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Numéro 178 DEMEURE HISTORIQUE À la découverte des villas palladiennes *Ce compte-rendu tient compte des légères variations de programme entre les deux groupes. La campagne vénitienne vue depuis la colonnade de la villa Rotonda à Vicence © Florence Trubert Les participants du premier voyage posent avec Ludovico Valmarana devant La Rotonda © Florence Trubert Afin de développer les échanges avec des propriétaires de monu- ments et de jardins européens, la Demeure Historique a inauguré, en juin dernier, un cycle de voyages d’études. L’objet est de découvrir le patrimoine privé afin de partager l’expérience de ceux qui le font vivre. Le premier de ces voyages* qui a été réparti sur deux groupes nous a conduits sur les traces de l’architecte Andrea Palladio, à l’occasion de la célébration du 500 e anniversaire de sa naissance. Escapade en Vénétie, guidée PAR A RMAND DE F OUCAULT, HISTORIEN DE LART

Revue de la Demeure Historique (décembre 2010)

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Numéro 178DEMEURE HISTORIQUE

À la découverte

des villas palladiennes

*Ce compte-rendu tient compte des légères variations de programme entre les deux groupes.

La campagnevénitienne vuedepuis lacolonnade dela villaRotonda àVicence© FlorenceTrubert

Lesparticipantsdu premiervoyage posentavecLudovicoValmaranadevant LaRotonda© FlorenceTrubert

Af in de développer les échanges

avec des propr iéta i res de monu-

ments et de jard ins européens, la

Demeure H is tor ique a inauguré,

en ju in dern ier, un cyc le de

voyages d’études. L’objet est de

découvr i r le patr imoine pr ivé af in

de partager l ’expér ience de ceux

qui le font v ivre.

Le premier de ces voyages* qui a

été répart i sur deux groupes

nous a condui ts sur les t races de

l ’arch i tecte Andrea Pa l lad io , à

l ’occas ion de la cé lébrat ion du

500e anniversaire de sa naissance.

Escapade en Vénét ie, gu idée PAR

ARMAND DE FOUCAULT, H ISTOR IEN

DE L’ART

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Numéro 177DEMEURE HISTORIQUE

PALAIS ET VILLAS DE VICENCE ET VÉRONE

Cette rencontre avec l’œuvre de Palladio commencepar le centre historique de Vicence qui possède troisdes plus grands chefs-d’œuvre du maître : le palaisChiericati, la basilique et le théâtre Olympique.

La façade du palais Chiericati est constituée d’unedouble loggia, reposant sur des colonnes doriques,l’ordre préféré de Palladio au début de sa carrière. En remontant les rues de Vicence, où alterne l’archi-tecture gothique et Renaissance, apparaît le palais Barbaran da Porto, autre palais projeté par Palladio,dont la cour est décorée, sur deux côtés, de superbesportiques d’ordre ionique. Sur la place des Seigneursse dresse la basilique dont les portiques ont été entièrement reconstruits par Palladio. Nous nous sommes ensuite rendus à la célèbre villa

Capra Valmarana, dite La Rotonda à cause de sonplan centré embelli sur les quatre façades d’élégantspronaos d’ordre ionique. Nous y avons été accueillispar son propriétaire, Ludovico Valmarana qui nous afait pénétrer dans les salons puis dans la rotonde centrale surmontée d’une magnifique coupole décoréede stucs. La Rotonda servit, en 1980, de décor autournage du film Don Giovanni de Joseph Losey.

En sortant de La Rotonda, les grilles de la villa auxNains se sont ouvertes pour nous : Carolina Valmarana,

U RO P EE

La villaValmaranadite encore « villa auxNains »© CatherineScheidecker

CarolinaValmaranaentourée parCatherineScheidecker etArmand deFoucault © DR

Lespropriétaires

de la villanéo-

palladienne deSyam, bâtie

sur le plan deLa Rotonda,

aux côtés deLudovico

Valmarana© Florence

Trubert

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qui nous attendait pour le déjeuner, nous fait découvrirsa demeure qui possède parmi les plus grands décors defresques dus à Gianbattista Tiepolo et à son fils Giandomenico. Dans la villa, les décors reprennent lesgrandes épopées d’amour tirées de l’Antiquité et descontes fabuleux du Moyen Âge, tandis que dans la foresteria (maison des invités), ce sont les chinoiseriesqui sont à l’honneur. Après une découverte du centre historique de Vérone,Marina Giusti del Giardino nous a reçus, pour un dîneraux chandelles, dans le superbe pavillon de l’Amour quisurplombe le jardin Giusti. Construit par ses ancêtres auXVIe siècle sur le modèle de l’Académie fondée par Platon, ce lieu est dédié à la méditation intellectuelle.

