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,: VUE DU NIO 1\J 1D E MUS ULMA Publiée par LA MISSION SCOENTII"IQUE DU' MAROC f pAUL MARTY ÉTUDES SUR. L'ISLAM ET LES TRIBUS MAURES LES. BRAKN A PIOEMIÈIU!: PARTIR -- PARIS EDITIONS EHNEST LEROUX, 28, RUE; (YI'') hBI NEMlm,": PARIS, 40 FR.; ET COLONmS, 42 , ËTR(l.N(}(,;]l : 4 j l'le TOUS DROITS RESlillVËS

Revue Du Monde Musulman

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~< ,: VUE D U NIO 1\J 1D EMUS ULMA l\JIY'/g:~

Publiée par

LA MISSION SCŒNTII"IQUE DU' MAROC

!lf.:rJ.MHl~E f 9~Ui.

pAUL MARTY

ÉTUDES SUR. L'ISLAM ET LES TRIBUS MAURES

LES. BRAKN APIŒMIÈIU!: PARTIR

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PARIS

EDITIONS EHNEST LEROUX, 28, RUE; B()NA~ARTE (YI'')

hBI NEMlm,": PARIS, 40 FR.; DItPARTItMJ~NTS ET COLONmS, 42 ~'R , ËTR(l.N(}(,;]l : 4j l'le

TOUS DROITS RESlillVËS

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MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC

~ubUée SOUB la direotion de': A.-LE CHAT(;;LjKR

, CONSElL T~CHN[QUE;

M;M.A.CAHATON. - H. CORDŒR.-:"-M.'DELAi'oSSE. _. C/.. IlUAHT.P. MART'Y.- E. MICIJAUX"B'ELLAIRE.~ 1. VINSON. - A.V(SSIÈRE.

L.130UVAT, secrélm:re générai.L. MASSIGNON;di,·ectellr.

Adresse" tciutesles com.munications reiative~ il la rédaCtion11 fil. LO,\JI.s 1'rlAs~'ONON;:~I\,rùc Monsieur, Paris'Vll'.

'.4bOllllelll81~tS el lien/a: É'illtiOl:!lj'Ernest''LerQux,~8;rlle DOllapm:te, ~8,'

L~ pllbticatiOIl d~: 1<1 Revue 'du Monde M'usulinan·allait dÜi:illeI1Üe"pm' la(fue.·'·e. L~ ,'olume XXXVII cMt 'ce/te pÜiari'e. L'année 1920 CO!lrpl"~lld. CÎI1H>lalumes .·I~ >la/ume XXX V(1I-1'01l1: le premle): 'trlille.tre,dle. 'iJolllmuX)(X!X,IlXLllpOll'rI 93o , "" .. , ',,' • ,:,' ,,'. ,L'lln.llée(9'~,,1 <1, repl'ls ~~~c'8i>; >l'ollllJlM:, Ill! 'l'ohlme lolis les delJxmlllf.

A la 'Revue du Monde Musulman ·prQjJ.rcjllellt,dite, s'nj(llllcA~' ColJe,ct,ion 4ela·Revue".ree'".a de 888'/lrat!esl! paN, etde$ 11l.<!moires' o'l'igi'wlIxlrop llIl­pOl'{anls poil/" trlJt/lJer place dalle la Revue. .. . > :'

REVUEbiJ MOND!! M,USULMkN:,H)07-.rgao,

4 fi'. i>­

3 fr. 503 ,fr: .;:2 fr. 50'

5 fr. »5 fr. »iJr. 50

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REVUE DU MONDE

MUSULMAN

TOME QUARANTE.DEUXIÈME

lG,,ZS?G .

Page 4: Revue Du Monde Musulman

REVUE DU MONDE

TOME QUARANTE-DEUXIÈME

1920

PARIS

gPITIONS ERNEST LEROUX

18, 181 l'N'r,m (YI'1

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, REVUE DU MONDE MUSULMAN

refoulèrent à leur tour vers le sud, les peuples socé de larIve gauche du Sénégal.

D'autre part, certaines fractions barou; restèrent sur leslieux, après avoir fait acte de soumission, et payèrenttributaux -vainqueurs. Plusieurs.lettrês' maures affitmentquecesBaiouf asservis. sont, dans"le "Trarza , les actueHes 'frac­tions zenaga Id ftarla des -te~ràdJfl~eLdans le Brakna,lesAhel Rambuch, qui sonH~~tO(ëhézl.es"Zombot du Trarzaet tant6t dans le Çhamama,(j'~' Brakti.a.·l~.s uns et: les au-

, .'. . -' . ,

tres tributaires des émirs. II est,p!us'vrp:i~èmblable quelesBafours primitifs n'ont -pas 'seuls donné '-nàissance à cesfractions,- d'aillelliS in,é'tis.sées, ;01ais qti·'J~.o;nr contribueparfusion avec des iHéments maures, à tes.fotnier au èours dessiècies. , ,.:'; ,

Le mouvernent.almoravidea·pour, pripcfpaux effets d'in­trod.uire la race,J:ie.r:bère et la religion:' 'islirrtique, jusqu'auxabords du fleuve'S.enégal. DésorÎnI1Js'to.ut,tdarégionsaha­rienne qui' e~e auno.rd, du fleuve; 'où 'pl~Si :e:S:lJ,ctement aunord du C~anilJ-rn.~j-:devi~çt: le territoire ;d'es parcours desberbères lamet.ouna et de leurs innombrilples' ·troupeaux.C'est le sorttlù'piy~:bhaknall,çt~tll,comme,o.el~i du Trarza.Les ttibus:Ci,i:ii;'vi·ve'nt il la,Jr:a{lgé' méridiQualede la régionsahari~r"'J(~.·-..i:o~t; pàrleur ta~tactqllot!,li,èn- avec les Ni­gritien.s·; se_ .uiitl.tedott.e~ent derioir. Çeux~r remontaientd'ailleùrâ J:leal,i'co'u~ plu~' htlutqull'6éure' àètulillle, n'ayantpas pérdu'lé"soù'ie'oir du' te;m,'ps od hs ~'Om'inlÜent jusque·dans l'l\.g-an' 'e:t 's'àds 'douté pius" au nord encor,~..Dans ceBrakna to\i~outeü.rlà'chaque puits, àche.'1ue oued, A'chaquepâturage, à .çhaque lieu dit' même, lepom riia:ure est ac­compagné' d'un' nom' pouia.r'~· D'e :niultiples traditions et lé­gendes locales y sont 'attachées, qui seraient des plus utilespour la reconstitution historique du pays et qu'il est regret­table de voir disparaître à chaque génération.

Au sud, c'est-a-dire entre les dernières dunes saharienneset '~e fleuve j dans cette zone d'inondation et de cultures

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LKs BflAKNA

qu'on appelle le Chamama et où seuls les Mélaniens peu­vent vivre et travailler, l'élémentnoircontinue à subsister;m~isles·relations avec ses voisins blan'cs seront plus d'une'fois tendues, et pratiquement ces cultivateurs qui passentd'ailleurs le plus facilement du monde d'une rive à l'autr.e,vivront dans un demi-état de dépendance, jusqu'au jouroù les invasions arabes viendront troubler cet équilibre po­litique et social, chasser la majeure partie des Noirs versle sud, asservir les autres et accaparer les terres.

C'est Abou Bekr ben Omar qui, à la tête de bandes "lem­touna, Djodala et Messoufa, descendl.ws du sud marocainpar.Ja sebkha d'Idjil, fit, entre 1062 et 1087, la conquête del'empire bafour précité. On retrouve aujourd'hui, sous cem~me nom, leurs descendants en basse Mauritanie: lesLemtouna dans le Brakna, l'Assaba et le 'l'agant; les Gue­dala (ex~Djodala) dans le TiTis et le Brakna, où, commeon le verra,' les campementsharatines des Oulad Abd Allahsont dénommés haratines Igdala.

Il y avait évidemment dans cette invasion berbère biend'autres tribus que les ancetres des actuels campementsguedaJa et lemtouna. Comme on peut défà le constater dansl'Afrique du Nord, après un siècle d'occupation, certainesfractions des peuples envahisseurs se sont accrues déme­surément et ont fini par .être désiBnée,s sous leur nompropre, perdant ainsi l~ur nom général de tribu, et arrivantméme quelquefois à le remplacer chez les autres fractions.

En ce qui codterne le Brakna, il ya donc bien d'autrestribus que les campements cités plus haut, qui soientd'orî·gine berpère,

11 y a : )" une grande partie des fractions tributaires, plusspécialement appelées zenaga (ou lahma, « viande»; ouashab, «gens») chez les guerriers, et telamides chez les ma­raboutsj 2° toutes les fractions proprement maraboutiques(zoqa·ia, tolba). On en verra la liste plus loin de ces frac­tions qui sont aujourd'hui les seules lettrées, se sont attrÎ-

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bué, des origines, soit chérifiennes, soit pour le moinsarabes: c'est là une question de mode, une sorte de sno­bisme universel dans le monde islamique, blanc ou noÏr.On ne nie pas la plupart du temps provenir du haut paysmarocain et être d'origine lemtouna et çanhadja, mais ondéclare qu'il nll faut pas confondre ces tribus, berbères sil'on veut par leur habitat, avec les autres tribus berbères,les vraies, les autochtones marocaines, les Chleuh. LesChleuh sont des aborigènes:. LesÇanhadja-Lemtouna sontles descendants de tribus arabes, immigrées d'Orient enAfrique du Nord, les uns peu après l'hégire, les autresmêmes antérieurement à. l'islam, ce qui explique leur isla~

misation tardive. On donne comme cause de leur établisse:ment pré-islamique au milieu des Berbères que le roi Fri­qicha, qui les avait à sa solde, les abandonna dans le Mo­ghreb, au cours de ses expéditions à travers le monde. CesArabes étaient fils de Tobbaa, qui s'était enfui de chez sesfrères d'Orient. Par ces explications les plus intelligentsd'entre les lettrés maureS (Cheikh Sidia, par exemple)" es­pérent concilier dans leur esprit leur indubitable origineberbere marocaine et leur traditionnelle arrivée dans leSahara méridional avec les bandes d'Abou Bekr ben Omar,d'une part, et leQr vif désir de se rattacher, envers et contretout, à une souche arabe d'autre part. On trouvera déve­loppé plus loîn, dans la notice consacrée à chaque tribu,lerécit légendaire. de ces origines.

Quant à l'usage de parler zenaga, il est complètementtombé en désuétude dans les tribus brakna. En dehors duTrarza, on ne le trouve plus en Mauritanie. Mais le dialectemaure qui porte le nom dehassania, c'est-à·dire langue deshassanes, Arabes des invasions, et qui s'est substitué pardroit de conquête à la langue zenaga a été fortement marquépar l'empreinte de cette dernière langue. On y trouvera plusspécialement une foule de nom de lieux, de flore, defaune,des termes concernant la vie matérielle, etc'J tous mot

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LES ilRAKtfA 5

constituant une onomastique spêciale au pays, et que lesArabes ont dû: emprunter aux tribus qu'ils trouvaient surles lieux et soumettaient à leur domination,

A tous ces titras et attendu que les traditions, forgéespar les zoua'fa, pour se donner des origines chérifiennes,himyarites'ou qoreTchites, ne reposent sur aucune préci':'sion et leur sont contestées formellement par les hassanestrès souvent par' leurs propres frères, marabouts commeeux, on peutconc!ure que les tribusmaraboutiques mauressont pour la très grande majorité des Berbères, soit descen~

dant des hordes'guerrières qui suivaient Abou Bekr benOmar, ce qui est admis par les intéressés mêmes chez lesMedIich, Tendra et Tadjakant (Trarza), chez les Die'ldiba(Brakna), chez. les Ida Ou Aïch (Tagant-Assaba), et chez lesMechdouf (Hodh), soit issus des familles ou des individua·lités qui, par la suite, vinrent chercher fortune dans iaMauritanie zenaguYa,

/-- :.t. W

A la fin du quatorzième siècle, se place un êvénementconsidérable qui allait changer la face de la Mauritanie, Cetévénement, générateur de la situation actuelle, est j'arrivéedans l'Ouest saharien des bandes d'origine arabe, Cette in­troduction de sémites, nomades guerriers et pillards, dansun milieu berbère, devait être une cause de troubles; etcomme elle devait se renouveler, les immigrants, quoiquemoins nombreux, allaient dompter les Berbères, leur impo­ser leurs conditions et modifier leur état social.

Je ne reviendrai pas sur l'histoire des Arabo-hassanes.Elle a êté faite dans mon ouvrage « L'Emirat des Trarza »et avec plus de détails encore dans « Les tribus ma.ures duSahel et du Hodh »,

On retiendra seulementceci : les g:roupements hassanes,qui, vers !400, envahissent la Mauritanie sont au nombrede deux, issus des deux fils de Hassan: OudeY et DeUm.

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De Delim sont issus les Oulad Delim, dont il n'y a pas lleude s'occuper ici.

C'est d'OudeY que sont sorties les tribus hassanes qui peu­plentle Brakna, celles-là mêmes qui portent ce nom, à l'ex­clusion de toutes les autres tribus maraboutiques zenaga oubaratines, qui peuvent habiter les pays Brakna (trabbrakna), mais ne sont pas dites telles. Voici ces originesd'après [es traditions générales et les généalogies donnéesuniversellement, à quelques variantes près. Ce tableau ré·sume les données de la tràdition maure. Il établit la filia·tion arabe de ces tribus, leur parenté avec leurs cousins duSahara et leur rattachement commun à Oudeï, fils deHassan.

HassAn.

------+---,--'1OudeY. Delim; Hamma,

,-~-, , __ I ancêtre ancêtre.) 1 Il des des

Marfar, Ril':8, Mohammed. Arrouq, O.DeJim, Berabich,ancêtre ancêtre 1 1

des des Daoud, Daoud,Merafra. O. Ril':g. ancêtre des ancêtre des

1OuladDaolld OllladDaoudMohammed. Arrouq.

Othman.Il -,__,-_

J 1 1 1Omran. Yahia, Antar, RehllaJ.

1 aJlcêtre ancêtre ancêtre

HeJdaj, Moha~mcd, O. t~hia O~~:d Re~a~la.ancêtre des ben Othman. Nacer.

O. Mohammedet des O. Mbarek.

Barkellni,ancêtre des

Brakna.

Terrouz,ancêtre

d..Trarza.

1Khouaou,ancêtre

des Khouaouat(disparus).

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CHAPITRE II

LA nOMINATSON DES. HASSANES OULAn RIZO

(XV' SIÈCLE)

Le quinzième siècle parait dominé: dans le Tiris et dé- .pendances, par les descendants et bandes de Rizg, filsd'Ouder, fils de Hassan j dans l'Adrar et le Hodh, par lesdescendants et bandes de Daoud, autre fils d'Oudeï.

Les Oulad Rizg, comme les appelle la tradition, compre·naient les campements de. ses cinq fils, 11. savoir: les OuladMezzouq, les OuJad Md, les Djaafar, les Sekakna et lesRehamna (ou Rehamin), respectivement issus ou dépen­dants de Mezzouq, Aïd, Djaafer, Sekkoun et Rahmoun.filsdeBassin.

Des Oulad Rizg, il convient de dîreque subsistent aujour­d'hui dans le Trarza, mais fortarnoîndries numériquementet politiquement, quelques petites fractions, restées hassa­nes indépendantes; les OuladMoussa, les Oulad Beniouk,les Oulad Khalifa, les Oulad Ben Ali, qui marchent dans lesillage des Oulad Ahmed ben Dâmân. Les autres: OuladA'id, quelques tentes Bassin, sont fondus chez les ArroueYjatdu Trarza, dans diverses tribus du Brakna et du Gorgol,ou bien encore sont telamides des Ahel Barik. Allah; et en·fin quelques tentes Rehamna et Zebeïrat qui ont été ré.duites à la suite de guerres malheureuses, il; J'état de triw

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8 REVUE DU MONDE MUSULMA~

hutaires des Oulad Ahmed ben DAmAn. Ils sont guerriersnéanmoins et marchent en rezzou avec leurs suzerains.

Les Oulad Rizg et les Agcharat (ceux-ci sont des OuladDaouâ) étaient appelés alors Arabes l{egueïtat, c'est·à~dire,

dans la terminologie maure, Arabes qui occupent un terri·toire inhabité, sorte de zone neutre, sise entre deux États

"'lluxquels elle n'appartient pas.Cette explication philologique éclaire singulièrement le

rôle qu'au quinzième siècle [es envahisseurs arabes, ins­tallés approximativement dans l'Aftout, vont jouer, tantvis-à·vis des Berbères du Nord (Tiris et Adrar) que desNoirs du Sud (Chemama, Gorgot et Tagant).

Aux Berbères du Nord, ils font sentir leur présence par'de nombreux pillages et par toute sorte d'avanies. J'enai fait le récit dans « L'Emirat des Trarza »et n'y revien­drai pas.

Cet effacement des Berbères parait tout à faÎt regrettable.S'ils avaient voulu résister fermement aux envahisseurs,teur nombre et leurs richesses leur permettaient facilementde dompter ces quelques pillards et de les rejeter au loinou de [es assimiler. La civilisation berbère, pratique etpro­gressiste, valait bien les coutumes arabes, négatives ou op­pressives, issus d'un nomadisme invétéré, impropre à touteévolution sérieuse. Au point de vue économique, le Saharaoccidental, méthodiquement mis en valeur par la tenacitéâpre et presque cupide du Berbère, serait vraisemblable·ment beaucoup plus riche qu'il ne l'est maintenant. Cen'était pas seulement sur les tribus berbères ques'exerçaientles pillages des hassanes. Les peuples noirs qui vivaient àce mom.ent sur la rive droite du Sénégal et mettaient onvaleur le Chamama, le Gorgol et même le Tagant, avaientaussi à souffrir de leurs déprédations.

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CHAPITRE III

LA DOMINATION DES QULAD MBAREK

(XVl" SlÈCLE)

Pendant que les Oulad Rizg faisaient sentir leur prêpon­dérance, une autre branche, issue également d'Oudet, semultipliait et allait conquérir, vers la fin du quinzièmesiècle, la suprématie politique. Il s'agit des Merafra, ainsinommés parce qu'ils descendent de Marfar, fils d'OudeY,ct frère par conséquent de Rizg et de Daoud.

Ces Merafra n'ont pas laissé un souvenir trop a.bhore.Leur nom, passê dans le langage courant, est synonymeaujourd'hui, chez les Tolba, de «guerriers valeureux etrelativement honn~tes ».

Ils se présentent, dès le premier jour, sous la forme dedeux bandes: l'une composée de la famille et des amis etfidèles de Mohammed, fils d'Omisn, fils d'Othman, fils deMarfar. Ce sont les OuJad Mbarek. L'autre composée desfamilles, amis et fidèles du frère de Mohammed, lenommé Heddaj, fils d'Ornran, fils d'Othman, fils de Mar·far. Cette dtlrnière bande, commandée par les trois filsd'Heddaj : Terrouz, Barkenni et Khaou, est encore im·mobilisée par les dissensions intestines. Elle n'apparaltradéfinitivement constituée en corps de tribus, sous le Dom

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REVUE DU MONDE MUSULMAN

de Trarza, Brakna et Khouaouat, qu'un siècle plus tard,c'est-è.-dire vers la fin du seizième siècle.

Au commencement de ce seizième siècle donc, la su­prématie du Tiris passe aux Oulad Mbarek. Ce n'est pro­bablement pas sans résistance que leurs cousins OuladRizg leur cédèrent la place. Ni l'histoire ni la traditionn'en ont conservé le souvenir, de même qu'eHes ne font

.pas -connahre si ces bandes de Merafra arrivaient alorsen Mauritanie en envahisseurs, ou si, venus un siècle·plus tÔt avec les premiers hassanes, elles avaient crC! ets'étaient formées sur les lieux mêmes.

De la domination des Oulad Mbarek pendant le seizièmesiècle, la tradition zouaYa ne nous cite que quelques faits,·visant naturellement J'oppression qu'ils faisaient subiraux marabouts.

Je n'y reviendrai pas, en ayant fait le récit dans « L'Émi­rat des Trarza ».

Les Oulad Mbarek allaient passer, à la 6n du seizièmesiècle, au second plan de la scène politique du Titis, enattendant que, quelques années plus tard, ils émigrassentvers le Hodh, où ils constituent aujourd'hui la tribu quel'on cannait. Cette chute paraIt résulter des intrigues etdes ruses des zQuaYa exaspérés qui surent mettre aux prisesle groupement des Oulad Mbarek et celui des Trarza..Brakna-Khouaouat.

Les YaqoubTin, c'est-à-dire les deux actuelles tribus ta·chomcha : Id Eqou'ib et Ahel Barik Allah (Trarza), alorscampés à Tin Mejouk, allaient amener Je dénouement enrefusant de payer leur tribut. Ahmed Doula, leur chef,dont la famille existe toujours, vint faire part à OudeYk,chef des Oulad Mbarek, de la décision de la tribu. Le« Chauve », surnom d'OudeYk, prit aussitÔt ses disposi­tions pour razzier les rebelles. Ceux.ci, qui regrettaientleur attitude de revoltés, ainsi qu'il résulte des paroles queleur adressa Ahmed Doula : « Mes discours à Oude'ik nous

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LES B/l:AKN'A

ont grandement nui », s'étaient groupés autour du saintvénéré, Habib Allah ben Yaqoub, et lui demandèrent lesecours de ses prières. C'est alors que l'on apprit l'attaquejmmine~te du camp d'OudeYk par les guerriers Brakna :les Oulad zenagura. OudeYk, qui ~tait précisément J'hbtedu faqih Habib AIla.h, lui confia ses bagages et partit ausecours des siens. Le combat se livra à Aguiert; et Ou­derk y fut tué par AI-OgraYra ben Al.Atna, dont la famillevit toujours dans sa tribu des Oulad Abd Allah (Brakna).Les Zouaïa étaient sauvés.

Le faqih Habib Allah, qui est 'manifestement l'artisan deceUe heureuse diversion, n'eut garde d'oublier de renvoyerà la famille d'Oude"ik les bagages qu'il avait en dépôt.Quant à la femme d'Oudeïk, Kartoufa, à l'annonce ·de lamort de son mari, elle monta à son campement d'In Sa­raïer sur un taïchot (balanites cogytill:ca) et fit entendresans trève des gémissements, L'arbre en a gardé le souve'nir, et fut dès lors appelé le «Tichtaïa de Kartoufa ».

Les Oulad Mbarek disparaissent de Mauritanie à la findu seizième siècle, et c'est à ce moment que s'élèvent lesTrarza-Brakna dans la région, qui depuis a porte leurnom,

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CHAPITRE IV

LES OR.IGINES DES BRAKNA

Le tableau généalogique ci-après, dégagé des branchescollatérales, permet de saisir d'un coup d'œil les originesdes Brakna.

Hassan,1

Onder.1

Marrar.1

Othman,1

Omran.

Heddaj,__-(début du ;rzlême siécle). .------

Barkenni, Terrouz,ancêtre des Brll.lma. ancêtre des Trina.

Mellonk.1

Kerfourn.11

Abd Al.Jebbar.

1Mohammed, etc.

Biri, etc.ancêtre desOll/ad Biri.

1Ahmed,

ancêtre desOU/Ild Ahmed,

Abd Allah,ancêtre des

Oulad Abd Allah.

1AJ·Yatlm,

ancêtre desLi/ama(Gorgol

et Assaba).

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LES BRAKNA

Au quinzième siècle, c'est-~·dire peu après j'arrivée despremiers hassanes dans la haute Mauritanie, les fils deHeddaj : Barkenni et Terrouz, qui conduisaient leurgroupement d'envahisseurs, jusqu'alors uni, durent se sé­parer à la suite de querelles intestines; nées à propos departage de butin.

Le groupe des fils et serviteurs de Barkenni, se déve­loppant au cours du quinzième siècle, devait constituer lepeuple Brakna, que nous voyons apparaltre à la fin duseizième siècle seulement. Les Trarza se formaient dela même façon.

Trana et Brakna dépouillent, comme il a été dit, lesOulad Mbarek de leur suprématie et les repoussent versj'est. Ils vont desormais et jusqu'à nos jours rester cha·cun maUre dans leur région.

Le quinzième siècle est approximativement rempli parles trois gênérations : Barkenni , Mellouk fils de Barkenni,et Kerroum fils de Mellouk, sur lesquels nous n'avonsaucun renseignement.

Au début du seizième -siècle, par les trois fils de Ker·roum on voit se constituer les tribus d'origine brakna:a) Abd Al-Jebbar donnera naissance par son fils Ahmedaux Oulad Ahmed et par son fils Siri ould .Mohammedaux Oulad Biri.

b) Abd Allah donnera naissance aux Oulad Abd Allah,qui sont les seuls qui portent dans le langage courant destribus le pom de Brakna.

c) AI-Yatim est l'ancêtre éponyme des Litama.Il y a donc à l'heure actuelle quatre tribus véritable·

ment brakna; les Oulad Biri, les Oulad Ahmed, les OuladAbd Allah, les Litama.

Les Oulad Blri habitent les confins du Trarza et duBrakna. Dans cette marche neutre, ils ont subi ['influencedes Trarza plus fortement I;1t sont, depuis un siècle, etsous notre régime même, compris dans l'orbite trarza. Ils

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'4 REVUE DU MONDE MUSULMAN

ont d'ailleurs versé dans le maraboutisme, Mais ils n'igno.rent pas leur origine brakna et à ce titre ont toujoursconservé avec ces tribus, et notamment avec les OuladAhmed, leurs cousins plus immédiats, comme on le voitpar le tableau précité, et leurs voisins, des relationsétroites de sympathie et d'alliance.

L\:1s Litama ont appuyé vers l'est et, à demi assujettispar les Id Ou A"/ch, à demi fondus dans l'élément nègre,ils font aujourd'hui, sur lès bords du Sénégal et du Gorgol,figure de Zenaga.

Seuls les Oulad Abd Allah et les Oulad Ahmed sontrestés' vrais fils de Barkenni, guerriers pillards, hassan~s,

mécréants et chefs politiques du pays à qui ils ont donnéleur nom. Et encore seuls les Oulad Abd Allah ont-ilsconservé l'appellation de leur ancêtre éponyme, puisqueseuls ils sont dits « Brakna ».

