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Cahiers de nutrition et de diététique (2012) 47, 85—92 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com COMPORTEMENT ALIMENTAIRE Restriction de nourriture, longévité et vieillissement Dietary restriction, longevity and aging Éric Le Bourg UMR CNRS 5169, centre de recherches sur la cognition animale, université Paul-Sabatier, 31062 Toulouse cedex 9, France Rec ¸u le 2 novembre 2011 ; accepté le 22 novembre 2011 Disponible sur Internet le 29 décembre 2011 MOTS CLÉS Restriction de nourriture ; Longévité ; Vieillissement ; Protéines ; Humains ; Modèles animaux Résumé La restriction de nourriture augmente souvent la longévité des rongeurs et peut avoir des effets positifs sur leur vieillissement. Des études sont en cours sur les primates non humains pour lesquels aucun effet sur la longévité n’a été établi 25 ans après le début des expériences. Des études sur les humains sont aussi entreprises. Cet article vise à montrer que des effets positifs de la restriction de nourriture sur la longévité humaine sont peu probables ; en particulier, les études sur le régime alimentaire d’Okinawa semblent confirmer cette hypothèse. De plus, les régimes de restriction de nourriture peuvent avoir des conséquences néfastes pour la santé. Cependant, comme des effets positifs sur la santé des personnes obèses ont été observés, les études de la restriction de nourriture devraient d’abord s’intéresser au problème de l’obésité, plutôt que de rechercher des effets positifs peu probables sur la longévité et le vieillissement. © 2011 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Dietary restriction; Longevity; Aging; Proteins; Animal models Summary Dietary restriction (DR) often increases longevity and it may improve aging in rodents. Up to now, studies in non-human primates, which are carried out for 25 years, have not shown positive effects on longevity. Studies in human beings are also underway. This article argues that positive effects of dietary restriction on human longevity are not expected and results on the Okinawa diet seem to confirm this hypothesis. Moreover, dietary restriction can entail risky outcomes for health. However, as positive effects on healthspan in obese people have been reported, studies of DR should focus on obesity, rather than to look for not very probable positive effects of DR on longevity and aging. © 2011 Société franc ¸aise de nutrition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Texte issu de la conférence Xavier Leverve aux Journées Francophones de Nutrition, Reims, décembre 2011. Adresse e-mail : [email protected] 0007-9960/$ see front matter © 2011 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.cnd.2011.11.004

Restriction de nourriture, longévité et vieillissement

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Cahiers de nutrition et de diététique (2012) 47, 85—92

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

Restriction de nourriture, longévité etvieillissement�

Dietary restriction, longevity and aging

Éric Le Bourg

UMR CNRS 5169, centre de recherches sur la cognition animale, université Paul-Sabatier,31062 Toulouse cedex 9, France

Recu le 2 novembre 2011 ; accepté le 22 novembre 2011Disponible sur Internet le 29 décembre 2011

MOTS CLÉSRestriction denourriture ;Longévité ;Vieillissement ;Protéines ;Humains ;Modèles animaux

Résumé La restriction de nouavoir des effets positifs sur leurhumains pour lesquels aucun efexpériences. Des études sur les

des effets positifs de la restrictioparticulier, les études sur le régimDe plus, les régimes de restrictiola santé. Cependant, comme dobservés, les études de la restricde l’obésité, plutôt que de rechvieillissement.© 2011 Société francaise de nut

KEYWORDSDietary restriction;Longevity;Aging;Proteins;Animal models

Summary Dietary restriction

rodents. Up to now, studies in nnot shown positive effects on lonargues that positive effects of

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� Texte issu de la conférence Xavier Leverve aux Journées FrancophonAdresse e-mail : [email protected]

0007-9960/$ — see front matter © 2011 Société francaise de nutrition. Pdoi:10.1016/j.cnd.2011.11.004

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dietary restriction on human longevity are not expected and to confirm this hypothesis. Moreover, dietary restriction can

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l est maintenant connu de beaucoup, du fait de la popula-isation dans les médias des résultats de la recherche sur leieillissement, que les régimes de restriction de nourritureRN) peuvent augmenter la longévité des rongeurs et avoires effets positifs sur leur vieillissement. D’autres expé-iences sont en cours sur des primates non humains, et leursremiers résultats ont pu être présentés comme corroboranteux obtenus sur les rongeurs. Enfin, des expériences de RNvec des sujets humains existent aussi.

De tout cela découle l’interrogation sur les effets pos-ibles de la RN chez l’humain, et on voit ainsi des sitesnternet destinés aux personnes âgées annoncer : « mangeroins et vivre plus longtemps. Tels sont les résultats d’une

écente étude américaine. . . qui affirme qu’une plus faiblebsorption de calories au quotidien peut prolonger la vie »1]. Se pourrait-il que la RN soit le remède, presque à por-ée de main des nutritionnistes, permettant d’améliorer laanté à un âge avancé et de vivre plus longtemps ?

