canada, Commission d’enquête sur le programme de commnadites et les activités publicitaires (Commission Gomery), Rétabllir l’imputabilité - Recommandations (Ottawa : Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2006), 70.

28 Idem, 67, 199.

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Restaurer la ligne de démarcation

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Lorsqu’elle est devenue une recommendation clé du rapport Gomery, cette proposition ne constituait plus une nouvelle idée. Le concept de charte de la fonction publique remonte au moins au Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (groupe Tait), qui avait déjà conclu, 10 ans plus tôt, qu’il était devenu nécessaire d’ « établir un nouveau contrat moral entre la fonction publique, le gouvernement et le parlement du Canada ».29 Au cours des années qui ont suivi sa publication, l’énoncé de principes ou code recommandé par le rapport Tait – qui devait incarner un contrat moral trilatéral entre le parlement, les ministres et la fonction publique – s’est vu par la suite appelé une Charte de la fonction publique.30

Le concept de charte de la fonction publique a été appuyé par Donald Savoie en 2003,31 et recommandé à nouveau par le Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs, en 2004, comme moyen d’établir « un nouveau ‘contrat moral’ entre responsables élus au gouvernement ».32 Il a également fait l’objet un rapport de recherché important par Kenneth Kernaghan à l’intention de la Commission Gomery.33

Encore plus significatif, alors qu’une charte de la fonction publique devenait la deuxième recommandation du Rapport final de la Commission Gomery, l’engagement d’établir une telle charte avait déjà été incorporé à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR), approuvée à l’unanimité par le Parlement en 2005. Autrement dit, tous les partis à la Chambre des Communes et au Sénat avaient déjà officialisé leur engagement envers l’établissement d’une telle charte.34

29 De solides assises, 61. Nous précisons. 30 Ralph Heintzman, « De solides assises : Valeurs et éthiques dans la fonction publique

», Présentation au Sommet internationale sur la réforme de la fonction publique, Winnipeg, Manitoba, 10 juin 1999; « De solides assises : Valeurs et éthique dans la fonction publique ». Isuma: Canadian Journal of Policy Research, Vol. 2, No. 1 (Spring 2001): 121–6.

31 Donald Savoie, Breaking the Bargain: Public Servants, Ministers and Parliament. (Toronto: University of Toronto Press, 2003), 274-5.

32 Canada, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, Groupe de travail sur la divulgation d’actes répréhensibles, Rapport (Ottawa : Travaux publics et Sertvices gouvernementaux Canada, 2004), 28-30.

33 Kenneth Kernaghan, “Encouraging ‘Rightdoing’ and Discouraging Wrongdoing: A Public Service Charter and Disclosure Legislation,” in Canada, Commission of Inquiry into the Sponsorship Program and Advertising Activities (Gomery Commission), Restoring Accountability: Research Studies, Vol. 2. Ottawa: Public Works and Government Services Canada, 2006), 73-114.

34 Canada, Public Servants Disclosure Protection Act (S.C. 2005, c.46): Preamble.

Compte tenu de cet engagement parlementaire de tous les partis, quels sont les éléments clés qu’une charte de la fonction publique devrait comprendre ? Si l’objectif est de maintenir et de protéger une fonction publique professionnelle et non partisane ayant les normes les plus exigeantes en termes d’intégrité et de professionnalisme – que faut-il faire ?

Bien qu’il puisse y avoir d’autres éléments possibles, je suis d’avis qu’une charte de la fonction publique doit reposer sur quatre piliers :

1. valeurs et éthique de la fonction publique; 2. renforcement du rôle sous-ministre comme administrateur comptable; 3. réforme du processus de nomination des sous-ministres; et 4. nouvelles règles pour gérer la communication.

Trois de ces points font également l’objet de recommandations par la Commission Gomery. Le quatrième point revêt une nouvelle urgence à cause des actions de l’administration Harper, depuis le rapport de la Commission.

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5 ÉLÉMENT NO 1 DE LA CHARTE : VALEURS ET ÉTHIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUEComme je l’ai déjà mentionné, les valeurs et l’éthique de la fonction publique professionnelle et non partisane sont grandement éprouvées par ce que Peter Aucoin a appelé la Nouvelle gouvernance publique (NGP), et Donald Savoie qualifie de « gouvernement de cour ». La conjugaison de leurs forces rend difficile la localisation et la préservation de la ligne démarcative entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique. Si la charte de la fonction publique doit contribuer au rétablissement de cette ligne, il devient nécessaire de réarticuler les valeurs de la fonction publique. Et surtout, elle doit exiger que les trois parties au contrat – la fonction publique, les ministres et les parlementaires – respectent et protègent la neutralité et le professionnalisme d’une fonction publique non partisane.

La première partie ne devrait pas être trop difficile à faire. Au cours des vingt dernières années, la fonction publique fédérale a investi d’énormes ressources productives dans la définition de ses valeurs. Le Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique a identifié quatre familles de valeurs (démocratiques, professionnelles, liées à éthiques et liées aux personnes) en 1996, et suite à un long dialogue au sein de la fonction publique, ces quatre familles ont fini par être incorporées au Code des valeurs et d’éthique de la fonction publique en 2003 et ont été retenues dans la version de 2012 de ce code, résumées maintenant en cinq mots ou phrases clés : Respect de la démocratie, Respect envers les personnes, Intégrité, L’intendance et Excellence.35 Le rapport Tait et les Codes de 2003 et 2012 fournissent une solide plateforme pour l’articulation des valeurs et de l’éthique d’une fonction publique professionnelle et non partisane dans une nouvelle charte de la fonction publique qui devrait être à la fois « une charte des droits et des devoirs des fonctionnaires » ainsi que le « symbole de le nouvel engagement du gouvernement de respecter la fonction publique ».36 Comme l’a dit le Rapport Gomery, la charte devrait interdire de donner des instructions à un fonctionnaire qui contreviendraient à la charte, et devrait donner aux fonctionnaires les outils qui leur permettraient de voir au respect de cette disposition.37 Cet élément qui se trouvait dans la version de 2003 du Code a été occulté dans la version de 2012. Elle devrait être rétablie.38

35 Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor, Code de valeurs et d’éthique de secteur public (Ottawa: Secrétariat du Conseil du Trésor Canada, 2011). http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=25049&section=text. Le Code est entré en vigueur le 2 avril 2012.

36 Commission Gomery, Rétablir l’imputabilité : Recommendations, 67.37 Idem, 67-8.38 Secrétariat du Conseil du Trésor, Code des valeurs et d’éthique de la fonction publique

(2003), 14, 36. http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/tb_851/vec-cve1-fra.asp#_Toc46202803.

Ce n’est là qu’une première étape. Le code actuel contient déjà les exigences que doivent respecter les fonctionnaires. Une charte législative peut définir les exigences correspondantes que doivent respecter les ministres et les parlementaires pour maintenir ces mêmes valeurs. Il ne suffit pas d’établir les exigences que doit respecter la fonction publique. Il est aussi important de faire en sorte que les ministres et les parlementaires soient volontairement des partenaires dans la préservation de ces valeurs et du maintien de ce type de fonction publique professionnelle et non partisane. C’est là la raison pour laquelle il faut instituer une charte, et seule une charte législative peut combler ce besoin.

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Élément no 1 de la charte

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En ce qui concerne les obligations des ministres, il existe nombre de ressources et de modèles pour l’élaboration de la charte. Au Canada, on trouve des éléments utiles dans les codes de 2003 et 2012, ainsi que dans Pour un gouvernement responsable : Guide du ministre et du ministre d’État.39 À l’étranger, l’un des meilleurs modèles est la version originale du « U.K. Civil Service Code » adoptée en 1996. Par exemple, la version originale du code du R.-U. engageait les ministres « à ne pas utiliser les ressources à des fins partisanes, à préserver l’impartialité politique de la fonction publique, et à ne pas demander à agir de manière conflictuelle avec le Code de la fonction publique ». Il les engageait également « à accorder une juste considération et une attention appropriée aux conseils éclairés et impartiaux que prodiguent les fonctionnaires, ainsi que l’attention qu’il faut aux autres considérations et conseils nécessaires à la prise de décision ».40 Ces types d’obligation devraient constituer une part importante de la charte canadienne de la fonction publique.

39 Canada, Bureau du Conseil privé, Pour un gouvernement responsable : Guide du ministre et du ministre d’État (Ottawa : Bureau du Conseil privé, 2011). http://www.pco-bcp.gc.ca/index.asp?lang=fra&page=information&sub=publications&doc=ag-gr/2011/ag-gr-fra.htm.

40 United Kingdom, Cabinet Office. The Civil Service Code (1996). http://www.leeds.ac.uk/law/teaching/law6cw/min-5.htm. Unfortunately a misguided effort to make the U.K. Code more “relevant” led to its rewriting in “more everyday language” a decade after its introduction (Letter from the Cabinet Secretary and Chief Civil Service Commissioner, June 6 2006; U.K. Cabinet Office, Civil Service Code, June 2006. http://www.civilservice.gov.uk/about/values/cscode/index.aspx). Les révisions ont vidé le Code de sa valeur initiale comme déclaration de la relation entre la fonction publique et les ministres (« Le cadre constitutionnel dans lequel tous les fonctionnaires travaillent »), notamment une référence à ces obligations ministérielles envers la fonction publique. Le 11 novembre 2010, les dispositions du Civil Service du Constitutional Reform and Governance Act 2010 sont entrées en vigueur. La législation place les valeurs du Civil Service sur un pied d’égalité légal avec le Civil Service Code. UK Acts, Constitutional Reform and Governance Act 2010, Chapter 25. http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/25.

En ce qui concerne les ministres, la charte peut également emprunter de quatre obligations gouvernementales et ministérielles envers les fonctionnaires que contient le « Statement of Commitment by the Government to the State Sector » publié par la Nouvelle-Zélande en 2001 parallèlement au « Statement of Government Expectations of the State Sector ». Les deux documents néo-zélandais sont intéressants parce qu’ils définissent à la fois les valeurs clés que devraient avoir les fonctionnaires ainsi que « les engagements réciproques par les ministres » ».41 L’architecture réciproque des énoncés néo-zélandais offrent un modèle très utile pour la charte canadienne de la fonction publique. Celle-ci pourrait également s’inspirer de la réflexion du « Public Administration Select Committee » de la Chambre des Communes britannique, qui recommandait qu’un « nouveau contrat (‘bargain’) de la fonction publique » soit enchâssé dans un instrument semblable à la charte canadienne de la fonction publique. Le comité britannique propose qu’un tel instrument exprime aussi bien les attentes légitimes de la fonction publique que les attentes légitimes correspondantes de la part des ministres – un contrat moral à deux sens.42

41 New Zealand, Hon Trevor Mallard, Minister of State Services, Government Responds to Standards Board Report, 2001. http://executive.govt.nz/minister/mallard/state/pr.htm. La déclaration de la Nouvelle-Zélande d’engagement par le gouvernement envers le secteur public fait quatre promesses ministérielles envers la fonction publique, notamment les obligations de « reconnaître l’importance de conseil libre, franc et complet » de « fournir une orientation claire à propos des orientations poloitiques et des résultats prioritaires » et de « traiter les gens du secteur public de manière professionnelle ». New Zealand Minister of State Services, Statement of Government Expectations of the State Sector and Statement of Commitment by the Government to the State Sector, 2001. http://www.ssc.govt.nz/display/document.asp?navid=152&docid=3514&pageno=11#P928_62039; Kenneth Kernaghan, “Encouraging ‘Rightdoing’ and Discouraging Wrongdoing: A Public Service Charter and Disclosure Legislation” in Canada, Commission of Inquiry into the Sponsorship Program and Advertising Activities (Gomery Commission), Restoring Accountability: Research Studies, Vol. 2. (Ottawa: Public Works and Government Services Canada, 2006), 83-4.

42 Les attentes légitimes de la fonction publique comprennent la préservation de l’accès aux ministres et le droit de donner des conseils – même « indigestes »; l’extension du rôle des agents comptables de conseiller plus largement sur la procédure et le bien-fondé; et le droit de ne pas devenir des boucs émissaires lorsque les choses vont mal et dont ils ne sont pas responsables. Les attentes politiques légitimes comprennent le droit de s’attendre à un service professionnel et dédié aux objectifs de gouvernance; à ce que le mauvais rendement soit remédié efficacement, et qu’un système robuste de gestion du rendement; et que les fonctionnaires aient les compétences et le savoir-faire qui leur permettent d’appuyer les ministres efficacement. United Kingdom House of Commons, Select Committee on Public Administration, Politics and Administration: Ministers and Civil Servants. Third Report of Session 2006-07. 15 March 2007 (London: The Stationery Office, 26 March), 23 (pars. 65-6), 38-44. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200607/cmselect/cmpubadm/122/12205.htm.

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Toutefois les dispositions de ce type ne touchent que deux côtés du triangle. Elles ne proposent qu’un contrat à deux sens, entre les ministres et les fonctionnaires, en appui à une fonction publique professionnelle et non partisane.43 Pour s’assurer que les trois partenaires du processus de gouvernance fassent leur part dans la préservation des valeurs de la fonction publique, une charte législative de la fonction publique peut et devrait aussi faire du parlement un partenaire volontaire aux mêmes fins. L’interaction croissante entre les fonctionnaires et les comités du parlement exige une certaine entente explicite relativement aux règles de base. Il y a presque vingt ans, le rapport Tait faisait remarquer que « c’est là un domaine où les valeurs de la fonction publique et les conventions ont été soumises à de fortes pressions … et un énoncé public des principes agréés par le gouvernement et le parlement pourrait apporter une plus grande lumière », en définissant « les principes qui gouvernent les relations entre fonctionnaires et parlement, particulièrement les comités parlementaires ».44

43 Cette partie de la charte répondrait aux besoins identifiés par l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada (APEX), pour « renforcer le respect et la confiance entre ;es ministres et les fonctionnaires » à travers un « réengagement public » envers les valeurs et l’éthique de la fonction publique. Rapport sur objectif 2020 (Ottawa: APEX, 28 février 2014), 8-9. http://www.apex.gc.ca/uploads/key%20priorities/consultations/apex%20report%202020%20-%20eng.pdf

44 De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (rapport Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion, 1996, 2000), 61.

