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Reprendre une entreprise à la barre du tribunal

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DESCRIPTION

a reprise d'une entreprise à la barre est une aventure qui ne s'improvise pas. Seuls les candidats aguerris peuvent s'y risquer, assistés par un Daf, dont le rôle sera prépondérant pour aider l'entreprise à sortir de l'ornière.

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  • Novembre 2012

    Mmoire d'Expertise-Comptable Version modifie au 23 novembre 2012

    Christophe Thnoz

    Expert-Comptable - DE FACTO CONSEIL

    Tel: 06.84.80.73.62 Email: [email protected]

    REPRENDRE UNE ENTREPRISE A LA BARRE DU TRIBUNAL Guide Pratique pour l'Expert-Comptable du Repreneur

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 2

    SOMMAIRE

    NOTE DE SYNTHESE 7

    INTRODUCTION 10

    PARTIE I BIEN PREPARER UNE REPRISE A LA BARRE DU TRIBUNAL 13

    Chapitre A Contexte et spcificits du droit des entreprises en difficult 13

    A-1 ) Evolution et impact des dfaillances d'entreprises ..................................... 13

    (a) Statistiques gnrales sur les dfaillances d'entreprises en France 13

    (b) Taux d'chec des procdures collectives 16

    (c) Consquences financires et sociales des dfaillances d'entreprises 17

    A-2 ) L'cosystme des procdures collectives .................................................... 17

    (a) Les diffrentes procdures collectives 17

    (b) Les organes de la procdure 21

    (c) Les autres participants 24

    Chapitre B Analyse pralable de la cible 26

    B-1 ) Bien s'entourer .......................................................................................... 26

    (a) Le rle cl de l'expert-comptable 26

    (b) La complmentarit avec l'avocat spcialis 28

    (c) L'importance des conseils internes et externes auprs du repreneur 29

    B-2 ) Dterminer l'origine des difficults ............................................................ 29

    (a) Causes externes 29

    (b) Causes internes 30

    (c) Spirale de l'chec 31

    (d) Statistiques sur les principales raisons de la dfaillance 32

    B-3 ) Effectuer un audit juridique et financier .................................................... 33

    (a) Analyse du passif 34

    (b) Audit stratgique et technique 35

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 3

    (c) Audit des contrats du point de vue juridique, social et fiscal 36

    Chapitre C Evaluation financire de la cible 37

    C-1 ) Dmarche de lvaluateur ......................................................................... 37

    (a) Problmatiques gnrales lies lvaluation des entreprises en difficult 37

    (b) Proposition d'une dmarche mthodologique 38

    (c) Particularits propres un plan de continuation 40

    C-2 ) Mthodes d'valuation des entreprises en difficult .................................. 42

    (a) L'approche liquidative 42

    (b) La ncessaire adaptation des mthodes traditionnelles 44

    (c) Mthodes d'valuation spcifiques 47

    C-3 ) Stratgie adopter : Rachat du fonds de commerce ou des titres ? ........... 49

    (a) Comparaison financire des deux scnarios 49

    (b) Quel prix proposer ? 50

    PARTIE II OFFRE DE REPRISE DANS LE CADRE D'UN PLAN DE CESSION 52

    Chapitre A Droulement d'un plan de cession 52

    A-1 ) Information pralable ............................................................................... 52

    (a) Publicits 52

    (b) Dossier de prsentation 53

    (c) Autres sources d'informations 53

    A-2 ) Dpt de l'offre de reprise ......................................................................... 54

    (a) Le dpt 54

    (b) Rapport de l'Administrateur Judiciaire sur les offres de reprise 54

    (c) Amlioration ventuelle de l'offre de reprise 55

    A-3 ) Dcision du Tribunal .................................................................................. 55

    (a) Audience d'examen des offres 55

    (b) Prononc et signification du jugement de cession 56

    (c) Rdaction des actes de cession 57

    (d) Les recours possibles 58

    Chapitre B Rdaction de l'offre de reprise 59

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 4

    B-1 ) La qualit du candidat-repreneur .............................................................. 59

    (a) Les interdictions dictes par l'article L.642-3 du Code de Commerce 59

    (b) Drogation aux interdictions de l'article L.642-3 du Code de Commerce 60

    (c) Les autres tiers habilits prsenter une offre de reprise 60

    B-2 ) Le contenu rglementaire de l'offre de reprise ........................................... 61

    (a) Obligations stipules par l'article L.642-2 du Code de Commerce 61

    (b) Les exigences informelles manant des organes de la procdure 63

    B-3 ) Le contenu rdactionnel : la valeur ajoute de l'expert-comptable ............ 65

    (a) La prsentation du repreneur 65

    (b) Le projet industriel et commercial qui sous-tend l'offre de reprise 66

    (c) Les prvisions d'activit et les moyens financiers 66

    (d) Optimisation par la rdaction d'une offre de reprise "amliorative" 67

    Chapitre C Traitement juridique, fiscal, social et comptable des lments

    repris 69

    C-1 ) Elments d'actifs et contrats repris ............................................................ 69

    (a) Actifs repris 69

    (b) Sort des contrats repris 70

    (c) Obligation de reprendre certains passifs (C. com. art. L.642-12) 71

    C-2 ) Sort des contrats de travail ....................................................................... 71

    (a) La rgle dicte par l'article L.1224-1 du Code du Travail 72

    (b) La dtermination du nombre d'emplois repris 72

    (c) La notification et la charge des licenciements 72

    (d) Autres aspects lis la reprise des contrats de travail 73

    C-3 ) Location-grance pralable la cession .................................................... 74

    (a) Principe 74

    (b) L'inexcution des obligations du locataire-grant 75

    (c) Intrt de la location-grance 75

    C-4 ) Aspects fiscaux lis la reprise .................................................................. 75

    (a) Les droits de mutation 75

    (b) Rgles de prorata des taxes pour l'anne en cours 76

    (c) Les aides fiscales la reprise d'entreprise 77

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 5

    PARTIE III PLAN DE CONTINUATION PRESENTE PAR UN TIERS-REPRENEUR 80

    Chapitre A Droulement d'une reprise d'entreprise avec plan de

    continuation 80

    A-1 ) Acquisition des droits sociaux .................................................................... 80

    (a) Autorisation du Tribunal 81

    (b) Ngociations avec les actionnaires 82

    A-2 ) Droulement de la priode d'observation .................................................. 84

    (a) Collaboration avec l'Administrateur Judiciaire 84

    (b) Oprer la restructuration au plus vite 85

    (c) Optimiser la vrification des crances 86

    A-3 ) Prsentation du plan de continuation ........................................................ 88

    (a) Consultation des cranciers 88

    (b) Grand oral devant le Tribunal 89

    (c) Dcision du Tribunal 89

    Chapitre B Rdaction du plan de sauvegarde/continuation 90

    B-1 ) Contenu rglementaire du plan ................................................................. 90

    (a) Obligations dictes par le Code de Commerce 90

    (b) Les exigences des organes de la procdure 91

    B-2 ) Validation des informations chiffres : la valeur ajoute de l'expert-

    comptable ................................................................................................. 93

    (a) Vrification de la capacit de l'entreprise faire face son passif 93

    (b) Autres travaux spcifiques de l'expert-comptable 94

    Chapitre C Traitement du passif et optimisations 96

    C-1 ) Choix de l'chancier ................................................................................. 96

    (a) Contraintes lgales 96

    (b) Demande d'abandon de crances 96

    (c) Optimisation de l'chancier 98

    C-2 ) Commissariat l'Excution du Plan ........................................................... 99

    (a) Droulement post-arrt du plan de continuation 100

    (b) Modalits de paiement de chaque chance 100

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 6

    (c) Rsolution du plan 101

    C-3 ) Techniques d'optimisation ....................................................................... 101

    (a) Rachat de crances 102

    (b) Coup d'accordon 102

    (c) L'optimisation fiscale 103

    CONCLUSION 107

    BIBLIOGRAPHIE 110

    TABLE DES ILLUSTRATIONS 115

    TABLE DES ANNEXES 116

    Abrviations:

    AGS : Association pour la gestion du rgime

    de Garantie des crances des Salaris

    AJ : Administrateur Judiciaire

    BES : Bilan Economique et Social

    BFR : Besoin en Fonds de Roulement

    CEP : Commissaire l'Excution du Plan

    DCF : Discounted Cash-Flow

    DCP : Dclaration de Cessation des

    Paiements

    IRP : Institutions Reprsentatives du

    Personnel

    LJ : Liquidation Judiciaire

    MJ : Mandataire Judiciaire

    PO : Priode d'Observation

    PSE : Plan de Sauvegarde de l'Emploi

    RJ : Redressement Judiciaire

    RS : Reprsentant des Salaris

    TC : Tribunal de Commerce

    TGI : Tribunal de Grande Instance

    Nota bene : Le terme "Mandataires de Justice" est employ pour dsigner les

    Administrateurs Judiciaires et les Mandataires Judiciaires.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 7

    NOTE DE SYNTHESE

    Sur les 60.000 entreprises qui, chaque anne, se mettent sous la protection du Tribunal de

    Commerce, seulement un millier d'entre elles trouvent un repreneur. Cette statistique

    montre la fois le vivier d'opportunits qui ne trouvent pas preneurs mais aussi

    l'incontestable risque de reprendre une entreprise en difficult qui effraie nombre de

    dirigeants. Pour autant, une reprise la barre peut s'avrer extrmement profitable

    terme, l'instar de certaines oprations qui ont fait la fortune d'un grand nombre de chefs

    d'entreprises.

    Entre les subtilits du droit des entreprises en difficult, l'analyse des causes des difficults,

    l'identification des leviers de retournement et l'valuation financire de la cible,

    l'accompagnement par des professionnels spcialiss est indispensable au repreneur.