J'iÜ décrit dans mon «Émirat des Trarza », d'après le«Chiam az-Zouaïa» les luttes engagées et menées à bienpar les Brakna et Trarza contre les Oulad Rizg, au débutdu dix-septième siècle. Les hassanes des premières inva­sions furent soumis et asservis.

Les Zoua'ia, qui avaient pour le moins soutenu les vain­cus de leurs sympathies, furent très affectés de leur dé~

faite et, craignant des représailles, eurent un moment lapensée de s'enfuir avec eux. Le départ de l'Aroussi, le plusacharné de leurs ennemis, les rassura. Ils restèrent donc,mais les di:scussions qui ies agitèrent alors provoquèrent undéclassement de tribus. Le q; Chiam az-Zouaïa» donne laliste de ces nouveaux groupements et, en ce qui concerneles Brakna, signale que les Beni Iddan Abiaj, des Tachom­cha, allèrent se joindre, à cette date, aux Die'idiba.

Les fils de Kerrourn, qui, à la tête du groupell!entbrakna et avec l'assistance des Trarza, avaient réduit lesOulad Rizg, entendaient bien chausser leurs bottes. Ilsinvitèrent donc les Berbères à acquitter entre leurs mains

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LES BJl,AIWA

"les redevances coutumières, « Ceux-ci, dit le « Chiam az·louara », mirent la plus tenace obstination dans leur refuset finirent par avoir gain de cause. »

La chose paraft fort douteuse, mais ce qui est plusetrange encore, c'est la prêtention qu'affectent les Zouaïad'avoir rtlçu des gages de prix des hassanes. AI-Mokhtar,fils d'Abd Allah ben Kerrourn, l'ancêtre éponyme des Ou­lad Abd Allah (Brakna), était venu offrir un chameau dechoix à AI·Fadel (Sidi·j.l<'alli), fils de Mohammed ben Dt~

man. Il fut rencontré par Ahmed ben DâmAn (Trarza), quià sa vue s'empressa de courir chez les siens et leur fitcomprendre qu'il valait mieux faire des cadeaux auxloua'ia que de prélever sur eux des tributs, A la suite dece discours, les OuIad DâmAn se précipitèrent chez iesloua'ia avec tellement de rapidite, qu'ils devancèrent lesOulad Abd Allah et purent effectuer avant ceux·ci laremise dp.leurs présents. Le« Chiam az·Zouaïa» ne manquepas de tirer la morale de ce récit; «Ce sont ces bons pro·cédés qui sont la cause de la situation élevée que les OulndDAmAn ont conservée jus'qu'A ce jour; il leur faut donchonorer les descendants de Sid Al·Fadel. »

Il n'est pas impossible que les Brnkna, comme lesTrarza, aient fait des cadeaux aux Zou8.1a. La chose scpasse encore de nos jours entre deux pillages de campe­ments tolba. Mais il est à croire que les hassanes conti­nuaient, malgré toute J'obstination des Btlrbères, à pre­lever sur eux le tribut. On en trouvera la confirmatÎondans la haine que Sid AI.Fadel, qui paraît avoir ete à ccmoment le personnage maraboutique le plus en vue desZoua1a, portait aux hassanes. «Je hais les Merafra, disait·il; car ils extermineront mes descendants. Une guerre ter·rible doit incessamment éclater entre eux, »

La prédiction n'allait pas tarder Ase réaliser. Sid AI·Fa­dei comprenait bien que les deux peuples arabes et ber­bères ne pouvaient vivre ainsi sur le pied d'égalité, el

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REVUE DU MONDE MUSULMAN

puisque les Berbères, - son peuple, - ne voulaient pas as­surer leur défense, les armes à la main, il fallait qu'ilss'inclinassent devant les guerriers.

Le« Chiarn az-Zoua'la". signale un dernier trait: Sid Bra­him, le chef des Aroussiïn, n'avait pas abdique toute pré­tention sur les Zouda. Du nord où il campait, il envoyaun jour son fils Al-Habib, à la tête d'une forte bande, pré·lever le tribut auquel il croyait avoir droit. Les Zoua'iaconcentrèrent leur force à Tin GoufanIn; mais plus con­fiants dans la ruse que dans la force, ils demandèrentconseil à Lamin, fils de Barik Allah. Ils lui promirent partente un tribut d'une livre de grain (moudd) et d'une me­sure de beurre fondu, s'il les débarrassait des hassanes:Le marabout prit quatre piquets, récita sur chaque piquetun verset du Coran, et les planta aux quatre coins du ras­semblement tachomcha. Après quoi il ordonna auxjeunes gens d'aller galoper autour de l'ennemi, cependantque l'un d'eux: Abd Allah ould Kadda, des rd ag Jemou­ella, doué d'un organe sonore, poussait des commande­ments retentIssants, auxquels la troupe répondait par desacclamations prolongées.

Il parait que ce spectacle impressionna tellementles Arouss'lin, qu'ils levèrent le camp et se retirèrent enfu}'ards,

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CHAPITRE V

LA GUEME DE BABBAH ET LES IMAMS BERBt';RES

Les graves événements qui allaient se dérouler en Mau­ritanie, vers le milieu du dix-septième siècle, devaient bou­leverser complètement les tribus maures et établir d'unefaçon définitive les conditions de la vie sociale telles quenos ancêtres les ont vues vers la fin du dix-septièmesiècle, et telles que nous les voyons nous-mêmes aujour­d'hui.

A cette date, politiquement, les Berbères, sans opposerde résistance militaire, essaient de tenir tête aux préten.tions des hassanes, tant6t par leur obstination implacableà refuser tout tribut, tantôt par des offres de cadeaux, guipeuvent écarter momentanément l'orage en semant la di­vision chez j'enneini.

La poiltique du grand marabout et imam, Nacer ad-Din,allait être le signal de profondes modifications. Portês uninstant au pinacle par la volonte de fer de ce saint hommeet unis sous sa baraka, les Berbères faillirent triompher ctexterminer les hassanes. La mort de Nacer ad-Din, les di­visions qui suivirent, rcduisirent à néant leurs succès. Cesont là des aventures de marabouts, qui se sont renouveléesmaintes fois jusqu'à nos jours.

J'ai décrit longuement, dans L'Emirat des Tran:.a, la)lLII, •

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,8 REVUE DU MONDE MUSULMAN

« guerre de Babbah », comme l'appelle la tradition maure,ses diverses péripéties, la fin de la lutte, ses conséquences.Il n'y a pas Jîeu d'y revenir ici.

Il suffit de rappeler que les tribus maraboutiques duBrakna ne surent pas s'unir contre l'ennemi commun.Seuls les DieYdiba semblent s'être engagés IL fond IL la suitede l'imam national. Les autres ou se désintéressèrent de lalutte, ou se prétendirent contraints de tenir tête aux has·sanes locaux. Les Brakna j au contraire, marchèrent en blocavec leurs cousins Trarza, fournirent des contingents etdes subsides et immobilisèrent leurs marabouts.

Les Dieldiba, au cours de la lutte vers 1668, tirent unefois bande à part et faillirent provoquer une scission -enélevant un anti-imam, Nahoui ben Agd Abd Allah, contreMounir ad-Din, frère de Nacer ad-Din et cinquième imam.L'accord se fit et Mounir resta en titre, Nahoui fut sonKhalifa officie1. Il ne put malheureusement faire prévaloirses avis sur ceux de Mounir, jeune homme inexpérimenté,et tous deux par bravade acceptèrent avec des forces infé­rieures le combat que leur offraient les hassanes. Ils furenttues à Dokol, à 20 kilomètres en amont de Dagana, et lestroupes taillées en pièces (vers 1670)'

On ne sait pas à quelle tribu appartenaient ce Nahoui,candidat des Dieïdiba, et son frère Agd al-Mokhtar, qui futle sixième et dernier imam. Il paratt etabli qu'ils étaientoriginaires d'une tribu maraboutique du Brakna, proba­blement des Dieïdiba. C'est sur Je territoire brakna, en ef·fet, que se déroulèrent les derniers incidents de la lutte(1670-1674). L'imam fit d'abord des courses, souvent heu­reuses, contre les Oulad Abd Allah, les Oulad Mbarek et lesLitama. Le suprême combat s'engagea à Tin lfdadh, prèsd'Ouezzan, dans l'Agan (Brakna septentrional). Agd Al·Mokhtar, son frère Imijen, et les derniers guerriers zouaïay périrent,

On connatt le traite de paix qui intervint, en 1674, à Tin

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LES BRAKN"A '9

lefdadh. En voici, d'après la tradition brakna, les troisprincipales clauses: la Les Zaouïa donneront l'hospitalitéà tous les Merafra qui viendront.la leur demander, et cettehospitalité durera au moins trois jours.

2° Les Zaoul'a feront parvenir chez lui (id est, sans traέtrise et en lui donnant des montures) tout hassani qui leurdemandera son chemin,

3· Leshassanes auront droit au tiers de l'eau des puits,lors de l'abreuve des animaux.

Les Die'idiba comptèrent parmi les tribus les plus éprou­vées, et se virent affectés comme vassaux-marabouts auxOulad Aba Allah mêmes, Cette alliance a duré jusqu'à nosjours inclus, Les hassanes sont restés fidèles à leurs tolba,comme ceux·ci l'étaient à leurs Arabes; ils se sont mutuel·lement porté secours, au fil de leur histoire, et l'occupationfrançaise les a fait fuir ensemble vers le nord, unis jusquedans la chute de l'ancien régime.

On remarquera, en terminant, combien jusqu'à cette findu dix-septième siècle la berbérisation a été profonde dansla basse Mauritanie, La plupart des noms de lieux et mèmede personnes sont des noms berbères, Tout individu, àCÔté de son nom arabe, a son nom berbère ou zen agui.sous lequel, dans le langage courant, il est plus générale­ment désigné, La langue en usage est encore le berbère.Mais, avec la conquête hassane, l'arabe va prendre le des·sus et refouler insensiblement langue et coutumes berbères,La langue berbère n'est plus parlée du tout aujourd'hui surle territoire brakna.

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CHAPITRE VI

LA BRANCHE AiNÉ!!: DES ÉltIrRS BRAKNA : OUl.An NORMACH

Oub~elch.1Slyed,

ancélreOuJad Siyed.

13. Norrnach,ancétre des

Oulad Norrnach.

C'est à cette date (deuxième moitie du dix~septième

siècle} que se constituait définitivement J'émirat des Brakna.Il est nécessaire de donner tout d'abord le tableau génealo­gique des premiers Brakna de la tente princière.

1. Abd Allah,ancétre des OU!lId Abd Allah

(seizième siécle).

~. Moha'm--m-'-d.--B-.'I-,,-.--M-,,-;":-,,-.--M-'-kb-,,-,-.-N-"'~-'-d.--E\i.Dix-septième siècle.

1

D'Abd Allah, J'ancêtre éponyme des Oulad Abd Allah,c'est-à-dire des Oulad Normach et des Oulad Siyed, on nesait presque rien. II vécut au seizième siècle, et eut six: fils:Mohammed, Bakar, Mansour, Mokhtar j Naggad et Elî.

Mohammed, son successeu.r, est le chef de la tente oùva se fixer le commandement po.ur plus d'un siècle dans ladescendance de son fils aîné Normach (1650-1766 environ)­puis dans la descenqance de son fils cadet Siyed (1766­1903). Un troisième fils de Mohammed, Oubberch, a laissé

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LES BRAIl:NA

une postérite qu'on retrouve en partie chez les Normach,mais surtout chez leurs tiab. Sa descendance est constituéecn Brande partie par les Koumba et se trouve représenteepar des femmes et par EH ould Ahmed ould Omar,

Bakar, deuxième fils d'Abd Allah, paraIt avoir été ungrand chef de guerre. Il vécut au dix-septième siècle et onpeut en induire de là que c'est lui qui conduisit les Braknaà la guerre contre les marabouts j mais la tradition estmuette sur ce point. Il mourut en [680. Sa descendancene comprend plus que deux tl'ntes chez les Normach et unetente chez les Oulad Ahmed.

De Mansour, troisième fils d'Abd Allah, la descendance,qui fut jadis pUissante et nombreuse, s'est fondue dans lescampements de ses frères et aussi chez les Oulad Siyed,

Celle de Mokhtar, quatrièl1Jc fils d'Abd Allah, a disparu.Celle de Naggad est a.ctuellementen très grande partie

chez les Tiab Oulad Norrnach; une tente se trouve chez lesNormach mêmes.

La postérité d'EH, dernier fils d'Abd Allah, a émigrévers l'est, Elle constitue l'aètuelle tribu des Oulad Eli, qui,nomadise sur Je GorgoI et dans l'Assaba,

Il faut maintenant revenir aUJ( deux fils de Mohammedould Abd Allah: Norma'ch et Siyed, ancêtres éponymes deleur descendance et double branche qui fut successivementà la tête du Brakna.

Mais ici, pour pouvoir suivre jusqu'à nos jours le coursdes evénements historiques, il faut avoir sous les yeux lestableaux généalogiques des deux branches,

-",., .. \Branche aînée: les Oulad Normach.

3. Narmach,ancêtre des O. Normach.

14. Heiba (Mohammed AI-Heiba),

t Ir8.

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5. Ahmed (A~med Helba).t 176z•

1

1Mokhtar.

1Mohammed.

1

Hiba. Si~iAhmed.

1Mohammed.

Branche cadette: les OuJad Siyed.

Siyed.

Sedd~un (Brahim):1

Aghrich (M~hammed). M'K~artir.MOkhtar,

1

r 1 1 1 S"dl" ,Mokbtar, Moh, Bakar. Habib,t 1884, Krua. chef Mohammed,

1 acluel. 1903.

1

1Mokhtar.

18. Ahmeddau Il,

I139'-!903.1

1 1Ould M'hammed,Assas.

t 1907,

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LES BRAKNÀ "Au sujet des règles de la dévolution du pouvoir, disons

tout de suite que la conception de l'hérédité avec partagen'a jamais hé en vigueur chez les Brakna, Ce fut en prin.cipe l'idée de l'herMite par afnesse qui domina, tempéréepar l'usage, en vigueur dans les pays islamiques, que lefrère cadet ou l'oncle pouvait succéder à l'emir défunt. Ici,ce dernier usage ne fut appliqué que dans le cas de mino­rité du fils de l'émir précedent, Et encore son clan ne con­sidérait-il le gouvernement du collatéral que comme unerégence, tout au plus un émirat transÎtoire, car, dès sa ma·jorité, le fils réclamait ses droits, et ses partisans étaienttout de suite prêts à l'aider à les faire valoir.

Normach vécut approximativement vers la fin du dix­septième siècle. La tradition rapporte qu'il prit part auxderniers événements du Cherr Boubbah (1674). Son tom·beau ·se trouve près d~ Mal. A cette date, les Brakna, del'aveu de tous les chroniqueurs et annalistes maures, sontles maltres politiques du pays et tous les autres hassanesgravitent dans leur orbite. Les Trarza eux·mêmes devrontattendre jusqu'à Ali Chandora, pour se .dégager de la suze~

raineté politique des Brakna.Vers cette époque, une tradition relate que les Brakna

et les Id Eichelli furent en guerre. Ils se livrèrent un via·lent combat au rocher de Tajala, en plein Amatlich l en1689'

Le fils de Normach, HeYba, de son vrai nom MohammedAl-He'lba l est à cheval sur le dix-septième et le dix·huitièmesiècle, On ne sait que peu de choses sur son compte.

Ali Chandora et Heïba curent de nombreux démêlés.C'est à cette date que les Trarza vont se dégager de la su­prématie brakna, alors établie sur tous les hassanes duSud mauritanien,

Ali Chandora s'étant rendu à Fez, accompagné d'AbdAllah Maham, fils d'AI-Qadi, le grand Cheikh Ida Ou Alide Chingueti, y reçut l'accueille plus favorable du sultan

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et en ramena des 'contingents marocains qui lui permirentd'abord de se rendre définitivement martre du Trarza et,ensuite, de conquérir son indépendance vis-à-vis desBrakna. ..

Les Brakna, maîtres politiques de la région, furent dé·faÎts et repoussés. Le P, Labat rapporte que leur émir, quivenait faire la récolte de la gomme dans les bois d'acaciacontestés et la vendait à l'escale du Terrier-Rouge; fut as­sailli par Ali Chandora· et s'enfuit dans la direction duRek.iz (lac Cayar des Noirs). La tradition complète ces vic­toires de l'émir trarza, en relatant que, par la suite, lesBrakna conclurent avec lui des traités d'alliance et de sou­mission.

Les hostilités devaient reprendre par la suite. Elles ame­nèrent la mort d'Ali Chandora, qui s'était avancé à [Il pour­suite des Brakna en retraite jusqu'à Boghé. Certains disentqu'il aurait été tué dans un combat livré à l'émir Herbalui·même. D'autres qu'il fut empoisonné dans la nuit quisuivit le combat. La tradition est unanime à relater qu'ila été enterré un peu au-dessus de Boghé (le Dibango desToucouleurs), sur une dune où l'on montre encore sontombeau, ou du moins j'emplacement de son tombeau, prèsd'un petit bosquet (1727)'

He'iba ne devait pas tarder à le suivre dans ia tombe. Lepoème d'Ibn Khdna dit qu'il mourut peu après le sultanMoulay Ismal'l et l'émir Ali Chandora, soit donc vers !728.Ce poème l'appelle<< cheikh des Arabes, chef des bandes,lion de la bourse, homme à la belle prestance ». Son tom­beau est à Belaoua.

Il faut-ajouter qu'une autre tradition affirme que ceMohammed AI-HeYba du poème n'est pas le chef normachi,mais le chef Oulad EH, son homonyme et contemporain.

Le fils et successeur de Herba fut Ahmed. Par une con·tradiétion fréquente chez les Maures, son nom, Ahmedould AI-Herba, devint Ahomel He·iba. Jusqu'alors, les Oulad

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LES BRAKNA ,s

Abd Allah avaient eté à la tête de la confédération merafra,c'est-à'-dire des Arabes envahisseurs, de la postérité deMarfar ould Oude1 ould Hassân. Cette confédération, quipar son union et la solidarite de ses membres avait réaliséla conquête de la Basse Mauritanie et l'asservissement destribus berbères, comprenait, outre les Trarza qui vivaient,depuis la 611 des hostilités, dans une quasi autonomie, les

. Brakna, l'1s Oulad Mbarek, les Oulad Ghouizi et les OuladNacer. Il eit Il peu près certain qu'avec Je temps, et dès lann du dix-septième siècle, la prepondération des OuladAbdAllah, tente princière des Brakna, était devenue surtoutnominale.

Mungo·Park, qui passait dans le Sahel de Nioro en1796, entendait encore parler du haut prestige des « Il·braken ».

C'est sous les règnes de Herba et de son fils Ahomel quese produisit la scission. De cette séparation est née la situa­lion qui a dure jusqu'à nos jours. 11 y a deux versions ausujet de cette scission des Merafra, l'une, maure, recueilliepar Duboc, l'autre, toucoûleure, décrite par Sire Abbas;mais il est certain que cette scission ne fut rendue possibleque par les coups fâcheux qu'EH Chandora porta au pres·tige des Brakna.

D'après la version maure, ce fut Maham Mokhtar ouldNasri qui fut l'auteur du conflit, Il s'y prit d'une façonoriginale.

La djemaa des zenaga, composée des parents de la mèrede Maham Mokhtar, refusa d'obéir à Ahornel Heïba. Pourles soumettre, ce dernier quitta j'Adrar et vint avec denombreux parti~ans à Baghdad, il environ 8 kilomètres deTijikja, où nomadisait le campement rêvolté. AhomelHe'iba etait très orgueilleux et d'une susceptibilité rare.

Dès son arrivée, Jes zenaga, sur les conseils de Mokhlar,lui envoyèrent une ambassade pour solliciter la paix; puislui-même se présenta alors à Ahornel Heïba, son cousin,

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avec quelques jeunes gens des Merafrs, et feignant d'êtretrès mal avec les zen aga, demanda en son nom et au nomde ses amis que les ambassadeurs leur soient remis pourles tuer j avec insistance, il promit de leur payer le prixque fixerait Ahomel He'iba, lui assurant qu'il ferait unebonne affaire. Furieux que des membres de sa famille lecroient capable d'agir ainsi, navré que l'on ait à J'assimilerà un trafiquant, considérant qu'on lui avait fait dans leTagant la plus grande insulte qui pouvait être faite à unhomme de son rang l il jura de ne plus reparattre dans cepays et d'abandonner il leur sort les populations qui y ha­bitaient.

Il rentra alors dans l'Adrar et les Mefafra se divisèl'enten plusieurs branches ne reconnaissant plus l'autorité dusuccesseur de Barkenni. Chacun garda le nom de son an­cêtre éponyme, qu'elle portait déjà, à titre d'unité inté­grante de la confédération, et devint, sous ce nom, unetribu indépendante, On eut donc désormais les Oulad AbdAllah (Brakna), les Oulad Mbarek, les Ouiad Ghouizi, lesOulad Nacer,

Voici maintenant la version toucouleure, vue du cÔte dufleuve, et telle qu'elle est rapportée par le distingué tradi­tionnaliste Sire Abbas, Elle diffère peu d'ailleurs de le. ver·sion maure,

l.es Oulad Abd Allah (c'est-à-dire l'ensemble des Merafra désignéssous le nom de la tribu dirigeante) l:taient les seigneurs du Chamama.!ls forçaient leurs voisins, tels que les Id Ou Alch, à leur verser destributs. Les Id Ou AYch lelir donnaient annuenement un poulain, tesTouablr, les Oulad Ald et tous ceux de rang social modeste, qui vi­l'aient aUprè~ d'eux, étalent frappés de contributioos.Cetêtat de chosesdura jusqu'à la bataille d'Al-HareYkat, localité du Tagsnt, à l'Est deTijikja, et où se trouve depuis fort longtemps le tombeau d'llou YaladiDiadl: Padiq, père de Fou!!al, Cette batalile mit aux prises les Oulad AbdAIIah et ies Id Ou Alch, Lorsque ceux-ci aperçurent qu'ils n'étaient pasde taille à IUller loyalement contre leurs adversaires, ils mirent encommun·toutes leurs ruses et en usèrent pour les diviser. Cela leur

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LES BRAK1'/A '7

porta bonheur. Les Oulad Al-Ghouizi et les Oulad Mbarck ém1llrèrentvers Nioro et Kayes. C'est alors que se produisit le conflit entre OuladEli et Oulad Yatim. A l'accord, qui régnait au sein des Oule..d AbdAllah, se substitua une hostililê cordiale. Ils ne se meltaient d'accordque raremenl et pour un laps de temps très court. Les Id Ou Aich pro­fitèrent de leurs discordes itllcstines pour s'affranchir de leur JOUll.C'est ainsi qu'ils cessèrent de payer ie tribut annuel d'un poulain.

L'émir Ahmed AI-Hiba eut les relations suivantes avecle grand saint des OuJad Dlman : Mohammed Al-Yadali,thaumaturge, orateur et fécond écrivain.

Le griot·danseur de l'émir, ancêtre des actuels Ahel Ma­nou, avait composé un poème où il glorifiait son maître.Sous couleur de commentaire d'un de ses propres poèmes,Mohammed Al-Yadali fit unc satire amèrc du poème dugriot, reprenant les expressions de louange exagérée qu'iLavait employées pour l'émir, et les appliquant lui·mêmeauProphète.

Quand il apprit ces faits, Ahmed Al·Hibase fâcha etpro.féra des menaces à l'encontre du poète. Mohammed Al­Yadali, qui ne tenait pas à'en attendre ['exécution, se hâtade venir trouver l'émir. Celui-ci lui fit des reproches:« Comment peux-tu dêmarquer le poème qui m'a étéadresse? Comment oses-tu en detourner le sens sur unautre que moi? Tu as fait là quelque chose de grave. » Lemarabout repondit simplement: « J'ai transporté vosJouanges vers quelqu'un (Mahomet) qui est meilleur quemoi et que vous. »

La colère de l'émir tomba, et il lui fit don d'un chameau,s'engageant à ce tribut en son nom et au nom de ses suc­cesseurs jusqu'au jour du jugement dernier. Par la suite.leurs relations fUrent tout Hait cordiales, et le poète dlman icomposa à la louange d'Ahmed ould He1ba et de sa maisonune très élogieuse qacida (1),

(1) La traduction de ce poème a él' donnée dnns le Billie/in du COl1lU4«EtudeJhi#orf'1"e8de/' A. o. F.• 1920.

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Les derniers JOUiS d'Ahmed Al·Herba furent encore agi­tés par des luttes entre les Oulad Ahmed, alliés aux des­cendants des Oulad Rizg et l'émir Mokhtarould Omar, desTrarza (vers 1758). Les Oulad Ahmed vaincus, et quis'étaient avancés en territoire trarza, furent refoulés versles pays brakna.

Les luttes intestines qui avaient déchirê la confédérationmerafra allaient se produire au sein même des Oulad AbdAllah et amener leur scission: 1" en les tribus NormachetSiyed, telles que nous les trouvons aujourd'hui dans leBrak.naj 2" en Oulad EH et Litama, tels que nous les trou­vons dans le Gorgol et l'Assaba.

A Ahome! He'lba, mort en février 1762, d'après le poèmed'Ibn Khalina, et enterré à Nagué, dans l'Aoukar, succédè·rent d'abord son fils aîné EH, ensuite son fils cadet Ah·meïada. Une autre tradition dit que AhmeYada est le fils,non le frère d'EH. Le tombeau d'EH se trouve à AI·Qadra dans le Raag et celui d'AhmeYada, à Tijam dansl'Agan.

