156
REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGE « Langues, discours et espaces » Numéro coordonné par BERGHOUT NOUJOUD BEDJAOUI WAFA NumÉro 2 ISSN : 2507-721X

REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

REVUE ALGERIENNE DES

SCIENCES DU LANGAGE

« Langues, discours et espaces »

Numéro coordonné par

BERGHOUT NOUJOUD

BEDJAOUI WAFA

NumÉro 2

ISSN : 2507-721X

Page 2: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

2

Directrice de la publication

Pr. Khaoula Taleb Ibrahim

Directrice du laboratoire « Linguistique, sociolinguistique et didactique des langues »

Responsables de la rédaction

Bedjaoui Wafa et Berghout Noudjoud

Comité de lecture N°2

Aci Ouardia (U. Blida 2), Amari Nassima (U. Alger 2), Ammouden M’hand (U.

Bejaia),Amokrane Saliha (U.Alger 2), Amrani Salima (U.Batna), Arezki Abdennour (U. Bejaia),

Asselah-Rahal Safia (U. Alger 2), Barssoum Yasmine (Université française d’Egypte), Bektache

Mourad (U. Bejaia), Boukhannouche Fatima-Lamia (U.Blida 2), Benaldi Hassiba (U.Alger 2),

Bestandji Nabila (U. Alger 2), Boumedini Belkacem (U. Mascara), Boussiga Aissa (U. Bouira),

Djebli Mohand Ouali (U. Alger 2), Dourari Abderezzak (U. Alger2), Guehria Wajih ( U. Souk-

Ahras), Hedid Souheila (U. Constantine), Hessas Hakim (U. Alger 2), Marzouk Sabrina (U.

Bejaia), Merbouh Hadjer (CU. Ain Timouchent), Mfoutou Jean-Alexis (U.Rouen), Morsly Dalila

(U. Angers), Ouaras Karim (U. Mostaganem), Oulebsir Fadila (U. Alger 2), Outaleb-Pellé

Aldjia (UMMTO) Philippou Maria (U. Mostaganem), Sadouni Rachida ( U. Alger 2), Sini Chérif

(UMMTO).

Adresse électronique : revuealgeriennesdl @gmail.com

ISSN : 2507-721X

Alger, novembre 2016

2

Directrice de la publication

Pr. Khaoula Taleb Ibrahim

Directrice du laboratoire « Linguistique, sociolinguistique et didactique des langues »

Responsables de la rédaction

Bedjaoui Wafa et Berghout Noudjoud

Comité de lecture N°2

Aci Ouardia (U. Blida 2), Amari Nassima (U. Alger 2), Ammouden M’hand (U.

Bejaia),Amokrane Saliha (U.Alger 2), Amrani Salima (U.Batna), Arezki Abdennour (U. Bejaia),

Asselah-Rahal Safia (U. Alger 2), Barssoum Yasmine (Université française d’Egypte), Bektache

Mourad (U. Bejaia), Boukhannouche Fatima-Lamia (U.Blida 2), Benaldi Hassiba (U.Alger 2),

Bestandji Nabila (U. Alger 2), Boumedini Belkacem (U. Mascara), Boussiga Aissa (U. Bouira),

Djebli Mohand Ouali (U. Alger 2), Dourari Abderezzak (U. Alger2), Guehria Wajih ( U. Souk-

Ahras), Hedid Souheila (U. Constantine), Hessas Hakim (U. Alger 2), Marzouk Sabrina (U.

Bejaia), Merbouh Hadjer (CU. Ain Timouchent), Mfoutou Jean-Alexis (U.Rouen), Morsly Dalila

(U. Angers), Ouaras Karim (U. Mostaganem), Oulebsir Fadila (U. Alger 2), Outaleb-Pellé

Aldjia (UMMTO) Philippou Maria (U. Mostaganem), Sadouni Rachida ( U. Alger 2), Sini Chérif

(UMMTO).

Adresse électronique : revuealgeriennesdl @gmail.com

ISSN : 2507-721X

Alger, novembre 2016

2

Directrice de la publication

Pr. Khaoula Taleb Ibrahim

Directrice du laboratoire « Linguistique, sociolinguistique et didactique des langues »

Responsables de la rédaction

Bedjaoui Wafa et Berghout Noudjoud

Comité de lecture N°2

Aci Ouardia (U. Blida 2), Amari Nassima (U. Alger 2), Ammouden M’hand (U.

Bejaia),Amokrane Saliha (U.Alger 2), Amrani Salima (U.Batna), Arezki Abdennour (U. Bejaia),

Asselah-Rahal Safia (U. Alger 2), Barssoum Yasmine (Université française d’Egypte), Bektache

Mourad (U. Bejaia), Boukhannouche Fatima-Lamia (U.Blida 2), Benaldi Hassiba (U.Alger 2),

Bestandji Nabila (U. Alger 2), Boumedini Belkacem (U. Mascara), Boussiga Aissa (U. Bouira),

Djebli Mohand Ouali (U. Alger 2), Dourari Abderezzak (U. Alger2), Guehria Wajih ( U. Souk-

Ahras), Hedid Souheila (U. Constantine), Hessas Hakim (U. Alger 2), Marzouk Sabrina (U.

Bejaia), Merbouh Hadjer (CU. Ain Timouchent), Mfoutou Jean-Alexis (U.Rouen), Morsly Dalila

(U. Angers), Ouaras Karim (U. Mostaganem), Oulebsir Fadila (U. Alger 2), Outaleb-Pellé

Aldjia (UMMTO) Philippou Maria (U. Mostaganem), Sadouni Rachida ( U. Alger 2), Sini Chérif

(UMMTO).

Adresse électronique : revuealgeriennesdl @gmail.com

ISSN : 2507-721X

Alger, novembre 2016

Page 3: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

3

Sommaire

Avant-propos………………………………………………………………………….…………..5

Les représentations sociales du code switching arabe dialectal/français chez les locuteurs

algériens (le contexte batnéen)

Radhia HADDADI……………………………………………………………………………..p.7

Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la transmission familiale des

langues aux enfants

Mahmoud BENNACER……………………………………………………………..…………p.22

L’emprunt lexical au carrefour des contacts linguistiques : cas de l’intégration de l’emprunt

lexical au français en arabe dialectal tunisien

Inès MZOUGHI………………………………………………………………..………………p.38

Hanoï : langue urbaine et identité

Đang Thi Thanh Thuy …………………………………………………………………..……..p.50

Dynamique et changement des phénomènes migratoires et des pratiques langagières dans

l’espace de la mobilité virtuelle

Hasna SEBIANE………………………………………………………………………….……p.70

L’anaphore pronominale dans le discours journalistique algérien

Nawal MOKHTAR SAIDIA ………………………………………………………….………p.90

L’effet du contexte sémantique dans l’identification, la compréhension et la production des

prépositions abstraites

Fatima Zohra KHALIL……………………………………………………………………p.102

Page 4: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

4

Implicite et ambiguïté au service de l’humour : entre sens et argumentation

Kheira MERINE……………………………………………………………………...………p.114

La didactique du FLE : une discipline en construction

Abdelkrim KHETTAB………………………………………………………………………..p128

خصوصیات المصطلح التشریعي في الجزائر وضعا وترجمة

141.....................................................................................,,,.........................................محمدبنإیمان

Compte-rendu d’ouvrage

Wafa BEDJAOUI…………………………………………………………………………….p.149

Résumés de quelques mémoires de master et de magistère soutenus au département de français

(Université d’Alger 2) au cours de l’année 2016…………………………………………….p.152

Page 5: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

5

Avant propos

Le présent numéro de « RASDL » réunit des articles sélectionnés suite à l’appel à contribution

pour rendre hommage à Thierry Bulot traitant la thématique « Langues, discours et espaces ».

Les contributeurs de ce numéro ont voulu rendre hommage à ce grand maître (décédé le mardi

26 janvier à Rennes suite à une brutale maladie). Ce fondateur de la sociolinguistique urbaine

avait mené et dirigé de nombreuses recherches afin de théoriser cette nouvelle discipline qui

problématise l’urbanité et l’urbanisation linguistique. A ce propos, les différentes contributions

composant ce numéro sont inscrites dans des domaines variés : en linguistique, en

sociolinguistique générale, en sociolinguistique urbaine et en didactique des langues et des

cultures.

Le numéro s’ouvre par la contribution de Radhia HADDADI qui propose une étude qui traite des

représentations sociales liées à la pratique du code switching comme modalité discursive adoptée

par les locuteurs bi-plurilingues.

Mahmoud BENNACER s’interroge sur les pratiques de transmission familiale des langues aux

enfants. En effet, la question des langues dans l’espace familial algérien occupe, ces derniers

temps, beaucoup l’intérêt des chercheurs dans le mesure où la société algérienne en général et la

famille en particulier vivent des mutations socioculturelles diverses, liées à la fois aux exigences

socioéconomiques et au phénomène de la mondialisation.

Dans sa contribution, Inès MZOUGHI présente une problématique qui s'articule autour de la

question de l'intégration morphosyntaxique des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal

tunisien. Son objectif est d'analyser et de décrire les différentes phases d'adaptation

morphologique et syntaxique par lesquelles passe l'emprunt lexical en s’intégrant dans la langue

d'accueil.

Đang Thi Thanh Thuy a pour objectif d’étudier le contexte urbain de Hanoï, en abordant la ville

par les discours qui la sous-tendent, et en prenant en compte la prégnance de la spatialité

urbanisée en s’appuyant sur l’affirmation de Thierry Bulot pour qui « la ville est donc une

matrice discursive. Elle fonde, gère et normalise des régularités plus ou moins consciemment

éllicitées, vécues ou perçues par ses divers acteurs ; régularités sans doute autant macro-

structurelles (entre autres l’organisation sociale de l’espace) que plus spécifiquement

linguistiques et langagières » (Bulot, 2008).

Page 6: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

6

Nawal MOKHTAR SAIDIA montre que l’anaphore pronominale constitue un test crucial pour la

problématique des marques de la cohérence et de la pertinence. Elle cherche également à voir à

quoi l’analyse des pronoms anaphoriques peut contribuer à la cohésion et l’organisation textuelle

du discours journalistique algérien.

La contribution de Fatima Zohra KHALIL a étudié les causes qui rendraient l’emploi des

prépositions abstraites difficile à maitriser.

Kheira MERINE a voulu montrer comment le texte combine entre ambiguité et implicite, d’une

part pour instaurer l’incompréhension qui sert l’humour et d’autre part pour débloquer la

situation, toujours à l’aide de mots articulés à deux niveaux : leur signification et leur

représentation.

Abdelkrim KHETTAB pose une réflexion autour de la« didactique », un concept protéiforme

qui est souvent confondu avec des concepts voisins. Il sera plus exactement question d’examiner

les contours de la didactique du FLE en précisant sa genèse ainsi que son évolution tant au

niveau conceptuel qu’épistémologique.

Imane BENMOHAMED étudie les caractéristiques du langage juridique en Algérie en prenant

en considération sa traduction et ses différentes utilisations institutionnelles. A travers un corpus

constitué à partir d’articles de la constitution algérienne, l’auteure fait montre de la francophonie

des discours officiels écrits.

Wafa BEDJAOUI nous fait part de sa lecture de l’ouvrage collectif dirigé par Bruno Maurer,

intitulé « Mesurer la francophonie et identifier les francophones. Inventaire critique des sources

et des méthodes », publié en 2015.

Les responsables de rédaction ont intégré, à la fin de ce numéro, les résumés de quelques

mémoires de master, de magistère et de thèse de doctorat soutenus au département de français de

l’Université d’Alger 2 au cours de l’année 2016.

Noudjoud BERGHOUT

Alger, le 19-11-2016

Page 7: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

7

Les représentations sociales du code switching arabe dialectal/français

chez les locuteurs algériens (le contexte batnéen)

Radhia HADDADI

Université Batna 2

Résumé

Cette étude traite des représentations sociales liées à la pratique du code switching comme

modalité discursive adoptée par les locuteurs bi-plurilingues. Ces représentations pèsent

effectivement sur les pratiques langagières car les langues sont incontestablement considérées

parmi les critères indispensables permettant la caractérisation de la conscience collective et

individuelle, notamment dans le cas du plurilinguisme où les tensions idéologiques dûes au choix

d’une langue au lieu d’une autre ou en les alternant deviennent la préoccupation majeure des

locuteurs, au quotidien, entraînant ainsi de leur part, soit une valorisation soit une dévalorisation.

Abstract

This paper deals with social representations related to the practice of code-switching as a

discursive modality adopted by the bi-multilingual speakers. The findings of the study revealed

that these representations actually hanging over the language practices because languages are

undoubtedly considered among the essential criteria for the characterization of the collective and

individual consciousness, particularly in the case of multilingualism or the ideological tensions

due to the choice of a language instead of another where the alternates become the major concern

of the speakers, in their everyday use, thus, resulting from them either a valuation or a

depreciation.

Introduction

Depuis son émergence en tant qu’objet de recherche vers la fin des années 1960 et dont les

principaux initiateurs sont Fishman (1971, 1972), Gumperz (1964, 1967, 1989) et Blom et

Gumperz (1972), le code-switching est au cœur des études portant sur le bi-plurilinguisme, et se

présente comme une modalité discursive inévitable adoptée par les locuteurs.

Page 8: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

8

Selon Sophie Alby dans son article «alternance et mélanges codiques » et en retraçant

l’évolution de la recherche sur le code-switching, deux axes peuvent être distingués : le premier

est « un axe plus structural, qui s’intéresse au fonctionnement linguistique des alternances et

cherche à identifier les contraintes systémiques présidant au code-switching (Myers- Scotton,

1993b : Muysken, 1995 ». Le deuxième « un axe plus social, conversationnel, qui porte son

attention sur le fonctionnement discursif des alternances (Auer, 1995) ou sur le rôle joué par le

code-switching dans la construction de l’identité des locuteurs qui le produisent (Myers-Scotton,

1993a ; Li, 2002, Gafaranga, 2001) » (Alby, 2013 : 43-70).

Nous nous inscrivons plutôt dans le deuxième axe car nous nous proposerons dans cette

contribution à connaître les raisons qui motivent les locuteurs à choisir telle ou telle langue dans

leurs pratiques langagières et de répondre à la question suivante : comment les Algériens

considèrent-ils le code-switching arabe dialectal / français? Et quelle image associent-ils à ce

phénomène langagier?

En se référant aux données sociolinguistiques propres à notre contexte, nous pensons que l’image

est doublement représentée. Il s’agit de deux attitudes linguistiques contradictoires : valorisation

d’une part et stigmatisation d’autre part, car selon la façon avec laquelle le code-switching est

appréhendé par les Algériens, les enjeux et les fonctions ne sont pas toujours explicites et doivent

être analysés sur tous les niveaux : linguistique, sociologique, psychologique et pragmatique.

1- Cadre théorique de l’étude

1-1 Aperçu sur le contexte sociolinguistique algérien

Le paysage sociolinguistique algérien est fortement animé par l'existence de diverses langues.

Cette diversité qui est un atout, est maîtrisée différemment par l'ensemble des locuteurs, suite à

la politique linguistique1 menée et entretenue par l'état algérien au lendemain de l'indépendance.

Une politique linguistique qui a fait écarter indirectement les langues maternelles et a fait

promouvoir un « nationalisme linguistique outrancier » (Miliani, 2004 : 211).

Cette contribution est une synthèse d’une partie des résultats de notre thèse de doctorat en sciences dulangage soutenue en 2015.

1 - L’expression "politique linguistique" est souvent employée en relation avec celle de planificationlinguistique. En Algérie la politique linguistique mise en place par l’Etat c’est bien la politique d’arabisation quitend à généraliser l’utilisation de la langue arabe.

Page 9: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

9

Pour ce qui est de la langue arabe, on a vite agit pour sa valorisation et on lui a attribué le statut

de langue nationale en 1962. Un statut longtemps minimisé pendant la colonisation française. Il

est à rappeler que la langue arabe est divisée en plusieurs variétés.

- La première est l'arabe "classique", langue de la religion et du livre sacré sans altération, ni

modification.

- La deuxième est celle qu'on appelle l'arabe "moderne" ou "standard" est né de cette ouverture

du monde arabo-musulman sur le monde occidental et l'adoption de quelques termes relatifs à la

science et à la technologie. Cette variété est très répandue en termes d'usage (presse, discours

politique, enseignement, administration).

- La troisième variété quant à elle est orale, ne jouissant d'aucun statut politique. Elle est la

langue maternelle de la majorité des Algériens. Cette dernière est subdivisée elle aussi en un

grand nombre de parlers locaux variant d'une région à une autre (le parler algérois, constantinois,

oranais, saharien).

De ce fait, il existe un rapport diglossique entre les deux dernières variétés de la langue arabe : la

première sacralisée, bénéficiant d'un statut supérieur de par son usage, la deuxième, dotée d'un

statut inferieur étant la langue de tous les jours et non celle des institutions, des écoles, ou de

l’administration. Ce rapport diglossique qui, au regard des spécialistes n'a rien d'anodin est

envisagé selon certains comme un dysfonctionnement linguistique et culturel.

Hérité du colonialisme, le français qui s’est étendu dans la même période comme langue de

l’élite et du pouvoir est toujours présent dans l’administration, l’enseignement supérieur, les

écrits littéraires et journalistiques.

Le positionnement du français dans le répertoire linguistique batnéen est important, il en est de

même pour l’attitude linguistique de certains locuteurs qui trouvent que ne pas parler français est

le signe d’une manifeste arriération, même si sur ce point, nous pouvons distinguer en réalité et

d’une manière objective trois types de locuteurs : ceux qui utilisent souvent le français dans la

vie quotidienne , ceux qui l’utilisent d’une façon occasionnelle et ceux qui ne l’utilisent pas.

Malgré toutes les représentations sociales, le français dont le statut de langue étrangère est un

peu discuté « reste en position de force sur le marché linguistique algérien » (Derradji , 2006 :

49) et l’ambiguïté de la place qui lui est assignée est l’un des faits marquants du colonialisme qui

Page 10: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

10

reste un facteur déterminant dans la planification et la politique linguistique menée par notre

Etat :

« L’héritage colonial est un facteur récurrent dans les politiques linguistiques des

gouvernements africains. Dans pratiquement tous les domaines (éducation,

communication, administration, politique et développement) la question a toujours

été de savoir s’il était souhaitable ou même possible de rompre avec les pratiques

existantes et si oui à quel prix ? » (Bamgbose, 1991 : 05).

Pour le chaoui qui est une variété de "tamazight", nous pouvons dire qu'il s'emploie

exclusivement dans les massifs des Aurès à l'instar des autres variétés qui sont localisées,

chacune dans sa région; ex: le kabyle en Kabylie, le mozabite dans la région du Mzab etc. Ce

n’est qu’après les pressions du mouvement culturel berbère en 2002 sur le pouvoir, que le

tamazight a été reconnue comme langue nationale et que son enseignement devient possible.

1-2 Le code-switchig comme phénomène résultant du contact des langues

Tout acte de parole est d’abord lié à des motivations langagières et à des excitations

neurologiques provoquant une pulsion communicative qui va être conceptualisée au niveau de la

structuration de l’inconscient. Ce dernier, et pour ce qui est du cas d’un sujet qui connaît

plusieurs langues, est constitué de divers agents structurants qui sont en opposition permanente

concrétisant ainsi l’emploi alterné, tantôt d’une langue, tantôt d’une autre.

Il s’agit, en effet, d’un mécanisme très complexe, auquel plusieurs facteurs peuvent contribuer.

Nous citons à titre d’exemple : l’intention des sujets parlants et les différents éléments

situationnels. Cet usage intercalaire, au sein du même discours est connu sous le terme de code

switching ou alternance codique comme le définit Gumperz (1989 : 57): « la juxtaposition à

l’intérieur d’un même échange verbal, de passages où le discours appartient à deux systèmes ou

sous-systèmes grammaticaux différents ».

Page 11: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

11

1-2-1 Les causes du code-switching

Il apparaît, à travers la genèse de l’acte de parole chez le sujet bi-plurilingue que le recours à tel

ou tel code est dicté par un processus d’élimination de certains agents structurants, voire

idéologiques caractérisant chacune des langues existantes au niveau de l’inconscient.

En effet, insérer dans son discours des segments linguistiques différents est loin d’être une

procédure soumise au hasard car le code switching fait référence à différents phénomènes qu’il

est parfois peu aisé de distinguer : « Il ne peut se produire que lorsque certaines conditions sont

réunies : présence d’interlocuteurs bilingues en relation de familiarité, échange personnel plutôt

que transactionnel, et situation informelle » (Dabène, 1994 : 92).

Contrairement à cela Myers Scotton qui a repris les travaux de Gumperz et de Poplack trouve

que « les motivations de l’alternance restent accidentelles et idiosyncrasiques, c'est-à-dire

dépendantes de l’activité langagière du sujet et donc non prévisibles linguistiquement il n’ya pas

de généralisation théorique possible » (Canut & Caubet, 2002 : 10)

Le code switching qui constitue, en fait, une modalité discursive à part entière voire une

stratégie communicative1 adoptée par le locuteur, doit être étudié selon le principe de description

des pratiques langagières, expliqué par Fishman: «qui parle ? Quelle langue ? À qui ? Et quand

?». (1965) 2 , en posant la question autrement: «Qui fait du code-switching ? Avec qui ?

Comment ? Quand ? Et dans quelles conditions?». (Barillot, 2002 : 120)

Plusieurs éléments, sont donc à prendre en considération, entre autres:

La nature des interlocuteurs et le type des relations qui les relient : (relations

familiales, amicales, professionnelles etc).

Le choix du sujet.

L’état émotionnel du locuteur (colère, joie), etc.

1 - Dans les recherches anglo-américaines, ce phénomène est relié aux domaines du bilinguisme et de lalinguistique du contact, tandis qu’en France « ce champ d’analyse est apparu bien plus tardivement [et] s’estdéveloppé tant dans des perspectives sociolinguistiques, interculturelles ou didactiques que linguistiques » (Canut,2002 : 09).

2 - Cf le titre de son article «who speaks what language to whom and when? » (Fishman 1965)

Page 12: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

12

2- Les représentations sociales du code-switching

Dans notre société, les code switchings: arabe dialectal/ français et parfois même (mais plus

rarement), berbère (chaoui)/ français sont les formes les plus récurrentes caractérisant les

pratiques langagières des individus, notamment des intellectuels ; puisque l’insertion du français

dans n’importe quel code (arabe ou berbère)1 est, selon les différentes représentations sociales,

un signe de culture ou d’un niveau d’étude important.

2-1/ Les représentations sociales

Le sujet des représentations sociales est d’actualité dans les sciences humaines et sociales car elle

renvoie aux questions complexes de la distinction entre systèmes de pensées et systèmes de

valeurs.

Grâce à leur dynamisme, les représentations ont pu s’infiltrer dans plusieurs domaines tels que la

sociolinguistique et la didactique. Leur ancrage en sociolinguistique apparaît à travers les

comportements, les jugements, les préjugés, les stéréotypes, les attitudes (positives ou négatives)

des locuteurs, comme le confirme H.Boyer : « toute représentation implique une évaluation, donc

un contenu normatif qui oriente la représentation soit dans le sens d’une valorisation, soit dans le

sens d’une stigmatisation » (2001 : 42).

2-2 Le code-switching entre appréciation et dépréciation : l’enquête

Pour confirmer nos hypothèses de départ et pour vérifier la justesse de notre réflexion, nous

optons pour une étude de terrain. Nous nous appuyons sur une enquête par questionnaire2 ciblant

une large population complétée par des entretiens semi-directifs. Une démarche méthodologique

classique combinant macro et micro-enquête. Cette dernière a toujours montré sa fiabilité en

matière de recherche sur les représentations sociales et les phénomènes épilinguistiques.

2-2-1/ Présentation du public : le public ciblé par notre acquête est composé de 84 personnes

appartenant aux différentes couches socio-professionnelles. Nous les avons sollicités et

approchés chacun dans son milieu professionnel.

1- Le code switching : berbère (chaoui)/ français peut être interprété comme une volonté d’exprimerune certaine appartenance enthno-linguistique.

2 - Voir annexes.

Page 13: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

13

Profession des enquêtés

Enseignants Etudiants Médecins

Sexe des

enquêtés

Masculin 08 03 05

Féminin 21 31 16

Total 29 34 21

Total 84

Tableau n° 01 : Distribution des enquêtés selon le sexe et selon l’activité professionnelle

2-2-2/ Analyse quantitative et qualitative des résultats de l’enquête par questionnaire

Interprétation des graphiques

Graphique n°01: Approbation ou désapprobation

du mélange de langues

Le mélange de langues considéré comme moyen aidant à

mieux transmettre un message dans certaines situations de

communication et pouvant lui assurer efficacité et fiabilité,

est reconnu par la majorité des enquêtés.

En effet, 69.04% de notre public trouvent que le code

switching est une stratégie discursive qui joue un rôle crucial

en matière d’intercompréhension, notamment dans les

contextes qui l’exigent.

Contrairement à cette conviction, 26.19% des enquêtés ne semblent pas du tout adhérer à cette

idée.

13

Profession des enquêtés

Enseignants Etudiants Médecins

Sexe des

enquêtés

Masculin 08 03 05

Féminin 21 31 16

Total 29 34 21

Total 84

Tableau n° 01 : Distribution des enquêtés selon le sexe et selon l’activité professionnelle

2-2-2/ Analyse quantitative et qualitative des résultats de l’enquête par questionnaire

Interprétation des graphiques

Graphique n°01: Approbation ou désapprobation

du mélange de langues

Le mélange de langues considéré comme moyen aidant à

mieux transmettre un message dans certaines situations de

communication et pouvant lui assurer efficacité et fiabilité,

est reconnu par la majorité des enquêtés.

En effet, 69.04% de notre public trouvent que le code

switching est une stratégie discursive qui joue un rôle crucial

en matière d’intercompréhension, notamment dans les

contextes qui l’exigent.

Contrairement à cette conviction, 26.19% des enquêtés ne semblent pas du tout adhérer à cette

idée.

2226.19

%

44.76%

OUI NON

13

Profession des enquêtés

Enseignants Etudiants Médecins

Sexe des

enquêtés

Masculin 08 03 05

Féminin 21 31 16

Total 29 34 21

Total 84

Tableau n° 01 : Distribution des enquêtés selon le sexe et selon l’activité professionnelle

2-2-2/ Analyse quantitative et qualitative des résultats de l’enquête par questionnaire

Interprétation des graphiques

Graphique n°01: Approbation ou désapprobation

du mélange de langues

Le mélange de langues considéré comme moyen aidant à

mieux transmettre un message dans certaines situations de

communication et pouvant lui assurer efficacité et fiabilité,

est reconnu par la majorité des enquêtés.

En effet, 69.04% de notre public trouvent que le code

switching est une stratégie discursive qui joue un rôle crucial

en matière d’intercompréhension, notamment dans les

contextes qui l’exigent.

Contrairement à cette conviction, 26.19% des enquêtés ne semblent pas du tout adhérer à cette

idée.

5869.05

%

NON SANS REPONSE

Page 14: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

14

Graphique n°02: Principaux motifs du mélange

de langues

Le recours au code switching est

interprété en termes de

compétence linguistique selon

35.71% et en termes

d’incompétence linguistique par

29.76%. D’autres parlent encore

de facteurs extra-linguistiques et

évoquent les notions

« d’habitude » et de « nécessité »,

en explicitant de la réponse

"Autres".

Notons qu’à cette question, nous attestons à de multiples réponses expliquant ce phénomène

discursif tant discuté : il pourrait être le résultat de nombreux facteurs : psychiques, linguistique,

sociologique et d’autres.

M68M1 : « On fait appel à une autre langue pour se faire comprendre ».

T41F : « Ils le font pour faciliter la compréhension ».

E01M : « Peut-être par prétention ».

E27F : « L’entourage exige cela ».

E39F : « Dans certaines situations de communication on est obligé de remplacer

quelques mots par leurs équivalents dans l’une ou l’autre langue ».

1 - Codification des enquêtés :M : médecin, T : étudiant, E : enseignant.68 : n° d’ordre dans le corpus.M : masculin, F : féminin.

14

Graphique n°02: Principaux motifs du mélange

de langues

Le recours au code switching est

interprété en termes de

compétence linguistique selon

35.71% et en termes

d’incompétence linguistique par

29.76%. D’autres parlent encore

de facteurs extra-linguistiques et

évoquent les notions

« d’habitude » et de « nécessité »,

en explicitant de la réponse

"Autres".

Notons qu’à cette question, nous attestons à de multiples réponses expliquant ce phénomène

discursif tant discuté : il pourrait être le résultat de nombreux facteurs : psychiques, linguistique,

sociologique et d’autres.

M68M1 : « On fait appel à une autre langue pour se faire comprendre ».

T41F : « Ils le font pour faciliter la compréhension ».

E01M : « Peut-être par prétention ».

E27F : « L’entourage exige cela ».

E39F : « Dans certaines situations de communication on est obligé de remplacer

quelques mots par leurs équivalents dans l’une ou l’autre langue ».

1 - Codification des enquêtés :M : médecin, T : étudiant, E : enseignant.68 : n° d’ordre dans le corpus.M : masculin, F : féminin.

Compétence30

35.71%

Incompétence25

29.76%

Autres20

23.81%

Sans Réponse9

10.71%

14

Graphique n°02: Principaux motifs du mélange

de langues

Le recours au code switching est

interprété en termes de

compétence linguistique selon

35.71% et en termes

d’incompétence linguistique par

29.76%. D’autres parlent encore

de facteurs extra-linguistiques et

évoquent les notions

« d’habitude » et de « nécessité »,

en explicitant de la réponse

"Autres".

Notons qu’à cette question, nous attestons à de multiples réponses expliquant ce phénomène

discursif tant discuté : il pourrait être le résultat de nombreux facteurs : psychiques, linguistique,

sociologique et d’autres.

M68M1 : « On fait appel à une autre langue pour se faire comprendre ».

T41F : « Ils le font pour faciliter la compréhension ».

E01M : « Peut-être par prétention ».

E27F : « L’entourage exige cela ».

E39F : « Dans certaines situations de communication on est obligé de remplacer

quelques mots par leurs équivalents dans l’une ou l’autre langue ».

1 - Codification des enquêtés :M : médecin, T : étudiant, E : enseignant.68 : n° d’ordre dans le corpus.M : masculin, F : féminin.

Compétence30

35.71%

Page 15: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

15

Graphique n°03:Fréquence du mélange de langues selon le

contexte ou la situation de communication

Concernant la pratique du code-switching, 57.14% soit la

majorité des enquêtés affirment le recours à cette pratique

langagière face à un pourcentage 00% constaté pour dire

que le code-switching est devenu inévitable.

Il y a 36 personnes de notre effectif ,soit 42.85% qui ne

donnent pas de réponse.

Concernant l’usage du code-switching, nous avons relevé

les propos suivants :

E19M : «Je l’utilise (code-switching) dans le cas où mon interlocuteur l’utilise ».

E01M : « Pour moi c’est quand je n’arrive pas à exprimer une idée que requiert une

langue particulière ou plus exactement que je crois pouvoir exprimer plus clairement

dans telle ou telle langue ».

E22F : « Cela vient naturellement lorsqu’on est en face d’une personne bilingue ».

E21F : « Le code-switching s’impose à nous même si on veut être puritain ».

E77F : « Cela dépend du contexte, mais généralement c’est avec mes collègues et ma

famille ».

T63F : « Avec les amis, sur Facebook et dans les SMS ».

Graphique n°04: Les différentes langues mises

en interaction dans le code switching

A propos des différentes langues mises en

interaction par nos locuteurs, le type le plus

courant est celui de l’arabe

dialectal/français, pratiqué par 52.38% de

personnes ; vient en deuxième position

l’arabe classique/français, employé par

21.42% des enquêtés. Et en 3ème position

15

Graphique n°03:Fréquence du mélange de langues selon le

contexte ou la situation de communication

Concernant la pratique du code-switching, 57.14% soit la

majorité des enquêtés affirment le recours à cette pratique

langagière face à un pourcentage 00% constaté pour dire

que le code-switching est devenu inévitable.

Il y a 36 personnes de notre effectif ,soit 42.85% qui ne

donnent pas de réponse.

Concernant l’usage du code-switching, nous avons relevé

les propos suivants :

E19M : «Je l’utilise (code-switching) dans le cas où mon interlocuteur l’utilise ».

E01M : « Pour moi c’est quand je n’arrive pas à exprimer une idée que requiert une

langue particulière ou plus exactement que je crois pouvoir exprimer plus clairement

dans telle ou telle langue ».

E22F : « Cela vient naturellement lorsqu’on est en face d’une personne bilingue ».

E21F : « Le code-switching s’impose à nous même si on veut être puritain ».

E77F : « Cela dépend du contexte, mais généralement c’est avec mes collègues et ma

famille ».

T63F : « Avec les amis, sur Facebook et dans les SMS ».

Graphique n°04: Les différentes langues mises

en interaction dans le code switching

A propos des différentes langues mises en

interaction par nos locuteurs, le type le plus

courant est celui de l’arabe

dialectal/français, pratiqué par 52.38% de

personnes ; vient en deuxième position

l’arabe classique/français, employé par

21.42% des enquêtés. Et en 3ème position

00.00%

3642.86%

OUI NON

1821.43%

1113.10%

1113.10%

Arabe Dialectal / français

Arabe Classique / français

Chaoui / français

Sans réponse15

Graphique n°03:Fréquence du mélange de langues selon le

contexte ou la situation de communication

Concernant la pratique du code-switching, 57.14% soit la

majorité des enquêtés affirment le recours à cette pratique

langagière face à un pourcentage 00% constaté pour dire

que le code-switching est devenu inévitable.

Il y a 36 personnes de notre effectif ,soit 42.85% qui ne

donnent pas de réponse.

Concernant l’usage du code-switching, nous avons relevé

les propos suivants :

E19M : «Je l’utilise (code-switching) dans le cas où mon interlocuteur l’utilise ».

E01M : « Pour moi c’est quand je n’arrive pas à exprimer une idée que requiert une

langue particulière ou plus exactement que je crois pouvoir exprimer plus clairement

dans telle ou telle langue ».

E22F : « Cela vient naturellement lorsqu’on est en face d’une personne bilingue ».

E21F : « Le code-switching s’impose à nous même si on veut être puritain ».

E77F : « Cela dépend du contexte, mais généralement c’est avec mes collègues et ma

famille ».

T63F : « Avec les amis, sur Facebook et dans les SMS ».

Graphique n°04: Les différentes langues mises

en interaction dans le code switching

A propos des différentes langues mises en

interaction par nos locuteurs, le type le plus

courant est celui de l’arabe

dialectal/français, pratiqué par 52.38% de

personnes ; vient en deuxième position

l’arabe classique/français, employé par

21.42% des enquêtés. Et en 3ème position

4857.14%

3642.86%

NON SANS REPONSE

4452.38%

Arabe Dialectal / français

Arabe Classique / français

Page 16: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

16

nous trouvons le troisième type de mélange de langues qui est le chaoui/français auquel

recourent 13.09% de notre population.

Cet ordre s’explique par le fait que l’insertion du français dans notre parler quotidien intervient

d’une manière spontanée alors que le 2ème type d’alternance est souvent employé dans des

situations ou contextes formels.

Pour le dernier type d’alternance, on peut dire qu’il concerne pratiquement, les berbérophones

seulement, et de ce fait ils alternent le chaoui et le français pour confirmer d’un côté leur

appartenance ethnique et d’un autre pour montrer leur niveau intellectuel.

Graphique n°05: Les différentes représentations

liées à l'insertion du français dans le parler quotidien

En interrogeant nos enquêtés sur ce que

représente, pour eux, l’insertion du français

dans le parler quotidien, les réponses ont

affiché diverses représentations qu’on a pu

déceler à travers leurs propos et que nous

avons classées comme suit :

Une façon de s’exprimer,

pour 35.71% de notre public.

Une aisance linguistique, pour 20.23% de notre public.

Un prestige linguistique, pour 15.47% de notre public.

Une domination culturelle ou acculturation pour 04.76% de notre public.

Ces différentes représentations sociolinguistiques autant individuelles que collectives sont

construites par l’ensemble de la société qui les partage et les légitime, selon un certain nombre de

données, déjà abordées. Ces représentations ne peuvent malheureusement pas être dissociées des

différentes pratiques langagières.

E17F : « Dans ma tête, je ne l’introduis pas, ça va d’emblée ».

16

nous trouvons le troisième type de mélange de langues qui est le chaoui/français auquel

recourent 13.09% de notre population.

Cet ordre s’explique par le fait que l’insertion du français dans notre parler quotidien intervient

d’une manière spontanée alors que le 2ème type d’alternance est souvent employé dans des

situations ou contextes formels.

Pour le dernier type d’alternance, on peut dire qu’il concerne pratiquement, les berbérophones

seulement, et de ce fait ils alternent le chaoui et le français pour confirmer d’un côté leur

appartenance ethnique et d’un autre pour montrer leur niveau intellectuel.

Graphique n°05: Les différentes représentations

liées à l'insertion du français dans le parler quotidien

En interrogeant nos enquêtés sur ce que

représente, pour eux, l’insertion du français

dans le parler quotidien, les réponses ont

affiché diverses représentations qu’on a pu

déceler à travers leurs propos et que nous

avons classées comme suit :

Une façon de s’exprimer,

pour 35.71% de notre public.

Une aisance linguistique, pour 20.23% de notre public.

Un prestige linguistique, pour 15.47% de notre public.

Une domination culturelle ou acculturation pour 04.76% de notre public.

Ces différentes représentations sociolinguistiques autant individuelles que collectives sont

construites par l’ensemble de la société qui les partage et les légitime, selon un certain nombre de

données, déjà abordées. Ces représentations ne peuvent malheureusement pas être dissociées des

différentes pratiques langagières.

E17F : « Dans ma tête, je ne l’introduis pas, ça va d’emblée ».

3035.71%

1720.24%

1315.48%

44.76%

2023.81%

Façon de s'exprimer(Habitude)Aisance linguistique

Confiance et prestige

Domination Culturelle

Sans Réponse

16

nous trouvons le troisième type de mélange de langues qui est le chaoui/français auquel

recourent 13.09% de notre population.

Cet ordre s’explique par le fait que l’insertion du français dans notre parler quotidien intervient

d’une manière spontanée alors que le 2ème type d’alternance est souvent employé dans des

situations ou contextes formels.

Pour le dernier type d’alternance, on peut dire qu’il concerne pratiquement, les berbérophones

seulement, et de ce fait ils alternent le chaoui et le français pour confirmer d’un côté leur

appartenance ethnique et d’un autre pour montrer leur niveau intellectuel.

Graphique n°05: Les différentes représentations

liées à l'insertion du français dans le parler quotidien

En interrogeant nos enquêtés sur ce que

représente, pour eux, l’insertion du français

dans le parler quotidien, les réponses ont

affiché diverses représentations qu’on a pu

déceler à travers leurs propos et que nous

avons classées comme suit :

Une façon de s’exprimer,

pour 35.71% de notre public.

Une aisance linguistique, pour 20.23% de notre public.

Un prestige linguistique, pour 15.47% de notre public.

Une domination culturelle ou acculturation pour 04.76% de notre public.

Ces différentes représentations sociolinguistiques autant individuelles que collectives sont

construites par l’ensemble de la société qui les partage et les légitime, selon un certain nombre de

données, déjà abordées. Ces représentations ne peuvent malheureusement pas être dissociées des

différentes pratiques langagières.

E17F : « Dans ma tête, je ne l’introduis pas, ça va d’emblée ».

Façon de s'exprimer(Habitude)Aisance linguistique

Confiance et prestige

Domination Culturelle

Sans Réponse

Page 17: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

17

E21F : « La question ne se pose pas, à des niveaux différents le français s’invite

malgré nous, pour dire merci, non, au revoir ».

E01M : « Je tente toujours d’éviter cet acte, mais si je le fais c’est que cela s’est avéré

indispensable ».

T41F : « C’est pas étrange : tous les Algériens sont habitués à l’utilisation du

mélange de langues ».

E73F : « Démarcation identitaire et culturelle ».

E02F : « C’est normal, du fait de la colonisation ».

E19M : «Une domination culturelle à laquelle nous n’avons pas pu échapper ».

2-2-3/ L’enquête par entretiens semi-directifs ( interactifs ) est conçue en complémentarité

au questionnaire afin d’apporter le maximum d’informations quant aux représentations sociales

que se font les enquêtés concernant, le mélange de langues.

Le public ciblé par les entretiens est réduit au nombre de 12 enquêtés parmi ceux ayant déjà

contribué à notre enquête par questionnaire. Deux questions constituent l’axe principal des

conversations:

Que représente pour vous le mélange de langues ?

Pourquoi vous y optez-vous ?

Le choix entre les différentes langues composant le répertoire linguistique de nos

locuteurs ainsi que leur utilisation alternée selon les situations et les objectifs de communication

fait que le code-switching est différemment jugé en tant que stratégie communicative.

Ci-dessous, les jugements que font nos enquêtés de ce phénomène langagier. Nous les avons

classés, selon qu’ils soient valorisants ou dévalorisants.

Page 18: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

18

Tableau n°02: Les différents jugements linguistiques du code-switching

Jugements valorisants Jugements dévalorisants

- «A mon avis / c’est :: une façon de parler / et

pour dire aussi / que je connais telle langue

/// » (ENT n°12)

- « C’est un plus / ana <moi> je suis pour /

c’est une forme de créativité dans le langage //

et c’est aussi / une carte identitaire de notre

société /// » (ENT n°11)

- «Oui / souvent // ça fait partie de notre :

quotidien // et puis euh le français : évoque

mieux / certaines situations ///» (ENT n°10)

- «Euh ça fait partie / de notre :: quotidien //

c’est devenu \ une habitude // car / il y a

vraiment // des situations / où on doit alterner

/// machi lazem <pas obligatoire> mais de

préférence » (ENT n°09)

- «Si j’alterne ::, c’est généralement euh parce

que je ne trouve pas le mot // et ça ne pose ::

aucun problème pour moi / et puis c’est :: tout

le monde qui mélange les langues /// c’est

devenu une habitude /// ya3ni 3adi <c'est-à-

dire normal> » (ENT n°08)

- « Euh / c’est bien \ pour moi // c’est un

mélange de cultures /// » (ENT n°07)

- «C’est juste une : façon de parler / ça vient

- « Franchement euh/ je :: le considère comme

une impureté linguistique // et personnellement

Euh je l’évite/ surtout dans les contextes

formels /// (cours ; réunions, soutenances) et

par contre // je le trouve normal / dans les

discussions ordinaires et quotidiennes // parce

qu’il s’agit de notre façon de parler /// » (ENT

n°03)

- « Euh :: d’un côté / je considère ça comme

une euh destruction de notre culture / et d’un

autre côté :: c’est un plus pour notre culture

/// » (ENT n°06)

Page 19: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

19

comme ça / tji wah’dha <ça vient toute seule,

c’est-à-dire naturellement> » (ENT n°05)

- «Faire passer efficacement un message / c’est

aussi une question d’habitude /// » (ENT n°04)

- «Une manière de s’exprimer /// » (ENT n°02)

- «Une façon de parler /// » (ENT n°01)

- « Euh :: d’un côté / je considère ça comme

une euh destruction de notre culture / et d’un

autre côté :: c’est un plus pour notre culture

/// » (ENT n°06)

Nous avons remarqué que malgré les jugements dévalorisants du code-switching notés chez

certains de nos enquêtés le considérant comme une forme langagière impure qui pourrait avoir

un impact sur le développement de la langue, la totalité des interviewés confirment leur recours

au code-switching dont le type le plus fréquent reste l’arabe dialectal / français.

Etant majoritairement d’accord que le code-switching est une habitude ou une façon de parler,

les raisons divergent en fonction du contexte et de la situation de communication.

Le code-switching : les raisons !

En répondant à la question portant sur les motifs et les raisons qui pourraient gérer le code-

switching dans les échanges verbaux quotidiens, non formels, les enquêtés semblent être sur la

même longueur d’onde. Les raisons qu’ils ont exprimées les confirment ces propos:

« Faire passer efficacement un message » (ENT n°04)

« Pour renforcer une idée / ou :: pour introduire une connotation particulière qu’une

langue évoque mieux etc. /// » (ENT n°03)

« Oui / souvent // ça fait partie de notre : quotidien // et puis euh le français : évoque

mieux / certaines situations /// » (ENT n°10)

Les réponses relevées, et bien qu’elles soient proches les unes des autres dans leur contenu,

laissent entendre que l’alternance codique présente dans les discussions des enquêtés, qui sont

Page 20: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

20

d’une classe socioprofessionnelle favorisée est envisagée comme une "alternance de

compétence".