    De plus, les exigences de la procdure collective demandent une prise de dcision rapide.

    Dans un dlai souvent infrieur 2 mois, il faudra btir un projet de reprise, tablir des

    prvisions financires, calibrer au plus juste la restructuration, rengocier ventuellement

    les principaux contrats, convaincre les organes de la procdure, organiser la reprise de

    l'activit La matrise de ce calendrier peut paratre complexe et rserve des initis.

    Cependant, le Code de Commerce, et notamment les dernires rformes, en la matire ont

    permis de codifier et de rendre beaucoup plus transparents les rgles et l'cosystme en

    matire de procdure collective.

    Il convient d'avertir le lecteur que, mme si, a priori, les reprises la barre laissent

    apparatre des prix de cession modiques, voire symboliques, le redressement des

    entreprises en difficult ncessite souvent un investissement significatif tant financier

    que humain pour grer le retournement jusqu' son terme.

    Ce mmoire a l'originalit de prsenter en parallle les deux types de reprises la barre

    (voir synthse ci-aprs) dont un repreneur peut se prvaloir :

    L'offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession

    Le rachat des droits sociaux suivi d'un plan de continuation

    Ce vritable choix sera analys sous un angle pratique en mettant en lumire la fois les

    subtilits du droit des entreprises en difficult et les prconisations afin que le repreneur

    optimise tant fiscalement que financirement son opration de reprise la barre.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 8

    SYNTHESE Offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession

    c'est le repreneur qui fixe le primtre de

    la reprise au gr de son projet: choix des actifs,

    du nombre de salaris repris, du prix propos

    pas de reprise de dettes (sauf exception)

    possibilit de bnficier d'avantages

    fiscaux (entreprise nouvelle, aides rgionales)

    "tout nouveau, tout beau !"

    o nouvelle structure juridique sans mention de la procdure collective sur le k-bis

    o nouveaux comptes bancaires, nouvelles procdures, nouvel employeur

    o la conduite du changement peut tre facilite par ce bouleversement et peut

    casser les "mauvaises habitudes du pass"

    procdure relativement simple et rapide

    mettre en uvre

    image de "chevalier blanc" pour le

    repreneur qui sauve des emplois

    le prix de cession est payable comptant

    le besoin en fonds de roulement est

    reconstituer en totalit

    l'offre de reprise propose peut se trouver en

    concurrence avec dautres propositions avec un

    risque de surenchre

    l'ancienne structure est dissoute, ce qui peut

    poser des problmes lgard des partenaires

    mme en labsence dobligation lgale, la

    reprise des congs pays et de l'anciennet est

    souvent incontournable

    les emprunts ayant financ certains actifs

    doivent obligatoirement tre repris (L.642-12)

    l'ancienne quipe dirigeante et leur famille

    proche ne peuvent pas se porter acqureurs

    image de "vautour" si la reprise est trop

    favorable au repreneur (au dtriment des

    salaris/cranciers)

    Bilan Economique et Social (BES)

    2 mois aprs le JO Jugement d'ouverture

    une audience tous les 2 6 mois env. 2 4 audiences pendant la

    priode d'observation

    Dure approximative de la priode d'observation si plan de cession 6 mois

    Convocation du greffe 2 semaines

    Dlibr du Tribunal 1 semaine

    Jugement de cession

    Organisation de la cession = de 1 2 mois

    Audience de cession

    Publicit

    Dlai de remise des offres env. 1 mois

    Mthode la plus rpandue pour acqurir une entreprise la barre du Tribunal, l'offre de reprise dans

    le cadre d'un plan de cession permet un tiers de reprendre tout ou partie des actifs, des contrats

    et des salaris pour un prix dtermin, sans reprise des dettes.

    Dfinition

    Calendrier

    Avantages Inconvnients

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 9

    SYNTHESE Rachat des droits sociaux suivi d'un plan de continuation

    Acquisition des droits sociaux ( tout moment)

    faible mise de fonds initiale :

    o rachat des titres pour un prix symbolique o le repreneur rcupre la trsorerie et

    l'actif circulant (stocks et encours clients)

    maintien des dficits fiscaux qui sont

    gnralement significatifs et permettent une

    absence de taxation pendant plusieurs annes

    le passif peut tre tal sur 10 ans et des

    abandons de crances peuvent tre obtenus

    les dettes sont connues (pas de surprise

    hormis les contentieux latents)

    pas d'offre concurrente

    structure juridique maintenue : moins de

    risque de rupture avec certains partenaires

    la priode d'observation permet au

    repreneur d'tudier l'entreprise de l'intrieur,

    de restructurer l'entreprise et de dcider in

    fine s'il prsente un plan de continuation

    le repreneur reprend l'ensemble des

    engagements de la socit et doit faire face aux

    contentieux et litiges antrieurs

    la restructuration et les frais de justice sont

    galement la charge de la socit

    la cession des droits sociaux est soumise

    l'autorisation du Tribunal

    image de marque quelque peu dgrade par

    la procdure collective

    lentreprise est greve par son passif

    montrant de ce fait un bilan peu flatteur

    l'entreprise reste sous surveillance (allge)

    du tribunal de commerce (inscription sur le k-

    bis, frais de justice)

    mode de reprise relativement long avec une

    priode d'observation de 12 mois en moyenne

    pas de possibilit de participer un plan de

    cession si le plan de continuation n'aboutit pas

    A dfaut de racheter les actifs de l'entreprise en difficult, le repreneur a galement la possibilit :

    de racheter les droits sociaux de la structure juridique en procdure collective

    de prsenter lui-mme un plan de continuation incluant le remboursement des cranciers.

    Dfinition

    Consultation des cranciers 30 jours

    Convocation du greffe 2 semaines

    Dlibr du Tribunal

    1 2 semaines

    Jugement arrtant le

    plan

    Prsentation du plan de continuation = 2 mois

    Audience de prsentation

    du plan

    Plan de continuation

    Jugement d'ouverture

    une audience tous les 2 6 mois env. 3 6 audiences pendant la

    priode d'observation

    Dure approximative de la priode d'observation si plan de continuation 12 mois

    Calendrier

    Avantages Inconvnients

    Acquisition des droits sociaux ( tout moment) Acquisition des droits

    sociaux ( tout moment)

    et

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 10

    INTRODUCTION

    Les dfaillances d'entreprises (prs de 60.000 procdures collectives chaque anne depuis

    20091) ont de lourdes consquences sur l'conomie franaise dans son ensemble, tant

    pour les salaris (186.671 emplois dtruits en 2011 2 ) que pour les partenaires de

    l'entreprise (perte de 4,25 milliards d'euros pour les cranciers2, avec des risques de

    dfaillances en chane). Ce phnomne touche toutes les tailles d'entreprises, mais tout

    particulirement les plus vulnrables : les PME de moins de 20 salaris qui reprsentent

    95% des dfaillances1.

    La crise conomique mondiale de ces 4 dernires annes n'a fait que renforcer et

    acclrer cette tendance de fond qui n'est malheureusement pas prte se tarir pour de

    nombreuses raisons : acclration des mutations sectorielles et technologiques,

    augmentation de la dmographie des entreprises, dlocalisation dans des pays main

    d'uvre moins coteuse, sous-capitalisation des entreprises

    Dans ce contexte, les opportunits de reprises d'entreprises la barre du Tribunal

    devraient tre de plus en plus nombreuses. Il est d'ailleurs probable que ce mode de

    transmission (qui ne concerne, pour l'instant, qu'une part marginale des entreprises en

    difficult) devienne prochainement une part importante des transmissions d'entreprises.

    Pour autant, le droit des entreprises en difficult, qui est en constante volution, reste une

    matire extrmement complexe, ncessitant des comptences pluridisciplinaires, la fois

    juridiques, financires, stratgiques et commerciales. L'expert-comptable, qui sera

    naturellement sollicit par le repreneur, trouvera dans ce mmoire une approche globale

    et transversale de la reprise d'entreprise la barre du Tribunal.

    L'originalit de ce mmoire est de mettre en parallle les deux modes de reprises d'une

    entreprise en procdure collective, savoir :

    L'offre de reprise via un plan de cession partielle (en sauvegarde) ou totale

    (redressement judiciaire et liquidation judiciaire) prvoyant le transfert d'actifs

    contre paiement immdiat d'un prix de cession, sans reprise des dettes,

    Le rachat des droits sociaux de la socit puis la prsentation d'un plan de

    continuation (redressement judiciaire) ou plan de sauvegarde (sauvegarde), o le

    repreneur s'engage rembourser le passif de la socit. 1 Bilan 2011 des dfaillances d'entreprises Altars 2 Panorama des dfaillances d'entreprises Coface

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 11

    Suivant la configuration du dossier, le repreneur a le choix entre l'une de ces deux options

    qui lui sont ouvertes par le droit des procdures collectives. Tout l'enjeu de ce mmoire est

    d'aider le repreneur et son expert-comptable s'orienter, sous l'angle pratique et

    concret, vers la meilleure stratgie qui optimisera d'un point de vue conomique,

    juridique et fiscal la reprise d'une cible en procdure collective.

    * * *

    Comme tout projet de reprise d'entreprise, il est avant tout ncessaire de bien se prparer,

    l'instar du prcepte de SUN TZU dans L'ART DE LA GUERRE : "tout le succs d'une opration

    rside dans sa prparation". Ainsi, la premire partie de ce mmoire est consacre la

    phase prparatoire d'une reprise d'entreprise la barre du Tribunal.

