7
Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64 | automne 2013 | 7 $ Les Filles du roi Jeanne Mance Les Irlandais de Montréal Amédée Papineau L’incendie du parlement Les Filles du roi Jeanne Mance Les Irlandais de Montréal Amédée Papineau L’incendie du parlement

Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64 | automne 2013 | 7 $

Les Filles du roiJeanne Mance

Les Irlandais de MontréalAmédée Papineau

L’incendie du parlement

Les Filles du roiJeanne Mance

Les Irlandais de MontréalAmédée Papineau

L’incendie du parlement

Page 2: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

Visitez le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal et découvrez les origines de Montréal, la fondation de l’Hôtel-Dieu par Jeanne Mance, et l’œuvrede soins des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph.

Des visites du jardin et de la chapelle sont offertes

sur réservation : 514-849-2919. Consultez notre site :

www.museedeshospital ieres.qc.ca

Jeanne Mance a été proclamée fondatrice de Montréal à l’égal du fondateur Paul de Chomedey, sieur deMaisonneuve, par la Ville de Montréal, le 17 mai 2012.

MUSÉE DES HOSPITALIÈRES DE L’HÔTEL-DIEU DE MONTRÉAL

201, avenue des Pins Ouest

Montréal (Qc) H2W 1R5

Page 3: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

Les 764 pupilles de Louis XIV,envoyées par la France entre1663 et 1673, pour peupler sa

colonie canadienne, MargueriteBourgeoys les appela, presque unquart de siècle après l’arrivée du pre-mier contingent, les « Filles du roi ».À première vue, ces femmes saines,pauvres, en général orphelines, maisnullement prostituées, pourraientnous rendre un peu mal à l’aise.

Le meilleur spécialiste de la ques-tion, Yves Landry, ne souligne-t-il pasque « seulement 20 % d’entre ellessavaient signer leur nom » ? La plu-part venaient des milieux populaires.

Comme Landry le précise, « près de15 % des Filles du roi étaient issuesde la noblesse ou de la bourgeoisie,soit une proportion normale dans lapopulation française d’AncienRégime ». Mais même ces privilé-giées et leurs familles avaient connul’infortune.

Malgré tout, ces jeunes femmes,dont nous célébrons, cette année, le350e anniversaire de la venue du pre-mier contingent, avaient une singula-rité qui fera leur grandeur. Souventoriginaires de Paris ou de la région,elles répandirent ici un français uni-forme, qui tranchait sur la situation

globale dela France del’époque,dont ladiversité linguistiques’illustraitsurtout parune multi-tude depatois.

L’unité dans la communication quela France n’acquerra qu’après laRévolution, le Québec la doit àd’humbles femmes, qui non seule-ment remédièrent au déficit démo-

MONTRÉAL EN TÊTE 3

COUVERTURE :Montréal vu du pont Victoria, construit,entre 1854 et 1859, en bonne partie pardes ouvriers immigrés d’Irlande.Photo : Linda Turgeon

Numéro 64 • automne 2013

Revue de la Société historique de Montréal,organisme fondé en 1858 par Jacques Viger, premier maire de la ville

