Retour à la traction animale. Retour au bon sens ou aberration énergétique ?

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Un retour à la traction animale dans l'agriculture est-il possible ? Est-ce cohérent du point de vue énergétique ?Travail réalisé dans le cadre de mes études en gestion de la nature, à l'HEPIA, Genève, 2009-2012

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HEPIA

Retour la traction animaleRetour au bon sens ou aberration nergtique ?

David Bichsel 08/12/2011

Travail ralis dans le cadre du cours "Agriculture et durabilit" dispens en 3me anne de la formation en gestion de la nature de la haute cole du paysage, d'ingnierie et d'architecture de Genve

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RETOUR A LA TRACTION ANIMALE : RETOUR AU BON SENS, OU ABERRATION ENERGETIQUE ?

RsumLa traction animale a permis l'tre humain de faire un vritable bond en avant. Moins de labeur et plus de rendement, ce qui a emmen l'humanit vers une forte croissance dmographique. La moto-mcanisation de l'agriculture aura raison de la traction animale aprs la deuxime Guerre Mondiale. Raison ou presque, car quelques petits foyers ont subsists et commencent aujourd'hui s'tendre. On trouve de plus en plus d'animaux de traits en Europe, comme aux Etats-Unis, la fois dans la production marachre, viticole, et dans le dbardage. Si cela semble tre un effet de mode, on se rend compte galement que ces techniques peuvent tre plus rentable financirement dans le cas de petites exploitations. De plus, pour tous ceux qui ne calculent pas uniquement en termes de valeurs montaires, mais galement en bons sens, la traction animale a le dessus dans bien des situations car elle est inluctablement moins gourmande en nergie et surtout plus durable. S'il est difficile de chiffrer cela, il est relativement facile de l'expliquer par le simple fait que la ressource solaire une esprance de vie beaucoup plus grande que la ressource ptrolire. La comparaison nergtique peut se faire de plusieurs manires que j'expose dans ce rapport. De la diffrence de rendement entre un tracteur et un cheval, la quantit d'herbages ncessaires pour passer toute l'agriculture genevoise en traction animale, en passant par la quantit de kJ que produirait un systme agricole bas sur les chevaux de trait valoris en viande par la suite, j'ai essay d'tre le plus large possible dans mes exemples de comparaison nergtique.

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Table des matires1. PREAMBULE ........................................................................................................................................................ 3 2. INTRODUCTION................................................................................................................................................... 3 2. HISTOIRE DE LA TRACTION ANIMALE ................................................................................................................. 4 3. ESTIMATIONS ENERGETIQUES ............................................................................................................................ 6 3.1 COMPARAISON ENERGETIQUE STRICTE ................................................................................................................... 6 3.2 COMPARAISON DE RENDEMENT ENTRE UN CHEVAL ET UN TRACTEUR ............................................................................ 7 3.3 RAPPORT ENTRE L'ENERGIE UTILE ET LA SURFACE NECESSAIRE A SA PRODUCTION ............................................................ 8 3.3.1 Pour des chevaux de trait ..................................................................................................................... 8 3.3.2 Pour des machines agricoles fonctionnant aux agro-carburants........................................................ 10 3.3.3 Rflexion sur les surfaces ncessaires ................................................................................................ 10 3.4 LES COPRODUITS ISSUS DES CHEVAUX DE TRAIT ...................................................................................................... 11 3.4.1 Estimation de la production de viande ............................................................................................... 11 3.4.2 Estimation de la production de fumier ............................................................................................... 11 4. UTILISATION ACTUELLE DE LA TRACTION ANIMALE ......................................................................................... 12 4.1 LE DEBARDAGE ................................................................................................................................................ 12 4.2 LE RAMASSAGE DES DECHETS ............................................................................................................................. 12 4.3 GESTION DES ESPACES NATURELS ........................................................................................................................ 13 4.4 LE TRAVAIL AGRICOLE ....................................................................................................................................... 13 4.5 LES TRANSPORTS ............................................................................................................................................. 14 5. AMENITES DE LA TRACTION ANIMALE ............................................................................................................. 14 6. ETUDES DE CAS ................................................................................................................................................. 14 6.1 ROLAND ET ELISABETH, TOURNAY, BELGIQUE ....................................................................................................... 14 6.1.1 Les protagonistes ................................................................................................................................ 14 6.1.2 Le champ de patate ............................................................................................................................ 15 6.2 MATHIEU UDRIOT, BEX, SUISSE ......................................................................................................................... 16 6.2.1 Les travaux .......................................................................................................................................... 16 6.2.2 Autres aspects prendre en compte .................................................................................................. 17 7. CONCLUSION .................................................................................................................................................... 18 8. REFERENCES ...................................................................................................................................................... 19 8.1 BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................................................................... 19 8.2 GRAPHIQUES .................................................................................................................................................. 20 9. ANNEXE ............................................................................................................................................................. 21

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1. PrambuleIl me semble important de commencer ce rapport en prcisant quelque chose: l'abandon de la traction animale a t un "luxe" des pays dits dvelopps. Ceux-ci ont pu se mcaniser et se procurer du ptrole bas prix. Mais n'oublions pas qu'aujourd'hui encore, le nombre d'animaux de trait reprsente un cheptel mondial d'environ 112 millions de btes, dont plus de la moiti sont des chevaux (donnes FAO). Le nombre total de tracteurs dans le monde, lui, se situe aux alentours de 30 millions, dont la grande majorit se trouve dans les pays du Nord (85%, donnes FAO). Si l'on compte qu'il faut peu prs 10 chevaux pour remplacer un tracteur, on peut estimer qu'il faudrait 300 millions de chevaux dans le monde pour rpondre aux besoins. Cela signifie que nous avons d'ores et dj prs d'un tiers du cheptel ncessaire qui est actif aujourd'hui. Ne perdons pas espoir! Si l'on rapporte cela aux nombres d'agriculteurs, on s'aperoit qu'il y a beaucoup plus d'agriculteurs utilisant des animaux de trait que d'agriculteurs mcaniss, puisqu'ils sont 430 millions, contre 30 millions utilisant une traction motorise. Il est important de rappeler galement que les 800 millions d'agriculteurs (donnes FAO) restant travaillent manuellement, parfois simplement avec une houe!

Proportion agricultures mondiales2% 34% 64%Tracteur Animal de trait Houe

Figure 1

Proportion de l'utilisation des techniques culturales

Ceci pour dmontrer qu'un retour la traction animale ne peut tre fait que dans les pays dits dvelopps, car dans les autres, elle ne reste bien souvent qu'un rve inaccessible, faute de moyens. Comme le titre le laisse donc penser, mon rapport sera bas uniquement sur des donnes et des pratiques des pays du Nord, tant donn que c'est uniquement l qu'un retour de la traction animale est envisageable.

2. IntroductionLa traction animale a t une des grandes rvolutions de l'agriculture. D'abord avec des attelages lgers, puis avec des attelages lourds, elle a permis une diminution drastique des besoins en force humaine et une augmentation consquente de la production et de la vitesse de travail. Aujourd'hui, ce sont d'autres techniques qui ont pris le dessus, essentiellement bas sur l'nergie ptrolire. Ce passage a eu d'normes consquences, la fois sur la dmographie et sur l'occupation des personnes actives. Alors qu'on comptait e 45% des personnes actives dans l'agriculture franaise de la fin du 19 sicle, il en reste moins de 4% aujourd'hui. Cela a contribu rendre les agriculteurs de plus en plus marginaliss et dconnects du reste de la socit. De plus, ces techniques culturales bases sur une ressource nergtique non durable ne sont pas gnralisables ni reproductibles ad vitam ternam. Arrivera forcment un jour o quelqu'un utilisera la dernire goutte. Il est alors important de se poser des questions sur la suite des vnements. Sur l'aprsptrole en quelque sorte. Deux grands choix s'offrent nous aujourd'hui: garder notre divine croyance en la technoscience qui nous sauvera, et continuer comme si de rien n'tait; ou utiliser les connaissances de nos anctres en les adaptant intelligemment notre poque. Une approche nergtique de la question est indispensable, et bien que les rsultats doivent tre pris avec prudence, car une rduction constante des stocks les modifie en permanence, il ne faut pas ngliger leur tendance, qui elle, est incontestable. Si nous sommes certains aujourd'hui que la valeur de l'nergie ptrolire ne va cesser d'augmenter, nous le sommes tout autant quant la stabilit de l'nergie fourragre ncessaire la traction animale. Pour autant que celle-ci soit en grande partie base sur des herbages ou des productions locales. Mais de telles pratiques vont de soi dans une socit exempte de ptrole bon march.