Cette alternance est visiblement la plus fréquente du moment que nos locuteurs maîtrisent les

différents codes linguistiques, essentiellement, l’arabe et le français.

Conclusion

En guise de conclusion et à partir de notre enquête, nous pouvons dire que le code-switching

arabe dialectal/français considéré comme phénomène langagier issu systématiquement du

contact des langues est différemment jugé par nos locuteurs. Il se présente, le plus souvent,

comme une simple façon de parler voire un comportement langagier habituel , un prestige social

et un luxe oral mais parfois et contrairement à cela, il se présente comme un signe de malaise

culturel vu cette hétérogénéité linguistique qui se dégage et se laisse entendre.

Pour les locuteurs avec qui nous avons enquêté, le français notamment est plus qu’une langue

dite "professionnelle" ou de formation et les représentations qu’ils se font découlent de

l’incompatibilité entre le statut politique et social que requiert cette langue car nul n’ignore que

sur le plan politique le français est déclaré comme première langue étrangère mais sur le plan

social, cette langue a toute la latitude d’une langue seconde. Son cadre d’usage n’est pas

fortement fixé et limité et son brassage avec l’arabe dialectal constitue souvent une variété

linguistique recherchée.

De ce fait, les besoins communicationnels et le souci de se faire comprendre et de faire preuve

d’une compétence linguistique poussent les locuteurs en question à user du code-switching arabe

dialectal / français pour s’exprimer et éventuellement pour marquer une certaine appartenance

socioculturelle.

Références bibliographiques

ALBY, S. (2013). « Alternance et mélanges codiques » in Simonin, J et Wharton, S (Dirs)Sociolinguistique du contact. Dictionnaire des termes et concepts, Lyon, ENS Editions, pp 43-70.

BAMGBOSE, A. (1991). Language and the nation, Adinburgh University Press.

BARILLOT, N. (2002). «Code switching arabe marocain / français : remarques générales etaspects prosodiques », in, CANUT, C. et CAUBET, D. (eds). Comment les langues semélangent. Codeswitching en Francophonie, Paris, L’Harmattan, pp 119-134.

Page 21: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

21

BOYER, H. (1991). Eléments de sociolinguistique, langue communications et société, Paris,Dunod.

DABENE, L. (1994). Repères sociolinguistiques pour l’enseignement des langues, Paris,Hachette-coll. F.

DERRAJI, Y. (2006). «Vous avez dit langue étrangère, le français en Algérie ? » inCASTELLOTI, V. et CHLABI, H. (dirs), Le français langue étrangère et seconde. Des paysagesdidactiques en contexte, Paris, L’Harmattan, pp 45-52.

CAUBET, D. (2002). « Comment appréhender le code switching ? » in, CAUBET, C. &CANUT, D. Comment les langues se mélangent, code switching en francophone, Paris,L’Harmattan.

MILIANI, M. (2004). «Les politiques linguistiques en Algérie: entre convergence et diversité».In, BOYER, H. (éd) Langues et contact de langues dans l’aire méditerranéenne, Paris,L’Harmattan, pp 211-218.

GUMPERZ, J. (1989). Sociolinguistique interactionnelle, Université de la Réunion,L’Harmattan.

Page 22: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

22

Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la transmission familiale des

langues aux enfants1

Mahmoud BENNACER

Université A-MIRA, Bejaia – Algérie

Résumé

Le présent article tentera de mettre en évidence la place des langues dans l’imaginaire

linguistique de quelques parents citadins de la ville de Bejaia. Notre contribution interrogera les

pratiques de transmission familiale des langues aux enfants. En effet, la question des langues

dans l’espace familial algérien occupe, ces derniers temps, beaucoup l’intérêt des chercheurs

dans le mesure où la société algérienne en général et la famille en particulier vivent des

mutations socioculturelles diverses, liées à la fois aux exigences socioéconomiques et au

phénomène de la mondialisation.

Dans le but d’appréhender le discours de quelques parents citadins sur la question de la

transmission des langues à leurs enfants, nous avons tenté de réaliser notre objectif de départ, en

soumettant à notre public d’enquête un questionnaire auto-administré, structuré selon plusieurs

parties distinctes. En prenant en considération la variable d’appartenance linguistique des

parents, ce présent travail nous a permis de déceler, à travers leurs discours sur les langues

transmises à leurs enfants, inscrits au niveau des centres de petite enfance de la ville de Bejaia,

le poids des représentations sociolinguistiques quant aux pratiques de transmission des langues.

Une telle contribution nous a permis, par ailleurs, de confronter les deux choix, d’une part la

politique linguistique familiale initiée au moment de la socialisation langagière de l’enfant;

d’autre part, celle prônée par l’État algérien.

Abstract

This article will attempt to highlight the place of languages in the linguistic imagination of somecitizens of the city of Bejaia parents. Our contribution will question the familial transmission ofpractical language to children. Indeed, the language issue in the Algerian family occupies space

1 Nous soulignons que le contenu de la présente contribution a été communiqué au cours d’un colloqueinternational organisé par l’Université de Constantine et l’Agence Universitaire de la Francophonie du 16 au 18novembre 2014.

Page 23: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

23

in recent times, many researchers' interest in the extent of Algerian society in general and thefamilies in particular are experiencing various socio-cultural changes, related to both socio-economic requirements and the phenomenon of globalization.

In order to understand the speech of some parents citizens on the issue of language transmission

to their children, we have tried to achieve our initial objective, subjecting our public

investigation a self-administered questionnaire, structured in several distinct parts. Considering

the variable of linguistic affiliation of the parents, this work allowed us to detect, through their

discourse on language passed on to their children, enrolled at the centers of early childhood in

the city of Bejaia, weight sociolinguistic representations regarding language transmission

practices. This contribution has allowed us also to compare the two choices, first family language

policy initiated at the time of the language socialization of the child; secondly, that advocated by

the Algerian state.

Introduction

On s’accorde beaucoup à dire que la cellule familiale constitue un espace favorable voire

fructueux pour l’analyse des questions linguistiques, surtout quand il s’agirait de la

problématique de la transmission familiale des langues aux enfants. Comme beaucoup de

microstructures, à l’instar de l’école et les organismes de travail, la cellule familiale constitue,

elle aussi, un espace à la fois de productions et d’influences. Elle est non seulement, "propulseur"

de nouvelles pratiques socioculturelles, auxquelles les sources principales sont inhérentes aux

représentations mentales des groupes, mais elle est également le vecteur essentiel de toute

mutation socio-langagière de la société. Nous pourrions admettre le postulat que, préalablement,

le foyer familial est le vecteur principal dans la formation du futur profil linguistique de l’enfant.

Car dans toutes les situations de plurilinguisme sociétal, le poids des parents, quant à la (aux)

première(s) langue(s) de socialisation de l’enfant, constitue un moment de choix décisif. Un tel

éclaircissement nous permet, donc, de mesurer l’importance de cette contribution, dans la mesure

où elle scrute les pratiques et les motivations des parents quant aux premières langues

transmises. Ceci dit que notre visée fondamentale est de pouvoir appréhender la réalité des

langues au sein de quelques familles citadines, car dans beaucoup de situations

sociolinguistiques familiales, l’enfant est préalablement confronté au plurilinguisme familial

avant de connaître celui de la société (IBTISSEM, 2008). Pour ainsi dire que l’intérêt des parents

Page 24: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

24

pour les langues dans le milieu familial est dicté par le rôle que jouent les langues à l’échelle

sociétale et mondiale.

Dans cette optique, il est important de noter qu’en raison de plusieurs facteurs, la société

algérienne est aujourd’hui confrontée à des changements divers, touchant ses différents aspects,

notamment socioéconomiques et culturels. L’impact de ces mutations socioculturelles, qui sont

dues à la fois au phénomène de la mondialisation des besoins et aux bouleversements

socioéconomiques, est relativement remarquable au niveau de quelques cellules familiales

algériennes. Les effets de la globalisation des besoins des membres de la famille sont

observables sur le plan compositionnel, voire même fonctionnel, passant ainsi de la famille

traditionnelle à la famille nucléaire. Cette mutation familiale, tant sur le plan structurel que

fonctionnel, aura son poids d’influence sur plusieurs domaines entre autres celui de la

transmission familiale des langues aux enfants. Ainsi, ces différents changements occupent, à

l’heure actuelle, beaucoup l’intérêt des chercheurs, d’autant plus que la structure familiale

algérienne subit des reconstructions de fonds et de formes importants.

Nous considérons qu’en Algérie la problématique de la transmission familiale des langues se

heurte à de multiples interventions, d’autant plus qu’elle est prise entre deux mâchoires. D’une

part, le choix linguistique de l’État algérien qui se résume, jusqu’à aujourd’hui, à promouvoir la

langue arabe comme unique système de communication quotidienne ; d’autre part, le pouvoir

des langues étrangères qui se maintient, entre autres, grâce aux nouvelles technologies de

l’information et de la communication. En plus de ces différents paramètres, nous sommes amené,

par ailleurs, à évoquer l’aspect plurilingue de la société algérienne dont l’hétérogénéité

sociolinguistique est une réalité incontestable. Dans ce parcours, nous nous interrogerons sur la

situation des langues au sein de quelques familles algériennes, en essayant, dans ce cas de figure,

de mettre en évidence ce qui pourrait expliquer le choix linguistique des parents quant aux

langues transmises à leurs enfants (AISSAOUI, 2013). La réponse à cette interrogation nous

permettrait, peut-être d’appréhender non seulement le degré d’influence de la politique

linguistique officielle, mais aussi de mesurer, en tant que domaine de recherche, l’importance

des représentations assignées aux langues:

« La langue est un savoir fortement lié au monde : à la fois celui de la réalité qui

l’entoure et celui de l’affectivité et de l’identité profonde de l’individu. Ce qui

compte donc, pour les sujets apprenants potentiels c’est autant la représentation

Page 25: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

25

qu’ils se font de ce nouvel objet offert à leur apprentissage que l’objet lui-même ».

(DABENE, 1997 : 19)

Il est convenu, par ailleurs, que l’action de la politique linguistique1 des officiels pourrait se

rapprocher de celle exercée au sein de la famille, car elles sont toutes les deux instaurées par

deux forces autoritaires qui sont l’État et la famille. L’autorité linguistique familiale que nous

associons au concept de politique linguistique familiale est définie par Christine DEPREZ :

« Cette politique linguistique familiale se concrétise dans les choix de langues et dans les

pratiques langagières au quotidien ainsi que dans les discours explicites qui sont tenus à leur

propos, notamment par les parents ». (DEPREZ, 1996 : 155).

Nous pourrions, ainsi, inscrire, d’ores et déjà, les choix linguistiques des parents, quant aux

langues transmises, dans l’optique de valorisation et de mise en place des langues dans l’espace

familial dans la mesure où l’action linguistique des parents - anticipée par rapport à celle exercée

par l’institution scolaire - sur les langues dévoilerait des fonctions hiérarchisées assignées aux

langues en présence. Une telle contribution se proposera, par ailleurs, comme une lecture

anticipée sur le devenir des langues. L’appréhension de la question des langues au sein de la

famille pourrait, peut-être, suggérer à l’échelle sociétale, un portrait linguistique de l’avenir des

langues, voire de leur devenir.

Nous voulons, dans ce présent travail, analyser la dynamique des langues transmises aux enfants

dans un espace géographiquement bien déterminé qui est la ville de Bejaia2. Nous soulignons, à

ce sujet, que la caractéristique essentielle de notre terrain d’enquête est la pratique linguistique

plurilingue. Bejaia fait partie de la région de Kabylie dont les spécificités sociolinguistiques sont

essentiellement la pratique du kabyle. En plus de cette langue, plusieurs autres langues, à des

degrés différents, se partagent la région. Les deux langues arabes, à savoir le classique et le

populaire, occupent différemment leurs places. Ainsi, l’arabe classique se maintient par le biais

des institutions scolaires et administratives, alors que l’arabe populaire est employé dans

certaines zones urbaines de la ville. Le français, par contre, y est très présent à la fois dans

l’usage formel et informel. Sur le plan institutionnel, le statut de langue officielle en Algérie est

réservé exclusivement à la langue arabe, alors que celui de tamazight est uniquement national.

1 Nous devons souligner que pour des considérations politiques et idéologiques, la politique linguistiquemonolingue de l’État algérien concerne l’ensemble des régions du pays.

2Située au nord centre de l’Algérie, Bejaia est caractérisée par son aspect sociolinguistique plurilingue. Lekabyle, l’une des variétés essentielles de tamazight, est la langue d’usage quotidien.

Page 26: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

26

Cette disparité statutaire, remarquable entre les deux langues, à savoir l’arabe et le tamazight,

met institutionnellement en œuvre une forme de diglossie institutionnalisée, dans la mesure où

nous assistons à une hiérarchisation fonctionnelle des langues.

1. Cadrage théorique et méthodologique

Notre contribution d’article interroge les pratiques de transmission familiale des langues aux

enfants et les motivations des parents quant aux langues adoptées. De façon précise, il sera

question de mettre en exergue l’impact de l’appartenance linguistique des parents quant aux

choix de premières langues aux enfants. Nous considérons que l’appartenance linguistique des

parents, comme paramètres extralinguistiques, détermine leurs choix de langues transmises aux

enfants, car le profil linguistique exerce une influence considérable dans l’entreprise de

transmission des langues :

« Les différentes études montrent des pratiques variées et variables, où les choix

de langues en famille dépendent des langues parlées respectivement par le père et la

mère, des langues du milieu, des interlocuteurs en présence, de leur sexe, des

moments, des sujets de conversations, de l’âge des enfants, des valeurs accordées aux

langues en présence, des projets d’insertion dans la société d’accueil et de l’idée

qu’on se fait du retour au pays si l’on vient d’ailleurs.» (MOORE, 2006 : 81)

Ceci nous permet d’affirmer que les variables extralinguistiques contribuent à élucider les

sources de variation des pratiques linguistiques au sein d'une communauté ou d'un groupe social

donné, voire même au sein des familles. Dans ce sillage, nous supposons que le choix des

langues est intimement lié aux variables extralinguistiques propres à nos informateurs en

l’occurrence leur(s) première(s) langue(s) de socialisation. Notre démarche, dans ce présent

travail, ne consistera pas uniquement à déterminer, sur le plan quantitatif le pourcentage de

parents qui adoptent telle ou telle langue, mais aussi à saisir, sur le plan qualitatif, leurs

motivations quant aux choix de langue(s).

Il est important de souligner que le milieu familial est un espace difficile à approcher, dans la

mesure où il constitue un espace d’intimité individuelle et sociale des membres d’un groupe. Et,

pour des raisons diverses, de natures socioculturels voire même religieuses, nous avions choisi

de rencontrer notre public d’enquête aux entrées des centres de petite enfance de la ville de

Bejaia, que nous appelons communément la crèche. Pour un besoin méthodologique, nous avions

conduit notre enquête sociolinguistique à l’intérieur de ces centres en choisissant les deux

Page 27: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

27

moments de la journée (le matin et le soir). En effet, ce sont les seuls instants qui nous ont

permis de rencontrer notre public d’enquête, à savoir les parents. Et, dans l’objectif d’atteindre

les pratiques et les motivations des parents, nous avions adopté les paramètres méthodologiques

suivants:

Nous avions introduit la technique du questionnaire auto administrée, ayant

l’avantage de libérer l’informateur en lui offrant l’opportunité de remplir lui-même son

questionnaire. Ahmed BOUKOUS souligne les aspects avantageux du questionnaire :

« Le questionnaire occupe une position de choix parmi les instruments de

recherche mis à contribution par le sociolinguiste, car il permet d’obtenir des

données recueillies de façon systématique et se prêtant à une analyse quantitative ».

(BOUKOUS.1999 :15)

Sur le plan structural, notre questionnaire a été structuré en plusieurs parties

distinctes;

Enfin, pour plusieurs avantages d’ordres techniques, nous avions introduit le

logiciel informatique1 Sphinx Plus2 conçu pour plusieurs fonctions :

Élaboration de questionnaire en fonction des objectifs de recherche ;

Collecte de réponses : (saisie rapide des réponses) ;

Traitement et analyses des réponses : dépouillement et analyse des réponses.

Le contenu du questionnaire initialement élaboré, est composé de vingt questions, et dans ce cas

de figure, nous nous sommes intéressé à deux questions principales, dans la mesure où elles

prennent en charge l’objet essentiel de cette contribution. Dans cette optique, nous tenterons

d’énumérer les questions relatives à notre présente contribution:

1 Nous avons introduit le logiciel informatique Sphinx Plus2 , online version 2008, pour garantir une analyseobjective du corpus.

Page 28: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

28

Parties du questionnaire

- L’identification sociolinguistique

de l’informateur ;

- Le(s) première(s) langue(s) acquise(s)

des parents informateurs (les deux

conjoints)

- Les langues transmises à leurs

enfants ;

- Quelle(s) langue(s) avez- vous

transmises à votre enfant ?

- Pourquoi ? (justifiez votre choix)

Tableau 1 : Les parties essentielles du questionnaire

Après avoir procédé au dépouillement du questionnaire, le travail d’investigation que nous

avions réalisé au niveau de sept centres de petite enfance de la ville de Bejaia a généré un corpus

de 301 informateurs, ces derniers représentent les parents d’enfants inscrits, soit 78,18% de

l’ensemble des questionnaires distribués.

Comme tout travail de recherche, l’enquête de terrain1 que nous avions menée a été, pour nous,

une tâche difficile, d’autant plus que les enquêtés sollicités affichent parfois leur indifférence

quant au remplissage du questionnaire. A plusieurs fois, nous étions dans l’obligation de

demander la restitution des questionnaires distribués. L’enquête de terrain s’avère souvent

difficile, car l’enquêteur se heurte à une réalité parfois spécifique, voire complexe dont la raison

de sa complexité est liée, nous-semble-il, à la nature de l’être humain. Ce dernier se montre

souvent méfiant, lorsqu’il est question de déclarations relatives à ses pratiques sociales et

culturelles.

2. Analyse des résultats

2.1. Une transmission intergénérationnelle mélangée

Il est fondamental de souligner qu’à la question relative à leur(s) première(s) langue(s)

acquise(s) avec leurs parents, nos informateurs se souviennent facilement des langues acquises

dans leur espace familial. Les résultats obtenus par le biais du questionnaire révèlent à la fois des

pratiques et des compétences linguistiques des parents interrogés. Dans cette optique, après avoir

interrogé nos informateurs sur les langues transmises par leurs parents aînés, il a été demandé

1 Nous soulignons, à cet effet, que l’enquête de terrain a été réalisée en avril 2014 ; en conséquence, ce travail anécessité un mois de travail.

Page 29: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

29

dans un second temps, par l’intermédiaire du même questionnaire de voir " Quelle(s) langue(s)

avez-vous transmises à votre enfants ?" la figure ci-dessous met en évidence les pourcentages

des deux générations comme suit :

En effet, de première lecture, la figure ci-dessous traduit des pourcentages qui révèlent beaucoup

de significations quant à l’évolution des pratiques de transmission des langues entre deux

générations. En ce qui concerne la première génération, les deux tendances des deux langues

(kabyle / arabe populaire) détiennent la première place. La tendance de monolinguisme est

remarquable chez cette génération dans la mesure où les taux de 66% et 26% sont les plus

importants par rapport aux autres tendances. Le cadre linguistique familial de nos informateurs

dévoile une réalité linguistique particulière de leur époque. Les pourcentages de deux langues

(kabyle / arabe populaire) sont significativement importants à considérer d’autant plus ils mettent

en évidence le rôle primordial assuré par les langues vernaculaires dans l’espace familial à cette

époque ; ceci révèle, par ailleurs, la place qu’occupe l’arabe classique dans l’espace familial

algérien dans la mesure où il n’a jamais été une langue de transmission en Algérie.

Contrairement aux indices précédents, enregistrés chez la première génération, dont la tendance

au monolinguisme est remarquable quant aux langues transmises, la deuxième génération révèle,

par contre, la tendance au

plurilinguisme. En effet, le

bilinguisme (kabyle/arabe populaire)

(arabe populaire/français) et

(français/kabyle) enregistre des taux

importants comparativement à la

précédente. Nous constatons, par

ailleurs, la présence exclusive du

français dans quelques cellules

familiales, dont le statut officiel est de

langue étrangère en Algérie. Ainsi,

hormis le français qui enregistre un

indice de 18.27% soit 55 informateurs

sur le chiffre global de 301, l’arabe

classique, par contre, n’enregistre

0%

18%

0%

0%

20%

14%

1,00%

0%

1%

0%

0%

3%

2.00%

2.00%

kabyle

arabe populaire

arabe classique

français

anglais

autre langue

français/kabyle

français/arabe populaire

kabyle/arabe populaire

Langue(s) aquises par nos informateurs

Langues transmises par nos informateurs à leur enfants

Figure 1 : Langues acquises et langues transmises par les

parents

29

dans un second temps, par l’intermédiaire du même questionnaire de voir " Quelle(s) langue(s)

avez-vous transmises à votre enfants ?" la figure ci-dessous met en évidence les pourcentages

des deux générations comme suit :

En effet, de première lecture, la figure ci-dessous traduit des pourcentages qui révèlent beaucoup

de significations quant à l’évolution des pratiques de transmission des langues entre deux

générations. En ce qui concerne la première génération, les deux tendances des deux langues

(kabyle / arabe populaire) détiennent la première place. La tendance de monolinguisme est

remarquable chez cette génération dans la mesure où les taux de 66% et 26% sont les plus

importants par rapport aux autres tendances. Le cadre linguistique familial de nos informateurs

dévoile une réalité linguistique particulière de leur époque. Les pourcentages de deux langues

(kabyle / arabe populaire) sont significativement importants à considérer d’autant plus ils mettent

en évidence le rôle primordial assuré par les langues vernaculaires dans l’espace familial à cette

époque ; ceci révèle, par ailleurs, la place qu’occupe l’arabe classique dans l’espace familial

algérien dans la mesure où il n’a jamais été une langue de transmission en Algérie.

Contrairement aux indices précédents, enregistrés chez la première génération, dont la tendance

au monolinguisme est remarquable quant aux langues transmises, la deuxième génération révèle,

par contre, la tendance au

plurilinguisme. En effet, le

bilinguisme (kabyle/arabe populaire)

(arabe populaire/français) et

(français/kabyle) enregistre des taux

importants comparativement à la

précédente. Nous constatons, par

ailleurs, la présence exclusive du

français dans quelques cellules

familiales, dont le statut officiel est de

langue étrangère en Algérie. Ainsi,

hormis le français qui enregistre un

indice de 18.27% soit 55 informateurs

sur le chiffre global de 301, l’arabe

classique, par contre, n’enregistre24%

22%

18%

20%

14%

66.00%

26.00%

2.00%

2.00%

Langue(s) aquises par nos informateurs

Langues transmises par nos informateurs à leur enfants

Figure 1 : Langues acquises et langues transmises par les

parents

29

dans un second temps, par l’intermédiaire du même questionnaire de voir " Quelle(s) langue(s)

avez-vous transmises à votre enfants ?" la figure ci-dessous met en évidence les pourcentages

des deux générations comme suit :

En effet, de première lecture, la figure ci-dessous traduit des pourcentages qui révèlent beaucoup

de significations quant à l’évolution des pratiques de transmission des langues entre deux

générations. En ce qui concerne la première génération, les deux tendances des deux langues

(kabyle / arabe populaire) détiennent la première place. La tendance de monolinguisme est

remarquable chez cette génération dans la mesure où les taux de 66% et 26% sont les plus

importants par rapport aux autres tendances. Le cadre linguistique familial de nos informateurs

dévoile une réalité linguistique particulière de leur époque. Les pourcentages de deux langues

(kabyle / arabe populaire) sont significativement importants à considérer d’autant plus ils mettent

en évidence le rôle primordial assuré par les langues vernaculaires dans l’espace familial à cette

époque ; ceci révèle, par ailleurs, la place qu’occupe l’arabe classique dans l’espace familial

algérien dans la mesure où il n’a jamais été une langue de transmission en Algérie.

Contrairement aux indices précédents, enregistrés chez la première génération, dont la tendance

au monolinguisme est remarquable quant aux langues transmises, la deuxième génération révèle,

par contre, la tendance au

plurilinguisme. En effet, le

bilinguisme (kabyle/arabe populaire)

(arabe populaire/français) et

(français/kabyle) enregistre des taux

importants comparativement à la

précédente. Nous constatons, par

ailleurs, la présence exclusive du

français dans quelques cellules

familiales, dont le statut officiel est de

langue étrangère en Algérie. Ainsi,

hormis le français qui enregistre un

indice de 18.27% soit 55 informateurs

sur le chiffre global de 301, l’arabe

classique, par contre, n’enregistre

Figure 1 : Langues acquises et langues transmises par les

parents

Page 30: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

30

aucun pourcentage chez la deuxième génération.

Ainsi, à travers cette lecture globale, nous pourrions admettre l’idée de l’évolution des

pratiques de transmission des langues de la première à la deuxième génération, dans la mesure

où les indices recueillis nous montrent deux aspects sociolinguistiques différents. L’un prônant

le monolinguisme comme tendance de transmission, alors que l’autre se réfère au plurilinguisme

familial. Et globalement, la tendance au plurilinguisme dans l’espace familial est la

caractéristique essentielle de la deuxième génération.

2.2.L’appartenance linguistique des parents : source de variation des pratiques

de transmission familiale des langues

Le travail d’investigation que nous avions pu entreprendre, au niveau de quelques centres de

petite enfance de la ville de Bejaia, a révélé une dynamique linguistique au sein des familles.

Les parents ont beaucoup d’intérêt au choix de langues, car elles constituent le premier socle

linguistique et culturel de l’enfant. Cependant, dans cette perspective de recherche, notre travail

consistera essentiellement à confronter les résultats généraux que nous avions pus obtenir, à des

variables extralinguistiques afin de déceler les facteurs qui pourraient spécifier la politique

linguistique familiale de nos informateurs. Dans cette perspective, nous supposons que leurs

profils linguistiques, de première(s) langue(s) acquise(s) pourraient être révélateur de pratiques

de transmissions familiales des langues. Nous voudrions, dans ce cas de figure, mettre en

exergue leurs choix de langues en fonction de deux postures sociolinguistiques opposées : les

couples homogènes et les couples mixtes :

2.2.1. Les couples linguistiquement homogènes

Nous avons opté pour la prise en compte de cette variable afin de voir comment se profile le

choix de langues au sein des couples linguistiquement homogènes. Notre objectif, à travers cette

mise en relation, est de voir comment cette catégorie adopte leur choix quant aux langues

transmises à leurs enfants. La figure ci-dessous présente les pourcentages comme suit :

Page 31: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

31

Ainsi, à travers cette représentation graphique, nous pourrions saisir une configuration

systèmatique de choix de langues. Les deux catégories de couples, à savoir les kabylophones et

les arabophones, adoptent leur choix en fonction de leur appartenance linguistique.

Respectivement, chez la première catégorie, le kabyle détient le pourcentage de 34,37% alors

que chez la deuxième catégorie l’arabe populaire détient le pourcentage de 43,75%. La tendance

au bilinguisme, par ailleurs, est plus remarquable chez les couples kabylophones que chez les

couples arabophones soit 43,75% contre 34.42% . Cependant, une telle description nous permet

de dire que l’émergence du

plurilinguisme commence à partir de la

famille. Nous constatons également,

pour les deux catégories, l’adoption

exclusive du français comme première

langue de socialisation de l’enfant chez

quelques familles soit 21,87% contre

19,67%.

Cette comparaison nous permet

d’affirmer que pour les deux catégories,

la variable prise en compte à savoir

l’appartenance linguistique des parents

détermine significativement leur choix

linguistique dans le processus de

transmission des langues. Les premières langues acquises, dans leur environnement familial, ont

un impact considérable dans leur politique linguistique familiale. En dépit des indices

insignifiants, la tendence au bilinguisme est remarquable chez les deux catégories, leurs

premières langues acquises se trouvent associées à l’introduction du français ce qui permet à

cette langue de s’octroyer le statut de langue "maternelle"1 au sein de ces cellules familiales.

1 En raison de son ambigüité sémantique, nous avons soigneusement évité d’employer le concept de "languematernelle" car, « en fait ce qui est ambigu dans l’expression, ce n’est pas tant les termes qui la constituent que leurassociation dans la mesure où ils n’appartiennent pas au même domaine de référence » (DABENE 1994, p.15)

34.37%

0.00%0%

45.90%

21.87%19.67%

0%0%0%0%0%

43.75%

128 couples kabylophones 61 couples arabophones

kabyle arabe populairefrançais arabe classqiueanglais autre languefrançais/arabe populaire kabyle/arabe populairefrançais/kabyle

Figure 2 Les couples linguistiquement homogènes

31

Ainsi, à travers cette représentation graphique, nous pourrions saisir une configuration

systèmatique de choix de langues. Les deux catégories de couples, à savoir les kabylophones et

les arabophones, adoptent leur choix en fonction de leur appartenance linguistique.

Respectivement, chez la première catégorie, le kabyle détient le pourcentage de 34,37% alors

que chez la deuxième catégorie l’arabe populaire détient le pourcentage de 43,75%. La tendance

au bilinguisme, par ailleurs, est plus remarquable chez les couples kabylophones que chez les

couples arabophones soit 43,75% contre 34.42% . Cependant, une telle description nous permet

de dire que l’émergence du

plurilinguisme commence à partir de la

famille. Nous constatons également,

pour les deux catégories, l’adoption

exclusive du français comme première

langue de socialisation de l’enfant chez

quelques familles soit 21,87% contre

19,67%.

Cette comparaison nous permet

d’affirmer que pour les deux catégories,

la variable prise en compte à savoir

l’appartenance linguistique des parents

détermine significativement leur choix

linguistique dans le processus de

transmission des langues. Les premières langues acquises, dans leur environnement familial, ont

un impact considérable dans leur politique linguistique familiale. En dépit des indices

insignifiants, la tendence au bilinguisme est remarquable chez les deux catégories, leurs

premières langues acquises se trouvent associées à l’introduction du français ce qui permet à

cette langue de s’octroyer le statut de langue "maternelle"1 au sein de ces cellules familiales.

1 En raison de son ambigüité sémantique, nous avons soigneusement évité d’employer le concept de "languematernelle" car, « en fait ce qui est ambigu dans l’expression, ce n’est pas tant les termes qui la constituent que leurassociation dans la mesure où ils n’appartiennent pas au même domaine de référence » (DABENE 1994, p.15)

0.00%

45.90%

19.67%

0%0%0%

34.42%

0%0%

61 couples arabophones

arabe populairearabe classqiueautre languekabyle/arabe populaire

Figure 2 Les couples linguistiquement homogènes

31

Ainsi, à travers cette représentation graphique, nous pourrions saisir une configuration

systèmatique de choix de langues. Les deux catégories de couples, à savoir les kabylophones et

les arabophones, adoptent leur choix en fonction de leur appartenance linguistique.

Respectivement, chez la première catégorie, le kabyle détient le pourcentage de 34,37% alors

que chez la deuxième catégorie l’arabe populaire détient le pourcentage de 43,75%. La tendance

au bilinguisme, par ailleurs, est plus remarquable chez les couples kabylophones que chez les

couples arabophones soit 43,75% contre 34.42% . Cependant, une telle description nous permet

de dire que l’émergence du

plurilinguisme commence à partir de la

famille. Nous constatons également,

pour les deux catégories, l’adoption

exclusive du français comme première

langue de socialisation de l’enfant chez

quelques familles soit 21,87% contre

19,67%.

Cette comparaison nous permet

d’affirmer que pour les deux catégories,

la variable prise en compte à savoir

l’appartenance linguistique des parents

détermine significativement leur choix

linguistique dans le processus de

transmission des langues. Les premières langues acquises, dans leur environnement familial, ont

un impact considérable dans leur politique linguistique familiale. En dépit des indices

insignifiants, la tendence au bilinguisme est remarquable chez les deux catégories, leurs

premières langues acquises se trouvent associées à l’introduction du français ce qui permet à

cette langue de s’octroyer le statut de langue "maternelle"1 au sein de ces cellules familiales.

1 En raison de son ambigüité sémantique, nous avons soigneusement évité d’employer le concept de "languematernelle" car, « en fait ce qui est ambigu dans l’expression, ce n’est pas tant les termes qui la constituent que leurassociation dans la mesure où ils n’appartiennent pas au même domaine de référence » (DABENE 1994, p.15)

Figure 2 Les couples linguistiquement homogènes

Page 32: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

32

2.2.2. Les couples linguistiquement mixtes

Pour un but plus extensif sur le processus de transmission des langues, nous nous sommes

intéressé, par ailleurs, aux couples linguistiquement mixtes dont la première langue acquise des

membres du couple est différente. Un tel éclaircissement aura comme objectif d’éclairer le

processus des pratiques de transmission des langues au sein des ces couples, car la dynamique

des langues, dans ce cas de figure, nous paraît très complexe. Le pouvoir des pratiques de

transmission des langues se trouve confronté aux représentations sociolinguistiques des uns et

des autres à savoir les membres du couple. La figure ci-dessous résume les pourcentages comme

suit :

Après avoir répertorié les données recueillies en fonction de l’appartenance linguistique des

membres du couple, il s’est avéré que les femmes jouent un rôle essentiel dans le choix des

langues. Pour les deux catégories, le

profil linguistique de la mère exerce

une influence considérable dans le

processus de transmission des

langues aux enfants. En effet, le

kabyle et l’arabe populaire,

premières langues de socialisation

des mères, détiennent les

pourcentages les plus importants

respectivement soit de 40.90% et de

38.88% ; ces indices sont talonnés

par le bilinguisme (arabe

populaire/français) et

(kabyle/français) dont les taux

varient entre 23,33% et 18,18%.

Nous pourrions, ainsi, constater que les pourcentages avancés par nos informateurs révèlent

largement le rôle essentiel des mères dans le processus de transmission des premières langues

aux enfants. Pour les deux catégories, les indices des pères (kabylophones ou arabophones)

enregistrent des pourcentages inférieurs à ceux des mères (kabylophones ou arabophones) soit

22,22% contre 40,90% et 18,18% contre 38,88%. Les pourcentages de la figure ci-dessus nous

22.22%

40,90%38.88%

18.18%

14.44%

0% 0% 0%

23.33%

0%1.11%

90 Pères kabylophones VSmères arabophones

22 Pères arabophones VS mèreskabylophone

kabylefrançaisanglaisfrançais/arabe populairefrançais/kabyle

Figure 3 Les couples linguistiquement mixtes

32

2.2.2. Les couples linguistiquement mixtes

Pour un but plus extensif sur le processus de transmission des langues, nous nous sommes

intéressé, par ailleurs, aux couples linguistiquement mixtes dont la première langue acquise des

membres du couple est différente. Un tel éclaircissement aura comme objectif d’éclairer le

processus des pratiques de transmission des langues au sein des ces couples, car la dynamique

des langues, dans ce cas de figure, nous paraît très complexe. Le pouvoir des pratiques de

transmission des langues se trouve confronté aux représentations sociolinguistiques des uns et

des autres à savoir les membres du couple. La figure ci-dessous résume les pourcentages comme

suit :

Après avoir répertorié les données recueillies en fonction de l’appartenance linguistique des

membres du couple, il s’est avéré que les femmes jouent un rôle essentiel dans le choix des

langues. Pour les deux catégories, le

profil linguistique de la mère exerce

une influence considérable dans le

processus de transmission des

langues aux enfants. En effet, le

kabyle et l’arabe populaire,

premières langues de socialisation

des mères, détiennent les

pourcentages les plus importants

respectivement soit de 40.90% et de

38.88% ; ces indices sont talonnés

par le bilinguisme (arabe

populaire/français) et

(kabyle/français) dont les taux

varient entre 23,33% et 18,18%.

Nous pourrions, ainsi, constater que les pourcentages avancés par nos informateurs révèlent

largement le rôle essentiel des mères dans le processus de transmission des premières langues

aux enfants. Pour les deux catégories, les indices des pères (kabylophones ou arabophones)

enregistrent des pourcentages inférieurs à ceux des mères (kabylophones ou arabophones) soit

22,22% contre 40,90% et 18,18% contre 38,88%. Les pourcentages de la figure ci-dessus nous

40,90%

18.18%

9.09%

0% 0% 0%

9.09%

4.54%

18.18%

22 Pères arabophones VS mèreskabylophone

arabe populairearabe classqiueautre languekabyle/arabe populaire

Figure 3 Les couples linguistiquement mixtes

32

2.2.2. Les couples linguistiquement mixtes

Pour un but plus extensif sur le processus de transmission des langues, nous nous sommes

intéressé, par ailleurs, aux couples linguistiquement mixtes dont la première langue acquise des

membres du couple est différente. Un tel éclaircissement aura comme objectif d’éclairer le

processus des pratiques de transmission des langues au sein des ces couples, car la dynamique

des langues, dans ce cas de figure, nous paraît très complexe. Le pouvoir des pratiques de

transmission des langues se trouve confronté aux représentations sociolinguistiques des uns et

des autres à savoir les membres du couple. La figure ci-dessous résume les pourcentages comme

suit :

Après avoir répertorié les données recueillies en fonction de l’appartenance linguistique des

membres du couple, il s’est avéré que les femmes jouent un rôle essentiel dans le choix des

langues. Pour les deux catégories, le

profil linguistique de la mère exerce

une influence considérable dans le

processus de transmission des

langues aux enfants. En effet, le

kabyle et l’arabe populaire,

premières langues de socialisation

des mères, détiennent les

pourcentages les plus importants

respectivement soit de 40.90% et de

38.88% ; ces indices sont talonnés

par le bilinguisme (arabe

populaire/français) et

(kabyle/français) dont les taux

varient entre 23,33% et 18,18%.

Nous pourrions, ainsi, constater que les pourcentages avancés par nos informateurs révèlent

largement le rôle essentiel des mères dans le processus de transmission des premières langues

aux enfants. Pour les deux catégories, les indices des pères (kabylophones ou arabophones)

enregistrent des pourcentages inférieurs à ceux des mères (kabylophones ou arabophones) soit

22,22% contre 40,90% et 18,18% contre 38,88%. Les pourcentages de la figure ci-dessus nous

Figure 3 Les couples linguistiquement mixtes

Page 33: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

33

livrent, par ailleurs, une réalité particulière du français au sein de ces familles. En effet, pour les

deux catégories prises en compte, l’intrusion du français dans l’espace familial algérien, en

l’occurrence les familles de la ville de Bejaia, est un paramètre important. Cependant, il se trouve

que chez les mères kabylophones, le français enregistre des indices supérieurs par rapport à la

catégorie des mères arabophone soit 14,44% contre 9,09%. Ainsi, pour quelques familles, le

français est devenu la langue exclusive de transmission familiale, alors que pour les autres, il est

associé aux langues vernaculaires, à savoir le kabyle et l’arabe populaire.

2.3.Les motivations des parents quant aux langues transmises

Après avoir tenté de comprendre l’impact de l’appartenance linguistique des parents quant aux

pratiques linguistiques transmises à leurs enfants, il a été question, par le biais du même

questionnaire, de déceler leurs motivations par rapport à leurs choix. Un tel travail nous

permettra, du coup, d’appréhender, de façon globale, à la fois leurs représentations

sociolinguistiques et leurs motivations quant à leurs choix de langues. Ainsi, les résultats

suivants, que nous présentons sous forme de représentation graphique, ont été recueillis grâce à

la question « pourquoi » dont l’objectif était d’appréhender leurs motivations :

Figure 4 Les motivations des parents quant aux langues transmises

0% 0%0% 0%0%0%

7%3%

35%

55%

Le kabyle L'arabe populaire

Langue de l'avenir

Langue utilitaire

Langue de notre histoire

33

livrent, par ailleurs, une réalité particulière du français au sein de ces familles. En effet, pour les

deux catégories prises en compte, l’intrusion du français dans l’espace familial algérien, en

l’occurrence les familles de la ville de Bejaia, est un paramètre important. Cependant, il se trouve

que chez les mères kabylophones, le français enregistre des indices supérieurs par rapport à la

catégorie des mères arabophone soit 14,44% contre 9,09%. Ainsi, pour quelques familles, le

français est devenu la langue exclusive de transmission familiale, alors que pour les autres, il est

associé aux langues vernaculaires, à savoir le kabyle et l’arabe populaire.

2.3.Les motivations des parents quant aux langues transmises

Après avoir tenté de comprendre l’impact de l’appartenance linguistique des parents quant aux

pratiques linguistiques transmises à leurs enfants, il a été question, par le biais du même

questionnaire, de déceler leurs motivations par rapport à leurs choix. Un tel travail nous

permettra, du coup, d’appréhender, de façon globale, à la fois leurs représentations

sociolinguistiques et leurs motivations quant à leurs choix de langues. Ainsi, les résultats

suivants, que nous présentons sous forme de représentation graphique, ont été recueillis grâce à

la question « pourquoi » dont l’objectif était d’appréhender leurs motivations :

Figure 4 Les motivations des parents quant aux langues transmises

0%

20%

0%0%

45%

0%0%

28%

0%0%

7%10%

0%

32%

0%

13%

0%

45%

0%

L'arabe populaire Le français L'arabe classique

Langue de l'université Langue des études universitaires

Langue de la famille Langue de mes parents

Langue maternelle

33

livrent, par ailleurs, une réalité particulière du français au sein de ces familles. En effet, pour les

deux catégories prises en compte, l’intrusion du français dans l’espace familial algérien, en

l’occurrence les familles de la ville de Bejaia, est un paramètre important. Cependant, il se trouve

que chez les mères kabylophones, le français enregistre des indices supérieurs par rapport à la

catégorie des mères arabophone soit 14,44% contre 9,09%. Ainsi, pour quelques familles, le

français est devenu la langue exclusive de transmission familiale, alors que pour les autres, il est

associé aux langues vernaculaires, à savoir le kabyle et l’arabe populaire.

2.3.Les motivations des parents quant aux langues transmises

Après avoir tenté de comprendre l’impact de l’appartenance linguistique des parents quant aux

pratiques linguistiques transmises à leurs enfants, il a été question, par le biais du même

questionnaire, de déceler leurs motivations par rapport à leurs choix. Un tel travail nous

permettra, du coup, d’appréhender, de façon globale, à la fois leurs représentations

sociolinguistiques et leurs motivations quant à leurs choix de langues. Ainsi, les résultats

suivants, que nous présentons sous forme de représentation graphique, ont été recueillis grâce à

la question « pourquoi » dont l’objectif était d’appréhender leurs motivations :

Figure 4 Les motivations des parents quant aux langues transmises

0%0%0%0%0%0%0%

L'arabe classique

Langue des études universitaires

Langue de mes parents

Page 34: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

34

Une lecture attentive des réponses recueillies par le biais du questionnaire, nous a permis de

saisir qu’au sein des familles interrogées, leurs choix de langues sont liés à des paramètres

révélateurs d’un fond représentationnel, relatif aux images linguistiques assignées aux langues en

présence. Leurs motivations quant aux langues transmises, à savoir le kabyle, l’arabe populaire et

le français, sont construites selon les fonctions sociales et culturelles jouées par les langues en

Algérie. En guise d’analyse, nous avions pu déceler quelques aspects importants que nous

résumons comme suit :

L’héritage culturel véhiculé par les deux langues, à savoir le kabyle et l’arabe

populaire a marqué leur raisonnement. Ainsi, les choix motivationnels des parents révèlent

leurs attachements et leurs volontés de maintenir ces langues au sein leurs foyers familiaux.

Ils témoignent, entre autres, de l’ancrage et de la volonté de perdurer la tradition linguistique

héritée de leurs parents ;

Eu égard à son utilité sociale, scolaire et professionnelle, le choix du français, en

tant que première langue de transmission familiale a été perçu comme une nécessité, car il

assure l’avenir de leurs enfants. Le choix du français par les parents est lié aux fonctions

qu’il assure dans les différents secteurs d’activité. Une telle mise au point nous permet

d’affirmer, par ailleurs, que la demande sociale du français, exprimée à travers leurs

motivations, est liée à ses fonctions universitaires et socioprofessionnelles ;

L’adoption d’une politique linguistique familiale qui tient compte à la fois de leur

héritage linguistique et de l’avenir linguistique scolaire et professionnel de leurs enfants.