    Le premier chapitre prsente l'environnement et les spcificits du droit des entreprises

    en difficult. Il offre au lecteur un panorama complet des dfaillances d'entreprises en

    France, la fois par son volution et l'interprtation des statistiques en la matire, mais

    aussi par la prsentation du cadre lgislatif des procdures collectives, leur droulement et

    les acteurs qui y participent.

    Le deuxime chapitre de cette premire partie est consacr l'analyse pralable de la

    cible. En effet, le repreneur commencera par identifier l'origine et les causes de la

    dfaillance afin de tirer dfinitivement les enseignements des checs du pass. Ensuite,

    grce l'aide de l'expert-comptable et de l'avocat spcialis, un audit juridique et financier

    sera men pour apprhender le passif et sa hirarchisation, pour diagnostiquer la solidit

    de l'exploitation et des actifs, et pour recenser l'exhaustivit des contrats et autres

    engagements.

    Enfin, l'valuation financire de la cible est traite dans le troisime et dernier chapitre de

    cette premire partie. valuer une entreprise en difficult, selon les mthodes

    traditionnelles n'a, premire vue, gure de sens quand l'actif valuer consomme de la

    trsorerie et/ou accumule des dettes. C'est pourquoi, une dmarche propre l'valuation

    des entreprises en difficult est propose pour non seulement orienter de faon optimale

    la stratgie d'acquisition, mais galement pour accompagner le repreneur dans la

    dtermination du prix offert.

    L'objectif de cette premire partie est donc de permettre au repreneur de bien se

    prparer et d'orienter son choix vers l'option de reprise la plus adquate.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 12

    Les deuxime et troisime parties du mmoire prsentent successivement, et de faon

    symtrique, les deux possibilits qui s'offrent au repreneur, savoir :

    L'offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession (Partie II)

    L'acquisition des titres de la socit en vue de prsenter un plan de continuation

    ou de sauvegarde (Partie III)

    Dans chacune de ces parties, le premier chapitre dcrit le droulement pratique de chaque

    procdure. C'est en anticipant, en effet, ces tapes-cls que le repreneur et son conseil

    pourront parfaire leur prparation et grer au mieux la reprise la barre.

    La rdaction du document destination du Tribunal c'est--dire l'offre de reprise ou le

    plan de continuation/sauvegarde est commente et analyse dans un deuxime chapitre.

    Extrmement engageant pour le repreneur, ce document, dont l'laboration est trs

    souvent confie en quasi-totalit l'expert-comptable ou l'avocat spcialis, a pour but

    non seulement de clarifier de faon stratgique et financire le projet de reprise, mais

    surtout de convaincre un Tribunal du srieux et de la solidit du projet.

    Le troisime chapitre est consacr aux nombreux points techniques de chaque type de

    reprises, avec notamment :

    Dans le cas du plan de cession (Partie II) : le traitement juridique, comptable et fiscal

    des lments repris, tels que la poursuite des contrats de travail, le transfert des

    actifs et des contrats en cours ainsi que la location-grance pralable la cession,

    Dans le cas du plan de continuation (Partie III) : le traitement du passif repris,

    travers le choix de l'chancier, les modalits d'excution du plan et les possibilits

    d'optimisation qui s'offrent au repreneur, comme le rachat de crances, le "coup

    d'accordon" et l'utilisation acclre des dficits fiscaux.

    * *

    *

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 13

    PARTIE I BIEN PREPARER UNE REPRISE A LA BARRE DU TRIBUNAL

    Flairant une "bonne affaire", qui ncessite ractivit et rapidit pour l'emporter, le

    repreneur est tent, trop souvent, de ngliger la phase prparatoire indispensable toute

    acquisition d'entreprise, surtout si on sait qu'elle a connu des difficults. Or, les reprises

    la barre se rvlent tre des russites principalement par les qualits propres du

    repreneur et de son analyse en amont.

    C'est pourquoi, cette premire partie inclura un rappel du contexte procdural, les

    spcificits du droit des entreprises en difficult et une dmarche d'analyse pour

    comprendre les difficults passes, identifier les zones de risque et btir un projet viable.

    Ensuite, l'valuation financire permettra de valider l'intrt conomique de cette reprise

    la barre et de choisir son mode de reprise.

    Chapitre A Contexte et spcificits du droit des entreprises en difficult

    La reprise d'entreprise la barre du Tribunal ncessite tout d'abord d'avoir une bonne

    comprhension du droit des entreprises en difficult tant au niveau des procdures

    existantes et de leurs acteurs qu'au niveau des volutions rcentes des dfaillances

    d'entreprises et de la lgislation.

    A-1 ) EVOLUTION ET IMPACT DES DEFAILLANCES D'ENTREPRISES

    De manire assez gnrale, la dfaillance d'entreprises se dfinit comme "l'tat d'une

    entreprise qui n'est pas en mesure de faire face ses obligations envers ses dbiteurs"3.

    D'un point de vue pratique, la dfaillance est gnralement assimile au "dpt de bilan",

    c'est--dire au moment o une procdure de redressement judiciaire ou de liquidation

    judiciaire est ouverte l'encontre d'une entreprise. Ces procdures interviennent

    lorsqu'une entreprise est en tat de cessation des paiements, c'est--dire qu'elle n'est plus

    en mesure de faire face son passif exigible avec son actif disponible.

    (a) Statistiques gnrales sur les dfaillances d'entreprises en France

    La bibliographie recense les principales sources d'informations relatives ces statistiques.

    Pour la rdaction de ce paragraphe, c'est le rapport annuel des dfaillances d'entreprises

    ralis par la compagnie d'assurance-crdit Altars4 qui a principalement t utilis.

    3 CHARREAUX Grard, Gestion Financire, Litec, 6me dition, 1996 4 ALTARES, Analyse sur les dfaillances d'entreprises en France www.altares.fr

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 14

    1) Historique des dfaillances en France

    De manire globale, on constate que les

    dfaillances d'entreprises sont corrles

    avec les cycles conomiques.

    Le graphique ci-contre permet de

    distinguer nettement l'impact de la crise

    immobilire de 1992-1993 et de la crise

    conomique mondiale de 2008 ayant

    entrain une forte augmentation des

    procdures collectives. Il est noter

    galement que le nombre de dfaillances

    est en lgre diminution depuis 2009, mais reste des niveaux levs (> 60.000 par an).

    Avec ces chiffres, la France dtient le triste record mondial en matire de dfaillances

    d'entreprises en concentrant prs de 1/6me de la mortalit mondiale des entreprises5. Il

    convient nanmoins de nuancer ce rsultat car, d'une part, le concept de "faillite" est

    diffrent d'un pays l'autre et, d'autre part, prs des trois quarts des dfaillances

    franaises concernent des entreprises sans salari ou avec un seul salari.

    2) Analyse des dfaillances en France

    Selon la situation gographique :

    La carte de France des dfaillances montre

    clairement l'importance de la rgion Ile-de-

    France qui concentre prs de 1/5me des

    dfaillances de l'hexagone.

    Nanmoins, il convient de relativiser ces

    chiffres en analysant la proportion des

    redressements judiciaires, qui sont de

    vritables viviers pour les reprises la

    barre et qui sont globalement plutt bien

    rpartis sur tout le territoire. C'est d'ailleurs

    la rgion Provence-Alpes-Cte-D'azur qui

    dtient le record des redressements

    judiciaires devant la rgion Ile-de-France.

    5 Philippe Thomas (ESCP-Europe) estime qu'il y a chaque anne environ 300.000 faillites dont 50 60.000 en France (source: Le Nouvel Economiste du 28 juin 2012)

    Figure n2 : Carte de France des dfaillances en 2011

    Figure n1 : Dfaillances d'entreprises de 1991 2011

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 15

    Selon l'effectif :

    En France, les procdures collectives

    concernent principalement les TPE de

    moins de 5 salaris (86% du total). De

    plus, il est noter que les liquidations

    directes concernent 67% des "dpts de

    bilan". Enfin, plus l'entreprise a de

    salaris, plus la proportion des

    redressements judiciaires est forte.

    Selon le secteur d'activit :

    L'analyse par secteur montre une grande

    disparit avec une forte dominante des

    secteurs de la construction et des

    services qui reprsentent eux seuls prs

    des deux tiers des dfaillances en 2011.

    Selon la forme sociale :

    Les dfaillances par forme sociale sont la

    consquence directe de la dmographie

    des entreprises franaises o les

    entrepreneurs individuels et les SARL

    reprsentent une part importante.

    En consquence, les SARL sont les

    socits les plus touches avec plus des

    deux tiers des procdures collectives.

    3) Statistiques sur la procdure de sauvegarde

    Six ans aprs son lancement, la procdure de sauvegarde attire entre 1.200 et 1.400

    entreprises chaque anne. Si la procdure de sauvegarde occupe une place limite dans

    lensemble du paysage des procdures collectives (2% des ouvertures), elle savre tre un

    outil utile pour les socits de taille significative. En effet, la sauvegarde reprsente prs

    de 20% des ouvertures de procdures pour les socits de plus de 50 salaris.

    Lanalyse des sauvegardes conclues entre 2007 et 2009 rvle qu'environ 50% dentre elles

    aboutissent un plan de sauvegarde. De plus, sur les 1 513 plans de sauvegarde arrts

    sur la priode 2007-2009, 79% ont permis lentreprise de poursuivre son activit.