C'est sous le commandement d-e ces deux chefs, c'est~à·

dire dans les années qui suivirent 1782, que se produisirentces graves événements. Jusqu'à cett-e époque, les Normachnomadisaient en hivernage près de la Sebkha de Tidjinia.kout, et autour de Talorza et d'Achamin, situé à une jour.née de marche au nord de la Sebkha. La saison sèche lesamenait, comme la plupart des tribus dans Je Tiris. AvecAhmeïada, .1s se fixèrent dans J'Aftaut pendant la saisonsèche, et dans J'Agan, pendant l'hivernage. Les Juttes in­testines qui éclatèrent à cette date provoquèrent un exodeplus méridional encore: les Oulad EH, les Oulad Al·Yatimet les Oulad Siyed allèrent s'installer à GuÎmi. Ils se batti·rent entre eux, comme ils s'étaient battus avec les OuladNormach. Les OuJad Al-Yatim, commandes par SeYbouli,furent vaincus et émigrèrent à l'est du GorgoJ, dans larégion qui depuis a pris leur nom: le Litama. Les Oulad

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US BIlAKNA '9

Eli les y suivirent P('·u après, et s'installèrent auprès d'euxdans la vallée inférieure du Gargalo

Les Normach et les Siyed, restés seuls en présence, sepaMagèrent le pays: les premiers nomadisèrent dans lahaute région entre Guimi et l'Agsn; les autres se fixèrel')tdans la partie méridionale du Brakna, de Guimi au lacd'Aleg et jusque dans le Chamama. Cette division amenal'indépendance des Siyed vis-à-vis des Normach. Leurchef, Mokhtar, ould Aghrich, entendit comme. son pèreAghrich l'avait dMà tenté, ainsi qu'on le verra plus bas,être l'égal, à tous points de vue, de son cousin Ahmeïada,et être J'émir desOulad Siyed comme Ahmeiada était J'émirdes Qulad Abd Allah.

Mokhtar mourut, d'après Golberry, en 1766. C'est dumoins ce qui ressort de son texte. « En 1766, le chef desBrachknaz mourut, et Hamet Moktar, son fils, devint, pardroit de naissance et de succession, chef et roi des deuxtribus des Maures·Brachknaz et Darmanke. » Il se pourraitd'ailleurs que cette succession vacante fOt due, non à lamort de Mokhtar, chef des Oulad Siyed, mais à celle d'Ah­meïada, chef des Oulad Normach et émir des Brakna.

La chose est de peu d'importance d'ailleurs. Toujoursest· il que c'est en 1766, ou autour de cette date, que leschefs Oulad Sîyed, branche cadette de la dynastie, pren­nent définitivement figure d'émirs de Brakna.

Ce fut la situation politique et géographique respectivedes deux tribus qui amène ce curieux rCsultat. Les Euro­péens de Sa.int.Louis, tant Français qu'Anglais, tant del'administration que du commerce, s'habituèrent dCfiniti­verne nt à traiter avec les Oulad Siyed, qui commandaientles voies d'accès au fleuve dans cette région du Chamama,et à les considérer comme les vrais et seuls mattres du pays,à J'exclusion des Normach, dont ils ignoraient J'existenceou qu'ils considéraient comme une fraction soumise auxOulad Siyed. L'émir dl;$ Siyed fut pour eux le véritable

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émir du pays, et c'est à ce « sultan des Brakna », Moham­med ould Mokhtar lui-même, que nous voyons les Anglaispayer, dès avant '767, les coutumes annuelles et c'est aveclui que le Gouverneur de Repentigny va conclure le pre­mier traité que nous avons conservé (I785). On comprendque les chefs Oulad Siyed ne firent rien pour détromperles gens de Saint-Louis. On devine même qu'ils aidèrent,de toutes leurs forces, à la confusion.

Par la suite et avec If! temps, leur usurpation fut confir­mée; la prescription leur fut acquise·à leurs propres yeux,aux yeux de J'ensemble des tribus maraboutiques, et auxyeux mêmes ou peu s'en faut des Oulad Normach. Ceux­ci en effet, dépossédés de leur commandement depuis \msiècle et demi, n'ont élevé, depuis notre occupation, quedes prétentions fort timides. Ils parlent de leur comman­dement comme d'une chose fort lointaine, à proprementparler comme d'un droit historique et périmé, souvenirglorieux du passé.

C'est à Aghrich quela tradition Brakna, déjà signalée parFaidherbe en 1864, attribue j'honneur d'avoir noué officiel.lement les premières relations commerciales avec les Fran­çais, d1avoir entamé et protégé la traite de la gomme, et enfinde l'avoir canalisée par les escales du Coq (1) et du TerrierRouge (2). Elles allaient devenir, pendant deux siècles, If!smarchés nécessaires de la gomme du Brakna, et même, aumoins pour la première, le marçhé intermittent du Trarza,quand les nombreuses guerres que nous démes entreteniravec cette confédération guerrière amenèrent sa fermeture.

Le service que rendit ainsi Aghrich à son peuple, ou

lI} L'escsle du Coq, sise J\ Ill, pointe de l'Ile li Podor, J\ lokilomètres enaval de Podor-Ville, ttll,it sur Ill, rive gauche. C'étllit UM esc.!tle communeaux Trarz8 et aux Brakna, quoique l'tmir du Brakoa en eill Mnéralementla surveillance.

(~} L'escaie du Terrier-Rouge était spbciale aux Brskns, Elle était sise à..'io kilométres en amont de Podor et sur la rive droite.

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Ll':$ BRAKNA 3,

plutôt sans doute la tradition diplomàtiquequi se créa cheznous de ne traiter qu'avec ce prince, puis avec les membresdll sa famille, qui se dirent ses successeurs réguliers, ct dene donner qu'à celui-là les pièces de guinée des coutumes,qui formaient le plus clair des revenus de l'émir, contri­buèrent puissamment, ainsi qu'il a été dit, à établir, d'Unefaçon définitive, La dévolution de J'émiratbrakna. Cette di­gnité va se perpétuer dans les Ahel Aghrich, les« Lakari­ches », comme les appellera en 11324 René Caillié.

Les escales classiques, surtout le Coq, conservèrent leurimportance pendant tout le dix-huitième siècle. Quanden 1744, par t'initiative de l'intelligent directeur de la Com­pagnie, David, les Français s'installèrent à Podor, ce vil­lage devint l'escale officielle des Brakna et le terrain neutredes négociations. Abandonnee quelques temps, lors del'occupation anglaise de Saint·Louis (1758) t'escale repritpeu après, avec les Anglais mêmes, son importance ct ne laperdit plus. Le chef du village était, comme dit RenéCaillié (r824},« Ministre du Roi» auprès de cette autoritéfrançaise. Mais l'escale rédIe, le nlarché des transactions,où les navires jetaient l'ancre, où se réunissaient traitantssénégalais et vendeurs maures, chefs Oulad AbdAllah, ma­rabouts locaux et délégués du grand Borom de Saint~Louis.

où seul pouvait s'effectuer la traite de la gomme et le com­merce des autres produits, étaitsituée au confluent terminaldu fleuve et du marigot de Doué, à ce Coq, célèbre pen­dant deux siècles dans nos annales sénégalaises. Le dix­neuvième siècle, plus libéral dans la réglementation écono­mique, devait voir les transactions s'effectuer d'un bout ilJ'autre du fleuve, et ces escales de J'ancien régime dépériret disparaltre.

C'est, au dire de Golberry, l'ancienne Compagnie des .Indes, quiavait fondt J'lIsage des COlltumes annuelles, paytes aux chefs maures,voisins du Sénégal, et aux princes, chefs et rois des nations noires,avec lesquelles fe commerce exigeait des relatIons.

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Quand les Anglais devinrent maltces du Sl:n/:gal par une suite desêv/:nements de la guerre de Sept ans, pour l'avantage de leur com­merce, ils suivirent l'usage de faire des traités d'alliance et de bonneintelligence avec les princes maures et les princes nd8res.. , Ils avaientune sorte de registre manuscrit qui contenait dans le plus gund détdlles motifs, l'énuml:rlltion et l'ordre des coutumes qu'on devait pllyerannuellement aux chefs de ce9 nations africaInes, tes /:poques oÔ cescoutumes devaient être délivrées, des notes relatives à l'importance res­pective de ces chefs et de ces nations, des instructions sur Jes règlesqu'il faHait suivre en délivrant ces coutumes, et des observations poli­tiques sur le commerce d~ cette partie de l'Afrique,

On voit à quel point les Anglais, maîtres ès arts politi~

ques, poussaient leur documentation, Leur habileté dansl'action n'é'tait pas moindre, Ils ne dédaignaient pas' lesmoyens d'agiter ces hordes des Maures, de les animer ['unecontre l'autre, "de les balancer, de les contenir et de leurinspirer réciproquement des jalousies.

Golberry, qui eut l'occasion d'avoir;un de ces registres po·litiques de l'aaministration anglaise « pendant le tempsqu'ils ont possédé le Sénégal, c'est-à-dire, depuis 1760jusqu'en t779 », en a traduit certains passages intéres­sants.

Voici le texte concernant le Brakna :

Coutumes à payer à Hamet Mcktar, chef des deux tribus maures dela famille Agrlchy.

Am-Hamet-Moktar est chef des tribus maures Ouied Abdallah,communément appelés Brachknaz et Darmaflko, qui forment la famille

, Agrichy, Lecommerce de lagômme avait engagé de payer annuellementdes coutumes à ce roi maure; elles furent augmentèes à l'époque, ct!l'on demanda la permission :d'èrîger un fort à Podhor, avec un villaseattenant, dont les habitants auraient autant de terres qu'ils croiraientnécessaire d'en cultiver dans les environs du fort.

Cette coutume fut payée réguaérement jusqu'en 1765; alors les Fran­çais abaudonnèrent le fort et le vi1l9ge, Mais en conséquence d'un ac­cord fait avec Am-Hamet-Moktar, le fort de Podhor fut rétabli ainsI quele village, en 177z, avec les mêmes privilèges,

A l'époque de ce rétabllssemnt, il fut convenu queles coutumes que

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LES 8l1.AKNA

!(lS Français étaiem dans l'usage de payer au chef des Maures Brachk­naa seraient aussi rétablies, mais que Hamet Moktar ne pourrait lesréclamer qu'à commencer du mois d'aoat 1775, parce qu'alors seule­ment la reconstructlon des forts et village de Podhor serait achevé.

Le but de rétablissement de Podhor n'est pas seulement d'entretenirla bonne intelligençe ct le çommerce àvec leslMaures braçhknaZ" ct dar­manko, mais aussi d'acquérir par là, asseZ" de poids etld'innucnce surles Foulhas-Peuls, qui sont les habitants natifs de la contrh; prévenirles hostilités et les pillages qu'ils faisaien<tous les jours sur le commercades Blancs et autres marchands de l'Ile Saint-Louis du Sénégal: sur·tout pendant le voyage de Galam et au retour de ce voyage, les brigan­dages ét les hostilités de ces nègres menaçaient de la perte entiére ducommerce dans ces districts,

Cette circonstance prouve suffisamment l'importançe et l'utilité dece fort, l'avantage de son établissement et de son entretien, Cl des cou­tumes payées AHametMoktar pour Ill. protection qu'il s'engage de don­ner li l'établissement de Podbor contre les FQulhas.

Coumme annuelle qui sera pa)'ée au roi Hamed Moktar, chef de lafamille Agrichy, aussi longtemps que subsisteront le fort et l'établisse­ment de Podhor.

Cinquante-quatre pièces de.guinée,Huit pièces de sUéaie,Quinze ancres de poudre,Six fusils de traite,Deux cents pierres AfusH,Deux cellts balles,Onze longues barre de fer,DOl.lze filil\res de rassades,Trente piastres,Une livre de clous de girofle,Un cotTre de bois avec un cadenas.

On rendra aussi des honneurs aux rois etchef des Maures Trarshazet Brachknaz, quand ils se rendront à l'Ile de Saint-Louis du Sénégal,

Am-Hamel Mokhtar Agrichy, roi des Maures Brachknaz et Dar­manko, sera salué de cinq coups de canon de la m~me batterie, en ar­rivant el en partant.

Il est d'usage de nourrir certains chefs dl.l continent aux dépens duroi, quand ils viennent 11 l'Jle du Sénégal, bien entendu qu'ils n'y res­tent que pour arranger quelque affaire avec le Gouverneur.

C'est ainsi que tout était prévu et arrangé à l'égard de ces chefsmaures avec lesquels il est important, pour J'avantage du commerce,de s'entretenir en bonne harmonie, et en boune intelligence.

.XLl!. ,

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La forêt dés gommiers, qui était reconnue officiellementaux: Brakna, etait celle d'AI.Fatak, comme la forêt de Le­biar etait celle des Id Ou AI.Hadj (Darmanko), et la forêtdu Sahel celle des Trarza. En réalité, ces bois de gommiersn'étaient que les principaies et plus riches agglomérationsd'acacias, et on faisait la cueillette de la gomme un peupartout dans tous les boqueteaux: d' « irouar >Jo qui cou­vrent le territoire de la Basse Mauritanie.

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CHAPITRE VII

LA BRANCHE CADETTE DES ÉMIRS llRAKNA: OULAC SIYED

\. - Mohammed ould·Mokhtar (1766, t vers 1800).

Mohammed ould·Mokhtar, petit.fils d'Aghrîch, peut êtreconsidéré comme le premier émir de la branche cadettedes Qu!ad Abd Allah: les Oulad Slyed. Il apparalt dans latradition comme le successeur d'AhmeYada ,fils ou petit-filsd'Ahornel Herba, des Normach. C'est vers '766 que se pro­duisit cette substitution.

Depuis deux générations déjà, les Oulad Siyed étaientétablis entre le lac d'Aleg et le Beuve. On sait par la tradi·tian que Mokhtar, père de Mohammed, a ete enterré àOurom Dje1jel, près de Regba, et que Aghrich, son grand­père, mort de maladie, a été enterré à Taboumlib, prèsd'Quez7.an. Quant à Seddoum, père d'Aghrich, il fut tueau cours d'un rezzou et fut enterré à Oumm Abboun, dansle Zemmour, Le tombeau de son père, Siyed, l'ancêtreeponyme, se trouve dans l'Agan.

Les Oulad Siyed et, à l'occasion, les Oulad Norml.lch sesignalaient par d'incessantes incursions dans Je Fauta. LesChroniques de Siré Abbas signalent une longue et cruelleguerre de sept ans que le Cheikh SouleYman Bal et les der-

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niers souverains de la dynastie de Tenguella soutinrentcontre les pillards Oulad Abd Allah, vers 1770.

Le document anglais précité, de '767. donné par GoI­berry, relata qu'à cette date déjà les coulumes sont payéesà Mohammed Duld Mokhtar.

Un peu plus tard, en '785, quand les Anglais ont dl1-vider les lieux, un document officiel français nous attesteà nouveau la présenc~ de Mohammed oulcl Mokhtar à la tètede l'émirat brakna.

Le 10 mai 1785, Mohammed ould Mokhtar f <t roi », ditJe texte français, «sultan », dit le texte arabe, des Brakna,signait sous les auspices et protection du gouverl\eur,comte de Repentigny, avec le sieur Durand, directeur gé­neral de la Compagnie de Commerce du Sénégal, un traitéd'amitié et de réglementation de la traite de la gomme.

Il était réglé en substance dans cet acte, où le texte fran·çais déforme toujours le nom de l'émir en « AhmedMokhtar» :

a) La Compagnie a le droit d'établir un comptoir à Podor et d'autrescomptoirs dans tout autre poillt du territoire d'Ahmed avec liberté en­til!re de traite sur tolltes matières.

bl Ces etablissements sont sous la sauvegarde speciale de Moham­med Mokhtar.

c) Suppression de tout commerce direct ou indirect avec les Anglais,avec gratification à l'émir chaque fois qu'il arrêtera une caravane allantchez les Anglais de Portendik.

d) Promesses des bons offices de l'émir pour l'activIté de la traite, lafixation du « kantar 11' au plus bas prix et à la plus haute mesure pos­sible, l'aplanissement de toutes difficu'ltês.

e) Versement .d'une coutume annuelle: [0 11 l'émir (400 pièces deGuinée, 100 fusils fins, :100 barils de poudre de :1 livres, etc., sans ou­blier une moustiquaire, pl liS une pièce de guinée par huit kantar me­sures et conduits à bord;:I· 11 Sidi EH, frère du roi (14 pièces de gui­née, etc.); 3° à la femme dll roi (8 pièces de guinée, etc.); 4· 11 ,Fatma,sœur alnée du roi (4 piéces de guinée, elc.); 5° 11 chaculle des quatrejeunes sœurs de Mohammed Mokhtar et 11 sa fille (2 piéces de guinée);6· au premier ministre (5 pièces de guinée, etc.); 7° pour les soupers

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l.ES DRilKNA

de Sidi Ely et des marabouts qu'il loge chez lui (1 mou/on et ~ bou­teilles de mélasse); 8° pour sa suite (id). Tous ces objets payables untiers au commencement de la traite, un ders au mi!Jell, et un tiers à lafin.

Le total des coutumes versées aux Brakna etait évalue,en 1787, d'après le livre de comptes de la Compagnie, à5.5g8 livres.

L'émir Mohammed ould Mokhtar, allié aux Id Ou Aïch,soutint une Jutte implacable contre son voisin Eli Kouri duTrarza. Un combat violent, dit Mohammed Youra, s'en­gagea près du puits d'Jn Temadhi (un peu avant 1786, annéede la mort d'EH). Les Trarza vaincus durent prendre lafuite vers j'ouest. Après une course éperdue, ils arrivèrentà'Kheroufa, célèbre alors par un grand arganier. Rejointsen ce point par Home'iada ben Ali, descendant d'Ahmedben DAmân, et par un parti de guerriers, ils firent face à-l'ennemi. Le sort changea. Les Trarza reprirent Je dessuset poursuivirent à leur tour les Brakna, qui se hâtèrent detourner bride vers l'est. La tradition rapporte qu'au puitsde Djefalf les fugitifs re~côntrèrent un campement de tolbaqui abreuvaient leurs bœufs. Un des guerriers brakna, fa­tigué de cette course éperdue, sauta sur une vache pourcontinuer sa route, mais celle-ci fit un bond et jeta à terrel'homme qui tomba malencontreusement, montrant que,sous sa chemise, '11 n 'y avait pas de culotte, ce qui fit riretout le monde.

La lutte devait prendre des proportions plus grandes en­core par j'entrée en scène des « Foulhas » (Toucouleurssans doute), allies des Brakna. «Nous fo.mes, en 1786, dé­crit Golberry, les témoins oisifs et inutiles de l'explosionqui fermentait depuis plusieursannecs.

En 1785, Hamet-Mokhtar, roi des BrachknaZ", homme il la foislAche,orgueUJeui': ct insolent, parce qu'il ~taÎt soutenu par Je roi des Foulhu,neleva la femme favorite d'Eli-Kouri, et Sul si bien s'attacher celle

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femme qu'elle fit declarer à son premier maltre, qu'elle se silparait àjamais de ltli.

Les hostilitès recommencèrent l'année suivante. Eli Kourl provoquaMohammed ould Mokhtar. Le combat s'engagea, en octobre 1786, à20 lieues de Saint-Louis. Eli Kouri fut vaincu et tué.

Le vainqueur Mohammed ould Mokhtar ne fut pas exemple de souci,car peu après le il Siutick-almami» attribuant la victoire il ses 400 guer­riers » prétendit faÎre la loi, non seulement aux Trarshaz, mais aussiaux Brachknaz, 4UX Darmanko, aux rois nègres ses voisins, et mêmeaux Français du Sénégal.

Golberry constate encore en 1785-1787 <'< que les Dar­manko (= Ida Ou Al-Hadj, du Trarza), ont pour lesles Brakhknaz un attachement et une dèférence qui ne sesont jamais démentis; que leur chef témoignait "le plusgrand respect pour Hamet·Mokhtar (Mohammed Mokhtar),chef des Brachknaz, qu'il le reconnaissait comme «roi,comme général de la nation, comme le père de la familledes A'grichys; que, dans toutes les circonstances. les inte­rêts de ces deux tribus sont toujours réunis, toujours com·pris dans les mêmes traités, et que le roi des Brachknazdiscute, agit, conclut tout seul pour ces tribus germaines,sans que jamais il y ait aucune réclamation, aucune oppo·sition de la part des Maures Darmanko, »

Golberry qui a vu à peu près juste l'immigration deshassanes (les Maures::Oulad, comme il les appelle, oubliantle mot principal: Hassan) fait venir ensemble du Nord lesBrakna et les «Ouled El-Hadj », Ces tribus, dit·il, « n'enformaient autrefois qu'une seule », ce qu'il faut entendrenon au sens des origines ethniques, puisque les Braknasont Arabes, et les Ida Ou AI·Hadj, Berbères, mais au sensde la confedération d'une tribu guerrière et d'une tribu ma·raboutique, Mieux encore, l'intérêt économique expliquecette alliance du dix-huitième sï'ècle, qui a disparu par lasuite, Golberry signale avec justesse cette cause: « Ils s'at­tribuèrent la possession du territoire compris entre celuides Trarchaz et le Ludamar, l'exploitation des forêts (de

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LES BRAK1I'A

gomme) d'AI·Fatack et d'EI.Hiebar, ainsi que plusieursmines de sel, situées dans ces déserts de sable.

Mohammed ould Mokhtar eut les honneurs de la carres·pondance qu'adressait régulièrement Boufflers à Mme deSabran. Il est vrai que la relation de Boufflers est loind'être flatteuse pour l'émir brakna et que si celui-ci avaitpu se douter du jugement ironique du Gouverneur, il au­rait eté mains ravi de l'entrevue. Mais peut-être cette im·pression défavorable est·elle due à la chaleur de 50° Réau·mur, à l'ombre, que Boufflers eut à supporter, ayant eul'idée fâcheuse de faire son voyage au mois d'avril (IJ8J).L'émir maure « lui parut misérable et rapace ».

Il dit encore: « C'est un homme fort puissant, mais fortdoux et en méme temps fbrt dévot. Il n'aime que les femmeset les prêtres, et passe sa vie le plus qu'il peut à Podor pourêtre loin de son camp, loin de ses ennemis. Il habite unemauvaise chambre du fort avec une femme en titre et troisou quatre dames d'honneur qui en manquent de temps entemps, livré aux conseils de ses marabouts qui lui laissentfaire toutes ses sottises et toutes ses fredaines, pourvu qu'ilporte une centaine de leurs petits scapulaires qu'ils appel.lent gris.gris, et qu'il fasse par jour environ huit à dixprières ridicules sur une peau de mputon qu'on étend àses pieds. Le reste du' temps, il converse - cela s'appellepalabrer - sur les interêts de sa prétendue couronne ct leresultat de tous ses palabres e.st de demander des présentset des secours qu'on ne lui donne que le moins qu'on peut,d'emprunter au tiers et au quart des étoffes, des fusils etd'autres marchandises, sous prétexte d'une guerre à soute­nir, mais qu'il donne par le fait à tout ce qui l'entoure...Sa figure est assez belle; il ressemble à une sainte facedont la couleur aurait beaucoup poussé au noir. Il est plu­tOt drapé qu'habillé d'une manière très pittoresque, presquetoujours en blanc. Du reste, il Il absolument la dégaine d'unroi faineant et, qui plus est, d'un 'roi mendiant. »

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Les deux interlocuteurs échangèrent des cadeaux. Bouf­flers reçut pour sa part un cheval du fleuve, Après quoi,il confirma j'alliance traditionnelle et s'empressa de venirà Saint-Louis.

Le 29 mars '793, an II de la Republique, un décret dela Convention nationale interdit toute relation avec l'émir.En voici le texte:

« La Convention- nationale, voulant obtenir la réparationdes vexations que I-{amet Moktar, chef de la tribu desMaures braknas, s'est permises envers les Français quisont allés dans ce pays pour faire la traite de la gomme,Décrète ce qui suit:

« Article premier. - Il sera signifié à Hamet Mokhtar,chef de la tribu des Maures Braknaz, que la Nation fran­çaise ne lui paiera plus aucune coutume, et cessera touterelation de commerce avec lui jusqu'à ce qu'il ait répareles ~exations qu'il s'est permises envers les li'rançais et qu'liait donné des otages, qui répondent de sa conduite pourl'avenir,

« Art. II. - Il est défendu provisoirement à tout bâti­ment français de faire aucune traite de gomme à l'escalequi est sous la domination d'Harnet Mokhtar i le conseil.exécutif est autorisé à établir sur la rivière un bâtimentarmé qui fera respecter cette défense, »

L'émir ne conçut aucune fierté de cette marque d'atten·tion spéciale de notre Convention nationale, Les démarches­qu'il se hâta de faire et les ~ssurances qu'il donna pourl'avenir firent surseoir à ce décret, mais l'exécution allait{ln être décidée quelques années plus tard.

En '799, en effet, - une délibération du '4 ventOse, an 7,nous l'atteste, - des envoyés d'Amar Koumba, émir des­Trarza, se présentaient devant le Commandant (Blanchet)et les principaux habitants du Sénégal (Comié, Pellegrin.Pierre Dubois, Blandin fils, etç.),« assemblés en la maisondu Gouvernement », et informaient les Français de la part

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LES lIRAKNA

de leur mattre que l'émir Brakna se préparait à faire laguerreau Sénégaletqu'il avait députcsol1 filsAghrich à AmarKoumba pour lui communiquer sa résolution et le presserde se joindre à lui. L'émir des Trarza avait refusé, et la rup­ture des bonnes relations avec les Brakna en était résultée.

Comme suite à cette délibération, Amar ould Koumbaétait remercié au nom du Gouvernement français et rece­vait un « présent extraordinaire », tandis que MohammedMokhtar voyait mettre à exécution contre lui les mesureshostiles prescrites par la Convention.

Mohammed Mokhtar disparaissait peu après (vers 1800).

2. - Sidî EU ]0' (vers 1800, t IS10).

L'émir Mohammed ould Mokhtar fut remplacé, à samort, par son frère Sidi EH (vers 1800). C'est dans cettebranche cadette que s'est perpétué le commandement.

Les relations. de Sidi IW avec les Français furent cor·diales.On le voit intervenir en médiateur, au début de1806, entre les Français et le Fouta agité par la révolutionmusulmane. Ses bons offices aidèrent à la conclusion dutraite du 4 juin 1806, où il apparalt comme premier mi·nistre de l'a1mamy Abdoul~Qadir, «Roi des musulmans duFauta ».

