14
Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2009) 8, 276—289 ÉTUDE ORIGINALE Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches — Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles Answering the needs and expectations of end of life patients and their close relatives — A survey of 64 palliative care professionals and volunteers Yaël Tibi-Levy Inserm U750, CNRS UMR 8169, centre de recherche médecine, sciences, santé, société (Cermes), 7, rue Guy-Môquet, 94801 Villejuif, France Rec ¸u le 20 avril 2009 ; accepté le 15 juillet 2009 Disponible sur Internet le 8 septembre 2009 MOTS CLÉS Soins palliatifs ; Besoins, attentes des malades et des familles ; Enquête qualitative ; Entretiens semi-directifs ; Soignants, bénévoles ; Analyse textuelle automatisée (Alceste) ; France Résumé Ce travail visait à analyser la fac ¸on dont les personnes exerc ¸ant en soins palliatifs prennent en compte les besoins et attentes des malades et de leurs proches. Il a été réa- lisé par une enquête qualitative dans dix équipes de soins palliatifs (cinq unités fixes et cinq équipes mobiles). Soixante-quatre soignants et bénévoles ont été interrogés par entretiens semi-directifs de juin 2005 à mai 2006. L’ensemble des entretiens a été enregistré et intégrale- ment retranscrit, ce qui représente près de 1900 pages de texte. Les données ont été traitées via un logiciel d’analyse textuelle (Alceste). Les termes les plus souvent utilisés pour décrire l’activité palliative tournent autour de deux thèmes : le dialogue et la disponibilité, ces thèmes étant liés à une conception particulière de la notion de « temps », un des trois mots les plus fréquents. Par ailleurs, sept profils de discours sur les pratiques palliatives ont été identifiés, ce qui nous a permis de rendre compte de la fac ¸on dont chacune des personnes interviewées « fonctionne » et de mettre en exergue les différents points sur lesquels elles se rejoignent. La discussion porte sur le matériau recueilli, sur la méthode d’analyse et sur les résultats obte- nus. Dans un contexte de diffusion de la culture palliative au sein des services classiques, ces éléments viennent rappeler le poids de la dimension relationnelle dans les pratiques palliatives et font ressortir les compétences que tout soignant hospitalier confronté à la fin de vie doit pouvoir mettre en œuvre. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Adresse e-mail : [email protected]. 1636-6522/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2009.07.001

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

  • Upload
    yael

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

M

É

Rd6

Ar

1d

édecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2009) 8, 276—289

TUDE ORIGINALE

épondre aux besoins et attentes des malades en fine vie et de leurs proches — Enquête auprès de4 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

nswering the needs and expectations of end of life patients and their closeelatives — A survey of 64 palliative care professionals and volunteers

Yaël Tibi-Levy

Inserm U750, CNRS UMR 8169, centre de recherche médecine, sciences, santé,société (Cermes), 7, rue Guy-Môquet, 94801 Villejuif, France

Recu le 20 avril 2009 ; accepté le 15 juillet 2009Disponible sur Internet le 8 septembre 2009

MOTS CLÉSSoins palliatifs ;Besoins, attentes desmalades et desfamilles ;Enquête qualitative ;Entretienssemi-directifs ;Soignants,bénévoles ;Analyse textuelleautomatisée(Alceste) ;France

Résumé Ce travail visait à analyser la facon dont les personnes exercant en soins palliatifsprennent en compte les besoins et attentes des malades et de leurs proches. Il a été réa-lisé par une enquête qualitative dans dix équipes de soins palliatifs (cinq unités fixes et cinqéquipes mobiles). Soixante-quatre soignants et bénévoles ont été interrogés par entretienssemi-directifs de juin 2005 à mai 2006. L’ensemble des entretiens a été enregistré et intégrale-ment retranscrit, ce qui représente près de 1900 pages de texte. Les données ont été traitéesvia un logiciel d’analyse textuelle (Alceste). Les termes les plus souvent utilisés pour décrirel’activité palliative tournent autour de deux thèmes : le dialogue et la disponibilité, ces thèmesétant liés à une conception particulière de la notion de « temps », un des trois mots les plusfréquents. Par ailleurs, sept profils de discours sur les pratiques palliatives ont été identifiés,ce qui nous a permis de rendre compte de la facon dont chacune des personnes interviewées« fonctionne » et de mettre en exergue les différents points sur lesquels elles se rejoignent. Ladiscussion porte sur le matériau recueilli, sur la méthode d’analyse et sur les résultats obte-nus. Dans un contexte de diffusion de la culture palliative au sein des services classiques, ces

éléments viennent rappeler le poids de la dimension relationnelle dans les pratiques palliatives

tences que tout soignant hospitalier confronté à la fin de vie doit

et font ressortir les compé pouvoir mettre en œuvre.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : [email protected].

636-6522/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.medpal.2009.07.001

Page 2: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches 277

KEYWORDSPalliative Care;Needs, expectationsof patients andfamilies;Qualitative survey;Semi-directiveinterviews;Health-care workers,volunteers;Computerized textanalysis;France

Summary This study sought to analyse how palliative care workers account for the needs andexpectations of patients and their close families. Qualitative surveys were conducted in tenhealth-care teams (five palliative care units and five palliative care support teams). BetweenJune 2005 and May 2006, 64 members of health-care teams and volunteer workers participatedin semi-directive interviews. All interviews were recorded and fully transcribed, generating1900 pages of text. Data were analysed with the Alceste text analysis software. The terms postfrequently used to describe palliative activities evolved around two themes: dialogue and avai-lability. These themes were related to a particular conception of the notion of ‘‘time’’, one ofthe three words most often used. In addition, seven discourse profiles on palliative practiceswere identified. This enabled us to account for the way in which each of the persons intervie-wed ‘‘functioned’’ and to identify the commonalities in the different points. We discussed thematerial obtained, the method for analysing the data and the results. In a context in whichthe palliative culture is being integrated into classical hospital services, these elements recallthe importance of the human relationships dimensions in palliative practices and highlight thecompetences that all hospital health-care workers confronted with the end of life have to adopt.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

M

Ue

LplddCcràuCévs

Up

De(e4dvrsept médecins, dix infirmières, cinq aides-soignantes,neuf psychologues), 15 « soignants référents »2 (soignantsexercant en unité de soins classique et faisant appel dansleur pratique à l’EMSP de leur hôpital) et huit bénévoles

Introduction

Les soins palliatifs (SP) constituent une priorité nationale,notamment dans les hôpitaux [1—4]. Après une périodesoutenue de création d’équipes spécifiques — unités desoins palliatifs (USP) et équipes mobiles de soins pallia-tifs (EMSP) — il est désormais demandé à tous les soignantsconfrontés à la mort d’adopter une « démarche pallia-tive », c’est-à-dire de réviser leurs pratiques en matièrede prise en charge des personnes en fin de vie et deleurs proches [5,6]. À cette fin, le manuel d’accréditationdes établissements a été complété [7], des recommanda-tions de bonnes pratiques professionnelles ont été établies[8—10], un guide a été diffusé aux hôpitaux [11,12] etdes moyens matériels et humains spécifiques ont étédéployés (au travers du concept de « lits identifiés de SP »)[12,13].

Dans ce cadre, l’implication des patients et de leursproches au dispositif de soins qui les concerne, est pré-sentée comme un impératif [9]. Or, comment les amenerà « révéler » leurs souhaits de prise en charge, aussi diffusqu’implicites ? Comment prendre en compte leurs besoins etattentes, c’est-à-dire comment les évaluer, y répondre auplus juste et s’assurer de l’adéquation des réponses appor-tées ? En tant que pôles de compétences, les USP et les EMSPconstituent des sites privilégiés pour étudier ces questions.

L’objectif de ce travail était d’analyser lafacon dont les professionnels qui travaillent dans

ces équipes et les bénévoles parlent de leurpratique quotidienne auprès de personnes en fin

de vie et de leurs familles.