Vingt ans plus tard, ce besoin est encore plus grand. Au lendemain du Rapport de la Commission Gomery et la Loi fédérale sur la responsabilité (2006), par exemple, le Comité des comptes publics (CCP) et le Bureau du Conseil privé (BCP) ne s’entendaient pas sur les règles de base concernant la comparution des sous-ministres devant les comités parlementaires.45 Chacun émettait ses propres lignes directrices.46 Conjointement, les documents du CCP et du BCP proposent nombre de principes à inclure dans la charte gouvernant les relations entre le parlement et la fonction publique, mais maintenant, ils doivent être incorporés conjointement dans une charte qui lie les deux. Ce que C.E.S Franks appelait « l’expérience malheureuse de protocoles en bagarre »47 offre une bonne illustration de la nécessité d’éclairer la démarcation entre les responsables élus et les responsables non élus, ainsi que le besoin de le faire par le biais d’un contrat trilatéral plus explicite qui lie les fonctionnaires, les ministres et le parlement.

45 Paul Thomas, “Political-Administrative Interface in Canada’s Public Sector,” Optimum Online: The Journal of Public Sector Management, Vol. 38, Issue 2. (May 2008), 21-29; C.E.S. Franks, “The Unfortunate Experience of the Duelling Protocols: A Chapter in the Continuing Quest for Responsible Government in Canada,” in O.P. Dwivedi, Tim A Mau and Byron Sheldrick, eds., The Evolving Physiology of Government: Canadian Public Administration in Transition (Ottawa: University of Ottawa Press, 2009), 118-150.

46 Canada, Chambre des Communes, Comité permanent des comptes publics, Protocole pour les témoignages des adminisrateurs des comptes devant le Comité permanent des comptes publics, mars 2007; Bureau du Conseil privé, administrateurs des comptes : l’obligation de rendre des comptes, 14 mars. http://www.pco-bcp.gc.ca/default.asp?Language=E&Page=informationresources&Sub=publications&Doc=guidemin/account-guideonrole2007_e.htm.

47 Franks, “The Unfortunate Experience of the Duelling Protocols”.

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6 ÉLÉMENT NO 2 DE LA CHARTE : RENFORCER LE RÔLE DU SOUS-MINISTRE COMME ADMINISTRATEUR COMPTABLELe deuxième élément d’une Charte de la fonction publique devrait renforcer le sous-ministre (SM) dans son rôle d’«administrateur comptable » (accounting officer). C’est là un élément important de la future charte parce que le rôle d’administrateur comptable, bien conçu et mis en œuvre, constitue un outil clé pour le rétablissement d’une ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, entre ministres et une fonction publique professionnelle et non partisane.

Cette partie de la charte devrait mieux aligner la définition des pouvoirs des administrateurs comptables fédéraux sur le modèle britannique original. La difficulté réside ailleurs que dans le concept même, ce qui est admirable et vraiment utile au Canada, elle réside dans la manière dont la Loi fédérale sur la responsabilité a bâclé sa mise en œuvre ici.48 Comme l’a fait remarquer le cadre du Trésor du R.-U. responsable pour les administrateurs comptables britanniques, à propos de la version canadienne, « il serait dangereux de prendre pour acquis que, parce que le nom du poste est le même tout doit être également identique ».49 En réalité, la version de l’administrateur comptable qui a été mise en œuvre dans la Loi fédérale sur la responsabilité ne renferme aucun des éléments clés du modèle britannique et plusieurs innovations regrettables.50

48 Pour des points de vue très différents, voir Franks, “The Unfortunate Experience of the Duelling Protocols”; and Mark D. Jarvis, “The adoption of the accounting officer system in Canada: Changing relationships?” Canadian Public Administration, Vol. 52, No.4. (December, 2009), 525-547.

49 Brian Glicksman, “The Role of Accounting Officers: A Perspective from the United Kingdom,” Canadian Parliamentary Review. (Autumn 2007), 23.

50 For a more ample discussion of the accounting officer concept in Canada and Britain, see Ralph Heintzman, “Establishing the Boundaries of the Public Service: Toward a New Moral Contract,” in James Bickerton and B. Guy Peters, eds., Governing: Essays in Honour of Donald Savoie (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2013), 92-106.

En Grande-Bretagne, le rôle d’ « administrateur comptable » (accounting officer) rend les sous-ministres « personnellement » responsables de la gestion financière et générale de leur ministère. Les administraeurs comptables « doivent s’assurer que les activités de leurs organismes répondent à des exigences solides et fiables de régularité et de rectitude ». En plus d’obligations précises en matière de gestion des finances, le concept de régularité et de rectitude est interprété de manière très « puissante », comme « livrant les valeurs du secteur public de façon intégrale (‘in the round’) », englobant « honnêteté, équité, impartialité, intégrité, ouverture, transparence, responsabilisation, imputabilité, objectivité, exactitude et fiabilité » (des valeurs très ressemblantes à celles du Code de valeurs et d’éthique du secteur public). Ces valeurs doivent être « pratiquées dans l’esprit et la lettre de la loi, dans l’intérêt général, selon des normes éthiques exigeantes, et de façon économe (‘achieving value for money’) ».51

51 United Kingdom, HM Treasury, Managing Public Money (London: The Stationery Office, 2007), 11, 13, 7. Emphasis added.

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Élément no 2 de la charte

Au plan de la définition de la « ligne de démarcation » entre valeurs du politique et celles de la fonction publique, le plus important élément du rôle d’administrateur comptable, au R.-U., est constitué de simples outils accordés à un administrateur comptable à cette fin, surtout l’instruction claire en provenance du Trésor du R.-U. exigeant une « orientation ministérielle » pour toute action administrative dont un administrateur comptable ne peut assumer la responsabilité « personnelle » (en vertu de son mandat), et la procédure qui en découle. Si un ministre propose une cheminement dont l’exécution ne respecte pas les valeurs de la fonction publique que doit faire respecter l’administrateur comptable, le SM, à ce titre, doit consulter le Trésor, et si le temps le permet obtenir des instructions par écrit de la part du ministre avant exécution. Si de telles instructions sont données, le agents comptables doit en envoyer copie au Contrôleur et vérificateur général, qui normalement le portera à l’intention du Comité des comptes publics.52

En d’autres termes, le rôle d’administrateur comptable, s’il est bien conçu, donne au sous-ministre les outils pour tracer une ligne à ne pas franchir et pour définir, dans des circonstances concrètes où le domaine des valeurs et de l’action de la fonction publique doit prendre fin, et celui de l’imputabilité politique prend la relève.53

52 United Kingdom, HM Treasury, Managing Public Money (London: The Stationery Office, 2007), 19-20.

53 L’un des mythes qui perdurent veut que de « telles directions ministérielles » se produisent rarement. (Ehrenworth, « Lettre au Premier ministre Harper » » 3) En réalité, ils se produisent assez régulièrement. Voir Heintzman, “Establishing the Boundaries of the Public Service,” 96.

Plutôt que de donner aux sous-ministres canadiens les outils simples et éprouvés pour « tracer la ligne infranchissable » qu’ont les administrateurs comptables britanniques,54 la Loi fédérale sur la responsabilité a fait trois erreurs sérieuses. La première erreur a été de limiter les pouvoirs de l’administrateur comptable exclusivement au contexte où il y a désaccord entre le ministre et le SM (discuté plus loin). La seconde erreur a été de limiter encore plus les pouvoirs du SM comme administrateur comptable, aux seuls désaccords quant à « l’interprétation ou l’application d’une politique, directive ou norme émise par le Conseil du Trésor ». La troisième erreur était – que même dans un domaine qui est ainsi arbitrairement limité aux politiques du Conseil du Trésor seulement – la Loi fédérale sur la responsabilité a établi une procédure encombrante en deux étapes qui affaiblit davantage le rôle et le jugement du SM, en laissant au Conseil du Trésor la décision finale.55

54 Bien que les rédacteurs de la Loi fédérale sur la responsabilité ont choisi de les ignorer, il existe déjà plusieurs précédents de « instructions » ministérielles en matière de loi canadienne et pratique d’administration publique. La Loi sur l’Agence du revenu du Canada, par exemple, donne au ministre le pouvoir de transmettre « une instruction écrite à l’Agence » sur n’importe sujet qui normalement tombe sous la responsabilité du Conseil de gestion de l’Agence, et, lorsqu’il le fait, « tout le monde [recevant l’instruction] doit obtempérer à l’instruction ». (S.C. 1999, c.17, ss.11.(1) et 12.) Cette même disposition relative à une instruction écrite a également été mise en œuvre dans l’administration des cours. Un juge en chef « peut émettre des décisions par écrit contraignantes à l’administrateur en chef [le chef adjoint de l’administration des cours] relativement à tout chose assujettie à l’autorité de l’administrateur ». Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires (S.C. 2002, c.8), s.9.(1). Nous insistons. Je remercie Jim Mitchell pour avoir attiré mon attention sur le deuxième précédent canadien.

55 L’agent comptable doit réclamer « une orientation écrite » du Secrétariat du Conseil du Trésor, et si cela ne résout pas la question, le ministre doit « référer la question au Conseil du Trésor pour une décision ». Canada, Loi sur la gestion des finances publiques, (R.S.C. 1985, c.F-11), s.16.5(1) et (2).

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Élément no 2 de la charte

Cette approche a de nombreux défauts. Elle n’a pas l’économie, la simplicité ou la force de la procédure britannique; elle réduit radicalement le domaine où l’administrateur comptable peut exercer son jugement; elle paralyse le sous-ministre (dans la pratique britannique « le dernier jugement doit appartenir à l’administrateur comptable personnellement » 56); elle ne lui octroie pas les outils qui éclaircissent l’imputabilité ou qui définissent la limite des valeurs de la fonction publique; elle renforce la centralisation de la prise de décision; elle fait pencher le processus décisionnel en faveur des ministres; et par conséquent, ne sera pas utilisée.57

La plupart de ces défauts découlent de l’idée fausse qui veut que l’objectif du rôle d’administrateur comptable est plutôt négatif : pour prévenir les problèmes, ou pour prévenir l’infraction aux règles. Parce que l’approche de la Loi fédérale sur la responsabilité se fondait sur cette prémisse erronée, elle a encadré les outils de l’administrateur comptable de façon négative, dans le contexte de désaccords sur les règles, plutôt que dans un contexte positif, où l’administrateur comptable est mandaté d’affirmer les valeurs de la fonction publique qui sont au coeur de ce rôle au Royaume-Uni.58 La Loi ne contient aucun principe positif dans la description du rôle de l’administrateur comptable. Les concepteurs de la loi ont tout à fait négligé le rôle positif des administrateurs comptables dans le bon appareil gouvernemental – leur rôle positif dans « la livraison des valeurs du secteur public de façon intégrale » (dans la terminologie britannique), dans le maintien des lignes de démarcation établies par ces valeurs et dans la détermination de la terminaison de « l’espace administratif » et du début de l’« espace politique ».59

56 United Kingdom Managing Public Money, 19. Nous insistons.57 L’impraticabilité de la façon dont la Loi sur la gestion des finances publiques a

prétendu mettre en œuvre le concept du l’agent comptable au Canada a été illustrée par la situation qui a été soulevée dans Transport Canada et Infrastructure Canada au lendemain du budget fédéral de 2009. La valeur politique de débours rapide des dépenses affectées dans ce budget a exercé une très forte pression sur le sous-ministre des Transports, ainsi que le SM pour l’Infrastructure. Ses efforts visant à assurer les normes appropriées de réglarité et de procédure établie – conformément aux politiques du gouvernement et de bons principes de l’administration publique – apparamment ont entraîné une tension intense, peut-être même une rupture des relations entre lui et son ministre, un partisan politique connu et confident du premier ministre. Les procédures élaborées de la Loi sur la gestion des finances publiques n’étaient pas utiles à la gestion du conflit apparent entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique. Considérant que, si le sous-ministre disposait des outils tout simple que possèdent les agents comptables britanniques, le problème aurait pu se régler immédiatement au moyen d’une lettre d’orientation dans laquelle le ministre assume la responsabilité publique et politiquepour la diligence expéditive dans le débours des fonds du budget pour combattre la récession. Voir : John Ivison, “Pragmatist falls victim to partisans: PMO fingerprints all over Lynch resignation,” National Post, May 8, 2009; Chantal Hébert, « Les commandites, prise deux ? » Le Devoir, 11 mai 2009; Bruce Campion-Smith, “Trouble at Transport: Clashes over spending,” The (Toronto) Star. 20 June, 2009.

58 Canada, Loi sur la gestion des finances publiques, s.16.5.59 Canada, Commission d’enquête (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité :

Recommandations, 130-1).

