14
COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET DYNAMIQUE D’UN BASSIN VERSANT EN MILIEU SEMI-ARIDE: EXEMPLE DU BASSIN VERSANT DU KSOB (HAUT ATLAS OCCIDENTAL, MAROC) Comportamiento hidrológico y dinámico de una cuenca vertiente en una zona semi-árida: El ejemplo de la cuenca vertiente del Ksob (Alto Atlas occidental, Marruecos) A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah Laboratoire de Géosciences et Environnements, Département des Sciences de la Terre, Faculté des Sciences et Techniques de Marrakech, B.P. 549-Guéliz, Marrakech - Maroc e-mail: [email protected] - Fax (212) 24 43 31 70 Resumen: Situada en una zona semi-árida, en el extremo occidental del Alto Atlas, la cuenca vertiente del Ksob presenta una forma alargada con pendientes bastante importantes en las cuencas afluentes y sus vertientes. La mayoría de los afloramientos son bastante impermeables, compuestos principalmente por rocas carbonatadas jurásicas y cretácicas. Estas características tienen una influencia evidente en la descarga de los tributarios y en la morfolgía de los hidrogramas observados en sus desembocaduras. El río Ksob ha sufrido avenidas devastadoras muy violentas y de corta duración. La carga sólida transportada por tales avenidas, y depositada en la Bahía de Essaouira, juega un papel fundamental en el mantenimiento del equilibrio morfodinámico y sedimentario de la desembocadura del río y la playa de Essaouira. La construcción de la presa Zerrar, aguas arriba del río, provocará un déficit sedimentario importante que se traducirá en una erosión costera intensa de la Bahía de Essaouira. Palabras claves: Cuenca vertiente, semiárido, avenidas, carga sólida, río Ksob, Bahía de Essaouira. Abstract: Located at the Western extremity of the High Atlas range in a semi-arid zone, the Ksob watershed area presents an elongated shape with steeps slopes at the tributaries. The outcrops, rather impermeable in their majority, are composed by Jurassic and Cretaceous carbonated rocks and marls. All these characteristics induce an increase of the river discharge and the development of important floods. The Ksob River is affected by frequent floods, which are violent and short in duration. Transported solid loads deposited in Essaouira bay, play a fundamental role in the maintenance of morphodynamic and sedimentary equilibrium in the river mouth and in the Essaouira beach. The construction of Zerrar dam, upstream of the Ksob River, would involve an important sedimentary deficit, which would drive in a very intense coastal erosion of the Essaouira Bay. Key words: Watershed area, Semi-arid, Floods, Solid load, Ksob River, Essaouira Bay. A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Comportement hydrologique et dynamique d’un bassin versant en milieu semi-aride: exemple du bassin versant du Ksob (haut atlas occidental, Maroc). Rev. C. & G., 24 (1-2), 99-112. Revista & ISSN: 0214-1744

Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET DYNAMIQUED’UN BASSIN VERSANT EN MILIEU SEMI-ARIDE:

EXEMPLE DU BASSIN VERSANT DU KSOB(HAUTATLAS OCCIDENTAL, MAROC)

Comportamiento hidrológico y dinámico de una cuenca vertiente en una zona semi-árida:El ejemplo de la cuenca vertiente del Ksob (Alto Atlas occidental, Marruecos)

A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah

Laboratoire de Géosciences et Environnements, Département des Sciences de la Terre,Faculté des Sciences et Techniques de Marrakech, B.P. 549-Guéliz, Marrakech - Maroc

e-mail: [email protected] - Fax (212) 24 43 31 70

Resumen: Situada en una zona semi-árida, en el extremo occidental del Alto Atlas, la cuenca vertiente del Ksobpresenta una forma alargada con pendientes bastante importantes en las cuencas afluentes y sus vertientes. La mayoríade los afloramientos son bastante impermeables, compuestos principalmente por rocas carbonatadas jurásicas ycretácicas. Estas características tienen una influencia evidente en la descarga de los tributarios y en la morfolgía de loshidrogramas observados en sus desembocaduras. El río Ksob ha sufrido avenidas devastadoras muy violentas y decorta duración. La carga sólida transportada por tales avenidas, y depositada en la Bahía de Essaouira, juega un papelfundamental en el mantenimiento del equilibrio morfodinámico y sedimentario de la desembocadura del río y la playade Essaouira. La construcción de la presa Zerrar, aguas arriba del río, provocará un déficit sedimentario importante quese traducirá en una erosión costera intensa de la Bahía de Essaouira.

Palabras claves: Cuenca vertiente, semiárido, avenidas, carga sólida, río Ksob, Bahía de Essaouira.

Abstract: Located at the Western extremity of the High Atlas range in a semi-arid zone, the Ksob watershed areapresents an elongated shape with steeps slopes at the tributaries. The outcrops, rather impermeable in their majority,are composed by Jurassic and Cretaceous carbonated rocks and marls. All these characteristics induce an increase ofthe river discharge and the development of important floods. The Ksob River is affected by frequent floods, which areviolent and short in duration. Transported solid loads deposited in Essaouira bay, play a fundamental role in themaintenance of morphodynamic and sedimentary equilibrium in the river mouth and in the Essaouira beach. Theconstruction of Zerrar dam, upstream of the Ksob River, would involve an important sedimentary deficit, which woulddrive in a very intense coastal erosion of the Essaouira Bay.

Key words:Watershed area, Semi-arid, Floods, Solid load, Ksob River, Essaouira Bay.

A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Comportement hydrologique etdynamique d’un bassin versant en milieu semi-aride: exemple du bassin versant du Ksob(haut atlas occidental, Maroc). Rev. C. & G., 24 (1-2), 99-112.