Il s’agissait à la fois de faire ressortir le vocabulaire qu’ilsutilisent dans l’ensemble pour décrire leur activité et defaire émerger d’éventuels profils de discours sur les pra-tiques palliatives.

d

atériel et méthode

ne enquête qualitative, conduite parntretiens semi-directifs

es enquêtes qualitatives par entretiens semi-directifs ontour intérêt majeur de pouvoir approcher de facon directees personnes dont on souhaite recueillir le point de vue,’enregistrer et de retranscrire leurs discours et au final,e pouvoir travailler sur un matériau potentiellement riche.ontrairement aux questionnaires (même à réponses libres),ette méthode présente l’avantage d’être interactive : leésultat des entretiens est, en effet, le fruit d’une relationdouble sens entre enquêté et enquêteur, ce qui permet

ne exploration large des questions de recherche posées.e type d’enquête est, par ailleurs, bien adapté à destudes comme la nôtre, où les pratiques sont probablementariables et où le vocabulaire utilisé par chacun pour décrireon activité joue un rôle important.

ne enquête menée dans dix équipes de soinsalliatifs auprès de 64 soignants et bénévoles

ix équipes de SP ont participé à cette enquête : cinq USPt cinq EMSP. Elles diffèrent par leur lieu d’implantationParis/Province, statut de l’hôpital dans lequel ellesxercent), leur taille (8 à 15 lits pour les USP, 56 à52 patients suivis par an pour les EMSP) et leur niveau’encadrement humain (en valeur absolue, comme enaleur relative). Au total, 64 personnes y ont été inter-ogées : 41 professionnels des SP (dix chefs d’équipe1,

’accompagnement (Tableau 1).

1 Tous, médecins.2 Selon les cas, médecins ou cadres-infirmiers.

Page 3: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

278 Y. Tibi-Levy

Tableau 1 Nombre d’entretiens conduits et durées des enregistrements.Number of interviews conducted and duration of the recordings.

Nombre d’entretiens Durée des entretiens (heures, minutes)

USP EMSP Total En % Moyenne Écart-type Minimum Maximum

Chefs d’équipe 5 5 10 16 2 h 10 0 h 20 1 h 30 2 h 30Autres soignants 18 13 31 48 1 h 45 0 h 24 0 h 50 2 h 55

Médecins 4 3 7 11 1 h 46 0 h 25 0 h 50 2 h 00Infirmières 5 5 10 16 1 h 40 0 h 23 1 h 00 2 h 15Aides-soignantes 5 0 5 8 1 h 36 0 h 19 1 h 15 1 h 55Psychologues 4 5 9 14 1 h 55 0 h 29 1 h 10 2 h 55

Bénévoles 4 4 8 13 1 h 32 0 h 13 1 h 15 1 h 55Soignants référents — 15 15 23 1 h 16 0 h 21 0 h 50 1 h 50

L

Lpscypdédàmlidàiedm

L

csesruflm

n

etamtgCmqd

lI•

R

Analyse globale : vocabulaire le plus fréquentsur l’ensemble du corpus

Alceste a identifié 8749 unites de contexte élémentaires(UCE)6, à partir des 64 unités de contextes initiales

7

Ensemble 27 37 64 100En % 42 58 100

es données recueillies

es entretiens ont été conduits de juin 2005 à mai 2006ar une sociologue expérimentée dans l’interview deoignants. Ils ont été réalisés via un guide d’entretienoncu spécifiquement à cette fin [14]. Deux grands thèmesont été abordés : la facon dont les personnes interrogéesrennent en compte au quotidien les besoins et attenteses patients et de leurs proches et la manière dont ellesvaluent la justesse de leurs actions. Les entretiens onturé en moyenne 1 h 40 (50 minutes pour le plus court3 heures) (Tableau 1). Ils ont tous été enregistrés suricrophone (107 heures d’enregistrement au total), avec

’accord des personnes interrogées. Ils ont ensuite éténtégralement retranscrits, ce qui représente 1862 pagese texte (interligne simple). Par ailleurs, et préalablement

chaque entrevue, les caractéristiques des personnesnterrogées (équipe d’appartenance, fonction, âge3, sexe)t des équipes étudiées (type4, zone géographique, niveau’encadrement humain) ont été relevées, afin de pouvoirettre en perspective le discours de chacun.

e traitement des données

Les entretiens ont été analysés via un logicield’analyse de données textuelles : Alceste [15].

Ce logiciel, fondé sur la statistique lexicale et la lexi-ométrie, permet de faire ressortir les structures les plusignifiantes de textes, de déterminer des profils de discourst de croiser les textes avec un certain nombre de variablesignalétiques (ici, les caractéristiques des personnes inter-

ogées et de l’équipe dans laquelle elles exercent). Il utilisene classification descendante hiérarchique et procède parractionnements successifs des textes à analyser. Avant deancer les premières analyses, la base de données a été for-atée et nettoyée : le texte a été mis en forme pour être

3 Variable permettant de prendre en compte indirectement leiveau d’expérience professionnelle de chacun.4 USP ou EMSP.

(

f(

e

d

1 h 41 0 h 28 0 h 50 2 h 55Total : 107 h d’enregistrement d’entretiens

xploitable (corrections orthographiques, regroupements deermes, codification des sigles), le dictionnaire de locutionsété vérifié (17 000 termes), les principales « erreurs » com-ises par le logiciel (de lemmatisation5, d’affectation de

ypes de locution, de certaines homonymies) ont été corri-ées en replacant les termes dans leur contexte syntaxique.ette facon de procéder (nettoyer avant d’analyser) a étéotivée par la lecture d’un certain nombre de documents,ui soulignent les difficultés de l’utilisation non avertie’outils d’analyse textuelle tels qu’Alceste [16—18].

L’analyse des données a été réalisée en trois temps, aveca participation active des promoteurs du logiciel (la sociétémage) :

une analyse globale, qui a consisté à lister les termes lesplus fréquents sur l’ensemble du corpus ;une analyse par fonction, qui a consisté à faire ressor-tir le noyau de discours commun à toutes les personnesinterrogées, quelle que soit leur place dans l’équipe desoins ;une analyse factorielle et une classification, qui ontconsisté à faire émerger des profils de discours sur lespratiques palliatives et à extraire pour chaque profil lesstructures de texte les plus représentatives.

ésultats

UCI) étudiées. À l’issue du processus de lemmatisation,

5 Opération utilisée en linguistique, qui consiste à ramener desormes fléchies (conjuguées, plurielles, etc.) à des formes standardinfinitif ou singulier).6 Les UCE sont des segments de texte, obtenus par paramétraget découpage de l’ensemble du corpus à étudier.7 Les UCI sont les unités naturelles du texte à analyser (ici : lesifférents entretiens).

Page 4: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches 279

Tableau 2 Vocabulaire le plus souvent utilisé par les64 personnes interrogées.Vocabulary used most often by the 64 people interviewed.

Mot employé n

Dialogue/écouteDemander 2793Parler 1952Question 986Penser 721Écouter 717Poser 714Entendre 675Entretien 603Répondre 547Information 518Contact 512Relation 443Expliquer 481

SavoirSavoir 605Connaître 471

RéflexionComprendre 563

TatonnementEssayer 1164Trouver 810Permettre 606Pouvoir 449

IntuitionSentir 610

DéplacementsArriver 1828Venir 1749Appeler 891Rester 841Suivre 752Passer 671Intervenir 605Revenir 495Accompagner 526Retourner 463Rentrer 453

Autres verbes d’actionDonner 1032Prendre 1508Mettre 1460

TempsTemps 1918Fois 1671Passe 1186Moment 1073Jour 1179Heure 963An 815Présent 473

VéritéVraiment 1624Vrai 1215

Tableau 2 (Suite)

Mot employé n

Hôpital/travailService 2445Soigner 1190Travail 1006Soin 999Hôpital 753

Moyens humainsÉquipe 2706Infirmière 1857Bénévole 994Médica 840Médecin 747Personnel 626

ConcertationRéunion 448

FormationFormation 783

Malades/famillesGens 1269Malades 974Cas 763Situation 684Enfant 619Personne 523

Besoins/attentesBesoin 1633Envie 605Souhait 453

DifficultésPsycho 1385Problème 965Douleur 933Difficile 826

OutilsDossier 895Outils 682

n : nombre de fois ou chaque forme de mot apparaît dans le

1plps«(v(tt(

mp

texte.

366 formes réduites8 ont été obtenues. Le Tableau 2résente les formes les plus fréquentes trouvées sur’ensemble du corpus. Les cinq mots les plus usitésar les personnes interrogées pour décrire leur activitéont : « demander » (utilisé 2793 fois), « parler » (1952 fois),temps » (1918 fois), « arriver » (1828 fois) et « venir »

1749 fois). Huit grands thèmes ressortent de cette étude deocabulaire : le dialogue avec les patients et leurs proches

questionner, écouter, répondre), le savoir (savoir, connaî-re), la réflexion (comprendre), le tâtonnement (essayer,rouver), l’intuition (sentir), les déplacements fréquentsrevenir, passer, rentrer), le temps (fois, moment, jour) et la

8 Une forme réduite est un ensemble de termes comportant uneême racine (ex : « accompagn + » est la forme réduite de : accom-agnant, accompagne, accompagnait, accompagnées, etc.).