    Figure n5 : Dfaillances par forme sociale en 2011

    Figure n3 : Dfaillances par effectif en 2011

    Figure n4 : Dfaillances par secteur d'activit en 2011

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 16

    (b) Taux d'chec des procdures collectives

    Souvent critiques pour leur manque d'efficacit, les procdures collectives dbouchent

    effectivement dans 91% des cas sur une liquidation judiciaire (voire 96% si l'on intgre la

    dure du plan) comme le montre le schma suivant :

    Pour autant, il convient d'analyser en dtail les donnes statistiques qui ne sauraient tre

    gnralises. En effet, on s'aperoit que plus le chiffre d'affaires et l'effectif sont

    importants, plus ces statistiques s'amliorent : notamment s'agissant du taux de

    liquidation judiciaire directe qui tombe 25% pour les entreprises de plus de 50 personnes

    contre une moyenne 67% pour l'ensemble des entreprises.

    Le parcours du combattant d'une entreprise en cessation des paiements ne s'arrte pas au

    jugement d'ouverture, premire tape qui "liquide" plus des deux tiers des entreprises. En

    effet, 75% des entreprises qui obtiennent l'ouverture d'un redressement judiciaire font

    l'objet d'une liquidation au cours de la priode d'observation.

    Par ailleurs, bien que les plans de continuation concernent prs de 20% des socits en

    redressement judiciaire, seulement 30% d'entre eux vont au terme du plan et

    remboursent l'ensemble du passif. C'est en ce sens que seules 6,4% des procdures

    collectives se voient accorder un plan de continuation et moins de 2% russissent le tenir.

    Les reprises la barre via un plan de cession sont beaucoup trop rares et ne reprsentent

    que 1,6% des procdures collectives ce qui pourrait tre largement amlior notamment

    par une meilleure information sur les opportunits d'entreprises reprendre la barre et

    par un accompagnement des chefs d'entreprises vers ce type de reprise.

    20%

    70%

    % par procdure

    1,0%

    6,4%

    1,6%

    91 %

    RESOLU

    TION DU

    PLAN

    96 %

    Sources: d'aprs Altars, Infogreffe, Undic-AGS, Observatoire Coface (priode : 2009-2011)

    Ouverture d'une procdure collective

    Priode d'Observation (PO)

    L I Q U I D A T I O N J U D I C I A I R E

    REDRESSEMENT JUDICIAIRE

    SAUVEGARDE Plan de Sauvegarde

    Plan de Continuation

    Plan de Cession

    33%

    67%

    6%

    94%

    48%

    75%

    20%

    18%

    23%

    5%

    Figure n6 : Rpartition des procdures collectives et du taux de succs de chaque plan de redressement

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 17

    (c) Consquences financires et sociales des dfaillances d'entreprises

    Les consquences des dfaillances d'entreprises sont lourdes pour l'conomie dans son

    ensemble avec des impacts un triple niveau :

    Au niveau financier:

    Il est logique que le niveau lev des dfaillances d'entreprises favorise la frilosit des

    partenaires bancaires dans l'octroi de financement. Cette consquence est accentue en

    France par une plus faible protection des cranciers, notamment bancaires qui se trouvent

    rembourss aprs les cranciers super-privilgis et privilgis. Certaines tudes 6

    comparant lefficacit des procdures de recouvrement des crances entre diffrents pays,

    laissent apparatre que le taux de recouvrement des crances bancaires en France (54%)

    lissue dune procdure judiciaire est significativement infrieur celui de lAllemagne

    (61%) et du Royaume-Uni (74%).

    Au niveau conomique:

    Ce sont les relations commerciales qui ptissent des dfaillances d'entreprises : clients et

    fournisseurs cherchent se prmunir de ce risque en introduisant des clauses de rserve

    de proprit, en assurant leurs crances auprs d'un assureur-crdit ou tout simplement

    en n'accordant plus de dlais de paiement. C'est d'autant plus dramatique en France o le

    financement de l'conomie se fonde pour l'essentiel sur ce crdit fournisseur.

    Au niveau social:

    Lenjeu est important et les chiffres des destructions d'emploi font les gros titres de

    l'actualit : 186.671 emplois7 ont t dtruits en 2011 suite aux dfaillances. Ainsi, en

    croisant plusieurs sources 8 , il apparatrait que plus de la moiti des licenciements

    conomiques sont lis des procdures collectives.

    A-2 ) L'ECOSYSTEME DES PROCEDURES COLLECTIVES

    Cette section n'a pas pour objectif de couvrir l'ensemble des spcificits du droit des

    entreprises en difficult, mais de donner au lecteur un cadre gnral des procdures et des

    acteurs en prsence.

    (a) Les diffrentes procdures collectives

    Comme l'indique le schma ci-dessous, le traitement des entreprises en difficult regroupe

    d'une part, les procdures amiables (mandat ad hoc et conciliation) et d'autre part, les

    procdures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire). 6 Davydenko et Franks (2006), Do Bankruptcy Codes Matter? A Study of Defaults in France, Germany and UK 7 Coface (2012), Panorama des dfaillances d'entreprises, www.coface.fr 8 Notamment les donnes de lA.G.S. et celles de Ple Emploi

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 18

    Il convient de prciser que ce mmoire ne traitera pas des procdures amiables qui sont

    par nature des procdures confidentielles et dont les cessions d'entreprises sont rgies par

    les rgles de droit commun.

    Le choix de la procdure collective est fortement guid par la situation conomique de

    l'entreprise qu'elle soit en tat de cessation des paiements (redressement judiciaire ou

    liquidation judiciaire) ou pas (sauvegarde "classique" ou sauvegarde Financire Acclre).

    1) La Sauvegarde "classique" et la Sauvegarde Financire Acclre

    La procdure de sauvegarde est destine aux entreprises qui, sans tre en situation de

    cessation des paiements, rencontrent des difficults qu'elles ne peuvent surmonter9.

    Son fonctionnement est proche de celui du redressement judiciaire avec l'ouverture d'une

    priode d'observation d'une dure de six mois, renouvelable une fois, dont l'objectif est de

    prsenter un plan de sauvegarde permettant de rembourser le passif de l'entreprise sur

    une dure maximale de dix ans.

    Afin d'inciter les dirigeants se tourner vers une procdure de sauvegarde et donc anticiper

    la cessation des paiement, des avantages non ngligeables leur sont accords, notamment

    par rapport au redressement judiciaire :

    Le dirigeant reste "matre bord" et l'Administrateur Judiciaire n'intervient qu'en

    "surveillance",

    La rmunration du dirigeant n'est pas soumise l'autorisation du Juge-Commissaire,

    Les dirigeants conservent la possibilit de cder librement leurs titres,

    Pas de sanctions (interdiction de grer, faillite personnelle) l'gard des dirigeants,

    9 Depuis l'ordonnance du 18 dcembre 2008, l'ensemble des difficults (et pas seulement celles qui taient de nature conduire la cessation des paiements) peut permettre l'ouverture d'une procdure de sauvegarde

    Figure n7 : Schma gnral des procdures amiables et collectives

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 19

    Les cautions personnes physiques bnficient d'avantages dans la procdure de

    sauvegarde qui n'existent pas en cas de redressement judiciaire10.

    De par les avantages que peuvent en retirer les dirigeants et l'extrme souplesse dans sa

    mise en place, la sauvegarde peut tre facilement utilise comme un outil de gestion. En

    effet, cette procdure permet l'entreprise de reprendre son souffle, par un gel du passif

    antrieur ce qui permet de reconstituer une trsorerie, et de restructurer l'entreprise

    notamment au niveau social, en ayant recours l'AGS11 pour laider financer les Plans de

    Sauvegarde de lemploi (PSE). A l'issue de cette priode, l'entreprise peut forcer ses

    cranciers rengocier et/ou rchelonner sa dette au travers le plan de sauvegarde.

    La procdure de sauvegarde reste peu connue du grand public qui confond trs souvent

    "redressement judiciaire" et "sauvegarde". De ce fait, l'image pour l'cosystme de

    l'entreprise est tout aussi destructrice de valeur qu'un redressement judiciaire, en terme

    de valorisation du fonds de commerce, de notorit ou de besoins de trsorerie.

    Depuis dbut 2011, un nouveau type de sauvegarde a t institu : la Sauvegarde

    Financire Acclre (SFA). Cette procdure permet, la suite d'une conciliation, de

    convertir la procdure amiable en procdure collective et d'imposer l'accord trouv

    l'ensemble des cranciers.

    2) Redressement judiciaire (RJ)

    Le redressement judiciaire est une procdure collective ouverte l'encontre de toute

    entreprise en cessation des paiements12 et surtout lorsqu'une possibilit de redressement

    semble possible. Les objectifs d'un redressement judiciaire sont la poursuite de lactivit

    de lentreprise, la sauvegarde de lemploi, et lapurement du passif.

    Pour atteindre ces objectifs, il est frquent de voir le Tribunal privilgier en priorit un

    plan de continuation qui permet la fois aux dirigeants d'avoir une seconde chance et un

    meilleur taux de recouvrement pour les cranciers. Or, force est de constater que les

    difficults proviennent souvent des choix de la direction13 et que seule l'intervention d'un

    tiers-repreneur permet de redonner un second souffle l'entreprise. C'est pourquoi le

    Tribunal n'a souvent pas d'autre choix que de s'orienter vers un plan de cession. 10 C. com art. L.622-28 al.1 & L.628-11 al.2 : les dirigeants (personnes physiques uniquement) peuvent se prvaloir, outre de la suspension des poursuites pendant toute la priode d'observation comme lors d'un redressement judiciaire : - de l'arrt du cours des intrts lgaux et conventionnels ainsi que tous intrts de retard et majorations pour les contrats de prt dune dure infrieure 1 an - des dlais et remises consentis dans le cadre d'un plan de sauvegarde 11 Association pour la gestion des rgimes de Garantie des crances des Salaris, www.ags-garantie-salaires.org 12 C. com art. L.631-1: c'est--dire lorsque son passif exigible est suprieur son actif disponible 13 Voir Partie I - Section B-2) Dterminer l'origine des difficults

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 20

    La priode d'observation dure au maximum 18 mois 14 . Pendant cette priode,

    l'Administrateur Judiciaire assiste le chef d'entreprise dans la gestion quotidienne et

    travaille avec ce dernier pour trouver une solution de redressement. L'ensemble des

    rglements est alors co-sign par le dirigeant et l'Administrateur Judiciaire.