Cet article va résumer les résultats sur les effets de laN, y compris les expériences chez les humains, proposerne explication des effets de la RN, avec les conséquencesrobables pour les humains, montrer que ce ne sont peut-tre pas les calories qui comptent, mais l’équilibre de laation, et enfin conclure sur la pertinence de recourir auxégimes de RN, en particulier en dehors des cas d’obésitévérée.

es effets sur la longévité ?

’après certains auteurs, la RN augmente la longévité etéduit les déclins avec l’âge et les maladies de presqueoutes les espèces [2]. Une telle déclaration est à nuancer.

Chez les mouches, les résultats sont ambigus, puisque laN n’augmente pas la longévité de Musca domestica, que lesésultats chez Ceratitis capitata ou d’autres espèces sonteu probants et que ceux obtenus chez Drosophila mela-ogaster sont très controversés. La RN n’augmente pas laongévité du papillon Speyeria mormonia, mais elle aug-

ente celle du ver nématode Caenorhabditis elegans, de

’araignée Frontinella pyramitela, et de plusieurs espècese rotifères (revue dans [3]). Il semblerait que la RN n’aas d’effet clair sur la longévité des insectes volants, maisu’elle augmente celle des invertébrés sédentaires.

Chez les rongeurs, la RN (souvent de l’ordre de 50 % parapport à la nourriture fournie ad libitum) augmente généra-ement la longévité des rats et des souris [4], l’effet pouvanttteindre une année, ce qui représente une augmentatione la longévité de l’ordre de 50 %. Toutefois, on a observéet effet positif dans une lignée consanguine et pas d’effetans une autre [5], des effets variables dans des lignéesecombinantes consanguines (mâles : effet positif dans deuxignées, négatif dans 11 lignées, pas d’effet dans 28 lignées ;emelles : respectivement huit, dix et 21 lignées) [6], etnfin pas d’effet dans la seconde génération issue de sourisauvages capturées dans la nature, puis élevées au labo-atoire [7]. Observons que l’augmentation de longévité, sille se produisait dans la nature par exemple au printemps,ermettrait de vivre jusqu’au printemps suivant.

Chez le chien, il a été montré que la RN augmentait laongévité du labrador de 11,2 à 13 ans [8]. Cependant, ceésultat traduit peut-être le fait que les chiens soumis àa RN souffraient moins de l’obésité classiquement obser-ée chez le labrador âgé puisque, si la RN ne modifia pas

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É. Le Bourg

e poids maigre des animaux âgés de 12 ans (20 kg), le poidses graisses fut divisé par deux chez les animaux soumis àa RN (6 kg vs 13 kg chez les témoins). Le choix du labrador’était donc pas idéal pour observer des effets indépendantse l’obésité, mais il s’explique vraisemblablement par le faitue les auteurs travaillaient pour un fabricant de nourritureour chiens.

Des études de la RN sont en cours sur les primates nonumains et les articles rapportant des résultats partiels sura longévité donnent lieu à des controverses. Par exemple,ertains auteurs ont indiqué [9], 25 ans après le débute l’étude, que la RN chez le macaque (Macaca mulatta)iminuait le risque de mortalité. Cependant, huit mâleseulement étaient soumis à la RN (trois morts) alors que09 mâles et femelles (49 morts) appartenaient au groupeémoin, et la différence des risques de mortalité entre leseux groupes n’était pas significative. Cet article a doncté critiqué [10]. Une autre équipe n’a pas montré de dif-érence de mortalité chez des macaques âgés de 15 à 23 ansu début de l’étude et soumis à la RN depuis 12 à 17 ans11]. Une troisième équipe a rapporté que la RN retardait lesorts dues à des « causes liées à l’âge » (p = 0,03), puisque

4 des 38 animaux dans le groupe témoin et cinq sur 38 danse groupe soumis à la RN étaient morts 20 ans après le débute l’étude [12]. Toutefois, prendre en compte la mortalitéotale (respectivement pour le groupe témoin et celui sou-is à la RN : 21 et 14 morts), ce qui limite les risques de biaisus à l’expérimentateur, annulait cet effet (p = 0,16). Laublication prématurée de cet article, le tiers des animauxtant encore en vie, a donc été critiquée [13].

Qu’en est-il chez les humains ? Aucune étude n’a bien sûroumis des humains à la RN tout au long de leur vie adultet on ne peut donc dire, sur la base de résultats expérimen-aux, si la longévité augmenterait. Toutefois, il existe ce quiourrait être considéré comme une « quasi-expérience », lesffets de la RN sur l’archipel d’Okinawa au Japon.