SOMMAIRE

3 Convergence • MICHEL LAPIERRE

4, 7, 10 La SHM au cœur du Montréal culturel

5 Les Filles du roi, mères d’une nation • VIRGINIE BOULANGER

8 Amédée Papineau et le domaine de Bellerive • GEORGES AUBIN

11 Les Irlandais à Montréal • SIMON JOLIVET

14 La Saint-Barthélemy de Montréal (1853) • JEAN-CLAUDE GERMAIN

16 Regard neuf sur des illusions entretenues • LOUIS GAGNON

18 Le sort du monde fixé ici en 1759 • MICHEL LAPIERRE

19 Montréal au tournant des années 1750 • ÉRIC MAJOR

20 Jeanne Mance, cofondatrice de Montréal • ANNABEL LOYOLA

24 L’incendie du parlement (1849) et la presse britannique desdeux côtés de l’océan • FRANÇOIS DESCHAMPS

28 Qui est le Carignan du quasi mythique régiment de Carignan-Salières ? • ÉLISABETH GALLAT-MORIN

30 Autour de la maison Brignon-Lapierre • MICHEL LAPIERRE

À travers les livres

32 Papineau, républicain des Amériques • GEORGES AUBIN

32 Jacques Viger et la guerre oubliée de 1812 • JEAN-RÉMI BRAULT

33 Place Ville Marie et la cité réinventée • JEAN DÉCARY

34 Claude Ryan au cœur des débats • JEAN-RÉMI BRAULT

34 Lacorne Saint-Luc le méconnu • LISE LAVIGNE

35 Notre histoire, surtout un récit • JEAN-RÉMI BRAULT

36 Anita Caron et l’amour du patrimoine • VIRGINIE BOULANGER

36 L’histoire nationale, pomme de discorde • JEAN-RÉMI BRAULT

37 Les Patriotes sur le mode épique • JEAN DÉCARY

37 L’autonomie universitaire de la métropole • JEAN-RÉMI BRAULT

Montréalen têteLa mémoirede la métropoledu Québec

Convergence Filles du roi et mères d’une résistance culturelle

Maison Malard-Deslauriers (construite entre 1810 et 1812),

siège de la Société historique deMontréal, place Jacques-Cartier.

Photo : Réjean Mc Kinnon

Page 4: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

graphique d’une colonie menacée,dès le début, par une présenceanglaise beaucoup plus considérablesur la côte est de l’Amérique duNord, mais lui donnèrent une forcede cohésion remarquable. Les Fillesdu roi corrigèrent une situation oùles hommes désireux de se marierétaient de 6 à 14 fois plus nombreuxque les femmes nubiles et firentdavantage.

Elles insufflèrent la puissance derésister « à tous les moyens d’absorp-

tion et de destruction » d’un peuple« qui ne voulait pas mourir », selonles termes qu’emploie, dans une let-tre inédite de 1893, le fils aîné deLouis-Joseph Papineau, Amédée,grand épistolier et diariste méconnude notre XIXe siècle. L’affirmation surla ténacité nationale est d’autant pluslourde de sens que l’ancien Fils de laliberté, à cause de son exceptionnellelucidité géopolitique, doutait terrible-ment de la survie culturelle dessiens.

Michel Lapierre

Revue de la Société historiquede Montréal, organisme fondé

en 1858 par Jacques Viger,premier maire de la ville

462, place Jacques-CartierMontréal (Québec)

H2Y 3B3

Téléphone : 514 878-9008 info@societehistoriquedemontreal.orgwww.societehistoriquedemontreal.org

Directeur :Jean-Charles Déziel,

président de la Société

Rédacteur en chef :Michel Lapierre

Secrétaire de rédaction :Lise Lavigne

Concepteur de la maquette :Olivier Lasser

Metteur en pages :Réjean Mc Kinnon

La Société historique de Montréal (SHM)est membre de la Fédération des sociétés

d’histoire du Québec.

Fondé par Lise Montpetit-Cadotte, présidente de la SHM de 1991 à 1995,

et conçu à l’origine comme le bulletinde l’organisme, Montréal en tête

paraît depuis février 1993.

Abonnement d’un an (un numéro),incluant l’adhésion ou le renouvellement

de la cotisation annuelle à la SHM : 30 dollars. Les personnes déjà membres

de l’organisme reçoiventla revue gratuitement.

Nous exprimons notre gratitude au gouvernement du Québec,

en particulier à M. Jean-François Lisée,ministre des Relations internationales,

de la Francophonie et du Commerce extérieur et ministre responsable de la région de Montréal,

et à M. Maka Kotto,ministre de la Culture et des Communications,

pour l’aide financièreque nous avons reçue.

Nous remercions également nos commanditaires

du monde de l’édition et du milieu muséal.

Dépôt légal : 3e trimestre 2013ISSN : 1205-6510

4 MONTRÉAL EN TÊTE

LA SHM AU FIL DES JOURS

Le 17 octobre 2012, à la réceptionannuelle de la Ville en l’honneur desmembres de la Société historique de

Montréal, l’historien Denis Vaugeois a obtenude l’organisme le prix Percy-W.-Foy pour sonlivre Les Premiers Juifs d’Amérique (1760-1860), publié au Septentrion et consacré à lafamille Hart, établie à Trois-Rivières après1760, et au reste de la minorité juive qui seforma dans la vallée du Saint-Laurent.