Revista

&

ISSN: 0214-1744

Page 2: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

1. Introduction

Partout dans le monde, les inondations et lespulsations hydrologiques défient la chronique parleurs effets dommageables sur les Hommes, lesbiens et le milieu naturel. Dans les régions semi-arides plus particulièrement, ces phénomènes ontpris de l’ampleur durant ces dernières décennies,probablement en relation avec le changementclimatique que connaît la planète. Au Maroc, leHaut Atlas Occidental est l’une des régions les plustouchées par ces phénomènes d’écoulementextrême à répétition. Les dernières grandes cruessurvenus dans la région depuis quelques années(Ourika en 1995 et en 1996; Ksob en 1996 et 2005,Imin’tanout et régions voisines tout récemment)témoignent d’une série impréssionnates de sous-évaluations de l’aléa hydrologique à prendre encompte. En dépit de sa situation sous un climatsemi-aride à sub-humide, cette région estconfrontée à l’amplification et à la répétition duphénomène en raison de l’encaissement des valléeset de leur aptitude à concentrer les écoulements(Saidi et al., 2003). Les vallées situées à unequrantaine de kilomètre au sud de la ville deMarrakech (Ourika, Rhiraia, N’fis) sont souvent lesiège de crues très violentes et imprévisibles (Saidiet al., 2003; Saidi et al., 2006; Daoudi et Saidi,2008). Les impacts dommageables sur l’environ-nement socio-économique sont nombreux dans lesvallées (Rapport de la Direction Provinciale del’Agriculture de Marrakech, 1999). Indépendam-ment des interrogations relatives aux répercusionsd’un dérègelement climatique provoqué par lesactivités humaine, cette situation pose brutalementle problème des moyens de prévention et deprotection mis en œuvre.

Dans la région d’Essaouira, le bassin versant duKsob (extrémité occidentale du Haut Atlas) estl’une des régions les plus menacées par ce risquenaturel en raison de son climat semi-aride de sonrelief montagneux et maritime et de ses enjeuxtouristiques urbanistiques et économiques. Cebassin est parcouru par un cours d’eau à caractèretorrentiel traversant et menaçant les secteurs deplus en plus développés de la bande côtière de larégion d’Essaouira. Les risques d’inondation sontd’autant plus importants que la ville d’Essaouiraprésente une topographie plate proche du niveau de

100 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)

la mer (5 m d’altitude). Contrairement aux autresbassins versants du Haut Atlas occidental, le bassinversant du Ksob présente plusieurs particularités.Alors que les débits de pointe dépassent rarement1000 m3/s lors des crues dans les autres bassins duHaut Atlas (1030 m3/s pour la tristement célèbrecrue de l’Oued Ourika survenue le 17 Aout 1995(Saidi et al., 2003)), le débit de pointe atteint dansle bassin de Ksob lors des périodes de crue dépassegénéralement 1000 m3/s. Lors de la crue du 29Novembre 2005, la plus spectaculaire durant cesdernières décénnies, le débit de pointe atteint est de2550 m3/s d’après l’Agence de Bassin Hydrauliquede Tensift (ABHT). Lors des périodes de crue, uncourant très destructeur traverse alors le lit majeurde l’Oued court-circuitant ainsi les méandres.L’érosion accélérée mobilise progressivement unemasse importante de sédiments meubles constituéede galets, de sables, de limons, d’argiles et dedébris végétaux. Toutefois, par cette charge solidequ’il véhicule lors des périodes de crue, l’ouedKsob joue un rôle fondamental dans le maintien del’équilibre morphosédimentaire de la baied’Essaouira (Gentile, 1997; El Mimouni et al.,2007)

La compréhension scientifique et technique desfacteurs hydrodynamiques, géomorphologiques etanthropique à l’origine des crues et des processusérosifs qui s’en suivent permet généralementd’évaluer leur impact sur l’environnement et deproposer des formes d’aménagement et deprotection plus adaptées au milieu naturel. Afin decomprendre la dynamique et les particularités dubassin versant du Ksob, et de fournir desindications permettant de caractériser son compor-tement hydrologique, nous avons entrepris uneétude multidisciplinaire comprenant l’hydrologie,la lithologie et la géomorphologie de ce bassinversant ainsi que de l’évolution morphosédi-mentaire de son embouchure. Cette étude vise àcomprendre à quel point les caractéristiques de cebassin versant ont permis d’atteindre des pointes decrues exceptionnelles pour une superficie drainéene dépassant pas 1480 km�. Cette étude aégalement pour objectif de déterminer quel seral’effet du projet de barrage Zerrar prévu à 30 km dela côte en amont du bassin, sur le fonctionnementhydrodynamique et morphosédimentaire de cebassin versant et de son embouchure.

Page 3: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Crues et transports solides en milieux semi-arides 101

2. Contexte géographique et climatique

2.1. Situation géographique

Le bassin versant du Ksob se localise sur lafaçade Atlantique du Maroc au sud-est de la villed’Essaouira, entre 31°2’ et 31°30’ Nord et entre 9°et 9°46’ Ouest, où il constitue l’extrémitéoccidentale de la chaîne haut atlasique. Le coursd’eau principal (Oued Ksob) résulte de laconfluence des oueds Igrounzar et Zelten à l’amontde la gorge Zerrar à environ 29 km de l’océanAtlantique. Le bassin versant du Ksob est donccomposé de trois sous bassin d’une superficietotale de 1480 km2 (823 km2 pour le sous bassind’Igrounzar qui s’étend sur la partie Nord, 460 km2

pour le sous bassin de Zelten sur la partie Sud et197 km2 pour le sous bassin l’Adamna à l’extrêmeOuest) (Fig. 1).

2.2. Caractéristiques climatiques

Du point de vue climatique, le bassin versant duKsob est situé, selon plusieurs indices d’aridité,dans une zone aride à semi-aride caractérisée parl’interférence des influences océaniques (perturba-tions de l’Ouest), continentale et montagnarde(Allam et Houmimyd 1990; Weisrock, 1980;Hander, 1993). L’aridité est assez marquée dans lebassin versant surtout en été. Cette aridité est parailleurs relativement croissante de l’Ouest versl’Est, suite à l’éloignement des influencesocéaniques, où la pluie diminue et les écartsthermiques augmentent. Le diagramme ombrothe-rmique de la station d’Essaouira met en lumièreune aridité étalée sur six mois d’avril à septembreoù le total pluviométrique mensuel en mm estdépassé par le double des températures en °C. Latempérature moyenne annuelle y est de l’ordre de20 °C. La différence de température entre le moisle plus chaud (juillet) et le mois le plus froid(janvier) ne dépasse guère 6 °C ; mais l’amplitudediurne est plus importante pouvant atteindre 10 à12 °C. La région est caractérisée par une variabilitéspatio-temporelle des précipitations qui sontmarquées par des irrégularités inter-annuelles etintra-annuelles importantes et une irrégularitérelative des écoulements superficiels (Hander,

1993). La pluviométrie annuelle est en moyenne del’ordre de 330 mm par an, avec un coefficient devariation de 34 %. La variabilité mensuelle etsaisonnière est encore plus marquée, avec descoefficients de variation respectifs de 50 et 55 %.La série de données disponibles de 1977 à 2004 àl’ABHT, montre que cette période est caractériséepar l’alternance d’années pluvieuses et d’annéessèches (Fig. 2). La moyenne des précipitationsmensuelles est de l’ordre de 55 mm pour les moisles plus humides (Novembre, Décembre etJanvier). La période sèche peut durer 7 mois(d’Avril à Septembre) avec un minimum deprécipitations établi aux mois de juillet et août quipeuvent connaître une sécheresse totale (Fig. 2).