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2. Histoire de la traction animaleOn ne peut parler de traction animale, sans faire un petit retour sur la domestication du monde sauvage qui a dbut il y a de cela environ 16'000 ans(Mazoyer et Roudart, 2002). En faisant un historique de la domestication, on se rend compte que lhomme a domestiqu les premiers animaux sans vraiment se demander pourquoi, ni mme sans savoir ou cela allait lamener. Le premier animal avoir t domestiqu est probablement le loup. Celui-ci partageait les mmes territoires que lhomme, et tous deux suivaient les migrations des herbivores pour sen nourrir (Picq et al., 2002). On pense aujourdhui que la premire utilisation des animaux dans lapprovisionnement en nourriture des tres humains tait la coupe des lignes de poursuites dherbivores des loups par les chasseurs. En se plaant au bon endroit, ceux-ci navaient plus qu attendre que les animaux poursuivis leur passent sous le nez pour les abattre. Les hommes ont commenc ramener les petits loups orphelins au village pour que les femmes sen occupent. Ces loups recueillis deviendront plus tard dexcellents auxiliaires de chasse (Picq et al., 2002). Les autres animaux domestiqus ne lont t que bien plus tard: -9'500 ans pour la chvre, -9'200 ans pour le porc, -9'000 ans pour le mouton, -8'400 ans pour les bovins et -5'500 ans pour les chevaux (Mazoyer et Roudart, 2002). Ces informations ont t mesures de manire analogue grce aux restes d'ossements trouvs aux abords des habitations. Bien sr cela pourrait galement tre d une augmentation de la chasse, mais lorsque l'on commence observer des modifications morphologiques telles que la rduction de la taille et l'accroissement de la variabilit, ou encore que l'on dcouvre des squelettes entiers d'animaux aux abords des habitations (les parties inutiles des animaux chasss taient souvent laisses sur place), on est presque sre qu'il s'agt l de domestication (Mazoyer et Roudart, 2002). Il existe un grand nombre d'espces qui seront domestiques pour leur force de traction. On peut notamment citer les chevaux, les mulets et les nes chez les quids; les bufs, les vaches, les yaks, les buffles et les zbus chez les bovids; mais galement les rennes, les chameaux et les chiens. Je me contenterai ici de dcrire la traction animale comme elle a t pratique dans nos rgions et laisserai de ct toutes les formes de tractions exotiques. Les premiers animaux avoir t utiliss pour leur force de traction sont les bufs. On estime que celle-ci remonte au IVe millnaire (Ptrequin et al., 2006). Le cheval ne viendra que plus tard dans l'histoire des animaux de trait. Mais la relation hommecheval mrite d'tre raconte depuis le dbut. Les premiers vrais chevaux apparaissent en Europe au Plistocne, soit il y a env. 700'000 ans. Le rchauffement du climat du dbut deFigure 2 Joug permettant d'atteler deux bufs

l'Holocne il y a 10'000 ans provoqua l'extinction de nombreux grands mammifres de l'hmisphre nord (mammouths, rhinocros laineux, grands cerfs des tourbires) et la quasi-disparition des chevaux. On peut penser que ceux-ci n'auraient pas survcu sans la rencontre des hommes et de leur agriculture. Ils auraient pill les rcoltes pour s'en nourrir. Certains auteurs avancent mme que les chevaux auraient peut-tre disparu s'ils n'avaient pas t domestiqus, il y a 4'000 ans de cela (Picq et al., 2002). Les premiers leveurs semblaient habiter les steppes du nord du Caucase, quelque part dans l'actuelle Ukraine, et pratiquaient dj l'levage des bovins. Les premiers chevaux taient alors utiliss pour leur viande et leur lait (Lizet, 1996).

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Au-del des animaux domestiqus, un des points cl de l'volution de la traction animale est l'amlioration des techniques d'harnachement. L'apparition prcise des techniques modernes en Europe reste floue. Le collier d'paule et les traits souples tels que nous les connaissons aujourd'hui, taient dj utiliss par les e gyptiens et les Chinois partir de 1'500 avant J.-C., mais n'apparurent qu'au dbut du XII sicle chez nous. Avant cela, c'est le plus souvent le systme joug d'encolure (voir figure 2) avec bufs et araires qui taient utiliss. Un systme invent vers 3'500 3'000 ans avant J.-C, adapt et rpandu plus tard sous la forme de charrue (Udriot, 2006). La gnralisation du collier d'paule a permis des volutions dans les techniques agricoles, notamment l'invention du hersage. Cette technique favorisera le cheval dans l'agriculture, car c'est par sa vitesse que la herse travaille, et non par sa force de traction, comme dans le cas de la charrue. Les bufs ne sont alors utiliss que quelques mois par ans pour labourer, et son peu peu remplacs par les chevaux de trait (Sigaut et Charlet, 1982). Ds le milieu du Moyen ge, le cheval n'est donc plus la proprit exclusive de la caste des chevaliers, mais devient galement un compagnon de labeur pour les populations rurales (Lizet, 1996). Vers la fin de cette priode, il va progressivement remplacer le buf dans les champs et sur les routes, bien que son cot d'entretien soit plus lev et qu'il entre en concurrence avec l'homme dans la consommation de crales (Udriot, 2006). Ses atouts sont sa meilleure rsistance lui permettant de travailler une deux heures de plus par jour, et surtout sa plus grande vitesse dans l'accomplissement des tches.e e

Figure 3

Collier d'paule

La priode du XV au XVII sicle sera trs nfaste pour l'levage du cheval, cause de trs mauvaises e conditions climatiques et des grandes pestes. La situation s'inversera partir du XVII sicle et c'est dans le courant du XIXe sicle, lorsque l'on commena crer des haras et importer des talons trangers pour amener du sang nouveau et lutter contre la consanguinit devenue problmatique (Girault, 1992), que le cheptel augmenta fortement. Dans l'agriculture suisse, il faudra attendre la seconde moiti du XIX sicle pour obtenir des chevaux de type "lourd", grce des croisements avec des chevaux orientaux. Cette nouvelle orientation permettra de rpondre aux nouveaux besoins de la mcanisation d'une agriculture en pleine rvolution avec l'apparition de machines toujours plus gourmandes en forces (faucheuse, moissonneuse lieuse, charrue barbant) (Girault, 1992). Le cheptel quin ne cesse alors de s'accroitre et devient un des rouages essentiels de l'conomie. En 1890, on ne compte pas moins de 100'000 chevaux Paris (Udriot, 2006). On a donc assist un remplacement progressif des bovins par les quids. Au XI sicle d'abord, mais e surtout partir du XIX . Le cheval aurait d'ailleurs probablement compltement remplac la traction bovine si la motorisation de l'conomie ne les avait pas chasss tous les deux de l'agriculture (Sigaut et Charlet, 1982). La motorisation de l'agriculture s'est faite par palier. Le premier a certainement t la Premire Guerre mondiale. Crant une pnurie de chevaux, cela incitera les grosses exploitations se motoris. Mais tout le monde ne peut se permettre ce passage. Le prix du carburant est encore trs lev, tout comme le cot des machines et des rparations. Jusque vers les annes 60, le cheval restera un auxiliaire prcieux de l'arme et de l'agriculture. C'est surtout dans le secteur du transport qu'il disparatra dans la premire e moiti du XX sicle (Wermeille, 1995).e