Les personnes vivant à Okinawa ont, jusqu’au début desnnées 1960, été soumises à des conditions nutritionnellesouvent présentées comme étant une RN modérée. En effet,e déficit calorique journalier était estimé en 1949 à 200 kcalar rapport à ce qui aurait été nécessaire (2000 kcal) et à

00 kcal par rapport au Japon (1785 vs 2068 kcal) [14]. CetteN modérée a-t-elle un effet sur la longévité ?

En 1925, les Japonais avaient une espérance de vie de2,1 ans et les Japonaises de 43,2 ans, alors que les hommest les femmes d’Okinawa vivaient, respectivement, 46,3 et0,5 ans, ce qui montre un avantage important des habitants’Okinawa [15]. Toutefois, cette plus grande espérance deie à Okinawa s’explique par le fait que l’importante mor-alité infantile de l’époque était deux fois plus forte auapon (155 ‰ en 1900 et 90 ‰ en 1940) qu’à Okinawa (78 et5 ‰) [16]. On pourrait donc s’attendre à ce que l’avantage’Okinawa s’amenuise quand la mortalité infantile dimi-ue. En effet, en 1975, alors que la mortalité infantiletait de 10,0 ‰ au Japon et de 12,1 ‰ à Okinawa, lesspérances de vie des hommes et des femmes japonaisestaient au Japon de 71,7 et 76,9 ans, respectivement, et de2,1 et 79,0 ans à Okinawa. En 2000, seul un léger avantagees femmes d’Okinawa par rapport aux Japonaises subsis-ait (86,0 vs 84,6 ans), alors que les hommes avaient desspérances de vie de 77,7 et 77,6 ans, respectivement [17].outefois, il a été rapporté une plus grande prévalence deentenaires à Okinawa que dans le reste du Japon [17], uneifférence qui a été expliquée en partie par des facteursénétiques et climatiques [17,18]. Mis à part ce plus grandombre de centenaires à Okinawa (mais cf. infra), l’écart de

Restriction de nourriture, longévité et vieillissement

longévité entre Okinawa et le Japon a toujours été faible,sauf quand il existait une différence importante du niveau dela mortalité infantile, la forte mortalité infantile du Japonexpliquant aussi l’absence de différence d’espérance de vieentre les sexes qui y était observée vers 1925. Ces résul-tats d’Okinawa ne semblent donc pas indiquer que la RNmodérée augmente la longévité, en admettant que d’autresfacteurs, climatiques ou génétiques, n’expliquent pas lesfaibles différences observées.

Augmentation de la longévité : uneexplication par la biologie évolutive

Comment expliquer que la RN augmente la longévité danscertaines espèces (rongeurs, invertébrés sédentaires) etpas dans d’autres (insectes volants ? primates, dont leshumains ?) ? La biologie évolutive fournit une explicationbasée sur les stratégies de vie et les moyens dont disposentles différentes espèces face à la disette [3].

Si, dans la nature, des animaux confrontés à la disettetentent de se reproduire, cela risque d’aboutir à la mort dela mère et de sa descendance puisque l’énergie nécessairepour se reproduire et assurer la survie de la descendancen’est pas disponible. Si ces animaux ne peuvent se déplacersuffisamment loin pour trouver un meilleur environnement,la meilleure stratégie peut être d’attendre que la situations’améliore pour se reproduire, c’est-à-dire que la féconditédu moment doit être sacrifiée pour sauver la fécondité ulté-rieure. Les conséquences de cette situation sur la longévitédépendront des stratégies de reproduction.

Si l’espèce n’a qu’une seule saison de reproduction, aug-menter la longévité jusqu’à la saison suivante (rongeurs)ou le temps que la situation s’améliore (espèces à courtevie comme les nématodes) peut sauver la reproduction.On observe effectivement que la longévité augmente chezle nématode C. elegans qui vit normalement environ troissemaines, mais deux semaines de plus en cas de RN. Chezles rongeurs, qui ont normalement peu de chances d’avoirune seconde saison de reproduction, la longévité augmente

au maximum d’un an. Une telle augmentation permettrait,dans la nature, d’attendre la saison de reproduction suivantedans l’espoir de pouvoir alors se reproduire, car il y a peude risques que deux années successives soient soumises à ladisette [19].

S’il y a plus d’une saison de reproduction, c’est donc quel’espèce se reproduit plusieurs fois au cours de sa vie etqu’elle vit relativement longtemps : c’est généralement lecas des mammifères de grande taille. Ces espèces, commeles primates, ont peu de descendants et doivent s’en occu-per longtemps et, pour elles, il est moins dramatique de nepas pouvoir se reproduire une année donnée, contrairementà ce qui se passe chez les rats ou souris. Augmenter la longé-vité en cas de RN n’est donc pas indispensable, voire inutile,et on ne devrait pas observer une telle augmentation. Celasemble être le cas pour les macaques, mais il faudra encoreattendre quelques années avant d’en être sûr.