La SHM a dévoilé, le 25 novembre 2012,au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, le bustede Pierre-Pascal Bourque, patriote de 1837-1838, copie en résine de l’œuvre de Louis-Philippe Hébert. Après avait été volé, l’originala été retrouvé et placé en lieu sûr. Des mem-bres de notre organisme, Georges Bellemare

et Sylvain Gaudet, ont décrit le buste et lapierre tombale en replaçant Pierre-PascalBourque dans le contexte de son époque.Michel Lapierre a ensuite donné des explica-tions sur le monument élevé à la mémoire desPatriotes par l’Institut canadien de Montréal,sur l’ange, aussi sculpté par Hébert, qui sur-monte le monument funéraire de la famille deSimon Valois (1791-1866), et sur ce marchandmontréalais lié, avec ses frères, au mouve-ment politique inspiré de Papineau.

À la suite de la commémoration annuellede la fondation de Montréal à la basiliqueNotre-Dame et à la place d’Armes, le19 mai 2013, la SHM a organisé, pour sesmembres, un repas convivial au restaurantLe Bourlingueur, rue Saint-François-Xavier.Une cinquantaine de personnes y avaientréservé leurs couverts.

Le 8 juin 2013, à la résidence desHospitalières de l’Hôtel-Dieu, avenue des Pins,la SHM a tenu son assemblée généraleannuelle. Elle a élu son conseil d’administration.Jean-Charles Déziel demeure président etGeorges Bellemare, trésorier. Michel Lapierre

succède à Lise Lavigne à titre de bibliothécaire.De nouvelles figures font partie du conseil.Albert Juneau, ancien journaliste au Devoir,accède à la vice-présidence ; Robert Comeau,

professeur émérite d’histoire de l’UQAM, ausecrétariat. L’assemblée a manifesté le vif désirque la SHM participe aux démarches visant àprotéger la valeur patrimoniale et paysagère dusite de l’Hôtel-Dieu de Montréal.

Grâce à l’heureuse initiative de l’un de sesmembres, Gilbert Lévesque, la SHM a prispart, le 8 juillet 2013, aux cérémonies du cen-tenaire de la mort tragique de Louis Hémon àChapleau, en Ontario. Georges Bellemare y areprésenté notre conseil d’administration. Cetautomne, un colloque est prévu à l’UQAM surl’auteur de Maria Chapdelaine, roman dactylo-graphié à Montréal en 1913. À la demande dela SHM, le gouvernement québécois a reconnuofficiellement, à l’occasion du centenaire, l’im-portance d’Hémon dans notre histoire.

Les conférences de la Société historique

de Montréal (2012-2013)

Elles ont toutes eu lieu à Pointe-à-Callière,dans le Vieux-Montréal, sauf celles du6 mai 2013 qui se sont tenues à la maisonBrignon-Lapierre, dans l’arrondissement deMontréal-Nord.

6 octobre 2012, « L’historique du Bureaupostal de Montréal (1763-2012) », de Jacques

Nolet

3 novembre 2012, « Les premiersMontréalistes (1642-1643) », de Marcel

Fournier, et « Montréal après Maisonneuve :le nouveau visage de la ville », de Léon

Robichaud

1er décembre 2012, « L’histoire nationale àl’école québécoise : regards sur deux sièclesd’enseignement », de Michel Allard, Paul

Aubin et Marie-Claude Larouche

2 février 2013, « Jacques Viger : la guerre,l’humour et l’archive », de Bernard Andrès

2 mars 2013, « Histoire de Montréal et desa région », table ronde animée par Robert

Comeau avec Laurent Turcot, Danielle

Gauvreau, Dany Fougères, Robert Gagnon,

Sylvie Taschereau et Annie-Claude

Labrecque

6 avril 2013, « Un patrimoine visuel : lespublicités sur les murs de Montréal », deRéjane Bougé

6 mai 2013, « La maison et la familleBrignon-Lapierre dans le cadre sociopolitiquede la paroisse rurale du Sault-au-Récollet auXIXe siècle et au début du XXe », de Michel

Lapierre, puis « Le contexte socioéconomiquede la seigneurie de l’île de Montréal aux XVIIe

et XVIIIe siècles », de Stéphan Martel

M. L.

Page 5: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

18 MONTRÉAL EN TÊTE

Avec finesse, Winston Churchillvoyait dans le conflit dont l’is-sue se scella en 1759 sur les

plaines d’Abraham la « premièreguerre mondiale ». En marge du250e anniversaire (1763-2013) dutraité de Paris, par lequel la Francecéda le Canada à la Grande-Bretagne, l’ouvrage collectif LaGuerre de Sept Ans en Nouvelle-France jette un regard neuf sur deuxempires rivaux, deux façons de com-battre et le rapport singulier avec lecontinent amérindien.