Selon les données de l’Agence de BassinHydraulique de Tensift, les débits moyens annuelsenregistrés durant les trois dernières décennies à lastation Adamna varient entre 0.11 m3/s (1992-93)et 6,77 m3/s (1995–96). Cependant, le trait marquédes écoulements de l’oued Ksob correspond à sesdébits de crues très élevés occasionnels quipeuvent atteindre plusieurs centaines de mètre-cubes par seconde. La région a connu durant lesiècle dernier plusieurs crues importantes durantles années 1927, 1961, 1965, 1985 et 1996.Toutefois, la plus remarquable de ces crues estcelle qui a eu lieu en Novembre 2005 avec un débitde pointe de 2550 m3/s (Fig. 2).

2.3. Données environnementales

La région d’Essaouira comprend deux étages devégétation:

1. L’étage de végétation méditerranéen-aride ; iloccupe la majeure partie du bassin du Ksob. Etantdonné les caractéristiques climatiques sévères, lavie végétale dans cet étage n’est pas facile.Cependant, malgré ces conditions, on remarquel’apparition d’une forêt claire représentée parl’arganier (Argania spinosa). Cette forêt, étantdonné son exploitation économique, présente unniveau de dégradation élevé. C’est pourquoi, il estpratiquement impossible de rencontrer actuelle-ment une forêt à l’état de climax (RESING, 1996).

2. L’étage de végétation semi-aride; il occupeles franges côtières autour d’Essaouira, où il estreprésenté par le thuya (Tetraclinum articulata).

Page 4: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

L’occupation des sols est rudimentaire; ondistingue deux types de couverts: 1) des culturescéréalières sur les terrains marneux d’age crétacé,sur le Plio-Quaternaire et l’Eocène, 2) des terrainsnus correspondant aux affleurement des dalles

calcaires fissurées et karstiques du Crétacé et auxformations jurassiques. Dans les différentes partiesdu bassin, les zones urbanisées sont quasiinexistantes, à l’exception de certaines communesoù les infrastructures peuvent avoir une influence

102 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)

Figure 1. Principales caractéristiques du bassin versant du Ksob (A- Situation géographique B- Réseau hydrographique, C- Carte hyp-sométrique, D- Carte géologique).

Figura 1. Características principales de la cuenca vertiente del Ksob (A- Situación geográfica, B- Red hidrográfica, C- Mapa hip-sométrico, D- Mapa geológico).

A B

C D

Page 5: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Crues et transports solides en milieux semi-arides 103

très réduite sur le ruissellement (Laftouhi etPersoons, 2007).

3. Caractéristiques morphologiques du bassin

La forme du bassin versant peut avoir desconséquences hydrologiques importantes, notam-ment la relation pluie-débit et l’évolution desécoulements en période de crue. Autrement dit,outre la nature de l’averse, ce sont lescaractéristiques morphologiques du bassin quiconditionnent la forme des hydrogrammesobservés à l’exutoire (Humbert et al., 1982; Saidi,1995; Saidi et al., 2003). Plusieurs formules etindices permettent de chiffrer les caractéristiquesmorphologiques des bassins versants. Le tableau 1permet de comparer les caractéristiques morpho-logiques du bassin du Ksob avec celles du bassinversant de l’Ourika (Fig. 1A), l’un des principauxbassins du Haut Atlas occidental connu par cescrues dévastatrices (Saidi et al., 2003).

Le bassin versant du Ksob présente plusieursparticularités morphologiques. Sur environ 80 kmde distance, sa topographie passe de 0 à environ1700 m d’altitude. Alors que l’oued est relati-

vement encaissé en amont, la morphologie de labasse vallée de l’oued est relativement complexe;modelé notamment par les vents forts du Nord(Weisrock A. et Fontugne M., 1991) et par lesnombreux aménagements réalisés au cours de cesdeux dernières décennies. L’oued débouchedirectement dans la baie d’Essaouira.

L’indice de compacité de Gravelius (Kc = 0,28P/ÖS; où P est le périmètre et S la surface) permetd’avoir une idée sur la forme géométrique dubassin (Saidi, 1995); il est de l’ordre de 1,5 pour lebassin versant du Ksob (1,39 pour le sous bassind’Adamna, 1,33 pour celui d’Igrounzar et 1,73pour celui de Zelten). Comme pour le bassin del’Ourika (Kc = 1,3), cette compacité relativementmédiocre confère au bassin une forme allongée. Lecours principal résulte de la confluence des ouedsIgrounzar et zelten à l’amont de la gorge Zerrar àenviron 29 km de l’océan Atlantique. Chacun deces oueds correspond à une vallée linéairealimentée, sur les deux rives, par une succession deravins affluents (Fig. 1B). Cette situation permetaux ondes de crues de grossir vers l’aval à mesurede leur alimentation par les affluents.

L’analyse de la répartition des tranchesd’altitude est effectuée à partir des cartes

Figure 2. Précipitations et débits du bassin versant du Ksob à la station Adamna.Figura 2. Precipitaciones y descargas de la cuenca vertiente del Ksob en la estación de Adamna.

Page 6: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

topographiques au 1/100 000ème d’Essaouira et deKhemis Meskala. La répartition altimétrique dansle bassin du Ksob montre la prédominance desterrains compris entre 600 et 1600 m représentantenviron 60% de la surface totale (Fig. 1C).L’altitude moyenne s’élève à 745 m.