Page 5: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

2

volcpdt«stbt

An

Ccp[

mpaip(qdatv(f

U

fcds

CLdeecpj

mnur

CLdccctdm«sqds

CLbl(fvs(c

80

érité (vraiment, vrai). En outre, les personnes interrogéesnt souvent insisté sur un aspect particulier de leur travail :a prise en charge de la souffrance (douleur, troubles psy-hologiques), ainsi que sur l’importance que représententour elles réunions d’équipe (pouvoir partager des pointse vue et prendre des décisions concertées) et forma-ion. Enfin, nous avons noté que les termes « besoins » etattentes », que nous avions utilisés lors des entretiens, ontouvent été substitués par les personnes interrogées par lesermes d’« envies », de « souhaits » et de « désirs », proba-lement moins abstraits et plus proches de leur pratique deerrain.

nalyse par fonction : détermination d’unoyau commun de discours

omme toute équipe hospitalière, les équipes de SP sontonstituées d’une hétérogénéité d’individus, chacun occu-ant une place particulière dans le processus de soins19—21].

Au-delà de cette multiplicité de fonctions,existe-t-il un noyau de discours commun à toutes

les personnes exercant en SP ?

Qu’est-ce qui les rassemble dans leur facon d’aborderalades et familles ? Quels compétences et savoirsartagent-elles ? Pour répondre à ces questions, nousvons listé, pour chacune des catégories de personnesnterviewées, les 50 formes de mots les plus fréquentes,uis signalé en gras celles présentes systématiquementTableau 3). Ce faisant, nous avons souligné l’importanceue représentent pour elles toutes, le dialogue (dire,emander, parler, questionner), la disponibilité (aller, venir,rriver), les investigations et réajustements permanents deraitements et de prises en charge (savoir, essayer, pou-oir), ainsi que l’attention à porter aux proches des maladesfamille), l’ensemble de ces éléments réunis constituant deait le cœur du travail en SP.

ne typologie en sept classes

La classification a mis en évidence sept profilsde discours, chacun dévoilant une facette de ce

que sont les SP (Tableau 4).

Nous les présentons ci-dessous en précisant à chaqueois les personnes majoritairement associées à ceslasses (nombre, fonction, type et numéro de l’équipe’appartenance) et en fournissant des extraits de discoursignificatifs.

lasse 1 : les « institutionnels » (n = 15)a première classe était constituée essentiellement de chefs’équipe, de soignants référents et de membres des EMSP 3

t 5. Les aspects institutionnels qui entourent les prisesn charge ont été évoqués davantage que dans les autreslasses (ex : établissement, direction, moyens financiers,olitique, travail, personnel, coordination, formation, pro-et). Leur discours se placait souvent sur une perspective de

Y. Tibi-Levy

oyen ou long terme (année) et était riche en chiffres etombres. En revanche, relativement peu de verbes ont ététilisés (par rapport aux autres classes). L’extrait suivant esteprésentatif :

« Le contexte institutionnel, il est dicté par le contextelégislatif et les nombreuses circulaires, essentiellementla loi de juin 1999, les circulaires de mars 2002 et de 2004(qui rappellent les missions des équipes de SP, les obli-gations des établissements de soins au niveau de ladirection et au niveau de la communauté hospitalière),et puis beaucoup plus récemment (dans le cadre de la cir-culaire de 2004 et le SROS de cancérologie), la questiondes lits identifiés. » (UCI no 43, chef d’équipe, EMSP 3,homme, 38 ans).

lasse 2 : Les « formalisateurs » (n = 11)a classe 2 était constituée en particulier de chefs d’équipe,e soignants référents et de membres de l’USP 5. Elle searactérisait par une formalisation importante des pro-édures de soins (fiches, notes, protocoles), un recueilonséquent d’informations écrites (avec datages et utilisa-ion de couleurs), l’usage fréquent du téléphone, du fax ete l’informatique, et de nombreux temps d’échange (trans-issions, réunions). L’évaluation des soins, le repérage deschangements » divers (symptômes, comportements) et laatisfaction des malades et de leurs proches ont été évo-ués à plusieurs reprises au cours de ces entretiens commees éléments fondamentaux. La citation suivante est repré-entative :

« À l’avenir, on dissociera dans le dossier la partie éva-luation ou réévaluation (qui elle sera informatisée) etla partie évolution (qui fera l’objet de transmissionsciblées communes). Les infirmières font aussi ce qu’onappelle une macro cible. C’est en fait une vision globalede l’infirmière tant dans le domaine clinique, thérapeu-tique que relationnel. » (UCI no 22, chef d’équipe, USP 5,homme, 50 ans).

lasse 3 : les « offreurs de présence » (n = 8)a classe 3 était composée de bénévoles (six sur les huiténévoles interviewés), d’une infirmière et d’une psycho-ogue. Ces personnes étaient plus âgées que la moyenneplus de 60 ans) et intervenaient en général dans des USPaiblement dotée en personnel. Leurs discours étaient sou-ent axés sur le contact, le dialogue, la disponibilité et laimplicité et comportaient un nombre important de verbesasseoir, proposer, indiquer, etc.). L’extrait est illustratif deette classe :

« Dans les trois quarts des cas, le patient va nous préci-ser de nous asseoir. Si tel est le cas, ca signifie que lesoigné, le patient a envie d’être visité, qu’on reste un

petit moment avec lui. Ce que les bénévoles essaient defaire, c’est à chaque fois une nouvelle remise en appli-cation de ce principe : c’est d’être au mieux ouvert enquelque sorte, d’être réellement à l’écoute. » (UCI no 11,bénévole, USP 2, homme, 51 ans).
Page 6: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

Répondreaux

besoinset

attentesdes

malades

enfin

devie

etde

leursproches

281

Tableau 3 Cinquante principaux termes employés par chaque type de personnes interrogées.Fifty principal terms used by each category of persons interviewed.

Chefs d’équipe Médecins Infirmières Aides-soiugnantes Psychologues Soignants référents Bénévoles

Forme de mots n Forme de mots n Forme de mots n Forme de mots n Forme de mots n Forme de mots n Forme de mots n