Publié sous la direction de LaurentVeyssière et Bertrand Fonck, conser-vateurs du patrimoine militairefrançais, le livre aborde diversaspects des combats qui, de ce côté-ci de l’Atlantique, menèrent à ce quenous appelons, chez nous, laConquête britannique. StephenBrumwell, l’un des 19 collaborateursoriginaires de plusieurs nations(France, Québec, Canada anglais,Grande-Bretagne, États-Unis) insiste,avec une rare sagacité, sur la dimen-sion géopolitique des événements.

L’historien né en Angleterresouligne que la seule présencemenaçante au XVIIIe siècle, sous lacouronne française, des Canadiens etde leurs alliés amérindiens retardal’émergence de la future premièrepuissance du globe. Il rappelle que,

dès 1749, desAnglais, de part etd’autre de l’océan,assurèrent aumémorialiste PeterKalm que lescolonies britan-niques d’Amériquedu Nord « seraientcapables de créerun État à ellestoutes seules,entièrementindépendant de laVieille Angleterre ».

Cette prédictionde la naissance en1776 des États-Unis s’inscrit dansla portée plané-taire d’une guerreoù la Grande-Bretagne, avec desalliés comme laPrusse, s’oppose àla France,soutenue notam-ment par la Russieet l’Espagne. Sansqu’ils s’en rendentvraiment compte,les ancêtres, si peu nombreux, desQuébécois se trouvent au milieu dutourbillon de l’histoire moderne !

Le conflit, qui se répercute jusquesur des comptoirs coloniaux en Indeet en Afrique, « aboutit, comme lesignalent Veyssière et Fonck, à unnouvel équilibre international » audétriment de la cour de Versaillesmais au profit de l’Empire britan-nique naissant. Il provoque, au diredes deux historiens français, « unchoc culturel majeur » chez lesEuropéens par la découverte d’uneautre façon de guerroyer, propre auxAmérindiens et imitée par la milicecanadienne.

Hélène Quimper note, à juste titre,que l’on doit à cette milice « l’une desplus importantes participations

civiles à une guerre ». Le phénomènemêle, par la pratique habituelle duraid, la résistance populaire à la cul-ture sacrale exprimée par une guéril-la rituelle, chère aux autochtonesmais étrangère à l’art militaireeuropéen.

La Conquête britannique n’en-traînera pas seulement notreasservissement, elle nous donneral’occasion, n’en déplaise à notredroite nationaliste, d’ébranler l’eu-ropéocentrisme. Paradoxalement,elle mettra en relief notre présenceoriginale en Amérique et dans lemonde.

Le 250e anniversaire du traité de Paris (1763-2013)Le sort du monde fixé ici en 1759Michel Lapierre

Sans qu’ils s’en rendentvraiment compte, lesancêtres, si peu nom-

breux, des Québécois setrouvent au milieu dutourbillon de l’histoire

moderne !Le traité de Paris (1763), publié par l’imprimeur officiel de l’un des

monarques qui le conclurent : Louis XV, roi de France. Photo : Éditions du Septentrion.

________________________

Sous la direction de Laurent Veyssière etBertrand Fonck, La Guerre de Sept Ans enNouvelle-France, Septentrion / Presses del’Université Paris-Sorbonne, Québec, 2012,368 p.

Page 6: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

MONTRÉAL EN TÊTE 19

Fondée un siècle plus tôt dans lafoulée de l’élan missionnaire,Montréal a changé de visage en

1750. Sa population, située à laconfluence des mondes européens etautochtones, a subi l’attraction del’arrière-pays et son identité s’esttransformée radicalement. C’est ainsique les « Montréalistes » de Ville-Marie sont devenus les Montréalais.