Enfin, si l’espèce peut se déplacer, il n’est pas forcé-ment nécessaire d’augmenter la longévité en cas de disette,puisqu’elle peut trouver ailleurs sa nourriture. Les grandsmammifères, comme les éléphants africains, migrent en casde disette mais, vu leur longévité, on ne peut guère étu-dier leur réponse à la RN. Les insectes volants, comme lesmouches ou les papillons ne peuvent pas attendre très long-temps pour se reproduire, mais ils ne semblent pourtant pas

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forcément vivre plus longtemps en cas de RN. Ces espècesont la possibilité de changer d’environnement, alors que lesaraignées, sédentaires, vivent plus longtemps en cas de RN.Contrairement aux grands mammifères, les petits rongeursrisquent d’être une proie facile pour des prédateurs s’ilstentent de se déplacer loin de leur biotope, et cela per-met peut-être d’expliquer pourquoi ils vivent généralementplus longtemps quand ils sont soumis à la RN, cette stratégieétant moins risquée.

Si les réponses au jeûne dépendent bien des stratégiesreproductives, une longévité accrue en cas de RN chez uneespèce vivant longtemps et/ou capable de se déplacer viteet loin n’augmenterait pas sa capacité à laisser des descen-dants, puisqu’il lui serait toujours possible de retarder sareproduction ou de chercher sa nourriture ailleurs. Puisqu’iln’y aurait pas d’avantage sélectif à cette longévité augmen-tée pour ces espèces, pourquoi une longévité accrue en casde disette aurait-elle été retenue par la sélection naturelle ?

Les humains peuvent se déplacer en cas de famine(migrations) et vivent longtemps, ils peuvent donc retar-der leur reproduction si les conditions ne sont pas réuniesune année donnée. Une longévité accrue en cas de disetten’a donc aucun intérêt pour leur valeur adaptative et n’adonc probablement pas été sélectionnée, ce qui permet defaire l’hypothèse que la RN n’augmenterait pas la longévitéhumaine.

Qu’en est-il cependant des effets de la RN sur le vieillis-sement, et au-delà, sur l’état physiologique des animaux ousujets humains soumis à la RN ?

Des effets sur le vieillissement ?

Les effets de la RN sur le vieillissement des mouches dro-sophiles ont été étudiés. La RN retarde le déclin avec l’âgede la capacité à grimper sur une paroi verticale, ce qui estun effet positif, mais diminue la résistance à différentesagressions (chaleur, froid, inanition, infection fongique), ycompris à un âge avancé, ce qui montre que les mouches sou-mises à la RN sont fragilisées [20]. Toutefois, des absencesd’effet sur les capacités d’apprentissage [21] ou sur la

capacité à grimper une paroi verticale [22] ont aussi étéobservées, de même qu’une moins bonne résistance aufroid, mais une meilleure résistance à l’infection bacté-rienne [23], ce dernier résultat n’étant pas observé dans uneautre étude [24]. En résumé, il semblerait que les mouchessoumises à la RN puissent avoir un déclin comportementalretardé, mais une moins bonne résistance aux agressions.

Des effets positifs sur le vieillissement des rongeurssont souvent observés, comme de meilleures performancesmotrices, mnésiques, ou d’apprentissage, mais des absencesd’effets ont aussi été rapportées ; on observe aussi une dimi-nution des pathologies et des tumeurs liées à l’âge (liste deréférences dans [25]), mais aussi une moins bonne résistanceau virus de la grippe à un âge avancé [26], au froid [27] età l’infection intestinale par un parasite [28]. Il sembleraitque, pour les rongeurs, les effets positifs de la RN soientcontrebalancés par des effets néfastes se traduisant par uneplus grande fragilité des animaux en RN.

Des effets positifs chez les macaques existent aussi,comme une baisse des graisses corporelles, de la glycémieà jeun, du taux plasmatique d’insuline ou de la pres-sion artérielle [29], une diminution de la sarcopénie [30],ou encore une possible diminution des maladies métabo-liques et des cancers [12]. Toutefois, d’autres changementspeuvent poser des problèmes, comme une possible baisse de

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a densité minérale osseuse chez les mâles (risque de frac-ures ?) [31], ou de la température (moins bonne résistanceu froid ?) [29].

Chez les humains, huit personnes âgées de 27 à 42 ans,i on excepte un homme de 67 ans, ont passé deux ansans Biosphere-2, une vaste enceinte totalement hermé-ique située dans le désert de l’Arizona. Tous les alimentstaient produits dans l’enceinte et, en raison de difficultésmprévues, la ration calorique journalière tomba à 1800 kcalu début de l’étude pour remonter à 2200 à la fin, ce quintraîna donc une RN. On observa une baisse du poids,es graisses, de la température, de la pression artérielle,es lipoprotéines, et des modifications d’autres marqueurseflétant une adaptation métabolique [32], comme dans’autres études de RN chez les humains [33]. Cette étudet d’autres montrent que la RN peut avoir des effets posi-ifs sur les marqueurs des maladies métaboliques, puisquees personnes en surpoids tendent à retrouver des valeurse rapprochant de la normale [34] et que des personnesbèses (indice de masse corporelle, IMC supérieur ou égal

30 kg/m2) de 60 ans ont de meilleures performances mné-iques au bout de trois mois de RN [35].