Aller 799 Pouvoir 458 Pati + ent 662 Aller 311 Aller 628 Pati + ent 786 Aller 489pati + ent 724 Dire 451 Aller 598 Dire 266 Pouvoir 623 Équipe—mobile 571 Pouvoir 449Pouvoir 666 Pati + ent 449 Pouvoir 590 Pouvoir 261 Pati + ent 617 Faire 554 Bénévol < 432Faire 651 Aller 438 Faire 534 Faire 254 Dire 582 Aller 524 Dire 421Dire 641 Faire 411 Dire 488 Voir 248 Faire 525 Dire 517 Faire 388Voir 511 Quand 386 Dire + 411 Pati + ent 227 Voir 501 Pouvoir 516 Dire + 372Dire + 494 Dire + 355 Voir 394 Quand 216 Dire + 483 Dire + 470 Voir 321Savoir 439 Voir 298 Quand 342 Personne 198 Psycho < 382 Équipe + 455 Savoir 285Équipe + 424 Famille + 295 Famille + 337 Dire + 194 Demand +er 353 Quand 405 Vouloir 268Service + 401 Savoir 278 Demand + er 335 Famille + 171 Savoir 347 Service + 378 Malade + 233Vouloir 389 Vouloir 277 Savoir 326 Savoir 167 Famille + 325 Savoir 370 Soign + er 233Famille + 356 Demand + er 223 Équipe + 286 Vouloir 166 Vouloir 323 Demand + er 363 Parl + er 232Demand + er 329 Équipe + 202 Infirm + e 286 Arriv + er 151 Équipe + 300 Soins palliatifs 347 Famille + 231Falloir 322 Service + 192 Falloir 278 Falloir 140 Parl + er 295 Infirm + e 337 Pati + ent 222Temps 310 Falloir 187 Fois 270 Demand + er 138 Arriv + er 279 Vouloir 308 Personne 221Soins palliatifs 292 Soins palliatifs 180 Vouloir 268 Fois 120 Falloir 259 Famille + 298 Demand + er 213Infirm + e 278 Arriv + er 179 Service + 267 Venir 119 Venir 254 Vrai + 284 Falloir 191Mettre 256 Gens 178 Prendre 217 Prendre 118 Temps 245 Venir 258 Venir 165Essa + yer 248 Temps 168 Vrai + 216 Temps 113 Service + 214 Besoin + 244 Arriv + er 158Parl + er 243 Parl + er 163 Arriv + er 213 Service + 111 Toujours 210 Prendre 233 Écout + er 154Venir 242 Venir 147 Parl + er 213 Parl + er 110 Vraiment 199 Parl + er 232 Moment + 153Fois 239 Dmédecin 144 Vraiment 212 Vraiment 110 Besoin + 191 Appel + er 232 Fois 151Prendre 233 Prendre 140 Mettre 211 Toujours 110 Gens 187 Falloir 232 Service + 147Besoin + 232 Fois 140 Temps 199 Besoin + 97 Fois 183 Vraiment 228 Besoin + 132Arriv + er 224 Toujours 139 Soins palliatifs 198 Infirm + e 96 Travail < 178 Fois 220 Toujours 127Gens 216 Souvent 139 Souvent 185 Aide-soignant + 94 Mettre 173 Mettre 213 Passe 126Dmédecin 216 Mettre 135 Essa + yer 180 Moment + 93 Souvent 171 Arriv + er 211 Temps 121Toujours 197 Besoin + 130 Besoin + 180 Vrai + 91 Prendre 169 Soin + 208 Équipe + 118Question + 193 Médica < 129 Toujours 172 Soin + 85 Personne 169 Toujours 195 Rest + er 116Souvent 189 Entretien + 123 Gens 163 Mettre 84 Moment + 167 Temps 193 Envi + e 110Psycho < 187 Personne 121 Venir 163 Souvent 82 Passe 165 Dmédecin 192 Prendre 109Travail < 184 Passe 119 Moment + 148 Passe 81 Soign + er 162 Donn + er 187 Pass + er 107Appel + er 183 Vraiment 119 Soin + 144 Heure + 79 Essa + yer 160 Niveau + 180 Souvent 105Malade + 181 Infirm + e 119 Prise en charge 144 Chambre + 76 Parfois 154 Prise en charge 180 Question + 102Douleur + 181 Import + ant 118 Passe 143 Rest + er 73 Difficile + 145 Medica < 167 Accompagn + er 101Passe 171 Donn + er 115 Import + ant 143 Travail < 72 Suivre 144 Problèm < 161 Heure + 100Import + ant 166 Essa + yer 111 Problèm < 140 Essa + yer 70 Question + 143 Médecin < 159 Donn + er 96Médica < 164 Difficile + 111 Soign + er 132 Gens 69 Vrai + 141 Douleur + 149 Personne + 93

Page 7: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

282

Tabl

eau

3(S

uite

)

Chef

sd’

équi

peM

édec

ins

Infir

miè

res

Aide

s-so

iugn

ante

sPs

ycho

logu

esSo

igna

nts

réfé

rent

sBé

névo

les

Form

ede

mot

sn

Form

ede

mot

sn

Form

ede

mot

sn

Form

ede

mot

sn

Form

ede

mot

sn

Form

ede

mot

sn

Form

ede

mot

sn

Prob

lem

<16

4M

omen

t+10

9H

eure

+12

5D

méd

ecin

69En

tend

re13

2Ap

pel+

149

Impo

rt+

ant

90Tr

ouv

+er

163

Dou

leur

+96

Trav

ail<

124

Mal

ade

+68

Infir

m+

e13

2G

ens

143

Soin

spa

lliat

ifs

90M

édec

in<

157

Trou

v+

er94

Envi

+e

123

Soin

spa

lliat

ifs

67So

ins

palli

atif

s13

2D

ossi

er+

141

Vrai

+86

Don

n+

er15

4En

tend

re94

Pers

onne

123

Don

n+

er63

Trou

v+

er13

1So

uven

t13

7Pe

rson

nel+

85So

ign

+er

146

Com

pren

dre.

91D

méd

ecin

122

Soig

n+

er62

Don

n+

er12

9Q

uest

ion

+13

0En

tend

re85

Dos

sier

+14

4Vr

ai+

91D

onn

+er

120

Trou

v+

er60

Dm

édec

in12

8In

form

at+

ion

123

Essa

+ye

r84

Mom

ent+

135

Que

stio

n+

90Re

st+

er11

7Sa

voir

+56

Enf+

ant

125

Mom

ent+

122

Cham

bre

+82

Suiv

re13

1Pe

ns+

er90

Que

stio

n+

103

Pers

onne

l+56

Pens

+er

114

Pass

+er

121

Parf

ois

81O

util

+23

129

Prob

lem

<89

Pos+

er10

0Q

uest

ion

+55

Rest

+er

111

Trav

ail<

117

Jour

+78

Dif

ficile

+12

9M

édec

in<

87D

iffic

ile+

94Éc

out+

er54

Sent

ir11

1Pe

rson

ne11

6Se

ntir

78Re

st+

er12

4So

ign

+er

82Pe

rmet

tre

90Q

uelq

uefo

is54

Pass

+er

110

Atte

ntes

111

5Sa

voir

+77

Pos+

er12

4En

tre

81Re

ntr+

er90

Impo

rt+

ant

51Pr

oble

m<

108

Pens

+er

107

Pens

+er

75

n:

nom

bre

defo

isoù

chaq

uefo

rme

dem

ots

appa

raît

dans

lete

xte

;en

gras

:te

rmes

com

mun

sau

xse

ptcl

asse

s.

CLdlspqu((d(rd

CLdrleaptciae

CLleamaté

Y. Tibi-Levy

lasse 4 : les « (très) attentifs aux familles » (n = 8)a classe 4 était composée essentiellement d’infirmières,’aides-soignantes, de psychologues et de membres de’USP 1. Très attentives à l’entourage des malades, ces per-onnes ont utilisé un vocabulaire riche en marqueurs de laersonne (enfants, mari, ami, dame, monsieur), ont expli-ué se déplacer souvent (voir, revoir) et nous ont fournin grand nombre d’exemples. Au-delà des soins de basetoilette, alimentation, vêtements) et des soins techniquessondes, pansements), deux autres éléments ont évoquésavantage que dans les autres classes : les aspects funérairescorps, levée) et tout ce qui touche aux émotions (« pleurer,efuser, supporter »). La citation suivante est représentativee cette classe :

« Le père, les quelques années qui le séparaient avec safamille, ca le creusait. Voir son épouse qui se préparait àquitter sa vie, voir les enfants qui grandissaient, c’étaitaussi la déchirure de voir que les enfants allaient êtreorphelins. C’était un contexte très, très, très chargé,voyez. Donc le jour où la maman se préparait à quitterson corps, comme ca, on a appelé. Les enfants cir-culaient. Les grands venaient sans arrêt caresser leurmaman, ils parlaient avec leur mère. » (UCI no 9, aide-soignante, USP 2, femme, 51 ans).

lasse 5 : les « déductifs » (n = 8)a classe 5 était surtout composée de soignants référents ete membres des EMSP 2 et 4. Leur discours était bâti sur laéflexion (comprendre, penser, réfléchir, interpréter, déce-er), la relation à l’autre (questionner, demander, écouter,ntendre) et la résolution de difficultés (« régler, problème,vis »). Les aspects psychologiques, sociaux et familiaux desrises en charge ont souvent été évoqués par ces personnes,out comme le « respect » des valeurs individuelles. Ces dis-ours étaient souvent ponctués de silences (marquant desnstants de réflexion) et de « je pense ». Ils étaient riches endverbes (« justement », « finalement », « certainement ») etn exemples. L’extrait suivant est représentatif :

« Quand le patient se dégrade, c’est vrai que les famillesnous disent : ‘‘surtout, il ne faut pas qu’il souffre, enfinil souhaiterait, enfin il a toujours dit que s’il lui arrivaitquelque chose, ce qu’il voulait, c’était ne pas souffrir’’.Souvent, c’est dans le discours de la famille qu’on arriveà déceler des bribes de notions philosophiques ou autrespar rapport à la mort, à la dégradation physique. » (UCIno 55, médecin référent, EMSP 4, femme, 45 ans).

lasse 6 : les « psychologues » (n = 10)a classe 6 était composée essentiellement de psycho-ogues (quatre sur les neuf interviewés), de médecinst de soignants de l’USP 3. Leur discours était souvent

xé sur des aspects psychologiques (psycho, souffrance,oral, émotion, personnalité, expérience, perception). Par

illeurs, la question de la « juste » ou de la « bonne » dis-ance par rapport aux malades et à leurs proches a étévoquée à plusieurs reprises, ainsi que les « décalages »

Page 8: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches 283

Tableau 4 Récapitulatif des résultats par classe.Summary of the results by class.