Le principe de l’administrateur comptable, lorsqu’il est bien compris, ne fait pas que permettre à la fonction publique de tracer une ligne de démarcation pour les ministres; il exige que la fonction publique trace sa propre ligne. Il exige que la fonction publique – dans ses actions et conseils – reste du côté de la ligne établie par les valeurs de la fonction publique, et ne s’aventure pas sur un terrain où s’appliquent d’autres valeurs et normes. Même s’ils conviennent qu’une ligne de conduite est raisonnable, pour d’autres motifs (peut-être politiques), les agents comptables britanniques demanderont une orientation formelle de la part de leur ministre s’ils pensent qu’ils ne peuvent recommander une action, ou la mettre en œuvre, ou en assumer la responsabilité sur la seule base des valeurs de la fonction publique.60 En d’autres termes, le principe de l’administrateur comptable, est d’abord et avant tout, une ordonnance d’auto-discipline pour la fonction publique. Il dit aux sous-ministres quand et où ils sont sur le point de franchir la ligne de démarcation qu’ils ne doivent pas franchir, sans orientation ministérielle explicite et publique. Il trace une ligne et établit les limites dans lesquelles la fonction publique doit se cantonner.

Dans la Loi fédérale sur la responsabilité, l’interprétation du rôle de l’administrateur comptable présente plusieurs autres problèmes, qu’une charte de la fonction publique peut remédier et éclaircir, notamment la confusion qu’elle a entrainé à propos de la définition et du locus de l’imputabilité.61 Mais au plan du rétablissement d’une ligne de démarcation appropriée entre responsables élus et responsables non élus, l’élément le plus important de la charte de la fonction publique sera celui de sa redéfinition de l’’objectif du rôle d’administrateur comptable – l’affirmation d’un rôle positif, ancré dans les valeurs de la fonction publique plutôt qu’un rôle négatif ancré dans la prévention de la malfaisance ou l’infraction aux règles – et l’exigence pour les sous-ministres et les autres fonctionnaires de demeurer du côté de la fonction publique de la ligne de démarcation.

Comme nous l’avons constaté dans la première partie du présent document, c’est là le problème essentiel de la fonction publique fédérale actuelle. Le déclin de sa capacité de reconnaître cette ligne ou de demeurer de son bon côté explique son état actuel. Et, ce n’est qu’en accordant aux sous-ministres les outils pour rester du bon côté de la ligne et l’obligation d’y rester qu’un futur gouvernement pourra la remettre sur les rails.

C’est là la vraie signification du renouveau de la fonction publique.

60 Voir Heintzman, “Establishing the Boundaries of the Public Service,” 98-9.61 Voir idem, 101-3.

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Introduction

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7 ÉLÉMENT NO 3 DE LA CHARTE : REFORMER LE PROCESSUS DE NOMINATION DES SOUS-MINISTRESLe troisième élément de la Charte de la fonction publique devrait être celui de la nomination des sous ministres (S.M.). Parce que les sous-ministres constituent le lien entre la fonction publique et les ministres, non seulement ils tracent la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, ils l’incarnent. D’une certaine façon, ils sont la ligne de démarcation. La manière dont ces incarnations de la ligne sont nommées acquiert alors la plus grande importance pour la ligne de démarcation même et pour sa préservation. Les administrateurs comptables, par exemple, seront plus ou moins en mesure d’assumer leur rôle de manière efficace, selon la méthode adoptée pour leur nomination. Considération encore plus fondamentale, la manière de nommer les sous-ministres, et les comportements qui en découlent, façonnent la culture générale de la fonction publique. Elle façonne les valeurs mêmes de la fonction publique que la ligne de démarcation est supposée préserver et renforcer.

Pour rétablir une ligne de démarcation appropriée entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, et entre responsables élus et responsables non élus, la Charte de la fonction publique devrait modifier les rôles que jouent actuellement le Premier ministre et, surtout, le Greffier du Conseil privé dans la nomination des sous-ministres.

Le premier ministre a, bien sûr, un rôle légitime démocratique à assumer. Mais la manière dont le rôle est actuellement structuré dans le gouvernement fédéral limite la capacité des SM de « tracer la ligne de démarcation » entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique.62 Le problème causé par le rôle du premier ministre dans la nomination des sous-ministres découle de la manière dont il est lié au rôle du greffier.

62 Le programme des commandites a clairement illustré la difficulté pour un sous-ministre d’imposer les principes d’une bonne administration publique lorsque sa nomination – et son maintien en poste – dépendent du premier ministre. En l’occurrence, ce programme même, dans lequel des irrégularités ont été commises, provenait du premier ministre qui l’avait volontairement et explicitement gardé sous sa gouverne personnelle. Étant donné la manière dont les nominations sont actuellement structurées, il aurait fallu un sous-ministre inhabituellement fort et qui a des principes pour s’opposer à la personne qui a son avenir en main. Même si le rôle de l’agent comptable était revu, comme le recommande le présent document, une demande écrite d’orientation ne serait utile que si le SM s’était senti protégé contre une mise à pied sommaire pour avoir défendu les valeurs de la fonction publique, et ainsi avoir défini la ligne de démarcation de cette façon. Cela s’est également illustré par le conflit rapporté entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique (décrit dans les notes 17 et 57), suite au budget fédéral de 2009. La rapide démission du sous-ministre des Transports/Infrastructure au lendemain du départ du greffier indique comment la permanence et la ligne de démarcation de la fonction publique sont étroitement liées. Si un sous-ministre – ou même un greffier – ne peut conserver son poste une fois qu’on voit qu’il fonctionne selon les valeurs de la fonction publique qui sont différentes de celles des responsables élus, la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et de la fonction publique ne peut jamais être tracée, et les valeurs essentielles de la fonction publique seront toujours à risque. Voir : John Ivison, “Pragmatist falls victim to partisans: PMO fingerprints all over Lynch resignation,” National Post, May 8, 2009; Adam Radwanski, “Guy Giorno, foot soldier,” globeandmail.com, May 8, 2009; James Travers, “Another victory for hired guns,” The (Toronto) Star, May 9, 2009; Chantal Hébert, « Les commandites, prise deux ? » Le Devoir, 11 mai 2009; Bruce Campion-Smith, “Trouble at Transport: Clashes over spending,” The (Toronto) Star. 20 June, 2009.

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Élément no 3 de la charte

Par convention, le premier ministre normalement effectue les nominations des SM – à juste titre et comme il doit continuer à le faire – suivant des conseils indépendants et non partisans.63 En vertu des arrangements actuels, ce conseil est proposé par le greffier. La charte de la fonction publique devrait éliminer la participation du greffier à ce processus, et établir un autre canal plus différent et non partisan à l’intention du premier ministre.

La raison qui justifie ce changement découle de l’impact du rôle actuel de greffier sur la culture et le comportement de la fonction publique. Parce qu’en ce moment le premier ministre nomme les SM sur les conseils du greffier, celui-ci contrôle les nominations et les promotions des sous-ministres. Compte tenu du fait que les carrières des sous-ministres dépendent directement du greffier du Conseil privé, il est naturel, sinon inévitable, que le greffier soit le « patron » de fait dont les préférences et priorités doivent être respectées d’abord et avant tout. Si le greffier pense aussi que le premier ministre est son « patron », on obtient donc une hiérarchie incontestable de l’autorité exécutive. Tout à fait le « gouvernement de cour » que décrit Donald Savoie.64

Comme nous l’avons vu précédemment, le scandale des commandites a fait ressortir de sérieux problèmes causés par l’étendue des pouvoirs du greffier du Conseil privé. L’un des facteurs qui ont empêché le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux de tracer la ligne de démarcation nécessaire entre les valeurs de la fonction publique et celles du politique dans la gestion du programme des commandites a été celui de l’intervention du sous-greffier. Comme l’a justement fait remarquer la Commission Gomery, l’incapacité ou le manque d’enthousiasme du sous-ministre de résister à ce type d’interférence dans son propre rôle est directement lié au rôle du greffier dans le choix, de nomination, d’évaluation et de promotion des sous-ministres.65

63 En sa faveur, l’administration Harper ne semble pas s’être écarté de cette convention, contrairement, par exemple, le gouvernementr du Québec. À cause de la fracture entre les souverainistes et les fédéralistes, l’habitude est née au Québec pour chaque nouveau gouvernement d’effectur des changements massifs au sommet de la fonction publique du Québec. Ainsi en avril 2014, le nouveau gouvernement Couillard a tout de suite remplacé non seulement le secrétaire général (l’équivalent du greffier fédéral) du Conseil exécutif (l’équivalent du BCP), mais également nombre de cadres supérieurs du Conseil et de nombreux sous-ministres. Denis Lessard, « La haute fonction publique retourne au rouge », La Presse, 25 avril 2014, A9.

64 Donald Savoie, Court Government and the Collapse of Accountability in Canada and the United Kingdom (Toronto: University of Toronto Press, 2008), 312.

65 « Les sous-ministres savent que leurs nominations passées et à venir dépendent de la seule discétion du premier ministre, sur le conseil du greffier. On court le risque de les voir vouer une plus grande loyauté à ces deux personnes plutôt qu’à leurs ministres avec lesquels ils doivent travailler quotidiennement. Des loyautés partagées de ce type ne favorisent pas un dévouement ferme au ministère auquel le sous-ministre a été affecté. La loyauté la plus importante de toutes, bien sûr devrait être celle de l’intérêt public ». Canada, Commission d’enquête (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité : Recommandations, 149.

C’est là une première raison d’adopter un nouveau processus de nomination des SM. Les SM n’auront pas la latitude nécessaire pour dire la vérité au détenteur du pouvoir, ou pour tracer la ligne entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, tant que leurs carrières sont contrôlées par un « supérieur » dans la même structure hiérarchique, qui rend compte au premier ministre.

Il y a cependant une autre raison. Les effets corrosifs de la nomination des sous-ministres par le greffier du Conseil privé ont une influence qui dépassent les sous-ministres mêmes. Ils façonnent l’ensemble de la culture et du comportement de la fonction publique fédérale de manière incompatible avec une fonction publique dédiée à l’intérêt public. La centralisation du pouvoir de nomination à l’échelon les plus élevé de la fonction publique a un effet de cascade qui affecte profondément affecter la culture organisationnelle de la fonction publique, surtout sa capacité et sa disposition à dire la vérité au détenteur du pouvoir à tous les niveaux, et pas seulement au sommet.

Ce déclin de la capacité de la fonction publique canadienne de « dire la vérité au détenteur du pouvoir », – pas seulement en relation aux ministres, mais également à l’interne : entre les différents niveaux de la fonction publique même – avait déjà été constatée il y a presque vingt ans, dans le rapport Tait. Si « les fonctionnaires ne sont pas aussi disposés, comme ils l’étaient à une autre époque, à offrir des avis honnêtes ou de participer au débat critique par peur d’être perçu comme ‘hors-jeu’ ou ‘non fiable’ », a dit le rapport, cela devrait être préoccupant pour la fonction publique, parce que le « dialogue honnête et les échanges éclairants et perspicaces » sont essentiels, si l’on veut que la fonction publique soit en mesure d’offrir des avis et conseils justes et professionnels, desquels dépend la bonne gouvernance.66 La gouvernance suppose des décisions sur des biens publics contestables. Et le conseil professionnel relatif à de telles décisions ne sera probablement pas sage, ou ne reflétera pas des points de vue assez étendus de l’intérêt public, à moins qu’il soit éclairé par un solide débat interne dans lequel tous les angles des ces biens contestables soient entièrement explorés. « Je sens que je sers le premier ministre », a récemment dit un sénateur conservateur « lorsque je luis dis ce que je pense ».67 Ce serait un bon leitmotiv, pour une bonne fonction publique aussi. Mais c’est un leitmotiv qui convient de moins en moins à la fonction publique – à cause du « gouvernement de cour ».

66 De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (rapprt Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion, 1996, 2000 48-9.

67 Senator Nicole Eaton, quoted in Jordan Press, “Keep elections out of it, says Tory Senator,” Ottawa Citizen, 2 April 2014, A1-2.

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Élément no 3 de la charte

Depuis la publication du rapport Tait il y a deux décennies, l’évidence formelle et informelle porte à croire que l’expression honnête de points de vue est devenue plus difficile que jamais, surtout aux niveaux les plus élevés de la fonction publique.68 Plusieurs recherches ont fait état de l’augmentation du « climat de peur » et d’«autocensure » qui se produit à l’interne, par la structure de motivation de la fonction publique elle-même. Les cadres de la fonction publique font rapport d’une culture de peur et d’autocensure qui est « complètement interne à la fonction publique et indifférente à la couleur du gouvernement en place. Les fonctionnaires semblent plus disposés à dire la vérité au gouvernant qu’aux autres fonctionnaires ».69 Une des principales sources du problème, comme l’a dit une haut fonctionnaire : « la concurrence est étonnante. Les gens planifient leur prochain cheminement de carrière et essayent de savoir ce que veut entendre le sous-ministre avant de dire quoi que ce soit. Cela est dysfonctionnel ».70

68 Dans une déclaration écrite au Comité spécial sur la mission en Afghanistan de la Chambre des Communes, par exemple, un fonctionnaire de haut niveau a témoigné que le « personnel de l’ambassade ont été prévenue qu’Ils ne devraient pas rapporter l’information, même juste, qui ne correspondait pas à message public du gouvernement ». Lorsque l’ambassade a rapporté que la sécurité à Kandahar se détériorait, elle a reçu l’instruction de ne pas « mentionner la situation sécuritaire du tout, sauf si c’était pour dire que les choses allaient mieux ». Lorsqu’un cadre de l’ambassade a contribué à une évaluation de la sécurité en rapportant que la situation se détériorait, le cadre a été « sévèrement réprimandé » par les quartiers généraux du ministère à Ottawa. (Jennifer O’Neill, “Colvin contradicts ex-boss on testimony to committee,” Ottawa Citizen. December 17 2009). Il y a visiblement plus d’une version de cette histoire. Mais un tel témoignage a été confirmé par d’autres rapports généraux sur la gestion de la fonction publique dans la mission afghane. Campbell Clark, “‘The buck stopped nowhere’: Inside Foreign Affairs, no one in charge to act on Colvin’s warnings,” The Globe and Mail. 18 December, 2009.