    Cette procdure permet de geler l'ensemble du passif pendant toute la priode

    d'observation et suspend toutes les poursuites individuelles des cranciers. L'entreprise

    bnficie donc d'un "appel d'air" en terme de trsorerie, puisque les dettes sont geles

    alors que les encaissements clients, eux, continuent. Autre avantage non ngligeable : les

    contrats en cours ainsi que le bail peuvent tre soit rsilis, soit maintenus la discrtion

    du chef d'entreprise et de l'Administrateur Judiciaire.

    Par contre, les inconvnients du redressement judiciaire sont de taille : notorit et image

    de marque fortement ternies, perte de chiffre d'affaires, dpart des salaris les plus

    qualifis, cot lev de la procdure et faible probabilit de succs. Par ailleurs, les

    dirigeants ne sont plus seuls diriger et doivent composer avec l'Administrateur Judiciaire.

    3) Liquidation judiciaire (LJ)

    La procdure de liquidation judiciaire s'adresse aux entreprises qui sont en tat de

    cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. La

    liquidation judiciaire peut intervenir soit de manire directe, soit aprs une procdure de

    sauvegarde ou une tentative de redressement judiciaire.

    Le Mandataire Judiciaire, appel pour la circonstance "Liquidateur Judiciaire", est alors

    dsign et l'activit est arrte sauf cas exceptionnel spcialement motiv et pour une

    dure courte 15 . C'est galement lui qui procde aux licenciements et qui diligente

    d'ventuelles actions en justice au nom de l'entreprise en liquidation.

    A compter du jugement d'ouverture, il y a interdiction de payer toute crance ne

    antrieurement au jugement d'ouverture16. Dans un dlai de deux mois17 compter de la

    publication du jugement d'ouverture, les cranciers doivent adresser une dclaration de

    crances au liquidateur.

    14 Au-del de 12 mois de priode d'observation, on parle de prolongation exceptionnelle qui doit tre spcialement motive et sollicite par le Ministre Public pour une dure maximum de 6 mois supplmentaires. 15 Il est possible que l'activit de l'entreprise soit maintenue dans le cadre liquidatif, mais pour une dure de 3 mois renouvelable 1 fois (C. com. Art. L.641-10 et R.641-18). 16 Le Juge-Commissaire peut autoriser le liquidateur, ou l'administrateur s'il en a t dsign un, payer des crances antrieures au jugement pour retirer le gage ou la chose lgitimement retenue ou lorsque le paiement intervenir est infrieur la valeur vnale du bien, objet du contrat, pour lever l'option d'achat d'un crdit-bail. 17 Ce dlai est augment de deux autres mois pour les cranciers domicilis hors de France.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 21

    Paralllement la cession de tous les actifs, ce professionnel procde au recouvrement des

    crances clients. Le rglement du passif s'effectue par ordre de privilge en commenant

    par les cranciers super-privilgis 18 , les privilgis 19 , les hypothcaires et ceux

    bnficiaires d'une sret mobilire spciale. Les autres cranciers, dits chirographaires, se

    partagent le reste due proportion de leur crance20.

    La clture de la liquidation judiciaire intervient plusieurs annes aprs 21 soit pour

    extinction de passif (cas rare o tous les cranciers sont rembourss), soit pour insuffisance

    d'actifs (cas le plus frquent o les cranciers ne rcuprent pas la totalit de leur crance).

    (b) Les organes de la procdure

    Il est important pour le repreneur22 de bien connatre les rles et pouvoirs des diffrents

    organes de la procdure afin d'adapter son discours et sa stratgie quand il est face ces

    derniers. Le schma ci-aprs reprsente le positionnement de chaque intervenant lors

    d'une audience.

    1) Tribunal comptent: Tribunal de Commerce ou TGI

    Le Tribunal comptent23 dpend de la qualit du professionnel en difficult :

    i. Le Tribunal de Commerce (TC) est comptent l'gard des commerants, des

    artisans, et des personnes morales commerantes.

    18 Les crances super-privilgies concernent les crances de salaires et les frais de justice. 19 Les cranciers privilgis sont principalement le Trsor Public et les organismes sociaux. 20 Rpartition dite au "marc le franc". 21 Les "petits" dossiers peuvent bnficier d'une procdure simplifie qui dure moins d'un an (C. com. art. L.644) 22 Dans le jargon procdural, le repreneur est appel "candidat-repreneur". 23 Le Tribunal territorialement comptent est celui dans le ressort duquel est situ le sige social de l'entreprise en France ou, dfaut, le lieu du principal tablissement.

    Mandataire

    Judiciaire

    Administrateur

    Judiciaire

    Reprsentant

    des Salaris

    3 Juges

    Greffie

    r

    Minist

    re

    Public

    Dirigeant(s) Contrleur(s)

    Figure n8 : Schma d'une salle d'audience

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 22

    Crs au 16me sicle et composs de juges lus bnvoles, les Tribunaux de Commerce

    sont des juridictions de premier degr24. Leurs missions essentielles sont de grer, travers

    leurs greffes, les formalits25 des entreprises, de rsoudre les litiges commerciaux et de

    traiter les difficults des entreprises, titre prventif et judiciaire. La procdure devant les

    Tribunaux de Commerce prsente quelques particularits : elle est orale, et les plaideurs

    peuvent conduire eux-mmes les actions en justice, la prsence dun avocat nest en effet

    pas obligatoire.

    ii. Le Tribunal de Grande Instance (TGI) est comptent l'gard des personnes

    morales de droit priv non commerantes ainsi qu' l'gard des agriculteurs. Il s'agit de

    juridictions de premier degr o les juges sont des magistrats professionnels. Le Ministre

    Public est prsent lors des audiences relatives aux procdures collectives.

    Un rle prpondrant est donn au Tribunal. C'est lui qui prononce les dcisions

    importantes : l'ouverture de la procdure, la dsignation des organes de la procdure, la

    date de cessation des paiements, la dure de la priode d'observation. C'est galement le

    Tribunal qui dcide de la liquidation, qui ordonne la cession de l'entreprise, qui tend la

    procdure pour cause de confusion des patrimoines ou de fictivit

    En un mot, c'est le Tribunal qui assume la direction et l'organisation de la procdure.

    En matire de procdure collective, la prise de dcision et la rapidit dexcution sont

    primordiales. C'est pourquoi, les dcisions de justice relatives aux procdures collectives

    sont d'excution provisoire26, l'appel n'est donc pas suspensif27, le dlai d'appel est

    seulement de dix jours28

    2) Ministre public

    Le "Ministre Public", ou encore appel le "parquet", dsigne l'ensemble des magistrats29

    qui sont chargs de dfendre les intrts de la collectivit et de veiller au respect de

    l'ordre public conomique.

    Le Ministre Public est inform de l'ensemble des procdures ouvertes et reoit

    communication de l'ensemble des rapports de l'Administrateur Judiciaire et du Mandataire

    Judiciaire en mme temps que le Juge-Commissaire. 24 Les dcisions des TC et des TGI sont susceptibles de recours devant une Cour dAppel. 25 Inscriptions et radiations, dpts de comptes, inscription de nantissements et de privilges. 26 C. com. art. L.661-9 27 Sauf pour le Ministre Public (C. com. art. L.661-6) 28 C. com. art. R.661-2 et R.661-3 29 Que ce soit au TC ou au TGI, ces magistrats sont composs du Procureur de la Rpublique, le Procureur adjoint, les Premiers substituts et les Substituts. Dans la mesure o, l'audience, le repreneur ne sait pas quel magistrat est prsent, il est d'usage de dire "Monsieur le Procureur" ou "Madame la Procureur".

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 23

    La Loi donne expressment qualit au Ministre Public pour agir pendant toutes les

    phases de la procdure et notamment en lui accordant la facult de faire appel30. Par

    exemple, il peut proposer le nom d'un Administrateur Judiciaire, il est le seul pouvoir

    solliciter le renouvellement exceptionnel de la priode d'observation au-del de douze

    mois, il peut galement accorder une drogation exceptionnelle un repreneur ne

    satisfaisant pas aux rgles d'incompatibilits31.

    En plus de son rle rpressif, le Ministre Public est prsent pour faire respecter la

    transparence et la moralit de la procdure tout en veillant la dfense des intrts de

    l'entreprise.

    3) Le Juge-Commissaire

    Le Juge-Commissaire, charg de "veiller au droulement rapide de la procdure et la

    protection des intrts en prsence"32, est l'organe essentiel de la procdure collective.

    Son rle est donc de suivre de prs la poursuite d'activit et en rend compte au Tribunal.

    Il provoque si besoin la cessation d'activit, il autorise les licenciements, il fixe la

    rmunration du dirigeant, il ordonne les oprations de ralisation de l'actif...

    Au niveau des Tribunaux de Commerce, la fonction de Juge-Commissaire est gnralement

    exerce par des personnalits du monde professionnel33. Exerant cette fonction titre

    bnvole, le Juge-Commissaire a nanmoins des obligations en termes de comptences,

    d'exprience34 et de dontologie35.

    Au Tribunal de Commerce, chaque affaire est analyse au sein dune chambre compose de

    plusieurs juges et chaque dcision est prise dans la collgialit de cette chambre, la

    majorit et dans le secret du dlibr.