Le calcul des pentes moyennes du bassin duKsob a permis de constater que celles des coursprincipaux ne sont pas particulièrement élevées(1,7% à Adamna, 1,8% à Igrounzar et 3,6% àZelten) (Fig. 3). Cependant, la vitesse et la violencedes écoulements sont surtout régies par les pentesplus importantes des affluents et des versants. Laquasi-totalité des affluents se jettent dans les coursprincipaux avec des pentes assez importantes, mais

les vallons les plus pentus se situent en amont dubassin avec des pentes qui peuvent atteindre parendroit 10 %. Les pentes les plus importants dansle bassin versant sont identifiées sur le versant suddu sous bassin du Zelten.

4. Contexte géologique du bassin versant

Sur le plan géologique, les affleurements dubassin versant du Ksob sont constitués de facièstrès diversifiés d’âges compris entre le Trias et leQuaternaire (Michard, 1976; Içame, 1994). Cepen-dant, la majeure partie des faciès rencontrés dans lebassin est constituée de séries carbonatées d’âge

104 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)

Tableau 1. Caractéristiques morphologiques du bassin versant du Ksob comparées avec celles du bassin versant de l’Ourika.Tabla 1. Características morfológicas de la cuenca vertiente del Ksob comparadas con las del Ourika.

OURIKA Ksob

Superficie (km2) 503 1480Périmètre (km) 104 208

Longueur du cours principal (km) 45,5 105Índice de compacité 1,3 1,5

Altitude moyenne (m) 2500 745Altitude maximale (m) 4001 1694

Longueur du rectangle équivalent (km) 39,2 87Largeur du ractangle équivalent (km) 12,8 14,6

Pente moyenne 2,15 % 1,5 %

Figure 3. Profils longitudinaux de l’Oued Ksob et de ses deux principaux affluentsFigura 3. Perfiles longitudinales del río Ksob y de sus dos afluentes principales.

Page 7: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Crues et transports solides en milieux semi-arides 105

Jurassique et Crétacé (Figure 1D). Les observationdéduites des cartes géologiques au 1/50 000d’Essaouira et de Khemis Meskala, et desprospections de terrains montrent que les rochestendres à moyennement tendres représentent plusde 60 % de l’étendue du bassin. Ceci explique lagrande quantité des matériaux solides charriée parle Ksob durant les périodes de crue. L’histoiretectonique de cette partie du Haut Atlas estcomplexe; la morphologie actuelle est le résultatcombiné de l’orogenèse atlasique avec desdirections de raccourcissement N120 à N140 et dela tectonique salifère qui est une des particularitésmorpho-tectonique de ce bassin. En effet,l’abondance du diapirisme a pour origine lesargiles salifères du Trias plus profond.

Le haut bassin d’Igrounzar est occupéprincipalement par des marnes et des marno-calcaires respectivement cénomaniens et sénonienssur lesquels le ruissellement est intense. Vers lecentre du bassin l’oued coule sur des calcairesturoniens assez fissurés pour permettre l’infil-tration d’une quantité d’eau non négligeable (Reyet al., 1988; Ettachfini, 1992; Içame, 1994).

Le sous-bassin versant de Zelten draine desséries du Jurassique supérieure aux structures pluscompliquées. Ces formations sont en majeurepartie constituées par des argiles et des marnes. Leruissellement y est par conséquent plus intense.

Vers l’aval de la confluence, les formationsdunaires consolidées et mobiles du Plio-quater-naire occupent la totalité du sous bassin versantd’Adamna (Figure 5), où les eaux s’infiltrentrapidement dans les alluvions du lit de l’oued (ElMimouni et al., 2005).

5. Comportement hydrologique et dynamique

5.1. Ecoulements

L’écoulement, d’abord pérenne en amontd’Igrounzar et de Zelten, devient saisonnier enaval. Dans cette dernière partie du bassin, le Ksobne coule qu’après les premières pluies deseptembre ou octobre (parfois plus tard).L’écoulement persiste alors jusqu’au mois de maiou de juin en marquant parfois au passage des

pulsations brutales du débit lorsque l’intensitépluviale est très forte.

La majeure partie de l’écoulement se produitdonc dans les bassins amont d’Igrounzer et deZelten. Les écoulements de ces deux ouedsconsistent en deux composantes: 1) un écoulementde base faible et régulier pendant la majeure partiede l’année résultant de la restitution des eauxprovenant de l’écoulement hypodermiques et desrésurgences des eaux infiltrées dans le bassin,notamment dans sa partie amont; 2) une série decrues de courte durée mais assez fortes qui peuventavoir lieu plusieurs fois par an en fonction del’intensité et la durée des séquences pluvieuses.

Toutes les caractéristiques morphologiques etlithologiques analysées précédemment ont uneinfluence évidente sur la puissance des crues et laforme des hydrogrammes. Les crues de l’ouedKsob, comme celles des autres oueds du HautAtlas, sont généralement violentes et de courtedurée. Les hydrogrammes observés à l’exutoiresont souvent pointus avec des temps de montéeassez brefs et des temps de base de quelquesheures. A titre d’exemple, la figure 4 illustrel’hydrogramme de la crue de l’oued Ksob deNovembre 2005; il met en relief les caracté-ristiques d’une crue simple monogénique avec uneforte pointe de crue, des temps de base et demontée assez courts et un tarissement prolongé. Lamontée des eaux s’est produite en 5 heures et 30minutes et la décrue en 6 heures. Le débit de la crueest passé d’après l’Agence de Bassin Hydrauliquede Tensift de 12 m3/s avant la crue à une pointe de2550 m3/s. Les eaux mobilisées durant la crue ontatteint un volume de 34,47 millions de mètre-cubes.

Les écoulements annuels aux trois stations dejaugeage (Igrounzar, Zelten et Adamna) sont trèsvariables d’une année à l’autre en fonction desaléas climatiques. Le tableau 2 permet d’appréciercette variabilité du régime annuel de l’oued.

Le coefficient de variation est très importantattestant de l’extrême variabilité des débits d’uneannée à l’autre. Il en est de même pour le rapportdes extrêmes (R=Qmax /Qmin) qui montre desvaleurs qui varient de 34.2 à la station d’Igrounzarà 56.4 à la station d’Adamna.