Classe (en % d’UCE) Principales caractéristiquesdes personnes associées à cesUCE

Principaux termes utilisés par cespersonnes

Analysegrammaticale(beaucoup de. . .)

1 (21)a

Les« institutionnels »

Chefs d’équipe, référentsMembres des EMSP 3 et 5HommesProvince

Établissement, unité, soins palliatifs,EMSP, formation, diplôme, diplômeuniversitaire, activité, poste, mi-temps,direction

Nombres (�2 = 946)

2 (17)a

Les« formalisateurs »

Chefs d’équipe, référentsMembres de l’USP 550—59 ans

Information, outils, évaluation,transmissions, remplir, feuille, papier,notes, référents

Couleurs (�2 = 103)Mois/jour (�2 = 102)

3 (16%)a

Les « offreurs deprésence »

Bénévoles, une infirmière,une psychologuePlus de 60 ansÎle-de-France, USP ayant unfaible ratio en personnel

Contact, rencontre, visite, rendez-vous,conversation, dialogue, rencontrer,entrer, arriver, passer, aller, asseoir,accueillir, présenter

Verbes (�2 = 95)

4 (15)a

Les « très attentifsaux proches »

Infirmières, aides-soignantes,psychologues (femmes)Membres de l’USP 1USP ayant un faible ratio enpersonnel

Enfants, fille, femme, mère, mari,maman, père, fils, parents, papa,maison, mourir, décéder, décès, mort,descendre, sortir, rentrer, venir,emmener

Marqueurs de lafamille (�2 = 1.283)Marqueurs de lapersonne (�2 = 78)

5 (12)a

Les « déductifs »aRéférentsMembres des EMSP 2 et 4Moins de 30 ans

Ajustement, questionner, penser Adverbes enment (�2 = 58)

6 (11)a

Les« psychologues »

Psychologues, médecinsHommes, 30—39 ansÎle-de-France

Personnalité, verbal, esprit, perception,positif, ajuster

Adverbes enment (�2 = 24)Marqueursd’intensité (�2 = 22)

7 (8)a

Les « cliniciens/techniciens »

Médecins, référents40—49 ans

Symptômes, dyspnée, dégradation,saigner, étouffement, dose, morphinique,soulagement, sédation, phase, pronostic

Verbes (�2 = 75)

ilisée

CLdpctstttféaed

UCE : unité de contexte élémentaire (unité statistique de base uta Répartition des UCE entre chaque classe ; �2 : Khi2.

ou « erreurs » de jugement potentiels entre ce que sou-haitent malades et familles et ce qui leur est effectivementoffert. Plutôt que de parler de « besoins » et « attentes »(termes que nous avions utilisés dans les entretiens), cespersonnes ont plus volontiers parlé de « désirs » et ontexpliqué beaucoup jouer sur l’observation et l’intuition(apercevoir, appréhender, ressentir). Dans ce cadre, la rela-tion de ces personnes aux patients et à leurs prochesest particulièrement travaillée (« verbal, communication,groupe de parole »). La citation suivante illustre ce type dediscours :

« On peut être vu comme quelqu’un d’extraordinaire à unmoment et être le plus mauvais à un autre. [. . .] Mais, onsait très bien que ces appréciations de bon ou de mau-

vais, c’est hautement subjectif. Donc je travaille aveccette subjectivité là. Par contre, c’est vrai que pour moiune des choses qui va me faire dire si je suis nul ou pas,c’est ce que je ressens. » (UCI no 5, psychologue, USP 1,homme, 38 ans).

par Alceste).

lasse 7 : les « cliniciens/techniciens » (n = 4)a classe 7 était la plus petite : deux médecins d’USP eteux soignants référents y étaient associés, soit quatreersonnes sur les 64 interrogées. Leur discours était pluslinique et technique que celui observé par ailleurs. En par-iculier, les termes évoquant la maladie (cancer, métastasesymptômes), les traitements (traitements, curatif, chimio-hérapie), l’échec (échec, catastrophe), la mort (pronostic,erminal, mourir, euthanasie) et la souffrance (insuppor-able, douloureux, terrible, brutal) y ont été utilisés deacon relativement fréquente. Le discours de ces personnestait riche en verbes (anticiper, réagir, diminuer-arrêter-ugmenter-accélérer-attendre, soulager-calmer, acharner-ndormir, cacher-mentir). L’extrait suivant est représentatife cette classe :

« Moi, j’étais là quand il a saigné. Et moi, j’ai dit aumonsieur : ‘‘on va démarrer le traitement pour vousfaire dormir parce que vous saignez beaucoup trop et cen’est plus possible.’’ Et lui m’a dit : ‘‘oui’’. Donc, on a

Page 9: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

2

R

LtcK•

slld•

D

Ut

Ledpd11pprcc

dladdl

U

nes6dpdatEtpcaàedl

cAoSdlmppttq

84

démarré l’hypnovel. Une fois qu’on démarre l’hypnovel,nous, on ne fait plus marche arrière. C’est-à-dire que lesmalades, ils dorment, ils dorment, c’est un coma, maisils dorment. Ils sont réveillables si on arrête le traite-ment, mais nous, on les fait dormir. . . jusqu au décès. »(UCI no 40, soignant référent, EMSP 2, femme, 48 ans).

eprésentation graphique

a Fig. 1 présente la facon dont les sept classes se posi-ionnent sur les deux premiers axes factoriels, ainsi que lesinq mots les plus représentatifs de chaque classe (base :hi2). Cette figure met en évidence deux éléments :d’une part, une intersection forte entre les groupes « trèsattentifs aux familles », « déductifs », « offreurs de pré-sence » et « psychologues » : c’est ce qui les rassembledans leur facon de prendre en compte les besoins etattentes des malades et de leurs proches ;d’autre part, une opposition nette entre ces quatregroupes et les trois autres (institutionnels, formalisa-teurs, cliniciens/techniciens), constitués essentiellementde chefs d’équipe, de médecins de SP et de soignants deservice classique.

Mais, même si cette opposition existe, notons que lesept groupes ont une intersection importante, signalée sure graphique par la mention « noyau commun ». Par ailleurs,a Fig. 1 met en exergue deux grandes oppositions, via seseux axes factoriels :l’axe des abscisses oppose les personnes dont les pra-tiques de soins sont fondées sur l’écrit et l’utilisationd’outils (livrets, questionnaires, échelles) (coordonnéespositives) aux personnes dont les pratiques sont davan-tage basées sur la relation directe aux malades et à leursproches (soins de base, aspects relationnels) (coordon-nées négatives) ;l’axe des ordonnées oppose les personnes dont le dis-cours est centré sur la pratique de terrain (formalisation,notes, fax) (coordonnées positives) aux personnes dontles propos sont davantage axés sur les aspects institution-nels (gestion du personnel, formation, moyens financiers)(coordonnées négatives).

iscussion

n matériau riche et dont la qualité a étéestée

e matériau recueilli est d’une grande richesse. Obtenu parntretiens semi-directifs auprès de 64 membres d’équipese SP d’horizons divers (USP/EMSP, Île-de-France/Province,rofessionnels/bénévoles), le corpus analysé (107 heures’entretiens intégralement retranscrit) comporte près de900 pages de texte. Chaque entretien a duré en moyenneh 40 (Tableau 1), au cours de laquelle chacun a pu

arler avec ses mots et son expérience propre de saratique quotidienne en équipe de SP. Par ailleurs, laéalisation et la retranscription des entretiens ont étéonfiées à une sociologue expérimentée en la matière,e qui a sans doute permis de constituer un corpus de

drpr(

Y. Tibi-Levy

onnées de qualité. Enfin, un important travail préa-able de formatage de texte et de vérification/correction

été effectué ; si ce travail a été long et fasti-ieux, il a probablement permis de fiabiliser l’affectationes réponses des individus aux classes et d’en faciliter’interprétation.

n outil puissant, mais exploratoire

Alceste est un outil puissant qui permetd’automatiser l’analyse des discours, en mettanten évidence leurs structures les plus signifiantes.