Ceci dit, en plus de leur attachement, exprimé à l’égard des langues vernaculaires, nos

informateurs anticipent également sur le devenir de leurs enfants en optant pour les langues

étrangères, en l’occurrence le français. L’engouement des parents pour cette langue, est

justifié, à notre sens, par leurs inquiétudes quant au projet linguistique de l’institution

scolaire algérienne, qui continue à proposer uniquement l’arabe comme la seule langue de

l’enseignement des matières.

3. Synthèse

Ainsi, l’analyse des résultats déclarés par le biais du questionnaire, soumis à des catégories

socioprofessionnelles diversifiées, a révélé beaucoup de constatations que nous pourrions

synthétiser comme suit :

Page 35: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

35

Le domaine des langues étrangères, en l’occurrence le français, occupe une place

importante dans l’imaginaire des parents d’enfants inscrits au niveau de ces centres. Ainsi,

les résultats que nous avions pus avoir, à travers l’enquête sociolinguistique, ont révélé

l’attachement des parents aux langues étrangères notamment le français comme première

langue de socialisation de leurs enfants. Le français, langue étrangère en Algérie, se trouve

très présent dans les choix linguistiques à la fois des couples (homogènes et mixtes). Ceci dit,

l’enfant algérien est confronté à une réalité plurilingue d’où la pratique quotidienne

plurilingue qui est le fruit de la politique linguistique familiale, favorisant ces dernières

années l’introduction de langue(s) étrangère(s) comme première(s) langue(s) de transmission

familiale ;

Cette présente contribution met en évidence, par ailleurs, la situation de la langue

arabe scolaire dans l’espace familial. En effet, le discours officiel sur les langues, valorisant

l’arabe en tant qu’unique langue d’enseignement des sciences au niveau de tous les paliers,

n’a pas pu influencer les représentations sociolinguistiques de nos informateurs. Les

résultats obtenus ont mis en exergue l’absence totale de cette langue tant sur le plan des

pratiques linguistiques familiales que sur le plan de leurs motivations épilinguistiques. Ceci

dit, malgré son imposition au niveau des institutions scolaires, notamment à partir du

préscolaire, la langue arabe scolaire n’arrive pas avoir sa place au sein des familles

interrogées.

La variable prise en compte, relative à l’appartenance linguistique des parents, a

révélé des pertinences de différenciations des pratiques de transmission au sein de ces

couples. En ce sens, les femmes dont le rôle est essentiel au sein de leur foyer, exercent

beaucoup d’influence dans le processus de transmission des langues, leur profil linguistique

joue beaucoup d’importance. En effet en plus de l’éducation familiale de leurs enfants, les

mères assurent également leur éducation linguistique ;

Une telle investigation sociolinguistique sur la politique linguistique familiale

invoque la prise en charge de l’enfant algérien sur le plan linguistique, dans la mesure où son

profil linguistique, partagé entre les langues vernaculaires et le français, n’est jamais pris en

considération par l’institution scolaire. Enfin, un tel travail de recherche invoque la remise en

Page 36: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

36

question de la dénomination des langues en Algérie faites par le discours officiel sur les

langues.

En guise de conclusion, l’enquête sociolinguistique que nous avions entreprise avec les parents

d’enfants a révélé des aspects importants quant à la question de la transmission familiale des

langues. Le milieu familial s’avère un espace de dynamique linguistique et de rapport conflictuel

entre les langues en présence. En effet, ce travail d’investigation a révélé le pouvoir des parents

sur le domaine des langues quant à la transmission linguistique familiale. Nous pourrions

admettre, à priori, l’affirmation que la problématique de transmission familiale des langues, à

l’heure actuelle, est révélatrice de plusieurs aspects à la fois socioculturels et représentationnels.

La variable prise en compte, dans ce contexte, est déterminante, d’autant plus elle révèle des

choix linguistiques inhérents à leurs profils linguistiques. Ainsi, les deux aspects retenus, comme

objet de cette contribution, pratiques de transmission de langues et les motivations des parents,

ont apporté une nouvelle vision quant à la politique linguistique familiale exercée au sein de

quelques foyers algériens. Les langues étrangères, en l’occurrence le français, semblent

convoitées par l’ensemble des catégories socioprofessionnelles, une telle mise au point nous

conduit, sans aucun doute, à appréhender la place qu’occupe le français au sein de quelques

familles ce qui nous permettra d’affirmer que le statut de langue étrangère, attribué au français,

mériterait d’être repositionné dans la mesure où il constitue, aujourd’hui, l’un des socles

linguistiques de quelques enfants algériens.

Références bibliographiques

AISSAOUI A., (2013), « Politiques linguistiques des familles de jeunes Français d’origine

algérienne en France et en Algérie », in Synergie Algérie N°20, p.p 83-92.

CHACHOU I., (2008), « Enfance et socialisation », in Revue algérienne d’anthropologie et des

sciences humaines : Insaniyat, n° 41, Oran : CRASC, p.p. 27-39.

BOUKOUS A., (1999), « Le questionnaire », in Calvet J-L et Dumont P (éd) L’enquête

sociolinguistique, Paris, L’Harmattan, p.15.

DABENE D., (1997), « L’image des langues et leur apprentissage ». In M. Matthey (Ed.), Les

langues et leurs images. Neuchâtel, Suisse, IRDP.

DABENE D., (1994), Repères sociolinguistiques pour l’enseignement des langues. Paris,

Hachette.

Page 37: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

37

DEPREZ C., (1996), Politique linguistique familiale: le rôle des femmes in Politiques

linguistiques. In: Julliard, C. / Calvet Louis Jean (éd.): Politiques linguistiques, mythes et réalités

(les). Actes des premières Journées scientifiques du réseau «Sociolinguistique et dynamique des

langues» de l’AUF, Dakar (Sénégal), 16–18 décembre 1995. AUF, Fiches du Monde Arabe,

155–161.

MOORE D., (2006), Plurilinguismes et école. Paris, Didier.

Annexes

Le tableau suivant met en exergue le nombre de questionnaires en fonction des structures

d’accueille des enfants :

Centres de petite enfance

(Crèche)

Questionnaires

Distribués Récupérés Validés

Génération d’espoir 55 52 47

Ma journée 55 51 46

Les Lauréats 55 52 42

Les colombes 55 48 42

Les amis de Dora 55 49 43

Bonne journée 55 54 44

Sara 55 41 37

Total de questionnaires 385 347 301

Les sept centres de petite enfance de la ville de Bejaia

Page 38: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

38

L’emprunt lexical au carrefour des contacts linguistiques : cas de l’intégration de

l’emprunt lexical au français en arabe dialectal tunisien

Inès MZOUGHI

EISTI -Cergy

Résumé

Cet article porte sur les emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien. Notre

problématique principale s'articule autour de la question de l'intégration morphosyntaxique des

emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien. L'objectif de la présente étude est

d'analyser et de décrire les différentes phases d'adaptation morphologique et syntaxique par

lesquelles passe l'emprunt lexical en s’intégrant dans la langue d'accueil.

Abstract

This article deals with lexical words borrowed from the French language by the Tunisian Arabic

dialect. Our main point concerns the integration of lexical items from the French language into

the Tunisian Arabic dialect.

The objective of our research is to analyze and describe the morphological and syntaxic

adaptation of the various phases necessary to the integration of the lexical items borrowed from

the French language by integrating the host language.

Introduction

L’histoire de la Tunisie témoigne d’une pluralité qui s’est toujours exprimée dans la diversité

linguistique (Mejri, Mosbah, & Sfar, 2009, pp. 35-74). Les différentes civilisations qui ont

transité par ce pays ont laissé leurs empreintes dans le patrimoine artisanal, culturel et

linguistique tunisien (UNESCO, 2009).

Ces civilisations ont enrichi le dialecte tunisien en emprunts lexicaux d’origines mult iples ;

parmi ces emprunts, nous avons choisi d’étudier principalement les emprunts au français, car ce

Page 39: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

39

sont les plus importants d’un point de vue quantitatif, et les plus dynamiques et productifs du

point de vue du lexique (Baccouche, 1994, p. 64).

Dans le cadre de cet article, nous allons exploiter les résultats du dépouillement d’un corpus écrit

en arabe dialectal tunisien (Mzoughi, 2015, pp. 195-220). Ce corpus se compose de trois œuvres

littéraires, de genres et de styles différents, écrites entre 1997 et 2013 en arabe dialectal tunisien :

Klemellil (Jébali, 1997), une pièce de théâtre, Al amirassaghir (Balegh, 1997), une traduction du

Petit Prince (Saint-Exupéry, 1943/2007) en arabe dialectal tunisien, et Kalb ben kalb (Ben Brick,

2013), roman satirique.

À travers la description et l’analyse d’un échantillon d’emprunts lexicaux au français (révélé par

le dépouillement des trois ouvres), notre problématique aura pour but de mettre en évidence les

manifestations morphosyntaxiques les plus constantes qui s’opèrent dans le processus

d’intégration de l’emprunt lexical au français en arabe dialectal tunisien.

En examinant des exemples précis d’occurrences d’emprunts au français, nous nous

demanderons si ces mots « voyageurs » partagés entre la quête d'intégration dans la langue

d'accueil et la fidélité à leur langue d’origine conserveraient dans leur usage des marques de leur

système d’origine.

1. Les contacts linguistiques au cœur de la question de l’emprunt

La notion d’emprunt implique forcément un contact des langues, des peuples et des cultures :

Quand un groupe d’hommes parlant une langue définie se trouve en relation avec un autre

groupe utilisant une langue distincte, il arrive presque toujours que des mots, des éléments

grammaticaux, des significations s’introduisent d’un parler dans l’autre. Cette diversité des

formes de l’emprunt justifie la définition suivante que je reprends, en la traduisant, à Vittore

Pisani : « l’emprunt est une forme d’expression qu’une communauté linguistique reçoit d’une

autre communauté. » (Deroy, 1956, p. 18)

Le contact des langues est placé au cœur de la question de l’emprunt linguistique. Dans

Dictionnaire de linguistique, Dubois considère l’emprunt comme le phénomène

sociolinguistique le plus important des contacts de langues.

Page 40: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

40

En effet, l’emprunt lexical est un phénomène universel. Il s’agit du moyen d’enrichissement

linguistique le plus observable au niveau des langues.

De son côté, Marina Yaguello affirme :

À de rares exceptions près (peuples isolés), toutes les langues subissent l'influence

d'autres langues en contact avec elles. L'emprunt lexical en est la marque la plus

spectaculaire. (Yaguello, 1988, p. 57)

Comme en témoigne cette citation, à l’exception des peuples isolés, toutes les langues en contact

s’influencent. La preuve la plus pertinente de ces influences est sans doute l’emprunt lexical.

Cependant, comme les contacts linguistiques se sont produits dans des contextes différents, cela

a eu une influence considérable dans l’intégration de l’emprunt. Lorsque des mots ont été

introduits dans un contexte colonial, leur intégration dépendra principalement de leur acceptation

et de leur représentation par les locuteurs.

En réalité, le mot « emprunt » ne décrit pas vraiment ce phénomène qui n'a d'emprunt que le nom

« puisqu'il ne saurait jamais, en la matière, être question de restitution » (Calvet, 1979, p. 87).

Une langue n’emprunte jamais les mots à une autre. L’usage du terme « emprunt » pourrait être

considéré comme un emploi métaphorique.

Comme l’affirme Henriette Walter :

Pour désigner tous ces mots que les langues du monde apportent à l’une d’entre elles,

les linguistes ont un euphémisme plaisant : ils parlent pudiquement « d’emprunts »

chaque fois qu’une langue prend des mots à sa voisine, tout en n’ayant pas la moindre

intention de les lui rendre un jour (Walter, 1997, p. 10).

La langue n’emprunte donc pas des mots à une autre langue pour les restituer, elle les prend et-

les intègre à son lexique en les adaptant à ses propres règles phonologiques, morphologiques et

syntaxiques. Passés d’une langue à une autre, certains emprunts deviennent difficilement

identifiables.

Dans la langue arabe, il y a de façon générale une reconnaissance de l’existence de l’emprunt.

On retrouve des termes différents désignant l’emprunt linguistique (Baccouche, 1994, p. 27) :

Page 41: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

41

[taʕrib] « arabisation », pour distinguer les mots qui ont été adaptés au système de l’arabe, [daχi:l]

« intrus », [muʕarrab] « arabisé », ou encore [muħdaθ] au sens de « nouvelle création ».

À l’époque actuelle, nous pouvons dire que le purisme face au phénomène de l’emprunt en arabe

s’est plus ou moins défigé grâce à l’évolution linguistique. Cela se constate aisément dans les

journaux et les médias arabes qui diffusent un arabe moderne et riche en emprunts.

Parallèlement à l’arabe littéral, il existe des dialectes arabes qui continuent d’évoluer et de

s’enrichir en emprunts de toutes sortes et provenant de différentes langues. Cependant, à cause

de la situation de diglossie arabe littéral / arabe dialectal (Laroussi, 2002, pp. 129-153), les

recherches sur les dialectes et sur les emprunts qu’ils contiennent restent encore assez limitées.

Dans le cadre des études sur l’arabe dialectal au Maghreb, nous pouvons citer trois œuvres

phares :

Mots turcs et persans conservés dans le parler algérien (Cheneb, 1922), portant

sur les mots turcs et persans qu’on retrouve dans l’arabe dialectal algérien. L’auteur a

dressé des listes intéressantes comprenant 634 emprunts de mots turcs et persans.

L’emprunt en arabe moderne (Baccouche, 1994) présente une étude des emprunts

en arabe tunisien. Dans cet ouvrage, l’auteur procède à une recherche des occurrences

d’emprunts linguistiques dans les deux registres, littéral et dialectal, de l’arabe tunisien.

On y trouve des listes d’emprunts dégagés d’un corpus écrit, accompagnés de critères

d’identification clairs, et d’une description phonétique, morphosyntaxique et sémantique.

Les questionnaires de l’Atlas linguistique de Tunisie (Baccouche & Mejri, 2004) ;

s’inscrivant dans le cadre de la géographie linguistique, cet ouvrage a pour objectif de

fournir une description systématique de l’arabe dialectal tunisien, en se basant sur trois

questionnaires : phonologique, morphologique et lexical. Bien que cette œuvre ne

concerne pas directement l’emprunt, elle rend compte d’un certain nombre

d’occurrences d’emprunts produits dans le parler spontané des Tunisiens, et fournit des

indications intéressantes pour l’étude de l’intégration de l’emprunt. (Mzoughi, 2015, pp.

56-57)

Page 42: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

42

À travers cette recherche, nous espérons contribuer à combler en partie la lacune que l’on

constate dans les études portant sur les emprunts en arabe dialectal.

2. Intégration morphosyntaxique des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal

tunisien

En passant d’une langue à une autre, l’emprunt subit des transformations, principalement sur le

plan phonologique/phonétique et morphosyntaxique (Queffélec, 1998, pp. 245-256), ce qui

conduit à parler de son degré d’intégration dans la langue emprunteuse.

L’arabe dialectal tunisien reste globalement assez proche de l’arabe littéral au niveau phonétique

et phonologique, mais présente néanmoins des différences sur le plan lexical et

morphosyntaxique. Les systèmes du français et de l’arabe étant très différents, en intégrant

l’arabe dialectal tunisien, l’emprunt lexical au français subira des adaptations morphosyntaxiques

en plus des adaptations phonologiques. Ces adaptations se manifestent par l’adjonction d’affixes

de l’arabe dialectal tunisien au radical français (Mzoughi, 2015, pp. 278-282).

En intégrant la langue d’accueil, l’emprunt ne conservera en général que son radical. L’affixation

est un élément considérable dans la composition des mots dérivés, elle aura une signification

conséquente au niveau de leur intégration morphosyntaxique. Nous nous intéresserons aux

manifestations les plus pertinentes et les plus productives de cette intégration.

2. 1. Intégration du genre et du nombre

2.1.1. Intégration du féminin tunisien

En arabe dialectal tunisien, le féminin est généralement marqué à la fin du mot par le son [a]

(Caubet, Simeone-Senelle, & Vanhove, 1989, pp. 39-66) qui sert à différencier le masculin du

féminin. Ainsi, on dira [kɛlb] pour « chien » et [kɛlba] pour « chienne».

Les emprunts lexicaux au français ne conserveront pas la marque du genre du français en

intégrant le dialecte tunisien, ils intégreront celle de la langue d’accueil. Les emprunts lexicaux

au français seront donc marqués par l’adjonction du suffixe [a] à la fin du mot pour marquer le

genre féminin. Quant au genre masculin, il n’est pas marqué en arabe dialectal tunisien ; en

Page 43: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

43

l’absence de cette voyelle finale au singulier, le mot est considéré par défaut comme masculin

dans la majorité des cas1.

Exemples

« بانكةال » / [lba:nka] « la banque » (Balegh, 1997, p. 65) et (Ben Brick, 2013, p. 139)

« بالكا » / [blaka] « plaque » (Jébali, 1997, p. 74)

« كمیونة » / [kɛmju:na] « camionnette » (Jébali, 1997, p. 104)

« الرونده » / [erru:nda] « la ronde » (Ben Brick, 2013, p. 21)

« تلفزه » / [tɛlfza] « télévision » (Jébali, 1997, p. 67) et (Ben Brick, 2013, p. 77)

Bien que cette règle s’applique à la plupart des emprunts au français, on retrouvera certaines

exceptions lorsque l’emprunt lexical est un xénisme, comme c’est le cas dans les emprunts tels

que : [kra:fa:t] « cravate » (Ben Brick, 2013, p. 113), [biskle:t] « bicyclette» (Ben Brick, 2013,

p. 38) et [mu:bi:le:t] « mobylette » (Ben Brick, 2013, p. 172) qui ont gardé la marque du genre

de la langue d’origine.

De même que le nom, l’adjectif intégrera lui aussi cette marque de féminin à l’exemple de

l’emprunt : [mgɛri:sa] « graissée » (Ben Brick, 2013, p. 11).

2.1.2. Intégration du pluriel tunisien

Souvent, c’est la pratique de la langue et le recours au lexique qui servent de références

pour le pluriel en arabe dialectal tunisien. « Néanmoins, nous pouvons distinguer certaines

formes de pluriel assez constantes et fréquentes » (Mzoughi, 2015, p. 129) qui s’obtiennent par le

simple ajout du suffixe [ɛ:t] ou [a:t] à la forme du singulier, de sorte que le radical du mot au

singulier ne se trouve pas réellement affecté. Contrairement à l’arabe littéral, cette forme de

pluriel externe s’applique autant pour le féminin que pour le masculin.

1 Certains cas de noms féminins n’obéissent pas à cette règle et ne porteront pas cette marque du féminin. C’est

le cas du mot [tma:tem] « tomate » qui est un nom féminin, mais qui n’est pas marqué. Dans ce cas, c’est la pratique

de la langue et le lexique qui déterminent le genre.

Page 44: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

44

En intégrant l’arabe dialectal tunisien, les emprunts au français vont adopter le plus souvent cette

marque de pluriel externe, à l’exemple des emprunts : [ɛlfa:tu:ra:t] « les factures » (Ben Brick,

2013, p. 77), un nom féminin pluriel et [ɛrru:su:ra:t] « les ressorts », un nom masculin pluriel

(Ben Brick, 2013, p. 165), ou encore [ɛlbi:ru:wɛ:t] « les bureaux » (Jébali, 1997, p. 97), un nom

masculin pluriel et [ʔu:ti:stɛ:t] « des hôtesses » (Jébali, 1997, p. 101).

D’autres emprunts vont intégrer une forme différente de pluriel tunisien, et celle qui contient le

plus de variétés. Il s’agit d’un pluriel avec une modification à la fois interne (infixe) et externe

(suffixe) du mot. Dans le passage du singulier au pluriel, on observe la chute de la première

voyelle courte et un allongement par une voyelle longue en [a:] ou encore en [ɛ:] (Mzoughi,

2015, pp. 136-137). Cet allongement vocalique va entrainer la fermeture de la dernière syllabe

du mot.

Exemples

[bla:ka] « une plaque » → « البالیك » / [ɛlbla:jik] « les plaques » (Jébali, 1997, p. 96)

[tɛlfza] « télévision » → « التالفز » / [ɛttlɛ:fiz] « les télévisions » (Ben Brick, 2013, p. 18)

2.1.3. Intégration du duel

En arabe dialectal tunisien, le duel marque surtout les noms utilisés pour des mesures, des

quantités et des durées, ainsi que pour designer certains termes allant généralement par paires.

Cette forme spécifique à l’arabe littéral et dialectal sera elle aussi intégrée par emprunts au

français (Mzoughi, 2015, pp. 283-284). Le duel simple sera marqué en arabe dialectal tunisien

par un suffixe en [i:n] pour les noms masculins et en [ti:n] pour les noms féminins.

Exemples

[bana:na] « une banane » → [bana:nti:n]

[mɛlju:n] « un million » → [mɛljuni:n]

Quant au duel composé, il sera formé de l’adjectif numéral [zu:z] signifiant « deux » suivi du

pluriel de l’emprunt.

Page 45: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

45

Exemples

[gattu] « un gâteau » → [zu:zgattuwɛ:t] « deux gâteaux »

[pi:la] « une pile » → [zu:zpi:lɛ:t] « deux piles »

2.2. Intégration syntaxique et changement de genre et de nombre

Dans leur passage en arabe dialectal tunisien, les emprunts au français ne conserveront pas

toujours la même marque de genre et de nombre que dans la langue d’origine. En effet, en

intégrant la syntaxe de l’arabe dialectal tunisien, certains emprunts vont changer de genre. C’est-

à-dire que certains emprunts qui sont des noms masculins dans la langue d’origine deviendront

des noms féminins en arabe dialectal tunisien, à l’exemple de l’emprunt « foulard » qui a donné

un féminin [fula:ra] (Balegh, 1997, p. 65) en arabe dialectal tunisien, et« cartable » qui a donné

un féminin [karta:bla] (Ben Brick, 2013, p. 42).

De même, d’autres noms féminins en français deviendront des noms masculins en passant dans

la langue d’accueil, c’est le cas de l’emprunt « cigarette » qui a donné un nom masculin [siga:ru:]

(Ben Brick, 2013, p. 11) en arabe dialectal tunisien.

On constate le même phénomène qui se produit aussi au niveau du nombre, certains noms

pluriels français en passant dans la langue d’accueil donneront lieu à des noms singuliers, et

réciproquement. Ainsi, le mot « espadrilles », un nom pluriel en français a donné en arabe

dialectal tunisien [sbɛ:dri:] (Ben Brick, 2013, p. 80) qui est un nom singulier dont le pluriel est

[sbɛ:dri:jɛ:t]. De même, le mot « maths » qui est un nom féminin pluriel en français a engendré

un nom singulier en arabe dialectal tunisien [ma:tˤ] (Ben Brick, 2013, p. 68).

2.3. Dérivation et néologisme

On constate, au-delà du phénomène de l’emprunt, la création de mots nouveaux à partir des

emprunts au français intégrés à la langue d’accueil. Grâce à l’affixation, des mots dérivés sont

créés fréquemment en arabe dialectal tunisien, ce qui va favoriser une morphologie nouvelle du

mot, souvent accompagnée d’une extension du sens, ou d’un changement sémantique.

Page 46: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

46

2.3.1. Formation de verbes par dérivation

En arabe dialectal tunisien, de nombreux verbes se sont formés par dérivation à partir du lexème

nominal français. C’est le cas des emprunts tels que « crédit » dont dérive le verbe [kɛrdɛ] (Ben

Brick, 2013, p. 23), signifiant faire un crédit, l’emprunt « grève » qui a permis la création du

verbe [gɛrrif] (Ben Brick, 2013, p. 31), signifiant faire grève, ou encore l’emprunt « sauvage »

dont découle le verbe [tsu:fiʒ] (Ben Brick, 2013, p. 140) qui veut dire devenir sauvage. On

remarquera par ailleurs que ces néologismes verbaux n’ont pas leurs équivalents exacts en

français.

2.3.2. Des adjectifs formés sur le lexème nominal français

L’adjectif en arabe littéral, ainsi qu’en arabe dialectal, se forme à partir du nom. Certains

adjectifs attestés dans le dialecte tunisien ont été formés sur ce modèle à partir d’emprunts

nominaux français.

Exemples

- Graisse : nom français, a donné [mgɛri:sɛ] (Ben Brick, 2013, p. 11) qui veut dire « graissée »,

participe à valeur d’adjectif en arabe dialectal tunisien.

- Cirage : nom français, a donné [msˤiriʒ] (Ben Brick, 2013, p. 26), un participe à valeur

d’adjectif en arabe tunisien, signifiant « ciré ».

Nous pouvons rajouter à ces deux exemples un emprunt d’actualité, en rapport avec les nouvelles

technologies et l’informatique plus précisément. Il s’agit de l’emprunt [mverjiss] qui est un

dérivé du mot « virus », et qui signifie avoir été contaminé par un virus informatique. Cet

emprunt a conquis l’ensemble des dialectes maghrébins ces dernières années.

Bien que nous nous soyons appuyés dans le cadre de cette étude sur un corpus essentiellement

écrit, il est néanmoins nécessaire de préciser que ces manifestations morphosyntaxiques se

vérifient aussi aisément à l’oral, dans les médias et dans le parler spontané des Tunisiens.

Comme le prouve le questionnaire morphosyntaxique mené dans le cadre des questionnaires de

L’atlas linguistique de Tunisie (Baccouche & Mejri, 2004, p. 47), des emprunts comme :

Page 47: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

47

[karta:bla], [sa:k], [ra:dju] et [tɛlfzɛ] sont employés par des locuteurs d’âge, de sexe et de niveau

culturel et social différents.

De même, les entretiens menés dans le cadre de l’étude de L’intégration des emprunts lexicaux

au français en arabe dialectal tunisien (Mzoughi, 2015, pp. 220-261) démontrent que la

fréquence de production spontanée d’emprunts par minute à l’oral chez une locutrice illettrée et

qui n’a jamais appris le français est la même que chez les locuteurs francophones interviewés du

même âge. Cette locutrice a produit spontanément à l’oral les emprunts : [magazɛ] « magasin »,

[tɛksijɛ:t] « des taxis », [trɛ] « train », [telifu:n] « téléphone », [marʃi] « le marché », [ga:z]

« gazinière », [telfzɛ] « télévision », [fu:la:ra], « foulard », [ɛtˤtˤablijjɛ] « le tablier », [mu:nikijr]

« manucure », [limɛ:ʃ] « les mèches ». Nous voyons là une belle illustration du phénomène

d’intégration des emprunts au français en arabe dialectal tunisien à la fois sur le plan

phonologique et sur le plan morphosyntaxique.

Conclusion

Pour conclure, nous souhaitons d’abord préciser que la liste d’emprunts que nous présentons

dans cette étude n’est pas exhaustive, de même que nous n’épuisons pas le sujet à travers nos

analyses. Notre ambition dans le cadre de cet article est de faire apparaître, à travers un corpus

précis, les éléments qui nous semblent être les plus constants, les plus fréquents et les plus

pertinents dans l’intégration morphosyntaxique de l’emprunt.

En nous appuyant sur des exemples précis d’emprunts lexicaux au français, nous avons pu

démontrer l’importance du phénomène d’affixation dans le mécanisme d’intégration

morphologique et syntaxique des emprunts, conduisant quelquefois à la formation de

néologismes.

Nous constatons, au terme de cette recherche, que malgré la différence considérable de

l’organisation syntaxique de deux systèmes linguistiques, des mots français ont réussi à intégrer

le dialecte tunisien, au point de devenir indissociables du reste du lexique.

Bien que nous observions dans la majorité des emprunts cités une certaine fidélité à la langue

source qui se traduit par la conservation du radical du mot emprunté, les modifications

morphosyntaxiques constatées prouvent néanmoins que la quête d’intégration demeure plus

grande et bien plus importante.

Page 48: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

48

En intégrant la langue d’accueil, l’emprunt lexical intègre non seulement un système linguistique

diffèrent, mais aussi la culture et la psychologie de ses locuteurs. Une fois installé dans la langue

d’accueil, l’emprunt lexical est comme « naturalisé », il se détache de son origine pour

représenter une identité et une réalité nouvelles.

Aujourd’hui, les locuteurs tunisiens, sans distinction de niveau social, d’âge, ni d’instruction,

emploient spontanément et inconsciemment des emprunts au français dans leur communication

quotidienne.

Références bibliographiques

BACCOUCHE, T. (1994), L'emprunt en arabe moderne, Tunis, Beit El Hikma.

BACCOUCHE, T. et MEJRI, S. (2004), Les questionnaires de l’Atlas Linguistique de Tunisie,

Sud Éditions & Maisonneuve & Larose.

BALEGH, H. (1997), Al amir assaghir, Tunis, La maison nationale du livre.

BEN BRICK, T. (2013), Kalb bin kalb, Tunis, SOTEPA GRAPHIC.

CALVET, L-J. (1979), Langue, corps, société, Paris, Payot.

CAUBET, D. SIMEONE-SENELLE , M-C. et VANHOVE, M. (1989), « Genre et accord dans

quelques dialectes arabes », Genre et langage (Actes du colloque tenu à Paris X-Nanterre les 14-

15-16 décembre 1988), Linx, n° 21, pp. 39-66.

CHENEB, M-B. (1922), Les mots turcs et persans conservés dans le parler algérien, Alger :

thèse complémentaire.

DEROY, L. (1956), L'emprunt linguistique, Paris, Les Belles Lettres.

JEBALI, T. (1997), Klem ellil, Tunis, Dar al janoub li al nachr.

MEJRI, S., MOSBAH, S., & SFAR, I. (2009). « Plurilinguisme et diglossie en Tunisie ».

Synergies Tunisie, n° 1, pp. 53-74.

Page 49: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

49

MZOUGHI, I. (2015), Intégration des emprunts lexicaux au français en arabe dialectal tunisien

: thèse de doctorat, Université de Cergy-Pontoise.

QUEFFELEC, A. (1998), « Des migrants en quête d’intégration : les emprunts dans les français

d’Afrique », Le français en Afrique, n° 12, pp. 245-256.

SAINT-EXUPERY, A. (1943/2007), Le Petit Prince, Paris, Gallimard.

UNESCO. (2009), Diversité culturelle et dialogue interculturel en Tunisie, Rabat, CLT.

WALTER, H. (1997), L'aventure des mots français venus d'ailleurs, Paris, Robert Laffont.

YAGUELLO, M. (1988), Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris, Seuil.

Page 50: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

50

Hanoï : langue urbaine et identité

ĐẶNG THỊ THANH THÚY

Université Nationale de Hanoï

Résumé

La sociolinguistique urbaine pose la nécessité de concevoir les espaces dits de ville comme deslieux de production des normes (socio-spatiales, langagières et identitaires). En analysant desdiscours épilinguistiques et topologiques tenus par les jeunes Hanoïens, cet article tente demontrer que la mise en mots de l’identité hanoïenne catégorise non seulement les lieux de villemais aussi les locuteurs du hanoïen. Les habitants attribuent à l’espace des caractéristiqueslinguistiques, langagières valorisant l’identité hanoïenne. Nos analyses ont montré que le lienétroit entre espace, langue et identité hanoïenne obéit au mécanisme de la centralité urbaine.

Abstract

Urban sociolinguistic study the need to conceive urban spaces as places of production of norms(socio-spatial, linguistic and identity). By analyzing epilinguistic and topological discourses heldby young Hanoians, this article tries to show that the putting into words of the Hanoians' identitycategorizes not only the city space, but also the class-level of the speakers there. The inhabitantsattribute to space linguistic characteristics which enhances the Hanoians' identity. Our analyzeshave shown the close link between space, language and Hanoians' identity based on "themechanism of urban centrality."

Introduction

En sociolinguistique urbaine, étudier la ville via des discours épilinguistiques et topologiques et

conceptualiser la ville comme un espace urbain porteur de tensions à la fois (géo)politique,

sociale, identitaire et linguistique… invite les chercheurs à étudier les rapports complexes entre

espace, langue et identité et à construire une approche spécifique en fonction des espaces urbains

étudiés. La sociolinguistique urbaine pose la nécessité de concevoir l’espace dit de ville comme

des lieux de production des normes (socio-spatiales, linguistiques, langagières). Et selon Thierry

Bulot, penser la ville comme un espace plurilingue où se jouent, via les pratiques

linguistiques/langagières, les tensions structurantes dudit espace permet de concevoir la ville

comme un processus, une démarche discursive de référence pour ses différents auteurs (Bulot,

Page 51: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

51

2002, 2011). Ainsi les chercheurs pourront-ils appréhender le « poids urbain » de ce qui est

espace, langue et identité de la ville.

Etudier la ville en tant qu’espace urbain selon l’approche de la sociolinguistique urbaine est un

terrain très récent dans le contexte asiatique en général et dans le contexte vietnamien en

particulier. L’objectif de cet article est de soulever, à travers l’analyse des discours

épilinguistiques, le lien entre l’espace, l’identité et la langue de Hanoï. De manière précise, en

abordant les attitudes linguistiques des individus et de différents groupes habitant la ville de

Hanoï et la question identitaire sociale, cet article tente de montrer que dans le contexte de

Hanoï, il existe un lien étroit entre le parler, l’identité hanoïens et l’espace de référence de la

ville.

1. Quelques concepts théoriques

L’identité urbaine. Thierry Bulot conceptualise l’identité urbaine comme la conscience des

habitants d’une ville de leur appartenance à une entité qui est uniforme, isolable et complexe

(Bulot, 2007 : 18). Ce concept permet d’analyser les pratiques langagières des locuteurs urbains

qui se représentent « la tension ainsi posée entre leur indispensable identification à une

communauté et leur propre différenciation par rapport à d’autres lieux communautaires de tous

ordres, signalant une appartenance groupale » (Dang et Bulot, 2015 : 24).

La langue. Thierry Bulot définit la langue comme un processus et affirme qu’une langue est ainsi

non seulement une pratique discursive (une pratique du discours) mais encore des pratiques

discursives sur ce discours (un discours sur la pratique) (Bulot, 2013).

La mobilité spatio-linguistique. La mobilité linguistique et la mobilité sociale sont deux

processus liés certes l’un à l’autre. Selon Thierry Bulot, il s’agit « d’un phénomène de la variété

de langue dominante au détriment de la variété dominée. La variété dominée est délaissée pour

ce que le locuteur estime être l’emploi adéquat de la langue du statut qu’il revendique pour lui ou

le groupe auquel il s’apparie ou s’apparente. C’est un phénomène courant que l’on observe par

exemple chez les locuteurs de parlers dialectaux qui s’installent en ville et assimilent

progressivement la version urbaine de la langue légitime » (Bulot, 1999 : 26). Le concept de

Page 52: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

52

mobilité spatio-linguistique nous permet donc d’étudier le lien entre l’espace, l’identité et la

langue.

2. Méthodes d’enquête et échantillon

Nous avons recueilli des données en deux temps : pré-enquête par entretiens semi-directifs en

2011 auprès de dix informateurs1, d’une durée variant entre trente et quarante-cinq minutes ;

enquête par questionnaire et par test avec des locuteurs masqués en 2012 auprès de soixante-

quinze enquêtés2.

Le guide des questions utilisé dans les entretiens semi-directifs est élaboré selon trois champs

principaux : le territoire de Hanoï, l’identité hanoïenne et le(s) parler(s) hanoïen(s). Au total, ce

guide se compose de vingt-sept questions réparties en trois grands items : le parler hanoïen ; les

représentations sur le territoire de Hanoï et l’identité hanoïenne ; les informations

ethnosociolinguistiques. Le questionnaire d’enquête est composé de cinquante-cinq questions

dont la plupart sont sous forme de questions à l’échelle d’attitude. Les questions ouvertes ont

pour objectif d’inviter les enquêtés à donner des exemples concrets concernant des usages

linguistiques. Si le guide des questions pour les entretiens semi-directifs est élaboré en

mentionnant les trois parties distinctes afin de rappeler à l’enquêtrice les thèmes à exploiter, le

questionnaire est conçu avec une série de questions où les parties distinctes ne sont pas

identifiées. Cependant, notre questionnaire respecte toujours la logique du guide des questions,

ce qui amène les enquêtés à répondre d’abord aux questions concernant le territoire/espace

urbain de Hanoï, puis à celles concernant l’identité et le parler hanoïens, et enfin aux

informations ethnosociolinguistiques. Le test avec des locuteurs masqués est élaboré dans le but

d’analyser les jugements, les appropriations, les évaluations de nos enquêtés vis-à-vis des

pratiques linguistiques du (non)hanoïen. Nous avons fait entendre dix extraits de dix locuteurs

masqués et dont chacun est suivi de quatre questions interrogeant nos enquêtés sur les

informations ethnosociolinguistiques des locuteurs masqués.

1 Ces informateurs sont étudiants sortants de la promotion QH2007 du département de français del’Université de Langues et d’Etudes Internationales de l’Université nationale de Hanoï, Vietnam. QH est le sigle deQuoc gia Hanoï (Université nationale de Hanoï) et 2007 est l’année de l’entrée à

2 Ces enquêtés sont étudiants sortants de la promotion QH2008 du département de français de l’Université deLangues et d’Etudes Internationales de l’Université nationale de Hanoï, Vietnam.

Page 53: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

53

Nous adoptons la méthode d’analyse du discours et dans le cadre de cet article nos analyses se

basent principalement sur les discours épilinguistiques et topologiques enregistrés lors de la pré-

enquête par entretiens semi-directifs et de l’enquête par questionnaire. Ainsi les évaluations des

pratiques linguistiques relevées à partir du test avec des locuteurs masqués n’y seront pas

abordées.

Nos informateurs et enquêtés1 âgés de vingt à vingt-quatre ans sont originaires de plusieurs

régions du pays dont Hanoï (dans toutes ses acceptions) et ont une durée de résidence dans cette

ville entre quatre et vingt-quatre ans. Ils déclarent tous avoir des contacts et des échanges avec

les gens vivant à Hanoï et dès lors ils ont à faire des choix interactionnellement devant les

différentes variétés du vietnamien, ce qui suppose qu’ils ont pu intégrer le discours dominant

produit par la matrice discursive (Bulot, 1999).

Info

rmat

eur

Age

Rég

ion

de

nais

sanc

e

Dur

ée d

e

rési

denc

e à

Han

«an

cien

ne»

(ans

)P

ossè

de

le

pass

epor

t

hano

ïen

En

cour

s

d’ob

tent

ion

du p

asse

port

hano

ïen

Ne

poss

ède

pas

de

pass

epor

t

hano

ïen

F1 23 Nord 4 x

F2 22 Nord 4 x

F3 22 Sud 4 x

1 Pour « distinguer » les étudiants qui ont participé à deux étapes de notre enquête, nous appelons« informateurs » les étudiants qui ont participé aux entretiens semi-directifs et « enquêtés » ceux qui ont réponduau questionnaire et au test avec des locuteurs masqués. Cette appellation est d’ordre purement technique pourdistinguer nos deux sources de « données ». Elle n’a pas pour intention de « réduire les personnes à un seul statutde fournisseur d’informations pour le chercheur » (Blanchet, 20122 : 45). Pour préserver l’anonymat desinformateurs de notre pré-enquête par entretiens semi-directifs, nous les avons codés selon le sexe et l’ordrechronologique des entretiens. Ainsi, M1 désigne le premier étudiant interviewé et F1 la première étudiante. Pourpréserver l’anonymat des enquêtés, nous les avons numérotés de EQ1 à EQ75.

Page 54: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

54

F4 22 Nord 12 x

F5 22 Centre 4 x

F6 22 Hanoï « ancienne » 22 x

M1 22 Hanoï « ancienne » 22 x

M2 22 Hanoï « élargie » 4 x

M3 22 Hanoï « ancienne » 22 x

M4 22 Centre 4 x

Tableau 1 : Profil des informateurs

Lie

u de

nais

sanc

e

des

enqu

êtés

Nom

bre

d’en

quêt

és

Aya

nt

le

pass

epor

t

hano

ïen

En

cour

s

d’ob

tent

io

n du

pass

epor

t

hano

ïen

Pas

de

pass

epor

t

hano

ïen

ni

en

cour

s

d’ob

tent

io

n

Hanoï ancienne et

élargie

23 23

Dans le Nord du

Vietnam

45 2 7 36

Dans le Centre du

Vietnam

7 2 2 3

Page 55: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

55

Dans le Sud du

Vietnam

0

Tableau 2 : Profil des enquêtés

3. Hanoï : identité et langue urbaine

3.1. Hanoï : une ville, une histoire

Hanoï, la capitale du Vietnam, est un centre politique, économique, culturel et social du pays.

Cette ville, qui a fêté en 2010 mille ans d’accession au statut de capitale du Vietnam, connaît un

accroissement de population sensible et ses limites administratives évoluent vers un

élargissement géographique. Si selon les études de Philippe Papin « depuis 1010, Thăng Long1

avait toujours été définie par les deux districts qu’enveloppaient la rivière et la levée extérieure »

(Papin, 2001 : 199) et il y avait, au XVIe siècle environ vingt mille foyers, Hanoï s’étend sur une

superficie de 3.344,7 km2 avec une population de près de sept millions d’habitants lors du

recensement de 2010. Tout au long de son histoire, Hanoï attire les populations venues d’autres

provinces du pays. Elle est donc un espace de rencontres, d’échanges des personnes venues de

différentes régions du Vietnam, un lieu de contacts de langues et de cultures, et dès lors elle

constitue un laboratoire sociolinguistique manifestant des tensions entre des politiques

unificatrices (parce que les bienfaits du monolinguisme et la purification du vietnamien sont

perçus comme idéologie) et les dynamiques langagières très diverses et hétérogènes. Le

graphique ci-dessous permettra de mieux voir les changements géographiques et

1 Thăng Long est un parmi les anciens noms de la ville de Hanoï actuelle. Le nom Thăng Long est né d’unelégende datant du moment du transfert de la capitale racontant que lors du transfert de la capitale de Hoa Lư àĐại La, le roi Lý Công Uẩn a vu au-dessus de son bateau un dragon prenant son essor. C’est ainsi qu’il a baptisécette ville Thăng Long. Thăng Long est de fait un mot composé : « Long » signifie « Dragon » (c’est aussi le symboledu Roi et de la puissance du système féodal), « Thăng » désigne l’acte de prise de l’essor ou le développement, levol. Thăng Long signifie donc la « ville du Dragon qui s’élève ». Dans l’histoire du Vietnam, par deux fois, cette villea porté le nom de Thăng Long. Mais ce nom, donné par le roi Lý Công Uẩn en 1010 et ainsi que celui repris en1805 sous la dynastie des Nguyễn sont des homophones. En 1805, le roi Gia Long de la dynastie des Nguyễn achangé l’écriture du mot « Long » en Thăng Long, de sorte que « Long » ne signifie plus « dragon » mais« prospérité ». Rappelons que sous la dynastie des Nguyễn, la capitale s’est déplacée à Phú Xuân (la ville actuellede Huế) et selon les historiens, le roi voulait insister sur le fait que le « Dragon » (le Roi) était à Phú Xuân, ThăngLong ne pouvait donc plus être la ville du « Dragon », celle de la capitale. Par conséquent, ce mot homophoneThăng Long signifie la « prospérité qui s’élève ».

Page 56: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

56

démographiques de Hanoï depuis 1954, l’année de la victoire de la Révolution d’août suite à

laquelle Hanoï devient la capitale de la République démocratique du Vietnam1.

Année Population (d’habitants) Superficie (km2)

1954 53 000 152

1961 91 000 584

1978 2 500 000 2 136

1991 2 000 000 924

1999 2.672.122 924

2005 3 200 000 924

2007 3 398 889 924

2008 6 233 000 3 344,7

2009 6 451 909 3 344,7

30/10/2010 6 913 000 3 344,7

Tableau 3 : Hanoï : Population et superficie

1 Après la réunification du pays en 1975, Hanoï devient la capitale de la République Socialiste du Vietnam(depuis le 2 juillet 1976).

Page 57: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

57

3.2. L’identité hanoïenne mise en mots

Habiter une ville se traduit par un besoin d’appartenance des individus, un besoin d’établir leur

identité dans cette ville. Selon Hélène Bailleul et Benoît Feildel, la notion d’habiter ne se limite

donc pas à l’habitat ni à la question du logement, elle recoupe dans son sens phénoménologique

l’idée de la construction signifiante d’un rapport au monde, mêlant un être social et un être

spatial en un « être-là » (Bailleul et Feildel, 2011 : 28). Les individus qui habitent une ville ont

certes le besoin d’y exprimer et d’y affirmer leur identité. Pour Bernard Lamizet, « habiter la

ville ne signifie pas seulement y passer sa vie : cela signifie, surtout, y mettre en œuvre une

activité symbolique par laquelle on exprime notre identité pour les autres habitants […] habiter

une ville c’est y exprimer de façon usuelle, courante l’identité dont on est porteur, dont on est

reconnu par les autres […] habiter une ville c’est élaborer une identité dont on est porteur aux

yeux des autres » (Lamizet, 2008 : 6). Nous adoptons dans nos recherches la notion d’identité

urbaine de Thierry Bulot pour parler de la conscience des habitants d’une ville de leur

appartenance à leur ville.