69 Peter Larson and David Zussman, “Canadian Federal Public Service: The View from Recent Executive Recruits,” Optimum Online, Vol. 36, Issue 4, (December 2006), 12. Un autre rapport sur une série de seize séances de discussion avec des douzaines de cadres vétérans de la fonction publique a également identifié un climat de peur et d’autocensure : « La chose la plus évasive qui soustendait les discussions était celle d’une peur latente. Cela n’avait rien à voir avec une instruction quelconque mais plutôt une forme d’autocensure devenue habituelle, semble-t-il, pour survivre dans un monde de réflexion critique et d’échanges aggressifs ne sont plus valorisés comme ils l’étaient ». Ruth Hubbard and Gilles Paquet. “Cat’s Eyes: Intelligent Work Versus Perverse Incentives - APEX Forums on Wicked Problems,” Optimum Online, Vol. 38, Issue 3 (August 2008), 18)

70 Idem.

Cela dénote une pyramide de pouvoir et d’ambition dans lesquels trop de cadres ont peur du SM et trop de SM ont à leur tour peur du greffier. De nouveau, exactement, le « gouvernement de cour » identifié par Donald Savoie.71 Mais exactement le contraire de « l’une des valeurs de base d’une ‘fonction publique politiquement neutre et indépendante’ … sa capacité perçue de conseiller sans peur – appelée à l’occasion «’dire la vérité au gouvernant’ ».72

Pour ces motifs, la troisième partie de la charte de la fonction publique devrait établir un processus indépendant pour la nomination des sous-ministres, et éliminer le greffier de ce processus. Pour rétablir la capacité de la fonction publique d’être une authentique fonction publique, le conseiller en matière de nominations des SM devrait à l’avenir être exclu de la hiérarchie de l’autorité exécutive.

71 « Le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet est le fonctionnaire le plus puissant, du fait que la personne qui occupe le poste est le sous-ministre du premier ministre, et les autres sous-ministres et aspirants sous-ministres (ces derniers sont nombreux) savent que le greffier peut les promouvoir ou nuire à leur carrière d’un coup de plume. … On ne devrait jamais sous-estimer le pouvoir des nominations. … les sous-ministres adjoints et sous-ministres délégués qui veulenet devenir sous-ministres ne manquent pas d’ambition. Ils surveillent ce que désirent le premier ministre et le greffier du Conseil privé, et tentent de livrer la marchandise ». Donald Savoie, Power: Where Is It? (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2010), 140-1.

72 Larson and Zussman, “Canadian Federal Public Service,” 12.

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Élément no 3 de la charte

Comment devrait-on le faire ? Il y a vingt ans, le rapport Tait a suggéré que le Canada envisage de confier l’autorité pour conseiller lors des nominations des SMs à un « organisme indépendant » comme le New Zealand State Services Commission.73 Dix ans plus tard, la Commission Gomery recommandait que le gouvernement du Canada adopte un processus pour la sélection des sous-ministres semblable à celui de l’Alberta. Le modèle albertain préconise que le sous-ministre du Conseil exécutif (l’équivalent du greffier fédéral) préside un groupe d’entrevues (comprenant les parties intéressées) qui présente des recommandations au ministre concerné. La recommandation finale est faite au cabinet par le ministre et le premier ministre dispose d’un pouvoir de veto.74

Mais la proposition de la Commission Gomery – semblable à une recommandation de Peter Aucoin dans le cadre d’une recherche pour le compte de la commission – présente un défaut majeur.75 Elle ne traite pas du problème de base, celui du rôle du greffier. Effectivement, elle renforcerait ce problème, et du même coup « le gouvernement de cour ». Elle ne réussit pas accomplir l’élément essentiel du modèle néozélandais, qui consiste à séparer le rôle de secrétaire du cabinet ou sous-ministre du premier ministre du rôle qui consiste à nommer et évaluer les sous-ministres. L’élément essentiel du système néozélandais est que cette fonction soit confiée à un agent indépendant qui ne soit pas dans une relation de pouvoir hiérarchique entre les SMs et l’autorité politique.

73 De solides assises : Rapport du Groupe de travail sur les valeurs et l’éthique dans la fonction publique (rapprt Taitt) (Ottawa: Centre canadien de gestion), 1996, 2000), 25.

74 Canada, Commission d’enquête (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité : Recommandations, 150-1.

75 Dans sa recherche pour la Commission Gomery, Peter Aucoin a recommandé que la nomination et l’évaluation du rendement des sous-ministres doivent être confiées légalement à une nouvelle commission de sous-ministre présidée par le greffier et deux sous-ministres principaux et au moins deux membres provenant de l’extérieur de la fonction publique. (Peter Aucoin, “The Staffing and Evaluation of Canadian Deputy Ministers in a Comparative Westminster Perspective: A Proposal for Reform,” in Canada, Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (Commission Gomery). Rétablir l’imputabilisté : Études (Ottawa : Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2006), Vol. 1, 297-336.) Avec l’adjout de gens de l’extérieur, cela ressemblerait beaucoup au fait de légiférer le processus actuel par lequel le Comité des hauts fonctionnaires (CHF), présidé par le greffier, examine et évalue les sous-ministres et les sous-ministres potentiels. Bien que la proposition d’Aucoin se soit clairement inspirée du modèle du State Services Commissioner néozélandais, il ne répond pas aux objectifs de ce nodèle, comme le reconnaît plus tard Aucoin.

Quel est le meilleur moyen que permettrait au Canada d’atteindre le même objectif que celui du modèle de Nouvelle-Zélande ? Plusieurs choix sont possibles.76 Le meilleur cependant serait de suivre l’exemple du R.-U. qui a donné ce rôle à la commission de la fonction publique. Au Canada, cela supposerait que la réforme de 1918 de la fonction publique soit menée à terme, et simplement d’accroître le pouvoir de nomination de la Commission de la fonction publique (CFP) du niveau du sous-ministre adjoint (SMA) à celui du sous-ministre. La CFP est reconnue pour protéger « l’idéal contesté » d’une fonction publique indépendante, non partisane, fondée sur le mérite depuis plus d’un siècle.77 La charte de la fonction publique devrait modifier la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour accorder à la CFP le pouvoir légal d’organiser des concours internes ou externes de recrutement de SM, pour interviewer des candidats et de faire une (ou plusieurs) recommandation au premier ministre.

76 Une option qui pourrait initialement sembler plausible serait de donner le rôle de nomination du SM à une commission des nominations publiques, semblable à ce que prévoit la Loi fédérale sur la responsabilité. Mais cette option présente quatre défauts. D’abord la version de cett Loi est volontairement impuissante. Son rôle serait seulement de « surveiller, examiner et rendre compte sur le processus de sélection » pour les nominations gouvernemntales, et non d’exercer des pouvoirs indépendants qui lui sont propres. (Loi fédérale sur la responsabilité : s.227. 1.1(1)) Ensuite, la souplesse visée de cette commission a été clairement illustrée lorsque le premier ministre a nommé un partisan pour la présider et – comment une telle nomination inappropriée a été rejetée par un comité parlementaire – a depuis refusé de mettre en œuvre cette dispositionde la Loi. (Lawrence Martin, Harperland: The Politics of Control (Toronto: Viking Canada, 2010), 68-9) Troisièmement, même si elle disposait d’un plus grand pouvoir exécutif que ne l’octroie la Loi, une telle approche garderait les SM séparés du reste de la fonction publique. L’un des objectifs d’une telle réforme devrait être celui de réintégrer le SM dans l’ensemble plus large des valeurs de la fonction publique dont les limites qu’elle représente, comme l’a déjà fait en partie la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (S.C. 2005, c.46.). Quatrièmement, même si elles étaient indépedantes des propositions Gomery et Aucoin, ou la Commission des nominations publiques de la Loi fédérale sur la responsabilité, la création d’une nouvelle commission pour la nomination des SM enfreint au principe de l’économie institutionnelle. Là où des mécanismes ou institutions existent déjà qui peuvent répondre au besoin, il ne faudrait pas en créer de nouveaux.

77 Luc Juillet and Ken Rasmussen, Defending a Contested Ideal: Merit and the Public Service Commission of Canada 1908-2008 (Ottawa: University of Ottawa Press, 2008).

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Élément no 3 de la charte

(En Grande-Bretagne, le débat actuel porte sur la question de savoir s’il faut ne présenter au premier ministre qu’un seul nom – la pratique actuelle – ou un choix de noms : mais peu de gens remettent en question le fait que la Commission soit le bon organe pour assumer ce rôle. 78) Comme au R.-U. et en Nouvelle-Zélande, le premier ministre devrait avoir le pouvoir de réclamer une autre recommandation, ou peut-être même (comme en Nouvelle-Zélande) de procéder unilatéralement à une nomination. En revanche, la décision de procéder unilatéralement à la nomination (comme en Nouvelle-Zélande) doit être accompagnée d’une déclaration publique et une explication du choix. Conformément à ce même principe, les sous-ministres devraient à l’avenir être mutés, promus ou éliminés uniquement sur le conseil et avec l’approbation de la Commission de la fonction publique.

78 Au R.-U., le ministre pour le Bureau du Conseil des ministères a proposé que les ministres participent au processus de nomination des sous-ministres (comme en Alberta), la sélection à partir d’une liste de candidats établie par la la Civil Service Commission. Celle-ci a résisté à cette proposition, de peur que cela ne mène à la politicisation des nominations de SM. Il a plutôt fait ressortir deux choix : dans lepremier, les ministres seraient consultés lors du processus de sélection, mais le mot de la fin revient à la commission pour la recommandation au premier ministre. Le second choix permettrait au premier ministre de choisir entre plus d’un SM candidat lorsque la Civil Service Commission décide qu’il ya deux ou plus de candidats compétents. Le U.K. House of Commons Select Committee on Public Administration a récemment considéré ces deux options et soutenu la première : elle a recommandé que la U.K. Civil Service Commission continue de soumettre une seule nomination de SM au premier ministre. Ce comité prétend que « le recrutement impartial en fonction du seul mérite constitue un pilier fondamental de notre système peut de gouvernement. Donner au premier ministre ou au ministre le choix à partir d’une liste de candidats risque de faire en sorte que la décision finale soit faite pour d’autres raisons, non sur le mérite, et mine ainsi le cœur du Northcote-Trevelyan Civil Service. » Voir U.K., House of Commons, Select Committee on Public Administration, Ninth Report of Session, Latest proposals for ministerial involvement in permanent secretary appointments: PASC’s recommendations, 25 February 2014. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm201314/cmselect/cmpubadm/1041/104102.htm. Il faut noter qu’en plus de la nomination des SM par compétition (à l’interne et à l’externe), où la Civil Service Commission est responsable, il existe une autre catégorie de nomination de SM au R.-U. appelé « des managed moves » qui sont des mutations latérales. La décision à propos du processus à utiliser est prise officiellement par le Senior Leadership Committee (SLC), dont les membres comprennent des secrétaires permanents principaux, le Cabinet Secretary, le First Civil Service Commissioner, le Directeur de Talent Management at the Cabinet Office, et est présidé par le chef du Civil Service (qui n’est pas en ce moment le Cabinet Secretary). En practique, il semble que la décision est prise par le chef du Civil Service et le Cabinet Secretary en consultation avec le premier ministre et le ministre compétent. Des « managed moves » sont faites pour combler les failles urgentes, là où un candidat doit clairement occuper le poste. Ils sont également habitués à transférer les SM dont la relation avec leur ministre s’est détériorée. Entre mai 2010 et mai 2013, il y a eu 21 nominations au niveau des SM. Dix ont été faites suite à une compétition externe et sept (dont le Permanent Secretary of the Cabinet Office – qui n’est pas l’équivalent du Head of the Civil Service et du Cabinet Secretary) par le biais des « managed moves ». Ainsi, deux-tiers des nominations ont été faites sur compétitions de la Civil Service Commission, et un tiers était constitué de « managed moves ». Il semblerait que la compétition soit maintenant le choix privilégié, et que c’est devenu une bonne justification de ne pas avoir une compétition de la Civil Service Commission pour les nominations des SM. Voir Akash Paun et Josh Harris, avec Sir Ian Magee, Permanent secretary appointments and the role of ministers (London: Institute for Government, 2013), 16-20. http://www.instituteforgovernment.org.uk/sites/default/files/publications/Permanent%20secretary%20appointments%20and%20the%20role%20of%20ministers.pdf.

Les exceptions à cette règle devraient également exiger une déclaration publique et une explication de la décision par le premier ministre.79 Ces mêmes procédures devraient s’appliquer à la nomination et au remplacement du greffier, comme pour toutes les autres nominations de SM. Ce nouveau rôle de la CFP exigera à son tour la nomination de commissaires de la fonction publique qui possèdent la stature, la réputation et l’indépendance nécessaires à assumer ce rôle critique, et qui ne soient pas en mi-carrière dans la fonction publique, admissibles à de futures nominations au sein de la fonction publique. Pour rendre cohérents ces changements, la charte devrait aussi amender la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour transférer le titre de chef de la fonction publique du greffier du Conseil privé au Secrétaire du Conseil du Trésor, le conseil de gestion du gouvernement.