Les préliminaires du traité portent en effet; « Au nomde Dieu et de S. M. Impériale Napoléon lor, paix, amitiéet bonne intelligence entre tous les habitants du Sénégal.et ceux du pays Fauta, qui seront tenus de part et d'autre,après la ratification d'Almamy, de se conformer aux con­ventions et règlements prescrits et arrêtés définitivementpar le généra! Blanchot, commandant pour S. A. M. 1.,d'une part, et de l'autre par Sidi EU, fils de Mokhtat·Agrz'sse, chef de la tribu des Bracknas, chargé des pouvoirsd'Almamy... »

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Pour reconnattre ces bons offices, le Gouvernementfrançais lui versa, pendant les deux annees où il se main.'tint encore au Sénegal, « une coutume d'honneur ». Cette.coutume devait être reversêe à son fils Ahmeddou dans letraité de 1819_ Elle continua d'être payée jusqu'à Faidherbe.On le trouvera. en annexe dans l'état des coutumes de 1840,donnê à titre d'exemple.

Mais ce qui apparatt à cette heure, c'est que les Mauresbrakna, tant guerrierli que maraoouts, après avoir considé­rablement aidé au succès du parti torodo etde la revolutionreligieuse du Fouta (fin du dix-huitième siècle), vont con­server pendant tout le dix-neuvième siècle une influenceconsiderable sur les dirigeants du peuple toucouleur {antdu Fouta occidental (Toro. Lao) que du Fouta oriental(Yrlabè, Ebyabè, Bosséa).

On Il conservé de Sidi EH le traité passé, le 7 juin 1810,.avec le lieutenant·gouverneur Maxwell, representant de l'au­torité anglaise, qui venait de conquérir le Sénégal. Ce traitéest identique au traite que passa le même jour le lieutenant­.colonel Maxwell avec l'émir des Trarza. 11 est à remarquerque pour la première fois les émirs brakna y reçoivent leur1itre exact: «chef d'une tribu des Brakna », c'est-à-dire lesOulad Siyed.

Les dispositions de ce traité sont beaucoup moins minu­tieuses que celle des traités français. Le principe des cou~

tumes est reconnu, mais la liste en est dressée individuel­lement pour chaque bâtimeqt arrivant à l'escale, après.entente entre le capitaine et ie subrécargue et Je chef maure-.Une copie de cette liste reste entre les mains des deux par­,ties contractantes.

En l'absence de j'émir, c'est Mohammed Sirli, son pre­mier ministre qui Je remplace.

A la disparition des Anglais, Sidi EU s'empressa de re­nouer les relations avec ies Français. « Ma joie a été à soncomble, écrivait·iI en rBI7 au colonel Schmaltz, en appre-

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LES BRAKNA

nant votre arrivée au Sénégal» ; et il ajoutait immédiate­ment: « Remettez à mes envoyés la coutume que les Fran­çais omirent de payer, lors de la prise du Sénégal par lesAnglais, ainsi que celle dont ces derniers s'emparèrent,l'année passée, dans l'affaire du bâtiment de Fars Bion·din. »

3. - A hmeddou ]"' (r818-1841),

Ahmeddou Ior succeda à son père Sidi EH, au début de1818, Le tombeau de ce dernier se trouve à Arroug, dansle Chamama.

I! faisait, dès les premiers jours, la preuve de sa bonnevolonté, en offrant ses services au gouverneur, qui avaitalors des difficultés avec certaines tribus peul et avec desvillages du Oualo. On lui fit tenir des secours en armes et enmunitions. 11 passa le fleuve avec quelques bandes et pillaplusieurs villages ennemis et par-dessus le marché Nguik,qui nous était dévoué. Cette guerre s'acqompagna de pam­phlets, suivant la coutume'maure, A une satire, que nousn'avons pas, et qui fut envoyée sur Sidi EH aux gens deNguik, ceux·cl réponàirent;

Dieu Jui·m~me a dêfendu aux malfaiteurs de se trouver face Il. (aceavec ses serviteurs.

EH s'il aml!ne la destruction sur Je pays de son pêre, doit être re.poussê par les honnêtes gens.

N'est-ce pas dêjà assez qu'il ait êtê cause de la ruine de notre l'il·Jage et de celui de Quadan P

Nous, gens de Nguik, nous ne saurions être contents d'EH si Je Gou­vernement n'en est pas content lui-même.

Que lui el sa bande viennent dans noIre village et nous les chasseronssans retard.

Et pourquoi Nguik ne les chasserait-il pas? N'ont-ils pas amenê laruine sur Nguik i'

Au même moment, des combats vÎctoril:ux contre ses

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voisins Trarza : Oulad DAmAn, Oulad Sassi, Ahel Attamessayaient son influence et sa réputation.

Le 20 mai 1819, Ahmeddou conférait à l'escale du Coqavec le colonel Schmaltz, commandant pour le roi et ad·ministrateur du Sénégal et dépendances. Un traité étaitsigné le méme jour.

Le préambule constate « la conduite juste et irrepro­chable, tenue par Ahmeddou envers les traitants de Saint·Louis, le grand intérêt qu'il a de se conserver en bonneintelligence avec les Français, et - ici nous retrouvons,Schmaltz et ses projets de colonisation agricole - les im·menses avantages, qui résulteraient infailliblement pourlui, son pays et ses sujets, si le système de colonisàtionprojeté sur la rive gauche du fleuve. était en même tempsexécuté sur le territoire considérable et populeux qu'il pos·sède sur la rive droite », Cette belle prose coulait en vain,car elle n'est pas traduite dans le texte arabe du traité.

Voici les principales dispositions de cet acte:

a) Ahmeddou, c roi de la tribu des Bracknas~, s'engage li favorise'rpar tous les moyens la traite de la gomme et tout autre commerce;

/1) MaIntien des coutumes sur les bases anciennes;cl Aillneddou s'engage à se conformer aux règlements, pris par le

commandnnt pour empêcher la fraude, et li ne jamais arrêter ou sus­pendre la traite, avant d'en avoir référé au commandant et reçu sa ré­ponse, Ce~ disposition~ sont nouvelles et témoignent de l'emprise deplus en plus profonde de l'autorité française,

cf) Neutralité d'Ahmeddou dans Jes guerres au Sénégal ;e) Abmeddou • invite ~ (1) le commandant français à diriger sur son

pays des sujets du roi de France pour y former,conjolntement avec lessiens des établissements de culture, comme ceux qui étaient alors tentéssur la rive gauche dans le Ouale i

f) Cession à la France des territoires propres il la formation d'éta·blissements agricoles;

11) Autorisation de construire des forts et d'y mettre des garni.sons;

h} Maintien au fils de la coutume d'honneur l'euèe au père, SldiEli;

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LES BR.AKNA

Schmaltz professait pour Ahmeddou une grande estimeet cherchait à ['intéresser à ses plans de colonisation. 11ecrit de lui au ministre, le 27 mai 1820, alors que pour­tant ses bonnes relations avec l'émir sont déjà rompues.« Ce prince avait toujours paru distingué,parmi les Maures,par des pensées plus grandes, une inclination toute favo­rable à adopter les idées des Européens. Sa justice sévèreet sa loyauté avaient ramené l'ordre dans son escale etgagné la confiance des traitants. »

Schmaltz signale encore que l'émir avait un «vif désird'obtenir la concession d'une nouvelle coutume annuelle,appartenant en propre à l'aîné de ses enfants, et non divi·sible entre les princes comme le sont les autres. Il eKpéraitpar ce moyen fixer la royauté dans sa famille, en raisonde la prépondérance que donneraient à l'heritier présom.ptif les richesses dont ii pourrait disposer. » On ne saitqui du courtisan Schmaltz ou du cupide Ahmeddou eut, lepremier, cette idée géniale.

Malgré ces bons rapports, malgré la nécessité qui s'im·posait à Ahmeddou, en guerre avec les rd Ou Arch, des'appuyer sur nous pour éviter les défections de nombrede ses gens et pouvoir tenir tête à ses ennemis, l'émir selaissa entrafner par les excitations religieuses et xéno­phobes des « FouJhas ». L'annbe précédente (18'9), Sch.maltz avait cree le poste de « Raquel» et montré sa vo­lonté de faire la traite dans le haut fleuve, en s'en tenantrigoureusement aux termes des actes passés avec les alma·mys du Fouta et sans autre condition. Les choses s'enveni·mèrent très rapidement. Schmaltz, qui était venu en fé­vrier 1820 à Podor, pour éclairer la situation et fairecesser les attaques des convois, nc put rien obtenir et futbientôt lui-même assailli.

Il croyait pouvoir compter sur Ahmeddou, avec qui ilavait eu plusieurs entrevues à Pador même, et qui l'avaitassuré de son dévoOmcnt. Il n'en fut rien. Ahmeddou se

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laissa entraîner par l'exemple des Trarza et des Poule.Toucouleurs qui, les premiers, sous la conduite de leurémir Amar ould Mokhtar, non reconnu par nous, lesautres sous le commandement de l'almamy Siré, de TiernoMali et de l'éliman Bou Bakar, tentaient d'ameuter tout lepays contre nous, au lendemain de la reoccupation de lacolonie. On escomptait même la coopération du damel du

. Cayor. Toutes ses bandes envahirent le Oualo, qui venaitde conclure avec nolJ.s un traite de commerce et d'amitiéet dont le brak. restait fidèle à ses engagements. Une petitecolonne marcha de Saint·Louis à leur rencontre. EUe serenforça d'auxiliaires ouolofs, chassa les pillards du Oualo,et envahit à son tour les abords du Fouta. Deux villagesfurent detruits par l'artillerie de la Botme fluviale. LesMaures se hâtèrent de repasser le fleuve. La paix fut con­clue aussitÔt av-ec [es Foutanké. Les pourparlers s'enga­gèrent avec les Trarza et les Brakna, mais ce n'était plusSchmaltz qui les devait faire aboutir.

Le 25 juin 1821, un nouveau traité de commerce etd'amitiê était signé avec Ahmeddou. L'auteur en etait lecapitaine de vaisseau Le Coupe, successeur de Schmaltz.Il y est dit en substance:

Il) Ahmeddou s'engage à favoriser par tous les moyens la traite de lagomme et tou\ autre commerce;

/1) Maintien des coutumes, versées lant par le commercc que par ieGouvernement, mlt!s, le payement en sera. effectué à Saint-Louis à la finde la traite, Pas de traitc, pas de coutumes;

cl En cu de difficultés entre ilt France et le Toro sénégalais, trans·fert de j'escaie hors de la portée des Foutanké;

d) En cas de discussion de l'émir avec un traitltnt, suspension de latraite poucce seul commerçant. Réglement de la question par J'émiratl'assemblèe des traitants;

e) Neutralitè des Brakna dans les guerres sén~galltises et recon­naissance de la propriété des habitants de Saint·Louis sur le Oualo;f) Projets d'établissement de culture, notamment de coton, dans le

Chamama. Dispositionsréciproques II. ce sujet.

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Ce traité scellait l'alliance de Saint-Louis et des Brakna.Il êtait la rêcompense des services rendus par Ahmeddou~qui, sur les dêsirs du gouverneur, avait attaqué le villagede Dialmath, tue un homme, fait prisonnier trois autres~

et effec~ué un certain nombre de pillages. L'éliman BouBakar etait ainsi puni d'avoir arrêté un navire, qui allaitfaire la traite à l'escale du Coq,

Les relations continuèrent, très inegales comme toujours~

avec le chef des Brakna, Le baron Roger en trace, le28 aoo't 1824, un portrait moins flatteur que celui de'Schmaltz : « Amedou, chef des Maures Braknas, est ducaractère le plus perfide, et pour l'avidité, il ne le cède àaucun· Maure. Il faut l'écouter, accueillir même ses propo­sitions, en lui promettant de riches récompenses, en cas.de succès, mais on doit bien se' garder de rien lui délivrer­d'avance, c'est un veritable escroc. »

Il constate en même temps que Sidi·A1ba, un des prin­cipaux chefs chez les Brakna, esprit remuant, avide, me·nace d'abolir l'escale de Bakel, qui fait depuis longtempsombrage à celle des Brakna, soit qu'il veuille favoriser­celle-ci, soit qu'il ait le' projet d'en établir une pour soncompte, soit qu'il cherche seulement à se faire acheter. 11est accompagné et conseillé par un nommé Moksé, ancienministre disgracié de j'escale des Brakna, fripon, rusé~

qui connaît bien les Européens et qui peut faire beaucoup.de mal. »

C'.est peu après, en fin 1824, que René Caillié fit dans lecampement brakna le sejour qui devait le préparer à jouer'son rÔle de jeune Égyptien dans la traversée de l'Afrique.de Boké à Tanger. li arrivait à Podor, le 29 aoîtt r824, eten repartait immediatement avec les agents «de Hamet·Dou» qui revenaient de Saint·Louis, où ils avaient touchéles coutumes. Il s'installa mîsérablement dans le campe~

ment de« Mohammed-Sidy-Mectar, grand marabout duroi et chef de la tribu des Dhiêdhiébe ». Il venait en effet

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se mettre à J'ecole de ce saint homme, dans le but, disait-il,de se convertir à l'Islam,

Après une visite, trop longue à son gre, à l'emir, dont lecamp « pouvait contenir à peu près 100 tentes et de 4 à500 habitants» il revint chez son marabout, s'arma d'uneplanchette à ânonner le Coran, et à chanter les louangesdu Prophète, Il vécut ainsi neuf mois, bousculé par lesuns, relativement bien traité par les autres, s'entralnantinlassablement à la térriblc aventure dans laquelle il allaitse jeter, et qui a fait de lui le premier de no~ explorateurspar l'énergie et la force du caractère,

Au début de mai 1825, s'étant rendu compte qu'if luifallait des subsides pour se constituer une façade respec­table en tribu, il descendit à Saint-Louis, et demanda unsecours au gouverneur, Des offres insuffisantes lui furentfaites. La mort dans l'âme, Caillie dut abandonner sondouble projet de retourner achever son éducation dans leBrakna et de partir à travers le Sahara par., Oualata etTombouctou.

Ses compagnons brakna, comprenant alors qu'ilsavaient ét6 dupé par son faux zèle pour la religion musul­mane, l'abreuvèrent d'injures et s'en retournèrent bre­douilles.

René Caillié s'est plaint avec amertume - et non sansraison - de n'avoir pas été soutenu par l'administration,Il faut reconnaltre au moins que celle-ci, à son insu,yeilla sur lui pendant son équipée au Brakna, et fit com­prendre à Ahmeddou que ses sujets établis à Saint-Louisétaient garants de la securité du voyageur.

Caillié a laisse au tome 1er de son «Journal» plusieurschapitres consacrés à l'ethnographie des Maures. S'ilssouffrent, par lé manque de méthode habituel de l'auteur,de certains défauts litteraires, et notamment d'une exposi­tion convenable, ces renseignements n'en sont pas moinsd'une sincérite et d'Une veracité parfaites. C'est peut-être

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encore à l'heure actuelle ce qui a été écrit de plus juste etde plus intéressant sur les mœurs ct les coutumesmaures,

Retenons simplement ici :

Chacune de ces tribus (brakna, qu'!! vient d'énumérer) a son chefparticulier et indépendant. Hamet-Dou est reconnu roi par le Gouver­nement français j c'.est Il Jui que l'on paye les coutumes pour favoriserla traite de la gomme; if reçoit celles que payent les navires traitants;mais les marchandises qui en proviennent sant partagées entre tousles chefs et les princes, et ceux-ci les distribuent ensuite Il leurs sujets.Les marabouts ne reçoivent rien des princes.

Ces tribus se font souvent la guerre cntre elles et peuvent l'entre­prendre sans Je consentemell;t du roi. La couronne n'est héréditairequ'autant que le roi l.aisse en mourant un fils majeur: s'il meurt sansenfants, et même s'Jl ne laisse que des fils mineurs, la couronne revientà son fr~re qui la conserve jUsqu'il. sa mort; alors, s'if y a eu des filsmineurs' du roi précédent, l'arné rentre dans ses droJts et reprend lacouronne de son père.

En 1834, l'état de guerre décJarée entre la France et lesOuolofs de'Fara Pinda dans le Oualo et les Trarza provowqua la fermeture des escales du bas fleuve et un afflux con­sidérable de caravanes maures et de navires saint-loui~

siens à ,'escale du Coq. Aussi une convention particulièreintervient-eUe, le 5 mai 1834, entre Ahmeddou et le capi­taine Caillié, représentant du gouverneur, pour fixer latraite de la gomme par des mesures spéciales à cette année·là. Les coutumes furent prélevées sur la quantité degomme trai~ée et non sur le jaugeage des bâtiments (cf.annexe).

Cette année-là, la traite se fit sous forme d'associationen participation, et par parts égales conformément à uneconvention qui fut adoptée par les habitants de Saint­Louis et approuvée par le gouverneur (cf. annexe).

A cc sujet, il cst intêressant de citer une Jettre, écritej'année précedente (24 juin 1834) pltr Je gouverneur de

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Saint.Germain «au Commandant de l'escale des Brak·oas». Elle témoigne de J'insatiable avidité des émirsmaures et de l'incurable rivalité des traitants.

Tâchez de faire comprendre IL Ahmeddou qu'il ne m'est pas permisde f~ire ce que la loi défend (de lui faire des avances), et que ce qu'ildemande ese réellement contraire A ses intérêts. Invitez en mêmetemps les traitants IL lui refuser des avances payables en gomme.

C'est hl la véritllbJe origin,e des mauvaises affaires qu'Us ont faitesdepuis nombre d'années. S'ils n'avaient pas J'imprévoya'nce de se Ilerpar ses avances, ils seraient libres de changer d'escale, lorsqu'llséprou­vent des vexations et ils obligeraient par là les Maures A établir entrechaque escale, une rivalitê de bons procédés au lieu de la riv.alitê d'e,..­torsions qui existe aujourd'hui. Cette position, considérée dans sesrésultats, est de beaucoup préférable à quelques minces profits qui sefont sur les avances,

Je ne saurais trop le répéter: les habitants de Saint·Louis seront, dujour qu'ils le voudront, les mattres de la traIte de la gomme, dont ilsne sont que des esclaves, Ils ont malheureusement fait choix du pre­mier rMe: qu'Jls l'abandonnent dés aujourd'hui. Le Gouvernementfait pour eux tout ce qui est ~n son pouvoir: conseils, assistance, pro­tection; qu'ils fassent aussi quelque chose pour eux·mêmes.

Le correspondant du gouverneur, était le capitaine:Cai11ie, qui, commandant de l'escale du Coq et chargé desrelations avec les Brakna, y fit preuve des plus sérieusesqualités de curiosité documentaire, d'adresse et de tact. Ilinaugurait les emincnts services que jusqu'en septem­bre 1847, date de·sa mort en rade de Gorée, il devaitrendre à la colonie, en gualite d'inspecteur mobile de laTraite et de directeur des Affaires extérieures, Il n'eut pasdéparé ces bureaux arabes qui menaient alors, avec tantd'éclat, la politique indigène de l'Algérie j on retrouve sonaction habile dans toutes les négociations avec les chefs etles tribus maures, et il en manœuvre tous les fils à la fois,Le souvenir de cet officier de talent est conservé par lenom d'une rue de Dakar,

Un dernier traité devait être conclu avec Ahmeddoll, le

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9 mai 1839, par les soins du capitaine de vaisseau, gouver­neur Charmassen, Il avaît pour but de mettre fin aux vio­lences exercées par les Brakna sur les traitants saisis enfraude de gomme, hors des limites de l'escale du Coq. Ilcomportait en substance:

a) Tout Irllitllnt, surpris en fraude, sera tenu de payer la mêmecoutume que le navire de même tonnage commerçant !êgalement àl'escale;

b) Le navire fraudeur sera conduit au Coq ou à Dagana par les soinscl'Ahmeddou;

c) L'embe.rgo ne pourra être mis et la coutume perçue que par le mi­nistre de l'émir;

d) Le b4timent fraudeur, arrêté par les Français, sera envoyé d'officeau Coq.

Les ,pillages commis par les Brakna seront rembourséspar les soins de J'émir au double de leur valeur,

A cette date également se place l'intervention du Gouver-­nement pour obtenir des deux émirs trarza et brakna lacessation de leurs courses dans le Diolof. Le bour voulutbien s'engager au payement d'un tribut envers l'émir Mo­hammed AI-Habib, et le taux en fut fixé, en mai 1840,à 200 bœufs, tous les deux: ans, mais il ne voulut rienpromettre à Ahmeddou qu'il ne craignait pas, L'étatd'hostilité se maintint ainsi pendant plusieurs années.Mais cette solution partielle suffisait au gouverneur, quine cherchait que la possibilité d'établir en paix un poste àMérina"ghen.

Le long règne d'Ahmeddou (1818-1841), s'écoula nonsallS difficultés avec les campements de la branche aInée.Elles commenœrent avec Ahmed, fils aIne d'AhmeYada,qui revendiquait le pouvoir pour les Oulad Normach, ets'accentuèrent beaucoup plus avec son frère MokhtarCheikh qui, à sa mort, pris sa succession politique.

Les hostilités durèrent plusieurs années et provoquèrentle jeu des alliances ordinaires Brakna - Id Ou Arch. Les

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Normach trouvèrent des subsides et des partisans chezleurs alliés Abakak. Les Oulad Siyed firent appel au con­cours des Chratit, dont Ahmeddou avait épousé une fille.La victoire resta aux Oulad Siyed. et Mokhtar Cheikh duts'eniuir dans le Tassaguert, où il meurt vers 1835. Cettemort n'arrêta d'ailleurs pas les hostilités. Ses frères conti.nuèrent par intermittence la lutte contre Ahmeddou, ctcelui·ci s'en plaignait encore au gouverneur, en 1840, ctlui demandait des secours.

Le combat le plus chaud de ces luttes intestines parat!avoir etc celui de Youga,que Bouvrel décrit en ces termes:« Les cousins d'Ahmeddou, Mohammed~Sidi, Mbaoua,Ahmet-Sidi et Mokhtar, jaloux de ce que le roi touchàitles coutumes sans les partager avec eux, lui déclarèrent laguerre et appelèrent à leur ·secours. Mohammed Ou Id·Zoueïd Ahmed, cheikh des Douaïch et père de Bakar. Lesdeux armées se rencontrèrent à Youaga (non loin du mari·got de Guet.nguérè), vaste plaine de dix lieues de tour,sans arbres et parfaitement unie. La b~taille dura troisjours, et la vict.oire resta au parti d'Ahmeddou, malgré soninfériorité numéri1:J.ue. Il perdit 54 hommes, et les révol­tés 98. Ces derniers vaincus se réfugièrent dans le Tagant.On voit près de Youga le tombeau d'un grand marabout,Moctar Ali, près duquel les marabouts brakna viennent enpèlerinage chaque ann6e.» On y v.oit aussi les tombes desguerriers morts ce jour-là.

Ahmeddou mourut en 1841, involontairement empoi­sonne par sa femrr.e, Le'ila ment Rassoul, du campementprincier des Chratit (Id Ou Aïch). Celle·ci ne lui ayant pasdonné d'enfants, il avait épousé la fille d'un de ses hara­tines, qui lui donna un fils. Ce fut Sidi EH, qui ne devaitdisparattre qu'en 1893, après avoir été mêlé, pendant undemi-siècle, à l'histoire des Brakna et à notre politique. OrLeïla, jalouse, comme il convient, de l'enfant de son mariet de la famille de sa co.épouse, qui affichait une ;1tti-

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tude blessante à son endroit, résolut de faire disparaltreses adversaires. Elle versa du poison dans la calebasse fa­mil.iale, alors que son mari était absent. Mais par unecirconstance fAcheuse, il rentra impromptu et but le jaitempoisonné avec un de ses frères consanguins, son fils:Mohammed, et Al-Khedich, son frère utérin, notableinfluent des Oulad Siyed. Tous décédèrent. L'enfant, .âgéde huit ans, et sa mère avaient échappé au danger.

Le long règne d'Ahmed4ou avait popularisé ce princedans le commerce français instaUé à Saint-Louis. Entre1840 et 1850, on voit un trois-mâts, du port de Nantes,décoré du nom de« Roi Hameddou » effectuer des trans­ports constants entre la France et le Sénégal.

4. - Mokhtar Sidi (t841-l843).

La mort d'Ahmeddou fut le signal de déchirements inté­rieurs chez les Brakna. Une partie de la tribu, et notammentles Oulad Normach, les Oulad Mançour et des campementsOulad Siyed, élurent un cousin d'Ahmeddou, MokhtarSidi ou Id Sidi Mohammed, avec qui nous étions en rela­tions depuis plusieurs années, et qui protégeait l'escale deGa~, transportée ensuiteà Cham. La plus grande partie desOulad Siyed et le reste des Brakna, guidés par Ndiak Mokh·tar, vizir q'Ahmeddou lor, « un vilain homme» commel'appelle le gouverneur Pajal et par Bou Bakar, fils de Kho­diéh, l'empoisonné, portèrent à l'émirat Mohammed Rajelould Mokhtar ould Sidi Mohammed, par conséquent, cou­sin aussi d'Ahmeddau et neveu du précedent.

La lutte s'engagea aussit6t, et chaque parti chercha desalliances. Les frères d'Ahmeddou et notamment Ai-Hiba etBakar, partisans de Mokhtar Sidi, allèrent lui chercher dusecours chez Mamadou Biram, almamy du Fauta. Les Ou­lad Siyed n'attendirent pas l'arrivée des contingents noirs.

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Ils se jetèrent sur Mokhtar Sidi et dispersèrent ses bandes,puis, se retournant contre Bakar et Al-Hiba, qui arrivaientavec un groupe de Toucouleurs, ils les battirent, refoulè­rent les Toucouleurs sur la rive gauche, tuèrent Bakar etmirent en fuite AI-Hiba.

Ces luttes intestines arrêtaient depuis deux ans la traite.Le gouverneur p. i. Pageot des Neutières résolut d'y mettrefin,' en faisant disparaltre du territoire brakna l'émir quine ralliait pas la majorité -des suffrages Oulad Siyed, tribuen qui nos relations d'un siècle nous avaient habitués enquelque sorte àvoir le corps électoral du groupement. Unecirconstance heureuse permet d'appréhender, sans en·combre, Mokhtar Sidi. .