La ville est le lieu de rencontres, de (re)naissance et de conflits des identités. La ville de Hanoï

n’est pas une exception, elle est par conséquent un espace dans lequel les acteurs sociaux

définissent et montrent leur identité aux « autres ». Et c’est dans la confrontation des identités

dont ils sont porteurs que les habitants de Hanoï définissent et expriment leur identité. Pourtant,

les contacts, les confrontations voire les conflits des identités d’une ville ne provoquent pas

systématiquement l’exclusion de telle ou telle identité et l’identité hanoïenne n’est pas non plus

une addition de toutes les identités existantes dans la ville. La ville conduit ses habitants à

adopter des « codes de la ville », une identité leur permettant de s’identifier et d’être identifiés

comme habitants de la ville tout en leur permettant d’être eux-mêmes différents « des autres ».

Le processus de la construction d’identité est certes complexe. L’identité ne peut exister sans

l’altérité. L’identité urbaine (ici hanoïenne) est de fait construite par et dans les deux processus

contradictoires de l’identification et de la différenciation. Cette identité est reflétée dans la

langue. Elle est mise en mots à la fois par ceux qui y habitent et par ceux qui y effectuent un

passage.

Page 58: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

58

Lorsque l’individu exprime son attachement ou au contraire son retrait vis-à-vis des langues /

parlers dont il se déclare être locuteur ou non, il affirme son statut social et son identité. Nous

sommes de l’avis de Thierry Bulot et Nicolas Tsekos affirmant que l’identité urbaine est évaluée

en fonction de la façon de parler des personnes et en rapport avec le territoire que les gens

occupent dans l’espace urbain (Bulot et Tsekos, 1999). Dans le cas de Hanoï, la présence de

langues différentes (des parlers, des façons de parlers différents) des habitants de la ville (ceux

qui sont nés et/ou venus d’ailleurs, ceux qui sont nés à Hanoï) amène à une confrontation

symbolique qui conduit à une sorte de hiérarchisation sociale qui est fonction des sentiments et

des attitudes épilinguistiques des habitants de la ville.

À notre demande de définir une personne hanoïenne, nos enquêtés ont donné plusieurs

désignations non exclusives les unes des autres : « c’est une personne née et qui a grandi à

Hanoï » ; « être né et habiter à Hanoï » ; « la famille habite à Hanoï depuis des générations » ;

« une personne cultivée, intellectuelle, riche, polie … » ; « une personne citadine élégante » ;

« une personne respectant les valeurs traditionnelles » ; « une personne qui se comporte bien » ;

« ils parlent doucement » ; « ils parlent le hanoïen »… D’un point de vue général, nos enquêtés

définissent une personne hanoïenne en se basant sur trois critères : a) l’origine de la personne et

la durée de résidence de la famille à Hanoï ; b) les qualités humaines et c) sa façon de parler.

Le premier critère semble très important car la plupart des enquêtés en parlent quand nous leur

demandons de définir une personne hanoïenne. Pour eux, une personne hanoïenne doit être

d’abord quelqu’un qui est né et qui a grandi à Hanoï. Et puisque nos enquêtés tiennent les

discours affirmant que les arrondissements intérieurs sont le lieu qui représente le mieux Hanoï

et quand on parle de Hanoï, on pense tout de suite aux vieux quartiers du centre de la ville,

l’image d’une personne hanoïenne renvoie à ceux qui sont d’origine hanoïenne et habitent dans

le centre ville. Ceux qui ne répondent pas à ce critère sont par conséquent considérés comme non

Hanoïens. C’est la raison pour laquelle la plupart de nos informateurs ont catégoriquement refusé

de se présenter comme Hanoïens :

- quand une personne est née à Hanoï / sa famille habite à Hanoï / elle est

originaire de Hanoï / mais si elle n’y habite pas / on parlera simplement d’une

Page 59: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

59

personne originaire de Hanoï et elle n’est pas Hanoïenne / les Hanoïens doivent vivre

à Hanoï(F1).

- Je ne suis pas Hanoïen parce que je suis né à Nghệ An (M4).

- En général quand les gens me demandent si je suis hanoïenne je ne dis pas que je

suis hanoïenne parce que je suis née dans une autre ville / j’habite à Hanoï… lorsque

les gens me demandent d’où je suis / je réponds en disant que j’habite à Hanoï mais

que je ne suis pas hanoïenne (F4).

- je ne suis pas Hanoïenne / [euh] premièrement je suis née et j’ai grandi ailleurs /

deuxièmement peut-être que j’habite ici depuis assez longtemps / d’une manière

générale je suis contaminée par la culture d’ici mais on ne peut pas dire que je suis

hanoïenne (F5).

- Non / je ne suis pas Hanoïenne […] Parce que je suis de Vĩnh Phúc / ma région

n’a pas fusionné avec Hanoï / elle est simplement devenue [euh] une province

voisine de Hanoï (F2).

- Si je parle de l’origine / moi je ne suis pas hanoïenne / c’est simplement que mes

parents habitent ici et que je suis née ici / mon père est originaire de Nam Định / il

est venu ici faire des études et est resté ici depuis / moi je ne suis pas hanoïenne de

souche / je suis née et j’ai grandi ici tout simplement (F6).

Selon nos informateurs, les gens ne se présentent pas comme Hanoïens, non seulement parce

qu’ils ne sont pas nés à Hanoï mais encore parce que pour eux, le deuxième critère concernant

les qualités humaines est décisif : Non je ne suis pas Hanoïenne / parce que premièrement je ne

suis pas née ici / et deuxièmement mes caractères ne conviennent pas aux critères que j’ai

déterminés chez les Hanoïens / c’est pourquoi je ne suis pas Hanoïenne (F3). L’incarnation de

l’identité hanoïenne renvoie à ceux qui ont des caractéristiques propres aux Hanoïens, des

comportements différents : ils sont plus doux / plus fermés / ils ne sont pas agités / ils ont

quelque chose de très particulier (F6).

Page 60: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

60

Les analyses montrent aussi que dans les représentations de nos étudiants, être Hanoïen signifie

être Hanoïen de souche : avoir des qualités humaines, respecter la culture de mille ans de Hanoï,

les traditions familiales hanoïennes et celles du peuple vietnamien :

- Une personne hanoïenne de souche c’est quelqu’un qui respecte toujours tout ce

qui est ancien et traditionnel / ce sont des gens qui se comportent doucement et

poliment comme les Hanoïens d’autrefois / ils défendent tout ce qui a trait à la

tradition familiale / ils respectent les valeurs traditionnelles / ils ont la nostalgie de la

tradition (F3).

- Les Hanoïens de souche […] doivent avoir des caractéristiques propres aux

Hanoïens / par exemple leur façon de vivre / de se comporter / ils doivent connaître

les coutumes traditionnelles des Hanoïens qu’aujourd’hui ils respectent toujours […]

par exemple les femmes dans la famille doivent savoir faire des plats traditionnels

lors des fêtes traditionnelles et au Têt / [euh] de génération en génération elles

apprennent aux enfants et aux petits-enfants à préparer ces plats des Hanoïens /

pendant le Têt et aux autres fêtes traditionnelles les gens pratiquent le culte des

ancêtres à la manière des Hanoïens d’autrefois / ils gardent toujours leur façon de

manger d’autrefois par exemple (F6).

Être Hanoïen, selon la majorité de nos informateurs et enquêtés c’est encore avoir la façon de

parler des Hanoïens : doucement, gentiment, poliment. Nos informateurs affirment que les

Hanoïens ont leur propre parler, différent des autres provinces. Cette différence, selon F3 est

évidente parce que « des régions différentes ont évidemment des différences / Hanoï est aussi une

province donc c’est naturel que le parler hanoïen soit différent de celui des autres provinces /

par exemple je suis venue d’une autre province j’ai naturellement une prononciation différente

par rapport aux autres / lorsque l’on est d’une autre province ou d’un autre lieu le parler sera

différent » (F3).

Pendant les entretiens et à plusieurs reprises, nous avons remarqué que nos informateurs avaient

cherché des raisons à leur réponse « dans les livres » ou dans les discours « des autres ».

Autrement dit, leur discours est conditionné par le discours dominant, le discours littéraire,

médiatique valorisant l’identité hanoïenne :

Page 61: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

61

- J’ai lu beaucoup de livres littéraires qui parlent de Hanoï selon lesquels on dit

que les Hanoïens sont depuis toujours des gens civilisés et élégants […] dans les

livres on dit que les Hanoïens de souche sont des gens qui vivent calmement / ce sont

des gens civilisés / élégants (M2).

- À travers la lecture je suis persuadé que les Hanoïens doivent être des gens

civilisés / élégants / ils sont toujours calmes / patients / ils sont toujours modérés

dans les relations et les comportements entre eux (M3).

3.3. Le parler hanoïen mis en mots

Tout en affirmant que les Hanoïens ont une prononciation différente et en appréciant « la

douceur » dans la façon de parler des Hanoïens, nos informateurs reconnaissent des « défauts »

du parler hanoïen en insistant sur le fait que « la prononciation des Hanoïens n’est pas conforme

à la norme ».

- si on parle d’un accent standard / l’accent hanoïen n’est pas standard / les

Hanoïens ne prononcent pas toujours bien selon les règles de prononciation décrites

dans l’alphabet du vietnamien (F1).

- pour quelques sons les Hanoïens ne prononcent pas correctement comme dans

d’autres régions (F2).

- peut-être qu’ils ne prononcent pas bien correctement […] on peut dire que leur

prononciation ne se conforme pas aux normes (F3).

- les Hanoïens confondent parfois des sons […] il y a des sons que les gens ici

n’arrivent pas à bien prononcer (F5).

Pourtant il existe un discours contestant que le hanoïen soit le standard ou la norme. Nos

informateurs notent la différence dans la prononciation de certaines consonnes par les Hanoïens

et celle d’un certain vocabulaire entre les Hanoïens et les gens d’ailleurs.

- je ne pense pas que ce soit un parler vraiment standard, si on se base sur la dictée

on trouvera qu’il n’est pas vraiment correct (F6).

Page 62: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

62

- dire que le hanoïen est un parler standard n’est pas juste / puisque [euh] ce n’est

pas quelque chose que l’on peut mesurer ou évaluer / cela dépend du point de vue de

chacun / peut-être que pour ceux qui sont dans le domaine culturel ils trouveront que

l’accent de Hanoï est beau / pourtant ce n’est pas sûr que les gens du Sud soient du

même avis / s’ils entendent les gens du Nord parler ils trouveront peut-être que c’est

très difficile à entendre / tout comme les gens du Nord disent qu’ils n’arrivent pas à

comprendre les gens du Sud en raison de leur accent / par conséquent il est

impossible de dire / il ne faut pas dire que c’est un accent standard (F1).

- en ce qui concerne les normes je pense qu’il ne faut pas considérer le hanoïen

comme norme […] il ne faut pas imposer une norme aux gens originaires d’ailleurs

ni aux autres ethnies / je pense qu’il ne faut imposer aucune norme (F3).

Mais même si la plupart des informateurs citent des « erreurs phonétiques » des Hanoïens, ils

sont d’accord pour dire que c’est un parler « agréable à entendre », « plus agréable que celui des

gens d’autres provinces » :

- personnellement je trouve que l’accent de quelques Hanoïens est vraiment

particulier / c’est [rire] un bon accent très agréable (F1).

- j’ai eu des contacts avec des Hanoïens de souche / et je trouve qu’ils parlent

doucement […] ils ont des prononciations différentes […] c’est assez agréable à

entendre et il y a une mélodie montante et descendante assez fascinante (F3).

- je pense que les Hanoïens ont leur façon de parler […] dans leur accent et dans

leur voix on trouve quelque chose de léger et d’agréable à entendre (F6).

L’acceptation, voire l’appréciation des « erreurs phonétiques » des Hanoïens contribuent à

renforcer le discours valorisant le hanoïen et dévalorisant les autres parlers. Nos informateurs

affirment que les « autres » parlent « plus vite » avec un « lourd accent », « difficile à

comprendre » :

Page 63: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

63

- je pense que les Hanoïens prononcent bien / leur prononciation est très bonne / ce

n’est pas comme les habitants d’autres régions / quand ils parlent on a du mal à

comprendre (M1).

- je pense qu’ils parlent lentement / pas trop vite comme dans d’autres provinces

dont la mienne (M2).

- le parler hanoïen a des traits différents des parlers d’autres régions / il est

considéré comme un parler standard / les Hanoïens parlent doucement / poliment /

pas trop fort ni trop bas / le parler hanoïen n’a pas de mots des provinces / pas de

confusions des lettres / pas de bégaiements (F2).

Lors de l’enquête par questionnaire, à notre question : « Pensez-vous que le hanoïen est un parler

standard ? », nos enquêtés sont nombreux à répondre par l’affirmative. Seul EQ-10 affirme que

« le hanoïen n’est pas le vietnamien standard » (EQ-10).

Les informateurs qui disent qu’« il est juste de décider que le hanoïen est un parler standard »

expliquent que « c’est mieux quand tout le monde utilise les mêmes mots et les mêmes sens dans

les dictionnaires que d’utiliser des parlers différents ». Selon eux, le hanoïen est un parler

standard parce que les Hanoïens ont une « bonne prononciation » et qu’ils utilisent « le parler

des médias » avec « des mots dans les dictionnaires » :

- le hanoïen est un parler standard / d’abord [euh] parce que la prononciation des

Hanoïens est bonne / il n’y a ni confusion ni bégaiement / puis ils parlent doucement

(F2)

- d’abord les Hanoïens ont un parler facile à comprendre / puis ils utilisent un

lexique standard / standard selon le dictionnaire vietnamien / il n’y a pas de mots

régionaux (M1).

- je pense que l’on a raison / pour la prononciation et [euh] le sens de la

verbalisation je pense que les Hanoïens ont un parler standard (F4).

Nos informateurs donnent une autre raison pour expliquer que le hanoïen « mérite d’être un

parler standard » : Hanoï est la capitale et le hanoïen est le « parler choisi » auquel on a décidé

Page 64: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

64

d’accorder le statut « standard » et ce, même si « le parler hanoïen n’est probablement pas le

parler standard » et malgré des « erreurs sur le plan linguistique et phonétique » commises par

ses locuteurs :

- Au point de vue administratif / si on dit que le parler de la capitale est le parler

standard / je suis d’accord avec cette idée […] c’est le standard du point de vue

administratif tout simplement (F5).

- personnellement je suis de cet avis / parce que Hanoï est de toute manière la

capitale / et je pense que la capitale doit être quelque chose de standard / il faut être

standard pour devenir capitale (M3).

Le hanoïen est donc « choisi » parce qu’il a le statut du parler de la capitale. Il est le parler des

médias : « le hanoïen est bien le parler utilisé à la télé et dans les médias » (M3) ; le parler

utilisé à l’école : « il est choisi comme parler scolaire » (M4) et le parler standard dans le

discours quotidien : « lorsque les gens d’autres régions viennent à Hanoï et parlent avec les

Hanoïens ils confirment tous que c’est le parler standard / car ce parler est utilisé à la Voix du

Vietnam / dans tous les médias / c’est pourquoi c’est le parler standard du pays » (M2). Le

statut « choisi » du parler hanoïen fait que toute différence avec les autres parlers devient non

standard : ne pas prononcer comme les Hanoïens signifie avoir une prononciation incorrecte ou

confondre les sons, ne pas parler à la manière hanoïenne signifie avoir un accent très lourd, une

façon de parler difficile à comprendre, ne pas utiliser les mots à la façon hanoïenne signifie

utiliser un vocabulaire régional.

Nos informateurs tiennent le discours affirmant que les Hanoïens utilisent un « vocabulaire

standard comme dans le dictionnaire du vietnamien ». Ils apprécient le fait que les Hanoïens

parlent doucement. Par conséquent, ils disent que les habitants d’autres provinces et surtout ceux

du Centre du Vietnam ont un « accent lourd » et que cela crée « des inconvénients » pour les

locuteurs d’autres parlers et « des sentiments désagréables » pour les locuteurs du hanoïen

lorsque ces personnes sont en communication. Ce type de discours valorise sans aucun doute le

hanoïen, mais il fait aussi de ce parler un élément de distinction identitaire voire un facteur de

stigmatisation identitaire.

Page 65: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

65

3.4. Hanoï : identité et espace de référence

Les discours sur le parler et l’identité hanoïens valorisent voire survalorisent l’identité hanoïenne

et dévalorisent en même temps l’identité non hanoïenne. Les résultats de l’enquête par

questionnaire montrent que nos enquêtés considèrent que les non Hanoïens « ne connaissent pas

bien Hanoï » et « ne peuvent pas exprimer les beautés traditionnelles des Hanoïens ». Plusieurs

enquêtés affirment qu’une personne non hanoïenne est une personne qui n’est pas dynamique ni

élégante ; une personne qui n’a pas un bon comportement, qui ne sait pas se comporter

convenablement ou qui se comporte mal ou cruellement avec les autres ; une personne qui a une

mauvaise façon de vivre (avoir une vie en désordre, jeter les ordures partout)…

Nos informateurs tiennent aussi le type de discours discriminant rejetant l’identité non hanoïenne

à l’extrémité où tout est mauvais : Je pense que les mauvaises images qu’on a de Hanoï sont à

cause des gens d’ailleurs / des gens originaires des provinces ou des gens qui ne sont pas

hanoïens de souche et ce n’est pas à cause des Hanoïens de souche / il est certains que parmi les

Hanoïens de souche il y a aussi de mauvaises personnes / mais je pense que ces personnes ne

représentent qu’un très faible pourcentage (M4).

Ce genre de discours, produit des processus contradictoires de l’identification et de la

différenciation, amène à des confrontations, à des conflits identitaires en ville et participe à

hiérarchiser socialement les habitants de la ville. C’est une des raisons pour lesquelles nos

informateurs expriment à la fois une distance et un attachement à l’identité hanoïenne.

Distance parce que selon nos informateurs, cette population ne représente qu’une minorité et que

Hanoï ainsi que ses habitants ont changé.

- Avant / à Hanoï il n’y avait que les habitants de la ville / les Hanoïens de souche /

mais maintenant des gens de partout viennent y habiter (F4).

- Depuis longtemps il y a les Hanoïens de souche qui y habitent depuis plusieurs

générations / ils font partie des Hanoïens / et maintenant beaucoup de jeunes et de

travailleurs viennent gagner leur vie à Hanoï / il y a aussi beaucoup d’intellectuels et

de commerçants / [euh] les étudiants sont les plus nombreux / et puis / après la saison

Page 66: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

66

des récoltes une partie des agriculteurs viennent y chercher du travail / en fait à

Hanoï il y a plusieurs classes sociales qui y vivent (M2).

- Les Hanoïens d’aujourd’hui sont pour la plupart des gens originaires des

provinces voisines et fusionnées / ils ont des empreintes régionales / ils n’ont pas la

façon de vivre des Hanoïens de souche (F2).

- Les Hanoïens d’aujourd’hui sont venus de toutes les régions / ils viennent vivre et

travailler à Hanoï / ils ont quelque chose de plus trépidant / quelque chose qui rend

cette ville plus animée mais qui en même temps fait que cette ville perd ce côté ancien

qui fait son charme (F3).

Attachement parce que l’identité de référence hanoïenne est attribuée aux Hanoïens de souche

considérés comme les gardiens de la culture et de l’identité de Hanoï, à ceux qui habitent dans

les vieux quartiers, dans les lieux qui représentent un style de vie d’autrefois :

- Maintenant il y a peut-être des vieux qui habitent dans les lieux peu peuplés ou

dans des lieux très peuplés aussi / mais ces lieux-là représentent toujours un style de

vie d’autrefois / dans les vieux quartiers par exemple / je crois que ces gens-là sont

Hanoïens de souche (M3).

- À mon avis / la culture et la façon de vivre des Hanoïens sont le mieux

représentées dans les environs du lac de l’Épée restituée / de leur façon de s’habiller

à leur façon de dépenser de l’argent / de leur apparence à leurs comportements

quotidiens / tout s’y exprime / et on peut certainement y rencontrer les Hanoïens »

(M2).

Les analyses des discours épilinguistiques et topologiques montrent que l’incarnation de

l’identité hanoïenne renvoie à une modélisation de l’espace marquée par la présence d’une

population respectueuse des valeurs confucéennes : les personnes qui représentent le mieux

l’identité hanoïenne sont des personnes âgées considérées comme gardiennes des traditions

culturelles. Ce sont les « vieux1 » habitant dans le centre-ville, dans les vieux quartiers.

1 Pour les Vietnamiens, ce terme n’a pas d’aspect péjoratif dans son usage sociolinguistique.

Page 67: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

67

- « En général nous pouvons rencontrer ces vieux Hanoïens dans les vieux

quartiers de Hanoï où ils habitent » (F2).

- « les vieux je les vois souvent dans les arrondissements de Ba Đình /de Hoàn

Kiếm / de Tây Hồ1 » (F6).

- « Moi je les rencontre le plus souvent au Petit Lac2 ou dans les parcs / beaucoup

de vieux font du Tai Chi Chuan dans les parcs / ils y sont plus nombreux que dans les

environs » (M2).

Conclusion

La mise en mots de l’identité de référence du parler de la capitale catégorise non seulement les

lieux de ville en valorisant ce centre de référence associé à une population-modèle, mais valorise

aussi son parler, considéré comme « de référence » ou « la norme ». La valorisation via les

discours de l’espace central, de l’identité linguistique rejette donc tout autre parler et identité

hors du centre-ville. Ce genre de discours participe certes à créer et creuser des discriminations et

hiérarchisations sociales.

Nous pouvons dire que par le mécanisme de la centralité urbaine, ce type de discours (la langue),

traversant l’espace urbain de la ville, se cristallise par les pratiques linguistiques/langagières des

habitants de la ville (ceux qui se présentent comme Hanoïens et locuteurs du parler de Hanoï,

comme ceux qui ne se présentent pas en tant que tels), et à son tour a des influences sur la ville et

ses habitants. Ces derniers attribuent à l’espace des caractéristiques linguistiques / langagières

qui font sens pour leur identité, à travers leur langue et leur façon de parler. Ils contribuent par

conséquent à renforcer ce type de discours et participent en même temps à la production des

formations socio-spatiales de la ville. Dans ce sens, la ville est de fait « un espace praxique où les

discours, bien qu’ils ne soient pas la réalité, mais parce qu’ils constituent le seul accès au réel,

finissent par devenir le réel » (Bulot, 2008).

1 Ce sont les arrondissements intérieurs de Hanoï.2 Le Petit lac, appelé aussi Le lac de Hoàn Kiếm (qui signifie le lac de l’Epée restituée) se trouve dans

l’arrondissement du même nom et qui est un des arrondissements intérieurs de Hanoï.

Page 68: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

68

Notre étude du contexte urbain de Hanoï, en abordant la ville par les discours qui la sous-tendent,

et en prenant en compte la prégnance de la spatialité urbanisée, permet de valider l’affirmation

de Thierry Bulot pour qui « la ville est donc une matrice discursive. Elle fonde, gère et normalise

des régularités plus ou moins consciemment éllicitées, vécues ou perçues par ses divers acteurs ;

régularités sans doute autant macro-structurelles (entre autres l’organisation sociale de l’espace)

que plus spécifiquement linguistiques et langagières » (Bulot, 2008).

Références bibliographiques

BAILLEUL Hélène et FEILDEL Benoît, (2011), « Le sens des mobilités à l’épreuve des

identités spatiales : un éclairage par le récit de vie spatialisé et l’herméneutique cartographique »,

dans DEPEAU Sandrine et RAMADIER Thierry, (Dirs.), Se déplacer pour se situer : Places en

jeu, enjeux de classes, Presses Universitaires de Rennes, p.p. 25-55.

BULOT Thierry et BLANCHET Philippe, (2013), Une introduction à la sociolinguistique (pour

l’étude des dynamiques de la langue française dans le monde), Paris, Éditions des archives

contemporaines, 166 pages.

BULOT Thierry, (Ed.) et TSEKOS Nicolas, (1999), Langue urbaine et identité. (Langue et

urbanisation linguistique à Rouen, Venise, Berlin, Athènes et Mons, Paris, L’Harmattan, 237

pages.

BULOT Thierry, (2002), « La double articulation de la spatialité urbaine : « espaces urbanisés »

et « lieux de ville » en sociolinguistique », dans Marges Linguistiques 3, Saint-Chamas, p.p. 91-

105. Disponible sur http://sociolinguistique-urbaine.com/spip.php?article47.

BULOT Thierry, (2006), « La production discursive des normes : centralité sociolinguistique et

multipolarisation des espaces de références », dans French Language Stadies Vol 16 / 3,

Cambridge, Cambridge University Press, p.p. 305-333.

BULOT Thierry, (2006), La langue vivante : Identité sociolinguistique des Cauchois, Paris,

L’Harmattan, 222 pages.

Page 69: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

69

BULOT Thierry, (2007), « Espace urbain et mise en mots de la diversité linguistique », dans

BIERBACH Christine et BULOT Thierry, (Dirs.), Les codes de la ville (Cultures, langues et

formes d’expression urbaines), Paris, L’Harmattan, p.p. 15-34.

BULOT Thierry, (2008), « Une sociolinguistique prioritaire. Prolégomènes à un développement

durable urbain et linguistique », La_Revue, n02,

http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=1007, mis en ligne en mai 2008.

BULOT Thierry, (2011), « Objet, terrains et méthodes de la sociolinguistique », dans BULOT

Thierry et BLANCHET Philippe, 2011 Dynamiques de la langue française au 21ième siècle : une

introduction à la sociolinguistique, www.sociolinguistique.fr.

BULOT Thierry, TSEKOS Nicolas, (1999), « L’urbanisation linguistique et la mise en mots des

identités urbaines » dans BULOT Thierry, (Ed.) et TSEKOS Nicolas, 1999, Langue urbaine et

identité. (Langue et urbanisation linguistique à Rouen, Venise, Berlin, Athènes et Mons, Paris,

L’Harmattan, p. 19-34.

BULOT Thierry, TSEKOS Nicolas, (1999), « La production de l’espace urbain à Rouen : mise

en mots de la ville urbanisée » dans BULOT Thierry, (Ed.) et TSEKOS Nicolas, 1999, Langue

urbaine et identité. (Langue et urbanisation linguistique à Rouen, Venise, Berlin, Athènes et

Mons, Paris, L’Harmattan, p.39-70.

DANG Thi Thanh Thuy et BULOT Thierry, 2015, « Sociolinguistique, urbanité(s) langagière(s)

et mobilité(s) : Hanoï ou la circulation des normes », dans SY Kalidou (Dir.), Logiques de

l’hétérogène. Langages de ville et production de singularités, GRADIS 1, Université Gaston

Berger de Saint-Louis, Saint-Louis du Sénégal, 23-40.

DANG Thi Thanh Thuy, (2015), Discours épilinguistique et urbanité. Hanoï, une ville

sociolinguistiquement singulière ?, Discipline sciences du langage, Université Rennes 2, Thèse

de Doctorat.

LAMIZET Bernard, (2008), « La ville, un espace de confrontation des identités », La_Revue,

n02, http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=884, mis en ligne en février 2008.

PAPIN Philippe, (2001), Histoire de Hanoï, Paris, Fayard, 404 pages

Page 70: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

70

Dynamique et changement des phénomènes migratoires et des pratiques langagières dans

l’espace de la mobilité virtuelle

Hesna SEBIANE

Université de Tlemcen

Résumé

Dans notre contribution, nous tenterons de comprendre l’impact des Technologies de

l’Information et de la Communication (TIC) sur les pratiques langagières et migratoires dans une

mobilité virtuelle. En effet, les changements linguistiques, émergés à l’essor des nouveaux

modes de communication informatisée, sont reconfigurés et de nouveaux contacts langagiers y

sont fusionnés dans des sphères géographiquement éloignées. Notre objectif étant d’observer et

de décrire les nouvelles pratiques langagières saillantes de la communication médiée par

ordinateur au cours d’une mobilité virtuelle, nous voulons rendre compte de la façon dont est

(co)construite la mobilité langagière (Van Den Avenne, 2005). Dans ce cadre, nous analysons

des échanges synchrones écrits (notamment des conversations instantanées sur Facebook) où les

internautes algériens et descendants de l’immigration algérienne en France mettent en contact

leur répertoire linguistique pour les mêler à d’autres codes verbaux et non-verbauxen vue de se

faire comprendre et d’établir des relations sociales. Cette analyse nous permet de montrer

comment la communication médiée par ordinateur peut jouer le rôle de médiateur linguistique

entre les internautes bi-plurilingues et contribue au développement de leurs compétences

langagières tout en se constituant en tant qu’espace de mobilité virtuelle favorisantpar-là, la

mobilité langagière.

Abstract

In our contribution, we will try to understandthe impact of Information and Communication

Technologies (ICT) on language and migration practices in virtual mobility. Indeed, language

changes emerged in the development of new methods of computer communication, are

reconfigured and new language contacts are merged in geographically remote areas. Our

objective is to observe and describe new prominent language practices of computer mediated

communication in a virtual mobility, we realize how is (co) constructed a linguistic mobility

(Van Den Avenne, 2005). In this context, we analyze the writings synchronous exchanges

Page 71: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

71

(including instant conversations on Facebook), Where Algerian Internet users and descendants of

Algerian immigration to France put their linguistic repertory to combine them with other verbal

and non-verbal codes in order to make themselves understood and to establish social relations.

This analysis allows us to show how the computer mediated communication can act as linguistic

mediator between users (bi) multilingual and contributein the developmentof their language

skills, while building as an area of virtual mobility, thereby promoting language mobility.

Introduction

L’usage massif des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) contribue à de

nouvelles pratiques migratoire, des modes de mobilités contemporaines permettant ainsi aux

langues, par-delà les frontières, de se rencontrer et d’entrer en contact. Nous assistons à une

dynamique linguistique générée par les révolutions récentes des phénomènes migratoires,

survenue dans la foulée des nouveaux modes de communication médiée par la technologie. En

effet, cette forme de communication tout azimut représente un attrait pour de nombreux

linguistes comme les travaux de Herring (1999), Mondada (1999), Anis (2002), Atifi (2007),

Marcoccia & Atifi (2006), Marcoccia (2010), Pierozak (2010),pour ne citer que ceux-là.

De même, cet espace « déterritorialisé », « sans frontières » (Chardenet, 2009) se caractérise par

des pratiques bi-plurilingues dans lequel des communautés diasporiques développent

tendanciellement une « culture du lien » (Diminescu, 2002 : 6)avec le pays d’origine, dans une

mobilité relativement virtuelle. Toujours est-il, cette mobilité, dite « virtuelle », constitue un

espace d’échanges synchrones (chat, messagerie instantanée) et/ou asynchrone (blog, courrier

électronique), n’impliquant toutefois pas de coprésence physique. Cette forme de mobilité,

contribue tout comme la mobilité spatiale, au développement des pratiques plurilinguistiques

dans la mesure où les langues sont reconfigurées, suscitant autant de ressources, de nouveaux

codes et de nouvelles façons d’écrire. De fait, nous nous proposons à partir de cette contribution

d’observer des espaces d’échanges des communautés diasporiques algériennes, précisément des

échanges synchrones entre internautes algériens et les descendants1de l’immigration algérienne

en France afin d’étudier les nouvelles pratiques langagières proéminentes au cours d’une

mobilité virtuelle, en termes d’influences subies et d’influences exercées.

1 Les descendants de l’immigration algérienne en France représentent une situation à part entière, dans lamesure où ils se retrouvent au carrefour de deux langues et deux cultures (à savoir, le français et l’arabe algérien).

Page 72: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

72

Nous inscrivons cette étude dans le champ de l’analyse de la sociolinguistique interactionnelle

(Gumperz, 1989) pour nous interroger sur ce qui ressort de la communication médiée par

ordinateur (Herring, 1999). Cette approche nous permet, d’abord de réfléchir sur la façon dont

les interlocuteurs utilisent les langues et les variétés de langues au cours de ces échanges en

ligne, mais aussi de voir comment les échanges entre des internautes ne pratiquant pas les

langues1 qui leur servent de moyen de communication de la même manière et n’ayant les mêmes

rapports à ces langues. En outre, on se donne comme objectif dans cet article de décrire les

différents phénomènes langagiers mobilisés à partir de l’examen des conversations écrites

synchrones, et ce pour rendre compte de la façon dont se co-construit le code qui renseigne sur la

mobilité langagière dans un espace virtuel. Il ne s’agira pas d’apporter une nouvelle définition à

la notion de mobilité linguistique, déjà définie dans les travaux de certains linguistes (Van Den

Avenne, 2005 ; Veltman, 1997)2 mais plutôt d’analyser les conséquences des contacts de langues

qui se produisent dans ce type d’interaction et de conceptualiser le rôle des TIC dans le maintien

et l’amélioration des répertoires linguistiques des internautes algériens issus ou non de

l’immigration dans un espace de mobilité virtuelle. De ce fait, notre hypothèse est que la

mobilité virtuelle favorise la mise en contact des langues écrites/langues parlées par les

internautes et permet a posteriori, la mobilisation de ressources linguistiques et non-linguistiques

originales. De fait, la communication médiée par ordinateur privilégie les alternances codiques et

les formes néo-codées et participe par-là, au développement du répertoire linguistique des

internautes bi-plurilingues et génère un usage commun d’un code comme marque du pluralisme

linguistique. A cet effet, il convient de se demander si la mobilisation d’éléments de plusieurs

langues dans une situation de contact en ligne fait-elle évoluer les compétences langagières des

internautes. Par quoi sont caractérisées les pratiques langagières des internautes dans une

mobilité virtuelle ? Quelles sont les raisons qui poussent les participants à employer des

alternances codiques dans une conversation en ligne ? Ya-t-il des langues privilégiées plus que

d’autres dans cet espace de mobilité ? Quelles sont les conséquences linguistiques de nouvelle

forme de mise en contact des langues ?

1 Nous nous référons ici au français et à l’arabe algérien.2 Nous avons retrouvé la notion de mobilité linguistique dans le dictionnaire de sociolinguistique édité par Moreau(1997), qui renvoie au même concept que celle d’assimilation linguistique (Veltman 1997 : 2012), tandis que VanDen Avenne (2005) apporte une conception plus large à la mobilité linguistique pour l’exposer en tant que processusconstitutif de constructions linguistique et identitaire complexes des locuteurs pris dans diverses situations depratiques socio-culturelles.

Page 73: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

73

1- Corpus et méthodologie

Le corpus sur lequel repose cette étude concerne des échanges entre internautes algériens et les

descendants de l’immigration algérienne en France en situation de mobilité virtuelle. Nous avons

donc procédé par un enregistrement des données conversationnelles à partir de l’historique de la

messagerie instantanée du réseau social Facebook. En fait, nous avons conformément cherché à

obtenir chez les différents participants, des enregistrements de l’historique de leurs conversations

avec des internautes algériens issus de l’immigration (des amis ou de la famille immigrants en

France), que nous avons ensuite sauvegardé dans 12 fichiers Word de tailles variables,

enregistrés entre 2012 et 2014.

A fortiori, le chercheur n’est pas confronté au « paradoxe de l’observateur » au sens de Labov

(1976), au contraire il peut être pratiquement certain d’avoir recueilli un corpus authentique, non

influencé et donc représentatif de la pratique spontanée des interlocuteurs, de cette manière on

peut avoir « accès à la façon dont les gens se servent du langage quand on ne les observe pas »

(Labov, 1976, cité par Pierozak, 2010 : 25).

En effet, on a réussi à réunir 12 paires constituées de 46 conversations d’internautes algériens et

descendants de l’immigration algérienne en France –découpées en fonction de la date à laquelle

elles ont été réalisées et dans l’ordre de leur envoi –, composées de 1066 « tours d’écriture »1.

Les internautes de notre corpus, de sexes féminin et masculin2, se situent dans une tranche d’âge

entre 20 et 30 ans, auxquels on a attribué un code, en raison du caractère privé de la messagerie

instantanée. Nous avons donc eu recours aux initiales des pseudonymes de chaque internaute,

notamment de la catégorie socio-culturelle, « i » pour les internautes descendants de

l’immigration algérienne en France et « ni » pour les internautes algériens non-immigré, comme

l’exemple d’une paire de notre corpus : [iAF – niFT].

Notre méthodologie s’inscrit dans le champ de la sociolinguistique interactionnelle (Gumperz,

1989)qui traite de la communication médiée par ordinateur. A ce propos, la messagerie

1 La communication synchrone se rapproche, éventuellement de la communication face à face, dans la mesure oùelle se fonde sur l’alternance des rôles d’émetteur et de récepteur. Ceci dit, la notion de tour de parole propre à laconversation où deux locuteurs interagissent pour construire ensemble une interaction peut être appliquée à notrecorpus. En effet, la messagerie instantanée, de nature dialogale, se réalise à partir de l’alternance des « toursd’écriture », décalés dans le temps et dans l’espace.2 Dans le cas de cette étude nous n’avons pas pris en compte la variable sociale, sexe, car nous n’avons pas repérerde distinction entre les conversations des internautes de sexe masculin et celui de sexe féminin dans les éléments àanalyser, c’est pourquoi nous avons jugé cette variable non-pertinente pour l’analyse des pratiques langagières desinternautes étudiés.

Page 74: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

74

instantanée assure l’archivage des messages et « offre des possibilités méthodologiques

intéressantes, dans la mesure où elle permet l’engagement prolongé et l’observation persistante »

(Marcoccia, 2011 : 58), c’est pourquoi nous procédons en deux temps. La première étape repose

sur une observation persistante (Atifi & Marcoccia, 2006) qui consiste à examiner de près les

conversations recueillies, enregistrées à partir de l’historique de la messagerie instantanée de

Facebook et regroupées dans une même arborescence afin de valider la représentativité du

corpus. La seconde étape relève de l’analyse conversationnelle, fondée sur l’organisation du

système d’alternance des tours d’écriture,qui nous permet de repérer les éléments pertinents à

analyser.

Le corpus ainsi collecté nous permet d’étudier quelques exemples de pratiques et de mise en

contacts des langues produites lors des échanges synchrones par des internautes en mobilité,

appartenant à des sphères socio-culturelles différentes.

2- De nouvelles pratiques langagières à l’œuvre

Le contexte sociolinguistique algérien est incontestablement plurilingue, du fait des mobilités des

différents peuples, civilisations et colonisations qui ont marqué l’Histoire de l’Algérie. Il se

caractérise par la coexistence de plusieurs langues et/ou variétés de langues : l’arabe algérien

comme langue maternelle des locuteurs algériens et outil de communication de la vie

quotidienne ; le berbère représente également la langue maternelle des berbérophones et est

employée par une minorité linguistique des usagers qui la parlent1 ; l’arabe classique demeure

une langue réservée à la religion, à l’administration et aux institutions formelles ; enfin, les

langues étrangères, comprenant principalement le français, qui conserve une place importante au

sein de la société, et l’anglais et l’espagnol dont l’usage reste encore faible.

Les locuteurs algériens sont désormais confrontés à une pluralité des langues et des variétés de

langues en présence, tendanciellement métissées et alternées, essentiellement de l’arabe et du

français et correspondant à une situation de communication bi-plurilingue.

Toutefois, cette situation linguistique complexifie les pratiques langagières des locuteurs

algériens en général et celles des descendants de l’immigration en particulier du fait de

l’asymétrie croisée des répertoires (Ali-Bencherif, 2009). Plusieurs travaux en sociolinguistique

ont porté un intérêt particulier aux pratiques langagières des populations maghrébines immigrées

1 Dans notre corpus, nous n’avons pas rencontré la langue berbère.

Page 75: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

75

ou issues de l’immigration, dans des situations de communication « ordinaire » au sein de la

société française (Billiez, 1985 ; Deprez, 1991 ; Melliani, 1999 ; Ali-Bencherif, 2009)1. Ces

recherches ont montré que le contact de la langue se rapportant à la culture

d’origine/d’appartenance des parents et celui de la langue d’accueil/de résidence développe un

bi-plurilinguisme et favorise « une objectivation du langage et une décentration ethno-

sociolinguistique » (Billiez & Trimaille, 2001 : 112).

Par ailleurs, la pratique bi-plurilingue résulte des contacts d’une ou plusieurs langues de la

culture d’origine reçue(s) en famille. En effet, une enquête menée en 2008 par l’Ined (Institut

national d’études démographiques) et l’Insee (Institut national de la statistique et des études

économiques) sur l’héritage linguistique et le plurilinguisme des descendants d’immigrés vivant

en France (Condon & Régnard, 2010), a montré que la transmission de différentes langues en

famille et leur niveau de maîtrise ne constitue aucun obstacle à l’intégration dans la société

d’accueil, de façon à considérer cette pratique bi-plurilingue comme une ressource

potentiellement mobilisable, qui tend à favoriser le développement des attitudes d’ouverture à la

diversité linguistique et culturelle.

Compte tenu de la situation sociolinguistique en Algérie et, a posteriori, de la présence du

français en Algérie et celle de l’arabe dialectal en France, les locuteurs algériens et descendants

d’immigrés se particularisent par des pratiques bi-plurilingues, impliquant un répertoire

linguistique partagé entre l’arabe et le français, et entraînent par-là à des alternances codiques

régulières.

2-1 Choix et négociation des langues dans l’espace de la mobilité virtuelle

Si la situation de communication socio-langagière en Algérie est marquée par la coexistence et le

contact de plusieurs langues et, par extension, d’un bi-plurilinguisme, les situations de

communication médiée par ordinateur n’en font pas l’exception. En effet, les TIC jouent le rôle

de médiateurs linguistiques (Chardenet, 2005 : 237) et stimulent de part et d’autres l’usage des

langues étrangères et davantage celui des langues maternelles/d’origine et/ou minorées. A ce

propos, Calvet (2002) remarque que l’anglais, langue dominante sur Internet, subit une baisse

lente de son utilisation pour laisser place aux langues supranationales, ainsi qu’à d’autres langues

plus ou moins minoritaires. Seulement, le problème qui se pose est lié au système orthographique

1 Les pratiques langagières en contexte migratoire n’ont pas manqué d’attirer l’attention de nombreux linguistes etont fait l’objet de plusieurs travaux que nous n’avons pas cité supra.

Page 76: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

76

des langues et leur respect fluctuants sur Internet, conservant ces langues à des fonctions

grégaires.

Par ailleurs, la mobilité virtuelle implique la gestion des langues (Melo & Araùjo e Sà 2008 :

122) que chaque internaute met en œuvre dès les premiers échanges où chacun choisit une ou

plusieurs langue(s) pour communiquer et interagir à partir des compétences linguistiques propres

à lui et des représentations des compétences de l’autre (Chardenet, 2005 : 240), en s’appuyant

sur la localisation, la reconnaissance du nom ou du pseudonyme et la relation entretenue (amis,

famille ou personne étrangère), comme dans les extraits suivants :

Extrait (1)

niFT : tu c parler un peux arab

iAF : Non Je vais comprendre un peu Des mots rien de plus

iAF : la, maca da nach al' arabia (non je ne comprends pas

l’arabe)

Extrait (2)

niSS: tacompre arab? (tu comprends l’arabe ?)

iYCC : oui

niSS : bien alore jiti la blad had el 3am (alors tu es venue au pays cette

année)

Extrait (3)

niSS : el hmd (Dieu merci je croi tafham bien arbiya (je crois que tu

comprends bien la langue arabe)

iCFM : bien bien sur

Nous relevons à partir des conversations de notre corpus différentes langues en usages à savoir :

le français, l’arabe algérien, l’anglais et l’espagnol. Chacune de ces langues remplit des fonctions

plus ou moins spécifiques dans cet espace de mobilité. D’abord, le français, langue dominante

dans les échanges des internautes algériens et les descendants de l’immigration algérienne en

France, constitue la langue de l’interface du réseau Facebook. En outre, l’usage prégnant de cette

Page 77: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

77

langue est dû aux instruments émis par les dispositifs techniques permettant l’accès aux TIC sans

difficultés, par le clavier « latin » des ordinateurs. L’arabe algérien est la langue la plus utilisée

après le français. Malgré les contraintes technologiques, les internautes algériens et leurs

interlocuteurs descendants d’immigrés vivant en France se sont appropriés les mécanismes de la

communication médiée par ordinateur, en employant, à l’aide du clavier « latin », leur langue

maternelle/d’appartenance pour des fonctions grégaires. Ainsi, le choix de cette langue découle

de la nature conviviale et amicale de la communication en ligne (Atifi, 2007 : 40). Sans compter

que l’emploi de l’arabe algérien, langue maternelle des locuteurs algériens et celle

d’appartenance des locuteurs descendants de l’immigration algérienne en France, est réservée à

la communication privée et informelle ; tandis que le français, langue dominante et internationale

dans le cyberespace, est médiatrice de la communication formelle. Quant à l’anglais et

l’espagnol, elles sont utilisées à basses proportions ; d’abord l’anglais est souvent retrouvé dans

des formules de salutations telles que « hellow », « welcome », mais aussi dans une formule très

fréquente dans la communication en ligne « lol »1 et correspond au procédé graphique de la

langue d’écran (que nous développerons infra) qu’imposent les nouveaux modes de

communication informatisée. En revanche, l’espagnol, retrouvé dans quelques interventions,

n’est employé que par les internautes algériens descendants d’immigrés en France, et ce à un

faible degré, pour amplifier un message par exemple. Nous supposons que l’usage de cette

langue est en rapport avec le statut (L2) qui lui est attribué en France et s’avère être enseignée à

partir de la troisième année du collège. Il est ainsi question de « bi-plurilinguisme scolaire »2.