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A titre comparatif, on estimait la fin des annes 1940 qu'il fallait 43 heures de travail un attelage de 3 chevaux pour prparer un sol et faire un semis de bl d'un ha, alors qu'il en fallait 18 un tracteur de 30 CV. Toujours la mme poque, on considrait qu'une exploitation de 400ha dans la Beauce, entirement motorise et mcanise pouvait tre cultive par 10 units de main d'uvre. Il fallait 40 chevaux et 25 ouvriers pour cultiver la mme surface en traction animale. On comprend bien que l'utilisation du cheval de trait, mme avec un prix de revient horaire plus faible qu'un tracteur de 35 CV ne correspondait plus aux e structures socio-conomiques croissantes du XX sicle (Blot, 1951). En effet, le problme majeur de l'ancien systme de production tait le faible rendement horaire de travail qui reprsentait un frein l'augmentation des salaires. De plus, la part des surfaces agricoles utiles mobilises par la production fourragre destine aux animaux de trait diminuait la surface de culture ncessaire une population croissante (Sigaut et Charlet, 1982). A la fin de la 2 Guerre mondiale, le processus de disparition des chevaux de trait s'acclra. Le recyclage de l'industrie guerrire dans les machines agricoles diminuera les couts de fabrication, et dmocratisera l'accs la motomcanisation. Alors qu'avant le conflit, l'Europe comptait plus de 40 millions de chevaux pour 820'000 tracteurs, elle n'en compte plus que 29 millions la fin de celui-ci, pour 3,3 millions de tracteurs (Wermeille, 1995). La situation est identique en Suisse et on voit le prix des poulains, qui se ngociait 2'000.- CHF avant la guerre, passer 700.- CHF la fin de celle-ci (Wermeille, 1995). Cette nouvelle rvolution dans l'agriculture amne galement d'autres grands changements. Avec la chute des effectifs de trait, ce sont galement de nombreux mtiers qui tendent disparatre, tels que les bourreliers, les selliers, les charrons, les marchaux-ferrants, les charretiers, les cochers, les talonniers et tous les autres mtiers en relation avec le cheval (Lizet, 1996). Certes, on peut imaginer que de nombreux emplois sont alors crs dans l'industrie, mais comme bien souvent, le bilan des emplois teints dans l'artisanat par rapport ceux crs dans l'industrie est ngatif. De plus psychologiquement, je ne pense pas que le moral de l'ouvrier d'usine travaillant la chane soit aussi bon que celui de l'artisan, souvent passionn par ce qu'il fait.e

3. Estimations nergtiquesLa traction animale a t abandonne petit petit dans les pays dvelopps cause, entre autres, de laccs au ptrole bon march. La facilit dobtention de ce noble produit nous fait souvent oublier quil a fallu prs de 30000kg de matire organique et une maturation de plusieurs millions dannes pour produire 1 litre de ptrole.

3.1 Comparaison nergtique stricteJe trouve intressant de faire une quivalence nergtique entre la nourriture que lon consomme et lor noir. On considre quun litre de ptrole produit 41'850kJ (Cochet, 2005), ce qui reprsente lquivalent d'un peu moins de 4 jours de nourriture pour un tre humain adulte (avec une moyenne journalire de 2700 kcal ou 11'300kJ). Pour les chevaux, on utilise les units fourragres cheval (UFC) pour calculer la ration ncessaire. Un UFC est quivalent la valeur nergtique nette d'un kilo d'orge standard 870g de matire sche par kg, soit 2'200 kilocalories d'nergie (Wolter, 1994). On peut ensuite estimer la quantit d'UFC dont a besoin l'animal en fonction de la tche qu'il a effectuer. Par exemple, un cheval de trait de 600kg effectuant un travail lger, aura besoin de 7,5 UFC par jour, soit 16'500 kilocalories par jour. Cela reprsente 69'082 kilojoules par jour, soit environ 1,65 litre en quivalent ptrole. Au repos, il est de 4,8 UFC, ce qui reprsente peu prs 1 litre d'quivalent ptrole ncessaire sa survie.

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On peut maintenant rapporter cela au travail effectu en une journe par deux chevaux et un tracteur de 45 CV. Deux chevaux passant une herse peuvent couvrir environ 5 ha par jour, alors que le tracteur pourra effectuer 22,5 ha de hersage (Pousset, 1982). Pour couvrir ce travail, le tracteur aura besoin d'environ 120 litres de fioul (Bochu et Collectif, 2003). Si l'on rapporte ce chiffre la surface que peuvent travailler les chevaux, soit 5ha, on obtient une consommation de 27 litres de fioul. L'quivalent ptrole pour les chevaux est de 10 litres environ, ce qui nous donne une consommation d'nergie pure 2,5 fois moindre avec les chevaux. Il faut toutefois prendre ces rsultats avec prcaution, car on ne peut pas donner manger de l'nergie pure un cheval. On pourrait imaginer transformer la quantit d'nergie ncessaire en nergie mas par exemple, mais, comme tout tre vivant, le cheval a besoin d'une nourriture quilibre. De plus, la comparaison entre lnergie fournie par un animal ou par de lhydrocarbure est pratiquement impossible raliser, car il sagit l de comparer une ressource renouvelable avec une autre qui ne lest pas. A long terme, le ptrole ne pourra plus rpondre la demande et tous les systmes bass sur cette nergie seront alors inutilisables. Il faudrait pouvoir prendre en compte ce facteur dans la comparaison. Au mme titre que lon prend une estimation de la quantit de sols noforme annuellement dans les calculs de perte de sol sur une exploitation. Il est cependant impossible d'ajouter cet lment, car la cration de ptrole est un processus naturel extrmement complexe et ncessitant qu'une grande quantit de facteurs soient runis.

3.2 Comparaison de rendement entre un cheval et un tracteurInspir du texte de Bernard Dangeard, 12.11.2005 (Dangeard, 2005)

Il est vident que lon ne peut pas prtendre faire une comparaison entre les chevaux et les tracteurs qui fonctionne dans tous les cas. Toutes les marques et les modles de tracteurs sont diffrents, tout comme chaque tre vivant est unique. On se basera sur les donnes suivantes dans cette approche : Tracteur : 35 CV, 2 roues motrices, d'une marque d'un grand constructeur conventionnel Cheval : 800kg On peut galement noter que les performances des deux lments compars vont dpendre des facteurs pdoclimatiques. On pourra travailler un sol plus humide sans l'abimer avec un cheval quavec un tracteur. La topographie du lieu est galement prendre en compte. L aussi, cest avec un cheval que lon aura une plus grande souplesse daction. Par contre, le cheval ne travaillera pas dans des conditions diluviennes, ce que pourrait faire un tracteur, au risque de sacrifier compltement le sol. Rendement du tracteur: Comme nous l'avons vu plus haut, un litre de ptrole une valeur nergtique d'environ 10'000kcal, ce qui reprsente 41'850kJ. Un moteur essence de puissance moyenne est capable de transformer ce litre en 2,3kWh de puissance mcanique. Comme 2,3kWh reprsentent 8,3MJ ou 2'000kcal, on peut dire que le rendement du moteur essence et de plus ou moins 20%. Un tracteur de 35CV, pesant entre 2 et 3 tonnes, tournant un rgime de 2000tours/minute peut fournir une force de traction de 500daN. Dans ces conditions, la consommation de carburant est d'environ 10 litres de gasoil par heure, ce qui fait une consommation de 100'000kcal/heure de travail de traction, soit environ 420MJ. D'un autre ct, 35CV=25kWh, ce qui reprsente 90MJ/heure d'nergie thoriquement disponible. Admettons un effort de traction de 500daN (500kg) 1m/seconde. Cela correspond une puissance de 5'000Watts, soit une nergie disponible de 5'000W * 3'600 secondes=18MJ par heure de travail sur les 420MJ consomms. Le rendement est donc d'environ 5%. De plus, la puissance du tracteur (35 CV) n'est pas directement transformable en nergie de traction. Cela dpendra des conditions d'utilisation telles que l'adhrence des pneumatiques ou l'humidit du terrain (Dangeard, 2005).