    4) L'Administrateur Judiciaire (AJ)

    Professionnel du droit et de la finance, l'Administrateur Judiciaire est charg

    d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance

    dans la gestion de ces biens36.

    30 C. com. art. L.661-6 31 C. com. art. L.642-3 voir Partie II - Section B-1) Qualit du repreneur 32 C. com. art. L.621-9 33 Telles que d'actuels ou d'anciens chefs d'entreprises, banquiers, avocats, experts-comptables ou autres. 34 Obligation d'obtenir l'examen d'entre, de suivre une formation continue obligatoire, d'avoir au moins 2 ans d'anciennet au sein du Tribunal pour prtendre exercer la fonction de Juge-Commissaire en charge du traitement des entreprises en difficult. 35 Les juges ont prt serment et sont tenus des rgles dontologiques en termes dindpendance, dimpartialit et de confidentialit dans le traitement des dossiers. 36 L'intervention de l'Administrateur Judiciaire n'est obligatoire que si l'entreprise un des deux seuils suivants: 3 M de chiffre d'affaires et 20 salaris.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 24

    L'Administrateur Judiciaire intervient afin de faciliter la continuation de l'exploitation :

    dans les procdures collectives (sauvegarde et redressement judiciaire) : il assiste le

    dirigeant dans la recherche de solutions et l'laboration du plan de redressement,

    dans la prvention des difficults des entreprises (conciliation, mandat ad hoc) : sous

    l'autorit du Prsident du Tribunal, il favorise la conclusion d'un accord entre les

    parties.

    Il tablit un diagnostic complet de l'entreprise qu'il consigne dans un rapport appel Bilan

    Economique et Social (BES). Il met tout en uvre pour tenter de la sauver et limiter le

    nombre de licenciements. Il labore et prsente au tribunal toute solution tendant la

    sauvegarde de l'entreprise et au maintien de son activit dans le cadre d'un plan de

    continuation. Il reoit et analyse d'ventuelles offres de reprise de l'activit et les soumet

    au Tribunal en vue d'une cession de l'entreprise.

    5) Le Mandataire Judiciaire (MJ)

    Dsign dans toute procdure collective, le Mandataire Judiciaire est charg de

    reprsenter les cranciers, de prserver les droits financiers des salaris et de vendre les

    actifs des entreprises en liquidation judiciaire au profit des cranciers.

    Dans le cadre d'une sauvegarde ou d'un redressement judiciaire, son rle consiste

    principalement vrifier le montant des dettes dclares par les cranciers.

    Lorsque le redressement de l'entreprise apparat impossible, le Mandataire Judiciaire

    procde aux licenciements des salaris et met en uvre la cession des actifs de

    l'entreprise. Il rpartit ensuite les fonds obtenus entre les cranciers suivant le rang de leur

    crance.

    Les moluments de l'Administrateur Judiciaire et du Mandataire Judiciaire sont la

    charge de l'entreprise en procdure collective (voir en Annexe n9 un exemple de calcul de

    leurs honoraires).

    (c) Les autres participants

    1) Le ou les dirigeant(s)

    Le dirigeant de l'entreprise en procdure collective est bien souvent mal considr par

    toutes les parties en prsence. En effet, il reprsente pour beaucoup, de manire

    consciente ou inconsciente, l'chec de l'entreprise et incarne la principale cause des

    difficults. Pour autant, son rle est essentiel dans le rebond, puisque c'est lui qui est en

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 25

    premire ligne pour rassurer les clients, pour grer les approvisionnements auprs des

    fournisseurs dj refroidis par une dette impaye, pour remotiver les salaris bref il gre

    au quotidien l'entreprise pendant cette priode de crise.

    Il est, mon sens, essentiel que le repreneur s'enrichisse de l'exprience des dirigeants

    des entreprises en difficult. Non seulement leur connaissance de l'entreprise et du

    secteur d'activit est un atout indniable, mais galement leur analyse des causes des

    difficults et des dysfonctionnements internes l'entreprise constitue un vritable

    enseignement et une aide la propre analyse du repreneur.

    2) Le Reprsentant des Salaris (RS)

    Le Reprsentant des Salaris37 est l'intermdiaire entre les salaris et le Tribunal.

    Il doit tre dsign dans les 10 jours de l'ouverture de la procdure collective par le Comit

    d'Entreprise, ou dfaut par les dlgus du personnel, ou dfaut par le vote des salaris.

    Son rle est principalement de vrifier les crances nes des contrats de travail et d'tre

    le "porte-parole" des salaris lors des audiences en chambre du conseil.

    Trop souvent nglig, le Reprsentant des Salaris est un formidable appui pour le

    repreneur qui peut, son contact mieux cerner l'tat d'esprit des salaris et avoir un autre

    point de vue des difficults de l'entreprise. Aucun texte lgal n'interdit les discussions en ce

    sens entre le repreneur et le Reprsentant des Salaris38.

    Le repreneur ayant le soutien du Reprsentant des Salaris dans son projet de reprise a

    bien souvent la faveur du Tribunal.

    3) Les contrleurs

    Choisis parmi les cranciers qui en font la demande, les contrleurs sont dsigns par le

    Juge-Commissaire. Leurs fonctions, qui sont gratuites, consistent assister le Mandataire

    Judiciaire et le Juge-Commissaire. A cette fin, les contrleurs peuvent prendre

    connaissance de l'ensemble des documents de la procdure, notamment les rapports de

    l'Administrateur Judiciaire et du Mandataire Judiciaire, mais galement le contenu des

    offres de cessions reues39. Le pouvoir des contrleurs est extrmement limit et leur rle

    est seulement consultatif.

    37 Le Reprsentant des Salaris est un salari protg, au mme titre que le Reprsentant du Personnel. 38 Le Reprsentant des Salaris est soumis uniquement une obligation de discrtion l'gard des informations prsentant un caractre confidentiel (C. trav. art. L.2325-5). 39 C. com. Art. L.642-2 IV

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 26

    L'inconvnient majeur du contrleur est qu'il ne puisse pas prsenter une offre de reprise

    dans le cadre de la cession de l'entreprise. Cette interdiction d'acqurir40 est sanctionne

    par une nullit d'ordre public. En consquence, le crancier qui serait potentiellement

    intress pour tre candidat-repreneur ne sollicitera pas sa dsignation en qualit de

    contrleur.

    En pratique, ce sont gnralement les organismes bancaires et l'Assurance Garantie des

    Salaires (AGS) qui choisissent de devenir contrleurs afin d'obtenir l'ensemble des

    informations de la procdure et de pouvoir suivre de manire rgulire son avancement.

    * *

    *

    Chapitre B Analyse pralable de la cible

    Comprendre le contexte est une tape indispensable dans toute acquisition, qui plus est

    dans le cadre d'une procdure collective o le temps imparti cette phase est

    extrmement restreint. C'est pourquoi il est indispensable de bien s'entourer pour

    rapidement analyser les causes des difficults et raliser un audit juridique et financier.

    B-1 ) BIEN S'ENTOURER

    Compte tenu des nombreuses spcificits des procdures collectives, de l'importance du

    risque d'chec et du large choix qui s'offre au repreneur pour reprendre une entreprise en

    difficult, il est indispensable pour celui-ci de bien s'entourer pour analyser sa future cible.

    Ses conseils habituels, expert-comptable et avocat, sont gnralement en premire ligne

    pour l'assister dans son projet. De plus, la mise en place d'une quipe ddie au sein de sa

    structure s'avre souvent payante.

    (a) Le rle cl de l'expert-comptable

    L'accompagnement de l'expert-comptable est vritablement un lment diffrenciateur

    tant pour la qualit et la consistance du projet, que pour rassurer les organes de la

    procdure par la prsence d'un gestionnaire aux cts du repreneur.

    1) Champs d'intervention et lettre de mission

    Dans le cadre d'une reprise la barre, l'expert-comptable peut intervenir et accompagner

    les diffrentes phases de la reprise :

    40 C. com. Art. L.642-3

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 27

    l'laboration de l'offre de reprise,

    la restructuration de l'entreprise,

    l'assistance pendant la priode d'observation,

    l'laboration du business plan sous-tendant le plan de continuation.

    La formalisation de la mission de l'expert-comptable est une tape importante et prend la

    forme d'une lettre de mission spcifique. Cette dernire dfinira clairement l'tendue de

    sa mission et donc ses responsabilits, le cadre d'intervention, les obligations de chacun

    ainsi que le montant des honoraires.

    Dans le cadre d'une reprise la barre, la rdaction de la lettre de mission (voir en Annexe

    n7 un exemple de lettre de mission) peut se structurer comme suit :

    Phase prliminaire : la prise de connaissance gnrale de la cible, la collecte

    d'informations et le diagnostic pralable,

    Phase d'analyse : l'analyse de l'origine des difficults, le chiffrage des synergies

    potentielles, l'tablissement des documents financiers prvisionnels, l'estimation

    du passif et la rflexion sur l'approche stratgique du dossier,

    Phase de ngociation : avec les anciens actionnaires, pour le rachat des titres et/ou

    avec le bailleur, crdit bailleur ou co-contractant,

    Phase finale : la rdaction de l'offre de reprise ou du plan de continuation,

    l'accompagnement aux audiences et aux runions de travail avec l'Administrateur

    Judiciaire et la revue des actes de cession.

    En procdant ainsi, le client connat parfaitement la dmarche suivie par son expert-

    comptable. Aussi, quelle que soit la dcision du Tribunal, il sera facile de justifier les

    prestations dj effectues et de les facturer.