Cependant, des négociations, voire des revendications, sur le choix des langues entre les

internautes immigrés et les descendants de l’immigration algérienne en France sont repérées au

cours des échanges. Ces négociations concernent substantiellement le français et l’arabe algérien.

En outre, le choix des langues est négocié en fonction du degré de maîtrise et du répertoire verbal

caractérisant chaque internaute, où il se montre faible dans une langue et fort dans l’autre. Cela

1 « laugt out loud », l’équivalent de « mort de rire » (mdr) en français.Ce choix linguistique et graphique entraîne« le contact de l’anglais et celui de la langue d’écran » (Develotte, 2005 : 159).2Colindéfinit le bi-plurilinguisme scolaire comme « la compétence langagièreconstruite uniquement en contextescolaire, par le biais d'une langue étrangère qui est le vecteur de tout ou partie de la scolarisation, dans des situationsdites exolingues, autrement dit lorsque la langue d'enseignement n'est pas présente dans la société environnante del'élève. Du lieu qu'est l'école découlent à la fois des contraintes interactionnelles, et des buts communicatifs quidéterminent le type de compétence que l'on peut attendre des enfants scolarisés en enseignement bilingue » (2012 :56).

Page 78: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

78

dépend de leur milieu social et familial favorisant ou non l’emploi de telle ou telle langue. Voici

les extraits suivants :

Extrait (4):sollicitation du choix de langue (arabe dialectal) du fait des

insuffisances linguistiques dans l’autre langue (français)

niAB : motivation?

iRB: طلب عمل (lettre de motivation) f3emt? (tu as

compris ?)1

niAB : da oui fhamt (maintenant oui j’ai compris) mais b1

rak tafham l3arbiya (tu comprends bien l’arabe)

iRB : Chouft hahaha (tu as vu)

Extrait (5) : revendication du choix de langue (français) du fait d’incompétence

linguistique dans l’autre langue (l’arabe dialectal)

niMM : bien tu parle l arabe ou francais?

iMS : franxais je ne sais pas ecrir le francais

niMM : ah oki aler rach mlih ghouya w bach rah mlih w yamach w

khoutech kach raham w ksikso [surnom] rah yatchitan (tu vas bien

mon frère et ton père va bien et ta mère et tes sœurs vont

bien et ksikso fait des sottises) iMS : parle en francais

niMM : toi qui ma dit tu sait pas le

francais

Les pratiques langagières des internautes algériens et des descendants immigrés en France sont

gérées en fonction des rapports de rôle et de place qui s’établissent lors des premiers échanges de

la conversation. Le choix des langues est ainsi fondé sur les déclarations (directes ou indirectes)

des compétences linguistiques spécifiques à chaque internaute, à travers lesquelles des langues

sont négociées, revendiquées voire parfois privilégiées et préférées à d’autres langues. Ce choix

1 Tous les messages écrits en arabe dialectal sont traduits en français et mis entre parenthèses

Page 79: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

79

linguistique participe à la construction de l’identité discursive (Atifi, 2007 : 38) des internautes

en mobilité. De même que la mobilité virtuelle se caractérise par la mobilisation des

compétences linguistiques des internautes où « les choix des langues sont avérés comme une

norme partagée, négociés par certains, adoptée et adaptée par d’autres, comme faisant partie de

leurs habitudes communicatives dans l’univers du cyberespace » (Ali-Bencherif, 2015 : 108).

2-2 L’alternance codique : une forme qui s’apparente à celle de l’oral

L’alternance codique, telle qu’elle est décrite par Gumperz est « la juxtaposition à l’intérieur

d’un même échange verbal, de passage où le discours appartient à deux systèmes ou sous-

systèmes grammaticaux » (1989). Elle représente une stratégie communicationnelle que les

internautes mettent en exergue dans leurs échanges en ligne. Ces derniers utilisent des langues,

détenant ainsi des normes langagières et orthographiques, qu’ils mélangent à d’autres langues,

consacrées seulement à la communication orale et non-codifiées orthographiquement (comme

l’arabe algérien par exemple), avec un certain automatisme dans des alternances

codiquesrégulières.

Dans notre corpus, l’alternance codique remplit des fonctions communicationnelles, déterminées

dans la typologie élaborée par Gumperz. A priori, le choix du passage d’une langue à une autre

n’est pas fortuit, « une telle communication a d’importantes fonctions communicatives et

comporte des significations qui, à bien des égards, sont semblables à celle des choix stylistiques

dans les situations monolingues » (Gumperz, 1989 : 111). Nous relevons quatre fonctions des

conversations analysées.

a) L’interjection

L’alternance codique peut-être insérée dans une intervention à l’aide d’une interjection pour

exprimer un sentiment ou une émotion personnelle dans la langue choisie. Voici les deux extraits

suivants :

Extrait (6)

niAB : win rak tkoun (où est-ce que tu te trouves ?)

iRB : fdar o? (à la maison oh ?) pk?

Extrait (7)

iMS : si je sais sidi ahmed je par avec moi iwa(alors) la famille sa va

niMM : bien cous1 et ta famaille cava

Page 80: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

80

Le recours à l’interjection dans une langue plutôt qu’une autre profère un sentiment de

mécontentement (comme dans l’extrait 6). Cependant, l’interjection est exprimée dans la langue

d’appartenance (l’arabe algérien) « iwa1 la famille ça va » pour parler de sujets rattachés au pays

d’origine. La fonction de l’interjection accentue les échanges en ligne et accroît la force

expressive.

b) La réitération

La fonction de réitération est très fréquente dans les conversations des internautes de notre

corpus. Un même message peut être énoncé d’abord dans une langue, puis répétée dans une

autre, comme dans les extraits ci-dessous :

Extrait (8)

iRB : Tout va s'arranger

niAB : mafhamtakch (je n’ai pas compris)

iRB : Inshallah kah i tha normal (si Dieu le veut tout va s’arranger)

niAB : j'ai rien compré

iRB : Mat rafch(ne t’inquiètes pas), tout irga3 normalinchallah (tout

redeviendra normal si Dieu le veut)

niAB : no hata haja maraha normal(non il n’ya rien qui va)lol

Extrait (9)

niSS: yasmin bon 8layla sa3ida (bonne nuit) Nchalah (si Dieu le veut)

iYCC: merci toi aussi

Les internautes répètent leur message dans chaque langue (c’est-à-dire en arabe algérien puis en

français ou l’inverse) en vue de clarifier ce qui a été exprimé et d’insister sur une information

communiquée. Néanmoins, l’alternance codique semble être utilisée sous forme de

traduction/reformulation (extrait 9) ou d’amplification d’un message. A cet égard, nous dirons

1 Cette interjection prend le sens du mot « alors ».

Page 81: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

81

que la fonction de réitération joue un rôle fondamental dans la possibilité d’appropriation de

nouvelles ressources linguistiques.

c) La modalisation d’un message

Il s’agit de traduire une prise de position du locuteur sur l’importance relative des informations

qu’il transmet dans son message. En fait, le changement du code n’est qu’un procédé pour

indiquer la valeur relative du message, comme dans les extraits suivants :

Extrait (10)

iAF: Cc ptite sœur j'espère que tu te porte bien, et que le

ramadan se passe bien inchaAllah (si Dieu le veut) ... Nous en

France c long mais subraAllah (la patience de Dieu) le temps est

avec nous Il nous facilite hamdoullah (Dieu merci). Prend soin de

toi ptite sœurqu'Allah (Dieu) veille sur toi... Amine (amen)

Extrait (11)

niAB : mafhamtnich (tu ne m’as pas compris)

iRB : si mais yana zit inshallah (moi j’ai ajouté si Dieu le veut) ca vaut

dire stena chouya (attends un peu)

d) La fonction de personnalisation versus l’objectivation

Dans le répertoire des locuteurs, certaines langues sont réservées à des faits objectifs tandis que

d’autres langues sont associées à des faits subjectifs, comme dans les extraits ci-contre :

Extrait (12)

iNE : j'attends mon surci de l'armé en France bach ma nahsselch fle

retour (pour que je ne sois pas coincé au retour)

niIS : pourquoi tu dois passe larmee la bas

iNE : nn mais je dois renouvelé mon surci au niveau du consulat du

coup, je n'ai pas encore eu de réponse pas de l'armé en France c

Page 82: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

82

seulement bach ki nehbet(comme ça quand je repars) l'algérie, ma

yhasslounich (il ne me coince pas) b l'armé c tout je prends mes

précaution

Extrait (13)

miAB : slt cv?

iRB : oui et toi?

miAB : cv hmd (si Dieu le veut)

iRB : la famille?

miAB : rahom mlah hadi simana machoftam (ils vont bien ça

fait une semaine que je ne les ai pas vu )

iRB : ah ca va l'école?

miAB : cv pas sm (semaine) trée difficile

iRB : pourquoi?

miAB : parce que les modules fondamontale ses le math

w (et) physique chimie w (et) yana (moi) faible math lol

iRB: hahaha

miAB : tfou (acte de cracher) 3lik ya lahmar (espèce d’idiot)

loooooooooool

iRB : Hahahaha Tu veux de l'aide pour les maths?

miAB : matzidch tathak 3liya (ne ris plus de moi)ou est j'ai trouvé ce

l'aide?

iRB: Moi

miAB : oooh mzrci merci ca fais plaisir

Nous remarquons à travers les extraits ci-dessus que le français est réservé à des faits objectifs,

quand il s’agit d’évoquer des thèmes liés aux études, par exemple, alors que les faits subjectifs

sont exprimés en arabe algérien. L’alternance codique marque ici la différence d’implication de

l’internaute par rapport à son message.

Dès lors, l’alternance codique apparaît, dans la communication médiée par ordinateur, comme

une ressource pour la production du sens dans et par l’interaction ; elle est une manifestation

Page 83: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

83

significative de développement des compétences bi-plurilingues. De la même manière, les

internautes algériens et descendants de l’immigration algérienne en France recourent à des

alternances et des mélanges de langues pour des raisons multiples et diminuent les asymétries qui

jaillissent dans certains de leurs échanges (Ali-Bencherif, 2015 : 107). Par ailleurs, l’usage

fréquent de l’alternance codique et par conséquent, le contact et le mélange du français et de

l’arabe algérien résulte d’un contact de langue écrite (le français qui est une langue écrite,

codifiée) et langue parlée (l’arabe algérien qui est une langue non-codifiée) (Develotte, 2005 :

157). Il en ressort qu’il faut penser ce contact de langue orale et écrit comme une sorte de

continuum, caractérisant des internautes algériens et descendants d’immigrés en France, comme

un sujet « entre-les-langues » et un « entre-les-cultures » (Chardenet, 2007 : 248). Nous pouvons

ainsi dire que la mobilité virtuelle facilite et rend plus massive l’alternance et le mélange des

langues, constituant par-là une langue transfrontalière.

2-3 L’alternance néo-codique : une solution qui se donne à l’écran ?

Compte tenu de la variable communicationnelle et du cadre spatio-temporel, les internautes

algériens, sont eux aussi amenés à adapter une nouvelle forme de langue métissée produite à

partir d’un contact entre la technologie et la langue parlée (Develotte, 2005 : 153). Develotte fait

référence à la langue d’écran par opposition aux langues naturelles, il en ressort des alternances

néo-codiques caractérisées par des usages langagiers, situées entre l’oral et l’écrit et influencées

entre autres par le caractère synchrone de la communication médiée par ordinateur.

A la suite des travaux d’Anis (2002), nous relevons les différents contacts de langue

parlée/d’écran. En s’appuyant sur la typologie des marqueurs de la cyberlangue1, proposée par

Anis (2002), le tableau suivant indique les éléments des alternances néo-codiques qui

correspondent aux caractéristiques néo-graphiques et aux particularités morpho-lexicales2 :

1 Les termes de la cyberlangue apparaissent dans l’ensemble des termes qui ne sont pas présents dans le dictionnaire.

2 Les exemples cités dans ce tableau sont tirés du corpus.

Page 84: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

84

Néographies

Graphies phonétisantes1 Koi, trankil, kelle, ki, qoi, prochène, minion,

manifique, té, nan, wé, chui, chai, uii, etc.

Squelettes consonantiques Slt, bjr, cc, hmd (hamdoulillah/ Dieu merci), slm

(salem /bonjour), cv, bzf (bezef/trop), sbh

(sabah/matin), mrc (merci), etc.

Syllabogrammes C (c’est), g (j’ai), ct (c’était), etc.

Rébus à transfert2 Bon8 (bonne nuit), cous1 (cousin), bi1 (bien),

3ad (encore), 9atlek (elle t’a dit), 3la (sur), etc.

Logogrammes A++ (à plus), 1peu, 1semaine, koul 2 (manges-

en deux), etc.

Paralogogrammes Lol , mdr, etc.

Etirements graphiques Bieeeeeeeeeeeeeeensuuuuuuuur, freroooooo,

nnnnnnnnnnnn, ssssssssssssiiiiiiiiiii,

teghwiiiiiiiiiiii (tu es beau), looooool,

waaaaaaaah (oui), baaaaaay, etc.

Particularités morpho-lexicales

Troncation Num (numéro), mob (mobile), ordi (ordinateur),

cam (webcam), etc.

Anglicisme/hispanismes Hellow, welcome, playoffs, cool ; bella, pedro

(papa), etc.

Onomatopées Mouah, waw, tfou (action de cracher), etc.

Tableau : Quelques exemples des alternances néo-codiques

Ce tableau montre que les internautes de notre corpus recourent constamment aux différents

marqueurs de la cyberlangue, faisant intervenir de nouvelles pratiques d’écriture via écran, qui

tirent leur marque de la langue parlée ; opérées ainsi au niveau de l’orthographe, le plus souvent

1 Ce procédé graphique se divise en deux sous-groupes : les réductions graphiques (elles correspondent à unabrègement en caractères) et les réductions avec variantes phonétiques (elles reprennent les mêmes caractéristiquesde celui qui le précède, mais en y ajoutant des variations phonétiques).2 Il faut noter que les internautes utilisent certains chiffres pour transcrire des sons de la langue arabe dialectale,n’ayant pas d’équivalent en langue française. Nous avons pu relever les deux sons représentés par les [ق] et [ع]chiffres [3] pour le premier son et [9] pour le second.

Page 85: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

85

par des graphies abrégées, effectuées à travers les choix des différents procédés cités supra.

Pourtant, cette langue, née des contacts des langues parlée/d’écran, entraîne une convergence

entre les internautes de par son côté socialisant, mais aussi son aspect ludique et familier. Nous

dirons que la mobilité virtuelle implique l’usage des langues disponibles dans ce type de

communication et met en relief des langues en contact, du fait du caractère interculturel de

l’interaction à distance.

Conclusion

En définitif, on peut dire que les nouvelles pratiques langagières des internautes algériens et

descendants de l’immigration algérienne en France se caractérisent par des compétences bi-

plurilingues, permettant ainsi la mobilisation des ressources communicatives spécifiques à

chaque internaute, effectuant d’autant plus des choix de langues négociés, voire parfois

revendiqués à partir des représentations des compétences linguistiques des uns et des autres. De

même que la communication médiée par ordinateur stimule l’usage des alternances codiques et

néo-codiques et joue le rôle de médiateur linguistique dans ce contexte de mobilité virtuelle, ce

qui accroît le maintien d’une culture du lien avec le pays d’origine et contribue au

développement des compétences langagières à la fois dans la/les langue(s) d’origine(s)/

d’appartenance(s) chez les internautes immigrants et dans les différentes langues étrangères

présentes dans le cyberespace.

A cet effet, la mise en contact des langues à la technologie (mélange et alternance des langues

parlées/écrites et de la langue d’écran) apparaît comme le résultat d’une mobilité langagière des

pratiques bi-plurilingues des internautes et tend à favoriser un continuum qui se co-construit au

cours de l’interaction interculturelle à distance. Cet espace de mobilité virtuelle implique, en

effet, la gestion et la circulation des ressources linguistiques et non-linguistiques et prend forme

à travers les nouvelles pratiques langagières suscitées par la technologie.

Néanmoins, si la mobilité virtuelle constitue un vecteur puissant des contacts des langues

(Chardenet, 2009) et permet des représentations gravitationnelles de ces langues, selon les

fonctions qu’elles remplissent dans le cyberespace (le français, langue internationale, de

l’interface ;l’arabe algérien, langue périphérique, maternelle, d’origine), peut-on parler de

situation diglossique dans cet espace « déterritorialisé » ?

Enfin, il semble que la mobilité virtuelle œuvre à une dynamique langagière où des identités

plurielles sont témoignées par les internautes projetés dans cet espace d’interaction plurilingue

Page 86: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

86

comme des « électrons libres » (Diminescu, 2002 : 7) et se manifeste par une langue

transfrontalière, contribuant par-là, à de nouvelles pratiques migratoires.

Références bibliographiques

ALI-BENCHERIF, M.Z. (2009) L’alternance codique arabe dialectal/français dans

desconversations bilingues de locuteurs algériens immigrés/non-immigrés, Thèse de Doctorat,

sous la co-direction de Boumediene BENMOUSSAT et Jacqueline BILLIEZ, Université de

Tlemcen.

ALI-BENCHERIF, M.Z. (2015) « Un cas de pratiques littéraciées plurilingues : le clavardage

des jeunes internautes algériens » in, Abdelhamid BELHADJ HACEN et Isabelle DELCAMBRE

(dirs.), Littéracies et plurilinguismes. Quelles pratiques ? Quels liens ?, Paris, L’Harmattan,

pp.97-120.

ANIS, J. (2002) : « Communication électronique scripturale et formes langagières » in, RHRT,

n°4, Université de Poitier.

ATIFI, H. & MARCOCCIA, M. (2006) « Communication médiatisée par ordinateur et

variation culturelle : analyse contrastive de forums de discussion français et marocains » in, Les

Carnets du Cediscor, en ligne : http://cediscor.revues.org/629, pp. 59-73. [Consulté le

07/04/2015].

ATIFI, H. (2007) « Choix linguistiques et alternance codique dans les forums diasporiques

marocains » in, Jeannine GERBAULT (éd.), La langue du cyberespace ; de la diversité aux

normes, Paris, l’Harmattan, pp.31-46.

BILLIEZ, J. & TRIMAILLE, C. (2001) « Plurilinguisme, variation, insertion scolaire et

sociale » in, Langage et société, Vol 4, n°98, pp. 105-127.

CALVET, L-J. (2002) « Mondialisation, langue et politiques linguistiques. Le versant

linguistique de la mondialisation » in, Le français dans le monde, n° 329, pp. 39-42.

CHARDENET, P. (2005) « Effets d’alternance et de mélanges dans les échanges plurilingues en

ligne » in, Veronica PUGIBET et Nathalie GETTLIFFE GRANT (coord.), Cahiers du français

contemporain, 10, Pluralité des langues et des supports : descriptions et approches didactiques,

ICAR, CNRS, ENS, pp. 237-253.

Page 87: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

87

CHARDENET, P. (2009) « Observer les espaces d’interlocution plurilingues et les pratiques

langagières dans des langues associées. », Journées scientifiques inter-réseaux : « Emergences et

prise en compte de pratiques linguistiques et culturelles innovantes en situation francophones

plurilingues », Journées scientifiques inter-réseaux, tenues les 27-28-29 Mai 2009 à l’Université

de Damas, Syrie, en ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00397987/document, pp. 19.

[Consulté le 15/06/2016].

COLIN, C. (2012) Construction du bi-plurilinguisme en français langue de scolarisation :

apprentissage d'une L2 en enseignement bilingue précoce. Thèse de Doctorat, sous la co-

direction de Michèle VERDELHAN et Philip CARR, Université Montpellier III, Paul Valéry.

CONDON, S. & REGNARD, C. (2010) « Héritage et pratiques linguistiques des descendants

d’immigrés en France » in, Homme et migrations, pp. 44-56.

DEVELOTTE, Ch. (2005) « Contacts de l@ngues sur écran ou comment on donne sa langue à la

souris » in, Cécile VAN DEN AVENNE (éd.), Mobilités et contacts de langues, L’Harmattan,

pp. 147-161.

DIMINESCU, D. (2002) « Les migrations à l’âge des nouvelles technologies » in, Hommes et

Migrations, n°1240, en ligne : http://www.hommes-et-migrations.fr, pp.6-9. [Consulté le

20/06/2016].

GUMPERZ, J-J. (1989) Sociolinguistique interactionnelle. Une approche interprétative, Paris,

L’Harmattan.

HERRING, S. (1999) « Interactional coherence in CMC » in, .Journal of Computer Mediated

Communication, en ligne: http://jcmc.indiana.edu/vol4/issue4/herring.html. [Consulté le

07/04/2015].

MARCOCCIA, M. (2010) « Sur l’Internet, personne ne sait que tu es l=un linguiste : problèmes

méthodologiques et éthiques de l’analyse des discours médiatisés par ordinateur » in, Laura

CALABRESSE (éd.), Le discours et la langue, Revue de linguistique française et d’analyse du

discours, L’Internet, corpus sauvage ; nouvelles ressources, nouveaux problèmes ?, T. 2.1,

FNRS, 2010 [2011], EME, pp. 55-72.

MELO, S. & Araújo e Sá, M. H. (2008) « L’interaction électronique dans le développement de

l’intercompréhension – quels apports à la mobilité virtuelle plurilingue ? » in, Synergies

Page 88: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

88

Europe, Vol 2, pp. 117-131.

MONDADA, L. (1999) « Formes de séquentialité dans les courriels et les forums de discussion.

Une approche conversationnelle de l'interaction sur Internet » in, Apprentissage des langues et

systèmes d'information et decommunication (ALSIC) Vol. 2, n°1, pp. 3-25.

PIEROZAK, I. (2010) « Les corpus électroniques en sciences du langage : un eldorado ? » in,

Laura CALABRESSE (éd.), Le discours et la langue, Revue de linguistique française et

d’analyse du discours, L’Internet, corpus sauvage ; nouvelles ressources, nouveaux

problèmes ?, T. 2.1, FNRS, 2010 [2011], EME, pp.15-31.

VAN DEN AVENNE, C. (2005) « Comment penser les liens entre mobilité géographique,

mobilité sociale et mobilité linguistique ? » in, Mobilités et contacts de langues, Espaces

discursifs, L’Harmattan, 7-11.

VELTMAN, C. (1997) « Mobilité linguistique » in, Moreau (éd.), Sociolinguistique.

Concepts de base, Mardaga, p. 312.

Page 89: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

89

Varia

Page 90: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

90

L’anaphore pronominale dans le discours journalistique algérien

Nawal MOKHTAR SAIDIA

Université de Chlef

Résumé

Cette étude porte sur un thème qui a fait couler beaucoup d’encre, à la fois en linguistique et en

psycholinguistique : l’anaphore pronominale. Notre attention s’est fixée sur ce concept car il

constitue un test crucial pour la problématique des marques de la cohérence et de la pertinence.

Elle cherche également à voir à quoi l’analyse des pronoms anaphoriques peut contribuer à la

cohésion et l’organisation textuelle du discours journalistique algérien.

Abstarct

This study focuses on a theme that has spilled much ink, both in linguistics and

psycholinguistics: pronominal anaphora. Our attention is fixed on this concept because it is a

crucial test for the issue of brand consistency and relevance. It also seeks to see what the analysis

of anaphoric pronouns can contribute to cohesion and textual organization of the Algerian

journalistic discourse.

Introduction

L’anaphore pronominale occupe une place importante parmi les éléments d’enchaînement

assurant la cohérence textuelle, c’est pourquoi elle a suscité énormément d’attention depuis

plusieurs années Kleiber (1994, 2001), Corblin (1995), Apotheloz (1995). Notre étude s’assigne

comme objectif de mettre en évidence les contraintes sémantiques et pragmatiques qui justifient

l’emploi de l’anaphore pronominale dans la presse francophone algérienne contemporaine. Les

questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des réponses sont les suivantes :

Page 91: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

91

- A quoi sert l’anaphore pronominale dans les pratiques langagières des

journalistes algériens ?

- Quelles sortes de contraintes (sémantiques et/ou pragmatiques) président à

l’emploi des pronoms anaphoriques dans les faits divers du discours journalistique

algérien ?

Le corpus sur lequel nous avons travaillé est constitué d’un ensemble d’articles de faits divers

tirés de deux journaux algériens d’expression française: le Quotidien d’Oran et El Moudjahid.

Notre choix s’est porté sur ce corpus, car il présente un double intérêt. D’une part, en tant que

dispositif de communication, unité pragmatique du discours dans laquelle nous relatons des

événements en fonction de la situation, c’est le genre qui joue le rôle le plus important dans la

construction du sens dont il nous permet d’obtenir une interprétation pragma-sémantique

adéquate du phénomène de l’anaphore. D’autre part, le fait divers a pour fonction première de

créer des émotions chez son lectorat et non de simplement l’informer comme le font les autres

rubriques. Il joue, pour cela, sur la quotidienneté et la proximité de l’événement. En outre, le

lecteur trouve dans la lecture des récits de faits divers un terrain d’expression de sa perception de

la quotidienneté et de ses aspirations propres. Il y impose une part de sa subjectivité et de sa

représentation des dérapages de la vie quotidienne. De plus, la répétition des événements et les

grandes affaires criminelles dans un récit de fait divers met en valeur la nécessité de recourir aux

procédés de reprise et particulièrement au phénomène d’anaphore. Selon Pierre Larousse (1872 :

52) :

Sous cette rubrique, les journaux groupent avec art et publient régulièrement les

nouvelles de toutes sortes qui courent le monde : petits scandales, accidents de voitures,

crimes épouvantables, suicides d’amour, couvreur tombant d’un cinquième étage, vols à

main armée, pluies de sauterelles ou de crapauds, naufrages, incendies, inondations,

aventures cocasses, enlèvements mystérieux, exécutions à mort, cas d’hydrophobie,

d’anthropophagie, de somnambulisme et de léthargie. Les sauvetages y entrent pour une

large part, et les phénomènes de la nature y font merveille, tels que : veaux à deux têtes,

crapauds âgés de quatre mille ans, jumeaux soudés par la peau du ventre, enfants à trois

yeux, nains extraordinaires. Quelques recettes pour faire le beurre, guérir la rage, détruire

les pucerons, conserver les confitures et enlever les taches de graisse sur toutes sortes

d’étoffes s’y mêlent volontiers ; elles accompagnent à sa dernière demeure le centenaire

Page 92: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

92

qui, bien que n’ayant jamais bu de vin ni mangé de viande, a vécu un siècle et demi,

laissant après soi, deux cent soixante-treize enfants, petits-enfants et arrière-petits-

enfants.

1. Les pronoms anaphoriques

Nous choisissons comme point de départ la définition traditionnelle de l’anaphore telle que celle-

ci est proposée par Oswald Ducrot( 1995 : 548): « Un segment de discours est dit anaphorique

lorsqu’il fait allusion à un autre segment, bien déterminé, du même discours, sans lequel on ne

saurait lui donner une interprétation (même simplement littérale) […] ».

« Ceux qui usent du terme anaphore s’accordent sur plusieurs points : l’anaphore est un rapport

entre des expressions linguistiques et il s’agit d’un rapport dissymétrique entre un terme, dit

« anaphorique », et un antécédent ou “source”» ( Corblin, 1995 :31). Nous devons la première

définition du phénomène anaphorique au grammairien grec Apollonios Dyscole (IIe siècle) qui

réserve l’anaphore aux pronoms : « Il oppose ainsi les déictiques (pronoms qui renvoient à des

objets) et les anaphoriques (pronoms qui renvoient à des segments de discours), montrant ainsi

que la référence d’un pronom peut n’être pas une chose du monde, mais un dire » (Seriot,

1987 :147-160)

Selon Claude Normand : « Le pronom anaphorique est un élément linguistique reprenant une

autre forme linguistique – lexème (dit antécédent) ou proposition – énoncée précédemment et

désignant un objet du monde ou un état de chose » (1998 : 155). Cependant, le principal

problème que pose toute expression anaphorique est celui de l’identification ou le repérage du

bon antécédent, celui-ci est appelé tantôt « anaphorisé », tantôt « source sémantique » ou même

« interprétant ». Lucien Tesnière( 1965 :86-87) indique pourquoi il préfère la dénomination

« source sémantique » à celle de « l’antécédent » : « Malheureusement, le terme antécédent a

l’inconvénient de désigner le mot en question, non d’après sa nature, qu’on ne recherche même

pas, mais d’après sa position, qui est sujette à toutes les variations que lui impose l’ordre linéaire

de la chaîne parlée. » (Corblin, 1995 : 31)

La dichotomie de Michel Maillard – référé/référant – est difficile à utiliser à cause de la

confusion qu’on peut faire entre le référant (segment linguistique) et le référent (« ce à quoi

Page 93: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

93

renvoie un signe linguistique dans la réalité extralinguistique, telle qu’elle est découpée par

l’expérience d’un groupe humain » (Dubois & Lagane, 1973 : 415). De même, le couple

anaphorisé/anaphorisant proposé par Jean Claude Milner( 1982 : 82) restreint l’aire de la

référence cotextuelle à l’anaphore, en négligeant la cataphore.

Denis Apothéloz (1995 :164) utilise le syntagme « précédente désignation » pour dénommer

l’expression linguistique qui introduit explicitement le référent de l’anaphorique dans le discours.

Le véritable antécédent ici n’est pas donc l’expression linguistique antécédente elle-même, mais

la représentation conceptuelle du discours.

En d’autres termes, c’est l’adresse d’une entité discursive formée par cette expression

linguistique. C’est en ces termes que François Cornish (1986 :6) propose de nommer les

occurrences de segments textuels qu’on a appelées souvent antécédent « le déclencheur

d’antécédent (antecedent trigger) », et « antécédent » l’interprétation anaphorique.

Face à ce foisonnement d’appellations et cette divergence entre les auteurs, nous pouvons relever

un point commun aux uns et aux autres : par antécédent, nous entendons donc le segment du

cotexte qui contribue de la façon la plus probable et dans la plus grande proportion à la saisie du

référent d’un anaphorique. Alors que, l’anaphorique est l’élément linguistique qui ne peut pas

être interprété référentiellement de façon non-ambigüe sans l’aide du cotexte.

2. Analyse du corpus

Il nous convient de souligner que les pronoms anaphoriques participent fréquemment aux

chaînes référentielles et qu’ils s’emploient de préférence dans des situations de continuité

référentielle ou topicale. Nous allons donc analyser dans le détail comment l’emploi des pronoms

de reprise contribue à assurer la continuité référentielle dans le discours journalistique.

Les articles que nous commenterons ici pourraient passer pour des exemples types de l’effet de

continuité provoquée par l’emploi du pronom anaphorique.

(T1) « Un ancien employé de la mairie d’Iliten le mis en cause T. Slimane […] il y

figure comme unique fils. Ces faux documents lui ont permis de se faire établir un

passeport françaisil a nié les faits pour lesquels il a été poursuivi mais a déclaré que

Page 94: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

94

suite aux menaces proférées contre lui pour sa participation aux élections de 2001, son

défunt père l'a aidé à obtenir le passeport français qui lui a permis de s'enfuir en France. »

(Le Quotidien d’Oran : 15/7/2010)

A première vue, nous remarquons que l’antécédent masculin singulier animé humain mentionné

sous la forme nominale « Un ancien employé de la mairie d’Iliten » est immédiatement

redéfini sous forme nominale « le mis en cause T. Slimane ». Ce GN donne naissance à une

chaîne anaphorique sur le mode de l’anaphore pronominale assurée par le pronom personnel

sujet de la personne 3, il (3 fois), le pronom régime indirect lui (3fois) et régime direct l’ (1 fois).

Il est à noter que le recours aux pronoms personnels anaphoriques est justifié ici par des

contraintes stylistiques. D’abord, ce sont des outils privilégiés pour accéder aux référents de

discours très focalisés en mémoire de travail. Ainsi, en tant que marqueurs de substitution, ils

jouent des rôles importants dans la réduction du taux des désignations du thème principal. Ils ont

donc une fonction esthétique fondée sur la notion d’économie qui vise l’éviction de la répétition

« non-stylistique » d’un nom et d’éliminer une certaine redondance. A ce propos, Roy (1976 :

44) note que : « La plupart du temps lorsqu’on désire éviter la répétition, on a recours à ce qu’on

appelle traditionnellement un pronom »

(T2) «Trois pêcheursCes malheureux pêcheurs Ils ont pris la mer à partir de la

plage de Beauséjourils ont tenté de remonter les filets Ils auraient été emportés par

les forts courants marins prévalant dans cette zone par mauvais tempsils auraient

risqué, au péril de leur vie, cette sortie en mer en bravant la forte houle avec la conviction

de réussir une bonne prise dans leurs filetsils ont assez d'expérience pour savoir qu'ils

s'exposaient ainsi à un grand danger en décidant cette périlleuse sortie en mer […]» (Le

Quotidien d’Oran : 3-2-2011)

L’antécédent principal mentionné sous la forme nominale, « Trois pêcheurs », est l’entité

topicale de l’article et est aussi l’antécédent le plus important dans le texte. Les expressions

référentielles qui le désignent sont en majorité des pronoms personnels de la personne 6, « ils »

qui occupent de façon constante la position sujet. Notons que les pronoms personnels ne servent

pas seulement à éviter la répétition, mais ils signalent que le narrateur continue de parler d’un

référent déjà saillant, et qu’il va en parler en continuité avec ce qui l’a rendu saillant. A cet

Page 95: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

95

égard, ils jouent un rôle important dans le maintien de la cohésion du texte et dans la

thématisation.

D’après Kleiber : « On peut voir dans le pronom il effectivement un marqueur référentiel moins

coûteux que les SN « pleins » tels que noms propres, expressions définies, etc. » (1994 : 98

L’exemple (T3) présente un cas d’interposition de plusieurs référents co-présents dans la chaîne

anaphorique principale :

(T3) « Un groupe de malfaiteursLes membres présumés de ce réseau au nombre

de trois ont été identifiés et confondus après une plainte de l'une de leurs victimes, un

commerçant auquel les mis en cause avaient déjà extorqué une importante somme

d'argent dans un premier temps avant de lui réclamer une autre rançon en le menaçant de

mort.

Deux des trois mis en cause sont natifs de Azazga alors que leur troisième complice est

originaire de Thénia (Boumerdès).

Ce dernier a été arrêté en possession d'une arme à feu utilisée dans leurs attaques contre

de paisibles citoyens. Ils ont été placés sous mandat de dépôt avant-hier par le parquet de

Azazga[…] » (Le Quotidien d’Oran : 20/10/2011)

Nous constatons que les deux antécédents en présence sont pour l’un, masculin pluriel animé

humain « un groupe de malfaiteurs », et pour l’autre, masculin singulier « un commerçant ».

Les deux chaînes anaphoriques s’entremêlent sur le mode de l’anaphore pronominale sans qu’il y

ait ambiguïté référentielle. Nous remarquons que l’antécédent pluriel est repris au début par

anaphore nominale « les membres présumés de ce réseau » et « les mis en cause » et ensuite par

une anaphore pronominale avec le pronom personnel de la personne « ils » après une anaphore

nominale « Deux des trois mis en cause ». En effet, l’introduction de cette anaphore nominale

n’est pas liée à une concurrence référentielle entre les deux référents de nombre différent, mais

elle intervient pour assurer la division explicite d’un hyperthème « les membres présumés de ce

réseau au nombre de trois » en deux groupes anaphoriques : « deux des trois mis en cause » et

« leur troisième complice » qui acquiert une autre anaphore nominale démonstrative « ce

dernier ». Au contraire, la chaîne anaphorique du référent singulier, se prolonge par anaphore

pronominale avec les pronoms personnels lui et le sans aucune ambiguïté référentielle.

Page 96: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

96

Il en va de même pour l’article (4) qui présente deux référents co-présents de genre différent :

(T4) « Poursuivi pour le meurtre de son épouse, B.H.---le mis en cause --- sa victime,

H.R.--- Il lui a asséné des coups à la tête à l'aide d'une pierre, avant de tenter de

l'étrangler avec son foulard. La malheureuse---elle a été admise le jour de son agression

dans un état comateux. »

(Le Quotidien d’Oran : 1/7/2010)

Dans cet article, les deux chaînes anaphoriques entrelacées, l’une renvoyant à un antécédent

masculin singulier animé humain « le meurtre de son épouse, B.H », l’autre renvoyant à un

antécédent féminin singulier animé humain « sa victime, H.R » sont susceptibles d’utiliser

simultanément l’anaphore pronominale sans qu’il y ait une concurrence référentielle. En effet,

l'antécédent masculin est repris par anaphore nominale « le mis en cause » et ensuite par

anaphore pronominale avec le pronom personnel de la personne 3, « il » sujet du verbe « a

asséné ». L'antécédent féminin se poursuit par anaphore pronominale avec le pronom personnel

« lui », « l’ »et « elle ». Notons que les formes non marquées en genre comme « lui » sont sans

ambiguïté pour des raisons sémantiques et grammaticales, dans « il lui a asséné » il est clair que

« lui » ne peut être que féminin, puisque le masculin joue déjà le rôle de sujet de ce verbe

renvoyant à la violence.

Analysons maintenant un cas où les référents co-présents sont de nature différente :

(T 5) « Un éleveur de bovins--son petit troupeau constitué de trois vaches et deux

veaux ---il fut --- il--- les --- Il les ---. Il ---Les gendarmes---ils --- Ils ---- Ils --- le

propriétaire de ce garage --- les --- il--- il --- il l'avait conduit là en attendant de trouver

son propriétaire […] »

(Le Quotidien d’Oran : 14/4/2011)

Dés la première lecture détaillée, il devient évident que ce texte fait également preuve d’un très

haut degré de cohésion. Cette cohésion est assurée par l’entrelacement de deux chaînes

anaphoriques de référent animé humain singulier pour l’un, « un éleveur de bovins », repris par

anaphore pronominale avec le pronom personnel de la personne 3, « il » (4 fois), l’autre est

féminin pluriel animé non humain, « ses bêtes » repris par le pronom personnel conjoint, « les »

Page 97: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

97

(2 fois). Il est important de noter que cet antécédent s’intercale dans le courant de la chaîne

anaphorique principale sans déstabiliser la continuité référentielle de celle-ci.

Nous présentons maintenant quelques cas de ruptures et maladresses au niveau de la continuité

référentielle rencontrés lors de l’analyse des textes de notre corpus.

Dans l’article (T6), par exemple, la coréférence n’est pas établie de façon claire :

(T6)

Cinq et trois ans de prison pour les accusés: Il l'agresse à coups de hache pour lui voler

sa voiture

« G. Walid, G. Farid et D. Lehmani ---G. Walid--- D. Lehmani--- la victime Y. Seif

Eddine, --- les --- l'accusé G. Walid ---- l'--- la victime --- Les deux mis en cause ---

l'accusé G. Walid --- lui --- G. Farid --- lui --- eux --- il --- La victime ---ces jeunes

confrontés au chômage et à l'oisiveté » (Le Quotidien d’Oran : 01/06/2010)

Nous commençons, par exemple, par le titre « Cinq et trois ans de prison pour les accusés: Il

l'agresse à coups de hache pour lui voler sa voiture » qui donne l’impression que les faits en

question « l’agression et le vol de la voiture » ne semblent pas faire référence aux accusés bien

délimité dans le contexte immédiat. Le lecteur est ainsi dérouté dans ses tentatives de

reconstitution de la réalité en question. Ainsi, il hésite sur l’identification de l’antécédent du

pronom personnel de la personne 3, « il » sujet du verbe « agresser » mentionné dans la

deuxième partie du titre. Une première tendance du lecteur sera de chercher l’antécédent dans la

proximité immédiate. Il aurait tendance à interpréter le « il » anaphorique comme une référence

au SN « les accusés ». D’une certaine façon, cette interprétation se révèle fausse car elle risque

de causer des ruptures au niveau de la continuité référentielle pour tout lecteur. Le rédacteur

aurait pu utiliser le pronom personnel de la personne 6, « ils ». Une autre explication éventuelle

pour cet usage flou : le lecteur peut deviner que le journaliste a voulu parler de « l’accusé G.

Walid » mentionné dans la suite du texte. Mais, si le lecteur doit deviner, c’est que le texte n’est

pas clair parce qu’il y a un décalage des représentations entre les interlocuteurs.

Page 98: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

98

Outre les cas que nous avons signalés en ce qui concerne l’ambiguïté référentielle, nous avons

relevé dans notre corpus des situations où deux référents remplissent simultanément les

conditions d’utilisation de la forme morphologique pronominale présente et peuvent entraîner

une perturbation dans la continuité référentielle et une hésitation quant au choix du référent visé.

De même, le rédacteur ne fournit pas suffisamment d’informations de nature à permettre au

lecteur de procéder à une identification aisée du référent en question.

C’est le cas dans l’article que nous proposons d’analyser ici :

(T7)

Une dispute, un mort et 7 ans de prison

TM

Comme si les accidents de la circulation ne suffisaient pas, il a fallu encore que les

disputes sur la route coûtent encore des vies humaines. Ainsi, au mois de

septembre passé, deux cousins se trouvaient dans leur voiture et se dirigeaient

vers Alger. Arrivés à la rue du 1er Novembre à Bou Ismail et plus exactement au

niveau de la gare routière, le conducteur d'un véhicule klaxonna plusieurs fois

avant de les dépasser. S'engagea alors une course-poursuite entre les deux

véhicules, le conducteur de la Volkswagen s'arrêta sur le bas-côté pour

demander des explications. Une dispute s'engagea entre eux et ils en vinrent

rapidement aux mains. Le cousin, fort que lui.

Il sortit alors pour prêter main-forte à son cousin et s'arma d'un couteau à cran

d'arrêt. Il se dirigea vers les deux adversaires et le conducteur de la Volkswagen

fut tué sur le coup. Ils furent donc arrêtés par les policiers qui les présentèrent au

parquet et ils furent mis sous mandat de dépôt. Après l'instruction menée tambour

battant ils ont été jugés au cours de cette session du tribunal criminel de Blida

qui condamna M.M. à sept ans de prison ferme. A noter enfin que le représentant

du ministère public avait requis la perpétuité contre lui.

(Le Quotidien d’Oran : 2-5-2010)

Page 99: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

99

Dans cet article, les deux constituants dont les chaînes anaphoriques s’entremêlent sont les

suivants : « deux cousins » et « le conducteur d’un véhicule ». Leurs chaînes anaphoriques

utilisent l’anaphore pronominale. Mais cette anaphore est un peu plus complexe parce que les

référents co-présents répondent aux mêmes conditions morphologiques et référentielles pour le

pronom personnel (les deux candidats à la reprise sont masculins et animés), ce qui entraîne une

possible ambiguïté référentielle. En premier lieu, la rupture est due à un décalage au niveau des

connaissances partagées entre le rédacteur et le lecteur. Par exemple, les pronoms

personnels eux et ils, peuvent renvoyer soit aux « deux cousins » et « le conducteur de la

Volkswagen », soit aux deux conducteurs, mentionné plus loin sous la forme nominale « les

deux adversaires ». Dans ce cas, il est extrêmement difficile d’établir un lien entre l’anaphore

pronominale et son antécédent puisque le rédacteur ne fournit pas suffisamment d’informations

de nature à permettre au lecteur de procéder à une identification aisée de l’antécédent en

question, à savoir les deux conducteurs, que dans la suite du texte. Il faut alors utiliser à la place

de ces deux pronoms insuffisamment marqués un nom propre ou un SN caractérisant les

référents (une anaphore nominale qui servira à la reprise de chaque constituant s’interposant dans

la chaîne anaphorique des constituants co-présents de mêmes caractéristiques référentielles).