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Rendement du cheval: On considre que la force de traction d'un cheval varie en 12 et 15% de son poids. Dans notre cas, elle sera donc d'-peu-prs 100daN. Si l'on considre que le cheval travaille une vitesse de 1m/seconde, cela reprsentera 1'000W. En travaillant une journe de 8h, le cheval produira donc une nergie disponible de 28MJ. Il reste maintenant comparer cette nergie celle que le cheval va consommer quotidiennement. En considrant le pire des cas, c'est--dire le travail le plus intense selon le livre de Roger Wolter sur l'alimentation du cheval, sa consommation arrive 10UFC (Wolter, 1994). Cela reprsente 10 * 2'200kcal, soit 92MJ. Le rendement du cheval est donc d'environ 30%. Le rendement d'un cheval est donc environ 6 fois plus lev que celui d'un tracteur. Il convient toutefois de prendre un certain recul vis--vis de ces valeurs, car le cheval devra consommer de la nourriture en permanence, mme lorsqu'il ne fournira pas de travail. Une journe de 8 heures peut tre effectue avec un cheval de trait, mais tous les jours ne peuvent contenir une telle charge de travail. Contrairement un tracteur, la vitesse ne peut tre rgulire et suivant l'ge du cheval, les pauses seront relativement frquentes. Ces valeurs sont donc trs thoriques. D'autre part, ce calcul ne prend pas en compte la prise de force, qui peut fournir un travail ayant un rendement quivalent celui du moteur explosion, soit 20% (Dangeard, 2005). Le cheval, par contre, produira des fertilisants et de la viande, alors que le tracteur ira probablement s'chouer aux abords d'une exploitation agricole une fois qu'il ne pourra plus servir qu' donner, de temps en temps, des pices de rechange celui qui aura pris sa place.

3.3 Rapport entre l'nergie utile et la surface ncessaire sa productionIl est galement intressant de faire une petite rflexion sur la surface ncessaire pour nourrir les animaux de traits. Et comme nous ne pouvons pas comparer cela la surface ncessaire pour produire du ptrole, nous allons le faire avec de l'agrocarburant. J'ai pris les donnes du canton de Genve pour les calculs qui suivent, c'est--dire une SAU de 11'392ha. Un document de 1950 d'un concessionnaire Volvo en faveur du passage la moto-mcanisation indique qu'il faut 1 cheval par 5 ha de culture (Saint-Michel, 2011). Si l'on rapporte cela Genve, il faudrait 2'280 chevaux dans tout le canton pour que le travail agricole puisse tre effectu. A titre informatif, il est intressant de savoir que le canton de Genve compte actuellement 1'329 chevaux et 593 autres quids, soit un total de 1'922 btes potentiellement la tche. A ceux qui prtendent qu'une trop grande surface serait ncessaire pour produire la nourriture des animaux de trait, je demanderais comment nourrit-on aujourd'hui ces 1'922 btes?

3.3.1 Pour des chevaux de traitIl y a beaucoup de manires diffrentes de faire de tels calculs. J'en ai imagin quelques-unes montrant: la surface minimale thorique possible (l'nergie-mas), la surface maximale (l'nergie provenant d'herbages) et la solution intermdiaire se basant sur les rations donnes par la compagnie de tramway de Londres ses animaux tracteurs au dbut du sicle pass. Energie-mas: Comme dcrit plus haut, il faut environ 5 UFC par cheval au minimum, et jusqu' 10 UFC (Wolter, 1994) lorsqu'il fournit un effort important. Nous allons donc prendre une moyenne de 7 UFC par jour et par cheval en supposant que cela limine les jours fris et compense les longues journes. Sachant qu'un UFC reprsente la valeur nergtique d'un kg d'orge et que celui-ci reprsente 0,85 kg de mas, on arrive un total de 5,93 kg de mas par cheval et par jour. La consommation genevoise journalire serait alors de 13'525 kg de mas, soit 4'936'780 kg de mas par anne.

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Etant donn que les rendements de mas des pays industrialiss se trouvent aux alentours de 100 quintaux par ha (Pilet et al., 2010), il faudrait cultiver 494 ha de mas pour pouvoir nourrir les chevaux de travail. Cela reprsente moins de 5% de la SAU totale. Pour affiner un peu le rsultat, on peut retirer de la SAU les vignes et les surfaces herbagre et ne compter que les surfaces de terre ouverte. La surface totale est alors de 7'042 ha, et les besoins en mas seraient de 7 % de cette surface. Energie provenant de la pture: Si le cheval consommait uniquement de l'herbe durant toute l'anne, il faudrait ncessairement une surface plus grande. J'ai trouv deux estimations dans des ouvrages diffrents. Le premier indique qu'il faudrait entre 0,5 et 2 ha, selon la productivit du pturage (Pousset, 1982) pour nourrir un cheval pendant une anne. Le second donne la valeur de 1,5 ha par cheval (Dangeard, 2005). Si l'on fait la moyenne des deux, on tombe sur le chiffre de 1,375 ha par cheval par anne. Il faudrait donc une surface totale de 3'135 ha d'herbage, soit le 27,5% de la SAU totale. Pour amliorer la prcision de notre rsultat, on peut cette fois retirer la surface viticole de la SAU car il y a peu de chance que des viticulteurs les convertissent en herbages. La surface totale cultivable est alors de 10'000 ha et son pourcentage ncessaire l'alimentation des chevaux serait de 31,5%. A titre informatif, il est intressant de noter qu'aujourd'hui, 2'550 ha sont en herbage dans le canton de Genve, soit environ le 80% des besoins si la traction animale tait gnralise dans le canton. Une partie des 20% restants pourrait tre faite de la valorisation des fauches qui ne le sont plus actuellement. Les chevaux sont en effet capables de manger des plantes des prairies humides qui, aujourd'hui, ne sont souvent plus valorises. Regards historiques Dans l'ouvrage "A green history of the world", Clive Ponting montre qu'un tiers de la surface agricole totale tait utilis pour la production d'aliments pour les chevaux de trait. Dans ceux-ci taient inclus les animaux utiliss dans les transports qui reprsentaient alors 1/3 du total (Ponting, 1991). On peut donc dire que 22% de la surface totale tait utilise des fins alimentaires pour les animaux de traits de l'agriculture. Ce chiffre ne peut pas tre compar tel quel avec les donnes de l'agriculture moderne, car durant le dernier sicle, les rendements ont t multiplis par 10. En effet, indpendamment de la technique tractant les machines, d'normes progrs ont t faits dans le domaine agricole. Je vais essayer de corriger quelque peu ce chiffre en effectuant un calcul avec les rendements d'aujourd'hui. J'ai trouv des exemples de rations journalires donnes des chevaux de trait. Ici, par exemple celles donnes aux animaux travaillant pour la socit des tramways de Londres (Pousset, 1982): Socit tramway, LondresEn kg / ration 1,36 kg avoine 3,177 kg de mas 1,36 kg de pois 5,4 kg de foin 0,5 kg de pailleTableau 1

GenveEn kg par anne 1'131'792 kg 2'644'425 kg 1'131'792 kg 4'496'800 kg 416'100 kg Rendements moyens par ha * 50 quintaux 100 quintaux 37 quintaux 100 quintaux 100 quintaux Total En surface ncessaire 226,5ha 264 ha 305.9ha 450 41,6 1'288,4 ha

Quantit d'aliments ncessaire la nutrition des chevaux de trait genevois et surface ncessaire leurs productions

Ce chiffre est probablement celui qui se rapproche le plus de la ralit, bien que la valeur totale soit probablement un peu surestime. En effet, cette ration est celle d'un cheval au travail, mais sur 365 jours annuels, peut-tre que la moiti seulement auraient t travaills par les chevaux. Cela nous donne une surface de 1'289 ha ncessaire l'alimentation de la force de travail animale, soit 13% de la surface totale (surface viticole retire de la SAU).