    2) Les honoraires

    L'laboration des honoraires est une tape particulirement complexe apprhender

    puisque, par dfinition, l'tendue des travaux raliser n'est pas connue au pralable. De

    plus, la mission peut tre interrompue tout moment : par dcision du Tribunal (liquidation

    ou choix d'un autre repreneur), par choix du repreneur (dcouverte d'lments remettant

    en cause l'intrt financier et/ou stratgique), par le conseil mme de l'expert-comptable

    qui, en toute indpendance, peut prconiser son client de ne pas s'engager plus en avant.

    Dans ces conditions, une facturation au temps pass est privilgier. Nanmoins, et en

    fonction du dossier, l'expert-comptable pourra intgrer les deux variables suivantes:

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 28

    Estimation d'une fourchette globale: en effet, l'expert-comptable est souvent

    confront la demande du repreneur de fournir un budget global pour son intervention. A

    dfaut de fournir une enveloppe prcise, il me semble possible d'indiquer dans la lettre de

    mission une fourchette en termes de nombre de jours de travail pour chaque phase de la

    mission sans omettre d'inclure les rendez-vous ncessaires (audiences, rendez-vous avec

    l'Administrateur Judiciaire). A titre d'exemple, l'Annexe n8 fournit les temps passs dans

    deux missions de reprise la barre. Bien entendu, la mention d'une fourchette de journe-

    homme devra prciser le caractre approximatif qui dpendra la fois de l'volution du

    dossier et de l'investissement du repreneur dans certains travaux.

    Honoraires de succs: il est galement possible41 de prvoir dans la lettre de

    mission des honoraires de succs en fonction de l'issue de la reprise la barre. Pour autant,

    il convient de fixer clairement les conditions d'octroi de la part variable (par exemple: au

    prononc du jugement de cession en faveur du repreneur) et d'en limiter le montant afin

    qu'en aucun cas, cela ne porte atteinte lobjectivit et limpartialit de lexpert-

    comptable, ni surtout le place en situation de conflit dintrt.

    (b) La complmentarit avec l'avocat spcialis

    L'avocat spcialis dans le droit des entreprises en difficult apportera au repreneur sa

    vision et son expertise juridique non seulement sur la procdure collective en cours, mais

    aussi des contentieux en-cours ou latents qui sont frquents dans ce genre de dossiers.

    Habitu aux situations de crise, il sera mme d'apporter :

    - des propositions de solutions juridiques adaptes,

    - un appui lors des ngociations notamment dans la formalisation des protocoles

    d'accord,

    - sa connaissance humaine des interlocuteurs (Juge-Commissaire, Administrateur

    Judiciaire, Mandataire Judiciaire, avocat de l'entreprise en difficult).

    Le binme expert-comptable/avocat spcialis s'avre souvent un duo gagnant pour les

    reprises la barre.

    41 L'article 24 de l'ordonnance de 1945 rgissant la profession d'expert-comptable stipule que "les honoraires doivent tre quitables et constituer la juste rmunration du travail fourni comme du service rendus" et que "leur montant est convenu librement" entre les parties, sauf " tre calculs d'aprs les rsultats financiers obtenus par les clients" ( d'une dcision de justice). De plus, l'article 18 du code de dontologie de la profession d'expert-comptable prcise que " les honoraires sont fixs librement (..) en fonction de l'importance des diligences mettre en uvre, de la difficult des cas traiter, des frais exposs ainsi que de la notorit de l'expert-comptable". Le mcanisme de rmunration partielle au succs n'autorise en aucun cas le professionnel limiter ses diligences, ni sa responsabilit.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 29

    (c) L'importance des conseils internes et externes auprs du repreneur

    Il est galement conseill au repreneur de constituer une quipe en interne pour tudier le

    dossier de reprise. En effet, le temps imparti pour prendre connaissance du dossier est

    gnralement assez court (un mois en moyenne entre la publication de l'annonce et la date

    limite de dpt des offres). De plus, une rpartition des rles permet non seulement d'aller

    plus vite et de bnficier d'un ensemble de comptences complmentaires, mais

    galement de diminuer les cots des conseils externes.

    A titre d'exemple, le repreneur peut galement consulter :

    Les partenaires de l'entreprise : banques, fournisseurs, clients,

    La Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI),

    Le rseau associatif local (Association C.R.A., le Rseau Entreprendre),

    La Banque de France, etc.

    B-2 ) DETERMINER L'ORIGINE DES DIFFICULTES

    Redresser une entreprise ncessite tout d'abord de bien cerner les causes des difficults. En

    effet et comme le confirme le clbre adage "les mmes causes produisent les mmes

    effets", il est fortement probable que, si l'origine de la dfaillance n'est pas clairement

    identifie et corrige, l'entreprise se retrouve, nouveau, dans une situation de crise.

    Pour autant, la dfaillance dune entreprise rsulte frquemment d'une conjonction de

    plusieurs facteurs, laquelle provoque un enchanement deffets dont le rsultat est la

    cessation des paiements. Nanmoins, il est possible de classer les causes des difficults

    selon deux grandes catgories : les causes externes et les causes internes.

    (a) Causes externes

    1) La conjoncture

    Lenvironnement conomique joue un rle vident sur, non seulement les dbouchs de

    l'entreprise, mais galement sur le moral des chefs dentreprise dont les consquences sont

    la stimulation ou l'inhibition de leurs capacits investir, se dvelopper ou au contraire

    se protger. La croissance, linflation, le taux de chmage, les prix des matires premires

    et les taux d'intrt applicables aux entreprises sont autant de facteurs qui agissent sur le

    fonctionnement normal de lconomie. Ils peuvent librer ou bloquer les leviers de

    prosprit et stimuler les conditions psychologiques de la russite ou de lchec.

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 30

    2) Les spcificits sectorielles

    La dynamique et la perspective du secteur d'activit ont des impacts directs sur l'entreprise

    et sa survie. En effet, la dgradation du chiffre d'affaires sectoriel, la faiblesse des niveaux

    de marge observe et l'agressivit de la concurrence sont autant d'indicateurs sur la

    fragilit d'un secteur et des entreprises qui le composent. Les secteurs peu porteurs sont

    donc proscrire, sauf faire voluer l'offre, bnficier de synergies ou renforcer le

    poids des marques pour obtenir une position de leadership et/ou positionner l'entreprise

    sur d'autres secteurs d'activit.

    3) Un choc externe

    L'entreprise peut tre fragilise par des vnements inattendus et soudains comme42 :

    D'une part, les chocs purement externes comme la dfaillance d'un partenaire

    commercial dont l'entreprise est fortement dpendante, la perte d'un client important

    suite un dsaccord, les pressions exerces par la concurrence, un incendie

    D'autre part, les chocs lis des facteurs humains comme un accident de la vie prive

    (dcs, maladie, divorce), une mauvaise entente entre associs, partenaires ou

    hommes-cls, une transmission de l'entreprise mal prpare ou mal accepte.

    (b) Causes internes

    Les causes internes sont gnralement les plus dures dtecter, mais il est indispensable

    d'y remdier pour russir le redressement de l'entreprise.

    1) Choix de gestion non judicieux

    Souvent points du doigt lors des dfaillances d'entreprises, les dirigeants sont

    frquemment critiqus dans leur choix de gestion. Pouvant postriori tre qualifis

    d'erreurs de gestion, ces choix non-judicieux sont rarement volontaires et rsultent plutt

    d'une inexprience, d'une tendance ne pas voir la ralit en face, de l'absence de remise

    en cause Tous les domaines de l'entreprise peuvent tre touchs comme le manque de

    rigueur dans les dpenses, les contrats-clients mal ngocis, une mauvaise organisation,

    une hirarchie dresponsabilisante, une structure de cots inadapte

    D'ailleurs, la mauvaise gestion de l'entreprise est, aux yeux des Administrateurs Judiciaires

    et des Mandataires Judiciaires43, la cause principale des dfaillances des entreprises.

    42 Les tudes de N. Crutzen et de D. Van Caillie ont mis en vidence ces deux types de chocs externes dans leur ouvrage "Vers une typologie des micros et petites entreprises en difficult: une tude exploratoire". 43 Selon une tude Ipsos ralise en juin 2007

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 31

    2) Mauvaise orientation stratgique

    Dcids par le conseil d'administration ou de surveillance, les choix stratgiques peuvent

    s'avrer fatals la prennit de l'entreprise. De nombreux exemples peuvent illustrer ces

    dcisions qui se sont rvles inadaptes au contexte :

    Croissance externe mal matrise ou sans justification conomique,

    Virage technologique manqu,

    Frais de recherche et dveloppement financs en pure perte,

    Mauvais choix d'investissements (absence de retour sur investissement),

    Stratgie commerciale inadapte (politique de prix, dpenses marketing).

    3) Structure financire inadapte

    Le manque de capitaux propres aggrave la fragilit d'une entreprise et ne permet pas, le cas

    chant, de surmonter une difficult passagre. Un effet "boule de neige" peut rsulter

    d'une trop forte dpendance l'gard des banques et des cranciers.

    La difficult obtenir des crdits bancaires, notamment en cette priode de crise, accentue

    la fragilit de la structure financire et les entreprises sont contraint d'avoir recours des

    financement plus coteux (dcouvert, affacturage, crdit-baux).

    4) Mauvaise qualit de l'information

    L'origine des difficults peut tre galement lie une mauvaise qualit de l'information.

    En effet, comment prendre de bonnes dcisions si les informations sont fausses ? Cette

    dfaillance peut provenir d'un systme d'information non fiable ou pas jour, d'une

    mauvaise organisation ou d'une absence de contrle (comptabilit analytique, suivi des

    stocks, contrle de gestion).

    (c) Spirale de l'chec

    Ds les premiers symptmes annonciateurs des difficults financires, des mesures

    correctives doivent tre mise en place trs rapidement pour viter dentrer dans la spirale

    de lchec, aussi appele "spirale de la dfaillance" (voir figure n9 en page suivante).