Cet outil, qui dispose d’un large panel de fonction-alités est particulièrement bien adapté à nos données,n raison de la taille du corpus (près de 1900 pages), dea structure (64 UCI bien délimitées, correspondant aux4 entretiens conduits) et de sa composition (échantilloniversifié d’équipes de soins et d’individus). Par ailleurs, ilrésente un avantage majeur par rapport à d’autres outils’analyse textuelle : celui de ne pas exiger de connaissancespriori sur le texte étudié, lequel a donc pu être analysé en

ant que tel, c’est-à-dire en dehors de toute idée préconcue.nfin et d’une facon générale, l’utilisation d’outils d’analyseextuelle automatisée présente un intérêt non négligeablear rapport aux analyses manuelles classiques : leur capa-ité à définir et à caractériser des profils de réponses etinsi, à faire basculer les résultats du champ de l’intuitioncelui (plus robuste) de la significativité : ici, en effet, toutst quantifié (fréquence des mots, co-occurrences, niveauxe sur et de sous représentations de termes par classe) ete calcul statistique entre en ligne de compte.

En revanche, Alceste est un outilexploratoire : s’il nous a permis de faire émergerun certain nombre d’éléments, il nous semble à

présent important d’aller plus loin dansl’analyse et de travailler au-delà des mots, cequi implique de reprendre un à un chacun des

entretiens.

D’une part, on peut s’interroger sur ce que recouvrentoncrètement les principales notions mises en évidence parlceste : par exemple, l’écoute, le dialogue, la disponibilitéu le temps. De fait, certaines thématiques importantes enP (dont celles qui viennent d’être évoquées) mériteraient’être abordées de facon approfondie, avec un regard socio-ogique ; elles font pour nous l’objet d’un travail complé-entaire. D’autre part, il ressort que les termes peu citésar les personnes interviewées ne sont pas mis en valeurar Alceste, cet outil se donnant précisément et par cons-ruction l’objectif contraire : faire ressortir les structures deexte les plus signifiantes, dans l’absolu (mots les plus fré-uents statistiquement), comme en valeur relative (degré

e sur représentation de mots par classe). Or, ces termes peueprésentés, parce que peu cités, peuvent s’avérer d’autantlus intéressants qu’ils sont atypiques. D’où l’importance deevenir à une analyse de texte classique et de lire un à unet avec un œil humain !) l’ensemble du corpus de données.
Page 10: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches 285

es.

d

Figure 1. Représentation des résultats en coordonnées factoriellRepresentation of the results along factorial coordinates.

Synthèse des résultats et confrontation aux

données de la littérature

L’analyse globale a mis en évidence le poids que lesaspects relationnels (dialogue, écoute, disponibilité), lepragmatisme (savoir, réflexion, tâtonnement, intuition), les

lrpaf

éplacements au chevet des malades, le temps donné et

a vérité occupent dans les prises en charge palliatives. Ceésultat est conforme aux données de la littérature sur lesratiques en équipes de SP [22]. Il est aussi en concordancevec ce que nous ont dit 25 malades hospitalisés en USP et 25amilles (interrogés par ailleurs) sur la facon dont se passe
Page 11: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

2

lvbpdé[mêfipolpmppn

urodpdaàdmslraql

ltvcdst

cqlnc•

nrd(ddLeâtclcpzrpdl(afé

ugpcddlé•

86

eur hospitalisation [23]. L’objectif des soignants et béné-oles est clair : amener patients et familles à révéler leursesoins et attentes, de facon à leur offrir une qualité derise en charge maximale. Cette participation des patientsans la relation de soins n’est pas nouvelle en soi : elle até identifiée dans d’autres contextes par des psychiatres24] et des sociologues [25]. Elle repose sur l’idée que lesalades ne sont pas des objets inertes et passifs, mais des

tres humains [26,27] qui peuvent contribuer de facon signi-cative au travail médical, par exemple « pour assurer leurropre confort, contrôler le fonctionnement des appareilsu repérer les erreurs des équipes soignantes » [26]. Mais sia participation des patients aux soins est identifiée depuislusieurs années comme un élément important du travailédical, la présente étude nous a permis de souligner, d’uneart, à quel point ce souci de participation des malades estrégnant en équipe de SP et, d’autre part, que des effortsotoires y sont fait pour impliquer les familles.

L’analyse par fonction, quant à elle, a mis en évidencen noyau de discours commun à toutes les personnes inter-ogées, quelles que soient leur fonction et la place qu’ellesccupent dans l’équipe. Ce noyau comporte quatre grandesimensions : le dialogue (y compris entre soignants), la dis-onibilité, les investigations et réajustements permanentse traitements et de prises en charge et l’attention à porterux familles. De fait, chacun a, en équipe de SP, son motdire, son accord à donner, sur la conduite à tenir auprès

e chaque patient et de chaque famille (tout comme dans leodèle de l’« ordre négocié » [20]). En particulier, les aides-

oignantes et les bénévoles sont souvent dépositaires, de pareur proximité aux personnes, d’informations qui ne pour-aient être connues autrement ; une de leurs missions estlors de communiquer ces données au reste de l’équipe afinue chaque décision prise le soit de facon concertée, comme’explique une des aides-soignantes interviewées :

« Nous, on entend les demandes et on transmet. Si c’estd’ordre médical, on transmet au médecin, ce qu’on aentendu ou ce qu’on a vu. Si ca relève plus du soin,on voit à ce moment-là avec l’infirmière. [Mais] toutesles décisions, c’est quand même en équipe [qu’ellessont prises]. Savoir, nous, ce qu’on pense, par exemple,si c’est possible par rapport à l’état du patient, si lafamille souhaite vraiment un retour à domicile » (aide-soignante, USP 3, femme, 53 ans).

Enfin, la classification nous a permis d’élaborer une typo-ogie de discours sur les pratiques soignantes dénuée deout a priori. Elle comporte sept classes, chacune ren-oyant à une facette de ce que sont les SP (aspectsliniques/techniques, psychologie dans la relation de soins,éduction/réflexion, attention portée aux familles, pré-ence, formalisation des procédures de soins, dimension ins-itutionnelle). Ces résultats sont intéressants à triple titre :

Premièrement, ils mettent en évidence l’existence d’unertain nombre de « mondes sociaux » [20,25,27], qui fontue tel et tel acteur partagent les mêmes valeurs et donc,

es mêmes facons d’exercer les SP. Au-delà de la person-alité des personnes interrogées, ces mondes sociaux seonstruisent autour de deux éléments :

la fonction que chacun occupe dans l’équipe. Ainsi, parexemple, nous avons observé que de nombreux médecins

rd

Y. Tibi-Levy

ont un discours proche de celui des psychologues dans leurrelation aux malades et à leurs proches (la classe 6). . .

alors même que la classe des « cliniciens/techniciens » àlaquelle ils sont censés appartenir du fait de leurs mis-sions, est petite (classe 7). Nous avons aussi noté ici queles infirmières, les aides-soignantes et les psychologuesse rejoignent souvent dans l’attention qu’elles accordentaux familles (classe 4) ;la culture des différentes équipes de soins, telle qu’elleest impulsée par leur responsable hiérarchique. Ainsi,nous avons relevé que l’USP 5 formalise de facon plus pro-noncée que les autres ses procédures de soins (classe 2),ce qui est cohérent avec le discours que nous a tenu sonchef d’équipe.

Deuxièmement, ces résultats mettent en exergue leoyau commun de discours (dialogue, disponibilité, etc.) quiassemble d’un point de vue idéologique [8—10] l’ensemblees personnes interviewées et cela, au-delà de leur statutmédecins, infirmières, aides-soignantes, etc.), de l’équipeans laquelle elles exercent (USP, EMSP), du type d’hôpitalans lequel elles travaillent (centre hospitalier, centre deutte contre le cancer, établissement de soins de suitet réadaption, etc.) et de leurs attributs propres (sexe,ge, ancienneté d’exercice, motivations à s’être orien-ées vers les SP, personnalité). Ce noyau commun, quionstitue le cœur du travail en SP est matérialisé sura Fig. 1 par l’intersection des sept formes de couleur,orrespondant aux sept profils de discours. Ce graphiquerésente un second intérêt : il permet de visualiser lesones de recouvrement et d’opposition entre les diffé-entes classes. Ainsi, par exemple, il montre que lesersonnes appartenant aux classes 3, 4, 5 et 6 (offreurse présence, très attentifs aux familles, déductifs, psycho-ogues) se rejoignent souvent dans leur pratique quotidienneintersection forte), alors qu’elles divergent des personnesppartenant aux trois classes (1, 2 et 7) (institutionnels,ormalisateurs, cliniciens/techniciens) (intersection moinstendue).