79 Une question qui demeure sans réponse est celle de savoir si la CFP devrait assumer la reponsabilité relative pour l’évaluation annuelle du rendement des sous-ministres, dans le care de son rôle dans la détermination des promotions et des nominations futures, ou si ce rôle devrait être confié au Conseil du Trésor dans le cadre des responsabilités de son « conseil de gestion »s.

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8 ÉLÉMENT NO 4 DE LA CHARTE : NOUVELLES RÈGLES DE COMMUNICATION DU GOUVERNEMENTLe quatrième élément de la Charte de la fonction publique devrait concerner de nouvelles règles de communication du gouvernement. La communication a toujours constitué une facette nécessaire du gouvernement. C’est pour cette raison que le gouvernement du Canada a une politique de la communication qui gère cette activité importante et délicate qui est exécutée par les fonctionnaires. Le risque ayant toujours été que la communication légitime, institutionnelle et non partisane peut facilement glisser et se transformer en activité de communication teintée de partisannerie.80

Bien que ce risque se soit considérablement accru sous l’administration Harper, il n’est pas tout à fait récent. Il se développe lentement depuis le milieu des années 1970. Effectivement, le scandale des commandites témoignait de ce problème croissant.81 Mais au cours des dix dernières années il atteint des proportions de crise et exige des mesures immédiates pour remettre la fonction publique sur les rails. Il constitue maintenant la plus grande menace pour une fonction publique professionnelle et non partisane à laquelle tous les Canadiens, et tous les acteurs du système politique, accordent également leur confiance.

Du moment où il a pris le pouvoir, l’administration Harper a donné à la communication fédérale une teinte fortement partisane qui se glisse maintenant dans le travail et mœurs de la fonction publique. De 2006 2009, le sites Internet du gouvernement du Canada ont déjà un ton fortement partisan avec de grands titres portant le slogan politique « le nouveau gouvernement du Canada ». Cela se déroulait alors que le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor, l’agence centrale même responsable pour la politique et les principes de gestion de l’ensemble du gouvernement, notamment le Code des valeurs et d’éthique et la politique de la communication. Ainsi, le site Web du SCT a ouvert la voie à d’autres abus.

80 En 1962, la Commission Glassco a explicitement rejeté « la philosophie de la personne en charge des relations publiques » pour le gouvernement du Canada, et a conclu que « l’objectif d’être ‘bien et favorablement connu’ qui est si prisée dans le secteur privé ne fait pas partie de politiques d’information de ministères » . Canada Commission royale d’enquête sur l’organisation du gouvernement, Vol. 1, Gestion de la fonction publique, Vol. 3, (Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1962), 70—71, cité dans David C.G. Brown, “The administrative dilemmas of government communications.” Paper presented to the annual conference of the Canadian Political Science Association, Edmonton, Alberta, June 13, 2012, 4.

81 Kirsten Kozolanka, “The sponsorship scandal as communication: The rise of politicized and strategic communications in the federal government,” Canadian Journal of Communication, Vol. 31, No. 2, cited in Ted Glenn “The management and administration of government communications in Canada,” Canadian Public Administration, Vol. 57, No. 1 (March 2014), 10.

Tous les sites ministériels du gouvernement du Canada ont été graduellement réaménagé de façon ouvertement partisane, en bleu conservateur, et servent plus à promouvoir le ministre qu’à fournir des renseignements objectifs sur les programmes gouvernementaux.82 Conformément à l’approche partisane, de la fin de 2009 ou début 2010, les cadres du Bureau du Conseil privé (BCP) ont commencé à ordonné aux responsables de la communication des ministères fédéraux de substituer l’expression « le gouvernement Harper » dans tous les sites Web et dans toute autre communication, à la terminologie habituelle non partisane du « Gouvernement du Canada ».83 La Presse canadienne a identifié quelque 698 apparitions de l’expression « Gouvernement Harper » dans des sites Web du gouvernement du Canada pour l’année se terminant en mars 2011.84

82 Kirsten Kozolanka, “‘Buyer’ beware: pushing the boundaries of marketing communications in government,” in Alex Marland, Thierry Giasson and Jennifer Lees-Marshment, eds., Political Marketing in Canada (Vancouver: UBC Press, 2012), cited in Glenn “The management and administration of government communications in Canada,” 10.

83 Interviews with senior Government of Canada communications officials, 23 March 2010, 25 January 2012. See also: Bruce Cheadle, “Tories rebrand ‘Harper Government’ in place of government of Canada” The Canadian Press, 3 March, 2011; “No ‘formal directive’ on use of ‘Harper Government,’ just direction, says PCO,” The Canadian Press, 7 March 2011; “E-mails cite ‘directive’ to re-brand government in Harper’s name,” The Globe and Mail, 7 September 2011. http://www.theglobeandmail.com/news/politics/e-mails-cite-directive-to-re-brand-government-in-harpers-name/article2157102/.

84 Cheadle “No ‘formal directive,’” Canadian Press, 7 March 2011.

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Élément no 4 de la charte

Le changement d’appellation de Gouvernement du Canada à « Gouvernement Harper » avait déjà été essayé dans le site notoirement partisan élaboré par le BCP même, pour « commercialiser » le soi-disant Plan d’action économique de l’administration Harper – comme l’a dit le greffier lui-même en avril 2009, apparemment sans vergogne.85 Le caractère partisan du site du BCP sur le Plan d’action économique était si flagrant qu’un éditorial du Globe and Mail disait que « même dans la Chine à parti gouvernemental unique serait impressionnée par le nombre de photos de M. Harper et de ses loyaux ministres qui saupoudraient dans un site supposément neutre où les Canadiens peuvent se renseigner sur les programmes fédéraux auxquels ils peuvent avoir recours ».86

Le BCP avait aussi mis au point alors une énorme machine de gestion centralisée de « suggestions de messages événementiels » (ou SMÉ) qui exige que tous les responsables fédéraux – politiques et non politiques – pour obtenir d’avance le feu vert pour toute communication externe, et déterminer la manière de favoriser la messagerie politique gouvernementale. Les responsables non élus et non partisans sont assujettis au même régime partisan que celui des responsables élus. Ils doivent obtenir un accord préalable pour toute activité publique et utiliser un modèle qui comprend des catégories comme celles-ci : titre souhaité, messages clés, infocapsules, objectifs stratégiques, clip sonore, toile de fond idéale pour discours, photographie d’événement idéale, ton, tenue vestimentaire, document de déploiement, considération générales et stratégiques.87 En d’autres termes, le système de SMÉ élabore les messages politiques aussi bien pour les responsables non élus et les élus. Les SMÉ, comme les ont décrit deux journalistes, « ont brouillé la séparation historique entre partisans politiques et fonctionnaires non politiques et écarté des communicateurs chevronnés, sapant ainsi le moral à travers l’ensemble de la fonction publique ».88

85 Malgré son rôle de « chef de la fonction publique », le greffier de l’époque ne ressentait aucune hésitation à la signature d’une note d’information le 2 avril 2009 au premier ministre à propos de la « commercialisation » du Plan d’action économique « dont le site Web est une importante composante ». Bruce Cheadle, “Documents show Economic Action Plan marketing blitz a PMO production from the get-go,” The Canadian Press, 24 February 2011.

86 The Globe and Mail, “Stimulus Cheques: Hypocrisy Blue and Red,” 16 October, 2009. Emphasis added)

87 Mike Blanchfield and Jim Bronskill, “Documents expose Harper’s obsession with control,” The (Toronto) Star. 6 June 2010; Paul Wells, The Longer I’m Prime Minister: Stephen Harper and Canada, 2006- (Toronto: Random House, 2013), 35; Lawrence Martin, Harperland: The Politics of Control (Toronto: Viking Canada, 2010), 58; Paul G. Thomas, “Communications and Prime Ministerial Power,” in James Bickerton and B. Guy Peters, eds., Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2013), 71; Ted Glenn “The management and administration of government communications in Canada,” Canadian Public Administration, Vol. 57, No. 1 (March 2014), 15.

88 Blanchfield and Bronskill, “Documents expose Harper’s obsession with control,” The (Toronto) Star. June 6, 2010.

Les fonctionnaires sont maintenant profondément impliqués dans ces types de directives partisanes de communication, d’activités et de documents, et dans le maintien des sites Web où ils apparaissent, même les sites Web des agences centrales. Mais ces activités sont en conflit non seulement avec le caractère non partisan d’une fonction publique partisane, mais également avec les valeurs et politiques déclarées du gouvernement du Canada. Le Code des valeurs et d’éthique de la fonction publique de 2012 exige que les fonctionnaires s’acquittent de leurs tâches de manière « non partisane et impartiale », et s’efforcent de « d’améliorer la confiance du public dans l’honnêteté, l’équité et l’impartialité du secteur public fédéral ».89 Et la politique de communication déclare que c’est la politique du gouvernement du Canada pour « préserver la confiance des Canadiens dans l’intégrité et l’impartialité de la fonction publique du Canada » – pour la raison évidente et correcte que les « Canadiens valorisent une fonction publique indépendante et professionnelle » – et que par conséquent « on s’attend à ce que les gestionnaires et les employés de la fonction publique fournissent des services d’information et de responsabilité ministérielle ».90

L’implication de la fonction publique dans ces types d’activités de communication partisane est en conflit aussi bien avec la lettre qu’avec l’esprit de ces deux politiques clés du gouvernement, et est incompatible avec le concept de service public non partisan que ces deux politiques sont supposées appuyer.

89 Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor, Code des valeurs et d’éthique du secteur public (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2011), 4. Le présent code est entré en vigueur le 1er avril 2012. Peut-être parce qu’il s’applique à l’ensemble du secteur public, et non seulement le cœur de la fonction publique, le Code de 2012 ne fait plus référence (comme dans celui de 2003 qu’il remplaçait) à l’obligation des fonctionnaires « de maintenir la tradition de neutralité politique de la fonction publique ». Conseil du Trésor du Canada, Code des valeurs et éthique du secteur public (Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor, 2003), 8. http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/tb_851/vec-cve1-fra.asp#_Toc46202803. The Code de 2003 est entré en vigueur le 1er septembre 2003.

90 Canada, Conseil du Trésor, Politique de communication du gouvernement, « Énoncé de la politique », Principe 9. http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-eng.aspx?id=12316&section=text. La politique a été mise à jour en 2012.

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Élément no 4 de la charte

Et les fonctionnaires eux-mêmes le savent. En leur faveur, ils se sont souvent dits mal à l’aise, ils ont objecté, émis des recommandations en défaveur, ou simplement refusé d’obtempérer à ces types de directives et d’approches inappropriés. Par exemple, certains responsables de la communication ministérielle ont simplement refusé d’obtempérer aux instructions initiales du BCP de remplacer « Gouvernement du Canada » par « gouvernement Harper » sur leurs sites Internet et leurs annonces.91 Au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), les responsables de programme ont fait une recommandation en défaveur des exemptions proposées pour le Plan d’action économique.92 Au BCP même, les responsables de la communication étaient au départ réticents à assumer la responsabilité pour la « commercialisation » du Plan d’action économique.93 Mais le bon instinct des fonctionnaires moyens étaient généralement contredits ou ignorés par leurs supérieurs, y compris dans les organismes centrales comme le SCT et le BCP – illustrant et contribuant ainsi à la « faille » entre les hauts échelons et le reste de la fonction publique.94

Les instincts des fonctionnaires fédéraux moyens peuvent être solides. Mais plus ces pratiques perdurent, plus profondément elles sombrent dans les habitudes et les réflexes de la fonction publique. Les fonctionnaires fédéraux finiront par ne plus s’objecter, ou même remarquer que quelque chose ne va pas. Plus « l’action » des fonctionnaires ne correspond pas à leurs « paroles », plus le cynisme de la fonction publique se creusera. Les fonctionnaires s’habitueront à accepter que la fonction publique n’est non partisane que de nom seulement, mais doit être « partisane sérielle » en pratique. Ainsi, le chemin sera tracé pour des abus de plus en plus importants. Ceci ne constitue pas une recette pour la bonne gouvernance, ou pour s’assurer de la confiance du public. Ce n’est même pas une recette pour le succès politique à long terme.

91 Entrevue avec le responsable de la communication gouvernementale, 23 mars 2010.92 Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) les cadres responsables du Programme de

coordination de l’image de marque recommandé contre une exemption des exigences du programme pour le site Web du Plan d’action économique en septembre 2011. Toutefois, cette recommandation a été rejetée par de plus hauts fonctionnaires du SCT. Bruce Cheadle, “Harper’s Economic Action Plan website got approval despite violating rules,” The Canadian Press. 5 January 2011; La Presse, « Les libéraux fédéraux raillent les conservateurs », 7 janvier 2011, A11.

93 Les fonctionnaires du BCP ne voyaient pas d’un bon œil la mise en œuvre du site Web du Plan d’action éconoique à cause de son caractère ouvertement partisan, et le premier ministre Harper a été informé de leurs « hésitations » au moment du budget de janvier 2009. Ils méritent les félicitations pour leur hésitation qui montre qu’ils n’ont pas perdu leur sens de la responsabilité de fonctionnaires. Il est encore plus important, par conséquent, que leurs supérieurs (comme ceux du SCT) ne les ont pas soutenu parce qu’ils refusaient d’agir de manière contraire au Code des valeurs et d’éthique de 2003 et la Politique de la communication. Bruce Cheadle, “Top bureaucrats objected to government ad campaign, sources say,” The Canadian Press. 8 October 2009; Lawrence Martin, Harperland: The Politics of Control (Toronto: Viking Canada, 2010), 219-20.