Les effets négatifs de la RN sont cependant nombreux,uisque la température baisse [36], et que la masse maigre37] et la force musculaire [38] mesurées après un an de res-riction diminuent respectivement de 5 et 7 %. On observeussi une baisse de la densité minérale osseuse, en particu-ier au niveau de la hanche [39], même si la qualité de l’ose semble pas modifiée [40]. Les effets négatifs observésaissent présager des conséquences néfastes sur la résis-ance au froid (du fait de la baisse de la température),es performances physiques diminuées (baisse de la masseusculaire), un risque de fractures plus élevé (baisse de

a densité osseuse), une possible hypotension (baisse de laression artérielle). D’autres effets négatifs ont été évo-ués, comme une moins bonne cicatrisation, des risques’irritabilité et de symptômes dépressifs, de baisse de laibido et d’aménorrhée [41], mais aussi des effets positifsossibles, comme une plus faible incidence de cancers ete diabètes [33,42].

L’observation des habitants d’Okinawa permet de

ompléter cet inventaire des effets de la RN. Les habitants’Okinawa observés en 1949 présentaient des signes de mal-utrition, comme un retard de l’apparition des règles (9 %es femmes), des problèmes de lactation déficiente (18 %es femmes), une prévalence importante de la perlèche10 %). En revanche, en 1995, la mortalité due aux maladiesardiovasculaires et aux cancers était plus faible à Okinawau’au Japon, ce qui reflète l’état de santé des personnes’un âge assez avancé [14].

Dans l’ensemble, la RN peut avoir certains effets positifs,ais cela semble être au prix de nombreux effets négatifs,ue ce soit chez les mouches, les rongeurs, les primates nonumains ou les humains. En ce qui concerne ces derniers,n serait tenté de résumer en disant que la RN procure lesrtères d’un jeune homme et les os d’un vieillard, et quea RN semble plus compatible avec une vie tranquille sansrands efforts physiques dans un environnement thermique-ent neutre qu’avec une vie active.

alories ou équilibre de la ration ?

outes les études précédentes sont basées sur le présup-osé que la RN agit par l’intermédiaire d’une baisse desalories et, de fait, les études publiées en langue anglaise

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igure 1. Illustration de la géométrie nutritionnelle. En fonctione la proportion des protéines (en calories) sur les glucides et lesipides (P/G + L), la ration alimentaire est équilibrée ou non, c’est-à-ire qu’elle correspond ou non aux besoins nutritionnels. Les droitesndiquent comment le contenu calorique augmente dans trois cas,ne ration trop pauvre en protéines, une ration équilibrée (envi-on 15 % de protéines), et une ration trop riche en protéines. Lesndividus tendent vers une cible nutritionnelle combinant un cer-ain rapport P/G + L et un certain apport énergétique et, si la rationst déséquilibrée à un repas (exemple : trop de protéines), il seraossible de corriger le déséquilibre par la prise d’une ration ayantn plus faible contenu protéique.

igure redessinée d’après Simpson SJ, Batley R, Raubenheimer D.eometric analysis of macronutrient intake in humans : the powerf protein? Appetite 2003;41:123—40.

arlent souvent de caloric restriction. Toutefois, il est pos-ible que ce ne soit pas les calories qui aient l’effet le plusotable, mais l’équilibre de la ration, c’est-à-dire le rapportes protéines sur les sucres et les graisses. Afin de compren-re les implications de cette hypothèse, un petit détour para géométrie nutritionnelle s’impose.

etit détour par la géométrie nutritionnelle

ne ration alimentaire étant un mélange de protéines, delucides et de lipides, il s’ensuit que la proportion de ces dif-érents éléments peut varier. Une ration équilibrée impliquee respecter une certaine proportion de protéines par rap-ort aux sucres et aux graisses et on peut montrer que,pontanément, les individus privilégient un certain équilibreFig. 1). Cet équilibre est particulièrement évident quand onodifie arbitrairement la proportion des protéines.Par exemple, la Fig. 2 rapporte une expérience [43]

ù, après avoir déterminé la cible nutritionnelle des sujetsumains (jours 1 et 2 sur la figure), c’est-à-dire le rapportes protéines sur les glucides et lipides qu’ils observentpontanément, on leur impose une ration déséquilibréeomprenant trop de protéines (jours 3 et 4) avant de leuraisser de nouveau manger ce qu’ils désirent (jours 5 et 6).n s’apercoit que les sujets (jours 3 et 4) diminuent leursalories pour ne pas ingérer trop de protéines, même si lauantité de protéines ingérée augmente légèrement, puis,ux jours 5 et 6, ils diminuent leur quantité de protéinesour compenser l’excès des deux jours précédents. Il sembleonc que, en cas de ration trop riche en protéines, les sujetségulent la quantité de protéines au détriment des calories.