On venait d'apprendre le 27 janvier 1843 que le princeavait pillé un cOtre de Saint-Louis qui avait atterri nonloin de son campement. Caillié partit le soir même. Il sesaisit de MokhtarSidi etl'emmenaàSaint-Louis. Quelquestemps après, le gouverneur Bouet- WiHaumez fit instruireson affaire. Les griefs ne manquaient pas. Mokhtar Sidireconnut que c'était lui qui avait don~é l'ordre de couperles routes et d'intercepter les caravanes de gomme, parce sonrival était maltre de l'escale. Par ailleurs, le prince avait sou­leve la haine d'un certain nombre de traitants en denonçantà Saint·Louis ceux qui faisaient la traite clandestine de lagomme, et même en en poursuivant quelques-uns devant lestribunaux. Il fut dès lors envoyé au Gabon, que nous venionsd'occuper J'année précedente, et interné au fort d'Aumale.Il inaugurait ainsi la série des internemen~s politiques danscette colonie, qui devait se perpétuer jusqu'à nos jours.

Cette mesure eut diverses conséquences. Sur les habi­tants de Saint-Louis, elle produisit une impression pro­fonde. Ils craignaient une réaction des peuples riverains.Ils croyaient voir leurcommeree aneanti ; l'inquiétude étaità son comble. « Il n'en fut rien. ~

Sur le fleuve, les conséquences furent assez inattendues.

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Les partisans de Mok.htar furent dans la stupéfaction,

Réunis au;;: chefs du Toro, dit une lettre du 'gouverneur p. i. Labo­rel, 11 la date du :ilS juin 1144, ils restèrent plusieurs jours dans l'jnac~

tion la plus compMte; un choc aussi violent ies avait étourdis. Ils al­laient enfin se décider Il se réunir en conseil, lorsque l'arrivée 1e J'ai·mamy parmi eux les détermina Il attendre sa décision. Celui-ci, malgrêtous ses efforts dans le Fouta (dont il était te che!), n'avait pu parve­nir Il entra1ner ces peuples dalls la querelle, et ne voulant point aban­donner ses projets de vengeance, il s'était jeté dans le Toro, qu'JI espé­rait encore soulever j là il mit tout en œuvre pour exciter Jahaine cootreles Blaocs et stimuler les partisans de Moctar. Mais au lieu de l'enthou­siasmeet du dévouementqu'il avaitespéféi!.ne trouvaqu'irrésolutionetdécouragement, D'un autre cOté l'air rassuré des Oulad 5ihit(l) ct les dé­monstrations imposan tes du Séoégalleurlnspiraientde sérieuses craintes.

Il se détermina donc à essayer ae la voie des négociations et m'écrivitune lettre dans laquelle, apfês avoir rejetbur les Oulad Sihit toutes lescauses de la guerre, il donnait à entendre qu'il ne serait plus éloigné,d'enlrer en,arrangement. Un rendez·vous fut dés lors mênagé entre lui,M. Je commandant Caille et les chefs maures. Mais, celle fols commeloujours, il n'eut aucun résultaI par la duplicil~ de ce souverain.

Quelques jours après, grâce à ses persêvéranls efforts, étant parvenuà retirer de leur engourdissement Jes chefs du Toro, il lcs entralna aveciui sur le territoire de la MaUrilani/:. Là, iJ eut 11 soutenir un combatdes plus vifs contre les Ou/ad Si!!it qui le battirent complètement, luituérent 113 hommes et lui firent tg prisonniers.

Cet engagement a entrafné des événements importants et des plusheureUl> pour nOtre politIque el notre commerce dans le flenve : l'al­mamy dêposs~dé, et remplacé par un autre chef qui ne nous est puhostile; l'orgueil de la rive gauche abattu pour longtemps, tous lespeuples riverains épouvantés et demandant grâce.

Un autre résultat non moins imponant que les précédents, obtenupar l'exemple terrible qui vient d'être donné Il ces barbares, c'est queles Trarzas, dont vous connaissez l'esprit remuant, avalent manifestéquelques intentions peu amicales, ct qu'à cetle nouvelle ils se sont em­pressés de rentrer dans l'ordre.

Quant.ft Mokhtar Sidi, il allait encore faire parler delui

pendant plusieurs années. Le 13 septembre 1844, il s'êva-

(1) Cesl·k_dire des parÜMIlS de Mohammed RAje!, dont les Oulad SiyedC<lnstituo.;ent la principl1le force.

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dait du fort d'Aumale avec ses deux ministres, ses compa~

gnons de captivité et, qui, mieux est, avec les trois soldatsnoirs, ses gardes. Il fut obligé de réintégrer le poste peuaprès, n'ayant évidemment rencontre qu'hostilité chez lessauvages et fétichistes populations noires gabonaises. Maisau poste même, mué en fervent musulman, il avait« en saqualité de marabout, dit un rapport de l'époque, pris ungrand ascendant sur le personnel noir du comptoir ».

La surveillance sévère, qu'on exerça sur lui déjoua dèslors toute manœuvre, mais en mars 1845, en apprenaitavec émotion à Saint-Louis qu'un de ses parents était alléà Bathurst pour « réclamer la protection anglaise et solli­citer un passage pour aller au Gab.on voir ce roi déchu:J'ignore ce qui lui a ete répondu, dit le gouverneur Tho­mas, mais je ne doute pas que si nos voisins peuvent nousjouer un mauvais tour, ils le feront de tout cœur. Si lesdeux Gouvernements s'entendent, il n'en est pas ainsi desparti,euliers surtout ici où la concurrence commercialeamène des rivalités continuelles. » Et Thomas fait part deses craintes devOÎr les Anglais continuer leurs manœuvres,soit du côté de Portendick, soit par le Ouli, afin de brouillerles Maures entre eux, et, à la faveur de ses dissensions,d'attirer la gomme à eux, jusqu'à l'interné du fort d'Au­male. Caillié venant de mourir quelques mois auparavant àGorée, Mokhtar espéra sa liberté et fit conna!tre son sortpar des moyens inconnus à Paris. Sans tarder, le 5 mai 1848,Schœlcher, sôus-secrétaire d'état aux Colonies, écrivait auCommissaire du Gouvernement à Saint-Louis, la lettre d­après, où l'on trouve avec l'idéologie et la grande éloquencedes hommes du temps un peu de ce robuste bon sens fran­çais, qui heureusement ne perd jamais ses droits et permetde s'arrêter à la' limite des sottises.

Citoyen Commissaire,

Depuis Je mois de juin 1844, le chef maure Mokhtar Sidy est détenu

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au Gabon comme prisonnier politique, Je sais que son arrestation,opérée avec des circonstances que je regarde comme une violation dudroit des gens, a inspiré auX' populations du Fouta des haines et desdéfiances, auxquelles il faut certAinement ,Attribuer une partie desagressions qu'elles onl depuis lors si souvent exercées sur les traitantset les navires du Sénégal.

La République ne gouv,erne que par des principes d'honneur et deloyauté.-11 lui importe de montrer qu'elle n'approuve pas des actes decette nature et qu'elle en r'épudie la solidarité. Ce sera faire en mêmetemps de la bonne politique, car nous témoignerons ainsi aux lndi­gênes que ce gouvernement entend pratiquer envers cux les prinCIpesde justice et de loyauté qu'il leur demande à eUX-mêmes de représenterdans leurs relations avec lui.

Je suis instruit d'ailleurs quc Mokhtar Sidy tient au Gabon une con­duite louable et se monlre supérieur par son caractère au malheur quil'a frappé.

Je décide que ee chef maure sera reconduit au Sénêgal et qu'il y ~era

laissé en toutellberté, sauf 11 user envers lui de moyens avouables pourle combattre et le vaincre, s'lJ essaye de fomenter contre notre com­merce et nos intérèts de nouvelles coalltiom,

Je lie fil'c pas d'ameurs de termes précis pour l'exécution de Cettemesure de réparation, vous laissant 11 en apprêcier l'opportunité, Malssi Ull ajournemcnt, qui dépasserait la fin de J'année, vous paraisaailindispensablc, vous auriez li me rendre compte immédiatement de vosmotifs et à prendre de nouveau mcs ordres,

Bien avant la fin de l'annee, les hommes de la Rêvolutionavait disparu, et l'on n'entendit plus parler de MokhtarSi di. Comme la tradition ne relate pas son retour dans leBrakna, il est probable qu'il a dû mourir de sa belle mortau Gabon.

Quant à Mohammed RAje!, il avaiteté, dès 1843, reconnuofficiellement comme émir, mais sans' prejudice des droits.du jeune Sidi EU oulci Ahmeddou [.r, qui, à sa majorité.devait entrer en 'poss'.1ssion du commandement de sonpère.

5, - Mohammed Rdjel (1842-(851),

Mohammed RAjel ouldMokhtar était le neveu et rival de

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Mokhtar Sidi. Son règne se passa à batailler contre ses con­curfents Normach, et surtout contre le grand émir desTrarza, Mohammed Al·Habib.

Un des frères du Terrouzi,Ahmed LeYgat, dont l'influenceétait considérable, et qui d'ailleurs était l'atné des Moham­med AI.Habib, mais Il'avait pas revendiqué ses droits, lorsde la mort de leur père, avait conçu le projet de détrÔnerson "frère. Il y était d'ailleurs poussé par les Français, quipensaient faife ainsi échec-à J'émir des Trarza. Il put rallierà sa cause Mohammed Ràjel, qui était aussi notre allié et àla tête des bandes Siyed que lui donna le chef berkenni, ilattaqua Mohammed Al· Habib. Celui-ci, soutenu par descontingents Ida ou aH, le battit non sans peine, et pour en"finir trouva plus expédient. de faire assassiner, vers 1850,par les Euleb, Ahmed Leïgat, qui s'était réfugié dansl'Adrar. Il entreprit par la suite des campagnes contre lesBrakna et contre J'Adrar, pour les punir de l'appui prêtéau rebelle.

Dans le Brakna, il avait tenté, une première fois, d'in­tr6niser son protégé Mohammed 5idi, qu'il avait rasé deses propres mains (1845).

Voici d'après Caillié, le récit de cette aventure et de sesprojets:

Mollammed El-Habib, roi des Trarzas, fit un voyage chez les Brack·nu, sous prétll)(le d'engager les Oulad-BeUis, ses tributaires, à rentrerdans leurs pays, qu'ils avaient quitté 1'4nnée dernière, à 14 suite de troisassassinats qu'Us 8.v4ient commis. Dans ce voyage, il s'arrêta quelquesjours chez les Oulad Hamed où se trouvait le neveu du traltre, MacterSidy, jeune homme 19è d'environ quinze ans. Sur la simple demandedu chef des Ouled Hamed (auquel sans doute il ne manqua pas d'eninsi.nuer adroilement l'id~e) et de quelques mécontents, partisans del'ex-roi, il promilde lesoulenircomme roi de$ Bracknas.llchargeaen­suite deux cavaliers de son escorte de conduire son élu chez les OuladSihil et les ArraJines, nos alliés, de les informer de son Intention et deleur intimer l'ordre de le reconllaftre pour leur roi.

Les chefs des Oulad Sihil protestèrent aussitOt contre la conduite de

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Mohamed El-Habib et se rendirent auprès de lui, pour lui signifier qu'ileil! à se mèler des affaires de son pays et à ne point s'occuper de cequi se passait chez eux.

Les partisans du neveu de MocUlr-Sidy, ayant appris que les OuladSihil el les Arralines étaient chez le roi des Trarzas, s'y rendirent aussipour défendre leurs droils, et aujourd'hui le bruit court que les deuxpartis n'ayant pu s'entendre, ils se préparent à la guerre.

Que doit-on augurer de cene conduite du Roi des Trarzas et quelest son but en agissant ainsi? Soutiendra-t-il son ouvrage et aurait-illa prétention de s'ériger en potentat suries autres puissances du fleuveet de leur imposer des rois b. son gré?

Les combinaisons vont plus loin 1 ses sollicitations réitérées auprèsdu Gouvernement français pour obtenir une" escale li Gaè, les pro­messes et propositions fallacieuses. qu'il a faites l'année dernière auxOulad Sihit mémes, afin de les brouiller avec Mohammed Rajel, toutdémontre iusqu'à l'évidence qu'il cherche li faire nattre de nouveauxtroubles à l'escale du Coq dont il Medite depuis lonlltemps la ruine etqu'il veut à toute force nous faire abandonner pour en ouvrir une chez lui,

L'émir trarza dut rentrer chez lui, cette fois sans avoir puarriver à ses fins,

Au début de mai 1846, le gouverneur p.' i. Houbé vi~i·

tait les escales du fleuve. Il etait accompagne de l'inspecteurdu Génie, des directeurs du Génie, des Ponts et Chaussees etde l'Artillerie, du Préfet apostolique, de M. Alsace, membredu Conseil d'administration. Il ne put voir Mohammed Al·Habib, malgré son vif d~sir. Il tenait en effet à « essayerd'effacer de son souvenir par une bonne réception la fâ­cheuse impression laissée dans l'esprit des Maures par l'ar­restation du roi des Braknas », En revanche, il put joindrefacilement Mohammed RâjeL« N'diack Mokhtar, ministredu roi des Braknas, raconte-t·U, était à Podor, avec quel.ques autres personnages. Nous les prtmes à bord et nousnous dirigeâmes vers Mao, Le camp des Maures bracknasétait établi sur la rive droite. Le roi vint à bord avec sasuite: plusieurs femmes de princes et de marabouts lessui~

virent. J'eus avec le roi et le ministre une conférence dontje fus pleinement satisfait. Je leur fis au nom du roi des

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Français les cadeaux d'usage. Je leur parlai cl 'aller visiter lecamp et je rejetai la proposition qu'ils me firent de rester àbord comme otages. Nous débarquâmes donc tous, précé­dés ùe la fanfare et de ma petite escorte. Après un quartd'heure de marche, nous parvlnmes dans le camp; nousnous assîmes sur les nattes au milieu d'une nombreuse etbruyante assistance. Puis, à la nuit, nous retournâmes 'àbord. Le roi Mohammed Râjel nous envoya un bœuf, unmouton et du lait. NOUs redescendlmes Je f1eu\~e, emmenantavec nous N'diack Mokhtar et sa suite, que nous déposâmesà Podor. »

L'année 1848 vit un déclassement d'alliances et uneintervention française très prononcée dans les affairesmaures.

Le jeune Sidi EH, fils d'Ahmeddou 10', avait alors unedouzaine d'annees. Trop jeune pour remplacer son père, àsa mort (1841), il avait etc écarte du trOne jusqu'à cequ'il fCn en âge de régner, mais tous les tributaires du payslui appartenaient et la plus grande partie des campementslui etait attachee, en souvenir de son père. On a vu queMokhtar Sidi avait eté élimine en 1843. Quant à Moham­med Râjel, il n'etait qu'un fantoche. Sa conduite, qui nelui avait guère jusque-là valu qu'une très mince considéra­tion, lui attira les haines des Oulad Siyed, à la suite de sonalliance avec l'émir des Trarza, et de la guerre qu'il menacontre "eUlL

Craignant que le jeune Sidi EH ne cherchât, un jour oul'autre, à lui enlever le principal, il cherchait à's'en débar­rasser, mais Sidi EU était èlevc, loin de \'èmir Brakna, parOuld Lergat, frère de Mohammed Al· Habib et parent ma­ternel de l'enfant. A la suite des diflêrends qui éclatèrententre les deux princes trarza, Ou Id Leïgat se réfugia chezles Brakna, dans la tribu des Oulad Siyed, où il avait denombreux parents par sa femme. li amenait avec lui Je filsd'Ahmeddol.l, Mohammed AI-Habib saisit ce prétexte puur

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LES BRAKNA 6,

donner suite à ses projets d'invasion et demanda à la tribude chasser son frère. De son cÔté Mohammed Râjei, effrayéde voirSidi Eli au sein même des Brakna, s'unit à l'émirdes Trarza pour attaquer les Oulad Siyed, ses propres pa­rents et sujets.

Au début de mai r849, la mehalla trarza entrait sur le ter­ritoire des Oulad Siyed et les acculait au fleuve, au confluen tdu marigot de Doue. Les Brakna se préparaient à une ré­sistance énergique, quand leurs zen aga Arallen, les abandon·nèrent dans la nuit du 10 au lImai, et passèrent dans!l!camp ennemi, où se trouvaient avec Mohammed Ril:jel tousleurs troupeaux. La situation des Oulad Siyed était déses­pérée, lis furent sauvés par « le citoyen commissaire DuCha~eau », qui, à la nalIVel de l'invasion trarza, était ac­couru avec trois bateaux au secours des Brakna, «Je n'avaisd'autre but dit-il lui.même, que de conserver la concur­rence, si utile à notre commerce, entre la nation des Braknaet celle des Trarza. Avant tout, il Importait au Sénegul quel'une de ces deux nations ne fût pas absorbce par l'autre.L'existence de toutes les deux est plus qu'utile à nos inté·rêts ; elle est indispensable. ~

Le commissaire en etait si convaincu qu'il était résolu àintervenir par les armes, s'il le fallait, et qu'il n'hésita pas,dans la nuit du ra au lImai, à faire débarquer des troupespour tenter une diversion favorable aux Oulad Siyed. Cettemanifestation en imposa à Mohammed Al· Habib qui n'osapas attaquer les Brakna,

Ceux-ci, conduits par Bou Bakar ould Khoddich, pro­tecteur du jeune Sidi EH, et par Ould Leïgat, demandèrentalors à Du Chateau de faciliter leur passage sur la rivegauche. C'est ce qu'il fit bien volontiers, sauvant ainsi lavie à toute la tribu Oulad Siyed. Le même jour, hommes,femmes, enfants, tentes, troupeaux, etaient sur la rive sé·négalaise, à l'abri, sinon de tout danger, du moins d'unmassacre immédiat.

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REVUE DU NONnE MUSULMAN

Les deux troupes remontèrent alors le fleuve, chacunesur sa rive, les Brakna s'éloignant autant que possible duterritoire trarza, les Trarza guettant les premiers dans l'es­pair de les mettre en pièces, le jour où, t6t ou tard, ils de­vraient repasser le fleuve pour rentrer sur la rive maure.Quant à Du Chateau, considérant que son rôle n'était Rasfini, tant que Mohammed Al-Habib ne seraIt paS rentréchez lui, il remontait avec sa flotille le fleuve Scnégal, sousprétexte d'aller palabrer -à Podor avec les chefs du Fauta,et empêchait ainsi par sa seule pr6sence tout engagementd'une rive à j'autre du fleuve.

Les Oulad Siyed ne firent que passerà Podor, mais avantde continuer leur route sur Guidé et Mokhtar Salam, où',disaient-ils, ils étaient assurés de trouver protection, ils de­mandèrent à Du Chateau de prendre sur ses bateaux tousles enfants. Les gens de Podor, qui ne doutaient pas dusort que leur réservaient Trarza, Toucouleurs etPeul, pouravoir donné asile aux Brakna, firent aussi embarquer leursenfants, et en outre leurs femmes, au total 300 personnes.Quant aux Brakna, ils avaient juré entre les mains de BouBakar Khoddich qu'aucune de leurs femmes ne serait em·barquée, afin de mourir en les défendant, s'il le fallait.

Tout le monde se remit en marche j à peine Podor 6tait·il évacué que les flammes s'élevaient de partout. Toucou­leurs et Peul venaient d'y mettre le feu, puis attaquaient lesOulad Siyedqui leur infligèrent des pertes et continuèrentleur route. lis retrouvaient le soir même, 13 mai, àMokhtar Salam, leurs familles, déposées là par Du Cha­teau.

Cependant celui-ci, ayant immMiatement viré de bord,revint à l'escale du Coq, avec son vapeur, y prit ElimanBou Bakar, chef du Dimar, dont l'intervention allait luiêtre utile auprès des chefs du Toro, et alla jeter l'ancre àYatal, où, en face de la mehalla trarza, se constituait uneforte bande toucouleure et peul. Les Trarza se préparaient

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LES 8/lAKN"A

à passer le fieuve, et tous devaient marcher contre les OuladSiyed pour les exterminer.

Mohammed Al· Habib ayant demandé alors une entrevueà Du Chateau, celui-ci la refusa, disant que dans le paysBrakna, il n'avait rien â régler avec le roi des Trarza, etqu'il le verrait, s'il le youlait, lors du passage à son escale.«Ce refus, puis l'arrivée du «Basilic », le second aviso dela flotille, jetèrent le trouble dans l'esprit des Trarza, qui,se considérant hors de chez eux, se sentaientdêjà moins decourage. En .24 heures, toute la mchalla se débandait etrentrait sur le territoire trarza, suivie de près par son émir.Les gens du Fouta, gagnés par le palabre, se dispersaient àleur tour,

Quant à Mohammed RAjel, il montait humblement àbord et reconnaissait ses torts.

Les Qulad Siyed étaient sauvés; ils ne pardonnèrent pasli. Mohammed RAjel sa conduite indigne, et les conflits re·commencènint, mais localisés cette fois au Brakna. Pourle soustraire à tout danger, et l'élever dans des sentimentsde loyalisme et d'amitié envèrs les Français, Du Chateause fit remettre le jeune Sidi Eli et pourvut à son éducation,à Saint-Louis, dans l'espérance que le jeune homme« n'ou·blierait pas tout à fait les soins dont il etait l'objet, lesser·vices qui lui étaient rendus et la protection que le Sénégallui avait accordée, alors qu'il était fugitif et malheureux ».On le retrouvera plus tard, sous le nom de Sidi EH II.

MohammedAI·Habib ne pardonna pas à Mohammed Râ·jej sa défection. En 1851, avec l'aide de contîngentsouolofset toucouleurs, il renversa cet émir, et le remplaça parMohammed Sidi neveu de j'émir déchu,

Nos relations avec Mohammed RAjel furent généralementcourtoises. Ce chef, s'étant plaint à plusieurs reprises quede nombreux commerçants fissent la traite de la gomme,hors des escalesordinaires du fleuve, à leur retour de Galam,contrairement aux arrêtés en vigueur, Je gouverneur réunit

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une Commission syndicale, le 15 février 1846. De l'interro­gatoire des traitants signalés, il rcsulta, ce qui n'était pasflatteur pour eux, que «si tous ou la majeure partie d'entreeux, ne se sont pas livrés à cette traite illicite, c'est qu'ilsn'ont point trouvé de marchands de gomme, ou bien parcequ'ils manquaient de marchandises, ou bien encore parce-qu'ils n'ont pas pu s'arranger avec les Maures. ~

Le commerce est, à cette date, très florissant. Le com­mandant Caillié signalait, le 8 mars, qu'il avait été traité.depuis le début du mois:

35.855 kilos de gomme au Coq.18.220 aux Trarza1,029 aux Darmankour:

Le montant des bâtiments était de 184, dont SI au Coq,56 aux Trarza, et 17 à l'escale des Darrnankour.

Ces bonnes dispositions de Mohammed RAjel ne l'empê­-.chaient pas de faire quelquefois l'important. A trois mois,de l'humiliation rapportée plus haut, il avait, en bon Bé­douin, l'outrecuidance d'écrire au gouverneur qui avait uséde J'intermédiaire de commerçants: « J'ai succéde à Ah­meddou, comme Ahmeddou a succMé aux anciens rois.Le bien appartient à celui qui eXerce l'autorité, et c'estaux OuladAgrich, dont je suis le chef et représentant depuissept ans; vous ne devez vous occuper que du roi 'et c'est àlui que vous devez payer. Le reste' ne vous regarde pas.»(4 aoÛt 1848.)

Son autorité ne s'6tendit guère d'ailleurs qu'au gros desûulad Siyed et aux Oulad Ahmed.

6. - Mohammed Sidi (185H858).

Mohammed Sidi était un autre nevfilU dece Mokhtar Sidi-qu'en 1842 l'autorité française avait déporté au Gabon pou~

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LES BRAKIiA 65

ramener le calme dans le Brakna, Avec son cousin Mo­hammed Al-Habib, fils de Mokhtar Sidi, il s'etait réfugieauprès de l'emir des Trarza qui s'etait chargé de leur édu­cation et les poussa par la suite contre Mohammed Mjel,son ennemi. Comme Mohammed AI· Habib n'était qu'un en·fant, ce fut Mohammed Sidi qui rallia définitivement lessuffrages de J'émir des Trarza et des Brakna dissidents.

Mohammed Sidi, prétendant pendant tout le comman·demen,t de Mohammed Râjel, erra sans cesse de.~ Jd OuA'ich aux Trarza en quête de secours. En avril 1847, sonmariage avec une fille d'Ahmeddou 10' enfla son parti decampements fidèles à l'ancien emir. C'est le signal de safortune. A plusieurs reprises, il vint attaquer son rival. EnaoÎit 1848, notamment, à la tête de contingents trarza ilatteignit le camp de Mohammed RAje! et le pillait, Lesdeux chefs furent blessês : le premier, d'une balle qui luiemporta deux doigts de la main, l'émir d'une balle dans lepied. L'émir fut complètement defait.

A partir de ceUe date, l'autorité de Mahommed Sidi s'ac·croft. Mohammed Râjel, sur les instances du Sénégal, estcontraint de lui céder le tiers des coutumes. Dès l'annéesuivante l'autorité française le traite comme un véritable«Roi », sllivant ses propres prétentions. Il est salué quandil vient à l'escale de salves de coups de canon et y perçoitles coutumes.

En 1850, une intervention en faveur de MohammedRâjel fut tentée par le gouverneur. Pour faire èchec auxbandes alliêes de Mohammed Al-Habib et de MohammedSidi, il etablit un camp d'instruction à Podor, y fit venirquelques troupes et s'y transporta de sa personne. Il putse rendre compte ainsi de la faiblesse de l'émir, que soute­nait Ahmed Leïgat, le frère révolte de Mohammed AI-Ha­bib, et dut abandonner sa cause.

Mohammed Sidi ne devait toutefois être complètementdébarrass6 de son rival qu'en 1851, date où son alliè Ma-

:!:Ll!. 5

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hammed Al-Habib, émir des Trarza, battit et mit en fuiteMohammed Râjel.

Le commandement de Mohammed Sidi devait, comme ilconvient, étre agité par les agressions d'un nouveau pré·tendant: Sidi EH, flls d'Ahmeddou lor, qui, parvenu à lamajorité, entendait recueillir la succession de son père. Ala tète de ses partisans siyed et normach, il se heurta àplusieurs reprises aux bandes siyed et Oulad Ahmed, del'émir.