Ensuite, la reprise anaphorique s’accompagne d’un changement du nombre avec le passage

d’une référence plurielle à une référence singulière « le cousin » qui se poursuit par anaphore

pronominale avec notamment le pronom personnel de la personne 3, « il » sujet des verbes

« sortit, s’arma » et « se dirigea ».

Par ailleurs, nous n’avons pas noté d’ambiguïté référentielle entre deux constituants qui

présentent une différence dans l’une de leurs caractéristiques référentielles et grammaticales.

Conclusion

Au terme de cette étude, nous avons relevé quelques spécificités des faits divers journalistiques

algériens, en ce qui concerne l’emploi des anaphores pronominales :

la proportion des pronoms personnels augmente où aucune dénomination du

référent n’est pas disponible ou pour éviter la répétition.

ils ont tendance à se trouver près de leurs antécédents et ils signalent qu’un objet

unique occupe le centre d’attention. Ce constat est un indice fort pour mettre en tête

Page 100: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

100

l’emploi des pronoms personnels en tant que marques de la continuité référentielle dans

les récits de fait divers.

les textes des faits divers sont pluri-référentiels (ils contiennent au moins deux

référents humains), ce qui augmente les risques d’ambiguïtés dans l’identification du bon

antécédent de l’expression pronominale. De ce fait, les journalistes algériens tendent à

utiliser les expressions nominales qui se répartissent entre les SN définis et les

démonstratifs pour dénicher le bon candidat et diminuer les ambiguïtés pronominales.

Le journaliste préfère l’usage des pronoms personnels (sujet) au début du

paragraphe dans les textes de faits divers parce que la narration est centrée sur un seul

protagoniste.

Références bibliographiques

APOTHELOZ D., (1995), Rôle et fonctionnement de l’anaphore dans la dynamique textuelle.

Langue et culture, Genève : Droz.

CORBLIN F., (1995), Les formes de reprise dans le discours. Anaphores et chaînes de

reference. Rennes : PUR.

CORNISH F., (1986), Anaphoric Relation in English and French: A Discourse perspective,

London, Croom Helm.

DUBOIS J. & LAGANE R., (1973), La nouvelle grammaire du français, Paris : Larousse.

DUCROT O. & SCHAEFFER J.-M., (1995), Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences

de langage, Paris : Seuil.

KLEIBER., (1994), Anaphores et pronoms, Louvain-la-Neuve : Duculot.

LAROUSSE P.,( 1872), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, tome huitième, p. 58.

MILNER J.-C. (1982), Ordres et raisons de langue, Paris : Seuil.

NORMAND C.,(1998), « Sur certains cas de référence inassignable », Sémiotique, n°15, pp.

155-165. p. 155.

Page 101: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

101

SERIOT P., (1987), « L’anaphore et le fil du discours (sur l’interprétation des nominalisations en

français et en russe) », IVe colloque international de linguistique slavo-romane, Copenhague, 27-

29 août 1989, in Opérateurs syntaxique et cohésion discursive, Copenhague, pp. 147-160.

TESNIERE L., 1965, Eléments de syntaxe structurale, klinckseick : Paris.

Page 102: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

102

L’effet du contexte sémantique dans l’identification, la compréhension et la production

des prépositions abstraites

Fatima Zohra KHALIL

Ecole polytechnique, Oran

Résumé

La préposition s’impose aujourd’hui comme un sujet d’étude incontournable en sémantique,

mais reste un phénomène marginalisé dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Les

grammaires scolaires, présentent la préposition comme un mot purement grammatical, elle

est ainsi, réduite à un simple élément de relation. Nous avons fait le choix de l’aborder

autrement en nous intéressant à la représentation de son contenu sémantique hors contexte et

en contexte. Notre réflexion porte sur l’effet du contexte sémantique dans 1) la

représentation (l’identification) des prépositions, 2) la compréhension des prépositions et 3)

la production des prépositions.

La définition exclusivement grammaticale étant, pour nous, incomplète et ne pouvant

répondre à notre question de recherche, nous nous sommes orientée vers les recherches

menées sur la sémantique de la préposition. Cette dernière représente le fruit de longues

recherches entreprises par des linguistes depuis le début du XXème siècle. Aborder et étudier

la préposition sur le plan sémantique, c’est tout simplement aborder son signifié en tant

qu’unité linguistique.

Le postulat principal sur lequel repose notre travail stipule que les prépositions, aux yeux des

apprenants, sont assimilées à de simples mots de relation servant à relier des éléments sur le

plan phrastique et donc dénuées de sens.

Notre but est de les amener, grâce à nos expériences, à réfléchir et à prendre conscience de

l’importance de la préposition dans la construction du sens. Il s’agit donc de ne plus la

considérer comme un simple « relateur », mais comme une unité ayant sa propre charge

Page 103: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

103

sémantique aussi ténue soit-elle. Il s’agit donc d’étudier les multiples sens qu’elle est en

mesure d’activer en emploi, et la relation qu’elle peut entretenir avec son co(n)texte.

Mots clés : Prépositions abstraites, contenu sémantique, contexte sémantique, espace, temps

et notion.

Abstract

The preposition has become today an essential research topic in semantics, although it

remains quite marginalized in foreign language learning. Schoolbook grammar deals with the

preposition as a purely grammatical word, thus reduced to a mere linking tool. This justifies

the choice made here to deal with it differently by focusing on the representation of its

semantic substance in and out of context. This reflexion addresses the role of the semantic

context for prepositions in their 1) representation (identification), 2) understanding and 3)

production.

The exclusively-grammatical definition being, from my standpoint, incomplete and incapable

of answering the research question, research on the semantics of the preposition has been the

recourse. This is the outcome of substantial works undertaken by linguists since the early

20th century. Deal with and study the preposition at a semantic level is simply tackle its

signified as a linguistic unit.

The main postulate underlying this work is the idea that prepositions, according to learners,

are simple linking words used to relate sentence elements and having no meaning.

The objective here is to bring them, through this experiment, to think and be aware of the

importance of the preposition in the making of meaning. It is then an attempt to consider it

no longer as a mere « link », but as a unit having its own semantic content, however small. It

is therefore about studying the multiple meanings it can induce while used, and the relation it

can have with its co(n)text.

Introduction

Notre recherche questionne le rôle du contexte sémantique dans la représentation

(l’identification), la compréhension et la production des prépositions en situation

d’apprentissage du FLE. Nous formulons l’hypothèse générale suivante : le contexte

sémantique joue un rôle important dans la représentation (l’identification), la compréhension

Page 104: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

104

et la production des prépositions abstraites. Pour réaliser les trois expériences de notre

recherche expérimentale, nous avons plusieurs variables. D’abord, le groupe des participants

qui constitue une variable aléatoire. Ensuite, trois contextes sémantiques différents, le

premier contexte est représenté par des prépositions décontextualisées, que nous avons

appelé contexte zéro, le deuxième contexte, représenté par des phrases isolées, que nous

avons appelé contexte faible et le troisième et dernier contexte représenté par un texte, le

contexte fort et enfin les huit prépositions : à, de, par, pour, avec, dans, en et sur

actualisées dans le contexte faible et le contexte fort dans des emplois spatiaux, temporels et

notionnels. Les trois contextes et les huit prépositions constituent nos variables

indépendantes. Nous signalons que ce sont les mêmes variables pour les trois expériences.

Ces dernières ont été menées entre mai 2010 et mai 2011, la première expérience a été

réalisée début mai 2010, la seconde fin mai 2010 et la troisième début mai 2011 soit une

année après.

Pour étudier le rôle du contexte sémantique, les sujets ont réalisé chacune des trois

expériences dans un ordre de présentation précis et inchangé pour chacun des quatre groupes,

les participants de chaque groupe sont passés par trois étapes que nous avons appelées

tâches et qui constituent nos variables dépendantes.

Les participants sont des étudiants inscrits en première année à l’ENSET d’Oran au

département des langues en vue de préparer une licence d’enseignement en langue française.

La durée de la formation est de quatre ans. Ils sont au nombre de 80 et viennent de régions

géographiques différentes (Ouest, Est, Centre et Sud algérien), ils sont tous bacheliers

(baccalauréat séries : Lettres et philosophie, Lettres et langues étrangères, Sciences de la

nature et de la vie) et leur âge varie entre 18 et 22 ans.

Ils sont répartis en quatre groupes (G1, G2, G3 et G4)

Dans la première expérience, l’objectif est d’étudier les capacités des apprenants à identifier

les prépositions du point de vue de leurs représentations syntaxiques. Sachant que les

prépositions sont généralement construites par les apprenants à partir des apports de la

grammaire traditionnelle et de la syntaxe des prépositions. Nous posons l’hypothèse que leur

identification dans les trois contextes étudiés ne pose pas de difficulté, car elles font partie

des connaissances déclaratives des apprenants élaborées tout au long de leur cursus scolaire.

Page 105: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

105

L’analyse des résultats confirme notre hypothèse, lorsqu’un apprenant connait les

prépositions, il les reconnait et les identifie dans les trois contextes. L’ordre de présentation

des différents contextes n’intervient pas ou peu dans l’identification des prépositions. Les

résultats montrent que les participants font bien la différence entre la catégorie mots

« grammaticaux » et la catégorie mots « lexicaux ». En effet, parmi, ceux qui ont réussi la

tâche c'est-à-dire ont identifié les huit prépositions (à, de, en, sur, dans, pour, par et avec),

ont également identifié, en plus, d’autres unités comme étant des prépositions. Les unités

linguistiques identifiées comme telles sont essentiellement des mots « outils » ou

« grammaticaux », ce sont : où, qui, donc, car, comme, que… que nous avons introduits avec

d‘autres unités lexicales dans les trois contextes et que nous avons appelés distracteurs. Les

grammaires scolaires se basant sur la grammaire traditionnelle, définissent les prépositions

comme mots grammaticaux et les participants en tant qu’apprenants font de même.

C’est la syntaxe, discipline intégrée dans l’enseignement scolaire, qui traite de la

combinatoire grammaticale des mots qui prend en charge la préposition (élément outil

introduisant un groupe prépositionnel). Le groupe prépositionnel est abordé lorsque

l’enseignant traite les différents compléments (complément circonstanciel, complément

d’objet indirect, complément du nom, complément du verbe…). Les apprenants sont souvent

amenés à identifier et à caractériser un mot dans la phrase et à préciser sa fonction

syntaxique (préposition : introduire un groupe prépositionnel complément ; conjonction de

subordination : subordonner une proposition à une principale ; conjonction de coordination :

coordonner ;…).

En consultant les programmes scolaires, mais aussi les tables de matières des ouvrages de

grammaire, (Arrivé et al, 1986 ; Galichet, 1973 ; Grevisse & Goosse, 1995 ; Chevalier et al,

2002 ; Baylon, & Fabre, 2001 ; Grevisse, 2003 ; Poisson-Quinton S., 2004 ; etc.), nous

constatons effectivement que lorsque l’ouvrage fait l’entrée par les « parties de discours », la

préposition est introduite généralement dans un chapitre intitulé « Mots grammaticaux » au

même titre que les conjonctions de subordination ou de coordination. Il la présente comme

simple mot de relation et se limitent à donner des listes de prépositions et des exemples de

bon usage. Et lorsque l’entrée se fait par les « constituants de la phrase », la priorité est

donnée à la fonction syntaxique, la préposition n’étant qu’un élément parmi d’autres pouvant

introduire différents compléments et différents rapports logiques.

Page 106: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

106

Par ailleurs, nous constatons dans cette première expérience, que c’est la nature même du

contexte qui est à l’origine des différences de résultats. En effet, ce sont les contextes qui

génèrent des difficultés et non pas leur ordre de présentation. De plus, ils ne permettent pas

aux participants de réussir les tâches de manière égale. Les moyennes obtenues montrent que

tous les participants réussissent à identifier les prépositions dans le contexte zéro et le

contexte faible mieux que dans le contexte fort.

Dans la deuxième expérience, l’objectif est d’analyser l’effet de la prise en compte de la

valeur sémantique des prépositions. Nous posons l’hypothèse générale que la compréhension

des prépositions, autrement dit, l’identification de la valeur sémantique des prépositions est

la plus difficile à construire et notamment celle des prépositions décontextualisées.

Les grammaires scolaires considèrent les prépositions comme des mots outils et les

apprenants ne leur attribuent pas une valeur sémantique. Cette hypothèse a été validée, car

les résultats de cette expérience présentent les taux les plus faibles, comparés à ceux des

deux autres expériences.

Pour le groupe G3 (ce groupe commence par le contexte zéro « prépositions isolées »), la

majorité des participants donne aux prépositions à, dans et sur une valeur primaire, spatiale.

Considérer ces prépositions comme des prépositions spatiales pourrait s’expliquer soit par le

fait que le repérage dans l’espace est un ancrage de base pour la parole, considéré comme

prototype psychologique (Vandeloise, 1986 ; Cadiot, 1997 ; 2000), soit parce que les

apprenants se réfèrent à la grammaire scolaire qui se réfère elle-même à la description

traditionnelle des prépositions qui elle-même représente la meilleure illustration de ce

spatialisme. Ce prototype aurait des corrélats grammaticaux, dont prennent acte-outre les

grammaires scolaires- par exemple les théories de la grammaticalisation (Cadiot, 2001 :

118). Et donc, nous revenons à l’idée que le repérage dans l’espace est un ancrage de base

pour la parole.

Les prépositions sur et dans mobilisent immédiatement et même inévitablement une

représentation spatiale (Franckel & Paillard, 2007). Quand on envisage par exemple la

préposition dans isolément et pour elle-même, une notion d’intériorité, d’inclusion ou d’un

rapport de contenant/ contenu s’impose (Franckel & Paillard, 2007 ; Leeman, 2008).

Page 107: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

107

Pour la préposition pour, tous les participants lui ont attribué un sens premier et unique, le

but, aucune autre valeur n’a été donnée. On revient encore une fois à la grammaire scolaire

qui tend généralement à privilégier un emploi parmi d’autres. Pour la préposition pour, c’est

souvent l’expression du but. (Conséquence souhaitée). En ce qui concerne les autres

prépositions, de, en, par et avec, plusieurs valeurs ont été données, toutes dans le domaine

notionnel.

Contrairement aux participants du groupe G3, les participants des groupes G1, G2 et G4 qui

commencent par les contextes fort et faible, et non pas le contexte zéro, proposent des

réponses plus variées, ils ont attribué aux mêmes prépositions à, dans et sur hormis la valeur

spatiale et la valeur temporelle et pour la préposition pour hormis la valeur notionnelle

« but », d’autres valeurs sans doute reconnues ou identifiées dans les deux autres contextes,

étant donné que leur première étape de l’expérience correspondait soit au contexte fort, soit

au contexte faible. Ceci conforte l’hypothèse que le co-texte joue un rôle dans la

détermination de la valeur sémantique des prépositions qui puisent leur sémantisme dans les

unités coprésentes (Cadiot, 1997 ; 2001 ; 2002 ; Franckel & Paillard, 2007 ; Leeman 2008).

Le plus grand nombre des emplois identifiés sont les emplois spatiaux, les seconds sont

temporels, et viennent en dernière position les emplois dans le domaine dit notionnel. En

effet, la majorité des participants, tous groupes confondus, ont réussi à identifier la valeur

introduite par les prépositions à, dans et sur lorsqu’elles sont actualisées dans un emploi

spatial (nous partirons cet été à Paris ; cet enfant a peur de nager dans la piscine ; le cahier

est sur la table), les participants se basent sur le contexte, à savoir, les unités coprésentes

dans l’environnement des prépositions pour lui attribuer une valeur sémantique. Pour les

exemples ci-dessus, ils reconnaissent les unités Paris, Piscine et Table et leur associent un

signifié qui renvoie à un référent extralinguistique. En revanche, pour l’exemple après cette

déclaration, ce policier se trouve dans l’embarras , exemple dans lequel la préposition dans

introduit une valeur notionnelle « manière », et qui pourrait être paraphrasé par ce policier

est embarrassé la majorité des participants ont attribué à la préposition dans une valeur

spatiale ignorant, sans doute, le sens de l’unité lexicale «embarras » et attribuant à la

préposition dans un sens primaire spatial, sens largement privilégié dans les grammaires

scolaires. Les participants associent au signifiant «embarras » le signifié « lieu ».

Page 108: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

108

Rappelons que tous les participants du groupe G3 dont la première étape consiste à préciser

la valeur des prépositions dans le contexte zéro avaient attribué à la préposition pour une

valeur primaire, mais surtout unique celle de l’expression du but. Pour le contexte faible

(phrases), les participants de ce groupe lui associent d’autres valeurs notamment la valeur

spatiale dans la phrase dans quelques jours il part pour l’Europe et la valeur temporelle

dans la phrase mon amie part en voyage pour six mois. Il est clair que les participants dans

ce cas se basent essentiellement sur les éléments environnants et surtout les compléments

introduits par la préposition : Europe et six mois pour donner la valeur. Pour la phrase : ce

bandit a été condamné pour vol, exemple dans lequel la préposition pour introduit une valeur

causale, aucune réponse correcte n’a été donnée. Pour cet exemple, les participants

reconnaissent forcément le sens de l’unité « vol » ne renvoyant, pour eux, ni à un espace ni à

un temps, et l’ensemble ne renvoyant pas à l’expression d’un but (visée, objectif), ils hésitent

et ne savent plus quelle valeur lui attribuer.

Pour le contexte fort (texte), ce sont aussi les emplois spatiaux et temporels qui viennent

respectivement en première et deuxième position, les emplois notionnels arrivent quant à eux

en dernière position. Lorsque les participants identifient clairement dans l’environnement qui

suit la préposition une lexie exprimant un lieu ou le temps, ils reconnaissent et identifient la

valeur sémantique introduite par la préposition (par une journée ; pour toujours ; de la terre

de son rêve ; dans les prochains jours ; à la tombée de la nuit ; en cet endroit ; dans ce lieu ;

…). En revanche, pour les emplois notionnels (en roi des lieux, à bout de force, pour cette

faute, en silence, dans son propre intérêt, dans les difficultés,…), la tâche a été plus difficile,

rares sont les participants qui ont identifié plus de la moitié des emplois. Reconnaitre et

comprendre les unités dans l’environnement immédiat de la préposition ne suffi t plus pour

identifier la valeur de la préposition (le rapport exprimé). C’est tout l’énoncé qui fournit les

éléments nécessaires à la compréhension, ces difficultés sont dues au degré d’abstraction

élevé des prépositions. La charge sémantique de ces dernières étant très ténue et instable

voire insaisissable. (Cadiot, 1997 ; 2001 ; 2002).

Conformément aux résultats des analyses statistiques inférentielles que nous avons réalisées,

nous pouvons généraliser les résultats des participants de notre échantillon à la population

parente et supposer que l’ensemble des apprenants considèrent les prépositions comme

essentiellement des mots outils servant juste à relier les constituants d’un énoncé. Lorsqu’il

Page 109: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

109

faut leur attribuer un sens hors contexte, ils font appel à leur intuition et représentations,

autrement dit aux emplois les plus représentatifs. Parler d’un sens hors contexte (confondu

avec l’intuition naïve), c’est sortir de la langue en se pliant à l’ordre des référents (Cadiot,

2001 : 121). Et lorsque les prépositions sont contextualisées, les apprenants font appel au

contexte linguistique, à savoir les unités environnantes (coprésentes) pour en déterminer le

sens (la valeur sémantique). La reconnaissance de cette valeur dépend étroitement de la base

des connaissances lexicales des apprenants, mais aussi du degré de maitrise de la langue.

Dans la troisième expérience, l’objectif est de mesurer la capacité à produire les prépositions

dans deux contextes, le contexte faible représenté par les phrases et le contexte fort

représenté par le texte. Rappelons notre principale hypothèse : les participants réussiront la

tâche concernant le contexte faible « prépositions en phrases ». Produire des prépositions

dans des phrases sera plus facile pour les participants que de les produire dans un texte.

Cette hypothèse a été validée par les résultats de l’expérience. Dans le contexte faible, les

participants gèrent moins d’informations par rapport au contexte fort (texte). En effet, pour le

contexte faible, les phrases sont indépendantes, et les sujets lisent phrase par phrase

(contexte sémantique restreint) pour trouver et produire la préposition adéquate. Les

participants n’ont pas été confrontés à une surcharge cognitive.

Pour le contexte fort (texte), dans lequel les informations à traiter sont beaucoup plus

importantes, les sujets devaient comprendre d’une part, le texte dans sa globalité et

l’enchainement des idées, et d’autre part, comprendre la valeur que devait introduire (coder)

chaque préposition en se référant aux deux éléments X et Y, environnement immédiat de la

préposition, pour pouvoir produire la préposition adéquate et arriver à une cohérence

textuelle.

Pour le contexte fort, et contrairement au contexte faible, certains participants n’ont pas

terminé l’exercice dans sa totalité. Les « trous » qui n’ont pas été complétés se trouvent dans

la deuxième moitié du texte. Ce qui montre que les participants n’ont pas complété les trous

au hasard en ne s’intéressant qu’aux deux éléments dans l’environnement immédiat de la

préposition, mais qu’ils l’ont fait dans un ordre respectant l’enchainement des idées, c’est -à-

dire en lisant le texte du début à la fin. Par ailleurs, nous avons relevé que face à une

difficulté, l’apprenant opte pour des unités autres que les prépositions abstraites. En effet,

Page 110: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

110

malgré l’aide proposée aux participants, à savoir la liste des huit prépositions, toutes

abstraites avec lesquelles ils devaient compléter le texte, certains participants ont complété

les vides par d’autres unités linguistiques. Ils construisent du sens, comprennent le rapport

introduit, mais n’utilisent pas les prépositions proposées, sans doute parce qu’ils les

cantonnent dans un domaine bien spécifique, souvent le plus représentatif (cf. résultats

expérience 2). Les unités retrouvées sont des unités, le plus souvent, considérées comme des

mots « pleins » ou plus précisément des prépositions à charge sémantique stable, par exemple

dans : durant les hivers, plus rudes et plus impitoyables, il était contraint (…) ou encore

dans : (…) il était conscient que le rêve se transformerait facilement en cauchemar si ?

pendant les prochains jours, il ne trouvait pas le moyen de se nourrir.

Pour le contexte faible, certains participants, aussi, optent pour des prépositions autres que

celles attendues : Nous partirons cet été à / pour Paris ; Il arrive à l’heure de / à Annaba ;

Nous sommes passés à / par Mostaganem avant de rentrer à Oran ; il est avec / sur ses

gardes ; mon ami part en voyage pour / dans six mois ; … Ces phrases sont certes,

syntaxiquement et sémantiquement correctes, mais le choix de la préposition code

automatiquement des différences interprétatives. Ce qui nous amène à nous poser la question

suivante : est-ce qu’en choisissant l’une ou l’autre des prépositions, le participant saisit le

sens activé par la préposition choisie ?

Dans une démarche comparative, où nous comparons pour chaque contexte les trois

expériences nous avons formulé des hypothèses :

La première concerne le contexte zéro, énoncée comme suit : l’expérience de l’identification

sera la plus facile pour le contexte zéro ; identifier des prépositions dans une liste de mots est

plus facile que d’identifier des prépositions dans un texte ou des phrases. Cette hypothèse a

été confirmée, car les résultats, pour ce contexte, représentent les taux les plus élevés.

L’exercice a été réalisé dans un laps de temps très bref comparé aux deux autres contextes.

Nous expliquons ce résultat par la différence de quantité d’informations introduites par les

trois contextes, une simple liste de mots, des phrases et enfin un texte. Pour identifier les

prépositions, il faut effectuer un balayage des unités constitutives de chaque contexte. Ce

balayage se fait, bien sûr, plus facilement de la liste au texte.

La seconde hypothèse concerne le contexte faible, formulée comme suit :

Page 111: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

111

L’expérience sur la compréhension serait la plus facile pour le contexte faible. Pour le

contexte zéro, donner une valeur spécifique aux prépositions est quasiment impossible vu

leur polyvalence. Cette hypothèse a été validée par les résultats. C’est dans le contexte faible

que les participants, tout groupe confondu, réussissent à caractériser d’une manière aisée la

valeur introduite par les prépositions, vient en seconde position le contexte fort et en

troisième et dernière position le contexte zéro.

La troisième hypothèse concerne le contexte fort, formulée comme suit : L’expérience sur la

production serait la plus facile pour le contexte fort, car les éléments environnants X et Y

(avant et après la préposition : X prép Y), mais aussi les autres éléments du texte faciliteront

la compréhension et donc la production des prépositions. Cette hypothèse n’a pas été validée

par les résultats, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le contexte fort a généré

beaucoup de difficultés, et les participants n’ont pas réussi l’exercice. C’est encore dans le

contexte faible que les taux de réussite sont les plus élevés.

Toujours dans une démarche comparative où nous comparons cette fois le niveau de langue

des différents groupes, nous avons formulé l’hypothèse suivante : Contrairement aux groupes

G1, G2 et G3, le groupe G4 réussira mieux les trois expériences, car il bénéficie de deux

années d’apprentissage supplémentaires. Cette hypothèse a été confirmée, car les résultats

des trois expériences montrent qu’il y a une interaction entre le niveau de français et la tâche

à réaliser. Pour l’identification, cette interaction n’est pas significative en revanche, pour la

compréhension et surtout la production des prépositions l’interaction est très significative.

Les participants du groupe G4 sont ceux qui réussissent le mieux la production des

prépositions et notamment dans le contexte fort, contexte qui a généré plus de difficultés

chez les participants des autres groupes.

Nous pouvons conclure que la pratique de la langue que ce soit un enfant qui apprend sa

langue maternelle ou un étranger qui apprend une langue étrangère permet d’enregistrer dans

un premier temps les combinaisons partielles de propriétés conventionnellement acceptées

par la langue qu’il parle pour élargir par la suite l’usage de la préposition. « C’est par ce

choix que les langues diffèrent, rendant ainsi l’apprentissage des prépositions dans une

deuxième langue particulièrement difficile. » (Vandeloise, 1993 : 37)

Références bibliographiques

Page 112: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

112

Arrivé M., Gadet F., Galmiche M., (1986), La grammaire d’aujourd’hui, Paris, Flammarion.

Baylon C., & Fabre P., (2001), Grammaire systématique de la langue française, Paris,

Nathan

Cadiot P., (1989), La préposition : interprétation par codage et interprétation par inférence,

in Cahiers de grammaire n° 14, (pp. 25-50).

Cadiot P., (1997a), Les prépositions abstraites en français, Paris, Armand Colin.

Cadiot P., (1997b), Les paramètres de la notion de préposition incolore, in : Faits de

langues, (pp. 127-134).

Cadiot P., (2001), Eléments d’une critique de la notion de préposition spatiale, in : Syntaxe

& Sémantique n° 3, Presses universitaires de Caen, (pp. 117-129).

Cadiot P., (2002), Sémantique et pragmatique de la préposition, Schémas et motifs en

sémantique prépositionnelle : Vers une description renouvelée des prépositions

dites « spatiales » in : Revue internationale de linguistique française n° 44, Duculot, (pp. 9-

24).

Chevalier J.C., Benvveniste.C.Blanche, Arrivé.M.Peytard.J, (2002), Grammaire du français

contemporain, Larousse.

Franckel J.-J., & Paillard D., (2007), Grammaire des prépositions, tome 1, Ophrys.

Galichet G.,(1973), Grammaire structurale du français, Paris, Hatier.

Grevisse M., & Goosse A., (1995), Nouvelle grammaire française, Bruxelles, 3°édition, De

Boeck.

Grevisse M., (2003), Précis de grammaire française, Bruxelles, 30° édition, De

Boeck.Duculot.

Leeman D., (1997), Sur la préposition en, in : Faits de langues n° 9, pp. 135-143.

Leeman D., (1999), Dans un juron, il sauta sur ses pistolets, Aspects de la polysémie de la

préposition dans, in : Revue de sémantique et pragmatique n°6, pp.71-88

Leeman D., (2008), Enigmatiques prépositions, Prépositions du français : états des lieux,

in : Langue Française n° 157, Armand Colin, pp. 5-19.

Page 113: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

113

Poisson-QuintonS., Mimran R., & Mahéo-Le Coadic M., (2004), Grammaire expliquée du

français, Paris, CLE International.

Vandeloise C. (1986), L’espace en français : sémantique des prépositions spatiales, Paris,

Seuil.

Vandeloise, C. (1990), Les frontières entre les prépositions sur et à. Cahiers de Grammaire,

n° 15, pp. 157-184.

Vandeloise C., (1993), la couleur des prépositions : Langages n° 110, Larousse, pp. 5-26.

Page 114: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

114

Implicite et ambiguïté au service de l’humour : entre sens et argumentation

Kheira MERINE, université Oran 2

Résumé

Dans tout acte de communication se pose, à la réception, le problème du sens qui est souvent

perçu autrement que ne le souhaite l’instance productive. Nombreuses sont les causes de ce

« hiatus », causes débattues en grande partie par la pragmalinguistique (Grice, Martin, Ducrot,

Moeschler, Kerbrat-Orecchioni…). Les humoristes, quant à eux, exploitent ce phénomène pour

créer des scènes où les mots sont les outils fabriquant des décalages servant l’humour certes,

mais permettant également une forme de falsification du langage. En nous basant sur le texte

(sketch) de R. Devos « A quand les vacances ? », nous essayons de montrer le fonctionnement de

deux procédés linguistique et pragmatique dans le blocage ou le déblocage communicationnel à

savoir : l’ambiguïté et l’implicite.

Notre travail consistera à montrer comment le texte combine entre ces deux procédés

différents pour en faire des ingrédients, d’une part pour instaurer l’incompréhension qui sert

l’humour et d’autre part pour débloquer la situation, toujours à l’aide de mots articulés à deux

niveaux : leur signification et leur représentation. Notre but dans cette réflexion est de montrer la

dimension communicative du mot qui n’est pas que linguistique mais qui peut reposer sur

d’autres paramètres. Le mot donc sera l’élément clé d’analyse, il sera pragmatisé tel que l’utilise

le texte dans un but d’être soit élément ambiguïsant (Fuchs, 1996), soit élément fonctionnant

implicitement pour aiguiller le sens (Ducrot,Kerbrat-orecchioni) dans une construction

argumentative.

Abstract

In every communication act, during the reception phase, the question of meaning arises, as this

latter is often perceived differently from what the productive instance conceives it. The several

causes of this hiatus have been discussed, for a large part by pragmalinguistics (Grice, Martin,

Ducrot, Moeschler, Kerbrat-Orecchioni…).. On the other hand, comedians make use of this

phenomenon to construct situations where words contribute to create discrepancies serving

Page 115: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

115

humour indeed, but allowing a kind of language "falsification" as well. Using R.Devos' sketch

"When would the vacations be?", we shall try to unveil the functioning of the linguistic and

pragmatic processes present in the communication blocking and unblocking, namely ambiguity

and the implicit. We shall aim at showing how the text combines these two processes, on one

hand, to establish the misunderstanding that serves humour, and, on the other hand, to unlock the

situation, thanks to words articulated on both levels of meaning and representation. The

communicative dimension of the word is not solely linguistic, but is also based on other

parameters. The word will thus be the key element in the analysis, and will be pragmatised, as

the text uses it, either as a factor creating ambiguity (Fuchs, 1996), or as one functioning

implicitly to steer meaning (Ducrot,Kerbrat-Orecchioni) in an argumentative construction.

Introduction

Comme l’humour repose essentiellement sur un langage conçu pour créer des décalages, il fait

appel à des constructions textuelles où sont combinés des procédés sémiotiquement complexes.

Répondant à son aspect majeur qui est de fonctionner autour et à l’aide d’incongruité, il

sélectionne ses ingrédients pour marquer son originalité mais aussi pour répondre à une finalité

qui n’est pas que le rire. Le texte « A quand les vacances ? » de Raymond Devos, texte

constituant notre corpus d’analyse, s’inscrit dans cette logique en se démarquant par sa structure

d’apparence simple mais dont le fonctionnement sémiotique et pragmatique lui confère une

valeur oscillant entre le philosophique et le didactique, rattachant ainsi la notion d’humour à

l’une de ses origines.1 Se servant de procédés traditionnellement connus, tels que le sens ambigu

et l’implicite le texte construit sa logique interne (local logic) en se basant sur le mot et sa portée

aussi bien linguistique que pragmatique. Notre travail consiste donc à analyser la combinatoire

mise en œuvre pour faire du mot l’élément clé du texte, à partir duquel fonctionnent l’incongruité

ainsi que sa théâtralisation. Nous structurons notre texte autour du rapport qu’entretient

l’humour, dans un premier temps, avec l’ambiguïté, dans un deuxième temps, avec l’humour et

dans un troisième temps, avec la distanciation comme principale fonction discursive.

1 Dans son ouvrage intitulé « le sens littéraire de l’humour »(PUF,2010), J-M, Moura montre que la notiond’ humour permet de montrer comment de la théorie des humeurs médiévale, le concept aboutit à une « tournured’esprit » singulière, avant de devenir notion philosophique dans les écrits d’idéalistes allemands… » (cité parMyriam Bendhif-Syllas, 2011, Humour et littérature in acta Fabula [mis enligne], page consultée le 21septembre2014)

Page 116: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

116

1. L’ambiguïté mise au service de l’humour

L’humour, échappant à une norme définitoire, a toujours été considéré par rapport à des

procédés provoquant le rire. Donnant lieu à des théories, ces procédés, sont définis en fonction

de l’aspect ludique qu’ils engendrent dans un acte communicationnel ; parmi eux figurent le

contraste et l’ambiguïté. Ainsi pour Kant ( Prieogo Valverde1964 :17) « les théories du contraste

sont davantage centrées sur l’humour comme procédé ludique et tentent d’en décrypter le

fonctionnement. Le contraste réside dans l’écart entre ce qui est attendu et ce qui se produit

réellement et c’est la perception de cet écart qui déclenche le rire ». Développant cette idée,

Koestler précise que « c’est non seulement l’écart entre ce qui est logiquement attendu et ce qui

survient qui déclenche les rires mais c’est aussi et surtout le fait que l’élément qui apparait est

compréhensible selon deux niveaux de sens différents, l’un logique et l’autre incongru »

(1964 :21). On comprend que le contraste est causé par deux sens différents présentés par le

même fait de langue ce qui se rapproche du phénomène produit par l’ambiguïté qui se présente

sous forme d’un signifiant renvoyant à plusieurs signifiés, comme le précisent Le Goffic et

Catherine Fuchs, dans les définitions suivantes :

- « Un énoncé (une phrase) est ambigu quand il possède une description (représentation) à

un niveau donné et deux ou plusieurs descriptions (représentations) à un autre niveau »

(Le Goffic, 1982 :84)

- « un constituant linguistique est ambigu quand à une seule forme correspondent plusieurs

sens. […]Parler d’“ambiguïté-alternative” (Fuchs : 1996), c’est insister sur le fait que les

différents sens d’un constituant ambigu sont mutuellement exclusifs. Si c’est le sens A,

ce n’est pas le sens B (et inversement) ; il faut donc nécessairement choisir entre les deux

si l’on veut comprendre le message. »

Ce caractère biunivoque de l’ambiguïté (un signifiant renvoyant à au moins deux signifiés, 1Sa

Sé1 et Sé2…), souvent vu comme une dualité va fournir à l’humour l’un de ses éléments clés

à savoir le disjoncteur (Morin, 1966) qui va servir à la mise en place de l’incongruité ; il permet

ainsi, au Sé2 de fonctionner en prenant le dessus sur le Sé1. Dans notre texte, cette disjonction

Page 117: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

117

est mise en œuvre à l’aide de l’homophonie qui joue sur « le signifiant (phonique) identique

renvoyant à des signifiés distincts » (Gaudin et Guespin, 2000.).

1.1. L’homophonie : un disjoncteur discursif

Structuré sous forme de dialogue, notre texte installe l’incongruité dès les premiers échanges des

deux interlocuteurs par le biais de l’homophonie :

- [puʀkɑkɛlœʀ] ?

- [kɔmɑvulevukәʒәvudizkɑsiʒәnәsɛpau] ?

[puʀkɑkɛlœʀ] ? présente deux réalités qui peuvent être interprétées ainsi : « Pour Caen,

quelle heure ? » considéré comme étant Sé1 ou « pour quand ? quelle heure ? », considéré

comme étant le Sé2. C’est cette deuxième interprétation qui installe l’incongruité puisqu’elle

engendre une réponse confirmant le décalage instauré par le jeu, du fait que « le disjoncteur

favorise le passage vers S2 sans annuler S1 » ( Prieogo Valverde, 1964 :22) , ce que A. Koestler

appelle « bisociation » qu’il définit comme « […] la perception d’une situation ou d’une idée

L, sur deux plans de référence M1et M2 dont chacun a sa logique interne mais qui sont

habituellement incompatibles. On pourrait dire que l’événement L, point d’intersection des deux

plans, entre en vibration sur deux longueurs d’onde. Tant que dure cette situation insolite, L n’est

pas simplement liée à un contexte d’association, il est bisocié à deux contextes. » (1964 :21)

Les deux contextes seraient les deux univers sémantiques qui sont confrontés dans l’échange

verbal. Il reste à savoir comment fonctionnent ces univers et qu’est ce qui maintient leur jonction

loin de toute résolution.

1.2. L’homophonie source d’ambiguïté en texte.

L’ambiguïté surtout linguistique, mise en discours, est « épinglée » (Fuchs, 1996) par un

contexte plus ou moins développé, sans ce dernier (contexte), elle serait une ambiguïté virtuelle.

Pourtant l’homophonie (ambiguïté sonore) est entretenue de manière à se servir du contexte

textuel pour fonctionner selon les principes du jeu que s’est assigné le texte. Cet entretien

s’explique par le fait qu’elle est associée à un procédé dénominatif faisant appel soit à des noms

propres (NP) soit à des noms communs (NC).

Page 118: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

118

1.2.1. Homophonie et nom propre

Dans le texte le NP est employé pour désigner des lieux et plus particulièrement des villes (Caen,

Troyes, Sète), seulement, si la composante graphique de ces NP leur confère une particularité

distinctive, il n’en est pas de même pour leur composante phonique qui se confond avec celles

d’autres mots renvoyant à d’autres réalités. Ainsi, le nom de la ville se confond-il soit avec un

adverbe interrogatif exprimant le temps ([kã]Caen / quand ?), soit avec un numéral cardinal

([tRwa]Troyes / trois ; [sεt] Sète / sept). Mais ce qui renforce la mise en place du décalage

c’est d’une part le lien établi entre deux éléments linguistiques à valeurs opposées (homophonie

et NP) et d’autre part, leur mise en discours, autrement dit leur contextualisation.

1°) Homophonie/NP : lien ou contamination ?

Si l’homophonie est par essence ambiguë créant, comme nous l’avons vu plus haut, « un

débordement du sens sur la forme » (Fuchs, op.cit), le NP est d’après les différentes thèses qui en

ont débattu, lié directement au référent de sorte à ne pas être confondu avec d’autres

‘’ désignateurs ‘’1, il découle d’une convention beaucoup plus culturelle que linguistique ou

systémique. D’après Kleiber : « le nom propre « N » a pour sens la dénomination ‘’ être appelé

N’’, il est donc la désignation claire et univoque du référent. Et c’est en lui donnant , sur le plan

phonique, l’aspect d’une unité linguistique autre, que le texte dénature le NP et lui fait perdre sa

valeur dénominative référentielle et par ricochet sa représentation culturelle C’est ainsi que le jeu

du texte fonctionne aux deux niveaux de représentation : représentation culturelle, effacée au

profit de la linguistique, effacement dû à la contamination du NP par l’homophonie telle une

pathologie de la langue (Kerbrat-Orecchioni, 1999), et représentation linguistique donnant au

mot tout le pouvoir de dépasser les conventions.

2°) NP et contexte ambiguïsant

Si le mot (ici le NP) a ce pouvoir, il l’acquiert dans son rôle discursif, quand il agit dans un

environnement. Ainsi, concernant la séquence disjonctive [puʀkɑkɛlœʀ] ?, l’incongruité ne réside

pas uniquement dans l’ambiguïté du mot [kɑ], mais dans la formulation de la question où il est

employé, question marquée par une forme elliptique faisant abstraction d’éléments pouvant

1 Néologisme créé par nous-même signifiant ‘’éléments de désignation’’.

Page 119: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

119

épingler l’ambiguïté causée par l’homophonie (ex : pour aller à Caen, à quelle heure faut-il

prendre le car ?), le décalage n’est pas le fait de l’homophonie au niveau du NP, mais elle est

due aussi au cotexte qui lui est choisi.

Tout comme le NP, le NC connait le même rapport avec l’homophonie et sa mise en discours.

1.2.2. Homophonie et nom commun

La deuxième réplique dans le texte jouant sur l’homophonie pour maintenir l’incongruité et sous-

tendre l’humour, est [lәkaR] ; elle est composée d’un déterminant accompagnant un NC

(renvoyant à deux interprétations : le car/le quart). Mais ce qui lui permet d’entrer dans la

logique du jeu c’est le fait que son signifiant (ambiguïsant) jouit de la même distribution au

niveau du texte pour les deux sé, (le car était là / je suis arrivé au quart (ou je suis arrivé au car)

/ le quart est passé (ou le car est passé)). Excepté le premier exemple, dans les deux autres,

l’homophonie du mot entraine celle de la phrase :

[ ʒəsɥizaʀiveokaʀ ] je suis arrivé au quart ou je suis arrivé au car, la deuxième

éventualité s’explique par le fait que l’occurrence [kaR], signifiant moyen de transport

commun, apparaît à plusieurs reprises dans le texte (le car était là, prenez le car…)

[ləkaRεpase] le quart est passé ou le car est passé.

Dans ce troisième exemple, le phénomène de l’homophonie phrastique s’explique par le fait que

le mot [kaR] s’adapte à la construction sous ses deux formes signifiantes comme sujet du verbe

passer.

1.2.3. L’ambiguïté en contexte au service du texte humoristique.

Le texte, menant au niveau de sa structure ce travail ambiguïsant, semble avoir deux visées,

l’une apparente qui a un lien avec l’humour (plus l’ambiguïté dure, plus l’humour est maintenu)

et l’autre est d’ordre théorique : il cherche à montrer que le contexte peut aider à générer des sens

ambigus, construits d’une manière volontaire, rejoignant ainsi la position de certains linguistes et

philosophes dont Paul Ricoeur qui précise que « par divers procédés, le discours peut réaliser

l’ambiguïté qui apparaît comme la combinaison d’un fait de contexte : la permission laissée à

Page 120: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

120

plusieurs valeurs distinctes ou même opposées du même nom de se réaliser dans la même

séquence. »

C’est ainsi que notre texte construit sa progression autour d’une question ambiguë et déroutante

qui connaît deux tensions amplifiant le jeu :

- La première tension se sert de l’ambiguïté du mot [kã] pour transformer le rôle du

questionneur (en quête d’une information) en un rôle d’informateur, pour que le questionné qui

est chargé d’informer devienne demandeur d’informations. C’est l’auteur de la question de

départ qui guide l’échange jusqu’à ce qu’il soit arrivé à une entente avec son interlocuteur.

- La deuxième se construit sur un renversement des rôles où l’informateur (le personnage

principal qui fait une leçon d’histoire et de géographie) se trouve obligé d’écouter les

explications que lui présente son interlocuteur et au terme desquelles il se trouve dans la position

qu’a connue son interlocuteur au début du texte, c’est-à-dire reprenant le terme [kã] sous une

signification alors que la question visait la seconde signification. Ce n’est plus lui qui guide le

débat mais c’est l’autre qui décide de l’orientation de la communication.

Cependant, il faut reconnaitre que si le mot est ici, source d’ambiguïté, son seul aspect formel

n’aurait pu faire de lui l’élément ambiguïsant sans sa pragmatisation qui l’intègre, selon un choix

bien déterminé, dans un processus communicatif engendrant des décalages où il devient, non

seulement informatif mais indicateur de rôle, ce qui permet au texte d’entretenir l’ambiguïté et

de lui permettre d’agir en son contexte.