94 L’incapacité du SM à résister aux instructions du BCP à propos du remplacement de la mention « Gouvernement du Canada » par la mention « Gouvernement Harper » dans la communication ministérielle montre, encore une fois, l’effet corrosif du rôle du greffier dans les nominations des SM. L’instruction émanait du « patron », la personne qui contrôle l’évaluation du rendement et la rémunération conditionnelle, leurs perspectives de promotion et leurs futures carrières – si même il y en aura une. Le SM dont les cadres ont refusé l’instruction du BCP aurait ainsi mis tout cela en jeu. Peu étaient prêts à le faire.

Pour remédier à la dangereuse condition à laquelle l’administration Harper a conduit le gouvernement du Canada, plusieurs mesures sont devenues maintenant nécessaires. Sur le modèle de la Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale de l’Ontario, une future charte de la fonction publique devrait commencer par bannir complètement la publicité gouvernementale teintée de partisannerie, et établir des procédures pour renforcer cet interdit.95 Par exemple, l’administration Harper a dépensé plus de 100 millions de dollars en publicité pour le Plan d’action économique depuis 2009, dont 14,8 millions de dollars aussi tard qu’en 2013.96 Au lieu de fournir aux Canadiens une information non partisane sur les programmes, ces publicités ont été largement de nature politique et partisane, de la « commercialisation » du gouvernement et son programme (comme l’a dit le greffier même). On peut citer un exemple encore plus frappant, l’administration Harper a dépensé plus de 2,5 millions en 2013 pour faire connaître le programme de la Subvention canadienne pour l’emploi qui n’existait même pas à l’époque, notamment des annonces télévisées qui passaient souvent deux fois par match lors des finales de la LNH sur Radio-Canada. Le financement des publicités télévisées provenait d’un fonds de 11 millions, créé par Emploi et Développement social Canada « pour promouvoir le gouvernement comme créateur d’emploi ».97 Rien ne peut excuser des dépenses publiques par les gouvernements sur des programmes de publicité avec de tels objectifs politiques et partisans. Et encore moins d’excuse pour des fonctionnaires supposés être non partisans de participer à ce type d’activité partisane, qui est profondément corrupteur pour les institutions de la fonction publique. L’adoption de l’approche ontarienne éliminerait les deux problèmes d’un trait de plume.

95 Le Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale de l’Ontario établit les normes de publicité du gouvernement, interdit la publicité à saveur partisane et exige du bureau du vérificateur général d’examiner les publicités payées à l’avance de leur publication publique pour faire en sorte qu’elles soient libres de toute partisannerie. Ontario, Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale, 2004. S.O. 2004, Chapitre 20. http://www.e-laws.gov.on.ca/html/statutes/english/elaws_statutes_04g20_e.htm.

96 Bill Curry, “Government spends millions on ads for ‘Economic Action Plan’ that ended two years ago” The Globe and Mail, 25 January 2014. http://www.theglobeandmail.com/news/politics/federal-ad-spending-exceeds-projections/article16503725/.

97 Sophia Harris, “Canada Job Grant ads cost $2.5M for non-existent program: commercials were part of $11-million fund to promote government as a job creator,” CBC News, 13 January, 2014. http://www.cbc.ca/news/politics/canada-job-grant-ads-cost-2-5m-for-non-existent-program-1.2495196.

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Élément no 4 de la charte

Deuxièmement, une charte de la fonction publique devrait établir des règles qui établissent une distinction plus claire entre la communication politique et celle purement institutionnelle, et interdire la participation de la fonction publique dans la première. Il est difficile de comprendre pourquoi quelque fonds public devrait être dépensés sur des activités partisanes de communication. Entre autres choses, cela donne un énorme avantage non justifiable au parti au pouvoir par rapport aux autres partis. À mon avis, ce type de communication devrait être payé par les partis mêmes plutôt que par le Trésor public. Mais si, pour quelque raison, il semble irréaliste d’interdire complètement la communication gouvernementale partisane, aucun fonctionnaire ne devrait prendre part à cette activité. Il faudrait que ce soit le Bureau du Premier ministre (BPM) et les bureaux des ministres – ce qui exigerait que ces bureaux aussi soient assujettis à tous les instruments d’examen du public, notamment la vérification et la Loi d’accès à l’information.98 La responsabilité et l’imputabilité pour faire en sorte que les fonctionnaires participent à des activités de communication devraient être clairement assignées aux sous-ministres dans leur rôle d’administrateurs comptables, conformément à leur nouveau mandat de tracer la ligne entre les valeurs de la fonction publique et du politique, et de faire en sorte que les fonctionnaires (notamment eux-mêmes) demeurent du côté de la fonction publique de la ligne, en l’absence de directive officielle et publique. Cela ne signifierait rien de plus que de prendre au sérieux la politique actuelle de communication et le Code des valeurs et d’éthique – de les prendre à leur vraie valeur et de leur donner un pouvoir exécutif. Cela veut dire que l’action doit correspondre au verbe.

98 David Brown notes that the “exempt staff” model, introduced in the early 1970s, included “from the outset … twin features not found in any other area of public administration: having parallel communications expertise in both public service and exempt staffs; and providing direct ministerial oversight to both groups by a Cabinet committee on communications.” David Brown, “The administrative dilemmas of government communications.” 13.

Troisièmement, – comme corolaire de la recommandation antérieure – il faut établir de nouvelles dispositions pour ce qui s’appelle actuellement le secrétariat de la communication et de la consultation au Bureau du Conseil privé (BCP). Ce secrétariat est la source de beaucoup du comportement partisan qui s’est insinué dans les habitudes de la fonction publique au cours des quarante dernières années. Le secrétariat de la communication du BCP a été créé après l’élection de 1974. Ironiquement, le greffier de l’époque – dont la nomination, comme je l’ai fait remarquer plus tôt, a été souvent perçue comme un point tournant dans la politisation et la centralisation de la fonction publique fédérale – a accepté la décision avec réticence, de peur qu’elle ne mène au fil du temps à la politisation du BCP.99 Les craintes du greffier étaient effectivement bien fondées, et la tendance qu’il craignait tellement forme la pratique actuelle. Le secrétariat de la communication du BCP a toujours existé dans la « zone brouillée entre information et propagande et entre intérêt public et privé »100 – en ce qui concerne la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, parfois tiré de l’autre côté de la ligne, par la nature même de son travail.

Ce problème s’est accru depuis les années 1970, mais s’est nettement aggravé sous la politique partisane agressive de l’administration Harper et son approche centralisée à la communication, pour les responsables élus et non élus uniformément. Depuis ses modestes débuts avec quelques responsables dans les années 1970, le secrétariat à la communication est devenue un monstre avec une centaine d’employés, presque 10 pour cent de l’ensemble du personnel du BCP.101 La reductio ad absurdum de ce secrétariat est l’unité de quatre personnes (y compris un directeur EX-01), composé de fonctionnaires en principe non partisan, dont le travail comprend la production des clips vidéo sur You Tube « 24 sept » qui célèbrent et promeuvent les réalisations de Stephen Harper, comme premier ministre.102 Il est temps de faire quelque chose à propos de ce type d’aberration de la fonction publique. Et une charte de la fonction publique devrait régler la situation pour établir les nouvelles règles des la communication, règles qui contribuent à renouveler le caractère non partisan et la philosophie de la fonction publique.

99 Communications from a former PCO official, 9 and 10 April, 2014.100 David Brown, “The administrative dilemmas of government communications.” 1. 101 Thomas gives the figure of 100, Glenn suggests 91. Paul G. Thomas, “Communications

and Prime Ministerial Power,” in James Bickerton and B. Guy Peters, eds., Governing: Essays in Honour of Donald J. Savoie (Montreal and Kingston: McGill-Queen’s University Press, 2013), 73; Ted Glenn “The management and administration of government communications in Canada,” 18.

102 Glen McGregor, “Stephen Harper’s little-watched self-promotional videos are worked on by 4 staffers,” Ottawa Citizen, 25 March 2014. http://www.ottawacitizen.com/technology/four+public+servants+help+produce+Harper+promotional+video/9658977/story.html.

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Élément no 4 de la charte

Dans un monde idéal, une charte de la fonction publique pourrait simplement abolir le secrétariat de la communication du BCP. Cela contribuerait significativement, symboliquement et pratiquement, au renouvellement de la fonction publique comme institution non partisane. L’abolissement du secrétariat de la communication du BCP ramènerait le BCP à sa condition et pratique d’avant 1974. Si cette approche était adoptée, le leadership de la fonction « communication » dans le gouvernement pourrait être transféré au Secrétariat du Conseil du Trésor, qui a la charge de la politique de la communication, et sa direction doit revêtir un caractère purement institutionnel et opérationnel, conformément à la politique de communication.

Mais dans l’univers de la NGP, cette approche pourrait être irréaliste. Dans un univers où la communication a acquis une grande place de la gouvernance, il y aura toujours des discussions sur la communication au niveau du cabinet, et par conséquent et, par conséquent, le raisonnement pour un secrétariat du cabinet correspondant. Mais si c’est le cas, la charte de la fonction publique devrait la contrôler, au moyen de règles beaucoup plus strictes sur son rôle et ses fonctions, et assurer la participation des fonctionnaires uniquement dans la communication institutionnelle, opérationnelle et de programmation, et non dans la commercialisation stratégique et politique du gouvernement et de ses réalisations. Elle devrait responsabiliser le greffier à titre d’administrateur comptable, pour qu’il s’assure que le personnel et les activités du BCP appuient clairement les valeurs non partisanes de la fonction publique, dans les travaux de communication du BCP ainsi que dans tous les autres domaines La charte devrait limiter la part des ressources du BCP qui peuvent être consacrées à cette partie de son travail. Il devrait restreindre le BCP aux fonctions de secrétariat du cabinet seulement, et précisément lui interdire toute activité opérationnelle (comme le processus de SMÉ). Au lieu du processus de SMÉ, la charte devrait simplement exiger que les sous-ministres, comme administrateurs comptables, s’assurent que, dans toute les activités de communication, les fonctionnaires respecte leurs obligations en vertu du Code des valeurs et d’éthique et de la jurisprudence canadienne, notamment leurs obligations envers le gouvernement actuel.

Ces « nouvelles » règles ne seraient pas vraiment nouvelles. Elles feraient faire à la fonction publique ce qu’elle dit faire déjà. Elles forceraient la fonction publique à pratiquer ce qu’elle prêche. Elles opérationnaliseraient ce que la fonction publique a déjà adopté, officiellement, dans le Code des valeurs et d’éthique et dans la politique de communication. Les leaders de la fonction publique ont, malheureusement, montré qu’ils ont besoin de nouvelles règles et de nouveaux outils pour le faire. Il est scandaleux, comme l’a fait remarquer le Globe and Mail à propos de la stratégie du Plan d’action économique, « quant tant de responsables élus ne comprennent pas la folie de confondre État et parti ».103 Il est encore plus scandaleux lorsque les leaders de la fonction publique font la même erreur.

103 The Globe and Mail, “Stimulus Cheques: Hypocrisy Blue and Red,” 16 October 2009.

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9 CONCLUSION : RENOUVELLEMENT DE LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE COMME FONCTION PUBLIQUELe renouvellement de la fonction publique devrait signifier le renouveau de la vocation de la fonction publique comme fonction publique. L’un des défauts des nombreux exercices de renouvellement au cours des vingt-cinq dernières années est qu’ils ont souvent semblé vouloir « renouveller » la fonction publique comme autre chose.104

Le renouvellement de la fonction publique comme fonction publique exigera de mettre au clair deux types de confusion. L’un est celui de la confusion entre un gouvernement et un Gouvernement. Et l’autre est celui de la confusion entre le secteur public et le secteur privé. Ces deux sont étroitement liés, et, en conclusion de ce document, je dirais à propos des deux.

La confusion entre gouvernement et Gouvernement est la confusion entre le gouvernement actuel et l’institution permanente du Gouvernement du Canada qui sert et appuie le gouvernement, et pour lequel le gouvernement est temporairement responsable. Cette confusion explique – et sert à excuser – le brouillage de la ligne de démarcation entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique en général, et en particulier la récente explosion de communication gouvernementale agressivement partisane.

104 Un rapport de l’Association professionnelle des cadres supérieurs de la fonction publique du Canada (APEX) fait remarquer que, sous sa formule initiale, Objectif 2020, le renouvellement actuel de la fonction publique semble largement se fonder sur « des vecteurs de changement non seulement au gouvernement du Canada, mais également pour tous les secteurs » et avait négligé les « qualités distinctives » découlant du « rôle de la fonction publique » en tant qu’institution nationale intégrale à notre démocratie parlementaire ». Par conséquent, APEX a recommandé de mettre un nouvel accent sur les « Fondements de la fonction publique », notamment un « réengagement public » par le gouvernement envers les valeurs et l’éthique de la fonction publique. Rapport sur Objectif 2020 (Ottawa: APEX, 28 Fév rier 2014), 3-7. http://www.apex.gc.ca/uploads/key%20priorities/consultations/apex%20report%202020%20-%20eng.pdf. Le point important qu’a soulevé l’APEX ne semble pas avoir été compris, parce que la section sur les « Fondements de la fonction publique » comprises dans Destination 2020, Objectif 2020 rapport d’étape publié le 12 mai 2014, a peu de relation avec les « Fondements » démocratiques auxquels faisaient référence l’APEX. Destination 2020 (Ottawa : Gouvernement du Canada, 12 mai 2014), 24-7. http://clerk.gc.ca/local_grfx/d2020/Destination2020-fra.pdf.