U RO P EE

Le style palladien

S’inspirant de l’Antiquité classique, Palladio privilégie

les formes géométriques et cherche à créer une harmonie

des volumes. Il reprend des éléments de l’architecture

gréco-romaine : plan centré, ordres classiques, portiques,

coupoles, fronton, escaliers monumentaux. Au début du

XVIIIe siècle, le style de Palladio revient à la mode, sous

l’appellation de néo-palladianisme, dans divers pays

d’Europe. Il connaît un regain de popularité au XIXe siècle

en Europe, puis en Amérique du Nord, avec les édifices

imaginés par Thomas Jefferson.

Numéro 178DEMEURE HISTORIQUE

Le stylepalladien

reprend deséléments de

l’architecturegréco-romaine

© CatherineScheidecker

Portrait degroupe des

participantsau 2e voyage

© DR

Dans leChianti, lethéâtre deverdure desjardins de laPojeda© FlorenceTrubert

Les jardinsGiustidominent laville deVérone© FlorenceTrubert

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Numéro 178DEMEURE HISTORIQUE

Comme dans tous les jardins maniéristes, le parcoursest celui de l’élévation de l’âme qui traverse les vicissitudes de l’existence symbolisées par les zonesd’ombre, les grottes et les labyrinthes.

VILLAS AUTOUR DE VÉRONE

À la villa Trissino-Marzotto qui conserve la série destapisseries des Gonzague actuellement exposées auPalazzo Te à Mantoue, nous avons été reçus par Gianino Marzotto. Les salons présentant les tapisseriessont régulièrement loués pour des réceptions.

Dans la belle région de Valpolicella, à proximité dulac de Garde, les jardins de Pojeda, propriété de Maria-Christina Guerrieri Rizzardi et de sa sœur, GiovannaLoredan Bonetti, par ailleurs très engagée dans le FAI

(cf. encadré), déploient d’incomparables perspectivesd’ifs et de cyprès et possèdent l’un des plus beaux théâtres de verdure d’Italie. Nous étions ensuiteconviés à déjeuner dans la fraîcheur de l’orangerie ouvrant sur des parterres de buis. La journée s’est achevée avec la villa Emo, dite La Montecchia où nous avons été accueillis par Francesca Papafava dei Carraresi qui a trouvé une solution originale pour faire vivre sa maison : la location saisonnière.

U RO P EE

Le FAI : Fondo Ambiente Italiano

Créé en 1975, le FAI est une fondation à but non lucratif qui gère 35 sites et monuments qui lui appartiennent. Sa première

dotation remonte à 1976 : 1 000 hectares de terres sur l’île de Panarea. Suivirent ensuite donations ou acquisitions de

châteaux, villas ou abbayes. Il bénéficie du support de 72 000 adhérents qui, selon le modèle du National Trust, ont un accès

illimité à toutes les propriétés. Le FAI, qui s’appuie sur plus de 500 bénévoles, bénéficie également d’un mécénat d’entreprise

très actif par le biais d’actions push. Un système « Corporate Golden Donors » offre des privilèges aux entreprises pour un

montant de 2 900 euros déductibles. Le montant total investi dans les restaurations s’est élevé à plus de 10 millions d’euros

et le budget de fonctionnement total s’est élevé à 31 millions d’euros.

www.fondoambiente.it

La surintendance pour les biens culturelset artistiques architecturaux en Vénétie

Organisée par régions, la surintendance dépend du mi-

nistère des biens et activités culturelles en Italie. Lors de

travaux de conservation ou d’entretien, l’aide accordée

peut se situer autour de 30%, moyennant une ouverture

au public sur rendez-vous. Après accord de l’adminis-

tration fiscale, ce régime permet également une réduc-

tion des charges sur l’impôt foncier.