Dans l’expérience inverse (Fig. 3), on impose aux sujetsne ration avec trop peu de protéines aux jours 3 et 4. Danse cas, la quantité de calories ingérées augmente fortement

Restriction de nourriture, longévité et vieillissement

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Figure 2. Variation de la quantité (en calories) de protéines, glu-cides, lipides, et calories consommées dans un cas où on impose àdes sujets de manger une ration déséquilibrée en faveur des pro-téines.

la longévité des rongeurs, comme le faisait la RN, et proba-

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Figure 3. Variation de la quantité (en calories) de protéines, glu-cides, lipides, et calories consommées dans un cas où on impose à

des sujets de manger une ration déséquilibrée en faveur des glucideset des lipides.

pour compenser le manque de protéines, puis aux jours 5 et6, la quantité de calories ingérée diminue fortement. Encas de ration trop pauvre en protéines, les sujets régulentdonc aussi la quantité de protéines et non les calories, et ilsaugmentent donc fortement leur prise alimentaire. On peutdonc conclure que la régulation de la prise alimentaire sefait d’abord en faveur de l’obtention d’une certaine quan-tité de protéines ingérée, même si c’est au détriment de larégulation du nombre de calories. De fait, les régimes ali-mentaires ont généralement une proportion de protéines de13 à 15 % (par exemple [44]).

D’un point de vue pratique, sachant que le contenu enprotéines de la ration alimentaire a diminué aux États-Unisdepuis 1960, passant progressivement de 14 à 12,5 %, il y apeut-être là une clé pour comprendre l’épidémie d’obésité :pour ingérer la même quantité de protéines, la populationdoit ingérer plus de calories que jadis [45].

La raison pour finement réguler la quantité de protéinesne relève pas de cet article, mais on peut se demandersi toutes les expériences de RN n’ont pas en fait été des

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expériences de restriction des protéines puisque, en dimi-nuant la ration alimentaire, on diminue ipso facto laquantité de protéines. On peut de plus se demander quelsseraient les effets d’une variation de la proportion des pro-téines sur la longévité, le contenu énergétique de la rationrestant le même.

Les effets de la variation du rapport desprotéines sur les glucides et lipides

Des expériences chez l’insecte qui avaient à leur disposi-tion une nourriture dont la proportion en protéines variaitont montré que les animaux vivaient plus longtemps quandla proportion de protéines était faible, mais aussi que lalongévité pouvait varier fortement pour la même quantitéde calories [46]. Ce dernier résultat montre que ce n’estvraisemblablement pas la baisse du nombre de calories quiexplique l’augmentation de longévité observée en cas deRN. En revanche, les insectes avaient besoin d’une plusgrande quantité de protéines pour maximiser leur produc-tion d’œufs : il semble donc que les exigences pour vivrelongtemps et laisser un maximum de descendants puissentêtre contradictoires.

Il n’existe pas encore d’expériences similaires chez lesrongeurs, mais les effets du contenu en méthionine, un acideaminé soufré, sur la longévité ont été étudiés. La restrictionde méthionine augmente la longévité des rats mâles (lignéeFischer 344, +20 à 40 % [47,48]) et des souris femelles (lignéeCB6F1, +45 %, [49]) ou mâles (lignée CB6F1, +7 % [50]). Cemanque a des conséquences importantes puisque le poidsdiminue et que la croissance est retardée [47—49,51]. Cetterestriction n’a pas d’effet sur la prise de nourriture globale,mais l’augmente si elle est ajustée au poids [47], ce quipermet de penser que les animaux tentent de compenser lemanque de protéines par une consommation de nourritureplus importante (cf. Fig. 3). Enfin, cette restriction diminuela glycémie et le taux d’insuline, retarde l’apparition de lacataracte à 18 mois, mais pas à 24 mois [49].

Tous ces résultats suggèrent fortement que le manquede protéines a des effets négatifs, même si elle augmente

blement pour les mêmes raisons (cf. supra).

Les effets d’un manque de protéines àOkinawa

La ration alimentaire d’Okinawa ne se caractérisait passeulement par un plus faible nombre de calories par rap-port au reste du Japon (1785 vs 2068 kcal en 1949 [14]), maisaussi par un plus faible contenu en protéines, puisqu’elle necomportait que 9 % des calories en protéines contre plus de13 % au Japon [14], ce qui est la proportion classiquementobservée dans de nombreux régimes alimentaires spontanés[45]. En prenant en compte la quantité quotidienne de calo-ries, les habitants d’Okinawa ne consommaient que 57 % desprotéines à la disposition des Japonais. Cela représente enmoyenne 39 g/jour de protéines, soit respectivement 70 et84 % des besoins d’un homme et d’une femme adultes, maisseulement 55 % de ceux d’une femme enceinte ou allaitante[52]. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le poidsdes aliments ingérés par les habitants d’Okinawa ait été plusélevé qu’au Japon (1260 vs 1060 g, [14]), ce qui était proba-blement une tentative de compensation d’une trop faiblequantité de protéines (cf. Fig. 3).