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3.3.2 Pour des machines agricoles fonctionnant aux agrocarburantsSelon les donnes statistiques de la rgion genevoise, il est consomm annuellement 33'572GJ en carburant pour la production agricole (FAESSLER et al., 2009). Si l'on considre qu'un litre de ptrole quivaut 41'850 kJ on peut alors en dduire que la production agricole Genve absorbe 802'198 litres de ptrole par anne. Les meilleurs rendements obtenus dans la fabrication d'agrocarburant le sont partir de la canne sucre. Mais comme cette culture ne peut se faire sous nos latitudes, nous prendrons la suivante sur la liste des meilleurs rendements, savoir le colza. Un ha de colza produisant 35 quintaux permet de produire environ 1'590 litres d'agrodiesel par anne (Bochat, 2010). Cela signifie qu'il faudrait cultiver 504 ha de colza pour pouvoir fournir le diesel ncessaire la production agricole genevoise, soit le 7% de la SAU en grandes cultures. Il ne faut pas oublier de tenir compte de l'EROI (Energy Return On Investment) du diesel de colza qui est de 3 (Eco, Energie, Etoy, 2008). C'est--dire qu'il faut une unit d'nergie pour produire 3 units d'nergies colza. On peut donc enlever 1/3 au 1'590 litres de diesel produit par ha, ce qui donne un total de 1'060. On serait alors oblig de cultiver 756.8 ha de colza, ce qui reprsente les 10.7% de la SAU en grande culture. On peut galement tenir compte du fait que l'on ne peut pas cultiver du colza sur le mme champ plusieurs annes de suite. Comme le temps de retour du colza est de 4ans (Vullioud, 2005), il faudrait une SAU d'au moins 4 * 750 ha. Cela est respect dans notre cas, mais la gestion des assolements devrait tre faite de manire stricte afin de ne pas tre en manque de ressource nergtique. Cela participerait une complexification de l'agriculture genevoise.

3.3.3 Rflexion sur les surfaces ncessairesBien sr, toutes ces valeurs sont trs thoriques. Toutefois, elles permettent quand mme de mettre en vidence le fait que les besoins en surface sont plus faibles pour la production d'aliments ncessaire aux chevaux de trait que ceux ncessaires la production d'agrocarburants. On pourrait aller plus loin encore en comptant le nombre d'emplois que cela gnrerait et la nourriture supplmentaire qu'il faudrait produire dans le cas de la traction animale par rapport l'agriculture motomcanise actuelle. Je ne le ferai pas, car je considre que ce sont des emplois d'autres secteurs convertis, car devenus obsoltes. Un tiers des barils de ptrole vendus dans le monde se ngocie Genve. Nous avons donc des ouvriers potentiellement reconvertibles, tout comme les traders et autres banquiers qui n'auront pas t bruls sur la place publique suite au nime effondrement de l'conomie mondiale. Il est aussi important de signaler ici que des terrains sont aujourd'hui fauchs par les organisations de protection de l'environnement afin de favoriser la venue de certains oiseaux et la conservation d'une faune infode aux milieux ouverts. Le matriel produit dans ces milieux est aujourd'hui appel rsidus de fauche, voir mme dchet de fauche dans certains cas. Au mieux, on retrouvera le fruit des fauches en litire pour du btail, au pire, on le brulera. Le retour une traction animale dans l'agriculture augmenterait la pression sur les terrains cultivables, et les zones inaptes aux cultures seraient alors revalorises comme production fourragre. Ces zones ne sont bien sr pas contenues dans la SAU et pourraient se soustraire au total d'hectares ncessaires la production alimentaire pour le btail de trait. Un autre point intressant est la double utilisation que l'on peut faire des pturages par l'association chevaux-bovins. Il est bien connu, en effet, que les bovins consomment les refus des chevaux et que ceux-ci consomment les refus des premiers. Cette association permet donc une meilleure utilisation de l'herbe. De plus, c'est une faon trs lgante et cologique de lutter contre le parasitisme aussi bien bovin qu'quin, car les refus favorisent la multiplication des parasites (Pousset, 1982). Pour que les refus soient bien consomms, il faut compter environ 1 cheval pour 5 6 bovins adultes. Cela n'est pas trs intressant dans le cadre de l'agriculture genevoise qui ne possde plus beaucoup d'leveurs bovins, mais cela peut l'tre dans d'autres rgions.

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3.4 Les coproduits issus des chevaux de traitLes deux coproduits principaux que l'on peut obtenir des chevaux de trait sont: la viande et le fumier.

3.4.1 Estimation de la production de viandeAdmettons que l'on reste dans le cas d'un passage entier de l'agriculture la traction animale dans le canton de Genve, on aurait donc un cheptel cantonal de chevaux de 2'280 ttes. Si l'on prend une valeur nutritive de la viande de cheval d'environ 400kJ pour 100 grammes (Dupin, 1992), cela reprsente 4'000kJ/kg. En admettant un poids moyen de 650kg par animal de trait et une valorisation bouchre d'environ 40% (Ouellet, 2006), nous trouvons un total de 1,1 GJ par animal. En considrant maintenant qu'un cheval de trait soit utilis pour sa force pendant 10 ans, nous aurions une production de viande de 2'280*1,1=2'508GJ tous les 10 ans. Soit une production annuelle de 250 GJ qui reprsente l'nergie ncessaire pour nourrir 17 personnes pendant une anne. Si l'on compare ces chiffres avec les statistiques de consommation de viande en Suisse (Proviande, 2009), on s'aperoit que l'on couvre la consommation de viande de 1'000 personnes pendant 10 ans.

3.4.2 Estimation de la production de fumierIl est vident que les pratiques agricoles vont grandement influencer la quantit de fumier produit par cheval par anne. Un cheval sjournant en grande partie dans une prairie produira beaucoup moins d'engrais de ferme utilisable que celui qui est attach dans une table. En prenant une moyenne journalire de 40kg (voir figure 4) de fumier produit, et un total de 200jours l'table, nous obtenons un total de 8'000kg de fumier produit par cheval par anne.

Figure 4

Production journalire de fumier de cheval avec apport de paille

En multipliant ce rsultat par le nombre de chevaux Genve, on obtient une quantit de 18'240 tonnes de fumier produit par anne sur tout le canton. On peut maintenant dcomposer le fumier en divers lments (chiffres bass sur le Swiss-Bilanz 2008) et le comparer aux besoins agricoles du canton. Les estimations des besoins en fumure moyens par hectare ont t estimes partir des valeurs trouves dans le mmento agricole 2010 (Pilet et al., 2010) savoir: 80kg de N, 50kg de P2O5, 70kg de K2O, 12kg de Mg. Besoins Production Par cheval et par anne Canton Ge par anne Par rapport aux besoinsTableau 2

Genevois par anne

N [kg] 30.8 70'224 568'000 12%

P2O5 [kg] 23 53'440 355'000 15%

K2O [kg] 75 171'000 497'000 34%

Mg [kg] 5 11'400 85'200 13%

Production de fumure issue du fumier des chevaux compare avec les besoins genevois

Sur un besoin total d'engrais N, P, K, Mg confondus, le 20% serait couvert par les djections des chevaux du canton. Cela parait peut-tre faible, mais il faut savoir que le bilan nergtique de la production d'engrais est extrmement mauvais (57MJ/unit de N; 12,1MJ/unit de K2O; 14MJ/unit de P2O5). En prenant l'quivalent fuel 35,8MJ, on peut donc dire que cela nous ferait conomiser: 111'809(N)+20'898(P2O5)+57'796(K2O)=190'503 EQF (Solagro, 2009).