Vous pouvez constater la confusion à l’œuvre dans la justification de l’ensemble du processus de SMÉ donnée à Paul Wells par un des « anciens conseillers principaux de Harper ». « Si quelqu’un a la mention ‘Gouvernement du Canada’ inscrite sur sa carte d’affaires » le conseiller de Harper déclare agressivement : « il vaudrait mieux qu’ils parlent au nom du gouvernement du Canada, et ‘gouvernement du Canada’ signifie gouvernement du Canada ».105 C’est là un bon exemple « de sophisme de l’équivocation ». Dans ce type d’argument fallacieux, le sens du terme est modifié en cours d’argument, de manière que la conclusion ne découle pas de la prémisse, comme elle semble le faire. Parce que les mots clés ont changé de sens en cours de processus. L’« ancien conseiller principal de Harper » semble prendre pour acquis que le Gouvernement du Canada et le « Gouvernement Harper » ne font qu’un. Mais ils ne le sont pas.

Le Gouvernement du Canada n’appartient pas à Stephen Harper, ou à toute autre formation politique. Si le Gouvernement du Canada appartient à quelqu’un, c’est à la Reine ou au Gouverneur général (en vertu des Lettres patentes de 1947), lesquels ne sont que les gardiens de la démocratie parlementaire pour tous les Canadiens. Aucune action ou mesure n’est prise au nom du premier ministre, en revanche elle est prise au nom de la Reine ou du Gouverneur général. Bien sûr, les journalistes et d’autres se réfèrent souvent au « gouvernement Harper » ou au « gouvernement Chrétien » ou au « gouvernement Mulroney ». Toutefois, ce faisant, ils ne font pas référence à l’institution du Gouvernement du Canada, mais seulement au Ministère actuel (ou précédent) dans son ensemble, le corps ministériel qui a temporairement la responsabilité de diriger le gouvernment de la Reine au Canada, parce que – et seulement parce que – il jouit actuellement de la confiance de la Chambre des Communes. Les membres du Ministère sont temporairement les fiduciaires pour le compte d’une institution permanente dont ils ne sont pas les propriétaires, une institution qu’ils ont l’obligation de transmettre – sans encombre, et même renforcée – à un futur Ministère, dès le moment où ils n’ont plus la confiance du Parlement.

105 Paul Wells, The Longer I’m Prime Minister, 37.

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Conclusion

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L’administration Harper a constamment confondu leur ministère avec le Gouvernement du Canada. Elle a toujours pensé que le Gouvernement du Canada lui appartenait ou que c’était son jouet, à utiliser et abuser à ses fins à court terme et partisanes. Il a confondu l’administration Harper avec le Gouvernement du Canada, et a en plus obligé les fonctionnaires fédéraux à faire de même. Il n’a pas agi en bon gardien de l’institution de la fonction publique, dans le contexte d’une démocratie parlementaire.

Les fonctionnaires n’ont pas besoin de se faire dire qu’ils ne peuvent pas dire (dans les mots charmants du « conseiller principal de Harper ») « quelle que soit la foutue chose qui leur passe par la tête ».106 Il y a une longue tradition de jurisprudence canadienne, notamment la fameux jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas Fraser, qui explique clairement que les fonctionnaires canadiens ne peuvent pas faire de déclarations publiques contraires aux politiques du gouvernement qu’ils servent.107 Sans mentionner que le Code des valeurs et d’éthique définit clairement l’obligation de loyauté des fonctionnaires à leurs ministres. Mais les fonctionnaires ne doivent pas non plus devenir des porte-paroles partisans pour l’administration, répéter comme un perroquet les arguments médias du gouvernement, à ses propres fins partisanes. Cela ne correspond pas au rôle de la fonction publique fédérale à titre « d’institution nationale importante, qui constitue une partie du cadre essentiel de la démocratie parlementaire canadienne ».108 Une charte de la fonction publique peut contribuer au renouvellement de ce rôle démocratique, et corriger la confusion entre le « gouvernement » – le corps ministériel temporaire – et le Gouvernement permanent du Canada.

106 Idem. 107 Canada, Fraser c. Commission des relations de travail dans la fonction publique,

[1985] 2 S.C.R. 455. (« Fraser »). 108 Secrétariat du Conseil du Trésor, Code de valeurs et d’éthique du secteur public (2003), 5.

Un autre type de confusion, étroitement lié au premier, est celui de la confusion entre les secteurs privé et public. L’un des obstacles à ce type de renouvellement plus approfondi est celui du modèle du secteur privé qui a colonisé les esprits, même de nombre de leaders du secteur public. À cause de ce modèle mental inconscient, nombre d’entre eux prennent pour acquis que la fonction publique est comme une entreprise, et peut être gérée de la même façon. Comme l’entreprise, la fonction publique doit, par exemple, avoir un PDG. Par conséquent, est-il trop facilement pris pour acquis, le premier ministre – et le greffier ou son adjoint – joue les rôles de PDG de la fonction publique. Le premier ministre et le greffier doivent ainsi disposer de tous les outils d’un PDG, notamment la nomination de leurs « subordonnés », tels les sous-ministres. Cette prémisse implicite mais erronée a mené à la nomination du greffier au poste de « Chef de la fonction publique » dans la Loi de la réforme de la fonction publique de 1992. Son influence soutenue peut également perçue dans la lettre à propos du Rapport de la Commission Gomery envoyée au premier ministre en mars 2006 par de nombreux fonctionnaires de haut niveau et des leaders du secteur privé. Les signataires de la lettre prennent simplement pour acquis que la fonction publique doit avoir un PDG, et fondent leur opposition au changement à la manière dont sont nommés les sous-ministres selon cette prémisse.109

109 « Il est difficile de comprendre comment une grande entreprise survuvrait si ses vice-présidents ey cadres supérieurs étaient choisis par un groupe indépendant du PDG. Donc, le greffier du Conseil privé devrait continuer à être le conseiller du [premier ministre] sur les nominations des sous-ministres ». Ehrenworth, « Lettre au premier ministre Harper », 3

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Conclusion

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Toutefois, la prémisse est fausse. Comme pour démontrer l’erreur de cette prémisse, le gouvernement du R.-U. a décidé en automne 2011 de diviser les trois rôles que joue le greffier canadien pour avoir un secrétaire général du Cabinet, un chef de la fonction publique et un secrétaire permanent du bureau du Cabinet. On ne sait pas exactement si le R.-U. a réussi à définir le modèle du bon leadership de la fonction publique. Mais il est bon de se poser la question.110

Le gouvernement n’est pas une entreprise privée, la fonction publique non plus. Parce que le gouvernement parlementaire est l’expression de la confrontation démocratique et dépend de la préservation de la confiance de l’ensemble des citoyens et des acteurs politiques, le principe structurant des gouvernements n’est pas le commandement centralisé mais plutôt l’équilibre délicat entre voix et autorités concurrentes. Contrairement aux entreprises privées, les gouvernements sont volontairement structurés de manière « pluraliste » ou multiforme, de manière que les nombreuses fonctions soient assumées séparément, indépendamment l’une de l’autre, ou à l’abri de ceux qui maîtrisent les leviers du pouvoir.111

110 Le chef du Civil Service du R.-U. est maintenant sous-ministre, mais pas le Cabinet Secretary. En plus des autres obligations, il gère le cadre du Permanent Secretary cet conseille conjointement avec le Cabinet Secretary (voir la note 78 ci-dessus). En plus de ceux qu’il partage avec le Cabinet Secretary, les responsabiltés du chef du Civil Service comprennent la mission d’être le « visage public » du Civil Service, à l’interne et à l’externe; mener la gouvernance et la capacité du Civil Service à titre de président d’organes de gouvernance clés; mener les 200 cadres qui ont la responsabilité de la planification de la succession, de l’initiation, de la formation et des récompenses et à titre de Senior Leadership Committee; mener la main-d’oeuvre du Civil Service, notamment la planification d’ensemble, le recrutement, la récompense, les relations industrielles, le système de rémunération, la réforme des retraites, etc; et être le premier responsable de la bonne conduite du Civil Service, et le gardien du Civil Service Code ». (United Kingdom, Cabinet Office, Candidate Brief and Job Specification for Head of the Civil Service, October 2011, 2-3). Je suis reconnaissant à Tony Dean qui m’a permis d’obtenir ce document. Voir également le rapport du House Commons Select Committee on Public administration du R.-U. sur les nouveaux arrangements des rôles du chef du U.K. Civil Service et du Cabinet Secretary. United Kingdom, House of Commons, Select Committee on Public Administration, Leadership of change: new arrangements for the roles of the Head of the Civil Service and the Cabinet Secretary. Nineteenth Report of Session 2010-12. 17 January 2012. http://www.publications.parliament.uk/pa/cm201012/cmselect/cmpubadm/1582/158202.htm.

111 Lorne Sossin, “Defining Boundaries: The Constitutional Argument for Bureaucratic Independence and its Implication for the Accountability of the Public Service,” in Canada, Commission of Inquiry (Commission Gomery), Rétablir l’imputabilité : Études, Volume 2, 36

Ainsi, la recherche d’un PDG pour le gouvernement est aussi inappropriée que la recherche d’un premier ministre ou d’un greffier du Conseil privé dans une entreprise.112 Nombre de choses qui, dans une entreprise privée, pourraient être assujetties au contrôle du PDG, sont hors de portée d’un contrôle politique unifié. Le recrutement du personnel constitue un exemple clair. Depuis 1918, les nominations dans la fonction publique étaient contrôlées par un organisme indépendant et non politique, la Commission de la fonction publique, précisément pour s’assurer que les nominations sont non partisanes, et effectuée uniquement sur le mérite. Mais le recrutement n’est pas le seul exemple. L’administration financière constitue un autre exemple : la Loi sur l’administration financière (LAF) octroie de nombreux pouvoirs directement aux SM pour assurer une administration financière saine, et améliorer la confiance du public.113

112 Pour une perspective différente, voirsee Tony Dean, Tony, “Why the civil service needs a chief executive,” The Guardian. Public Leaders Network. 19 October 2011. http://www.guardian.co.uk/public-leaders-network/blog/2011/oct/19/why-civil-service-needs-ceo; “Why the civil service still needs a full-time chief executive,” The Guardian. Public Leaders Network. 11 January 2012. http://www.guardian.co.uk/public-leaders-network/blog/2012/jan/11/civil-service-still-needs-chief-executive. Voir aussi Dutil, Patrice, ed., Searching for Leadership: Secretaries to Cabinet in Canada (Toronto: University of Toronto Press and Institute of Public Administration of Canada, 2008); Bourgault, Jacques. 2007. Les facteurs contributifs au leadership du Greffier dans la fonction publique du Canada. Canadian Public Administration. Vol 50. No. 4. (Winter 2007), 541-571; “Clerks and Secretaries to Cabinets: Anatomy of Leadership,” in Dutil, ed. Searching for Leadership, 41-81.

113 En vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité, c’est le chef adjoint qui est responsable pour, entre autres choses, la définition des attributions et d’assurer que ces attributions ne sont pas dépassés (s.31), contrôler les engagements imputables à une appropriation (s.32), d’autoriser les paiements (s.34), d’assurer les capapcités de vérification interne (s.16), préservation et contrôle des propriétés publiques (s.62), et d’approuver les comptes officiels du ministère (ss.16 and 64.) Canada, Loi fédérale sur la responsabilité (R.S.C. 1985, c.F-11).

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Conclusion

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Dans le présent document, j’ai avancé l’argument que le Gouvernement du Canada devrait maintenant adopter une approche résolument publique pour ce secteur en ce qui concerne les nominations des SM, l’extension du pouvoir de la CFP également au niveau des SM – une approche qui pourrait sembler inadaptée au secteur privé, mais qui est essentiel afin de protéger et d’améliorer le professionnalisme non partisan de la fonction publique. Mais on pourrait dire la même chose sur le rôle de l’administrateur comptable et de la communication gouvernementale. L’approche du secteur public sur ces questions pourrait ne pas convenir à une entreprise privée, parce que le principe du secteur privé est celui d’un commandement unifié. Lorsque le conseiller principal de Harper dit que le « ‘Gouvernement du Canada’ est le gouvernement du Canada », il assume tacitement ce type de modèle de gouvernance. Il prend pour acquis une approche centralisée et unifiée, qui dans le secteur public, mine rapidement le gouvernement et détruit la confiance du public. Il pourrait être raisonnable que chaque employé d’une entreprise répète le même mantra corporatif. Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les fonctionnaires deviennent des porte-paroles enrégimentés pour une communication partisane avec les médias, parce que cela porte atteinte à la confiance du public et du parlement dans la fonction publique comme institution professionnelle et non partisane, en mesure de servir tous les partis en toute impartialité. La confusion des exigences de gouvernance de la fonction publique avec celles d’une entreprise privée peut grandement nuire au gouvernement parlementaire au Canada.

Le gouvernement parlementaire est l’expression d’une confrontation démocratique. Il cherche à avancer des biens publics contestables pour le compte d’un groupe de citoyens porteurs de droits et devoirs dans un cadre de collectivité démocratique. Par conséquent, il est détenteur de la confiance solennelle publique. Et son succès dépend du développement et de la préservation de cette confiance. Dans une démocratie parlementaire, la fonction publique devrait se conduire de telle façon à retenir la confiance de tous les citoyens du Canada, et de tous les concurrents démocratiques – non seulement le gouvernement actuel – de manière à être disposée et capable de les servir, avec les mêmes dévouement et professionnalisme, si et quand, à leur tour, ils ont la confiance de la Chambre des Communes. Elle peut et doit être politiquement réactive et, simultanément, demeurer (ou devenir) volontairement non politique et non partisane.114 Effectivement, la tension dynamique entre ces deux impératifs simultanés définit la vocation d’une authentique fonction publique dans une démocratie parlementaire.