2. Implicite et humour : le mot pragmatisé

On est presque unanime à l’idée que

- « Plus que dans toute autre analyse littéraire, l'implicite règne en maître dans celle de

l'humour. Sous la signification de surface de ce que produit l'effet comique, se pressent

les sous-entendus, les non-dits qui contribuent à son efficacité. »1

1 Présentation de la revue Humoresques n°17, « L’humour et L’implicite, hommage à Raymond Devos », janvier2003 [en ligne] consulté le 7/10/2014 ;

Page 121: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

121

C’est ainsi que notre texte s’en sert et en fait une arme à double jeu : servir l’humour mais aussi

et surtout s’en servir comme argument. Pour ce faire, il utilise comme support à cet implicite des

éléments référentiels. Ce sont là deux notions qui s’opposent de par leur nature ainsi que de par

leur fonctionnement : les marques référentielles sont explicites et exposent le référent sans aucun

calcul inférentiel, tandis que l’implicite, qui est défini par Grice (1975) comme étant « ce qui

est communiqué moins ce qui est dit », repose sur l’inférence pour jouer entre ce qui est

linguistiquement apparent et ce qui ne l’est que par le sens. Comment donc le texte arrive-t-il à

concilier ces deux éléments du discours ?

Répondant à son genre (sketch visant le jeu sur scène), le texte pragmatisé, présente un discours

à caractère spontané découlant d’un dialogue (rapporté dans un monologue) où le personnage

principal, étant un usager des transports communs, cherche à s’informer sur l’heure de départ des

cars en partance pour Caen. Cependant, dans les échanges verbaux, quelques répliques sont

conçues pour servir de référence historique (là où a eu lieu le débarquement) qui fonctionne à

deux niveaux : l’argumentatif et l’humoristique

2.1. La référence historique, un argument désambiguïsant

La référence historique apparaît à la suite de NP qui n’ont pas réussi à représenter le lieu cité par

le personnage principal à son interlocuteur ; pourtant la suite de NP respecte une présentation

géographique du lieu progressive, allant du nom global de la région à son nom spécifique

(Normandie / Calvados), et cela pour mieux situer la ville dont le NP se confond avec un autre

mot, comme on l’a déjà vu [kã] (Caen/quand).

C’est donc une référence qui joue beaucoup plus pour la situation du lieu que pour rappeler son

histoire ; ainsi, le seul mot de débarquement 1 a réussi à rendre tous les NP (Normandie,

Calvados, Caen) signifiants avec la présence de relation, aussi bien géographique qu’historique

entre eux. C’est toute la stratégie discursive du texte qui place comme premier référent culturel le

référent historique, en le faisant transcender au référent géographico-spatial. Ainsi fonctionnant

comme noyau sémantique, cette référence va non seulement permettre à l’ambiguïté d’être

épinglée (pour un premier temps) mais en plus, elle met en relief le caractère culturel du texte

1 Il s’agit du débarquement des alliés, en Normandie, lors de la deuxième guerre mondiale, en 1944.

Page 122: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

122

humoristique. Ainsi, c’est la connivence du récepteur qui est convoquée par ce rappel historique,

qui montre que le sens de ces trois NP n’est complet, que lorsqu’il est historiquement cadré.

Ce cadrage historique se limite à l’emploi d’un seul mot, celui de débarquement dont l’incidence

au sein du discours est déterminative par rapport au contexte dans lequel il agit en apportant

« une dose massive d’informations ». Son choix n’est donc pas fortuit car « ce n’est pas parce

que le jeu est ludique qu’il est fortuit » (Prieogo-Valverde, 1964 : 45)

Ainsi, profitant de la connivence de son récepteur, le texte se voue un rôle plutôt didactique où,

en plus de données géographiques, il rappelle un fait historique qui ne doit pas être ignoré.

2.2. Référence historique et humour

Là aussi le procédé discursif est mis au service de la référence historique. En effet, le texte, à

vocation théâtrale, s’adresse au récepteur (spectateur et auditeur du texte) qui n’est pas

communiquant, mais qui participe par des réactions extralinguistiques, donc purement

situationnelles (gestes, rires, applaudissements ou silence).

Il convoque donc la présence d’un seul personnage sur scène qui va émettre à deux niveaux :

Locuteur / acteur public/ spectateur : le locuteur est le narrateur qui présente toute l’histoire

au public avec les répliques discursives intra-textuelles (discours des deux personnages) en

jouant le rôle du personnage principal (c’est lui le concerné par l’histoire), il est donc

narrateur/personnage.

Locuteur / personnage allocutaire / personnage : il s’adresse à son allocutaire qui est le 2ème

personnage et qui n’est présent que dans le texte mais absent sur scène.

Ces deux plans de l’énonciation vont jouer en faveur de l’implicite dont les sous-entendus se

déplacent d’un niveau à l’autre. Ainsi, l’emploi du couple verbe/nom : débarquer /

débarquement va fonctionner au niveau du récepteur/spectateur selon deux visées :

- La première, provoquer le rire

- - La deuxième, être invité à partager une référence historique

1°) Le rire résultat d’un décodage culturel.

Page 123: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

123

Au niveau de la réplique (ma parole, vous débarquez), le locuteur fait usage d’une expression

figée dont la signification renvoie à un codage culturel (Ducrot et Todorov, 1972) montrant

comment un citadin se démarque d’un provincial, comportement assez dédaigneux établissant

une hiérarchie dans la connaissance en fonction de l’appartenance sociale et géographique de

l’individu (le citadin est plus ‘cultivé’ que le provincial). L’humour se sert de cette figure

populaire satirique en faisant appel à la connivence du récepteur qui doit répondre

favorablement y trouvant son plaisir. Là aussi le choix de l’expression figée est motivé du fait

qu’elle permet, d’une part, de fonctionner sous forme de sous-entendu qui, d’après Martin

(1976), est « un mode d’inférence situationnelle, correspondant à un implicite pragmatique »

(Neveu 2004 :269), et, d’autre part, de servir la suite du texte en lui fournissant, sur la base

d’une contiguïté formelle et sémantique , une isotopie autour du léxème : débarquer et ses

dérivés débarquement et embarqué (« ma parole, vous débarquez », « là où a eu lieu le

débarquement », « les flics m’ont embarqué »). Les trois (pseudo) occurrences ne vont pas

avoir la même incidence au double niveau énonciatif, car, si le premier et le troisième mots

sont mis au service du rire, il n’en est pas du tout pour le deuxième qui permet une tout autre

orientation aussi bien du discours que du texte.

2°) La référence historique : un régulateur textuel et discursif.

L’implicite, au niveau du mot débarquement fonctionne en tant qu’argument montrant la

position de l’énonciateur qui sait préserver tout son sérieux à une référence historique, justifiant

son air moqueur vis-à-vis de l’employé. Mais à un niveau plus profond du texte, cet implicite sert

à expliquer le lien organisationnel du texte où le disjoncteur et la résolution sont liés au mode

référentiel du texte mêlant l’histoire à la géographie, même si cette résolution n’est que partielle

puisqu’elle va servir le jeu dans sa deuxième orientation avec inversement de rôles et continuité

de l’incongruité.

3. Humour et distanciation

Le prolongement de l’incongruité est mis au service d’une distanciation que le locuteur instaure

pour rire de lui mais aussi pour rendre compte d’une certaine réalité qu’il utilise au service de

l’humour. D’après B. Prieogo-Valverde (op.cit. : 29), la réalité est présente dans l’humour et

constitue le point de référence. Pour notre texte, cette réalité n’est autre que la langue qui permet

Page 124: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

124

des jeux de mots, tels que ceux utilisés dans et par le texte et qui selon Milner (1982) ont tout à

voir avec la compétence du locuteur. Ce savoir- faire linguistique le locuteur l’utilise non pour

tourner en dérision autrui mais certainement comme moyen de donner à réfléchir sur le pouvoir

du mot, sur la manière dont il (le mot) peut guider la communication en modulant le sens selon sa

forme et son contenu sémantique qui peuvent échapper au non averti. Le jeu de mots n’est-il pas

un « jeu d’esprit » (Mounin, 1974 : 188) qu’il serait bon d’entretenir au même titre que l’histoire

et la géographie, pour éviter d’être égaré dans la recherche d’un sens qui n’aboutit pas, comme

n’a pas abouti la communication au niveau de notre texte-corpus ?

Conclusion

Plaçant le mot et le génie de son utilisateur au cœur des débats, le texte de Devos est, sous

l’apparence d’un texte humoristique (un sketch), une réflexion sur le pouvoir communicatif du

mot qui guide la signification en fonction de paramètres tel que celui de la forme. Il reprend à sa

manière la problématique du sens en la mettant en relation avec l’aspect matériel du mot, c’est-à-

dire le son, dénonçant « l’ordinaire effacement – illusoire – du signe, transparent, « consommé »

dans l’accomplissement de sa fonction de médiation », car « le mot, le moyen du dire, résiste,

s’interpose comme corps sur le trajet du dire, et s’y impose comme objet »1 sur lequel on doit

s’arrêter pour réfléchir.

Références bibliographiques

Authier-Revuz J., (2003), « Le fait autonymique : langage, langue, discours. Quelquesrepères », Parler des mots, Paris, Sorbonne nouvelle, p. 67-96..

Bendhif-Syllas M., (2011), « Humour et littérature », in acta Fabula. [En ligne], consulté le21septembre 2014)

Fuchs, C., (1996), Les ambiguïtés du Français. Paris : L’essentiel, Ophrys.

Fuchs, C., (2009), « L’ambiguïté : du fait de langue aux stratégies interlocutives » (LATTICE :CNRS/ENS), Travaux neuchâtelois de linguistique, 50, 3-16. [En ligne] consulté le 21/9/2014

Gaudin, F., Guespin, L., (2000), Initiation à la lexicologie française ; de la néologie auxdictionnaires. Bruxelles : Duculot/De Boeck.

1 Authier-Revuz, 2003, p. 88-89.

Page 125: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

125

Grice, H.-P., (1979). « Logique et conversation ». Communications, n° 30, Paris : Seuil, pp. 57-72.

Le Goffic, P., (1982), « Ambiguîté et ambivalence en linguistique ». DRLAV, 27, 83-105

Milner, J.-C., (1982), Ordres et raisons de langue, le Seuil, 1982.

Mounin, G., (1974), Dictionnaire de la linguistique, Presses Universitaires de France

Neveu, F., (2004), Dictionnaire des sciences du langage, Armand Colin.

Prieogo-Valverde B., (2003), L’humour dans la conversation familière, Paris, l’Harmattan.

Annexe

Texte de RAYMOND DEVOS

A QUAND LES VACANCES

J’avais dit : « Pendant les vacances je fais rien, rien, je veux rien faire ». Je savais pas où

aller. Comme j’avais entendu dire « A quand les vacances ? A quand les vacances ? », je dis :

- « Bon, je vais aller à Caen »

Et puis à Caen, ça tombait bien, j’avais rien à y faire. Je boucle la valise, je vais pour prendre

le car.

Je demande à l’employé :

-« Pour CAEN, quelle heure ? »

Il me dit :: » Pour où ? »

Je lui dis : « Pour Caen »

Il me dit : « Comment voulez- vous que je vous dise quand si je ne sais pas où ? »

Je lui dis :: « Comment vous ne savez pas où est Caen ? »

Il me dit si vous ne me le dites pas

Mais je lui dis : « Je vous ai dit Caen »

Il me dit : « Oui, mais vous ne m’avez pas dit où »

Je lui dis : « Monsieur, je vous demande une petite minute d’attention. Je voudrais que vous

me donniez l’heure de départ des cars qui partent pour CAEN »

Je dis : « Mais enfin, Monsieur, CAEN, dans le CALVADOS .»

Il me dit : « C’est vague ! »

Page 126: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

126

Je lui dis : « En Normandie .Ah , je dis, ma parole, vous débarquez. »

« Ah ! il me dit, là où a eu lieu le débarquement, en Normandie, à Caen ? »

Je dis : « Voilà ! »

« Eh bien, il me dit, prenez le car. »

Je dis : « Il part quand ? »

Il me dit : « Il part au quart »

Je lui dis : « Le quart est passé ? »

« Eh bien, il me dit, si le car est passé vous l’avez raté »

Alors je lui dis : « Et le prochain ? »

Il me dit : « Le prochain, il part à 7 (sept) »

Je lui dis : « Mais il va à Caen ? »

Il me dit : « Non, il va à SETE »

Je lui dis : « Moi, je veux pas aller à SETE, je veux aller à CAEN »

Il me dit : « D’abord, qu’est-ce que vous allez faire à Caen ? »

Je dis : « Rien, rien je veux rien y faire. »

« Eh bien, il me dit, si vous n’avez rien à faire à Caen, allez à SETE ! »

Je lui dis : »Qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à SETE ? »

Il me dit : « Rien »

« Ah, je dis, si j’ai rien à y faire, alors d’accord »

« Alors je lui dis, pour SETE, il part à combien ? »

« Eh bien, il me dit, il part à 19…mais avec le chauffeur, ça fait 20. »

Il me dit, alors : « Vous l’avez raté »

Alors, je lui dis : « C’est trop tard »

Il me dit : « oui »

« Pour SETE oui, mais si ça vous dit d’aller à TROYES, j’ai encore une place dans ma

voiture ».

Je lui dis : « Qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à TROYES ? »

Il me dit : « Prendre le car »

« Mais, je dis, pour aller où ? »

Il me dit : »Pour Caen »

Je lui dis : « Comment voulez-vous que je vous dise quand si je ne sais pas où ? »

Page 127: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

127

Il me dit : « Comment, vous ne savez pas où est Caen ?

Je lui dis : « Mais si, je sais où est CAEN ; ça fait une demi- heure que je vous dis c’est dans

le CALVADOS, que c’est là où je veux passer mes vacances, parce que j’ai rien à y faire.

« Oh, il me dit, ne criez pas, ne criez pas, on va s’occuper de vous ! »

Alors, il a téléphoné au dépôt, mon vieux ! à 22 le car était là, les flics m’ont embarqué…à 3,

et je suis arrivé au quart où j’ai passé la nuit. Voilà mes vacances. Raymond Devos – IPN, 1998.

Page 128: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

128

La didactique du FLE : une discipline en construction

Abdelkrim KHETTAB

Université Sidi Mohammed Ben Abdellah-Maroc

Résumé

Le présent article est une réflexion autour de la« didactique », un concept protéiforme qui est

souvent confondu avec des concepts voisins. Il sera plus exactement question d’examiner les

contours de la didactique du FLE en précisant sa genèse ainsi que son évolution tant au niveau

conceptuel qu’épistémologique. Nous verrons, par la suite, que cette discipline est en quête de

scientificité et de reconnaissance académique vu les rapports ambigus qu’elle entretient avec les

disciplines contributoires. Plus encore, le discours didactique, empreint de pluralité, reflète la

diversité des postures chez les chercheurs. Après avoir explicité les différentes modalités de

recherche dans ce domaine, nous exposerons, en définitive, l’état actuel de la recherche en

didactique du FLE au Maroc en tant que discipline naissante.

Abstract

This paper examines the concept of didactics, a protean concept that is often confused with

similar terms. It will issue to consider the contours of the didactics of French as a foreign

language (FFL). We intend to clarify its genesis and its evolution both conceptual and

epistemological. We will see later that it is still looking for academic recognition because of the

ambiguous relationship it has with the contributory disciplines. Moreover, the didactic discourse,

marked by plurality, reflects the diversity of res earchers postures. After explaining the different

research modalities in this field,we finally expose the current state of the didactics of French in

Morocco as an emerging research discipline.

Introduction

La didactique des langues-cultures (désormais DLC) fait partie des didactiques disciplinaires, un

champ d’étude qui s’est développé particulièrement en France et dont l’objet consiste en la

réflexion sur les phénomènes d'enseignement-apprentissage. Il faut reconnaître au passage que la

didactique des sciences, et notamment celle des mathématiques, a irrigué les autres didactiques

Page 129: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

129

disciplinaires avec des notions théoriques comme situation didactique, contrat didactique(Guy

Brousseau, 1979) ou transposition didactique1 (Yves Chevallard, 1985).

Depuis son apparition au milieu des années 70, la DLC ne cesse de revendiquer une place parmi

les sciences humaines et sociales. Réputée de « discipline carrefour » (Galisson, 1986 :50) ou

même d’aubergeespagnole, elleest souvent en quête d’assises scientifiques pour raffermir son

statut académique.

Outre la difficulté de son affiliation, aux sciences du langage ou aux sciences de l’éducation, les

rapports ambigus qu’elle entretient avec les disciplines dites contributoires rendent fragiles ses

soubassements épistémologiques.

Au vu de ce qui précède, nous sommes amené à nous interroger sur le statut actuel de la

didactique. S’agit-il d’une science affirmée ou d’un simple domaine regroupant les bonnes

pratiques? S’est-elle constituée en discipline autonome ou est-elle encore en quête de maturité ?

Y a-t-il un type spécifique de recherche à même de répondre aux questionnements du champ ?

C’est à ces questions que nous tenterons d’apporter des éléments de réponse.

I. Précision terminologique : DidactiqueVsPédagogie

Il nous semble, de prime abord, nécessaire de préciser le sens des termes didactique et

pédagogie, des termes si voisins que très souvent ils sont confondus voire opposés et, plus

encore, chaque terme ne réfère pas toujours au même concept. Avec eux, vient parfois interférer

le terme sciences de l’éducation; néanmoins, ce dernier renvoie, selon Gaston Mialar et à

« l'ensemble des disciplines qui étudient les conditions d'existence, de fonctionnement, et

d'évolution des situations et des faits d'éducation ». Pluridisciplinaires par définition, les sciences

de l’éducation font appel à diverses disciplines : sociologie de l’éducation, psychologie de

l’éducation, psychologie des apprentissages, didactique des disciplines, histoire de l’éducation,

etc.

Pour situer la didactique au regard de la pédagogie, il convient dès lors de distinguer deux

niveaux :

1. Au niveau étymologique :

1Utilisée initialement en Sociologiepar Michel Verret (1975).

Page 130: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

130

Le mot « pédagogie » dérive du grec (pais, paidos) : « l'enfant », et (agogein) : « conduire,

mener, accompagner, élever ». Dans la Grèce antique, le pédagogue était un esclave qui

accompagnait l'enfant à l'école, lui portait ses affaires, mais aussi l’assistait à réciter ses leçons et

faire ses devoirs. Le mot « Pédagogie » fait son apparition en 1495dans le dictionnaire LeRobert

et en 1762 dans le Dictionnaire de L’Académie française.

D’origine grecque, Didaktikos(de didaskein = enseigner) signifie « propre à enseigner »

(Legendre, 1988 :179), le mot didactique a évolué d’un adjectif vers un substantif. L’adjectif «

didactique », apparu le premier au Moyen âge et plus précisément en 1554 (Rosay, 1988 :16),

caractérise depuis longtemps des œuvres à visée instructive. En tant que substantif, il est défini

par Comenius (1628/1657) comme : « art d’enseigner ». Le même sens traverse les siècles e tse

trouve rapporté par Le Robert (1955) et Le Littré (1960), évoluant ainsi jusqu’à désigner une

discipline, un champ voire une science.

2. Au niveau sémantique:

Généralement, la pédagogie porte son attention sur la relation fonctionnelle enseignant-élèves et

sur l’action en situation, relation où la dimension affective est très prégnante. La didactique,

quant à elle, renvoie au rapport de l’enseignant au savoir.

Pour ce qui est de la conception actuelle du domaine, beaucoup d’auteurs constatent que la

pédagogie se situe du côté de l’apprenant et fait référence à tout ce qui relève de

l’apprentissage. Elle s’intéresse aux processus intellectuels et perceptifs mis en œuvre au cours

de l’apprentissage ainsi que les principes méthodologiques du « comment faire-apprendre ».

Par ailleurs, la didactique, selon eux, se situe du côté de l’enseignant en tant que spécialiste d’un

contenu d’enseignement. Elle se résume au « quoi enseigner », par le choix du contenu, son

adaptation au public et sa structuration en séquences didactiques cohérentes, tout en obéissant à

une logique de progression dans les apprentissages.

3. Pédagogie et Didactique en classe :

En effet, dans sa pratique en classe, tout enseignant remplit deux fonctions concomitantes et

complémentaires recouvrant des types de tâches différentes :« une fonction didactique de

structuration et de gestion des contenus, et une fonction pédagogique de gestion, de régulation

interactive des événements en classe »(Altet, Charlier & Perrenoud, 2001 : 32).Comme le

Page 131: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

131

souligne Tochon (1989), le fait pédagogique se déroule dans le « temps synchronique » de

l’enseignement alors que le fait didactique est de l’ordre de la « diachronie », du temps fictif de

l’anticipation des contenus. Du coup, « penser séparément le didactique et le pédagogique est

contre-productif » (Bucheton, 2012), et pour le praticien, il est impératif de tenir les deux bouts

de la chaîne.

II. Didactique du français langue étrangère : évolution d’une discipline

La didactique du français langue étrangère et seconde (désormais DFLES) est une discipline

relativement récente. Elle a vu le jour en France et s’est développée au sein d’institutions

« marginales »(CRÉDIF, BELC)1 pendant une courte durée. Les publics visés ont surtout été des

publics non scolaires situés dans des établissements éducatifs non officiels. Cette caractéristique

lui a permis d’opérer plus librement que les didactiques travaillant sur des disciplines

correspondant à des programmes et à des examens officiels.

En tant que branche de la Didactique des langues étrangères et secondes (Cuq, 2003) ou de la

DLC (Galisson), la DFLES est venue succéder à la « linguistique appliquée2 », vers la fin des

années 70, marquant ainsi un changement à la fois épistémologique et conceptuel. Cependant, il

importe de rappeler les trois perspectives qui ont, selon nous, marqué l’histoire de cette

discipline :

1. La 1ère perspective : la Pédagogie des langues :

Cette période était propre aux méthodologies traditionnelles, et correspondait à la montée en

puissance de la Psychologie au sein des sciences humaines. Le terme pédagogie fonctionnait

comme un polysème puisque son référé englobait à la fois méthodes, manuels, outils

pédagogiques, etc. En fait, il englobait toute la pratique pédagogique, prenant ainsi valeur

générique englobant, alors que le terme Didactique était tombé en désuétude au cours de ce

siècle. Le noyau dur de cette perspective était axé sur l’enseignant.

1LeCREDIF : Centre de Recherche et d'Étude pour la Diffusion du Français ; alors que le BELC : Bureau pourl’Enseignement de la Langue et de la Civilisation françaises à l’étranger.

2Appellation calquée sur AppliedLinguistics, arrivée en France avec la méthodologie audio-orale américaine etses deux références scientifiques, le béhaviorisme et le distributionnalisme.

Page 132: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

132

2. La 2ème perspective : la période Linguistique appliquée

Cette période correspondait à la prédominance de la Linguistique au sein des sciences humaines.

Le noyau dur de cette perspective était axé sur l’objet langue, et il faut signaler, qu’à ce moment

de son histoire, la didactique renvoyait plutôt à un travail autour des méthodologies

d’enseignement. En effet, pendant les années 60-70, la linguistique a produit des modèles si

élaborés que les chercheurs dans le domaine de l’enseignement des langues ont pu penser que

l’application de ces modèles « scientifiques » dans leur domaine pouvait aplanir les obstacles liés

à l’apprentissage des langues.

C’est une logique « descendante » et « prescriptiviste » (Bigot & Cadet, 2011 : 16) par laquelle

la didactique cherchait alors à construire des modèles d’enseignement généralisables à tous les

contextes.

3. La 3ème perspective : l’émergence de la didactique/didactologie:

Cette période correspondait à la baisse de l’influence de la linguistique au sein des

sciences humaines au profit d’autres disciplines comme la sociolinguistique, la

psycholinguistique ou l’anthropologie, de sorte que, le noyau dur de cette perspective s’est

déplacé de la discipline enseignée vers le sujet apprenant. Galisson, qui était un lexicologue

particulièrement fécond en matière de néologisme en didactique, « proposa en 1977 de

remplacer “linguistique appliquée” par “la didactique des langues étrangères” » (Cuq, 2003 :

69).En 1986, il reconfigura le champ en avançant que Didactique devient Didactologie du

moment que le didacticien « réfléchit sur sa pratique et produit du discours sur cette pratique »

(Galisson, 1986).

La didactologie s’installe donc comme l’aboutissement d’une évolution, rendue possible grâce

au développement d’un paradigme « ascendant » dans les recherches en didactique, un

paradigme qui s’est construit sur la conviction que « c’est dans la pratique que naît la théorie »1.

4. Le rapport Langue-Culture en Didactique :

Il revient, encore une fois, à Galisson de proposer le concept de didactique des langues et des

cultures (1989), puis de le faire évoluer en didactique des langues-cultures (1992)(avec un tiret).

1Resnik citée par Bucheton (1995, p. 207).

Page 133: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

133

Par ce passage, il veut marquer l’indissociabilité absolue des deux éléments : Langue et Culture1.

En effet, au sein de cette discipline, la langue est «un objet d’enseignement et d’apprentissage

composé d’un idiome et d’une culture » (Cuq &Gruca, 2002: 80).

Le principe de l’indissociabilité langue-culture trouve sa légitimité dans le rapport établi entre

compétence communicative et compétence (inter-)culturelle. Il faut rappeler que l’ « approche

communicative » et l’ « approche interculturelle » ont fortement préparé le terrain à l’adoption

du double objectif langue-culture de sorte qu’aujourd’hui l’expression «didactique des langues-

cultures » est largement connue et reconnue parmi les spécialistes.

La langue étrangère, au fil du cursus scolaire, devient de moins en moins une finalité et de plus

en plus un moyen pour la découverte et la maitrise de la culture cible. Et il n’est pas un hasard

que les auteurs du Cadre Européen de Référence pour les Langues (2001) instaurent l’objectif de

« compétence plurilingue et pluriculturelle » comme finalité majeure.

En fin de compte, il apparait que chaque nouvelle appellation en didactique est symptomatique

d’une évolution épistémologique et / ou conceptuelle, propre à un moment donné de l’histoire de

la discipline. Dans cette optique, nous pouvons dire que « l’histoire de la discipline c’est aussi

une histoire de concept ». (Benhamla, 2012).

Suite à cette évolution de perspectives, nous serons amené à nous interroger sur les fondements

épistémologiques actuels de cette discipline.

III. Epistémologie et Objet d’étude en didactique :

Il fut un temps où l’objet de recherche en didactique consistait à aller chercher dans les théories

des sciences du langage et de la psychologie des modèles pour enseigner. C’était un présupposé

épistémologique « descendant »empreint d’applicationnisme. Actuellement, la perspective s’est

inversée et elle est « ascendante »,la didactique a décentré son objet vers les pratiques de classe.

1. L’objet didactique : un objet complexe

Il faut reconnaitre que l’objet didactique est fondamentalement complexe1dans la mesure où il

est question de réfléchir sur le processus conjoint d’enseignement-apprentissage d’une langue-

1 Sur cette corrélation à lire : Claude Lévi-strauss (1974) et Michael Byram (1992).

Page 134: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

134

culture. En effet,« L’objet de recherche [en didactique], qui n’est jamais un item isolé et/ou

isolable, est en fait une interaction d’objets dans des systèmes complexes »(J-P.Narcy-Combes,

2002).

Pour réfléchir sur son objet, la didactique emprunte ses outils d’analyse à des disciplines

appelées jadis « de référence »ou actuellement « disciplines contributoires » 2 telles que la

linguistique, la psycholinguistique, la sociolinguistique, les sciences de l'éducation, etc.

Est-ce là une dépendance épistémologique ? Ou est-ce la nature complexe du champ qui

condamne la didactique à l’emprunt?

2. Une discipline en quête de scientificité :

Pour certains, la didactique, assimilée à une « science de l’imprécis »(Moles&Rohmer, 1990),

couvre un domaine à la fois trop vaste et trop dépendant des paramètres environnementaux pour

qu’on puisse l’instituer en une véritable « science » dotée de ses propres théories.

Par ailleurs, la didactique souffre d’un manque de reconnaissance académique, voire d’une «

culture du mépris » (Daunay, 2011 : 13), sa scientificité est remise en cause par beaucoup

d’universitaires. Ces détracteurs « ont du mal à concevoir que les didactiques des disciplines

scolaires puissent correspondre à autre chose qu’à un corpus de savoir-faire empirique »

(Puren, 2009).

En outre, la didactique, comme discipline de recherche et de formation universitaire, peut

s’inscrire dans des cursus divers 3 ,ce qui entraîne évidemment une difficile lisibilité

institutionnelle de la discipline. Plus encore, un grand nombre de didacticiens, moins zélés,

parait-il, préfèrent se réclamer non de la didactique mais de leurs disciplines mères telles que la

linguistique, la psycholinguistique ou la sociolinguistique ; et du coup le statut de la didactique

se trouve fragilisé par ceux-là-mêmes qui seraient censés la défendre.

1« Le « paradigme de complexité » que définit E. Morin dans différents ouvrages est particulièrement adapté à ladidactique des langues ». (Puren, 1999, Glossaire)2Appelées aussi «disciplines de proximité » (Puren, 2009), ou encore « sciences de fondement » (Narcy-Combes,2006).3Sciences du langage, Littérature, Communication& Nouvelles Technologies, Cognition, Sciences de l’éducation,etc.

Page 135: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

135

3. Une discipline parvenue à maturité ?

Pour d’autres auteurs, la DLC possède sa propre épistémologie, mais forcément adaptée à la

nature de son domaine. Bien entendu, la didactique ne se suffit pas, et partant, il est parfaitement

légitime qu’elle recoure à d’autres disciplines pour se doter d’outils de travail. Autrement dit, la

nature de ce champ complexe exige que soient prises en compte plusieurs variables enchevêtrées,

à la fois d’ordre : cognitif, langagier, social, psychologique, culturel, éducatif, institutionnel et

anthropologique. Ces différents constituants forment un « tissu interdépendant, interactif et

inter-rétroactif » (Morin, 1999 : 17).

Cependant, l’emprunt théorique, qui est une entreprise hautement périlleuse, requiert de la part

des praticiens beaucoup de vigilance et un souci permanent de spécification (Daunay& Reuter,

2008). C’est là où réside l’enjeu de l’action didactique car il importe de repenser les concepts et

les démarches en fonction des contextes et des objets auxquels ils s'appliquent. Au demeurant, la

contextualisation didactique est un variable déterminant dans les recherches car il prémunit les

acteurs contre les généralisations abusives.

Il faut reconnaitre que la lente autonomisation ou, pour mieux dire, la reconfiguration

disciplinaire de la didactique, qui est un processus actuellement en cours, exige des clarifications

théoriques et méthodologiques de la part des didacticiens.

Ceci étant dit, il convient à présent de nous demander : quels sont les types de recherches en

didactique ? Et Quelle serait donc la modalité de recherche la mieux appropriée à ce domaine?

IV- Quelle Recherche en didactique ?

La didactique est une discipline à visée praxéologique, discipline où la pratique est à la fois le

point de départ et la finalité de la recherche (Halté, 1992 ; Brassart, Reuter, 1992).Dans cette

optique, la recherche en DLC peut être définie comme un acte d’« observation, d’analyse et

d’interprétation des usages (ressources, pratiques, représentations) relatifs aux enseignements

et apprentissages linguistico-culturels pouvant déboucher sur des propositions

d'intervention »(Blanchet &Rispail, 2012).

Si la plupart des didacticiens optent pour la recherche-action, il n’en demeure pas moins vrai

que la recherche fondamentale assure un rôle spéculatif indispensable à la discipline en ce

qu’elle lui permet de penser constamment ses objets.

Page 136: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

136

Cependant, avant d’expliciter ces deux tendances de recherche, il importe de clarifier une

confusion récurrente, du moins pour un observateur extérieur à ce champ, tant au niveau de la

pratique que de la recherche.

1- Confusion disciplinaire et discours pluriel:

Face à l'absence d’un paradigme dominant, nous assistons àun foisonnement méthodologique,

ainsi qu’à une pluralité des choix conceptuels. Nous relevons trois causes principales pour

expliquer ce kaléidoscope théorique (Daunay& Reuter, 2011 : 15).

La première est que les paradigmes scientifiques n’ont cessé d’évoluer durant ces 50 dernières

années, au point que les frontières entre savoirs et domaines scientifiques sont devenues moins

étanches que par le passé.

La seconde est que les didacticiens-chercheurs à l’université ont un double ancrage, ils

proviennent d’horizons différents (linguistique, psychologie, sociologie, études littéraires,

sciences de l’éducation,…), et d’où la production d’un discours pluriel reflétant leurs formations

et leurs histoires personnelles.

La troisième cause est que, à côté des chercheurs-universitaires, plusieurs acteurs peuvent

revendiquer à bon droit la didactique: formateurs, enseignants-praticiens, inspecteurs,

méthodologues, innovateurs ou concepteurs de manuel. C’est à ce titre que Michel Develay

(1997 : 62-63) distingue au moins trois attitudes du didacticien :« l'attitude descriptive (du

didacticien universitaire),l'attitude prescriptive (du didacticien inspecteur) et l'attitude

suggestive(du didacticien formateur) ».Cette pluralité d’acteurs et d’espaces de travail conduit

nécessairement à une diversité des postures de recherche. Chacune de ces recherches est amenée

à penser ses problèmes en vase clos dans un contexte spécifique et on assiste dès lors à des

recherches juxtaposées et redondantes.

Il est à signaler que dans un domaine, où « la culture de la capitalisation scientifique n’est pas

encore très ancrée dans les pratiques des chercheurs » (Daunay& Reuter, 2011),la vulgarisation

des résultats des recherches en didactique se heurte, par ailleurs, à l’absence de réseaux

communautaires en mesure de diffuser les savoirs et de mutualiser les expériences.

Page 137: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

137

2- Les types de recherches :

Comme nous l’avons énoncé plus haut, les avis sont partagés quant au type de recherche à

adopter. Bien qu’il y ait différents types, nous relevons pour notre part deux grandes

orientations :

a) La recherche fondamentale :

C’est une recherche « universitaire »éloignée des directives officielles et qui« vise à accroître les

connaissances d’un domaine, sans se préoccuper de ses applications pratiques» (Angers, 2000

[1996] : 9), autrement dit, en l’entamant, on ne présuppose pas des retombées pratiques qu’elle

pourra avoir.Un autre trait définitoire, c’est qu’elle met l’accent sur la construction théorique

soucieuse d’une cohérence interne, sans se préoccuper d’une confrontation avec le réel.

Elle privilégie les postures descriptive et explicative et prend du recul pour analyser les aspects

positifs comme les dérives des dispositifs et des pratiques d’enseignement-apprentissage en

vigueur. Sa finalité ultime consiste à modéliser les pratiques et à théoriser les phénomènes en vue

de produire un savoir académique. Ce type de recherche, faiblement orienté vers l’intervention,

propose rarement des dispositifs pour l’expérimentation.

b) La recherche-action:

Elle vise à expérimenter de nouveaux dispositifs d’enseignement, ainsi que le contrôle et

l’évaluation systématique de ces dispositifs. Elle s’inscrit dans une démarche d’intervention

« impliquée », propice à l’innovation pédagogique et au développement d’outils. Elle est la

recherche privilégiée dans les centres de formation des enseignants.

Par ailleurs, la recherche-action est préconisée par un grand nombre de didacticiens de renom1.

Selon eux, la recherche-action« est la méthodologie de la recherche la mieux adaptée pour

gérer les interrogations que suscite ce domaine ». (J-P Narcy-Combes, 2002)

S’il y a bien divergence au niveau des finalités et des méthodologies entre recherche

fondamentale et recherche-action, la didactique a fortement besoin de leurs apports théoriques

et praxéologiques, pour peu que ces savoirs soient complémentaires et non prescriptifs. Ces deux

versants de la recherche concourent à la compréhension des phénomènes d’enseignement-

1Pour n’en citer que quelques uns : D. Coste, Ch. Puren,Dabène, J-.P. Narcy-Combes, D. Macaire, Manesse,Nunan, Ellis, ...

Page 138: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

138

apprentissage et peuvent conduire, in fine, àla prise de décisions politico-institutionnelles en

matière d’éducation, mais ne sauraient en aucun cas se confondre avec elles.

4. Didactique du FLE au Maroc : états des lieux de la recherche

Au Maroc, et pour des raisons historiques, on parle de DFLE/S pour désigner la didactique qui

réfléchit sur les pratiques de la langue française au sein des institutions scolaires.

En vérité, cette didactique est à ses balbutiements pour ne pas dire qu’elle est à l’état

embryonnaire. Pour autant, les acteurs de la recherche sont de trois ordres : « institutionnels,

scientifiques et associatifs » (Mabrour, 2013) et ils opèrent au sein:

- des Établissements universitaires où les enseignants-chercheurs sont souvent de formation

linguistique et/ou littéraire ;

- des Centres de formation initiale aux métiers de l’enseignement ;

- du Réseau des Instituts français où différentes actions sont menées en matière de formation;

- d’Associations telle que l’AMEF1, ses rencontres annuelles et notamment ses universités d’été.

Il importe de souligner que le REMADDIF2, un réseau récemment installé, a pour objectifs de

mutualiser les recherches en didactique du français au sein des Masters et Doctorats, de soutenir

les structures de recherche universitaires, et enfin de nouer des partenariats au niveau national et

international. D’ailleurs, son dynamisme laisse présager qu’une communauté didactique est en

cours de constitution.

En matière de publications, outre mémoires, thèses et actes de colloques, on signale de temps à

autre des publications individuelles orientation pédagogique. On déplore toutefois l’absence de

revues spécialisées en didactique, et notamment d’une version locale de la revue Synergie3, en

regard de nos deux proches voisins, l’Algérie4 et la Tunisie, qui disposent de leurs versions

locales de la revue, et ce, respectivement, depuis 2007 et 2009.

1 L’Association Marocaine des Enseignants de Français.2REMADDIF : Réseau des Masters et Doctorats en Didactique du Français.

3Le Réseau des revues Synergies du GERFLINT(Groupe d’Études et de Recherches pour le Français LangueInternationale)est un bouquet d'une trentaine de revues de Sciences Humaines et Sociales et de Didactologie desLangues et des Cultures. http://gerflint.fr/Base/base.html4La revue Synergies Algérie, qui a publié plus de 100 articles en didactique, est actuellement à son 22èmenuméro.

Page 139: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

139

Conclusion

Nous avons vu, à travers cet article, que la DLC est un champ d’étude qui présente plusieurs

tensions. Il y a diversité des postures et une conception plurielle de ce champ par les acteurs. Si

les chercheurs forment une communauté disparate, il n’en demeure pas moins vrai que les

tensions entre théorie et pratique d’une part, entre distanciation et implication, entre visée

scientifique et engagement militant d’autre part, sont des facteurs qui fragilisent la discipline. Il

reste à préciser enfin que le caractère non stable et évolutif de la discipline fait dire à Jacques

Cortès1 que la didactique est bel et bien « une discipline en construction et reconstruction

permanentes ».

Toutefois, l’avenir de la didactique, comme champ autonome de recherche susceptible

d’apporter des connaissances spécifiques, est tributaire de la capitalisation des recherches, du

travail en synergie et de l’instauration d’un dialogue entre universitaires, formateurs, décideurs et

praticiens. Tel est, à notre sens, le défi que doit relever actuellement la didactique. Il s’agit

d’entretenir entre les différents acteurs des « relations fructueuses et dépassionnées » au lieu de

la défiance et du déni mutuel (Perrenoud, &al., 2008) car, en définitive, tout didacticien

ambitionne d’apporter sinon des solutions, du moins des éléments d’intelligibilité des processus

d’enseignement et d’apprentissage.

Références bibliographiques

ALTET,M.,CHARLIER, E,PERRENOUD, Ph., (2001) ,Former des enseignants professionnels:

Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, De Boeck Supérieur.

BENHAMLA, Zoubeida, (2012), « De la pédagogie à la didactologie : histoire d’une discipline

ou histoire de concepts ? »,Synergies Algérie,n° 15, pp. 13-23.

BLANCHET, Philippe&RISPAIL, Marielle, (2012), « La Contextualisation, Enjeux

épistémologiques et méthodologiques pour la recherche en didactique des langues et des

cultures », Séminaire : Recherches en Didactique des Langues et des Cultures, Lima (Pérou),mai

2012.

CHEVALLARD,Yves,( 1985), La Transposition didactique, Grenoble, éd. La Pensée sauvage.

1Dans la Préface de la Revue Synergies Algérie n° 15 – 2012.

Page 140: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

140

CUQ, Jean-Pierre &Gruca, Isabelle, (2002), Cours de didactique du français langue étrangère et

seconde, Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble.

CUQ, Jean-Pierre (dir.), (2003), Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et

seconde, Paris : Asdifle-Clé international.

DAUNAY, Bertrand&Reuter, Yves, (2008), « La didactique du français : questions d’enjeux et

de méthodes », Pratiques, n° 137-138, pp. 57-78.

DAUNAY, Bertrand&Reuter, Yves, (2011), « De quelques obstacles rencontrés par les

recherches en didactique du français », Pratiques, n° 149-150, p. 9-24.

DEVELAY, Michel, (1997),« Origines, malentendus et spécificités de la didactique »,Revue

française de pédagogie, Volume 120,p. 59-66.

GALISSON, Robert, (1986), « Eloge de la didactologie/didactique des langues et des cultures ».

Etudes de Linguistique Appliquée,n°64, Paris : Didier Érudition, p. 39-54.

MABROUR, Abdelouahad,( 2013), « Etat des lieux de la recherche en didactique des langues et

des cultures au Maroc: expérience du REMADDIF », Séminaire de recherche / formation en

DLC, Marrakech (Maroc), 18-19 septembre.

MOLES, Abraham&Rohmer, Élisabeth, (1990), Les sciences de l’imprécis, Paris : Seuil.

MORIN, Edgar, 1999,Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, Paris : Seuil.

NARCY-COMBES, J-P, 2002, « Comment percevoir la modélisation en didactique des langues

», ASp, n° 35-36, p. 219-230.

PERRENOUD, Ph., ALTET, M., LESSARD, C.&PAQUAY, L. (dir.), (2008) ,Conflits de

savoirs en formation des enseignants. Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de

l'expérience, Bruxelles : De Boeck.

PUREN, Christian, (2009), « La didactique des langues-cultures en France : entre maturité

disciplinaire et dépendances multiples », Colloque international« Sciences du langage et

didactique des langues : 30 ans de coopération franco-brésilienne », Université de São Paulo,

19-21 octobre.

TOCHON, François-Victor, (1989), « A quoi pensent les enseignants quand ils planifient leurs

cours ? », Revue Française de Pédagogie, n° 86, Paris, pp. 23-33.