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4. Utilisation actuelle de la traction animaleComme nous l'avons vu au dbut de ce document, une grande partie des agriculteurs mondiaux utilisent encore la traction animale. Du ct des pays dit industrialiss, on remarque un retour de ces pratiques. On peut expliquer cela par un effet de mode, mais galement par une conscience collective de plus en plus sensible aux problmes cologiques. Voil quelques domaines dans lesquels la traction animale est en expansion.

4.1 Le dbardageCette pratique consiste transporter les arbres abattus, du lieu de coupe jusqu'au premier dpt transitoire, en bord de route ou de chemin forestier (dfinition: FAO). Mais combien de dbardeurs vivent de leur activit? En France, on estime qu'il y a une trentaine de personnes qui vivent de cela, c'est--dire qu'ils pratiquent cette activit pendant au moins 9 10 mois par anne. A cela s'ajoute une dizaine d'intermittents du dbardage (Dugast, 2007). Bien sr, en termes de quantit de bois sorti des forts, cela ne reprsente qu'une faible proportion, mais son importance va grandissante en raison de la faiblesse des impacts de cette technique par rapport aux activits forestires motomcanises. Dans un souci constant d'amlioration des pratiques d'un point de vue environnemental, on peut s'attendre une augmentation du dbardage avec des animaux de trait. De plus, l'abandon de la production forestire de certaines rgions, ou encore les catastrophes naturelles rendent des zones entires trs difficiles d'accs aux machines. Dans ces contextes-l, la force animale est une alternative concurrentielle aux tracteurs forestiers. En Belgique, on ne trouve pas moins de 42 personnes pratiquant le dbardage comme activit principale, 18 comme activit complmentaire et 14 comme activit accessoire(Dugast, 2007). Toutefois, le choix d'utiliser des animaux Figure 5 Dbardage dans les bois de Cornimont (FR) de traits en Belgique est essentiellement d des contraintes spatiales, et non une volont de protection de l'environnement. En effet, le travail est essentiellement concentr dans les sapinires des Ardennes ou la densit de plantation est telle que le travail avec des machines est impossible.

4.2 Le ramassage des dchetsOn trouve de plus en plus de villes ayant dcid de faire l'exprience de la traction animale dans le ramassage des dchets. A Trouville-sur-Mer, le directeur des services de la mairie explique qu'ils ont opt pour un cheval plutt qu'un camion lectrique, car cela leur revenait moins cher (Ballandonne, 2008). De plus, cela permet d'apporter du nouveau dans la ville. La circulation est quelque peu ralentie, mais personne ne klaxonne. Les gens sont plutt contents de voir le cheval l'uvre dans la collecte des dchets.Figure 6 Vhicule utilis dans le ramassage des ordures en ville

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Les lus de Schaerbeek (Belgique) ont fait le mme constat depuis qu'ils ont remplac leur vieux camion poubelle par deux chevaux de trait ardennais. Cela a galement permis de recrer des liens sociaux entre les ouvriers de la commune et la population, et de valoriser le travail d'boueur souvent dprci (RTL info, 2011).

4.3 Gestion des espaces naturelsPar sa son agressivit rduite sur les sols et les habitats, la traction animale est en train de faire son grand retour dans la gestion de milieux sensibles et fragiles, tels que les zones intrts floristiques et faunistiques, les zones historiques ou archologiques, ou encore les zones o une intervention est ncessaire, mais soumise des rglementations environnementales. La traction animale est galement un grand atout lors de gestion faire dans des zones d'accs difficiles voir sans voies carrossables, telles que des alpages d'altitudes, des forts ou des cours d'eau(Cannelle et al., 2010). On peut citer les types de travaux de gestion suivants qui font l'objet de chantiers (Cannelle et al., 2010): Exportation des produits de coupe de ligneux d'une tourbire (Saint-Anthme) Fauche tardive d'une prairie humide (Orsay) Gestion des embcles dans le lit des rivires (rivire Yzeron) Lutte contre l'envahissement de la fougre aigle (Orne et Mayenne) Portage dos de mule pour rnovation d'une cabane (alpage Chatillon-en-Diois) Entretien de landes et vacuation des rmanents (Boussais)

L'utilisation de l'nergie animale n'est toutefois pas la pratique la plus adapte dans toutes les situations. Un tableau d'aide la dcision comprenant divers critres a t publi dans le cahier technique "Energie animale et gestion des espaces naturels", voir annexe I: "Critres prendre en compte pour valuer la faisabilit technique du chantier" (Cannelle et al., 2010).Figure 7 Passage du rouleau brise-fougres

4.4 Le travail agricoleSi le cheval de trait fait son grand retour dans certains domaines tels que le ramassage des dchets en ville ou encore la gestion des espaces naturels, on ne peut pas en dire autant des travaux agricoles. Il a fait un lger retour, certes, mais de manire trs discrte. On le trouve principalement dans des endroits difficiles d'accs pour les machines, tels que les vignes. Cependant, tous les espoirs ne sont pas perdus. Il est certes difficile de recommencer une activit dont tous les mtiers attenants sont devenus rares. Mais on voit un retour de l'intrt gnral pour ces professions. La traction animale recommence tre enseigne, dans certains lyces agricoles en France, ou encore dans des Centre de Formation professionnelle et de Promotion Agricole CFPPA, comme celui de Montmorillon (86). On trouve galement de plus en plus de cours d'initiation, tels ceux organiss par le Mouvement d'Action Paysanne en Belgique (MAP, 2011). Il y a aussi du renouveau dans le dveloppement de machine agricole. "Noi E IL CAVALLO" est un groupe d'agriculteurs spcialiss dans la biodynamie qui s'est fond en 1990 en Italie et qui travaille la recherche et au dveloppement de nouvelles machines agricoles plus efficaces (Dugast, 2010). On peut galement citer l'excellent ouvrage de Jean Nolle intitul "Machines modernes traction animale". Une rfrence en terme de machines agricoles simples, polyvalentes et efficaces pour contrer la tendance de nos socits crer des machines compliques, monovalentes et disparates pour des raisons videntes de recherches de profits (Nolle, 1986).

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4.5 Les transportsOn trouve encore relativement facilement des gens qui offrent des moyens de transport tracts par des animaux. Mais tous sont prvus pour le tourisme. Il n'est pas possible aujourd'hui de pouvoir concurrencer les avions, les trains grande vitesse ou les voitures avec la traction animale. Se sont donc des petites niches qui ont vu le jour ces dernires annes, avec les dbuts, notamment, des mouvements touristiques doux.

5. Amnits de la traction animaleSelon l'encyclopdie libre Wikipdia, la notion d'amnit voque les aspects agrables de l'environnement ou de l'entourage social, qui ne sont ni appropriables, ni quantifiables en termes de valeur montaire (Wikipdia, consultation: novembre 2011). Certes, il est n'est pas scientifique d'inclure dans ce rapport la notion de beaut des paysages agricoles, car cela est trop subjectif. On peut par contre vanter la diversit qu'un retour la traction animale plus gnralis pourrait apporter. Les champs cultivs seraient plus petits, et la varit des paysages serait alors accrue. Etant donn que le temps de travail par la force animale serait plus long, les planches des thtres champtres seraient foules plus souvent et les zones agricoles "dsaffectes" que l'on voit aujourd'hui redeviendraient vivantes. La pollution sonore est un autre point important. Si l'est clair qu'elle n'a pas un grand effet sur les habitants des campagnes, ce n'est pas le cas sur les agriculteurs eux-mmes. Voil un mrite de la traction animale que l'on peut vanter par rapport la motomcanisation. Dans son rapport "Noise in figures", l'agence europenne pour la scurit et la sant au travail, classe le mtier d'agriculteur au troisime rang des professions les plus exposes aux nuisances sonores, derrire les oprateurs de machines et les artisans. Cette profession est par contre en tte des mtiers les plus exposs proportionnellement au temps total de travail, avec 40% (Schneider et al., 2006). Il est vident que cela n'est pas uniquement d la conduite d'un tracteur, mais cela y participe grandement.