114 Un récent rapport publié par le Forum des politiques publiques recommande que les leaders de la foncton publique devraient élaborer « une plus grande acuité politique ». Ce n’est pas faux. Mais pour être utile, plutôt que corrupteur, une telle acuité politique a besoin d’être accompagnée par un sens vif de la frontière entre les valeurs du politique et celles de la fonction publique, élément sur lequel le rapprot du Forum est resté muet – bien qu’il ne reconnaît pas l’exigence pour les chefs de la fonction publique « de fournir un conseil honnête et non partisan », et pour « parler franchement de ces questions et avoir des conversations incomfortables avec des collègues et des élus » Une fonction publique horizontale, flexible et tournée vers l’avenir (Ottawa : Forum des politiques publiques, mars 2014), 11.

Le Gouvernement du Canada n’appartient pas au Ministère au pouvoir. Il appartient au peuple du Canada pour lequel les détenteurs du pouvoir ne sont que les fiduciaires, désignés à cette fin par la Couronne parce que, pour le moment ils jouissent de la confiance de la Chambre des Communes. La fonction publique sert le Ministère loyalement et fidèlement, avec chaque once de professionnalisme non partisan. Mais la fonction publique dispose de son propre espace institutionnel, ses propres valeurs, notamment son respect pour la démocratie. Et on ne devrait pas la confondre avec le Ministère qu’elle sert.115

Le « bottom line » pour le secteur public, et pour la fonction publique, n’est pas que financier. Leur « bottom line », c’est la confiance. La confiance essentielle à la démocratie parlementaire. La confiance de tous les Canadiens dans les institutions publiques et parlementaires. La confiance de tous les acteurs politiques concurrents – pas seulement ceux qui gouvernent – dans le professionnalisme non partisan de la fonction publique. Et la confiance des fonctionnaires eux-mêmes.

Une charte de la fonction publique peut contribuer à restaurer ces trois types de confiance par le biais d’un nouveau contrat moral, une nouvelle entente, entre le parlement, les ministres et la fonction publique, un contrat moral trilatéral en soutien à une fonction publique professionnelle non partisane. Elle peut renouveler la vocation de la fonction publique comme fonction publique.

Ce serait là un renouvellement de la fonction publique digne de ce nom.

115 Donald Savoie, “The Canadian public service has a personality,” Canadian Public Administration. Vol. 49, No.3 (2006), 261-281.

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RECOMMANDATIONS EN POLITIQUE1. Afin de remplir son engagement unanime dans Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs

d’actes répréhensibles (2005), le prochain parlement devrait adopter une législation nommée Charte de la fonction publique, qui établisse un nouveau contrat moral entre le parlement, le gouvernement du jour et la fonction publique en soutien à une fonction publique professionnelle et non partisane.

2. La charte de la fonction publique devrait s’appuyer sur quatre piliers au moins :

i. valeurs et éthique de la fonction publique; ii. consolider le rôle du sous-ministre comme administrateur comptable;iii. réformer le processus de nomination des sous-ministres; et iv. nouvelles règles pour la communication gouvernementale.

ÉLÉMENT NO 1 DE LA CHARTE : VALEURS ET ÉTHIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE3. La charte de la fonction publique devrait définir les valeurs

et l’éthique qu’exige une fonction publique professionnelle et

non partisane, dont elle doit faire preuve et maintenir dans tout

son travail et conduite professionnelle.

4. La charte devrait exiger de la fonction publique, des ministres,

des membres du parlement et des sénateurs de respecter ces

valeurs et de protéger la neutralité et le professionnalisme d’une

fonction publique non partisane, de manière que les trois soient

légalement obligés de préserver l’intégrité et l’impartialité

de la fonction publique, et de gouverner leurs propres actions

conséquemment.

5. Outre les directives ministérielles écrites adressées aux

administrateurs comptables (recommandations 11-13, ci-

dessous), la charte devrait interdire à tout le monde de donner

des instructions à un fonctionnaire qui soient contraires à

la charte et donner aux fonctionnaires les outils pour faire

respecter cette disposition.

6. La charte doit établir les obligations de la fonction publique

envers les ministres de la Couronne, et les obligations

ministérielles correspondantes envers la fonction publique.

7. La charte devrait également définir les principes et les règles

de base qui gouvernent la relation entre les fonctionnaires et le

parlement, surtout ses comités.

ÉLÉMENT NO 2 DE LA CHARTE : RENFORCER LE RÔLE DU SOUS-MINISTRE COMME ADMINISTRATEUR COMPTABLE8. La charte de la fonction publique devrait renforcer le rôle du

sous-ministre comme « administrateurs comptable ».

9. La charte devrait amender les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques pour qu’elles correspondent

mieux au modèle britannique.

10. La charte devrait définir (ou exiger du Conseil du Trésor

de le faire) un rôle positif plutôt que négatif pour les agents

comptables, surtout pour leur rôle dans la préservation des

valeurs de la fonction publique.

11. La charte devrait amender la Loi sur la gestion des finances publiques pour donner (ou exiger du Conseil du Trésor qu’il

donne) aux administrateurs comptables les outils que

possèdent les administrateurs comptables britanniques,

pour tracer une ligne de démarcation entre les valeurs du

politique et celles de la fonction publique, et pour définir,

en termes concrets où se trouve la ligne de démarcation de

valeurs et d’action au-delà de laquelle les politiques prennent

la responsabilité. À cette fin, elle devrait remplacer les règles

de la Loi sur les finances publiques actuelle sur la résolution

des « désaccords » entre un ministre et un administrateur

comptable au moyen d’une simple exigence de demander

une « orientation ministérielle » écrite pour toute action

administrative dont le agents comptables refuse d’assumer

la responsabilité conformément aux valeurs de la fonction

publique définies par la charte.

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12. La charte de la fonction publique devrait (ou exiger du

Conseil du Trésor qu’il le fasse) exiger des agents comptables

de tracer la ligne, non seulement pour les ministres, mais

également pour eux-mêmes et pour la fonction publique.

Elle devrait exiger des administrateurs comptables pour

s’assurer que la fonction publique – dans leurs actes et

conseils – demeure du côté de la ligne de démarcation tracée

par les valeurs et normes de la fonction publique, et qu’ils

ne s’aventurent pas sur un terrain où s’appliquent d’autres

valeurs et normes. Même si une ligne de conduite leur semble

raisonnable, sous d’autres motifs, les agents comptables

devraient exiger une orientation ministérielle officielle s’ils

pensent qu’ils ne peuvent recommander cela eux-mêmes, ou la

mettre en œuvre, ou en prendre la responsabilité, compte tenu uniquement des valeurs de la fonction publique.

13. Si une orientation ministérielle officielle est donnée par

écrit, la charte doit exiger (ou exiger du Conseil du trésor qu’il

exige) des agents comptables d’envoyer copie au Secrétariat

du Conseil du Trésor, au vérificateur général et au Comité des

comptes publics de la Chambre des Communes.

14. La charte de la fonction publique devrait éclaircir la confusion

entrainée par la Loi sur la gestion des finances publiques (2006),

à propos de la définition et du locus de l’imputabilité des agents

comptables, en amendant la Loi sur la gestion des finances publiques pour préciser que les agents comptables doivent rendre

compte au Conseil du Trésor et témoigner devant le Comité des

comptes publics de la Chambre des Communes.

ÉLÉMENT NO 3 : LA RÉFORME DU PROCESSUS DE NOMINATION DES SOUS-MINISTRES15. La charte de la fonction publique devrait établir un

nouveau processus de nomination des sous-ministres (SM),

par lequel le Commission de la fonction publique (CFP)

remplace le greffier du Conseil privé comme source non

partisane de conseil au premier ministre sur les nominations

des SM (et des sous-ministres délégués).

16. La charte devrait amender la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour élever l’autorité de nomination du la

fonction publique de sous-ministre adjoint (SMA), auquel elle

s’arrête actuellement), pour inclure également les SM (et des

SM délégués).

17. Les amendement de la charte touchant la Loi sur l’emploi dans la fonction publique devrait accorder à la CFP l’autorité

juridique d’organiser des concours internes ou externes pour

les postes des SM (et des SM délégués), pour interviewer les

candidats et faire une recommandation (ou recommandations)

au premier ministre.

18. Les amendements de la charte à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique devrait accorder au premier ministre

l’autorité de demander à la CFP une autre recommandation

(ou d’autres recommandations).

19. Si des recommandations subséquentes par la CFP ne

s’avèrent pas satisfaisantes, la charte devrait également

autoriser le gouverneur en conseil à nommer unilatéralement

un SM, mais elle devrait exiger qu’une telle décision

unilatérale soit accompagnée d’un énoncé public et d’une

explication de la mesure par le premier ministre.

20. Selon le même principe, les amendements apportés par

la charte à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique devrait

prévoir que les sous-ministres ne puissent être mutés, promus

ou mis à pied qu’après un avis et l’accord de la Commission de

la fonction publique. Comme dans le cas des nominations, la

charte devrait exiger qu’également les exceptions à cette règle

soient accompagnées par une déclaration publique et une

explication de l’action du gouvernement par le premier ministre.

21. La charte devrait précisément stipuler que ces mêmes

procédures s’appliquent à la nomination et au remplacement

du greffier, comme pour les autres sous-ministres.

22. La charte devrait exiger que les futures nominations à la

Commission de la fonction publique d’avoir l’ancienneté, la

stature, la réputation et l’indépendance nécessaires à toute

personne qui doit jouer un rôle essentiel d’un conseiller non

partisan auprès du premier ministre sur la nomination des

sous-ministres. La charte devrait par conséquent rendre les

commissaires inadmissibles à de futures nominations au sein

de la fonction publique du Canada.

23. La charte devrait amender la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour transférer le titre de chef de la fonction

publique du greffier du Conseil privé au Secrétaire du Conseil

du Trésor, le conseil de gestion du gouvernement.

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ÉLÉMENT NO 4 DE LA CHARTE : NOUVELLES RÈGLES POUR LA COMMUNICATION GOUVERNEMENTALE24. La charte de la fonction publique devrait établir de

nouvelles règles pour la communication gouvernementale,

notamment les dispositions pour assurer que les fonctionnaires

non partisans ne soient plus impliqués dans les activités de

communication à saveur partisane.

25. Selon le modèle de la Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale de l’Ontario, la charte de la fonction publique

devrait interdire toute publicité gouvernementale à saveur

partisane ou politique, et établir les procédures appropriées

pour l’application de cette interdiction (comme l’examen

préalable de toute dépense de publicité par le vérificateur

général pour certifier que la publicité est non partisane,

comme en Ontario).

26. La charte devrait faire la distinction entre les activités

de communication à saveur politique, partisane ou de

commercialisation du gouvernement et la communication

purement institutionnelle ou d’information sur les programmes,

et interdire la participation de fonctionnaires à toute activité,

ou travail, liée à la politique partisane, conformément au Code des valeurs et d’éthique et la politique de communication du

gouvernement du Canada.

27. La charte devrait affecter la responsabilité et l’imputabilité

pour assurer qu’aucun fonctionnaire ne participe à des activités

de communication partisane au sous-ministre, en vertu de leur

nouveau mandat mandat comme administrateurs comptables,

qui consiste à tracer la ligne de démarcation entre les valeurs de

la fonction publique et celles du politique, et d’assurer que les

fonctionnaires (y compris eux-mêmes) demeurent du côté de la

ligne de la fonction publique.

28. Si, pour une raison ou l’autre, la charte n’interdit pas

complètement les activités de communication à saveur partisane,

elle devrait exiger qu’elles soient traitées exclusivement par

le Bureau du premier ministre (BPM) et par les cabinets de

ministres. En l’occurrence, la charte devrait assujettir réunir tous

ces bureaux sous un organe public de surveillance, notamment la

vérification et la législation de l’accès à l’information.

29. Si la charte n’abolit pas ce qui est actuellement nommé

le secrétariat de la communication et de la consultation du

Bureau du Conseil privé (BCP), elle devrait être circonscrite au

moyen de règles plus strictes à propos du rôle, de l’importance

et des fonctions, notamment :

i. s’assurer que les fonctionnaires participent uniquement

à la communication institutionnelle, opérationnelle et

d’information sur les programmes, pas de commercialisation

stratégique et politique du gouvernement et ses réalisations;

ii. limiter la part des ressources du BCP qui peuvent servir

au secrétariat de communication;

iii. limiter le BCP à des fonctions de secrétariat du cabinet

seulement, et lui interdire d’assumer quelque rôle opérationnel

que ce soit (comme le processus de SMÉ), mais exiger que

les sous ministres, comme administrateurs comptables,

s’assurent que dans toutes les activités de communication,

les fonctionnaires respectent leurs obligations en vertu du Code de valeurs et d’éthique et de la jurisprudence canadienne,

notamment leurs obligations envers le gouvernement du jour;

iv. renforcer la responsabilité du greffier, comme agent

comptable du BCP, pour qu’il s’assure que le personnel et

les activités du BCP appuient intégralement les valeurs

d’une fonction publique non partisane dans les activités

de communication, comme dans tous les autres domaines

d’ailleurs.