Les débits moyens interannuels semblent êtrenormaux si on considère la superficie contrôlée par

Page 8: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

chaque station (notion de débit spécifique). Lestravaux menés en 1993 par l’ABHT sur le jaugeagedifférentiel avaient montrés que 67 l/s des eaux del’oued Ksob s’infiltrent par les calcaires fracturésdu Cénomano-Turonien, sur une longueur de 2Km, contre 42 l/s sur 7 Km infiltrés par les terrainsdu Plio-quaternaire

A partir des valeurs des débits maxima annuelsinstantanés établis par la direction régionale del’hydraulique de Marrakech, et à l’aide d’unlogiciel de traitement statistique, nous avons puajuster un certain nombre de lois statistiques à unéchantillon de crues du Ksob. Le résultat obtenumontre que les lois les plus adéquates sont les loisWeibull-2, Weibull-3 et Log-weibull-3. Les lois deWeibull sont des lois de probabilité utilisées pourl’estimation des fréquences de crues et de leurs

périodes de retour. La fonction de répartition de laloi à deux paramètres (Weibull-2) est définie par:

F (x; k, �) = 1 – e–(x/�)�

k est le paramètre de forme et � le paramètred’échelle de la distribution.

La loi de Weibull-3 dispose d’un troisièmeparamètre de localisation de la distribution �. Elleest définie par:

F (x; k, �, �) = 1 – e–( )

Ces lois nous ont permis d’estimer les hauteurs decertaines crues comme suit:

L’analyse de ces données montre que lafréquence des crues est relativement importante encomparaison avec des bassins situés dans le mêmecontexte climatique. En effet, nous avons constatéque des crues de l’ordre de 210 m3/s se produisent,

106 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)

Figure 4. Hydrogramme de la crue du 29 Novembre 2005 de l’Oued Ksob à la station d’Adamna.Figura 4. Hidrograma de la avenida del río Ksob el 29 de noviembre de 2005 en la estación de Adamna.

Tableau 2. Paramètres statistiques des débits annuels moyens (m3/s) au niveau des différentes stations de l’oued Ksob, pour la pério-de 1977-2006 (Q: débit, CV: coefficients des variations = Ecart-type/moyenne; R ext.: rapport des extrêmes = Q max/Q min).Tabla 2. Parámetros estadísticos de las descargas anuales medias (m3/s) en las diferentes estaciones del río Ksob, para el periodo

1977-2006.

Stations Q moyen Ecart-type CV Q max Q min R ext.

Igrounzar 0,49 0,74 0,96 1,95 0,057 34,21Zelten 0,51 0,69 1,35 3,49 0,078 44,74

Adamna 1,23 1,36 1,10 6,77 0,12 56,41

x – ��

k

Page 9: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Crues et transports solides en milieux semi-arides 107

en moyenne, tous les deux ans à Adamna, et quedes débits de pointe de l’ordre de 860 m3/s yreviennent tous les 10 ans. La crue exceptionnellede Novembre 2005, avec une pointe de crue de2550 m3/s correspondrait donc à une cruecentennale.

5.2. Erosion et charge solide

Dans les bassins torrentiels des régionstempérées, les mouvements gravitaires de terrainprésentant des caractéristiques d’écoulement sontfréquents (Julian et Anthony, 1997; Malet et al.,2000; D’Amato Avanzi et al., 2004). En utilisant laclassification de Hungr et al. (2001), on distingueles glissements évoluant en coulées ou glisse-ments-coulées (earthflow), les coulées de débris(debris avalanche), et les laves torrentielles(debris-flow). Ces mouvements se différencient parla morphologie des dépôts, la granulométrie, lesparamètres mécaniques et les vitesses d’écoule-ment (Major et al., 1992; Malet et al., 2002;Hürlimann et al., 2003). Dans les régions semi-arides, ces processus d’écoulement extrême sontpeu connus. Au Maroc par exemple, les étudesconsacrées à l’érosion et à l’estimation destransports fluviaux ont toutes mis en évidencel’importance quantitative des charges exportées parles bassins versants sous climat semi-aride(Snoussi, 1986; Sibari et al., 2001). L’approcheglobale souvent utilisée pour l’estimation du bilandes matières transportées en zone semi-aride resteconfrontée à la grande irrégularité hydrologiquedes oueds marocains dont les bassins versantsprésentent des caractéristiques lithologiques,géomorphologiques et hydroclimatiques propres(Sibari et al., 2001; Loudiki, 1999).

Dans le bassin versant du Ksob, la charge solidecharriée en période de crue par l’oued est trèsimportante; il est composé de galets, de sables, de

limons, d’argiles et de débris organiques. Cesmatériaux transportés résultent aussi bien de ladégradation des versants abrupts que de laremobilisation des sédiments accumulés, enpériode de sécheresse, dans le lit de l’oued.

-En amont du bassin, la dégradation spécifiqueau niveau du confluent des deux sous bassinsversants (Igrounzer et Zelten) est de 1000T/Km2/an (Rapport du Ministère de l’Economie,des Finances, de la Privatisation et du Tourisme,2002). Suite à la situation de cette partie du bassindans une zone aride à semi-aride (loin desinfluences maritimes), son couvert végétal est trèsclairsemé, dominé par l’arganier «Argania Spi-nosa». Cependant en raison de sa surexploitationdurant ces dernières années, la forêt d’arganierprésente un niveau de dégradation élevé ; ces zonessont donc soumises à une érosion de plus en plusintense. La constitution de la charge solide descours d’eau, charriée ou en suspension, est surtoutle fait de surfaces contributrices et non del’ensemble du bassin versant. Les matériauxtransportés sont surtout composés de galetscalcaires, d’argiles et de limons, en provenance desversants fortement inclinés. Leurs entrées auniveau des drains principaux se font sous forme dematériaux alluviaux (cône de déjection et con-fluence des tributaires) et de colluvions (cônesd’éboulis et glissement de terrain). Cette dernièreforme de matériaux charriée concerne des facièsplus au moins meubles qui affleurent sur desversants abrupts. Il s’agit plus particulièrement desformations argileuses du Trias, des formationsmarneuses du Crétacé inférieur et les formationsmeubles du Plio-quaternaire. Les argiles du Triasaffleurent sur une zone étroite en aval du bassinreprésentant moins de 5% de la superficie totale;cependant elles contribuent de façon importante àla charge solide en raison de leur friabilité. Lesformations marneuses du Crétacé inférieuroccupent le haut bassin de Zelten sur une superficie

Tableau 3. Périodicité des crues de l’oued Ksob (d’après l’Agence de Bassin Hydraulique de Tensift).Tabla 3. Periodicidad de las avenidas del río Ksob (según la Agencia de la Cuenca Hidráulica de Tensift).