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La consommation de la ration alimentaire d’Okinawa arobablement eu des conséquences, comme un faible IMCoyen (21,2 kg/m2), mais aussi, comme indiqué précédem-ent, un retard de l’apparition des règles (9 % des femmes),es problèmes de lactation déficiente (18 % des femmes),ne prévalence importante de la perlèche (10 %) [14], maisussi une proportion plus élevée qu’au Japon d’enfantsyant un faible poids à la naissance (8 % en 1973 vs 6 % auapon, [53]). Il a été dit précédemment qu’en 1995 la morta-ité due aux maladies cardiovasculaires et aux cancers étaitlus faible à Okinawa qu’au Japon, ce qui reflète l’état deanté des personnes d’un âge assez avancé [14], mais depuise début des années 1990, cette mortalité est plus impor-ante chez les quadra- et quinquagénaires d’Okinawa qu’auapon [15]. Ce résultat a été interprété comme une possibleombinaison de l’adoption d’un régime alimentaire de typeméricain et d’un faible poids à la naissance [54], puisqu’unort IMC chez l’adulte a plus d’effets négatifs sur le risque’infarctus chez les personnes ayant eu un faible poids à laaissance que chez celles ayant eu un poids normal [55] etue, plus généralement, une nutrition fœtale déficiente aes répercussions sur la santé à un âge adulte ou avancé56,57].

En somme, le régime d’Okinawa a eu des effets posi-ifs sur les maladies cardiovasculaires des générationsujourd’hui âgées, mais ce sont peut-être bien les enfantse cette génération qui en paient les conséquences par unlus grand risque de mourir des mêmes maladies cardiovas-ulaires.

Toutefois, le second effet positif présumé du régime’Okinawa, c’est-à-dire la prévalence plus élevée de cen-enaires à Okinawa par rapport au Japon [17], est peut-être

remettre en cause, puisque ce plus grand nombre deentenaires pourrait être lié à des erreurs d’état civil adve-ues après la seconde guerre mondiale quand les autoritésméricaines d’occupation ont procédé à la reconstructiones registres des personnes nées avant 1945 et visible-ent surestimé leur âge de quelques années [58]. Comme,

ontrairement aux femmes, la plupart des hommes sontorts pendant la guerre, cela pourrait peut-être expli-uer pourquoi le taux de centenaires masculins est similaire

n France et à Okinawa (en 2008, 130 vs 140 par million’habitants, soit 4036 centenaires en France et 94 à Oki-awa) alors que le taux féminin est deux fois plus important

Okinawa (1060 vs 495, soit 744 et 16 213 centenaires). Siette plus grande prévalence de centenaires à Okinawau’ailleurs dans le monde résultait bien d’erreurs commisesprès-guerre, il ne resterait plus grand-chose de « l’effetkinawa ».

onclusions sur les effets de la restriction derotéines

a carence protéique augmente la longévité des rongeursu laboratoire, mais ne permet pas une croissance nor-ale, les animaux étant plus petits. Chez les humains, il

emble que cette restriction puisse aussi se traduire par unMC faible, mais contrairement aux rongeurs, il n’y a pas’augmentation notable de la longévité. De toutes facons,es faibles différences de longévité entre Okinawa et leapon n’étaient pas forcément dues au régime alimentaire,uisque des contributions climatiques et génétiques ont étévoquées [17,18].

L’augmentation de la longévité observée chez les ron-eurs est-elle due à une adaptation évolutive (vivre plus

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ongtemps pour pouvoir se reproduire plus tard, cf. supra)u à une plus faible incidence des maladies métaboliqueseffet positif sensu stricto de la carence protéique) ? Quoiu’il en soit, la carence protéique, comme la RN, place lesongeurs dans une situation où la reproduction sera diffi-ile : comment faire se développer ses petits si on n’a pases protéines nécessaires ?