L’éclosion d’un tempérament original : celui du Canadien

Que dit-on de ces Canadiens deseconde, troisième et parfois même,de quatrième génération, ces habi-tants qui ne se reconnaissent déjàplus comme des Français ? Plusieurschroniqueurs parlent de leur « indo-cilité », leur esprit d’indépendance etleur amour immodéré de la liberté ;leur fierté aussi, qui est parfois appa-rentée à de la vanité et qui les porteà se « quarrer » (se pavaner et faireles fanfarons). Ils sont nombreux àavoir relevé le caractère ostentatoiredes Canadiens qui se traduit par unetendance à s’habiller avec un certainapprêt, sinon avec raffinement.Tandis que Pehr Kalm s’en étonne

(car cela tranche radicalement avecce qu’il a vu en Nouvelle-Angleterre),l’ingénieur royal Louis Franquetparaît, pour sa part, effaré par la pro-pension des hommes à se montrer entoute occasion flanqués d’une mon-ture fringante, tous les « fistons de laparoisse » accoutrés d’une bourseaux cheveux, d’un chapeau brodé,d’une chemise à manchettes et demitasses aux jambes, se faisant une

fierté de conduire à l’église leur bellebien juchée sur la croupe de leur cheval.

Leur politesse est proverbiale,notamment à Montréal où cettepopulation « à l’aspect riant » se mon-tre des plus engageantes et manifesteune grande curiosité à l’égard desétrangers. Joseph-Charles Bonin lestrouve « francs, humains et hospita-liers » — si hospitaliers, aux dires dusieur Claude Le Beau, « qu’unFrançais peut aller avec tout l’agré-ment possible et sans argent depuisQuébec jusqu’à Montréal ». Mêmeson de cloche de la part de Kalm quiloue la courtoisie inimaginable desCanadiens dont il apprécie les civili-tés : « Entre l’extrême politesse dontj’ai bénéficié ici et celle des pro-vinces anglaises, il y a toute la diffé-rence qui sépare le ciel de la terre, leblanc du noir, et cela en tousdomaines. » Il remarque d’ailleursqu’en ville, il est de coutume de sou-lever son chapeau à tout venant, cequi constitue un tour de force, sur-tout pour celui qui doit se déplacerpar les rues, le soir, lorsque chaquefamille est installée devant le seuil desa maison. Qu’un proche éternue,

Scène citadine en Nouvelle-France. Dessin et photo : Francis Back.

Montréal, 1812 (détail), aquarelle de Thomas Davies. Photo : Musée des beaux-arts du Canada.

Montréal au tournant des années 1750Éric Major

VOIR PAGE 26 : MONTRÉAL

Page 7: Revue de la Société historique de Montréal | numéro 64

20 MONTRÉAL EN TÊTE

Récemment dans les pages duDevoir, Marie-Pier Frappierécrivait que, l’été 2012, « on

pouvait encore lire que l’inclusiond’une femme dans l’histoire de

Montréal tenait du véritabledétournement à des finsidéologiques », en s’indignant des ter-mes d’un article du chroniqueurChristian Rioux au sujet de la procla-mation de Jeanne Mance commecofondatrice de Montréal. Sansvouloir réanimer une polémiquedans laquelle j’ai été bien malgrémoi impliquée, je trouve fascinantqu’aujourd’hui la place des femmesdans la société soit encore à ce pointun sujet tabou, un sujet de discorde.

Pendant quatre ans, j’ai réalisé lefilm La Folle entreprise, sur les pasde Jeanne Mance en m’inspirant desmanuscrits des contemporains de lafondatrice de Montréal et de sonhôtel-Dieu. Ces écrits connaissentaujourd’hui non seulement des tran-scriptions, mais aussi des éditionsannotées par des historiennes et deshistoriens émérites. Que demanderde plus pour une cinéaste ?

La réhabilitation du rôle clé d’une femmeJeanne Mance, cofondatrice de MontréalAnnabel Loyola

Jeanne Mance n’était niveuve, ni mariée, ni reli-gieuse. Fait plutôt rare àl’époque quand on consi-dère la maxime latine quis’applique aux femmes

de son temps : Autmaritus, aut murus, « Ouun mari, ou le cloître. » Jeanne Mance au secours d’un blessé (1909),

bronze de Louis-Philippe Hébert, devant l’Hôtel-Dieu de Montréal, avenue des Pins.

Photo : Gilbert Langlois.