Récurrence (ans) 2 5 10 20 50 100 200 Loi d’ajustementIgrounzar 33 120 210 320 490 640 800 Weibull-3

Zelten 135 326 470 620 820 970 Weibull-2Adamna 210 540 860 1240 1860 2400 3040 Log-weibull-3

Page 10: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

représentant à peu près 25 % du bassin du Ksob et20 % dans le sous bassin d’Igrounzar.

-Vers la partie aval du bassin, les formationsmeubles du Plio-quaternaire constituent lesprincipaux faciès géologique de cette partie dubassin. L’oued Ksob constitue un obstaclemorphologique vis-à-vis des sables qui migrentvers le Sud, sous l’action des vents dominants duNord et du NNE, sous forme de dunesbarkhanoïdes (Lharti et al., 2006) (Fig. 5). Ainsi, enpériode de sécheresse le lit de l’oued estpartiellement colmaté; les sables de plagecontinuant leur migration forment barrage àl’embouchure de l’oued. Les eaux constituent alorsun petit étang au niveau de Diabet. Dès la premièrecrue importante, le barrage sableux cède et le lit de

l’oued est alors évacué (Figue 5A et B) ; cela peutparfois prendre plusieurs années. Le pont au Nordde Diabet construit en 1922 a cédé dès la premièrecrue en 1925 (d’après la Direction de l’Equipementd’Essaouira). Cette configuration de la partie avaldu bassin versant est en partie responsable de laviolence des crues. Les sables accumulés enpériode de sécheresse à l’embouchure de l’oued etdans son lit mineur sont responsables de l’effet de«bouchon» que subit l’oued en période plushumide.

Le débit aléatoire de l’oued Ksob accompagnéde la migration des sables vers le sud expliqueégalement les cours variables et anastomosés de lapartie aval de l’oued. A partir de Diabet, le litmineur de l’oued fluctue entre les directions Nord

108 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)

Figure 5. Photos prises à l’embouchure de l’oued Ksob lors de la crue de Novembre 2005 (A- écoulement de l’oued au niveau dupont de Diabet, B- évacuation du barrage de sable, C- apports solides en suspension (Argiles et limons) dans la baie d’Essaouira, D

débris végétaux accumulés sur la plage d’Essaouira au lendemain de la crue.Figura 5. Tomadas en la desembocadura del río Ksob durante la avenida de noviembre de 2005 (A- escorrentía del río al nivel delpuente de Diabet, B- evacuación de la presa de arena, C- aportes sólidos en suspensión (arcillas y limos) en la bahía de Essaouira,

D- restos vegetales acumulados sobre la playa de Essaouira inmediatamente después de la avenida.

A B

C D

Page 11: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Crues et transports solides en milieux semi-arides 109

et Ouest. Ces fluctuations du lit mineurreprésentent un déplacement de l’embouchure del’oued d’environ 1000 m depuis la fin du XIXème

siècle (Figure 6 ). Ce déplacement est dû à l’arrivéedes sables sur la rive droite de l’oued. Cettedéviation correspond à un compromis entrel’avancée des sables (période de sécheresse) et lescrues (périodes plus humides). Plus la sécheresse(saisonnière ou pluriannuelle) est prononcée, plusla déviation du lit mineur tend vers l’Ouest, alorsqu’une déviation vers le Nord semble suggérer unretour vers des conditions plus humides.

6. Conséquences de la construction du barrageZerrar

Dans le but de servir les besoins despopulations en eau et en énergie, la constructiondes barrages sur les cours d’eau de la surface de laterre est une activité de plus en plus développée. Laconstruction des barrages est une activité trèsancienne; les premiers ouvrages connus remontentà 5000 ans et se situent au proche orient. Au XXème

siècle, une quantité de barrage de plus en plusgigantesque ont été érigés le long des rivières.

Figure 6. Configuration actuelle de l’embouchure de l’oued Ksob et de la baie d’Essaouira, montrant la trajectoire du lit mineur àdifférentes époques (photo aérienne 2008).

Figura 6. Configuración actual de la desembocadura del río Ksob y de la bahía de Essaouira, mostrando la trayectoria del canal endiferentes épocas (foto aérea de 2008).

Page 12: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Dans cette perspective, le bassin versant de l’ouedKsob est le siège d’un projet de construction debarrage (barrage Zerrar) en amont de l’oued Ksob.Les travaux de construction de ce barrage ontcommencé il y’a un an, au niveau de la stationAdamna à une trentaine de Km de la villed’Essaouira. Diverses raisons ont motivé cetteconstruction parmi lesquelles: l’alimentation de larégion d’Essaouira en eau potable, l’irrigation etlutte contre la sécheresse, la régulation des crues, etla création d’aires de loisirs (une station balnéaireavec 6 terrains de golf est en cours de constructiondans la région de Diabet).

Cependant, ces aménagements conçus pourrépondre à des besoins immédiats, entraînent àmoyen et à long terme, un déséquilibre du systèmenaturel de leur environnement. En plus des effetsnéfastes, engendrés sur les régimes hydrauliquesdes rivières, sur la qualité de leurs eaux et sur lefonctionnement des écosystèmes aquatiques, ilsperturbent considérablement le transit et le dépôtdes matériaux sédimentaires à l’aval et àl’embouchure. Dans les régions arides et semi-arides plus particulièrement, où l’extension despérimètres irrigués est une nécessité, la cons-truction de barrage sur les fleuves a bloqué lessédiments les plus grossiers qui ne peuvent plusnourrir les dérives littorales responsables de leursredistributions sur les littoraux. Ceci est la causeessentielle du recul spectaculaire de la côte dansplusieurs régions du monde. A cause de ces effetsnéfastes, certains barrages sont même considérésaujourd’hui comme des échecs patents.

Dans la région d’Essaouira, en moyenneenviron de 200 000 tonnes de sédiments, dont 90 %lors des crues, sont déversés par l’oued Ksob dansla baie chaque année. Ces sédiments se déposent enbonne partie dans le triangle formé par la jetée duport, l’île de Mogador et l’embouchure de l’oued(Figure 5 C et Figure 6). Ces dépôts accumulés enfaible profondeur sont ensuite progressivementremaniés au long de la plage par les tempêtes (ElMimouni et al., 2007) (Figure 5D). Des étudesrécentes sur l’évolution morphosédimentaire de labaie d’Essaouira montrent que ces dépôtsconstituent la source unique des apports dans labaie; les sédiments apportés du Nord d’Essaouirapar la dérive littorale transitent directement vers leSud et ne pénètrent pas dans la baie (Gentile, 1997;Daoudi et al., 2007a).