Les conséquences de la carence protéique chez l’animalont les suivantes : obtention d’animaux de faible stature,lus forte longévité des rongeurs (pour pouvoir attendre uneeilleure situation alimentaire ?), des ajustements métabo-

iques. Des conséquences possibles pourraient être que lesnimaux sont plus fragiles (froid ? infection ?), qu’ils ont unelus faible fécondité, et qu’ils sont peu compétitifs dans laature vis-à-vis des animaux non carencés.

aut-il restreindre sa nourriture ?

a RN ou la carence protéique peut augmenter la longévitées rongeurs, mais il n’est pas sûr que les mêmes résul-ats seraient observés chez les primates, et en particulier,hez les humains. Des effets positifs, mais aussi négatifs,euvent être observés sur le vieillissement. La question seose donc : la RN peut-elle servir en clinique ou en préven-ion du vieillissement ?

as des obèses

a RN sévère présente des risques trop grands pour êtretilisée en thérapie : il ne semble donc pas souhaitable deransférer aux humains les protocoles de RN sévère mis auoint chez les rongeurs et les primates [4]. Par ailleurs,’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation,e l’environnement et du travail (Anses) a attiré l’attentionur les risques des régimes amaigrissants : « la pratique dees régimes peut avoir pour conséquences des perturbationsomatiques, d’ordre osseux et musculaires notamment, ainsiue des perturbations psychologiques (notamment troublesu comportement alimentaire), ou encore des modificationsrofondes du métabolisme énergétique et de la régulation

hysiologique du comportement alimentaire » [59].

Pour les obèses, diminuer sa prise alimentaire et’équilibrer, tout en augmentant sa dépense énergétiquerâce à l’activité physique n’a probablement que des avan-ages, mais il s’agit plus d’un retour à un régime alimentaireormal que d’une RN similaire aux situations de laboratoire.l s’agit en effet d’une RN modérée à entreprendre dans unadre médical. . . si cela semble pertinent au médecin, seulabilité à prendre une telle décision.

En ce qui concerne la longévité, une RN modérée devraitiminuer l’impact négatif de l’obésité sur la longévité, enarticulier du fait d’une prévalence plus faible des maladiesardiovasculaires associées à l’obésité, mais cela ne doit pastre compris comme une augmentation de la longévité parapport à celle d’individus ayant un IMC normal.

as des non-obèses

our les personnes n’ayant pas de problème de poids, troisoints sont à prendre en compte. Premièrement, les effetsositifs de la RN sur le vieillissement et la longévité deson-obèses ne sont pas prouvés ; deuxièmement, une desauses d’admission à l’hôpital des personnes âgées est laalnutrition ; troisièmement, un régime de RN peut êtreangereux (cf. supra). En ce qui concerne l’utilisation des

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Restriction de nourriture, longévité et vieillissement

régimes amaigrissants en l’absence de problème de poids,l’Anses indique donc : « en l’absence d’excès de poids : lesrégimes à visée amaigrissante, qu’ils soient proposés pardes médecins ou des non-médecins, sont des pratiques àrisque » [59]. En somme, un régime alimentaire équilibrécouplé à l’activité physique n’a probablement que des avan-tages, mais se soumettre à une RN en l’absence d’obésitéest inutile et risqué. De plus, aucun résultat n’indique à cejour qu’une RN augmenterait la longévité chez l’humain etles résultats d’Okinawa semblent même indiquer que la RNn’a aucun effet.

Les médecins devant faire face à des patients souhai-tant entreprendre une RN en l’absence de toute nécessitéde perdre du poids devraient peut-être les faire s’interrogersur le fait qu’être prêt à se restreindre toute sa vie, enespérant que cela durera le plus longtemps possible, dénotepeut-être plus vraisemblablement un problème psycholo-gique que nutritionnel.

Restriction de nourriture : oublions lalongévité

Puisque la restriction de nourriture a des effets inconnuset probablement négligeables sur la longévité humaine, queles effets positifs sur le vieillissement des non-obèses sontpeu probables (mais pas les effets négatifs) et qu’une RNest impossible à supporter sur le long terme (sauf par desadeptes avérés de ce régime ?), il conviendrait peut-êtred’arrêter de s’intéresser aux effets de la RN sur la longévitéet au vieillissement. Les gains possibles en termes de santépublique paraissent en effet plus que faibles et l’intérêt dela RN en prévention des effets négatifs du vieillissementsemble donc plus que limité.

En revanche, les régimes de RN modérée ayant des effetspositifs chez les obèses, en particulier sur les risques car-diovasculaires [33], la RN pourrait être, dans certains cas,un outil parmi d’autres pour les médecins et nutrition-nistes dans leur traitement de l’obésité. Il se pourrait queles études en cours de la RN chez l’humain permettentin fine de concevoir de nouvelles pistes thérapeutiques de

l’obésité, par exemple en concevant un régime alimentairen’entraînant pas d’effet de rebond du poids après sa cessa-tion.

La RN modérée pouvant peut-être améliorer la santé desobèses, elle ne devrait donc plus être étudiée et utiliséeque dans ce cadre, bien évidemment sous la conduite ousurveillance de médecins nutritionnistes. À ce prix de chan-gement d’orientation des études, c’est-à-dire abandonnerla recherche des effets sur la longévité et le vieillissementpour se focaliser sur celle des effets sur l’obésité [60], la RNpourrait s’avérer utile et, finalement, avoir des effets nonnégligeables sur la santé publique.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

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