Troisièmement, ces résultats nous permettent de validerne de nos hypothèses de départ, selon laquelle les soi-nants ont besoin pour définir leurs prises en charge, derocéder régulièrement à une évaluation des besoins dehaque malade, de traduire ces besoins en actions, puis’évaluer le résultat des actions menées. Nous nous atten-ions à ce que ce processus soit plus ou moins formalisé selones équipes et les personnes interrogées, cette attente ayantté confirmée à deux niveaux :d’une part, l’étude des deux axes factoriels a mis l’accentsur l’existence d’une variabilité des degrés de formalisa-tion d’une équipe et d’une personne à l’autre, la zoneen haut à droite de la Fig. 1 regroupant le discours des« formalisateurs » ;d’autre part, la typologie comportait une classe de dis-cours spécifique « formalisateurs » (classe 2), dont nousavons décrit le contenu et le profil. Dans ce cadre, nousavons montré qu’une des équipes étudiées (l’USP 5) for-malisait de facon plus systématique que les autres sa

facon de travailler.

En revanche, deux questions n’ont pas pu être explo-ées dans le cadre de ce travail et constituent pour nouses perspectives de recherche. La première est de savoir en

Page 12: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

et d

MCimns(ldlspldua

eUfd

ucdEulp

5llptmœaolppags

tbchacun, la communication entre soignants, la réflexion col-lective et au final, la coordination des soins. En outre, leséquipes 1 et 3 ont insisté davantage que les autres sur laplace que l’informatique occupe dans l’organisation de leurunité, comme l’explique l’un des chefs d’équipe rencontrés :

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie

quoi les discours recueillis sont spécifiques à l’organisationdu travail en SP, et non à l’organisation du travail hospi-talier en général. On peut, en effet, s’interroger sur lesrésultats que nous aurions obtenus si cette enquête avaitété réalisée dans d’autres équipes de soins (que celles-cisoient d’ailleurs amenées ou non à prendre en charge despersonnes relevant de SP). La seconde question inexploréeici est plus large encore : elle concerne l’aspect « productiond’un discours par les soignants conforme à ce qu’on attendd’eux ». Exprimé autrement, on peut se demander dansquelle mesure les personnes interrogées ont reflété le« discours dominant socialement conforme », c’est-à-direcelui véhiculé par les associations de SP et les guides debonnes pratiques palliatives. Il serait donc intéressant dedoubler la présente étude d’une analyse manuelle clas-sique sur quelques entretiens, afin de comprendre commentchacun a relaté ses pratiques (ex : dans quels cas la per-sonne interviewée est-elle revenue sur des exemples, à quelniveau de généralité s’est-elle située, a-t-elle dit des chosesinattendues ?).

Utilisation des données pour analyser letravail en SP : pistes

Trois types de modèles peuvent être envisagéspour étudier le travail en SP : des « modèles de

pratiques » qui combinent des conceptionsgénérales des SP, des « modèles d’action » quidécoulent de ces conceptions générales et des« modèles d’organisation et de délivrance des

soins ».

Modèles de pratiqueLe premier type de modèle repose sur les éléments concep-tuels qui orientent les pratiques soignantes. S’il est établique l’activité palliative est polysémique et qu’elle recouvredans les faits plusieurs niveaux [28,29], deux grands typesde modèles de pratique peuvent servir de grilles d’analyse :un premier qui est centré sur la prise en charge desdifférents symptômes physiques et psychologiques dontpeuvent souffrir les malades et un second, plus large,qui dépasse ces aspects symptômatiques pour insister surl’importance de prendre en compte la globalité des besoins,attentes et désirs des patients et de leurs familles etde les « accompagner » tout au long de l’épreuve qu’ilstraversent.

Modèles d’actionDans une équipe où le premier modèle de pratique domine(prise en charge des symptômes), on peut penser que la pro-tocolisation des soins est un mode d’action privilégié, cequi se traduit dans les faits par la mise en place d’outils

diagnostics, de plans de soins ou d’échelles d’évaluation.Dans le second type de modèle (prise en charge globale),on peut penser que l’accent est davantage mis sur l’écoutedes malades et de leurs proches, sur l’évaluation de leurétat psychologique et, de fait, sur la mise en place d’actionspoussées de soutien.

td

lc

e leurs proches 287

odèles d’organisationhacun des deux types de modèles de pratiques étudiés

mpliquent des modes d’organisation différents. Dans leodèle « soulagement des symptômes », fondé sur la cli-

ique et la technique, le fonctionnement de l’équipe estans doute proche de celui d’une équipe de soins ordinaireplan de soins, planification du travail des soignants). Danse modèle « prise en charge globale », il est probable que laélibération soit un mode d’intervention privilégié : de fait,es équipes sont sans doute organisées de facon à favori-er, d’une part, le temps consacré aux patients et à leursroches et, d’autre part, les réunions fréquentes et régu-ières (avec comme objectif de pouvoir confronter l’avis desifférents membres de l’équipe de soins et d’élaborer ainsine approche commune et concertée du soutien à apporterux malades).

Afin de commencer à valider ces hypothèses, nous avonsntrepris de mener une étude complémentaire9 sur les cinqSP étudiées10. Le Tableau 5 présente la facon dont ces dif-érentes équipes se positionnent au regard des trois modèleséfinis ci-dessus.

En ce qui concerne les pratiques, les cinq équipes ontne conception large de ce que sont les SP, la prise enharge globale des malades constituant partout un principee base (aspects physiques, psychologiques, spirituels).n outre, une des unités étudiées (USP 3) a mis en placene approche psychologique forte, comme en témoignea surutilisation des termes « peine » et « apaiser » par lesersonnes interrogées.

Pour ce qui est des actions de soins, les USP 1, 2 etont évoqué plus souvent que les deux autres unités

’importance d’intégrer les familles aux dispositifs de soins,e mot « maison » ayant d’ailleurs été fréquemment utiliséar les soignants de l’USP 1. Par ailleurs, nous avons mon-ré ici que toutes les équipes ne formalisent pas avec leême degré les procédures de soins qu’elles mettent enuvre : ainsi, l’USP 5 se distingue clairement des quatre

utres unités, par le fait que les soignants qui y travaillentnt ouvertement et majoritairement mis en avant danseurs discours l’utilisation systématisée de modes d’actionrotocolisés (« dossiers, plans, objectifs, cibles, feuilles,rotocoles, notes, fiches », etc.) ; cet élément est conformeux propos tenus par leur chef d’équipe, son entretien sug-érant un lien étroit entre formalisation des procédures deoins et qualité attendue des prises en charge.

En termes organisationnels, nous avons observé queoutes les unités étudiées fonctionnaient sur un mode déli-ératoire, favorisant ainsi la prise en compte du ressenti de

9 Cette étude a consisté à faire émerger les mots en surreprésen-ation dans chacune de ces unités, par rapport à l’ensemble desiscours recueillis.

10 Les cinq EMSP de notre échantillon n’ont pas été incluses ici, careurs missions et leur facon de fonctionner sont très différentes deelles des USP.

Page 13: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

288 Y. Tibi-Levy

Tableau 5 Modèles de pratiques, d’action et d’organisation dans les cinq unités de soins palliatifs étudiées.Models for practice, action and organization in the five palliative care units studied.

Modèles de pratiques(conceptions générales des SP)(prise en charge ± globale)

Modèles d’action(découlant des conceptions générales)(protocolisation vs écoute)

Modèles d’organisation et dedélivrance des soins(programmation vs délibération)

Équipe 1 (USP)Accueil, soutien, psycho <,

comportement, personnalité,émotion, angoisse. . .

Disponibilité, attention, sourire,bénévole. . .

Verbal, communication, groupede parole, coordination. . .

Corporel. . . Formuler, vérifier, permanence,anticiper. . .

Ordinateur, fax, indicateur. . .