Le principal impact négatif de la constructiondu barrage Zerrar serait donc lié à la diminution desapports sédimentaires en aval de l’oued aussi bienau niveau de l’embouchure qu’au niveau de la baied’Essaouira. En effet, le barrage va constituer unobstacle infranchissable aux sédiments provenantde l’amont du bassin. Il va bloquer les sédimentsgrossiers, venant du haut bassin et qui sontcomposés, comme nous l’avons vu auparavant, degalet, d’argiles de limons et de débris végétaux.Les effets néfastes de la diminution des apportssédimentaires sont multiples; ce déficit risque ainside provoquer:

-un enfoncement du lit de l’oued en aval(érosion régressive): le cours d’eau n’ayant plus dematériaux à transporter, sa compétence (capacitéde transport de sédiments) va croître et il va creuserson lit en y arrachant les matériaux accumulés.

-une érosion côtière accentuée au niveau de labaie: le risque majeur de la construction du barrageest lié au fait que la baie d’Essaouira ne sera plussuffisamment alimentée en sédiments. Ceci sera àl’origine de l’accentuation de l’érosion côtière lorsdes tempêtes et d’un recul conséquent du trait decôte. La plage d’Essaouira, déjà déficitaire en sable(Daoudi et al., 2007b), risque de complètementdisparaître à moyen terme.

-Colmatage de l’embouchure de l’oued: enraison de la diminution de l’intensité des crues oude leur disparition totale, le lit actuel de l’oued seracomplètement obturé; les crues n’ayant plusl’intensité suffisante pour évacuer les sablesaccumulés par le vent dans le lit de l’oued. Onassistera ainsi à des changements considérables etimprévisibles dans l’embouchure de l’oued.

-Diminution de la productivité biologique dumilieu côtier: comme c’est le cas dans la plupartdes barrages édifiés sur des cours d’eau charriantune importante charge solide, l’arrêt des apports desédiments (sables et limons) emportés par lescourants marins à l’embouchure risque de diminuerla productivité biologique de ce milieu côtier.

Conclusion

En dépit de sa situation dans une zone semi-aride, le bassin versant du Ksob peut atteindre despointes de crue exceptionnelles. Par ailleurs, les

110 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)

Page 13: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

Crues et transports solides en milieux semi-arides 111

débits de ces crues sont relativement importantspour une superficie drainée de l’ordre de 1480 km�.En plus la nature de l’averse, ce sont donc lescaractéristiques lithologiques et morphologiquesde ce bassin qui conditionnent la forme deshydrogrammes observés à l’exutoire. La formeallongée du bassin, les pentes relativement fortesdes versants et des affluents et les affleurementspeu perméables sont tous des paramètres quiconfèrent aux écoulements un caractère torrentielet boueux, et offre un environnement propice auxcrues. Ceci montre qu’en plus du climat, le milieuphysique peut offrir un environnement propice auxpulsations brutales des cours d’eau. Une pluieintense qui s’abat sur de tels bassins versants setraduit généralement en écoulement de surface. Lestemps de réponse et de concentration des eaux seraccourcissent, ce qui suggère une grande vigilanceconcernant la prévention et l’installation desystèmes d’alerte en amont des bassins.

La quantité de matériaux charriés ou ensuspension est également très importante enpériode de crue. Cette charge solide qui estentièrement déversée dans la baie d’Essaouira joueun rôle fondamental dans le maintien de l’équilibremorphodynamique et sédimentaire de la plaged’Essaouira. La construction du barrage Zerrar enamont de l’oued Ksob aura pour effet de bloquerune grande partie de ces matériaux en amont, cequi va engendrer un déficit sédimentaire importantau niveau de la plage d’Essaouira. L’érosioncôtière prendra de l’ampleur durant les tempêtes; laplage d’Essaouira risque de disparaître à moyenterme.

L’exemple du bassin du Ksob montre combienla dynamique d’un cours d’eau et de sonembouchure est liée à celle de tout le bassinversant.

Références bibliographiques

Allam, M. & Houmimyd, A. (1990). Etude de protection contrel’ensablement de la liaison routière entre MoulayBouzarktoun et Essaouira. Rapport du Service Forestierd’Essaouira. 65 pp.

Daoudi, L. & Saidi, ME. (2008). Floods in semi-arid zone:example of the Ourika (High Atlas of Marrakech,Morocco). International Scientific Journal for AlternativeEnergy and Ecology, 5 (61), 117-123.

Daoudi, L., El Mimouni, A., Anthony, E., Ben Ali, A. & Sipka,

V. (2007a). Suivi topographique de la baie d’Essaouira : unoutil efficace pour l’évaluation du comportementmorphodynamique de la plage. 4èmes JournéesInternationales des Géosciences de l’Environnement (IVème

GEOENV), Tétouan, p. 110.Daoudi, L., Elmouatez, A., El Mimouni, A. & Anthony, E.

(2007b). Erosion côtière et patrimoine historique en péril :exemple du rempart de la ville d’Essaouira (Maroc).International Conference on Rapid Urbanisation and LandUse Conflicts in Coastal Cities-Aqaba, 110-118.

D’Amato Avanzi, G., Giannecchini, R. and Puccinelli A. (2004).The influence of the geological and geomorphologicalsettings on shallow landslides. An example in a temperateclimate environment: the June19, 1996 event innorthwestern Tuscany (Italy). Engineering Geology, 14,415-426.

El Mimouni, A., Daoudi, L. & Ouajhain, B. (2005). Rôle de lalithologie des versants sur les écoulements superficiels del’oued Ksob (bassin d’Essaouira, Maroc). 3ème journéesInternationales des Géosciences de l’Environnement-ElJadida, p. 127.

El Mimouni, A., Sipka, V., Daoudi, L. & Anthony, E. (2007).Apport des mesures courantométriques a la compréhensiondu fonctionnement du système hydrodynamique de la baied’Essaouira. 4èmes Journées Internationales desGéosciences de l’Environnement (IVème GEOENV)-Tétouan, p. 111.

Ettachfini, E. M. (1992). Le Vraconien, Cénomanien etTuronien du bassin d’Essaouira (Haut Atlas occidental,Maroc): Analyse lithologique, biostratigraphique etsédimentologique, stratigraphie séquentielle. Thèse Univ.Paul Sabatier-Toulouse, 245 pp.