Allié de Mohammed AI·Habib, son principal soutien.Mohammed Sidi ne nous fut jamais très sympathique. Ilpersécuta notamment les pourognes du fleuve, à qui il re­prochait leur attachement aux Noirs et à la France. Aussifonçj,a-t-oD, à plusieurs reprises, des espoirs sur son rival,Sidi EH, et lui vint-on en aide dans ses luttes contre l'emir.

Dè's avril 1853, on profita d'une brouille de l'émir avecMohammed Al·Habib pour faire proclamer Sidi EU, quijusque·là avait llté soutenu d'abord par Ahmed Leïgat, sononcle par alliance, puis, après l'assassinat de celui·ci parl~ bandes qui marchaient à sa suite. Mohammed Sidi.abandonne par tous, sauf par le chef d'une fraction siyod :Mokhtar ould Amal', s'enfuit jusque dans l'Adrar. Sidi Mbo·rika, fils de Mohammed Al-Habib, Je poursuivit plusieursjours sans pouvoir l'atteindre. Cetle annee·là, Sidi Eli tou·cha les coutumes, au Coq.

Ce ne fut d'ailleurs qu'un intermède. Aussitôt Moham­med Al· Habib rentre chez lui, Mohammed Sidi revint dansle Brakna, la lutte reprenait entre les deux pretendants,quand les marabouts ramenèrent provisoirement la paix.L'émir gardait son titre de « roi» et renouait son allianceavec MohammedAl.Habib. Sidi EH gardait le commande­ment de quelques tribus.

Les hostilitCs entre les deux chefs reprenaient en 1854.La politique active de Faidherbe dans les affaires mauresramenait, dès la fin de l'année, à prendre parti pour Sidi

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l.ES IlR....KN....

EH, que les chefs toucouleurs de Podor lui avaient présente,contre Mohammed Sidi, allie des Trarza.

Il lui écrivait, le 15 novembre 1855, ainsi qu'aux princi·paux chefs des Brakna, cette lettre habile;

Je désire vivement que Sidi Eli vienne l bout de Mohammed Sidi, ceèaptif de Mohammed El-Habib, qui ruine les Brakna pour laire plaisiraux Trarza..

Les Français et Brakna ont été des amis de tout temps contre lesTrarza, e:Kcepté dans ces derniéres années parce que Mohammed EI­Habi9-, qui es! Irés /ler, elaitparvenu l tromper les Français. Il est tempsde rélablir les choses sur l'Rnden pied.

Le /lis d'Abmédou doit ~tn: l'ami des Français comme son pilre. Elqu'll fasse comprendre llous les Brakna qu'ils doivent se réunir pourformer une nation forte et puissante et qui ne soit pas à la merci deses voisins.

Que Sidi EH pousse vivement Mohammed Sidi et vienne s'êta~

bUr prés de Podor. Qu'il demande l'appui des gens de Toro qui sontnos,amls.

Nous allons entrer avec une armée chez les Trarzai nous nous pla­cerons de manlére que les Trarza M puissent pas empêcher la traitedes, Brakna à Fodor. Si Sidî EU s'arranse avec moi, qu'il vienne Il Po­dor ou à bord d'Un bateau, quand' il voudra, pour qu'on Je salue elqu'on le reconnaisse comme roi des Brnkna. C'est lui qui recevra tousles cadeaux pendant la traite.

L'année derniére,j'ai donnée plus de 25 .000 francs /1. Mohammed Sidiel ce n'êta1t qU'Une partie de ce que jevoulais lui donner, puisque monIntention est de faire cadeau, tous les ans, au roi des firakna d'unepièce par mille !Ivres de gomme.

Mais Mohammed E/-Habib a forcé son tributaire de lui en donnerla plus grande partie et d'empêcher des Brakna de continuer leur com~merce,

Les Trarza sont déjà dans la plus grande misère. Nous allons acheverà les ruiner cette année.

Que SJdi EH s'entende avec les chefs raisonnables de son peuple etqu'il me réponde par une bonne lettre pour que nous puissions nousarranger.

5/ nous nOliS arrangeons, je le donnerai des fusHs ct de la poudre etj'enverrai un vapeur au-dessus de Podor.

Mohammed AI· Habib repondait à cette diplomatie par un

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.coup de maître. Il provoqua, au début de 1856, une grandeconference sous les auspices du grand Cheikh Sidïa, à Tin­daouja. Une réconciliation générale intervint cntre j'émirdu Trarza, j'émir de l'Adrar et leurs différents chefs in­soumis. L'émir du Brakna, Mohammed Sidi, y apparutaussi et donna son assentiment à la coalition maure, qui sepréparait contre les Français. En revanche, notre ami,Sidi Eli, dont les sentîments etaient connus, ne fut pasconvoqué.

Faidherbe n'attendit pas l'offensive. Par une proclamationen date du 9 février 1856, il interdisait toute communÎCa·tion avec les Brakna, « qui ne voulaient pas se séparer deMohammed Al-Habib» et attaquait directement cet émir:Par la suite, il chercha, suivant sa propre expression,« à tirerparti des dissensions qui se manifestaient chez les Brakna,pour les detacher de l'alliance des Trarza », et pour faireéchec à Mohammed Sidi qui créait des difficultes le longdu fleuve et devant Podor.

n installa, à cet effet, un camp à Koundy, à une lieueau nord de Podor, et y mit une garnison d'un bataillond'infanterie et d'une section d'artillerie. De ce camp, sestroupes devaient incursionner pendant plusieurs annéeschez les Trarza et les Brakna,

A la fin de mars 1856, le gouverneur se rendit !ui-méme à Koundyoù il eut une entrevue avec Sidi Eli. Il la 'suite de laquelle les troupesdu camp se joignirent aux Maures Brakna révoltes contre leur roi Mo·hammed Sidi et pénétrèrent dans l'intérieur. JI s'ensuivit quelquesengagements heureux pour nos armes, qui cimentèrent J'alliance avecSidi EH et donnèrent Il ce dernier une plus grande autorité sur ses par­tisans.

Dans ces différentes alfaires, les Guedala, les Id Eïlik, lesTanak perdirent 4.000 moutons, des bœufs et un certainnombre d'hommes, dont le fils du Cheikh des Tanak. Desprisonniers furent faits et conduits à Podor. Sidi EH restait

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LES DRAKNA 69

en selle. En juin, on voulut, pour en finir, aller enlever, enface de Mbamam, le camp ùe Mohammed Sidi, défendupar les Oulad Ahmed; mais le .commandant de Pedor,chargê de cette opération, fut mal secondé par Sidi Eli etne reussit pas. Si'di EH n'embrassait en effet notre causequ'avec une certaine mollesse, sc souvenant qu'à diversesreprises, antérieurement, les Français l'avaient compromis,puis abandonne pour faire leur paix avec Mohammed Al­Habib.

Cet échec eut quand même un heureux résultat. Moham­med Sidi, inquiet, se retira vers le nord, et allait rejoindreson allié, vaincu, Mohammed Al-Habib.

L'annêe suivante, les hostilités recommencèrent. Moham~med Sidi, que j'émir du Trarza avait employé auprès deses amis Toucouleurs pour les gagner à sa cause, parcourutle Fouta, et rentra bredouille. Il prit part à toutes les luttesdes Trarza contre les Français ou leurs alliés, et s'attaquanotamment avec des contingents Oulad Ahmed, mais sansgrand succès, à son concurrent. La tradition a conservé lesnoms de plusieurs de ces combats qui se succedèrent de1855 à 1858; Morliyet, Foni, Lefar, Mbargou, au-dessus deKaédi, Diabdiola, Djigueti Monadji dans l'Oued, et à Kin·<1elak, au nord·est du lac Rokiz.

Mohammed Sidi avait avec lui ies OuJad Ahmcd et unepartie des Oulad Siyed, les Normach, les Oulad Eli et [esTouabir.

A l'extérieur, chacun des deux partis brakna trouvaitpour auxiliaire chacun des deux partis qui, de semblablemanière, divisait les Id Ou Aïch. Sidi EH s'appuyait sur lesChratit et Mohammed Sidi sur les Abakak. Flanque de soneternel tuteur, Sidi, fils de Mohammed AI·Habib, il allaitimplorer le secours de l'émir Bakkar, des Id Ou Arch.

Ce fut un coup de main des Oulad Ahmed qui amena lapaix génêrale. Lassés de cette guerre incessante, travailléspar Bakkar, chef des Id Ou Arch, qui venait de conclure

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un traité avec nous, ils firent alliance avec les Oulad Dàmandes Trarza, qui étaient en instance de soumission, et lA·chant Mohammed Sidi, décampèrent vers l'est. L'émir,dont ils étaient la principale force, eut recours àMohammedAl-Habib pOUf le ramener à l'obéissance. Les deux chefsmarchèrent à leur rencontre, mais les Oulad Ahmed, nul­lement intimidés, n'attendirent pas leur venue et les sur·prirent une nuit, tuant Mokhtar oulcl Omar._ chef d'unemoitié des Siyed, et plusieurs guerriers de MohammedSidi, et faisant prisonniers quelques Trana qu'ils muti­lèrent atrocement et renvoyèrent à Mohammed AI·Habib.

C'était la fin, Les deux émirs demandaient la paix. AvecJes Trarza elle fut signée elf mai 1858. Elle entratna celJèdes Brakna, conclue le 10 juin.

L'émir Mohammed Sidi restait en place, mais comme onprevoyait qu'il était à la merci d'un coup heureux de sonrival, ie Gouvernement concluait avec tous les deux letraité de commerce et d'amitié, qu'il venait de passer avec['émir des Id Ou Aïch, Bakkar ould SoucY dAhm ed, et quiallait cOnstituer sur le fleuve le régime« des escales» quia duré jusqu'à notre occupation effective.

Sidi EIi, lâché partiellement par les Français, eut recoursà la perfidie, arme accoutumée des Maures. Il annonce of·ficiellement sa soumission. Mohammed Sidi l'accepta, luifit un accueil bienveillant, dans" le secret espoir de s'cn dé·barrasser lui· même et scella la réconciliation générale desBrakna par de grandes réjouissances (novembre 1858).Quelques jours plus tard, au cours d'une promenade, SidiEU tuait d'un 'coup de feu l'émir Mohammed Sidi, Il se fai­sait immédiatement reconnattre chef des Brakna par sespartisans enthousiastes, dans le silence apeuré du camp ad­verse; et épousàit sans retard Oarmi, veuve de sa victime.EUe devait être la mère d'Ahmeddou, le dernier émir etnotre adversaire de 1903-1908.

Il Y a, en marge de ces intrigues et aventures, une figure

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LES BRAKNA 7'

-curieuse à signaler: c'est celle de Mokhtar Ndiak, premierministre des différenls cmirs brakna, qui se succédèrent de1840 à 1875. 11 assurait à sa façon l'esprit de suite et lacontinuité de la politique brakna, en précipitant la -chutedes émirs, mais en maintenant soignêusement sa personneen place. Il s'annonce dans l'histoire comme le brillantprédécesseur de celui qui, chez les Trarza voisins, allaitporter pendant un demi-siècle (186001910) cet art de la po·litique à sa plus haute expression: K.hayarhoum.

Le traité, conclu le TO juin 1858, avec chacun des deuxémirs brakna, comportait les dispositions principales sui·vantes:

a} </. Le roi des Brakna J reconMlt la protection de la France sur lesprovinces sénégalaises du Dinar et du Ouolof'et s'engage à emp~cher

les courses de ses tribus sur cette partie de la rive gauche.b) Rétablissement des relations commerciales. La traite de la gomme

se fera toute j'année par les escales dc Podor, Saldé... Le commerce detous autres produits est libre.

c) Creation d'undroil d'une piéce de guinée pour 600 kilos degommetraité li Se.ldé (c'e~wAl.ire environ 3 p. 100). Ce droit est perçu par IIIGouvernement français et versé à J'émir.

d) Neutralité absolue du cbefbrakna dans le commerce entre ses su­jets et les traitants.

e) Droit pour les français de couper du bois chez les Brakna sanspayer de redevance.

Un acte additionnel il ce traite devait intervenir le 5 juin1879. On le verra un peu plus tard.

Pendant tout ce temps, ce régime a fonctionné normale­ment et sans trop de heurts. Une seule difficulté s'est sou­vent présentée, touchant le versement intégral de la coutumeaux émirs. A maintes reprises, l'avis officiel suivant, ouun avis semblable, parut à Sllint~Louis: « Il ne peut yavoir de crédit dans les opérations commerciales avec cespeuples (maurcs;) qu'aux risques et périls de ceux qui leleur accordent. L'administration a déjà déclare et déclar~

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que ce crédit n'engagera jamais pour elle la question poli.tique. »

Malgré ces déclarations formelles, eUe céda souvent, soiten consentant des avances aux émirs, toujours quéman­deurs, soit en leur faisant des retenues pour payer descréanciers, qui attendaient vainement le paiement de leursfactures ou pour garantir de pillages commis par les tribus.

On se doute que les règlements de comptes furent épi­neux dans ces conditions et que les émirs, souvent furieuxet toujours mécontents, se livreront plus d'une fois à desrepr-esailles tant sur les caravanes de gommes que sur lestraitants du fleuve.

7· - Sidi EU Il (1858, t 18g3).

Sidi EH ould Ahmeddou prenait, en décembre J858, parl'assassinat, le principat de son père que sa jeunesse l'avaitempêché d'occuper, en 1841, à la mort d'Ahmeddou. Samère étant une hartanïa des Oulad Siyed.

Son commandement allait s'étendre sur une durée detrente·cinq ans, sans que nous ayons jamais eu à nousplaindre sérieusement de lui.

Les relations avec le nouvel émir débutèrent toutefoispar une certaine friction. En juin 1859, des bandes braknapassèrent le fleuve et pillèrent plusieurs viUages ct u Diolof.Invité à faire rendre gorge à ses gens, et impuissant à s'exé.cuter, Sidi EH se vit attaquer dans son campement parune colonne volante que dirigeait le commandant Faron.Pris avec tout son monde et son bagage, il dut se sou·mettre et restituer les gens, bêtes et meubles capturés oupillés j il jura en outre d'observer et faire observer plusfidèlement le traité signé l'année précédente.

C'est ici que se place le voyage de l'enseigne de vaisseauBourrel et du lieutenant Alloun Sai, des spahis sénégalais.

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LES BRAKNA

Ils partirent ensemble, le 12 juillet 1860, de Podor et arri­vèrent peu après au campement de l'emir qui comprenaitenviron« onze cents tentes appartenant aux Oulad Siid, auxOulad-Mansour, aux Ahratin·Oulad-Siid et aux Ahratin·Tanak ». lis y passèrent environ trois mois, au cours des·quels Bourrel prit de nombreuses notes et étudia le payset les gens, tandis qu'AUoun Sai entretenait sa tâche deréconcilier Sidi EH avec les Oulad Normach et Ahmed, tou­jours rebelles à l'autorité emirale. Il y parvint au moins enapparence, car Brahim ould Ahmeïada fit porter des pa­roles de paix à l'émir, et celui·ci accepta ses offres et« envoyaun beau cheval à Brahim comme témoignage «d'amitié ».

Ensuite, AUoun continuait sur le Tagaot, où l'appelaitune autre mission, tandis que Bourrel rentrait à Podor, envisitant les campements maraboutiques.

La maladresse de l'émir, se greffant sur -J'animosite del'émir terrouzi Sidi Mborika, allait lui attirer des diffi·cuités sérieuses avec les Trarza. En fin 1860, il envoya unemission à Sidi Mborika qui 'Venait de succéder à son pèreMohammed AI·Habib. Cette mission etait dirigée par unZenagui du nom de Kho.l'na ouid Baabba, qui ne montradans ses fonctions diplomatiques qu'une grossièreté inouïedans cette s"cietê maure si policée. Sidi Je fit arrêter etgarder à vue, mais Khaïna, enfourchant une jument depur sang de l'cmir, s'enfuit à toute hâte. Les pourparlersn'aboutissant pas, Sidi arma ses gens et marcha en per­sonne contre les Brakna. 11 trouva aussitOt dee partisanssur place, car les Oulad Normach et les Oulad Ahmedn'avaient pas pardonne à Sidi Eli l'assassinat de MohammedSidi. EH dut prendre la fuite. Il offtit des concessions, ren­voya la jument, menaça des foudres de son allié le Gou­vernement français. Rien n'y fit.

Sidi Mborika avait, en efret, contre Sidi Eli un motif dehaine inexpiable. On sait que son père Mohammed AI-

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Habib avait fait tuer son frère Ahmed Lergat. Or, Je filsd'Ahmed Leïgat, cousin par conséquent de Sidi Mborika,avait épousé la tante de Sidi EU, et avait été placé par cedernier chez lez Chratit, du parti de Rassoul, allié de SidiEH et ennemi des Trarza. Ce jeune homme commençaità grandir et manifestait des projets ambitieux et surtout desdesseins de vengeance, qui n'étaient pas sans inspirer del'inquiétude au fils de celui qui avait fait tuer son père.

Pour aller jusqu'au bout de son plan, Sidi Mborika de­vait dètr6ner Sidi Eli, et le remplacer par une de ses créa·tures. C'est ce qu'il fit en proclamant sa chute et en faisantreconnaître à sa place un. cousin de l'émir renversé: Mo·hammed Al~Habib ould Mokhtar Sidi, le fils même de cetémir que l'amorite française avait déporté au Gabon en18~. .

Voici en quels termes Sidi Mborika annonçait cettetransformation politique au commandant de Pedor. Ilsprouvent bien quel était l'état dll nos relations avec lesMaures, sous l'ancien régime:

11 ne faut pas chercher à vous mettre nu-dessus de moi. ECOUlez ceque je vous dis, el vous, comm!Lndant, faites-le S!Lvoir à M. Faidherbe.Dites-vous que vous etes des commerçants, qui cherchez à échangervos marchandises. Vous avez besoin de quelqu'un qui surveille leschemins des marchands, qui vendent la gomme et toutes les produc­tions dece pays. JI vous faut un homme qui puisse chasser les pillards,qUI soit intelligent, puissant et sache se faire obéir des sujels. Moi, jene veux qu'améliorer le pays el emp~cher les troubles. Pour cela je nevois rien de mieux è. faire que de nommer Mohammed Al-Habib. Dèsque ma lettre vous sem parvenue, faites avec lui ce que vous faisiezavec les anciens princes, qui protégeaient les chemins. Soyez franche·ment son ami, et lui el mol, nous serons tout à fait vos amis.

11 faut savoir que je suIs entièrement de son parti dans cette circon­stance. Si vous êtes content et acceptez ce que je vous dis, nous aussi,nous serons satisfaits de vous. ·Si vous n'Rcceptez pas ce que nous ve·nons de vous dire, nous serons irrilés contre vous.

Cette belle épttre ne convainquit pas Faidherbe. Sidi, au

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dire de celui-ci, employa alors un moyen machiavcliquepour nous brouiller avec Sidi lW. On avait eu le tort, en1863, pendant la guerre avec le Fouta, d'exciter les Braknacontre les Toucouleurs, alors nos ennemis. Les Brakna nedemandaient pas mieux que de reprendre. leurs ancienneshabitudes de pillage sur la rive gauche et, par suite, Sidiparvint facilement même, en 1863, à engager une partiedes sujets de Sirli EH, et principalement les Oulad Ahmed,à exercer leurs piilages à main armée, même dans les envi·rons de Podor. Sirli Eli, qui retenait à peine ses plus fidèlessujets, ne put rien faire pour réprimer ceux qui lui résis­taient ouvertement.

Ne voulant pas aider à la réussite du projet de j'émirdes Trarza, en rendant Sirli EH responsable de ces pillages.et ne pouvant pas, d'un autre cÔté, laisser ces plllages etces assassinats impunis, le gouverneur donna j'ordre aucommandant de Podor de s'emparer des principaux cou­pables, s'il en trouvait l'occasion j c'est ce qui fut fait, etdeux d'entre eux, tributaires des Oulad Siyed, convaincusd'avoir pris part à tous les vols et assassinats faits dans labanlieue de Podor, furent fusillés.

Malgré cet exemple, les Oulad Ahmed enlevèrent co­core, quelques jours après, les troupeaux de Mao. Sidî EHse mit immédiatement à leur poursuite, et leur fit dire ques'ils ne rendaient pas tout de suite les troupeaux, il allaitleur faire la guerre. En effet, le I3 avril, il attaqua leurscamps, mais cette attaque ayan\ eté faite sans ensemble, futrepoussée, et le parti de Sidi EH essuya des pertes impor_tantes. Pendant qu'une partie de son armée était ainsi miseen dêroutc, une autre bande, chargee d'enlever le camp oùse trouvaient les femmes et les bagages,surprenaitle chef desOulad Ahmed, 8iram, le tuait, ainsi que plusieursautres per­sonnages importants, et faisait des prises assezconsidérables.

Les Oulad Ahmed firent alors appel aux Trarza qui sepréparèrent à intervenir.

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L'émir Sidi EH tergiversa, batailla, n'aboutit à rien.Cette situation se traduisit par une anarchie épouvan­

table. La rive gauche du Sénégal ne tarda pas à en sentirles fâcheux effets. Des bandes d'aventuriers s'abattaient enrezzous sur les vi1lages du Toro et les pillaient. Ce fut lesort de Dyouldé-diabé, Laboudou, Gamague, Diatal, Eidi,Guéde, Foudéa, Nasli, Diambo, et de plusieurs campe­ments de Peul Odabé.

Toutes nos récrimInations ne servaient de rien, parce queSidi Eli etait dans l'impuissance de réprimer les brigan­dages tant de ses amis que de ses ennemis, « Ce n'est quepeu de chose, disait-il en juillet 1863, et j'ai fait tout cequ'on peut faire en pareil cas tant en amendes qu'en me~

naces de mort. Ceux qui craignaient cette dernière peine sesont sauvés... Quant aux Toucouleurs de Podor (les plai.gnants), je ne demande à Dieu que de les éviter, et qu'il neleur arrive aucun accident. Au premier tort, ils courentvers le commandant et me font payer les dégâts. Au sur·plus, eux-mêmes ne cherchent qu'à me brouiller avec lesFrançais. »

Du t"'janvier 11562 à la fin novembre 1863,il était ainsi en­levé 2.500 bœufs et plusieurs milliers de têtes de petit bétai]'

L'émir Sidi Mborika, mettant à exécution ses projets}apparaissait à nouveau dans le Brakna, après avoir écritau gouverneur une lettre dans laquelle il protestait de sesbonnes intentions, et où il déclarait n'intervenir dans lesaffaires des Brakna que pour rétablir l'ordre, en substi·tuant à un chef impuissant un chef fort et respecté; il pé­nétra sur le territoire des Brakna, et fit sa jonction avecles Oulad Ahmed.

Le gouverneur, voulant faire encore une tentative enfaveur du roi des Brakna, écrivit à Sidi la lettre suivante ~

J'ai reçu voIre lettre. Vous me dîtes que vous voulez intervenir dansles affaires des Brakna pour assurer la tranquillité du pays, pour le biengénéra\. Si tela est vrai, il ne noua sera pas difficile de nous entendre,

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car nous aussi nous ne voulons que le bien lIénéral. Mais commententenclel:-nous obtenir ce résultat? On nous di! que vous voulez pourcela nommer Mohammed Al-Habib roi des Brakna, je ne crois pas quecela soit le moyen d'arranger les affaires. Mohammed AI·HlI.bib est unhomme qui n'II. pas l'habitude du commandement; il n'a ni richesse, nipartisans; il ne peut même pas habiler le pays des Brakna; les OuladAllmed seuls consentiraient à. le reconna!tre et Us sont tout à. fail incll.~

pables de rétablir l'ordre che$ les Brakna. Si vous ne leur aviez accordévotre protection et votre aide, ils se seralent déjà sauvés dans le désert.Tous les Brakna sont d'accord avec Sidi EH, excepté les Ou/ad Ahmed.II est donc hien certain que Mohammed AI~Habib ne pourrait pas gou·verner les Brakna, quand même vous le nommeriez, Il y aurait bientOttoute espèce de désordres et c'est Ir. vous, naturellement, que nous se·rions obligés de nons en prendre.

Vous voyez donc bien que vous allez entreprendre une affaire quivous créera indubitablement des embarras sérieux d'où il pourra résul~

ter une chose que noua ne désirons, ni vous ni moi, ill. guerre entrenous 1J'ai reçu de France beaucoup de chevaux et de soldats, je n'aijamais eu autant de forces 11 ma disposition. S'il survient des désor­dres dans le fleuve, je ne pourrai pas faire autrement que d'employerces forces à l'I!lablir j'ordre. JI}' aurail un moycn plus sim pie et plusflcHe d'arranger'les affaires que dc suivre cette politique dangereuse:ce serait de vous entendrc avec Sidi EH. Si vons voulcZ", je vous feraientrer cn communIcation avec ce cnef; je l'engagerai à. vous accorderce qui est juste dans une conférence que l'OUS pourricZ" avoir ensembleet 00 assisteraIt un ellvoyé de moi,

Après la réception de cette lettre et arrivé à hauteurd'Aléibe, le roi des Trarza fit faire des ouvertures à SidiÉli, en lui disant que quelques cadeaux arrangeraientl'affaire, et qu'il ne demandait pas mieux que de le laisserroi des Brakna et de s'en retourner chez lui. Sidi attendaitles résultats de cette proposition, avant de s'aventurer da·vantage dans le pays, lorsque le bruit s'étant tout à couprépandu parmi ses troupes que le gouverneur arrivaitpour lui coupe1- la retraite; il Y eut une débandade g~né.

raie, et il opéra en deux jours son retour sur le territoiredes Trarza.

Sidi ÊH s'était réfugié à Tébékout (Saldé), où il avait

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jadis ouvert une escale et placê comme chef son ami Mo"hammed ould Heïba, chef des Oulad Éli et mettre du Rag,à qui il abandonnait le tiers de ses coutumes. Il revintsur la rive droite, regroupa ses bandes Siyed, Mansour etÉH, qui ne l'avaient pas abandonné, et assisté de contin­gents toucouleurs, mis à sa disposition par l'almamy duFouta, notre allié, il recommença à batailler.. Dans les derniers mois de 1864 enfin, les Français, lassés

de ces dissensions, qui portaient un coup fâcheux au cam,merce, réussirent à concilier les deux adversaires. Sous lahaute autoritê de Faidherbe, les délégués des deux émirs:Chems Mohameden Fal, des Ida Ou Al-Hadj, et Ahmedould BraYk pour le Trarza, Djeddna et Rachid pour' leBrakna, signèrent un traite de paix entre les deux confe·dérations (cf. en annexe).