    Dtecter l'origine exacte des difficults peut donc s'avrer difficile. En effet, chaque phase

    de la spirale de l'chec constitue en elle-mme de nouvelles causes des difficults.

    Par exemple, la baisse du chiffre d'affaires peut trs vite entraner une baisse de la

    rentabilit s'il n'y a pas ajustement rapide des charges. La rentabilit ntant plus au

    rendez-vous, cest la capacit de lentreprise produire son autofinancement qui diminue

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 32

    entranant trs rapidement la recherche de nouveaux financements (externes) pour ne pas

    subir un manque de liquidits. Si ces besoins de liquidits ne sont plus couverts (perte de

    confiance des partenaires financiers du fait de labsence de rentabilit par exemple), la

    cessation des paiements peut intervenir trs vite et cest la dfaillance.

    De plus, il convient de signaler le drame humain quune dfaillance reprsente pour le

    dirigeant lui-mme et pour sa cellule familiale : cette dimension psychologique et humaine

    est trs prsente dans les cas de dfaillance d'entreprises et ne fait qu'acclrer cette

    spirale de l'chec.

    (d) Statistiques sur les principales raisons de la dfaillance

    Dans son rle d'observatoire de l'conomie, l'INSEE44 a observ lors de deux grandes

    enqutes ralises en 1986 et en 1997 les causes principales des dfaillances d'entreprises.

    Ces enqutes font ressortir plusieurs enseignements :

    Pour plus de 75% des dfaillances analyses, les difficults rsultent d'une

    combinaison de facteurs et non d'une cause unique45,

    Rpartition quilibre entre facteurs externes (53%) et causes internes (47%), 44 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques 45 C'est en ce sens que le total des pourcentages du tableau est suprieur 100%.

    Recul sur le march

    Baisse de la rentabilit Baisse de comptitivit

    Premires difficults financires

    Surendettement Sous-investissement

    Coups du sort et/ou Conjoncture et/ou erreurs de gestion ou de prvision

    Production inadapte Commercialisation dficiente

    Difficults financires

    Recherche de capitaux Qute d'conomie

    Situation alarmante

    Chute des profits

    Crainte des cranciers

    Cessation des paiements

    Image de marque ternie Emprunts onreux

    Mfiance des banques

    Source: L. Marco (1989)

    Figure n9 : Spirale de la dfaillance

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 33

    Parmi les causes de dfaillance les plus cites, on retrouve le problme de la sous-

    capitalisation de l'entreprise (20,6%), la perte de part de march (19,6%) et les

    accidents de la vie dont le dcs et le divorce (19,5%).

    EXTE

    RNE

    Factures macro-conomiques de fragilit Diminution de la demande Cas de force majeure Aggravation de la concurrence

    15,2% 5,7%

    11,0% Problmes de dbouchs Perte de parts de march

    Pertes brutales de clients Dfaillance de clients importants

    19,6% 12,5% 9,4%

    Causes accidentelles Litiges avec des partenaires privs Litiges avec des partenaires publics Malversations Accidents divers (dcs, divorce)

    16,4% 9,7% 4,4%

    19,5%

    INTE

    RNE

    Stratgie de l'entreprise Echecs de projets importants Autres

    15,1% 0,9%

    Cots, structure de production Cots d'exploitation trop levs Frais de personnel trop levs Surinvestissement

    10,9% 5,7% 3,0%

    Difficults financires Dficit de ressources propres Dfaut de paiement des clients Refus de prt

    20,6% 15,8% 9,1%

    Problmes d'information et de management Systme d'information dficient Incomptence Msentente de l'quipe dirigeante

    13,0% 9,6% 6,3%

    La dfaillance de lentreprise peut certes provenir de multiples causes, mais c'est bien le

    chef d'entreprise qui a souvent une grande part de responsabilit dans la non-rsolution

    des difficults. Le repreneur aura tout intrt bien cerner toutes les erreurs du pass

    pour ne pas les reproduire et focaliser son attention sur les lments dfaillants de

    l'entreprise.

    B-3 ) EFFECTUER UN AUDIT JURIDIQUE ET FINANCIER

    Comme pour toute acquisition, un audit exhaustif est indispensable. Or, alors mme que

    de telles investigations sur les aspects comptables, juridiques et sociaux sont encore plus

    impratives dans le cas d'une socit en situation de prcarit conomique, le temps

    imparti cette analyse est souvent, dans le cas d'une reprise la barre, extrmement

    limit.

    Le repreneur et son expert-comptable devront se baser sur les informations fournies par

    l'Administrateur Judiciaire et par le dirigeant souvent sans possibilit de procder des

    vrifications approfondies. C'est pourquoi, le business plan prvisionnel devra tenir

    compte d'une marge d'incertitude.

    Figure n10 : Enqute INSEE sur les raisons de la dfaillance

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 34

    (a) Analyse du passif

    La dtermination du passif rpond deux enjeux :

    - dans le cadre d'un plan de continuation, il faut prvoir de rembourser l'exhaustivit

    de ce passif sur un maximum de dix ans,

    - dans le cadre d'un plan de cession, le repreneur aura tout intrt connatre le

    montant du passif pour comprendre les enjeux du dossier.

    Pour cela, la dclaration de cessation des paiements (DCP) peut servir de base de dpart

    pour cette valuation. Nanmoins, il faut savoir que, dans la pratique :

    le passif dclar dans ce formulaire administratif est gnralement sous-estim de

    l'ordre de 30 80% par le chef d'entreprise du fait, soit d'un excs d'optimisme,

    soit dans un souci de ne pas aggraver la situation aux yeux du Tribunal,

    en outre, ce document n'est gnralement communiqu ni par le dirigeant et ni

    par l'Administrateur Judiciaire, mais le repreneur peut nanmoins solliciter la

    communication de ce document qui peut tre rvlateur puisqu'il exprime la vision

    du dirigeant l'instant o il "dpose son bilan".

    En gnral, c'est l'tat du passif communiqu par le Mandataire Judiciaire qui sert de

    rfrence ce calcul. Le format de ce document varie d'une tude de Mandataire Judiciaire

    l'autre, avec une constante qui est la difficult de comprhension pour un non-initi. Il est

    donc recommand de se faire prciser les zones d'ombre par le professionnel qui a tabli ce

    document. Il est prudent de lui faire prciser si sont inclus dans cet tat :

    les avances faites par l'AGS et les frais de procdure

    les ventuelles dettes de la priode d'observation

    Il est frquent, dans la pratique, que ces lments manquent, d'o des surprises de taille

    qu'il convient d'anticiper.

    Pour apprhender prcisment ce passif, il convient tout d'abord de bien le classifier selon

    sa nature :

    le passif super-privilgi (c'est dire les crances salariales et les avances opres

    par l'AGS, ainsi que les frais de justice)

    le passif privilgi (principalement le Trsor Public et les organismes sociaux)

    le passif bnficiant d'une hypothque ou d'une sret

    le passif chirographaire

    le passif choir, notamment dans le cadre de contrat de crdit-baux

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 35

    De plus, il convient de bien apprhender les engagements hors bilan et les contentieux en

    cours. En effet, mme si ces derniers ne font pas proprement parler partie du passif

    apurer dans le cadre d'un plan de continuation, le repreneur sera tenu d'y faire face.

    (b) Audit stratgique et technique

    L'audit stratgique permet non seulement de valider l'intrt de l'acquisition, mais

    galement de btir l'argumentaire quant la pertinence de l'opration. Parmi les

    nombreux outils la disposition du repreneur, les plus utiles sont le diagramme de Porter

    et la matrice SWOT :

    1) Diagramme de Porter :

    Pour mieux apprhender l'environnement de

    l'entreprise, le diagramme de Porter offre une

    visualisation simple pour positionner la cible

    dans son march.

    Cinq forces/menaces composent ce diagramme:

    Intensit de la concurrence,

    Nouveaux entrants,

    Pouvoir de ngociation des clients,

    Pouvoir de ngociation des fournisseurs,

    Produits de substitution.

    L'analyse de l'environnement par le diagramme de Porter permet de mesurer l'attractivit

    du march et la position de force ou de faiblesse de l'entreprise face ses partenaires

    (clients/fournisseurs) et par rapport ses concurrents.

    2) Matrice SWOT :

    Derrire cet anglicisme se cache une

    approche simple et connue. S comme

    Strength (force), W comme Weakness

    (faiblesse), O comme Opportunity

    (opportunit), T comme Threat

    (menace). L'objectif de cette analyse est

    d'identifier environ 5 propositions par

    cases au maximum, soit une vingtaine

    au total. Cet exercice doit tre ralis en amont de la reprise et il faut s'astreindre le

    Figure n11 : Diagramme de Porter

    Figure n12 : Matrice SWOT

  • Reprendre une entreprise la barre du Tribunal Guide pratique pour l'expert-comptable du repreneur 36

    reconduire rgulirement (tous les six mois par exemple) pour mesurer les progrs et les

    zones d'attention particulires.

    L'aboutissement naturel de l'audit stratgique est l'audit technique. Ce dernier s'attachera

    apprcier la valeur des diverses composantes techniques de l'entreprise : l'outil industriel,

    les machines, l'ordonnancement, la logistique En effet, il est extrmement important

    d'avoir une ide prcise des investissements prvoir (notamment pour construire le

    tableau de trsorerie) et de savoir si des gains de productivit et/ou une diminution des

    cots de production peuvent tre anticips.

    (c) Audit des contrats du point de vue juridique, social et fiscal

    La dmarche d'audit ne serait pas complte sans une revue des contrats qui lient la socit

    ses partenaires, notamment les accords particuliers.

    1) Plan de cession par