Gentile, W. (1997). Caractérisation et suivi d’un champ dunairepar analyses sédimentologiques et télédétection (Essaouira-Cap Sim, Maroc Atlantique). Thèse Université de Province– Aix-Marseille I, 307 pp.

Hander (1993). Contribution a l’étude de la Bioclimatologiehumaine au Maroc l’exemple d’Essaouira. Thèse Univ.Paris IV, 230 pp.

Humbert, J., Najjar, J., Ambroise, B. & Amiet, Y. (1982).Caractéristiques morphométriques et hydrographiques desbassins de la petite Fecht et du Ringel barch. RechercheGéographique Strasbourg, 19-21, 53-64.

Hürlimann, M., Rickenmann, D. and Graf, C. (2003). Field andmonitoring data of debris-flow events in the Swiss Alps.Canadian geotechnical journal, 40 (1), 161-175.

Içame, N. (1994). Sédimentologie, stratigraphie séquentielle etdiagenèse carbonatée des faciès du Crétacé Moyen dubassin d’Essaouira (Haut Atlas occidental, Maroc). ThèseUniv. Tunis II, 442 pp

Julian, M. & Anthony, E.J. (1997). Mouvements de masse ettorrentialité: cas du Tuébi et de la Haute-Tinée, Alpes-Maritimes (France). Géomorphologie, 1, 59-72.

Laftouhi, N. & Perssons, E. (2007). Influence des variationsclimatqiues sur le régime hydrologique du bassin versantdu Ksob (Essaouira, Maroc). Document technique enhydrologie, USCO-Paris, 80, 85-98.

Lharti, S., Flor, G., Daoudi, L., Flor, G.B., El Mimouni, A. &Ben Ali, A. (2006). Morfologia y Sedimentologia del

Page 14: Revista COMPORTEMENT HYDROLOGIQUE ET …tierra.rediris.es/CuaternarioyGeomorfologia/images/vol24_1_2... · bassin est parcouru par un cours d’eau à caractère torrentiel traversant

complejo playa/dunas costeras de Essaouira (Marruecosatlantico) : modelo de transporte costero. Actas de la IXReunión Nacional de Geomorfología, Santiago deCompostela (A. Pérez Alberti y J. López Bedoya, ed.), 401-417.

Loudiki, M. (1999). Transports de matières par les crues :impact sur les retenues de barrages et canaux d’irrigation.Journées d’étude sur les réformes des infrastructureshydro-agricoles suite aux crues de la province du Haouz deMarrakech, p. 3.

Major, J.J., Pierson, T.C. (1992). Debris flow rheology:experimental analysis of fine-grained slurries. WaterRessour. Res., 28, 841-857.

Malet, J.P., Maquaire, O., Klotz, S. (2000). The Super-Sauzeflowslide. Triggering mechanism and behaviour. Proc.VIIIth Int. Symp. Landslides, Cardiff, 999-1005.

Michard, A. (1976). Eléments de géologie marocaine. Notes etMém. Serv. Géol. Maroc, 252, 408 p.

Rapport de la Direction Provinciale de l’Agriculture deMarrakech (1999). Dégâts des crues dans la province duHaouz: Constats et interventions. Journées d’étude sur lesréformes des infrastructures hydro-agricoles suite auxcrues de la province du Haouz de Marrakech. 26 p.

Rapport du Ministère de l’Economie, des Finances, de laPrivatisation et du Tourisme (2002). Projet d’élaborationdes relevés topographiques des études hydrologiques dessites de l’Oued de Bouissafen et de l’Oued Ksob pour lecompte des études de faisabilité d’Aménagement desstations touristiques balnéaires de la plage blanche et deMogador. Note de synthèse. A.D.I.

RESING (1996). Monographie locale de l’environnementd’Essaouira. Observatoire National de l’Environnement duMaroc (ONEM), Rapport interne, 116 p.

Rey, J., Canerot, J., Peybernes, B., Taj-Eddine, K. & Thieuloy,

J.P. (1988). Lithostratigraphy, biostratigraphy andsedimentary dynamic of the Lower Cretaceous deposits inthe northern side of Western High Atlas (Morocco).Cretaceous Research, 9, 141-158.

Saidi, M.E. (1995). Contribution à l’hydrologie profonde etsuperficielle du bassin du Souss (Maroc). Thèse del’université de Paris IV, 120 p.

Saidi, M.E., Agoussine, M. & Daoudi, L. (2006). Effet de lamorphologie et de l’exposition sur les ressources en eausuperficielle de part et d’autre du haut atlas (Maroc);exemple des bassins versants de l’Ourika et du Marghène.Bulletin de l’Institut Scientifique, Rabat, section Sciencesde la Terre, 28, 41-49.

Saidi, ME., Daoudi, L, Aresmouk, H. & Blali, A. (2003). Rôledu milieu physique dans l’amplification des crues en milieumontaganrd : exemple de la crue du 17 Aout 1995 dans lavallée de l’Ourika (Haut Atlas, Maroc). Rev. Sécheresse,Paris, 14 (2), 1-8.

Sibari, H., Haidi, S. & Ait Fora, L., (2001). Typologie des crueset érosion mécanique dans un bassin versant de zone semi-aride: bassin versant de l’Inaouène, Maroc. Science etchangements planétaires. Rev. Sécheresse, 12(3), 187-93.

Snoussi, M. (1986). Nature, estimation et comparaison de fluxde matière issus des bassins-versants de l’Adour (France),du Sebou, de l’Oum-Er-Rebia et du Souss (Maroc): Impactdu climat sur les apports fluviatiles à l’océan. Thèse Univ.Bordeaux I, 409 pp.

Weisrock, A. & Fontugne, M. (1991). Morphogenèse éoliennelittorale au Pleistocène supérieur et à l’Holocène dansl’Oulja atlantique marocaine. Quaternaire, 2, 565-569.

Weisrock, A. (1991). Géomorphologie et paléo-environnementsde l’Atlas atlantique, Maroc. Thèse, Paris, 931 p, et Noteset Mémoires Serv.Géol. Maroc, n° 332, Rabat, 1993,487pp.

112 A. El Mimouni, L. Daoudi, M. E. Saidi & A. Baiddah (2010). Rev. C&G, 24 (1-2)