L’orangeriedes jardins de

la Pojedasert de salle àmanger d’été

© FlorenceTrubert

FlorenceTrubert etArmand deFoucault auxcôtés deGiuseppeGuerrieri-Rizzardi et satante GiovannaLoredanBonetti ,propriétairesdes jardins dela Pojeda© DR

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Numéro 178DEMEURE HISTORIQUE

PALAIS DE VENISE

Le troisième jour fut consacré à la visite de deux desplus beaux palais de Venise donnant sur le GrandCanal : le palais Dona delle Rose, dernier palais habitéà Venise par les descendants de la famille qui l’aconstruit. On y trouve de nombreux souvenirs de la

bataille de Lépante, au cours de laquelle la familleavait combattu. Au rez-de-chaussée du palais, Gaiaet Chiara Dona delle Rose ont créé un atelier de fabrication de tissus peints à la main, reprenant une ancienne tradition vénitienne. Au cours du déjeuner concocté par Gaia et son chef,un dessert spécial DemeureHistorique nous a été servi : unsorbet à base de melon etd’huile d’olive.Cette journée vénitienne s’estachevée par la rencontre avecAnna Barnabo qui a créé dansle jardin du palais MalipieroBarnabo, une roseraie ouvrantsur le Grand Canal.

Gaia Donadelle Roseexpliquantl’histoire de safamille© FlorenceTrubert

Anna Barnaboprésentantl’histoire deson palais etde sesjardins© FlorenceTrubert

Le jardin deroses dupalaisBarnabodonnant sur leGrand Canal àVenise© FlorenceTrubert

La salle àmanger du

palais Donadelle Rose à

Venise© Florence

Trubert

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Numéro 178DEMEURE HISTORIQUE

VILLAS AUTOUR DE PADOUE ET DE TRÉVISE

À Padoue, la chapelle des Scrovegni conserve intactson décor réalisé par Giotto en 1305. L’université dePadoue est l’une des plus anciennes au monde. C’estdans l’école de médecine que se trouve la chaire deGalilée et le Palais du Bœuf contient le premier amphithéâtre d’anatomie bâti en 1490 sur le modèlede gradins entourant une table centrale. Le jardin botanique, fondé en 1545 à l’initiative de l’école demédecine est considéré comme le plus ancien d’Europe.Une cité consacrée aux disciplines scientifiques depuis de nombreux siècles.Enfin près de Trévise, nous avons renoué avec lethème « Palladio » par la visite des deux plus grandes villas réalisées par le maître : la villa Barbaro à Maser, dont les décors de fresques sontdus à Véronèse, et la villa Emo Capodilista à Fanzolo, où fut initiée la culture du maïs à grandeéchelle en Europe. Des dizaines d’espèces de végé-taux, légumes et fruits sont représentés à profusionsur les murs, témoignant des richesses agricoles exceptionnelles de la villa dès le XVIe siècle. La villaEmo a été vendue par ses derniers propriétaires à labanque du Credito Trevigiano qui y a créé une fondation présidée par Nicola di Santo. L’ensemble

de ces maisons, qui nous ont accueillis, conserveune belle allure préservée du temps grâce à leurmaintien dans leur famille d’origine et à l’action degestionnaires sensibles. �

Nous tenons à exprimer nos remerciements les plus chaleureux aux

propriétaires qui nous ont accueillis dans des conditions

exceptionnelles : Ludovico Valmarana (la Rotonda), Carolina

Valmarana (la villa aux Nains), Nicolo Done delle Rose et sa

fille Gaia Done delle Rose (palais delle Rose), Anna Barnabo

(palais Malipiero Barnabo), la comtesse Emo (villa Emo) et

Nicola di Santo, président de la fondation Emo, Maria-Christina

Guerrieri-Rizzardi, Giuseppe Guerrieri-Rizzardi, Giovanna

Loredan Bonetti et Giacomo Marrotto.

Deux anecdotes de visite

- À la villa Maser, les visiteurs sont invités à enfiler des

chaussons de feutre afin de protéger les sols.

- À la villa aux Nains, pour maintenir les portes ouvertes,

les propriétaires ont disposé des sacs remplis d’objets

lourds et noués d’un ruban de satin.

Nicola diSanto nousaccueillantsous lacolonnade dela villa Emo© FlorenceTrubert

La villaBarbaro

célèbre pourses fresquesdu Véronèse

© FlorenceTrubert

La villa EmoCapodilistarachetée parun groupebancaire pouren faire unefondation© FlorenceTrubert