Sidi Éli, se reconnaissant incapable de lutter contre sonrival, achetait la paix au prix d'importants sacrifices: ils'engageait« à verser au roi des Trarza une indemnité de250 pièces de guinéel ou leur valeur en bœufs. Il consen­tait à ce qu'un quart des droits perçus à son profit sur lecommerce de la gomme à Podor fût payé à l'émir desTrarza,

Moyennant ces concessions, Sid Mborika s'engageait àlaisser les caravanes se diriger librement soit sur Podor,soit sur Dagana, et à assurer la securite des routes. Il re­connaissait Sidi Êli comme émir des Brakna et nouaitamitiê avec lui. Le pr6tendant Mohammed Al-Habib,abandonné de son protecteur, vint chercher asile chez lesQulad DAmân du Trarza. Par la suite, il devait rentrerchez l'émir Ahmeddou, fils de Sidi rtH, et y finir tranquil­lement ses jours (t ver~ 1900).

La disparition du prétendant ne ramena pas d'ailleurs lecalme complet chez les Brakna. Les Normach revendi.quaient toujours le droit de choisir dans leur campementprincier l'émir de la confédération. Les Oulad Siyed en-

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tendaient conserver ces droits,acquis par prescription depuisun siècle, La lutte recommença donc et se poursuivit delongues années'. Les Oulad Ahmed, par tradition d'indis­cipline et d'anarchie, se joignirent aux Normach -et a~ra·vèrent le désordre. Ils furent même, la plupart du temps,les seuls adversaires des Oulad Siyed.

Voici, par exemple, ce qu'ils écrivaient astucieusementau gouverneur du Sénégal:

Si nous avOllS volé vos bœufs et ceux de vos amis ce n'êtaÎt poIntpour rompre noIre ancienne amitié. Notre arlcienne amitié Il été causede la guerre qui a eu lieu autrefois entre les TrRrza et les Brakna. LesTrsrza ont étê chassés ct nous aussi. Alors nous nous sommes déter­minés à voler dans le pays le plus que nO(lS avons pu pour y porterJetrouble et forcer Sidi EU, par restitutions, à perdre le revenu qu'il pou­vaIt recevoir des Blancs et des Noirs. A présent, nous sommes revenusdans le pays pour nous mettre d'accord avec les Oulad Seïd, Ils sontvenus nous trouver à Aleïbl: pour renouveler notre amitié, Ils se sontentendus avec les Outad Normach pour nous trahir.

Nous nous sommes sauvés; on nous a poursuivis et on nous are·joinu dans un endroit qu'on appelle ChaTd (vis-il-vis d'AIod). Nous nepouvions aller plus loin et avons été obligés d'accepter la bataille. Nousles avons repoussés et poursuivis toute tlne journée: nous en avonstué une quarantaine. Dieu nous a protégés contre leur nombreuse ar­mée, composée de (OUS les Oulad Beld, de lous les Oulad Normach,duchef des Oulad EH, Mohammed ould El'ba et d'une par/Je des Touabir.Maintenant nous envoyons vers vous pour renouveler l'amitié qui exis­lait entre nous, el nous attendons que VOliS en fassiez autant.

La preuve que nous avons loujours été vos amis, c'est que IlOUSn'avons pas cessé de surveiller le ehemin des gommiers. Depuis quenous avons dO quitler le pays jusqu'à présent, nous n'avons jamaissouffert qu'un de nous fh du mal aux marchands de gomme.

Les caravanes du haut pays ont toujours passé près de nous enallant et en revenant et jamais nous ne leur avons rien exigé oupillé.

Des combats aux issues les plus diverses se succedèrentpendant une dizaine d'années. Sidi Éli, appuyé sur Mo·hammed ould Herba, chef des Oulad }~li de Kal:!di, et surles Toucouleurs du Fouta, nos alliés, finit par avoir raison

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de ses adversaires. Les rd Ou Aïch s'étaient partagés, sui­vant leur antique alliance, entre les deux.camps et prirentpart Aplusieurs de ces rencontres, Après les combats desMaye-Maye et de Khaleïfi, Sidi Êli fut définitivement vic·torieux à DoJfa, dans l'Oued (vers 1873).

A partir de cette date, s'il rencontre encore de l'opposi­tion chez ces irreductibles ennemis, son autorité cmiralen'est plus contestee. Les luttes devaient d'ailleurs re·prendre avec une certaine intensité, soit en 1880 contreles Trarza, soit en r885 contre les Oulad Normach etAhmed, et leurs alliés Abakak (Id Ou Aïch). On les verraplus bas.

En 1879, les escales vivaient toujours SOliS le régime dutraité de 1858. «Après vingt et un ans de paix profondeentre les deux nations, comme dit le préambule, le mo­ment semble venu d'introduire dans leurs relations corn·merciales des modifications en rapport avec les liensd'amitié des deux peuples. Un acte additionnel fut doncsignè, le 5 juin 1879, par le capitaine Louis, représentantdu gouverneur Brière de L'Isle, et l'émir Sidi Éli.

li Yest dit en substance:

ai li n'y a plus d'escales. Le commerce de la gomme et de tous au­tres produits est libre; il se fera li terre ou li bord, dans les anciennesescales ou partout ailleurs.

b) u. coutume proportionnelle est supprimée. Elle est remplacée parune indemnité fixe, peyée par quarts au 'moment de la traite.

cl Neutralité absolue de ['émir des Brakna dans le domaine com­mercial.

Une convention, passée le 22 mai 1880, reglait l'indem­nité fixe, restee indéterminée dans l'acte additionneL Laquotité en était de I.600 pièces de guinée filature, dont400 étaient distraites au projet de Mohammed ould He'iba,chef des Oulad ÊH et de l'escale de Tébekout (Saldé).

Une autre convention, en date du 13 aoû:t 1886, fixaitcette quotité à 2.000 pièces, dont un quart pour le chef de

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l'escale de Tbbekout (Saldé), Sidi Ahmed, qui dans l'inter­valle avait succédé à son père Mohammed He'iba.

Des incursions des Oulad DAmân en 1878-1879 failli­rent rallumer la guerre entre Trarza et Brakna, Les bonsoffices du gouverneur, d'une part, et l'intercession duCheikh Sidia Baba, qui faisait ainsi ses premières armes,d'autre part, ramenèrent la concorde. L'affaire fut régleepar indemnités.

Il en fut de même de plusieurs incursions de Toucou­leurs ,sur des tributs maraboutiques, et notamment les

"Tagnit, alors dépendant du Brakna. L'émir, qui noussavait en délicatesse avec les gens de Dibango (AJeïba),offrit de faire nos affaires en faisant les siennes. Il vou­lait se jeter sur ces Toucouleurs et les piller, L'affaire serégla par transaction.

En IB81, Sidi tw engagea son ami Mohammed ouldHe'iba, chef des Oulad Êli, à s'interposer entre les Françaiset Abdoul Boubakar, chef des Bosséa, qui se posait en ré·volté. De plus, il adressait à' Abdoul lui-même une lettrepressante p01,lr l'engager à faire la paix. fi lançait enmême temps une proclamation dans le Bosséa «pour faire-comprendre aux habitants que la paix avec les Françaisétait indispensable pour la tranquillité et Je bien-être deleur pays ».

En 1885, Sidi Êli se retrouve pris entre les Trarza et les Id{)u Aïcb, Du coté des Trarza et par la pression de Saint­Louis, l'affaire s'aplanit presque aussltCt. Éli Dion'lbot,émir des Trarza, se dit exaspéré contre son voisin brakna,Hui utiliserait contre lui ou tout au moins laisserait uti­liser (notamment par les pillards Oulad Siyed) les secoursque les Français lui font passer à l'usage des Toucouleursdu Bosséa. En réalité, il veut rétablir sa popularité enbaisse, en eonduisantses hassanes au pillage. Il est d'ail·leurs non moins fâché contre les Français, qui « donnent,

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la liberte aux captifs, gardent ses tributaires (Taghredient)sur leur territoire et autorisent les gens du Cayor et duBaol,à garder les biens de SilS sujets, qui meurent dans cesprovinces. » Encore qu'il cÜt déclaré « qu'il ne supporte­rait pas cela tant qu'il aurait la tête sur son cou }>, il finitpar s'amadouer devant les menaces que proféra le gouver­neur à l'annonce des premiers pillages sur les OuladTari.

Mais avec les Id Ou A'ich, les affaires allèrent plus loin.Une bande d'Abakak, alliés des Oulad Normach, envahitle Brakna oriental sous la conduite de Nabra (de sonvrai nom Brahim), fils naturel de l'émir Bakkar ouldSoueïd Ahmed. Les campements prirent la fuite, tandisque Mokhtar, fils al né de Sidi ÊE, organisait la résistanceet demandait naturellement le secours des Chratit, enne·mis des Abakak. Il se mit à la tête de bandes siyed et dequelques Oulad Ahmed j mais, repoussé, il dut prendre lafuite et fut tue au cours de la poursuite par Nabra.

A cette nouvelle, Sidi Éli lança son second fils Ahmed·dou sur les envahisseurs. Nabra, qui à l'instar du poètearabe chantait: « Ce n'est pas à mes ancêtres que je doisma gloire, mais à moi·même. C'est moi qui suis un an­cêtre. Je suis Brahim ould Brahim », reçut la troupebrakna à coups de feu. Le combat resta indécis et, sui·vant la coutume maure, on se sépara sans résultat.

Nabra finit par rentrer dans sa tribu, Sidi Éli, rasséréné,prit alors l'offensive lui· même, et surprit et razzia les par·tisans de Nabra dans le Fori. L'affaire en resta là.

Notre alliance avec Sidi Éli joua en 1891, lors des diffi·cuItés qui s'élevèrent entre le Gouvernement français etAmar Saloum, emir des Trarza. li soutint de toutes sesforces Ahmed Saloum Il ould Ali Diembot, rival suscitéil. Amar Saloum par les Français. Il aida à son triompheen lui envoyant un groupe de partisans, commandé parson fils Ahmeddou.

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Cette assistance devait assurer d'exccl1entes relations,de ce jour et jusqu'à notre arrivée, entre Trarza et Brak·na. Elles eurent leur consécration par le mariage du nou­vel émir des Trarza avec la fille de Sidi Éli : Fatma, Cetteunion, si heureuse de ce CÔlé, devait par ailleurs êtrefuneste à Ahmed Saloum, car sa première femme Myriamould Brahim, jalouse, se retira dans Son campement desOulad Ahmed ben DAmân, et cette fraction ne tarda pas àpasser au parti de Sidi ould Mohammed Fal, rival dej'émir.

Sidi Éli ne devait pas voir ces difficultés de son ge'ndre.Il mourut en 1893, sur les bords du fleuve, à Lehroud,en face de Mafou, Il fut immédiatement et sans difficultéremplacé par son fils aîné Ahmeddou.

8. - Ahmeddou 11 (1893-1903).

Ahmeddou Il ould Sidi Éli était âgé de 40 ans environà son avènement. II était complètement inféodé aux Ou­lad Siyed de par ses origines paternelles et de par ses at­taches maternelles: sa mère était en effet une Siyedïa,Garmi ment Ahmed Fal. Par elle, Ahmeddou se trouvaitêtre le frère utérin de Mohammed, fils posthume de l'émirMohammed Sidi ould Mohammed.

Vers 1878, l'émir Sidi I!:Ii avait fait épouser à son filsAhmeddou Moumina, fille de son allié Mohammed ou IdHeïba, chef des Oulad Éli et protecteur des escales de Té·békout (Saldé) et de Kaédi. Il en eut un fils, Sidi Éli, géné­ralement connu sous le sobriquet d'Ould Assas, du nomde sa nourrice.

Moumina, nouvelle Aliénor d'Aquitaine, allait par sesmariages successifs semer la brouille pendant plusieursannées dans cette partie du Sud mauritanien.

En 1883, elle déserta le domicile conjl.jgal et se réfugia

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chez SQU père à KaMi. Puis, en vraie fille de hassane etsans attendre la répudiation, elle épouse Nabra, fils natu­rel de l'émir des Id Ou Aïch, qu'on a vu plus haut et qui,outre l'avantage de sa stature gigantesque, avait, aux yeuxde la vindicative Moumina, le bénéfice du meurtre deMokhtar, frère de son ex-mari Ahmeddou, indigné, la ré­pudia aussitbt. L'intrigante ne fut pas étrangère aux luttes'qui se déroulèrent alors entre Brakna et Id Ou Aïch.

Quelques annees plus tard, Moumina revint à ses pre­mières amours;' elle lâcha Nabra, réintégra le «Mah­saI' l> des Brakna et eut j'adresse de se faire épouser unedeuxième fois par Ahmeddou. Après divers incidents con·jugaux, un nouveau divorce intervint, et Moumina, -ren·due à la liberté, s'empressa d'aller faire le malheur d'unhomme d'Église, le Kounti Sidi Amar ould Sidi·l·Mokh­tar, d(.!s Ahel Cheikh_

Cette fugue ne dura pas. La princesse mésalliée revint,un an après, dans le campement d'Ahmeddou, y épousason frère Mohammed Al-Habib, brouilla quelque tempsles deux frères, fut répudiée à nouveau, et finalement, sescharmes étaient désormais inopérants, se retîra dans lecampement de son fils Ould Assas: elle y est morteen '917, à Touizit, dans Je Chamama.

Pour en finir avec les aventures conjugales de l'émirAhmeddou, il reste à dire qu'il épousa, en mai 1899, lanièce de Rassoul, chef des Chtatit : Fatma ment Cheikh0uld Eli. Il n'en eut qu'une fille: Garml; aujourd'hui re­venue avec sa mère chez les Chratit. Il répudia. peu après,cette Fatma et depuis cette date ne vécut plus qu'avec desfilles de ses haratines et captifs, notamment Diouldé, an­cienne captive e.nlevée au chef des Oulad Normach, et quia. suivi Ahmeddou en dissidence; Ziza ment Haboub, an­cienne captive enlevée aux Oulad Ahmed, mariée actuel­lement à Soumaïla, détenu de droit commun à Aleg; et~nfin Ment Baba, Toucouleure. Il en a eu plusieurs en-

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faots; Mohammed, né vers 1899, Bakar, .né vers 1900.Ahmeddou, autant par son caractere fourbe que par la

faiblesse de son autorité ou plutôt de ses moyens, devaitnous causer jusqu'en fin 1903, date de l'occupation de sonpays, toutes sortes de désagréments.

Dans le courant de l'année 1890, le gouverneur ClémentThomas avait fait dénoncer à Sidi Éli la conventionde 1886 fixant à r,50o piéces de guinée le taux de J'indem·nité fixe, remplaçant les droits de sortie sur les gommes.1.000 de ces 1.500 pièces furent accordées à l'émir desTrarza et il n'en resta que 500, que Sidi Éli ne voultatpoint accepter. Cette mesure avait été prise, parce qu'aucours de la traite des dernières années, il avait été con­staté que Sirli Éli était compietement impuissant à main·tenir la sécurité de l'escale. Il n'avait plus aucune autoritésur les tribus rattachées à son groupe, il ne pouvait se faireobéir m~me par ses sujets directs. Il laissait faire, simême il n'encourageait pas les pillages sans nombre parles gens de son propre camp.

Durement atteint par cette' rMuction de sa rente, SidiÉli fit de grands efforts pour arriver à rétablir son auto·rité. La situation restait néanmoins tendue, quand il mou·rut. Avec son fils Ahmeddou, que l'administration contri·bua à faire accepter pacifiquement aux tribus, et qui, plusjeune et plus actif, paraissait inspirer confiance, on revintà l'ancien état de choses. On visa à affermir son autoritésur les Oulad Normach et Oulad Ahmed; on renforça lecommandement de ses représentants; on exécuta loyale·ment les conditions du traité du 12 décembre 1891, conclud'ailleurs avec jui~mème, représentant son père, et qui ac·cordait à l'émir brakna une indemnité fixe de 1.000 piècesde guinée filature,

On pensa en même temps utiliser sa vigueur et sa pré.tendue bonne volonté, en Je liguant avec les Ahel SidiMahmoud, fâchés de se voir coupé les routes de Bakel par

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les Id Oll Aïch, et en jetant un fOft rezzou de ces deux tri­bus sur le camp de Bakkar ould Soueïd Ahmed, émir desld Ou Aïch, qui avait offert l'hospitalité à nos trois irré­ductibles ennemis senégalais: Abdoul Boubakar, chef duBosséa; Ali Bouri Ndiaye, bourha du Diolef, et AmadouChékou, marabout agitateur., Toute cette politique fut vaine, et Ahmeddou opposa laforce d'inertie, chère aux Maures. Il fallut en arriver à re·tenir sur ses coutumes la rançon des pillages commis parses gens, ce qui évidemment ne fit qu'augmenter lenombre des razzias et nous brouiller périodiquement avecAhmeddou. En mai 1895, dans son indignation, il fermebrutalement l'escale de Podor. Le voyage inopiné du ni~

recteur des Affaires politiques Merlin lui fit perore con·tenance, et il rouvrit aussitôt l'escale,

La grande aventure du principat d'Ahmeddou fut lalutte qui eclata entre les Die'idiba, marabouts classiquesdes Oulad Biri, marabouts, cousins et allies des OuladAhmed, Par le jeu des alliances traditionnelles et deshaines inveterées, la plupart des tribus trarza et brakna,tant guerrière que maraboutique, allaient en être trou­blées, N'étaient notre présence et l'influence acquisepar notre politique dans les affaires maures, des luttes in·terminables eussent à nouveau ensanglanté les confinstrarza·brakna, Elles restèrent localisees aux Oulad Biri etaux Die1diba,

Déjà, sous Cheikh Sid'ja Al·Kabir, vers 1860, un inci­dent fâcheux, mais qui n'avait pas d'autre importanceque celle des menus faits de la vie de tribus voisines, étaitvenu mettre à l'epreuve les bons rapports anterieurs desOulad Biri et des Die'idiba, Un individu des Oulad Falli,Mohammed ould Abd El·Fattah, s'etant pris de querelleavec des zenaga Die1diba, marcha contre eux à la tête deses gens, les surprit et en tua seize. Sur l'intervention deBakkar ould Soue1d Ahmad, émir des Id Ou Arch, qui

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LES IIRAKNA

était aussi par indivis suzerain des zenaga tués, CheikhSidi'a AI·Kabir conseritit à payer la dïa, qui fut fixée à16.000 pièces de guinée. L'affaire n'eut donc pas d'autressuites.

Vers 1890, des contestations au sujet de trois pontsd'eau, Bou Talha'ia, Hasseï Al·Afia et Aredekkel, dansl'Amechtil, dont les deux tribus revendiquaient la pro­priété, remirent le feu aux poudres. La question s'aggra.vait encore du fait de contestations similaires sur les ter·rains de la Dabaye du Chamama. De 1890 à 19°0, il selivra une multitude de petits combats, dont il serait fasti.dieux de donner le détail.

Il suffit de retenir que les hassanes des deux pays pri­rent respectivement parti pour leurs marabouts. L'émir duTrarza, Ahmed Saloum 10', son parent, Sidi Ahmed ou IdBou Bakar Siré, et surtout les guerriers OuJad DAmAn etEuleb, marchèrent avec les Oulad Biri. L'émir du Brakna,Ahmed ou1d Sidi Éli, avec ses geris Oulad Abdallah et sesalliés toucouleurs Ale1bé du Chamama, combattaient pourles Dîeïdiba. Ces passes d'armes peu sérieuses entre gensqui faisaient parler la poudre sans conviction, et cher·chaient surtout à vivre aux crochets des Tolba, sous pré.texte de les dMendre, furent pl liS d'une fois fàcheusespour les Oula.d Biri, Le Cheikh faillit être enlevé en 1896dans son camp d'Aouadane, et ne dut son salut qu'à lavaleur de ses élèves noirs, qui se jetèrent avec fureur surles bandes Dierdiba et Oulad Siyed et les exterminèrent.

L'intervention de l'autorité française amenait une sériede tractations entre les belligerants : d'abord la paix estconclue, au moins en principe, en novembre 1896, à Bo'idelBarka, entre les chefs trarza et brakna. Le 29 janvier sui·vant, les délésués des deux tribus maraboutiques signent àPador une déclaration, qui énonce qu'aucune réparationne sera accordée de part et d'autre pour les dégâts respecti­vement commis. Sous les auspices du gouverneur général,

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une convention cst passée, à Saint-Louis, le 9 février 1897entre les deux émirs, assistés de leurs ministres et conseil­lers.

Les actes antérieurs précités r sont confirmes: Pador estreconnu escale brakna, sous t'autorité d'Ahmeddou, maisavec liberté commerciale pour tous les Maures du Trarza.Les deux émirs s'engagent à faire sérieusement la policede leurs tribus. Ahmeddou enfin autorise les OuJad Biri àhabiter et à cultiver sup le territoire des Brakna qu'ils oc­cupaient précédemment. Il les autorise notamment à seréinstaller à Dabaye (marigot de Morghen ou de Koundi).

Une nouvelle convention voulut consacrer avec plus deforce encore, en 18g8, les accords établis l'année préee.dente (1). Mais pour éviter tes difficultés qui avaient surgi, teste.rrains litigieux de Dabaye furent déclarés neutres et placéssous la surve111ance spéciale de l'administrateur de Pador.Pendant ce temps, les Toucouleurs de la rive gauche pas­saien't sur le fleuve et mettaient les terrains en valeur. Ilfut impossible d'obtenir des uns et des autres la bonne vo­lonté nécessaire à des concessions réciproques. Ils ne vou­lurent même plus se voir: Ahmeddou refusa se rendre vi~

site à un marabout. Cheikh Sidra ne voulut point se rendreau campement d'Ahmeridou pour éviter de s'y faire assas­siner.

La hitte continua donc de plus belle entre les tribus j ellefinît pourtant par tourner à l'avantage, au moins appa~

rent, des Oulad Siri, en ce qui concerne les puits du nord.Les DieYdiba vaincus durent évacuer, vers la fin de 1899,l'Amechtil et l'Aoukeïra, mais ils prirent leur revanche eny venanqiiller, les années suivantes, les campements biti,de sorte que ceux-ci Aleur tourdurent abandonner les puitslitigieux et se concentrer dans l'Aouke'ira. Non -entretenus,

(Il Pour lu textes français de C68 deuxicO)nvenliO)ns dll 1897 et 18g8cntre Tratzaet Brllkna, cr. « L'Emirat des Trarzll (Annues) ~, par PaulMarty, in collection de la ReJ'ue du Mo"de MUJulltlan.

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LES B~AKNA

ces puits tombèrent bientÔt en ruines. "En '903, assurés del'appui de Coppolani et profitant de l'êtat de l'insoumissionde Die'idiba, qui ne pouvaient ainsi faire valoir leurs droits,Cheikh Sid'ia fit réoccuper le territoire abandonné ct rc­mettre les puits en êtat. La soumission des Dieïdiba allaiten 1904. soulever à nouveau le conflit. Ils demandèrentsans tarder à entrer en possession de leurs puits. Les Ou­lad Biri protestèrent, et comme l'affaire trdnait en Ion·gueur, les combats recommencèrent de toutes parts, entreharatines et captifs d'abord, puis enlrè zenagll, et enfinentre marabouts.

Les autorités des cercles Trarza et Brakna a1laientmettre un terme à ces luttes et procéder à un accord entre­les tribus.

Sous les auspices du capitaine Gerhardt, commandantle cercle du Trarza, un arrangement fut conclu, le 7 fé­vder 1912, entre Sidi El·Mokhtar, cheikh des Oulad Biri etMostafa ould Khalifa ould Ouadia, principal notable desDieïdiba, délégués par eux li ces fins. Le droit de propriétédes puits a été reconnnu aux Die'idiba, mais les deux tribusauront la jouissance de l'eau, suffisamment abondantepour contenter tout 11: monde. Satisfaits de n'avoir pascédé à leurs adversaires et d'avoir tous à moitié gain decause, les indigènes ont promis réciproquement de ne pasapporter de gêne à l'exercice de leur droit de jouissancecommune; et depuis 191.2, ils paraissent avoir tenu·pa­role.

Ahmeddou eut encore à intervenir à plusieurs reprises.dans les dissensions intestines, qui déchirèrent les Toua·bir, de 1896 à 1900. A la mort du cheikh de la fractionAnouazir, Cheikh oulcl Hammadi, sa succession politiquefut disputée entre 50n fils Hamdel Khalifa c~ Je chefdela fa·mille rivale Neïbat. L'affaire avait d'autant plus d'importanceque les Anouazir sont les fractions princières de la tribu,et que leur chef est pratiquement le chef de la tribu. La

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go REVUE DU MONDE MUSULMâN

querelle se maintint peu de temps circonscrite aux deuxrivaux: le jeu des alliances etdes haines réciproques amenasuccessivement du cÔté de Hamdel Khalifa une panie desautres Touabir, et notamment les Oulad AI· Kohol, puisSidi Ahmed ould Mohammed oulct Heïba, ex-chef des Ou­lad EH de Kaédi, révoqué par nous; du côté d'AhmedNeïbat, le reste des Touabir et notamment les OuladYora,puis M'hammed, chef en fonctions des Oulad EH, rival dupremier. Apartir de 1897, le conflit est général, et desren·contres se produisent à chaque occasion.

L'émir des Id Ou Aïch, B!tk.kar, eut la sagesse de nepas'Sc laisser entratner dans le conflit, en arguant que lesuns et les autres êtant ses tri butaires. il n'avait pas àprendreparti en faveur des uns ou des autres. Mais Ahmeddou sol­licite à plusieurs reprises, et qui avait d'abord refuse, sebissa tenter par les cadeaux de guinée des Oulad AI-Kohol.Il envoya un contingent à leur secours. Les Oulad Yora.firent marcher la cavalerie de Saint-Georges et leurs guer­riers, de,sorte gue leurs ennemis, y compris la bande d'Ah·meddou, furent complètement défaits à Segar. Ils lais·saient plus de 100 morts sur le terrain.