6. Etudes de casJ'ai eu la chance de rencontrer plusieurs personnes pratiquant la traction animale et je vais essayer ici de retranscrire leurs propos de la manire la plus fidle possible. Les premiers pratiquent la traction animale depuis des annes et habitent en Belgique. Le second est un ancien tudiant de l'cole d'ingnieur de Lullier qui offre ses services en traction animale pour des travaux agricoles dans le Valais et le canton de Vaud.

6.1 Roland et Elisabeth, Tournay, Belgique 6.1.1 Les protagonistesJ'ai profit d'avoir de la famille travaillant dans ce domaine en Belgique, pour aller y passer quelques jours dans le courant du mois d'octobre. Cela m'a rappel mes jeunes annes, ou je venais y passer une semaine durant mes vacances d't. Roland et Elisabeth sont frachement retraits, mais continuent donner des coups de main Simon qui est en train de reprendre le flambeau. Fauvette, la jument ardennaise, 18 ans. Elle est arrive 11 mois et a t dresse par Roland, qui possde galement une autre jument du nom de Tequila. Elle participait des courses, et suite un problme de tendinite chronique, elle a d tre carte des comptitions. Sa propritaire avait entendu parler d'un agriculteur passionn et trs respectueux des chevaux, et elle la lui offert contre bons soins.

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J'aurais d'ailleurs l'occasion d'aller faire un petit tour sur une charrette tire par Tequila lors de mon sjour. Ils l'utilisent essentiellement pour aller faire des promenades, en charrette ou en fiacre l't, et en luge l'hiver. Fauvette, quant elle, est plutt utilise dans les travaux des champs. Si l'installation dans la rgion n'a pas t chose aise, aujourd'hui les clivages entre agriculteur bio et conventionnel, barbus ou non, dfenseur de la traction animale ou utilisateur de tracteur, sont tombs petit petit. Ils font maintenant partie du coin, et on passe volontiers boire un petit verre chez eux le soir. Ce qui est trs particulier chez Roland c'est sa gestion du temps. Alors que tout parait s'acclrer autour de nous, lui semble rsister ce mouvement gnral. Bien sr, il y a des moments dans l'anne ou il y a une grande quantit de travail accomplir, mais sa manire de le faire est diffrente. Il aime aller doucement et discuter tout en travaillant, alors que d'autres prfrent aller vite et causer un quart d'heure une fois le travail accompli (Spul, 2003). C'est une manire de vivre bien diffrente de ce dont on a l'habitude, et je peux dire quel point cela fait du bien de s'immerger dans ce monde quelque temps. Qu'il est bon de voir qu'une agriculture paysanne de petite taille fonctionnant l'aide d'animaux de trait peut encore exister. Alors qu'on nous rabche longueur de cours dans les coles d'agronomie qu'il n'est pas viable de travailler sans machines, sans subventions, sans possder un minimum de 30 hectares, sans exploiter des ressortissants des pays de l'Est, sans faire un minimum de 50 heures par semaine. Ah! Quel bonheur de constater que s'il pleut, qu'il fait froid, on a encore le droit de remettre plus tard certaines tches et de jouer une valse l'accordon au coin du feu, la place. Cette libert n'a pas de prix mes yeux et elle n'est pas le rsultat de la chance, mais bien de choix. Celui de mener une vie simple en favorisant les contacts humains plutt que la possession de biens matriaux. Je voulais juste, par ces quelques lignes, communiquer Roland et Elisabeth mon plus grand respect et toute mon admiration pour les choix qu'ils ont faits et les remercier du fond du cur pour leur accueil on ne peut plus chaleureux chaque fois.

6.1.2 Le champ de patateLors de mon sjour, j'ai particip la rcolte d'un champ de pommes de terre. Le champ fait peu prs 100m de long pour 10m de large, ce qui reprsente 10 ares. Sur les 10m de largeur, Roland et Simon et Fauvette ont plant 15 lignes de pommes de terre. Il faut faire 4 passages pour les patates. Un premier avec la charrue pour la prparation avant la plantation, un deuxime au pousse-pousse pour sarcler, un troisime pour le buttage et un dernier pour la rcolte. Au total, ils auront fait 3 passages avec Fauvette et un passage la main. La rcolte est plutt bonne, plus de deux tonnes ont t produites sur ce champ. Elle se fera en 7 jours au total. Cela signifie donc qu'il aura fallu environ 10 jours de travail deux personnes en moyenne pour cette culture. Si l'on compte la nourriture consomme par les hommes, cumule la nourriture de la jument, on arrivera probablement une quantit totale d'nergie plus leve que celle utilise par une machine. Encore que ceci ne soit pas tout fait certain, si l'on compte toute l'nergie qu'il a fallu pour produire la machine et qu'il faudra pour la recycler. De plus, Fauvette est nourrie uniquement d'herbe, ce qui n'a demand que trs peu de travail humain la production.

Figure 8

Buttage des pommes de terre

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Il m'est toutefois difficile de faire une comparaison nergtique dans ce cas. Pour ne pas tomber dans un modle simpliste, il faudrait prendre en compte une grande quantit de paramtres souvent impossibles comparer entre eux. Et puis, on peut se poser la question si une telle comparaison a vraiment un sens. Avec un tracteur, ce champ aurait pu tre rcolt en une heure, peut-tre deux. Au total, c'est une journe de travail qu'il aurait fallu l'agriculteur motomcanis pour prparer, semer, sarcler et rcolt. La comparaison la plus intressante faire n'est sans doute pas au niveau de l'nergie, mais plus au niveau de la durabilit, de la satisfaction humaine et animale, de la beaut, de la joie. Autant de choses bien relles, mais qui n'ont malheureusement rien faire dans un rapport scientifique. Quand on regarde le systme dans sa globalit on s'aperoit que le cheval n'est pas uniquement prsent pour donner sa force. Il permet le maintien d'un pturage, il transforme une ressource herbagre en fertilisants, il peut se reproduire, offrir une nourriture carne excellente et participe mme l'entretien des bords de route. Quand j'ai demand Roland qu'est-ce qu'il pensait faire de Fauvette une fois qu'elle sera proche de la mort, il m'a rpondu sans hsitation qu'il allait la donner un boucher histoire de valoriser au maximum l'animal. Il ajoutera mme: "Finalement, on s'en est occup pendant des annes. Elle tait bien ici. Elle tait comme l'htel".

6.2 Mathieu Udriot, Bex, SuisseJe suis tomb sur ce personnage en faisant ma recherche bibliographique sur le sujet. Mathieu a laiss une copie de son travail de diplme sur les possibilits de revalorisation de la traction animale dans le contexte agricole moderne la bibliothque de Lullier, quand il a termin sa formation en 2006. Il me prcisera d'ailleurs que pour lui, le but et de revaloriser le travail par la traction animale, et non de passer toute l'agriculture actuelle la force animale. Mathieu a accept de me recevoir chez lui prs de Bex, dans le canton du Valais. Il occupe un appartement dans l'ancienne ferme de ces grands-parents, juste au-dessus de l'curie qui abrite les deux chevaux qu'il utilise en traction: Cannelle, une jument Fjord g de 8 ans et Fleurette, une jument ardennaise de 6 ans. La premire est de petit gabarit (1m40 au garrot, 400kg), ce qui permet de faire des travaux dans des endroits escarps avec peu d'espace disposition. La seconde est plus massive et peu s'occuper de travaux plus lourds (Mroz, 2010). Quand ils ne sont pas en train de travailler, ni l'table, ses chevaux paissent au bord du Rhne, ct valaisan, car cela serait interdit de l'autre ct de la rivire, ou la lgislation diffre. L aussi, j'ai t reu merveilleusement bien. Quelle ouverture! Quel sens de l'accueil, et quelle belle nergie. J'ai pass mon retour en train regarder par la fentre en me disant que le monde n'tait pas si mal barr que a. Une fois de plus, le fait de voir quelqu'un faire ce qui lui plait et prendre le temps de le montrer aux autres m'a rempli de joie. Un grand merci du fond du cur!