Famille : maison, deuil, grand-père. . .

Équipe 2 (USP)Accueil, angoisse, peur, colère,

psycho <, détresse, confusion. . .

Température, hydratation. . .

Arriver, entendre, dire, apercevoir. . . Verbaliser, agir, approcher,ressentir. . .

Entretien, cahier, lettre. . .

Famille, entourage, maman, mère,salon. . .

Équipe 3 (USP)Peine, apaiser, anxieux, moral Maquette. . . Fonctionnement, transmissions,

partager. . .

Repas, toilette. . . Parole, vérité, gentil. . . Ordinateur, imprimer, chiffre,critère. . .

Gêne, envie, musique. . . Sonnettes, aller, entrer, sortir, rester,attendre, rajouter, visiter. . .. . .

Satisfaisant, approprié, juste,imaginer. . .

Aumônier. . . Horaires, heure, moment,après-midi, soir. . .

Équipe 4 (USP)Hygiène, matelas. . . Réaliser, assumer, observer. . . Coordination, staff, collègues. . .

Émotion, colère, déni. . . Critère, projet, objectif, lettre. . . Synthèse, réflexion,démarche. . .

Equipe 5 (USP)Corps, corporel, physique. . . Plan, objectif, cible, feuille, protocole,

note, procédure, fiche, schéma,système. . .

Alliance, réunion, animer,participer. . .

Relationnel, psycho <, tension, souci,vécu, expression, foi. . .

Retranscrire, remplir, classer. . . Évaluer, prescrire, surveiller,étudier, préparer,personnaliser. . .

Souffrance. . . Entretien, contact, informer,renseigner. . .

Perception. . .

Dimension, aspects. . . Proches, entourage, familial, endeuillé. . .

C

C

« On n’a pas de support papier, [mais] un support infor-matique dans lequel tout le monde écrit et tout le mondelit. L’information, elle a besoin d’être partagée par tous

les acteurs de soins pour pouvoir cibler son interventionen connaissance de cause. [Ca permet aussi] d’élaboreret de synthétiser sa pensée, [d’autant qu’] on ne fait pasune action sans en évaluer le résultat. » (chef d’équipe,USP 3, homme, 38 ans).

dapei

onclusion

ette enquête nous a permis de mettre en évidence la facon

ont les personnes exercant en SP disent prendre en compteu quotidien les besoins et attentes des patients et de leursroches. Au-delà de grands principes, fondés sur l’écoutet la disponibilité, sept grands types de discours ont étédentifiés (institutionnels, formalisateurs, offreurs de pré-
Page 14: Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie et de leurs proches – Enquête auprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles

et d

[

[

[

[

[[

[

[

[[

[

[

[

[

[

[

[

[28] Mino JC. Les soins palliatifs : définitions et concepts. Séminaire

Répondre aux besoins et attentes des malades en fin de vie

sence, très attentifs aux proches des malades, déductifs,psychologues, cliniciens/techniciens) chacun reflétant uneapproche particulière de ce que sont les SP. L’appartenancedes individus à une classe s’explique essentiellement (maispas seulement) par la fonction qu’ils occupent, avec par-fois « un effet centre », comme par exemple sur le degréde formalisation des procédures de soins, la psychologisa-tion des prises en charge ou encore, l’informatisation desdossiers-patients.

Dans un contexte de diffusion de la culture palliative ausein des services classiques, ce travail nous permet, d’unepart, de rappeler le poids de la dimension relationnelle dansles pratiques palliatives (qui ne se limitent alors pas à dela prise en charge de symptômes ou à de la présence) et,d’autre part, de faire ressortir les compétences que toutsoignant hospitalier confronté à la fin de vie doit pouvoirmettre en œuvre.

Remerciements

Nous remercions les dix équipes de soins palliatifs dans les-quelles cette enquête a été menée, la Haute Autorité desanté (HAS) pour son soutien financier, Sylvie Amsellem pourla réalisation des entretiens, ainsi que Gérard de Pouvour-ville, Francoise Acker et Myriam Winance pour leurs précieuxcommentaires.

Références

[1] Loi no 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accèsaux soins palliatifs, 1999.

[2] Ministère de la Santé, programme de développement des soinspalliatifs 2008—2012, 2008.

[3] Ministère de la Santé, programme National de développementdes soins palliatifs 2002—2005, 2002.

[4] Sarkozy N, Allocution de M. Nicolas Sarkozy, Président de laRépublique, devant les parlementaires, Paris, 20 juin 2007.

[5] Circulaire no 2002-98 du 19 février 2002, relative àl’Organisation des soins palliatifs et de l’accompagnement,2002.

[6] Circulaire no 2008/99 du 25 mars 2008 relative à l’Organisationdes soins palliatifs.

[7] Anaes. Manuel d’accréditation des établissements de santé,deuxième procédure d’accréditation, version expérimentale,novembre 2003.

[8] Anaes. Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitantdes soins palliatifs, service des recommandations et referencesprofessionnelles, rapport, 2002, 154 p.

[9] Anaes. Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des

soins palliatifs, texte des recommandations, décembre 2002,33 p.

[10] Anaes. Conférence de consensus, texte des recommanda-tions, « L’accompagnement des personnes en FDV et de leursproches », Paris, 14—15 janvier 2004.

[

e leurs proches 289

11] Circulaire no 035601 du 5 mai 2004 relative à la diffusion duguide de bonnes pratiques d’une démarche palliative en éta-blissements.

12] Circulaire no 2004-290 du 25 juin 2004, relative à la diffusion duguide pour l’élaboration de demande de lits identifiés en soinspalliatifs, 2004.

13] Circulaire no 2004-257 du 9 juin 2004, relative à la diffusion duguide pour l’élaboration du dossier de demande de lits identi-fiés en soins palliatifs, 2004.

14] Tibi-Lévy Y, de Pouvourville G. L’activité palliative hospi-talière — enquête qualitative sur l’adaptation des équipesde soins aux attentes et besoins des patients et de leursproches — deuxième partie : résultats des entretiens conduitsauprès de 64 professionnels des soins palliatifs et bénévoles,Rapport remis à la Haute Autorité de santé (HAS), juin 2008,113 p.

15] Image. Analyse de données textuelles, Cours, 2001, 41 p.16] Credoc. Avancées en analyse lexicale. Cahier de recherche

no 61, 1994, 104 p.17] Credoc. L’analyse lexicale : outil d’exploration des représenta-

tions, Cahier de recherche no 48, 1993, 146 p.18] Credoc. L’analyse lexicale appliquée à des données d’enquête :

état des lieux. Cahier de recherche no 5, 1990, 60 p.(+ annexes).

19] Weber M. Économie et société. Paris: Plon; 1965.20] Strauss A, et al. L’hôpital et son ordre négocié. In: La Trame

de la négociation : sociologie qualitative et interactionnisme.Textes réunis et présentés par I. Baszanger, Paris, L’Harmattan,1992.

21] Hugues EC. Social role and the division of labor. Thesociological eye. Selected papers. Transaction Books, 1984;(1971).

22] Tibi-Lévy Y, Les équipes hospitalières de soins palliatifs dansle processus de rationalisation des soins — Entre engagementidéologique et contraintes financières. Thèse de doctorat ensanté publique (filière : économie de la santé) de l’universitéParis XI, juin 2007, 459 p.

23] Tibi-Lévy Y, de Pouvourville G. L’activité palliative hospi-talière — Enquête qualitative sur l’adaptation des équipesde soins aux attentes et besoins des patients et de leursproches — Première partie : résultats des entretiens conduitsauprès de 25 malades hospitalisés en USP et de 25 familles.Rapport remis à la Haute Autorité de santé (HAS), août 2007,81 p.

24] Szasz T, Hollander M. A contribution to the philosophy of medi-cine. The basic models of the doctor-patient relationship. ArchIntern Med 1956.

25] Strauss A, et al. The social organization of medical work. Chi-cago: The University of Chicago Press; 1985.

26] Adam P, Herzlich C. Sociologie de la maladie et de la médecine,Nathan Université, Collection 128, Paris, 1994.

27] Castra M, Bien mourir — sociologie des soins palliatifs, PUF, Col-lection « Le lien social », 2003.

SIRS, soins palliatifs, douleur, fin de vie. 20 novembre 2003,Paris.

29] Hintermeyer P. Euthanasie, la dignité en question, ÉditionBuchet Chastel, Au fait, 2003.