Page 141: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

141

خصوصیات المصطلح التشریعي في الجزائر وضعا وترجمة

إیمان بن محمد.د

2جامعة الجزائر

یمكن الحدیث عن الترجمة المتخصصة عـندما ال یكفي المخزون المعرفي الذي یشـترك فیھ أكبر عدد من الناس للقیام بعملیتي

كما إنھا ). Lethuillier ،2003 :380(فك رموز الرسالة محل الترجمة وإعادة ترمیزھا، فـتـتدخل المعارف المتخصصة

).Lerat ،1995 :21-29(تستعمل لغة طبیعیة للتعبیر عن معارف متخصصة بطریقة تقنیةترجمة تتعامل مع لغة اختصاص

فالترجمة القانونیة، من ھذا المنظور، ترجمة متخصصة بامتیاز، إذ تتطلب معارف ومھارات ممیزة، وتستعین بلغة تـقـنیة

تــشكل المصطلحات والقوالب المصطلحیة الدعامة الرئیسة لھا "انونیة ومتخصصة تعـبر عن المتصورات والحقائق الق

). 45: 2000الدیداوي، ("بالمفاھیم ودقائـق المعاني التي تحملھا

ذلك ). 167: 2013بن محمد، (ال یعني أن الترجمة القانونیة ترجمة تـقـنیة " تـقـنیة"بید أن امتالك القانون لغة یمكن وصفھا

دلول، في الترجمة التـقنیة، غالبا ما یكون واحدا وعالمیا بغـض النظر عن اللغات التي تعـبر عنھ، لكنھ كثیرا ما یكون أن الم

كما إن المؤسسات والمفاھیم القانونیة لیست متطابقة بالضرورة وال یشـترك فیھا . متغــیرا من نـظام قانوني في بلد إلى آخر

). Durieux ،1996 :40(العالم بأسره

عصب"، بل إن المصطلح ھو )204: ت.حجازي، د("قضیة أساسیة في الترجمة التخصصیة"وتعد قضیة المصطلحات

لكن ھذا المصطلح یحیا، . ، وعلة استقامة معناه وجالء مضمونھ)35: 2009(كما تقول سعیدة كحیل ،"القانونيالنص

بالجزائر، في سیاق تاریخي ولغوي واجتماعي وقانوني خاص وتطبعھ جملة من السمات تمیزه عن غیره من مصطلحات ھذا

.المجال سواء في دول المشرق العربي أو حتى في دول المغرب الكبیر

مساھمتنا ھذه تروم أساسا تسلیط الضوء على ما یتمیز بھ المصطلح في النصوص التشریعیة الجزائریة سواء أكانت دستورا إن

أم قانونا أم تنظیما، السیما أن ھذه النصوص تحدیدا ال یزال تصورھا وتحریرھا باللغة الفرنسیة، عكس النصوص القضائیة

ما ھي خصوصیات المصطلح التشریعي في الجزائر؟ وما طبیعة : التساؤلین التالیینمثال، وذلك من خالل محاولة اإلجابة عن

السیاقات المؤثرة في وضعھ وترجمتھ على حد سواء؟

:المصطلح التشریعي.1

ثالثة –كما ھو معلوم –والتشریع . یمكن أن نعرف المصطلح التشریعي بأنھ وحدة معجمیة متخصصة تستعمل في لغة التشریع

مجموعة القواعـد القانونیة الصادرة عن : القانون بالمعنى الضیق للكلمة(والتـشریع العادي ) الدستور(التـشریع األساسي : أنواع

قاسم، ...) (الذي تضعھ السلطة التــــنـفیذیة، على غرار المراسیم واللوائح(والتـشریع الفرعي ) السلطة التـشریعیة في الدولة

2009 :179-194.(

تیارنا على دراسة المصطلح التشریعي تحدیدا دون المصطلحات القانونیة األخرى لعدة أسباب، لعل أبرزھا أن وقد وقع اخ

: كما إنھ یتمتع بوضع خاص في الجزائر. التـشریع ھـو أھـم مصدر للقاعدة القانونیة في أغلبیة األنظمة القانونیة المعاصرة

Page 142: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

142

العربیة والفرنسیة، علما أن النسخة الفرنسیة : الرسمیة في نسختین وبلغتینفمختلف النصوص التشریعیة تصدر في الجریدة

ومن ثم، فإن مصطلحات التشریع في الجزائر تختص ). 2013بن محمد، (ھي األصل وما نظیرتھا العربیة إال ترجمة لھا

. لنصوص الفقھیة مثالبمیزات فریدة قد ال نجدھا في مصطلحات باقي النصوص القانونیة، كالنصوص القضائیة أو ا

:خصوصیات المصطلح التشریعي في الجزائر.2

إن أھم ما یطبع المصطلح التشریعي في الجزائر وضعا وترجمة أربع میزات على األقل، وھي تأثره المزدوج بالنظام القانوني

. ومن عدم التوحید) opacité(الفرنسي وبلغة مولییر ومعاناتھ في أغلب األحیان من العتامة

acculturationتثاقف قانوني (تأثر المصطلح التشریعي في الجزائر بالتشریع الفرنسي .أ

juridique:(

ولكن قبل أن نسترسل في شرح ھذه . إن تأثر التشریع الجزائري بنظیره الفرنسي یدخل في إطار ما یعرف بالتثاقف القانوني

النور ألول مرة في الوالیات فقد رأى ھـذا المفھوم). acculturation(الخاصیة، فإننا نود ابتداء تعریف التثاقف عموما

، في مجال األنثروبولوجیا قبل )El Kaladi ،2002 :155(م 1911م، ثـم انـتـقل إلى فرنـسا في 1880المتحدة األمریكیة عام

. أن یكتسب معاني اختلفت باختالف المجاالت العلمیة التي استعملتھ

مختلفـتیناألفرادمنجماعـتینبینوالمستمر المباشراالحتكاكعنالناجمةالظواھرمجموعھواالجتماع،علمفيوالتثاقف،

الشماس،(كـلتیھماأوالمجموعـتینإحدىلدىاألصلیةالثـقافةنماذجفيتغـیراتمنالظواھرھذهتجـرهمامعالثـقافة،في

2004 :145 .(

یتفاعل مع أنظمة قانونیة من ثقافات أخرى، فإما یؤثر ھو فیھا أو، –وھو ولید الثـقافة –القانون ومن ھذا المنطلق، فإن

".التـثاقــف القانوني"أو قواعدھا القانونیة وھو ما یعرف بـ/أو مؤسساتھا و/بالمقابل، یتأثر ھو بھا ویأخذ عنھا مفاھیمھا و

الظواھرمجموعة"وكذا . )Rouland،1990 :84("آخرقانونينظاممعاتصالحالةفيقانونينـظام(...) تحول"فھو

لھـذهالقانونیةاألنماطفيتغیراتمنذلكیخلـفھوماقانونیین،نظامینبینوالمستمرالمباشراالتصالعنالناتجةالقانونیة

بإدماجھاویقومآخر،قانونينظامإلىتـنـتميومؤسساتبمفاھیمیقبلالمستـقبلالقانونيالنظامأن أيتلك،أوالجماعات

).78: 2013محمد،بن("نسـقھفي

نھ وإن كان ھـذا التحول متبادال بین بلدان تــتسم عالقاتھا بالندیة الفعلیة من خالل عملتي تأثــر وتأثـیر بین أنظمتھا القانونیة، فإ

بالمقابل غالبا ما یرتكز على عالقة قـوة بین الثـقافات المعـنـیة بھا، بمعنى أن ھذه الظاھرة ال تختزل في مجرد عملیة التأثر

، ألنھا غالبا ما تـتم في ظل وجود ثــقافة مھیمنة وأخرى مھیمن علیھا، فـتؤثر األولى في الثانیة أكثر مما "المتكافئ"أثیر والت

. تـتأثر ھي بھا في إطار عالقات القـوى التي تعطي األولویة للنـظام القانوني في الثـقافة المھیمنة

ي شقھ التشریعي، متأثر بنظیره الفرنسي الذي أخذ عنھ الكثیر من المفاھیم والمواد القانونیة والنظام القانوني الجزائري، السیما ف

. وتبنى العدید من مؤسساتھ القانونیة

لم یكن من السھل على الجزائر، أنھذلك. الزمنمنعقودطیلةالفرنسیةاالستعماریةالھیمنةإلىأساسایعزىتأثـروھو

ع وفـق نظام قانوني خاص بھا، وھي دولة 132مباشرة بعد خروج االحتالل الذي ســـیر البالد بقوانینھ طیلة سنة، أن تـشر

ن باللغة الفرنسیة .)80: 2013محمد،بن(فـتیة بإطارات قلیلة جلھا مكو

Page 143: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

143

المفاھیمي الخاص بالدولة الحدیثة " المخزون"، باللغة العربیة، طرائق التفكیر وثم إن واضعي القانون بالجزائر ال یملكون

وإن وجد ھذا المخزون، فإنھ یتعلق بمجاالت معینة –وبكیفیة تـنظیم أجھزتھا وبتحدید حقوق مختلف األطراف فیھا وواجباتھا

وتبني مؤسسات وھیاكل " الحداثة القانونیة"ولوج عھد ، مما جعل –مثل قانون األسرة المستـنبط من أحكام الشریعة اإلسالمیة

. ومفاھیم غربیة األصل أمرا ال مناص منھ

ولم یسلم المصطلح التشریعي في الجزائر من ظاھرة التثاقف القانوني، فھو متأثر بعمق بالقانون الفرنسي، كیف ال وھو یحمل

:ال الحصرجل المفاھیم القانونیة الفرنسیة، ونذكر على سبیل المثال

"loi organique", "garde à vue", "droit commun", "éligibilité", "incompatibilité des mandats",

"saisine"," pouvoir exécutif, législatif, judiciaire", "Conseil Constitutionnel", "collectivités

locales", "mandat", "motion de censure", "détention provisoire", "juridiction"…

acculturationتثاقف لغوي (تأثر المصطلح التشریعي في الجزائر باللغة الفرنسیة .ب

linguistique:(

على الجزائر إبان االستعمار وبعد االستـقالل وعـدم تمكـن ھذه )Fitouri،1983" (والثقیلةالمستمرة"إن سطوة فرنسا

عامالن مھمان انعكسا على المجتمع الجزائري وعلى –یتعذر علینا التـفصیل فیھا ھنا –األخیرة من التحرر منھا ألسباب عـدة

. ثــقافــتھ وقد تجلـیا أساسا في القانون واللغة

، فھي متأثرة كذلك بلغتھا، من خالل ما أطلقنا "التـثاقـف القانوني"بنظام فرنسا القانوني، من خالل فـزیادة على تأثر الجزائر

خر في حالة احتكاك آالتأثیر اللغوي لشعب على شعب ، ونعني بھ )Benmohamed ،2014 :327("التـثاقـف اللغوي"علیھ

.ظواھر لغویةمن وتواصل وما ینجم عن ھذا التأثیر

دائما–والجزائریینالفرنسیینبینوالعنیفالطویلاالحتكاكعنتمخضتالتياللغویةالظواھرفإن الجزائر،إلىوبالنسبة

:ھي على األقل ثالثة–" المتكافئ"والتأثیرالندیةالعالقةغیابظلفي

أوال، االزدواجیة اللغویة بین العربیة والفرنسیة التي تـشكل أحد أوجھ الخریطة اللغویة في المغرب الكبیر عموما وفي الجـزائر

. موضوع ھذا المقال–بشكــل خاص، وتـــتجلى في مجاالت كثیرة، من بینھا التشریع

السیما تلك الصادرة في -بمعنى أن جل الوثائق التشریعیة .فالجزائر تشھد وضعیة ازدواجیة لغة التشریع بأنواعھ الثالثة

، وھو الواقع الذي یفند )66: 2013بن محمد، (تكون في نسخـتین واحدة بالعربیة واألخرى بالفرنـسیة -الجریدة الرسمیة

تـبعادھا وإعــطاء اللغة الوطنیة القانون قد حسم مسألة ازدواجیة اللغة باسكونمقولةتكرارمنتسأمالالتيالرسمیةالمواقف

ما ھي إال الجریدة الرسمیةوالرسمیة األولویة، وبأن النسخة الفرنسیة التي ترافق نظیرتھا العربیة في كل مرة تصدر فیھا

ـما األصل فـالقانون ال یـزال تصوره باللغة الفرنـسیة وتحریره بلـغتین إحـداھ. ترجمة، كما ھو موضح في صفحتھا األولى

).العربیة(واألخرى لغة الترجمة ) الفرنسیة(

ویرى المختص في القانون . ثانیا، الطبیعة التنافسیة بین اللغتین ھي ثاني ظاھرة لغویة تمخضت عن تأثیر فرنسا على الجزائر

، في ھذا السیاق، أن دراسة ھـذه الوضعیة تسلط الضوء على )Babadji ،1990 :207 -209(الجزائري، رمضان باباجي

Page 144: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

144

یطالب بھا كأحد مكونات الشخصیة الجزائریة اإلسالمیة، وبین وووطنیةرسمیةلغة وجود توترات بین اللغة العربیة التي تعد

. اللغة الفرنسیة بكونھا لغة الحداثة القانونیة

وضعیة اللغویة في الجزائر من تعقید وتناقض لیس سبـبھ تعـدد اللغات بقدر ما ھـو التـناقض الكبیر بین ثم إن ما تتسم بھ ال

وھو ما تؤكده . ، أي ما ھو مصرح بھ رسمیا في الخطاب االیدیولوجي للسلطة، وبین االستعمال الحقیـقي لھذه اللغات"النظري"

لطت الضوء على البون الكبیر بین الطابع الرسمي لكـل من اللغتین س)Queffélec, Derradji ،2002(باألرقام دراسات

وقد تبین لنا أن الفرق بین مكانة اللغة . العربیة والفرنسیة وبـین االستعماالت الحقیـقیة والفعـلیة لكل واحـدة على أرض الواقع

یجزم بأن حضورھا في السوق اللغویة ) بالمائة21.9(ومكانتھا الحقیقیة على أرض الواقع ) بالمائة52.10(العربیة الرسمیة

الجزائریة أقل بكثیر مما ھو علیھ في الخطاب الرسمي، بعكس اللغة الفرنسیة التي تــقــترب كـثیرا من العربیة من حیث

,Queffélec(. ال تحتل المكانة ذاتھا التي تحظى بھا لغة الضاد–رسمیا –، مع أنھا )بالمائة16.1(اسـتعمالھا الحقیـقي

Derradji ،2002:104-105 (

)interférence linguistique(اللغويالتداخلالمرةھذهفتخص بفرنساالجزائرتأثرعنناتجةلغویةظاھرةثالثأما

الجزائر الترجمة القانونیة في میولفيأساسایتجلىماوھوأخرى،لغةفيمعینةلغةخصائصاستعمالعمومابھیقصدالذي

.إلى اللغة المنقولة، أي الفرنسیة باتــباع الطریقة الشكلیة التي تحبـذ أسالیب الترجمة المباشرة ونسخ البنـیة األصلیة

من خالل " garde à vue"الذي نسخ عن التعبـیر الفرنسي "توقـیف للنظر"ومثاال على ذلك، نذكر المصطلح التشریعي

وتركـیــــبھ من القانون الفرنسي إلى القانون الجزائري، بتطبیق العملیة المزدوجة التي ترتكز علیھا عادة آلیة نــــقـــل مـعـناه

، ثــم تعویضھا بعناصر مماثلة في اللغة المنقول إلیھا )مصدر+ حــرف + مصدر (تحلـیل عـناصر الشكل األجنـبي : النـسخ

فأعید، بذلك، بـناء النموذج األجنــبي باللجوء مباشرة، في اللغة المنقول ). صدرم+ حــرف + مصدر ) (النظر+ لـ+ توقیف(

إلیھا، إلى النسخ الشكلي المحض دون مراعاة خصوصیات اللغة المنـقول إلیھا أو ما قد ینجم من عجمة داللیة تسيء إلى المفھوم

).366: 2013بن محمد، (أكثر مما تخدمھ

" الوضع تحت الحراسة"الت عربیة أخرى تبنت خیارات أخرى غیر النسخ الشكلي، على غرار ونشیر ھنا إلى وجود مقاب

. بلبنان، وغیرھا" احتجاز على ذمة التحقیق"بتونس، و" االحتفاظ"بالمغرب، و

aptitude d’être"الذي یقصد بھ " éligibilité"نسخا للتعــــبیر الفرنسي "قابلیة االنتخاب"كما یعــــد تعبیر élu" ،

. بمعنى أن یكون الشخص أھال لیـنــتخب، أو لیكون منتخبا

بمعنى انـتخب، والالحقة المركبة ) élire(إلى وحدات صرفیة، یـبـــین تشكلھ من الجذر " éligibilité"فتحلیل مصطلح

)ibilité (التي تضم الحقـتین) :ible (والدالة على مفـھوم اإلمكان والقابلیة واألھلیة ،)ité ( للداللة على المصدر، بتحـویل

. الصفة إلى اسم

نةللعناصرالحرفيالنقلاعتمد"قابلیة االنتخاب"العربيالمقابلواضعلكن ) انتخب()élire(الفعل: للمصطلحالمكو

غموضھوكذااألصل،المفھومأداءفيالمقابلھذادقةعدمیراعيأندون،)مصدر+ قابلیة) (ibilité(المركبةوالالحقة

ألنالنائبتؤھـــلالتيالشروطھيلیستناخــبایكونألنالنائبتؤھلفالشروط التي : بقراءتــــین مختلفـــتینیوحيكونھ

)367: 2013بن محمد، (.والمفعولیةالفاعلیةیحتمل"انتخب"الفعلأنالسیمامرشحا،یكون

Page 145: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

145

، بمعنى قــدرة "aptitude"الفرنسیة التي خص بھا المصطلح الفرنسي تــتحدث في معظمھا عـن ســمة كما إن التعریفات

، بمعنى الصالحیة والجدارة "أھلیة"وعلیھ، فإنــنا نرى أن مفردة . الشخص على القیام بشيء معــین على الــوجھ األكمل

" األھلیة"ثــم إن . ، التي توحي باالستعداد والتھـیؤ والقـدرة"بلیةقا"والكفاءة، أفضل في تأدیة المعنى الفرنسي من مفردة

". قابلیة"أدق داللة من مفردة –اعتـــقادنافي–ومن ھنا، فھي . المقصودة ھــــنا ذات طابع قانوني

، في حین آثر كل "شحشروط التر"، اختار التشریع التونسي مثال مصطلح "conditions d’éligibilité"وللتعبیر عن مفھوم

..." الشروط الواجب توافرھا في"من مصر وتونس العبارة الشارحة

:عتامة المصطلح .ج

ال شك أن المتأمل في نصوص التشریع الجزائري كثیرا ما یقف عاجزا أمام فك شفرات العدید من مصطلحاتھ بسبب الترجمة

عملیة تسمیتھا السمات المفاھیمیة أو یظھر بعض منھا لكن دون أن یعـــین المتلقي السطحیة التي تفتقد ألي داللة، وتغیب في

نة للمصطلح، وھي الصفات ذاتھا المتوفرة في ما أطلق علیھ فیلیب توارون ) Thoiron ،1994(على فــھم العناصر المكو

الـذي ) signifiant transparent" (الشفاف"دال وھو عكس ال) signifiant opaque" (معدوم الشفافیة"أو " الدال المعـتم"

. یـدخـل في عملیة تسمیـتھ أكبر عدد ممكن من السمات المفاھیمیة

فيوالنــظر. المصطلحاتمنمصطلحداللةتحدیدفياألساسوالعنصرالمصطلحعلیھایـبنىالتيالقاعدةھوفالمفھوم

یمثلالذيبالمفھوم(démarche onomasiologique)لنھج تسمیة المفاھیموفقا،یـبدأاختیارهإلىوالسـعيالمصطلح

). 139: ب2003الحیادرة،(مناسبةبصورةوتأدیتھحملھعلىقادرلفـظعنللبحثالمصطلحواضعمنھاینطلقالتيالنـقطة

ذلكعلىیدل مافیجداإلحاطة،كاملبداللتھیحیطأنالمصطلحواضععلىینبغيإذمزدوجة،عملیةالمفھومتحدیدإن "ثم

). 111: 2005الدیداوي،("ومنھبھمفھومھإلىیھتديأنیصادفھمنیستطیعبحیث

أھمیة النظر في السمات مثال،،)loi organique" (عضويقانون"مصطلح–مترجمباألحرىأو–واضعأدركھللكن

المفاھیمیة والبحث عن تسمیة تعكس أبرزھا؟

بأن حقیقیةمعرفةدونعلیھالمصطلحوبنى" العضو"وھو" organe"لـكلمةاألولالمعنىاستعملأنھذلك. الھوالجواب

واللفظ) العلمیةالداللة(المفھومبینخلطإنھكما. العربیةاللغةفيمألوفغــیرأمرباألعضاءوھیئاتھاالدولةأجھزةتسمیة

إلىیؤديمماالعلمیة،المصطلحداللةفيالبحثتعمقالالتيوالسطحیةالحرفیةالترجمةعملیةفي) اللغويالدلیلمجرد(

«فـ).27: أ2003الحیادرة،(العربیةاللغةإلىالعلومنـقلكیفیةعلىینعكسخاطئفھم

).40: 2008القصار، (»

الـدالالصفـــةبھـذهیخص الــذيتوارونفیلیبتعبیرحد على،"شفافا"جاء"loi organique"الفرنسيالمصطلحأن بید

. المفاھیمیةالسماتمنممكنعددأكبرتسمیـتھعملیةفيیدخـلالذي

التي تصف ھذا النوع من القوانین تحیل في " organique"إلى أن الصفة الفرنسیة ) transparence" (الشفافیة"ومرد ھذه

" organisation"والمصدر " organiser"أو على الفعل /، أي جھاز أو ھیئة في الدولة، و"organe"األصل على االسم

الحالتین، ال عالقة لھذه الصفة بما ھو عضوي، كما جاء في الترجمة الجزائریة وفي كلــــتا . بمعنى نظم وتـنظیم السلطات

).212: 2013بن محمد، (".قانون عضوي"الرسمیة

Page 146: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

146

Pluralité des équivalents arabes pour un seul(تعدد مصطلحات المفھوم الواحد .د

terme français:(

قیمة داللیة یجب أن تحترم وتبعات قانونیة ینبغي أن –خاصة –یعي والمصطلح التشر–عموما –إن للمصطلح القانوني

تـصان، ومع ذلك فاالستعمال المصطلحي في ھذا المجال بالجزائر غیر موحد، فنجد للمفھوم الواحد عدة تسمیات في الوثیقة

. مما قد یؤثر سلبا على فھم القاعدة التشریعیة وبالتالي تطبیقھاالواحدة،

:كومثال ذل

Mandat= مـدة، مھـمة، نـیابة، عھدة

Juridiction= جھة قضائیة، ھیئة قضائیة، محكمة، القضاء

Collectivités locales =مجموعات محلیة، جماعات محلیة

Conditions d’éligibilité =شروط النیابة، شروط قابلیة االنتخاب، شروط صالحیة االنتخاب

Détention =الحجز،الحبس

:وھمااألقل،علىرئیسینسببینإلىرأینا،فيالمصطلحي،التباینھذاویعزى

رغم أھمیتھ بالنسبة إلى نص قانوني طویل یتضمن العدید من المواد القانونیة –وھو أحد أوجھ المراجعة –أوال، غیاب التنسیق

. األنسب من وجھة نظرهوتقتضي ترجمتھا تـدخل أكـثر من مترجم، كل یختار المقابل الذي یراه

بنك مصطلحي في مجال القانون بالجزائر یكون مرجعا أساسیا لكل المترجمین القانونیین في شتى فروع القانون، ثانیا، غیاب

الوقوع في فخ التباین المصطلحي الفادح الذي نشھده الیوم من وثیقة المصطلحات القانونیة العربیة،عن طریق توحیدفیجنبھم،

. ونیة إلى أخرى، بل في الوثیقة القانونیة الواحدةقان

:الخاتمة

حاولنا من خالل ھذا المقال التركیز على أھم ما یطبع مصطلحات التشریع الجزائري، تحدیدا، وضعا وترجمة، ورأینا كیف أن

وباللغة الفرنسیة من جھة ثانیة، المصطلحات المستحدثة في النظام القانوني الجزائري متأثرة في معظمھا بھذا النظام من جھة

باإلضافة إلى كونھا كثیرا ما تعاني من العتامة ومن عدم توحید استعمالھا، وكل ذلك راجع إلى السیاق الخاص والمعقد الذي

ة قبل تحیا فیھ ھذه المصطلحات، ال سیما في ظل تنامي ظاھرة ازدواجیة لغة القانون وتحریر الكثیر من القوانین باللغة الفرنسی

.ترجمتھا إلى العربیة

وبغیة سد مواطن النقص االصطالحیة، فالبد أوال من االعتراف بوضعیة ازدواجیة لغة التشریع تحدیدا وبأصل تحریر معظم

نصوصھ باللغة الفرنسیة، ومن ثم التركیز أكثر على النسخة العربیة المترجمة وتكوین مترجمین أكفاء تكوینا مزدوجا جادا

). التحكم الحقیقي في اللغتین(وفي اللغة ) أبجدیات المجال، التخصص(في القانون :وفعاال

Page 147: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

147

علىالواقـفبالموضوع،الملم المتخصصالعالمویا حبذا لو یستعین المترجم أثناء نقلھ المصطلحات من لغة إلى أخرى ب

.لالصطالحالمعرفيبالمجالالخبیروبالمصطلحيسماتھ،أھم واستخراجالمفھومفيالتحكمعلىوالقادرمضامینھ

إنشاء بنك جزائري خاص بالمصطلحات فيیكمناألمثلالحلأننرىفإنناالواحد،المفھوممصطلحاتتعددإلىوبالنسبة

القانونیة یكون مرجعا ألھل االختصاص، فیسھل علیھم عملیة الترجمة وینعكس إیجابا على نوعیتھا ویضع حدا للترجمات

.السطحیة ولفوضى المصطلحات

نفى فیھا خروج أي لـغة سلیمة من عملیة ) Beaudoin ،2007 :172(ولعل أحسن ما یمكن أن نختم بھ مقولة لـلویس بودوان

Alexis Deاحتـكاك اللغات واألنظمة القانونیة، بعـد أن نقـل الحسرة التي أعرب عنھا المفكر الفرنسي ألكسي دو توكفیل

Tocqueville جلسة محاكمة في الكیبیك وسماعھ اللغة التي تحدث بھا المحامون والشھود، حیث 1831عند حضوره، سنة ،

:علق قائال

« Je n’ai jamais été convaincu (en sortant du tribunal) que le plus grand et le plus irrémédiable

malheur pour un peuple c’est d’être conquis. »

بأن أكبر شر قد یلحق بشعب وال یشفى منھ ھو أن یكون ) وأنا خارج من المحكمة(لم أكن أبدا أكثر اقـتناعا قبل الیوم "أي

).ترجمتنا" (مستعمرا

:قائمة المصادر والمراجع

:باللغة العربیة

تحلیلیة مقارنة للنسختین العربیة دراسة . إشكالیة ترجمة الخطاب التشریعي في الجزائر). 2013. (بن محمد، إیمان

.2جامعة الجزائر. معھد الترجمة. أطروحة دكتوراه في الترجمة. والفرنسیة للدساتیر الجزائریة بعد االستقالل

.دار غریب للطباعة: القاھرة. األسس اللغویة لعلم المصطلح). ت. د. (حجازي، محمود فھمي

المصطلح اللغوي العربي، الكتاب األول، واقع المصطلح اللغوي العربي من قضایا ). أ2003. (الحیادرة، مصطفى طاھر

.عالم الكتب الحدیث: األردن. 1. ط. قدیما وحدیثا

من قضایا المصطلح اللغوي العربي، الكتاب الثاني، نظرة إلى توحید المصطلح ). ب2003. (الحیادرة، مصطفى طاھر

.عالم الكتب الحدیث: األردن. 1. ط. واستخدام التقـنیات الحدیثة لتطویره

الدار . 1. ط. الترجمة والتواصل، دراسة تحلیلیة عملیة إلشكالیة االصطالح ودور المترجم). 2000. (الدیداوي، محمد

.المركز الثقافي العربي: البیضاء

المركز الثقافي : البیضاءالدار. 1. ط. منھاج المترجم بین الكتابة واالصطالح والھوایة واالحتراف). 2005. (، محمدالدیداوي

.العربي

.منشورات اتحاد الكتاب العرب: دمشق. دراسة). األنثروبولوجیا(مدخل إلى علم اإلنسان ). 2004. (الشماس، عیسى

. القاعدة القانونیة: القاعدة القانونیة ونظریة الحق، الجزء األول. المدخل لدراسة القانون). 2009. (قاسم، محمد حسن

.منشورات الحلبي الحقوقیة: بیروت

. 2. ع. 17. م. ترجمانمجلة ". المصطلح العلمي العربي بین منھجیة الوضع وضرورة التوحید). "2008. (القصار، محمد

. 61-38ص .ص. طنجة. أكتوبر

Page 148: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

148

. 18. م. انترجممجلة . مقاربة تأویلیة في ترجمة الخطاب التشریعي. دیداكتیك الترجمة المصطلحیة). 2009. (كحیل، سعیدة

.44-11ص .ص. طنجة. أكتوبر. 2. ع

باللغة الفرنسیة

BABADJI, R. (1990). Désarroi bilingue : notes sur le bilinguisme juridique en Algérie. Droit et

société. revue internationale de théorie de droit et de sociologie juridique. 15. L.G.D.J. Paris.

207-217.

BEAUDOIN, L. (2007). La traduction juridique au Canada. Contraintes linguistiques et

juridiques. L’apport de la jurilinguistique, in J-J. SUEUR (dir.) Interpréter et traduire. actes de

colloque international. Faculté de Droit de Toulon, 25 et 26 novembre 2005. 171-188.

Bruxelles : Bruylant.

BENMOHAMED, I. (2014). La traduction juridique en Algérie entre « acculturation linguistique

» et « acculturation juridique ». in Le traducteur et son texte : Relations dialectiques, difficultés

linguistiques et contexte socioculturel. 8-9 Avril 2013. Université Misr pour les Sciences et la

Technologie. département de français. 325-330. Egypte.

DURIEUX, Ch. (1996). La traduction en milieu judiciaire : difficultés et enjeux. Revue des

Lettres et de traduction. 2. 39-53. Liban : Kaslik.

EL KALADI A. (2002), Acculturation et traduction. Cultures en contact. 153-168. Artois

Presses Université.

FITOURI, Ch. (1983). Biculturalisme, bilinguisme et éducation. Paris : Delachaux et Niestlé,

Neuchâtel.

LERAT, P. (1995). Les langues spécialisées. Paris : PUF.

LETHUILLIER, J. (2003). L’enseignement des langues de spécialité comme préparation à la

traduction spécialisée. META. vol. 48. n°3. 379-392.

QUEFFÉLEC, A., DERRADJI et al. (2002) Le français en Algérie : Lexique et dynamique des

langues. Bruxelles : Éditions Duculot.

ROULAND, N. (1990). L’anthropologie juridique, Que sais-je ?. 2528. Paris : PUF.

THOIRON, Ph. (1994). La terminologie multilingue : une aide à la maîtrise des concepts.

META. vol. 39. n° 4. 765-773.

Page 149: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

149

Compte- rendu d’ouvrage

Wafa BEDJAOUI

U. Alger 2

Bruno Maurer

Mesurer la francophonie et identifier les francophones

Inventaire critique des sources et des méthodes

Paris, Editions des archives contemporaines, 2015.

Coordonné par Bruno Maurer, cet ouvrage, à la fois statistique et épistémologique, met l’accent

sur les réalités sociolinguistiques hétérogènes en francophonie. Il s’agit de dresser les résultats

de recherches menées dans plusieurs disciplines (sociolinguistique, lexicologie, démographie) et

dans plusieurs contextes (médias, écoles, internet, famille, monde du travail) en situations

francophones multilingues. Objets et méthodes d’enquêtes sont donc soumis à un examen

critique afin d’aider les chercheurs débutants, doctorants ou confirmés soit de travailler sur des

données déjà existantes ou de construire leurs propres corpus.

A l’initiative de l’Observatoire de la langue française de l’organisation international de la

francophonie (OIF), en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie ( AUF) et

l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF) de l’Université

de Laval (Québec) , le 2e Séminaire international sur les méthodologies d’observation de la

langue française tenu à l’OIF en octobre 2014 concrétisé par la publication de cet ouvrage

s’inscrit dans la lignée des rencontres scientifiques visant à la promotion de la recherche

francophone.

Scindé en trois parties, ce livre se propose dans la première partie, sous la plume d’Alexandre

Wolff, Responsable de l’Observatoire de la langue française, d’appréhender la définition de

« locuteur francophone ». L’auteur s’attarde aux notions de « francophones réels »,

« francophones partiels », « francophiles », « les francophones de naissance » et appuie ses

propos par des exemples de situations multilingues dans lesquelles cette typologie de

« francophones » est recensée à la suite de données recueillies par des quelques organismes ou à

Page 150: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

150

l’aide des acteurs du terrain « universitaires, coopérants et autorités administratives des pays ».

Or, ces sources ne tiennent pas compte de toutes les situations et doivent être examinées avec

prudence et recoupées.

Il est vrai que chaque source a son intérêt, mais aussi ses limites ; d’où l’importance de cet

ouvrage qui constitue une ossature méthodologique à exploiter dans les enquêtes de terrain en

francophonie.

La deuxième partie est consacrée à l’ « inventaire critique des sources et méthodes ». Sont ainsi

débattues les méthodes d’observation afin de délimiter les différentes dimensions à même de

décrire l’ensemble des réalités relatives à la langue française. Pour ce faire, trois chapitres

constituent cette deuxième partie. Dans le premier chapitre, il s’agit de recenser les sources

mobilisables pour le recueil de données relatives à l’observation de la langue française dans le

monde (pp. 14-60). Dans le deuxième chapitre (pp.61- 175), une analyse des différents types

d’enquête sur les réalités francophones est amorcée. Chaque enquête est présentée par objet

d’étude et porte successivement sur les points suivants :

- Le comptage des francophones ;

- Les pratiques langagières en francophonie ;

- Les représentations des langues en francophonie ;

- Le français dans un contexte plurilingue ;

- Les usages du français en francophonie ;

L’intérêt de ce chapitre réside dans le fait de présenter chaque enquête selon un canevas commun

qui met en exergue ses principales dimensions et pointe à la fois mérites et limites. Nous jugeons

indispensable d’exposer ledit canevas qui est constitué de :

- Nom de l’enquête

- Discipline concernée

- Niveau(x) de recherche

- Objets (s)

- Modalités et conditions de mise en pratique

- Intérêt

- Limites ou points à améliorer en aménageant le protocole de recherche.

Page 151: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

151

Les 16 enquêtes étudiées sont numérotées par objet pour permettre leur identification.

L’importance de cette partie se situe dans la diversité des situations analysées et analysables,

puisque d’aucunes présentent des limites en matière de protocole de recherche.

Quant au troisième chapitre de cette partie (pp. 177-182), il synthétise, sous forme de tableaux,

les objets de recherche et les méthodes d’enquêtes précédemment mentionnés. Deux tableaux

sont ainsi mis en avant ; le premier focalise l’intérêt sur les méthodes d’enquêtes( Grille

d’analyse, Baromètre de Calvet, Méthode d’analyse combinée des représentations, enquête par

questionnaire sur les compétences, recensement et autres sources statistiques), tandis que le

deuxième prend comme point de départ le type de données relatives « à la langue recherchée »

(Connaissance et compétence, usages et pratiques, images et représentations, présence et statut).

La troisième et dernière partie (pp.180-200) résume le 2e Séminaire international sur les

méthodologies d’observation de la langue française. Bruno Maurer y excelle dans sa synthèse

des débats qui ont porté sur les définitions de « francophones ». L’on retrouve, à cet effet, une

proposition de « francophones initiaux » plutôt que de langue maternelle. Sans oublier l’intérêt

accordé la question des représentations attachées à la langue française, puisqu’elle est

déterminante dans les pratiques langagières. Les plus importantes recommandations auxquelles

ont aboutis les différents chercheurs qui ont contribué à la publication de cet ouvrage peuvent

être récapitulé en ces points :

- Distanciation quant à l’exploitation des sources de données en général ;

- Croisement et recoupement- autant que possible- des différentes informations

(sources et études) ;

- Recherche de données qualitatives (transmission familiale, la présence numérique,

etc.) ;

- Actualisation des grilles d’appréciation des situations de francophonie ;

Etude des pistes de recherche qui privilégie les champs suivants : la transmission familiale et les

espaces privés, le monde du travail, les industries culturelles et le numérique.

Page 152: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

152

Résumés de quelques mémoires de master, de magistère et de thèses de doctorat soutenus

au département de français (Université d’Alger 2) au cours de l’année 2016

Mémoires de master en « Didactique »

BOUMAIZA Soumaya, « Les pratiques enseignantes de la compréhension de l’écrit en 5e

année primaire », dirigée par Pr. AMOKRANE Saliha.

Melle Boumaiza nous donne à lire un travail remarquable de master sur les pratiques

enseignantes de la compréhension de l’écrit en 5e année primaire. Pour mener à bien son travail

de recherche, elle tentera de répondre à plusieurs interrogations à savoir : En quoi consistent les

pratiques enseignantes de la compréhension écrite en classe de 5e AP ? Comment est-elle

enseignée et par quel moyen pédagogique ?

Réalisé en plus de 100 pages et avec une table des matières extrêmement détaillée, nous avons

pu constater l’intelligence de Melle BOUMAIZA à exploiter toutes les informations, concepts et

outils pour répondre aux questionnements précédemment formulés. Une très grande objectivité

se dégage également de cette appréciable recherche. Avec une souplesse stylistique

remarquable, l’étudiante excelle dans la présentation de l’état de l’art de la question ainsi que

des techniques d’investigation (observation et questionnaire).

Deux parties scindent cette étude. La première partie qui est constituée de trois chapitres se veut

une partie théorique dans laquelle la candidate s’attarde aux notions de « compréhension de

l’écrit », « les processus de ladite compréhension » et « son enseignement selon les instructions

officielles ». La deuxième partie est consacrée à la méthodologie du recueil des données et à leur

analyse. A vrai dire, un effort considérable est fourni par l’impétrante tout au long du cette

recherche. Son analyse est faite en trois temps puisque son corpus est constitué de trois « mini-

corpus » à savoir : le programme de la compréhension, les données recueillies de l’observation

de classe et les réponses récoltées à la suite de la distribution du questionnaire.

Page 153: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

153

Mémoires de master en « Analyse du discours et interactions verbales »

BRAKTIA Sara, « Analyse des interactions verbales sur le réseau social « Facebook », Cas

des groupes estudiantins du département de français de l’université d’Alger2 », dirigée par

HESSAS Hakim

Mlle BRAKTIA Sara se propose d’étudier les interactions verbales d’étudiants internautes dans

le cadre du réseau social « Facebook ». Pour ce faire, elle a réparti son travail de recherche, qui

contient plus de 90 pages, en deux chapitres clairement détaillées et délimitées. Elle consacre le

premier chapitre à quatre points essentiels qui font l’objet de son cadre méthodologique et

théorique. Elle nous présente, de prime abord, le corpus collecté, le cadre d’étude et le contexte

d’analyse. Nous estimons que cette façon de faire (commencer par la présentation du corpus puis

aller vers la théorie) est originale et adéquate à sa thématique.

Elle fait ensuite appel aux concepts qui lui serviront de fondement théorique à son analyse

interactionnelle. Il s’agit donc de l’analyse du discours, de l’analyse thématique, de l’analyse

pragmatique et de l’énonciation. Nous tenons à signaler que l’impétrante a déployé des efforts

louables quant à ses lectures théoriques, ce qui lui a permis de cerner les notions clés de son

travail de recherche.

Le chapitre pratique nous a également permis de confirmer ce constat notamment au travers de la

lecture de la l’analyse des interactions. Presque toutes les notions théoriques ont été exploitées

intelligemment. Sans oublier la grille d’analyse conçue sur la base du modèle S.P.E.A.K.I.N.G

de Hymes pour analyser les compétences communicationnelles des étudiants, et ce afin de

dégager les caractéristiques conversationnelles de ce groupe social dans un cadre numérique.

Page 154: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

154

CHIKHI Assia, « Les générateurs de la violence verbale dans un forum de discussion pour

poètes », dirigée par GRINE Nadia.

Un imposant mémoire de master de 174 pages nous a été donné à lire. Dès les premières pages,

cette recherche met en branle une implacable rigueur scientifique par la présentation détaillée de

la table des matières.

Il s’agit d’appréhender les générateurs de la violence verbale dans un contexte numérique précis,

celui des forums de poésie. La candidate puise son socle théorique dans la communication

médiatisée par ordinateur (Marcoccia, Baym, Parker) et dans l’analyse des interactions verbales

(Grice, Orecchioni, Vion, Goffman).

Pour mener à bien son travail de recherche, l’impétrante a divisé son travail en deux parties. La

première partie est scindée en trois chapitres dans lesquels elle cernera les notions de

communication médiatisée par ordinateur, de forums de discussion et de violence verbale. Elle y

présentera également, dans le troisième chapitre de cette partie, la méthodologie de travail

adoptée.

La deuxième partie, dans laquelle elle expose les résultats de son étude, est divisée en deux

chapitres. Le premier chapitre se veut « contextualisant » de ladite situation de communication

qui s’inscrit en interactions verbales numériques, voire « virtuelles ». On y observe l’analyse de

la violence verbale sous toutes ses formes sur le forum en question. Le deuxième chapitre met en

exergue l’analyse des différents déclencheurs de la violence verbale.

Nous tenons à préciser que ce travail de recherche louable s’inscrit dans le cadre des travaux

« synchrones » dans la mesure où la candidate a choisi d’analyser un corpus « authentique »

d’actualité.

Page 155: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

155

IHADADENE Maya, « Altérité et stéréotypes dans le discours de presse française autour

de l’affaire de la burqa », dirigée par Ait Dahmane Karima

Melle Maya Ihadadene nous présente un travail original relatif à la question des représentations

véhiculées sur la burqa en France. Ce travail académique comporte 116 pages suivies d’annexes

dans lesquelles est inséré le corpus constitué d’articles tirés du journal français « le Monde ».

Respectant les démarches requises dans tout travail scientifique, Melle Ihadadene répartit son

mémoire de magistère en quatre chapitres. Elle donne un aperçu diachronique de son objet de

recherche, à savoir « la burqa » dans les différentes religions célestes. Or, nous aurions souhaité

voir l’étudiante expliquer le choix du terme « burqa », dans le titre, par rapport aux autres mots

ayant une même signification, d’autant plus que « burqa » est rarement utilisée dans le mémoire,

et est remplacé par « voile ».

Dans le deuxième chapitre, la candidate met en avant ses outils conceptuels et méthodologiques

de l’analyse du discours. Cependant, elle ne fait point le lien entre les différentes approches

énumérées et leur intérêt par rapport à son objet d’étude et à son objet scientifique, à savoir

l’altérité et les stéréotypes.

Quant au troisième chapitre, il est consacré à l’étude épistémologique des représentations, du

discours journalistique et de l’altérité. Ce chapitre théorique est indispensable pour une

meilleure appréhension de tous les concepts clés du mémoire. Le quatrième chapitre contient les

résultats de l’analyse discursive des articles recueillis sur la question de la burqa.

Mémoires de master en « Sémiotique »

HARDI Amel et LAGGOUN Amel, “Etude sémiotique des stratégies icono-linguistiques

des caricatures d'Ali Dilem, Dirigées par Mme BEDJAOUI Wafa.

Hardi Amel et Laggoune Amel ont réussi à nous présenter un mémoire de master de grande

qualité scientifique qui fait montre de rigueur et de d’exigence de la démarche méthodologique et

du raisonnement analytique. Sur 126 pages, elles ont pu « complexifier » un thème qui parait, de

prime abord, sans intérêt. Leur réflexion a suivi un cheminement logique qui nous a permis de

comprendre le choix des outils méthodologiques et des choix épistémologiques. Les impétrantes

Page 156: REVUE ALGERIENNE DES SCIENCES DU LANGAGErevuealgeriennedessciencesdulangage.e-monsite.com/medias/... · 2016-11-28 · Le discours de quelques parents de la ville de Bejaia sur la

156

ont conjointement travaillé le processus « déconstruction- construction » de l’objet de recherche

qu’est les caricatures de Dilem pour parvenir à leur analyse et leur interprétation que nous

estimons à la hauteur d’une recherche académique.

L’objectif de ce travail de recherche est donc de comprendre comment la caricature de Dilem, ce

système sémiotique complexe, s’élabore en tant que communication médiatique dans laquelle

interagissent plusieurs aspects qui donnent du sens. Ainsi, les constituants de la caricature sont

excellemment inventoriés, répertoriés dans une grille élaborée à cet effet. L’analyse se veut une

analyse descriptive et interprétative divisée en deux parties : une première partie consiste à

comparer les constituants des caricatures sélectionnées afin de repérer les redondances et de

dégager une quelconque morphologie dans les caricatures de Dilem. La deuxième analyse

consiste à étudier tous les messages portés par les différents systèmes de signes qui composent

chaque caricature pour arriver au message que le caricaturiste souhaite véhiculer.

Afin de répondre à leur problématique, les candidates ont divisé leur travail en trois chapitres

dont les deux premiers sont consacrés à l'élaboration du cadre théorique sur lequel reposera

l'application.

En effet, le premier chapitre, intitulé « Le signe : éléments théoriques ». Il est consacré à cette

science, son évolution, ses premières écoles, ses théories pionnières, ainsi que les différentes

approches du signe. Le deuxième chapitre, intitulé « Image et caricature », est consacré,

ensuite, à l’objet de recherche, la caricature. Ainsi, il s’agit d’abord de l’image, son histoire, son

évolution, ses types, ses formes, pour arriver à la caricature, ses procèdes, ses fonctions et ses

techniques. Le troisième chapitre, intitulé « Analyse et interprétation de la caricature », constitue

la partie pratique. Il s’agit, de prime abord, de la présentation des journaux et des 13 caricatures

sélectionnées. Par la suite, les candidates entament l’interprétation minutieuse et l’analyse

détaillée des composantes des caricatures (les vêtements des personnages, les gestes des mains et

des pieds des personnages, les émotions des visages, les textes des titres et des bulles et la

relation texte/image) en utilisant des tableaux et des grilles.