6.2.1 Les travauxLa spcialit de Mathieu est le travail du sol dans la vigne, c'est--dire le sarclage ou encore l'ameublissement superficiel du sol. Ces techniques permettent une bonne aration du sol et une meilleure pntration de l'eau. Il faut compter entre 4 et 6 passages par anne. Il passe avec a jument Fjord dans des endroits trs serrs, avec moins d'un mtre de largeur, ou les machines ne peuvent pas faire le travail. Et c'est l une de ces grandes forces. Mathieu ne cherche pas remplacer tous les tracteurs par des chevaux. Pour lui, chaque cas ncessite une rflexion et l'adoption de la technique la plus judicieuse. Il a fait le choix de ne pas concurrencer le tracteur. La plus grande partie des travaux qu'il excute ne pourraient pas se faire l'aide de machines motomcanises, car l'espace disposition ne le permet pas.

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Le gros du travail de Mathieu se situe entre le printemps et l'automne, pendant les priodes de vgtations. L'hiver est calme. Il fait quelques dmonstrations de traction animale, mais n'uvre plus trop dans le domaine agricole. Il pourrait proposer des promenades touristiques, mais pour l'instant, il n'en a pas vraiment besoin et il n'est pas dans une optique de maximisation du profit. Il pourrait galement offrir ses services aux ppinires locales. Le rapprochement entre les lignes d'arbres est tel, que le sarclage avec une machine est impossible. Mais l encore, ce n'est pas vraiment le type de travail qui intresse Mathieu. Lors d'une journe de travail de 5 heures, il faut diviser la tche en deux. Le cheval doit manger environ tous les deux trois heures d'effort. Lorsqu'il est au pr, il mange pendant 12 17h par jour. Lorsqu'on travaille avec lui, on diminue Figure 9 Matthieu et Cannelle l'uvre considrablement son temps de nourrissage. Il faut donc lui apporter des nutriments plus concentrs en nergie. Mathieu leur donne de l'avoine. Pour le Fjord, il faut compter entre 4 et 6 kg de complment d'avoine par jour de travail de 6 8 heures, en plus des 6 8 kg de foin qu'il consomme priodiquement. Pour l'Ardennais, par contre, il faut compter entre 8 et 10 kg d'avoine et une ration de foin de 10 12 kg. Il ne faut pas oublier de donner une bonne ration la veille. On dit communment qu'une bonne alimentation pour un travail se divise en trois: une ration la veille, une le matin et une midi. Il donne de l'avoine, car cela "nergise" les chevaux alors que le mas tendance les engraisser. Il m'est malheureusement impossible, l aussi, de comparer la quantit d'nergie ncessaire pour faire ce travail celle qui serait ncessaire un tracteur, car cela n'est pratiquement pas possible. En effet, les tracteurs ne sont pas capables de faire un tel travail. On pourrait, par contre, comparer cela la force manuelle ncessaire l'homme pour travailler ces sols. On se rendrait alors compte rapidement de la grande supriorit de la force quine.

6.2.2 Autres aspects prendre en compteDs le moment o l'on travaille avec un systme vivant, il faut avoir une approche holistique. Si l'on regarde uniquement le point de vue de la duret du travail, la traction animale est perdante. Pareil, si l'on ne s'occupe que du point de vue conomique, ou encore nergtique. Il faut voir le cheval comme un acteur du monde agricole. Il fait beaucoup de choses dans une exploitation: recyclage de la matire organique, traction, valorisation de zone extensive ou suppression des refus des bovins. De plus, il fournira une trs bonne viande une fois abattu. C'est d'ailleurs tonnement la filire viande qui a permis le maintien des cheptels de traits alors que ceux-ci taient mis de ct pour le travail.

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7. ConclusionBien qu'elle reste relativement insignifiante par rapport au tracteur, la traction animale n'a pas compltement disparu du circuit. Cela a une trs grande importante dans la conservation des connaissances et du savoir-faire, et permettra de perptuer ces techniques ancestrales. Bien sr, l'agriculture telle qu'elle est aujourd'hui est difficilement transposable des techniques utilisant la force animale. Il faudrait refondre compltement le systme pour que cela soit possible. En premier lieu, il faudrait trouver de la main-d'uvre. Pour cela, je pense que l'image de l'agriculteur devrait tre amliore. Quand j'tais enfant, la pire insulte que l'on pouvait entendre tait "espce de paysan". Et c'est encore le cas en ville, ou pour bien des gens, l'agriculture semble tre un mtier appartenant au pass. Un des autres problmes est la taille moyenne des parcelles qui est devenue trop grande. Il faudrait les diviser et les redistribuer. Si cela est videmment impossible faire rapidement, je pense par contre que cela serait ralisable de manire progressive. Mais qui en a rellement envie aujourd'hui? Certainement pas les industrielles pour qui un retour l'autonomie des agriculteurs serait la pire des choses imaginables. Ni la plus grande partie de la population qui a conserv la mmoire de ses anctres suants sang et eau dans les champs. Il semble donc que seul un drame nergtique serait mme de remettre les animaux de trait au got du jour. Cela prouve bien que c'est loin d'tre une aberration nergtique que de cultiver sa terre l'aide d'un compagnon animal, car c'est peut-tre l que l'on va revenir lorsque les politiques de soutien de prix fausss du ptrole ne pourront plus continuer. N'est-elle pas plutt l l'aberration: dans le maintien d'un systme vou la faillite ?

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8. Rfrences8.1 BibliographiquesBallandonne, J.-C. 2008. Le cheval, employ municipal. LA France agricole:1. Blot, G. 1951. La Traction animale, la traction mcanique en Beauce. Bochu, J.-L., et Collectif 2003. Energies et agriculture: De la matrise de lnergie aux nergies renouvelables. Educagri. Bochat, S. 2010. Energies renouvelables. Cannelle, J.-L., Greff, N., Coq, F., Daloz, F., Lehmann, P., et Lamberet, R. 2010. Energie animale et gestion des espaces naturels. Disponible : http://www.cren-rhonealpes.fr/images/stories/documents/CTpdf/cahiertechnique/CTEnergieanimale.pdf [Consultle 19.11.2011].

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8.2 GraphiquesTITRE FIGURE 1 FIGURE 2 FIGURE 3 FIGURE 4 FIGURE 5 FIGURE 6 FIGURE 7 FIGURE 8 FIGURE 9 PEINTURE RUPESTRE DU SAHARA, HTTP://WWW.MR.REFER.ORG/NUMWEB/SPIP.PHP?ARTICLE109 DONNEES: FAO .................................................................................................................................... 3 HTTP://WWW.LAROUSSE.FR/ENCYCLOPEDIE/DATA/IMAGES/1001279.JPG ..................................................... 4 HTTP://WWW.ARTHURSCLIPART.ORG/HORSES/HORSES/COLLAR.GIF ................................................................ 5 HTTP://WWW.CHEVAL-FUMIER.COM/FR/STOCKAGE-REGLEMENTATION.HTML ................................................ 11 HTTP://LABOPHOT.OVER-BLOG.COM/ARTICLE-AL-60695086.HTML ............................................................. 12 HTTP://WWW.EQUITERRA.FR/PLUGINS/DIAPORAMA/DIAPORAMA.PHP?LNG=FR&DIAPO_ID=44 ....................... 12 (Cannelle et al., 2010) ..................................................................................................................... 13 ELISABETH PIRAS ................................................................................................................................. 15 WWW.CAVESDUPARADIS.CH/ZPW/EPH/MATHIEU.PDF .............................................................................. 17

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9. Annexe

I.

Critres prendre en compte pour valuer la faisabilit technique du chantier (Cannelle et al., 2010)