L'honneur d'Ahmeddou était engagé : il manifesta J'en·tention de rMuire à merci les r~voltes, ce qui valut immê·<liatement à ceux-ci le conCOurs de ses ennemis Normach~t Oulad Ahmed. Ses bandes, commandées par'MohammedKrara, son frère, et Ould Assas, son fils, et composées deSiyed et de DieYdiba, marchèrent contre les Oulad Yora,en juillet IgOl. Ceux-ci, intimidés prirent la fuite. L'affaireen resta là et Hamdel Khalifa fut reconnu chef des Touabir.

A la fin du dix· neuvième siècle, à la veille de notre oc­.cupation, la situation politique était la suivante: Les OuladSlyed dominaient de Zauireth Mohammed (près Dagana)jusque vers Boghé et dans l'intérieur, jusqu'à Aleg et Cha­gar. Ils protêgeaient surtout les Diel'diba, les Tolba Tanak,les Hijaj et les K'ounta·khoJ Bekkaï.

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LES BRAKNA 9'

Les Oulad Normach commandaient sur le fleuve, versCaseas et la région de Mal. Ils protégeaient les Id Eïlik, lesSoubak, les Abel Taleb Mohammed, les Tiab Ou[d Nor­mach, les Meterambin et les Kounta Ahel Sidi Amar,

Les Oulad Ahmed descendaient quelquefois jusqu'àBoghéet commandaient, vers Chogar, l'Akel et l'Agan, ils proté­geaient les Oulad Biri, les Ahel Gasri les Draouat. LesOuladEH (0, Abdallah aussi) commandaient vers KaMi et leRaag, et,protégeaient les Lemtouna, les Toumodek et lesHijaj de l'est.

Les Abel Sou id Ahmed (Id Ou Arch) faisaient sentir leurinfluence jusqu'à Guimi, Mal, l'AguerJat et protégeaientsurtout les TAgAt, les Torkoz, les Id ag Jemouella et lesKounta Oulad Bou SiE,

En fait, chaque tribu maraboutique faisait elle-mêmesa police intérieure et extérieure, et ne faisait intervenirles guerriers que lorsqu'elle ne pouvait pas faire autre­ment.

Les guerriers pillaient sans vergogne amis et ennemis,prenaient.de force ce qu'on ne voulait pas leur donner,tandis que leurs haratines et leurs zenaga volaient sanscesse. Les plus voleurs etaient les haratines Oulad Siyed etle zenaga Arallen (région de Podor), et les Touabir (Khat),

On ne pouvait approcher du fleuve sans être volé, Lameilleure police était faile par les Ahel Sou id Ahmed, qui,voulant se réserver le monopole du pillage, châtiaientimpitoyablement les zen aga, Hassanes Oulad Talha, Ou­lad Bou Sif marabouts et autres pillards qui rançonnaientleurs gens,

Le principat d'Ahmeddou allait prendre fin en décembre1903 par l'occupation française.

Dès 1902, et tout en poursuivant sa politiqued'apprivoi­sement en tribu, Coppolani avait instal1ê un fort à Regba àla limite des pays trarza et brakna, et un autre à Boghé. audébouché. sur le fleuve du pays brakna, Il avait entamé

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. avec Ahmeddou 'des relations pleines d'espoir. Malheureu·sement les sympathies qui l'attachaient à Cheikh SidYaétaient une forte cause de défiance pour les Dieïdiba mara.bouts et conseillers de l'émÎr et de ses Oulad Siyed. Cop~

polani prit son conge en France dans l'été 1903. Pendantson absence, divers traitants, intéresses au maÎntien del'anarchie, donnèrent à l'émir les plus mauvais conseils etfirent donner les Dieïdiba. Il arriva qu'Ahmeddou, moitiépar crainte, moitié par esprit de résistance, rassembla sesfidèles et ses haratines et fit décider l'alliance avec les IdOu Aïch. Il partit aussit6t les retrouver. C'est peu après queCoppolani allait prononcer sa déchéance et confisquer sesbiens au profit du Trésor (décembre 1903). .

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CHAPITRE VII

L'OCCUPA TION FRANÇAISE

Arrivé à Boghé en fin novembre 1903, CoppoJani appre­nait qu'Ahmeddou réunissait ses contingents à Aleg, ets'apprêtait à s'unir aux Id Ou A'jch pour nous combattre,malgré toutes les promesses de dévouement faites antérieu­rement.

Toutes les tribus religieuses armées, et notamment les,Dieïdiba, suivaient ce mouvement concert~ avec notre vieilennemi. j'émir Bak.kar, des Id Ou Aïch. Toutefois et paropposition de principe, les Oulad Normach et une partiedes Oulad Ahmad, dont les chefs etaient venus à Boghé sa·luer le gouverneur gênerai, de passagll au début de l'an­née, demeuraient fidèles à leurs engagements.

En présence de cette situation et pOUf arrêter des incur­sions certaines vers le fleuve, CoppoJanj activait l'exécutionde son progra'mme d'occupation du pays brakna, simpleacte préliminaire de l'occupation de Tagant.

Le '0' décembre '9°3, il quittait Boghe, accompagne durésident du pays brakna, du commandant des troupes duTagant et d'un détachement de spahis. Par la mare deSarak, il était sur les bords cultives du lac Aleg, le 3, Au­cun incident ne s'était produit sur la route. Une fractionimportante des Dieïdiba, rencontrée Je lendemain au cours

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d'une reconnaissance, et campée sur la rive opposée du lac,apprit à la colonne la fuite d'Ahmeddou, de ses hassanes,et du reste des DieYdiba vers Chogar.

Coppa1ani leur envoyait aussitÔt des émissaires spéciauxpour les inviter à ne pas quitter le pays. Mais Ahmeddoupoussé par ses deux nev.eux, deux fils de Bakkar et un cer­tain nombre d'Id Ou Aïch, arrêtait ces émissaires, grou­pait ses haratines, quelques contingents DieIdiba, OuladAhmed ctsutres dissidents, au total 400 fusils environ, et,la nuit du 8 au 9 décembre; se jetait sur le camp des enva·hisseurs. Toutes les précautions avaient été prises. Aprèsune vive fusillade, les aggresseurs furent repoussées, lais­sant quelques morts et quelques blessés sur le terrain. D~notre cOté, nous avions un tirailleur et quelques porteursblessés et deux goumiers tues. Quelques chevaux de spahis~

effrayés par [es feux de salve, avaient cassé leurs entraveset pris la fuite. Dès l'aube, le commandant des troupes,faisant une reconnaissance aux environs, rencontrait quel­ques Ou lad Siyed, en tuait trois et chassait les autres. Ildésarmait le campement des Dieïdiba précités et le faisaitinstaller près du poste pour avoir guides et moyen.; detransport sous la main.

Cette aggression d'Ahmeddou, commise surtout à l'insti­gation des Id Ou Aïch, fut le principal fait d'armes de j'oc­cupation du Brakna.

Quelques jours plus tard, le capitaine Chauveaux met·tait fin à toute récidive en surprenant à Chogar, à 40 kilo­mètres d'Aleg, le campement d'Ahmeddou et en mettanten déroute ses bandes hassanes.

L'action politique de Coppolani s'exerça aussitôt sur lestribus religieuses. Les premiers, les Kounta, ennemis invé­térés des Id Ou Aïch, vinrent à lui, et promirent de lescombattre en liaison avec lui, dès qu'il s'avancerait versl'est.

C'est à cette date que fut créé le poste d'Aleg avec toutes

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LES BRAKNA

les précautions defensives d'usage. Sis sur une hauteur ethabilement fortifié, il était, pour ainsi dire, imprenable.Au point de vue locai, il domine tout le pays brakna et per­met la surveillance de toute la région, comprise entreAleg,Boutilimit, Podor et Boghé, Au point de vue politique, ilest placé sur la bifurcation des routes du Tagant, situe à6 jours au nord·est. Ils constituait en plus, à cette date, unexcellent bastion sur le flanc des Id Ou Arch.

La mission de Tagant prit sans plus tarder la directiondu nord-est. Les tribus zouaïa du Brakna, déjà ralliés luifirent ses envois entre Boghéet Aleg-.

Quant à Ahmeddou, il n'abandonnait pas toute résis­tance. Dans une conference tenue à Agadel, près d'Ache­ram, et à laquelle participèrentAhmeddou, Bakkar ct leursfils, le plan de campagne suivant fut arrêté:

Les Id Ou Aïch rallieraient tous leurs tributaires et tente­raient l'enlèvement du poste d'Aleg, où ils sc fortifieraiet;ltsolidement. Puis deux colonnes iraient, l'une à Gue'ilat, àl'est de la région du moyen Mounguel, l'autre à Mbout_Elles s'y installeraient sur des positions rlltranchées, afinde s'opposer à la pénetration française. L'occupation deMbout paraît avoir été à ce moment la grande crainte deBakkar, et il joua de cette inquiétude pour raiJier définiti­vement à lui les Chratit, toujours frondeurs à J'égard desAbakak. et les Oulad Aïd.

Ce plan de campagne n'aboutit pas. La mission d'orga­nisation du Tagant se mit en marche, accompagnée d'ungoum où l'on voit figurer, à c6té des chefs trarza, plusieurschefs brakna : Bakar ou Id Ahmeïada, chef des Normach;Hiram ou Id Himeïmed, chef des Oulad Ahmed, et enfinSidi Ahmed ould He'iba, chef des Oulad EH, de Kaëdi.C'était sur leur propre territoire que les Id Ou Aïch devaientsauver l'honneur de leur nom.

La mission arrivait à Mal, le JO' février, et y installaitun poste fortifie semblable à cel.ui qu'elle venait d'établir

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REVUE DU IlONDE MUSULMAN

à Mouit. Sis à 70 kilomètres à l'ouest d'Aleg et à 80 kilo­mètres au nord de Kaédi, Mai réunissait des conditionsexcellentes pour la surveillance du fleuve :et la centralisa­tion des moyens nécessaires au départ de la mission et àl'organisation méme du plateau central du Tagant. La ré­gion, couverte de lougans, offre des ressources en bestiauxet en cultures. C'est un plateau boisé que traverse un im·portant marigot terminé par un lac de 40 kilomètres de.circonférence, où existe toujours une eau limpide, de qua­lite excellente.

Les tribus religieuses Id ag Jemouella, Torkoz, Touabir,Toumodok, Lemtouna, Tâgât, Hejaj, et des campementsdivers, etc., vinrent aussit6t faire leur soumission et oe­mander la protection française. Les Oulad Ahmed, aunombre de 600 fusils, suivirent le mouvement et sur la de­mande de Coppolani, s'installèrent aux environs de Mal.Plusieurs autres fractions religieuses, retirées entre Mal etla falaise, et qui attendirent notre installation à Mal pour-en faire autant, se décidèrent quelques jours plus tard, etéchappèrent non sans peine à la surveillance des guerriersId Ou Arch.

Ceux·ci, excités maintenant par Ahmeddou, qui sentaitla partie lui échapper définitivement, projetèrent d'attaquersoit Mal, soit Mouit. Ils commencèrent par des escarmou­ches et finirent par investir Mouit dans ,la nuit du 16 au17 février, au nombre de plusieurs milliers. Ahmeddou me­nait le bal. Ils furent repoussés avec des pertes sérieuses etse retirèrent au pied de ia falaise du Tagant.

En mème temps, Coppolani n'oubliait pas defairc inter­venir puissamment l'influence de ses amis marabouts.Cheikh Sidïa vint le trouver dans S'ln campement, et parsa présence, ses palabres, ses lettres, contribua fortemer.tà mettre fin à cette campagne de guerre sainte, q.ui com­mençait à prendre naissance sur le haut fleuve et dans cer­taines tribus. Par lui encore et pour satisfaire leur haine

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LES BRilKNA 97

nationale, les Kounta du Brakna et de Tagaot, mémequel.ques fractions Ahel 8idi Mahmoud, la plupart des campe­ments Chrattit, quelques Tadjakant se rapprochaient desFrançais, ou tout au moins promettaient leur neutralité.

Le Brakna pouvait dès lors être considéré, sinon commeentièrement pacifié, au moins comme suffisamment enmain pour permettre ,de passer à la deuxième partie duprogramme, ou tout au moins de l'amorcer: l'occupationdu Tagant.Aussi, dès le 9 mars 1904, la inissionse mettait.elle en branle vers la falaise. Un détachement quittait Malsous la direction même de Coppolani; un autre détache­ment commandé par le capitaine Payo et comprenant plu­sieurs chefs toucouleurs: Abdoulaye Kane, Samba, etc"panait de Mouit, à la même date. Ils faisaient leur jonc­tion le 11, et le 14 atteignaient à Gour Malles nombreuxcampements hassanes et tolba qui, sous la direction d'Ah­meddou et d'Othman ould Bakkar, cheminaient vers JeNord·Est pour se réfugier dans les montagnes de l'Assaba.A l'approche de la colonne, !~s guerriers prirent le devant;les marabouts revinrent sur leurs pas avec de nombrlluxtroupeaux. Par J'humanitê de Coppolani, qui fit prendredes hausses supérieures aux distances apprédées, les pertesdes ennemis furent minimes,

La colonne rentrait, dès le lendemain, sur le territoirebrakna, en en ramenant les habitants.

Le 13 juillet 1904, 120 tentes Oulad Siyed, c'est-à-dire àpeu près toute la tribu princière, - nobles et haratines ­venait faire, sous la conduite de Mohammed Krara, frèrede l'émir, sa soumission à Boghé. Ils avaient, dans leurfuite, subi des fatigues ênormes et étaient complètementcpuises. Une quinzaine de personnes étaient mortes defaim, Mohammed Krara, Abd El-Jelil, chef des maraboutsDt~ïdiba, qui dema~dait a~.s~i -l:rwa,~et Cheikh Fa~ a~ri­valent peu après à SalOt·LoufS,;'J.)S l1Pp, ,ent la soumIsSioncl'.! Brakna. 1.:'" . 'ft)

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98 REVUE nu MONDE MUSULMAN

Une contribution de guerre de 500 bœufs et de 1.000 fr.leur fut infligée elle fut répartie ainsi:

Oulad Siyed.Id ag Fara BrahimId ag Fan ',' .Zemarlg. . . .Ahel Mohammed OthmanTabouit. .Ahel Negza. . , • . .

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Désormais le Brakna reprenait sa vie normale. Les hos­tilités y etaient closes; tous revinrent en foule travailler oufaire travailler dans le Chamama. Les derniers irréductiblesn'étaient plus que des dissidents.

Les vaincus - qui étaient les seuls hassanes - n'accep­taient pas toutefois sans résistance morale le nouvel état dechoses. Voici, à titre d'échantillon, la protestation qu'ilsadressaient, en fin 1905, au représentant du Gouvernementfrançais.

Quoique non producteurs, nous tenions presque tout le commerceentre nos mains. Nous faisions les opérations nous-mémes ou par l'in­termédiaire de marabouts complaisants, qui recevaient pour ieur u­laire un quart de, la valeur de la vente. Les acheteurs étaient les dlouladu Diolof ou du Cayor, les marabouts trarila et les traitants du fleuve,A pan un peu de gomme, la région trop pauvre fournissaft peu au com­merce; nous étions donc' approvisionnés par de fructueuses razzias etpar les cafti.VaneS venues du Nord, Les principaux articles de vente, etl'on peut dire les seuls, étaient les animaux pillés (bœufs, chameaux,ch~vaux, moutons) et les captifs. En 1903, les Tadjakant, les Larla!,les Ida Ou Ali et les Kounta ont versé sur le marchè brakna plus d'unmillier de captifs, par convois qui atteignaient parfois le chiffre de ~oo,

Ce trafic était d'un bon rapport pour tous: vendeurs, acheteurs elcommissionnaires et l'on a le droit de se plaindre de votre surveillanceet de votre contrOle pour en empêcher le retour,

Quant aux irréductibles et aux pillards du Nord, ils se

signalaient encore par quelques petits coups de mains, tels

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LES BRIl.KNIl.

les Oulad Bou Sba, qui s'emparèrent notamment d'un con­voi de munitions entreAJeg et Mal, raz:?ièrent les Kountade Chogar et en s'en retournant pillèrent, près de Mal, lestroupeaux des tribus Olaraboutiques. D'autres Bou Sba,ceux·là nos amis, leur donnèrent la chasse. A signaler en­core, à la lisière des territoires trarza et brakna, à 30 kilo­mètres au nord-est de Podor, l'attaque nocturne du postede Ragha par un rezzou que dirigeait le fils de MokhtarOummou, des Ouled DAmAn (Trarza), dans l'intention devenger son frère, tué quelque temps auparavant parunedenos bandes toucQuleures. Cette attaque fut facilement re·poussée ..

Ahmeddou, presque seul, demandait l'hospitalité à sonallié Bakkar, et se retirl\it dans les campements Abakakdel'Assaba.

Bakkar pressé entre la mission, qui preparait sa marchevers Je Tagant, et les tribus Kounta etOulad Nacer des con­fins du Sahel, qui Je harcelaient, ne tarda pas à faire desoffres de soumission, Elles ne devaient toutefois pas abou"tir immêdiatement j car la marche de la mission fut arrêtéeet l'occupation du Tagant fut ajournée li. la saison sèchesuivante. Pendant ce temps, Ahmeddou avec ses guerriersSiyed et ses marabouts DieYdiba se tenaient dans l'expecta­tive dans les campements Abakak.

Le meurtre de Coppolani et les évcnements qui agitèrenten 1905, et surtout en 19°6, le Tagant purent sembler àAhmeddou et à son fils Ould Assas une occasion de re­vanche. Ils comptèrent parmi les plus bouillants guerriersdu Chérif, Moulay Dris, envoyé par le Maroc pour tenirl'étendard de la guerre sainte et cimenter ['union des tribusrebelles. lis prirent une part active au siège deTijîkja.

En outre, Bakkar ould Ahme'iada, chef des Normach selaissait séduire par les paroles sucrées du Chêrif et de sonentourage, et faisait défection en novembre /9°6.

Cette défection se produisait à la suite d'un essai de règle-

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meut assez intempestif, effectué par J'administration entreles Normach et les Kounta-Ahel Sidi·j·Mokhtar.

A la suite d'une agression, en 1904, des Normachcontreles Kounta, un tribunal composé de trois cadis, condamnales premiers au paiement d'un certain nombre de « dra ».La saisi des biens fut opérée, mais un reliquat restait d6 àSidi Amar, chef des Kounta, qui ne cessait de réclamer lepaiement intégral de la somme fixée. Les deux tribus, enne·mies entre elles, es.sayaient à tout instant de se nuire. Lasituation toujours très tendue fut dénouee brutalement,enoctobre 1906, par une nouvelle agression des Normachcontre les Kounta. Une véritable bataille fut livrée, et depart et d'autre quelques individus restèrent sur le carrèau.Bakkar prit immédiatement la brousse et alla donner sonadhésion au Chérif.

Ainsi par sa proximité du Tagant, le Brakna subissait.en fin 'g06, une répercussion' assez sensible des incidentsde Tijikja.

En novembre, les Oulad Normach dissidents faisaientune incursion sur le fleuve et pillaient le troupeau du vil·lage de Caseas. Le 16 décembre, ils s'emparaient de troistroupeaux de bœufs, appartenant aux Peul de Falcandè ettuaient un indigène. En même temps, une bande de dissi­dents fort mMée tentait d'enlever le troupeau du poste deRagba, mais était repoussée avec pertes. Les gens de Bak­kar pillaient peu après les campements Id Eïlik, et notam­ment celui de leur chef Tig auld Maïn, qui avait présidéle tribunal des cadis precité.

En même temps, un petit mejbour d'Qulad Ahmed dis··sidents, commandê par Seneïba, ex-chef de la tribu, péné·trait sur le territoire brakna. Rencontré par une reconnais­sance entre Chogar et Digguet-Memmè, il s'enfuyait sansaccepter le combat.

Ould Assas et sa bande inauguraient cette série de pillagespar lesquels il allait se signaler pendant deux ans. Il ope-

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'0'rait plusieurs razzias aux environs d'Aguiert,. pillait uncourrier à Digguet.Memme, et enlevait des troupeaux auxTouabir M'harmdat et aux Soubak,

En même temps, le consortium de nos grands ennemis:Ahmeddou ex-émîr des Brakna, Mohammed Mokhtar,chef des Kounta du Taga~t et Othman ould Sakkar, émirdes Id Ou Aïch, écrivait à Cheikh Sidia et à MohammedSaloum III ould Brahim, émir des Trarza, pour les inviterA évacuer le pays trarza et à se joindre à eux·mêmes ou toutau moins à les laisser attaquer en toute liberté les Françaiset leurs partisans.

Il n'est pas jusqu'aux Id Ou A'{ch qui ne se missent dela partie. A la tête d'un rezzou d'Abel Soue'id Ahmed etd'Ou!ad Talha, De'{ ould Sakkar, frère d'Othman précité,entrait dans le Brakna par la passe de Tizigui. H enlevait àMelga, à 20 kilomètres à peine de Mal, un troupeau de300 bœufs et de t.:wo moutons aux Id agJemouella,

Cette recrudescence de mejbour était due à la dissémi­nation forcée des ennemis, provoquée par l'arrivée ilTagam de la colonne de secours Michard et par le be­soin impérieux où se trouvaient les dissidents de se ravi­tailler.

Peu de tribus maraboutiques firent dissidence. Il n'y eutguère que queiques campements Messouma et Torkoz. lisse hAtèrent d'ailleurs de demander l'aman, dès que la co­lonne Michard eut dispersé rebelles et ennemis du Tagant.Les conditions qui leur furent imposées comprenaientprincipalement le paiement d'une amende de guerre pro­portionnée 'à leurs ressources, le désarmement partiel, et lareddition de toutes les armes à tir rapide.

L'histoire du Brakna se resume à dater de celle heure,dans la nomenclature des rezzous et contre-rezzous dontil est le champ d'opérations. Puis peu à peu les chefs debandes sont tués, meurent en exil ou fontleur soumission,Le calme s'accroît. A partir de I91o, quand l'Adrar est de"

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finitivement pacifie, on peut dire que la tranquilllte gêné.rate n'est plus troublée.

Voici les principaux faits de cette période; chez les Noirsriverains du Sénégal d'abord.

Le l'' février 1908, le chef du canton du Démette signa­lait qu'une troupe de Maures avait pillé à trois reprises levillage de Gorel, situé entre Dinetiou et Dara (Poder), etétait disposée à se jeter sur Boghé ou Thienel ; que quatreindigènes avaient été tués ou blessés, et que d'autres enga­gements avaient lieu, notamment à Gallol, depuis une hui­taine de jours.

La venue d'Quld Assas et d'une bande de 40 guerriersmaures et pourognes était également signalêe; un pillaged'une centaine de vaches et d'un millier de moutons étaitcommis sur des Peul du canton d'Edy, qui avaient passé lefleuve pour mener leurs troupeaux dans les pâturages de larive droite.

D'autre part, à Boghé; on annonçait successivement fepillage d'un village de cultures près de Chabou : le passaged'QuldAssas dans les campements des Die'îdiba, aux envi­rons d'AleS j et l'attaque, le 27 janvier, du viUage deGoreI.

A ~a suite de ces attaques et pillages, suivis de meurtresqui provoquèrent parmi la population sedentaire desbords du fleuve une profonde émotion, des mesures im·médiates fUrent prises pour exercer une active police dansle pays,

Le peloton de spahis, commandé par le lieutenant Cor­rart des Essarts, reçut J'ordre de se rendre à Boghé et d'exé­cuter des reconnaissances dans la région troublée,

En outre, quelques fusils 74 distribués dans les villagesles plus exposes aux pillages devaient permettre aux habi·tants de repousser les attaq ues éventuelles des petits groupesarmes.

A ce moment, Bakkar ou!ct Ahmerada, chef dissident des

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LES BIIAKNA 103

Oulad Normach, etait également signale dans la regionnord de Boghé. Après diverses tentatives infructueuses derecherches des «Mejbour~, le lieutenant des Essarts réus~

sissait à tomber, le 27 février, à la mare de Sarrak (située à40 kilomètres au nord de !Boghé), sur la bande d'Id OuAïch et d'Ouilld Talha commandée par Ould Assas et lamettait en pleine dèroute.

Ourd Assas fut grièvement blessé et passa plusieurs moispour mort. Recueilli et soigné par les Dieïdiba, il fut recon·duit, sur la fin de sa guérison dans l'Adrar. Le cadavrepris pour le sien, sur le champ de bataille, était celui d'unindigène des Euleb. Trente autres Maures restaient sur leterrain. Un noir blessé et fait prisonnier était ramené àBoghé. Cet indigène n'était autre que l'artilleur bambaraqui avait déserté en 1904, après avoir tiré sur son chef, lelieutenant Coupare i il avait porté les armes centre nous endiverses circonstances notamment, contre les détachementsfrançais qui ont sillonné le Tagant en 1905.

Le combat de la mare de Sarrak eut une importance po·litique considérable et ramena le calme dans la région duChamama.

Dès lors, la presence des spahis n'etant plus d'une né~

cessite urgente à Boghe, le peloton reçut J'ordre d'exécuterune tournée de police dans le cercle du Brakna pour con·solider par cette manifestation les rêsultats obtenus.

En même temps, les prises importantes faites sur les tri·bus dissidentes du Gorgal, à Mbout, permirent de rendreaux habitants des villages riverains du Sénégal une partiedes biens qui leur avaient été enlevés par les bandes d'As~

sas. Un millier de moutons furent ainsi répartis à Podorentre les indigènes qui avaient été les plus éprouvés.

Les pillages, commis sur les populations maures, etaientmoins importants que ceux dont les indigènes du Sénégalétaient victimes.

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Les Id ag Jemouella avaient, le.2 janvier Ig07, un trou­peau de 60 bœufs enlevé, à 4 kilomètres du poste de Mal;les Rahahla, campés dans le Chamama,.à proximité desDabaï et attaqués par la bande des Trarza dissidents OuladAhmed ben DAmân, avaient deux hommes tués et un blessé;les TAgât, réfugiés à 150 mètres du poste d'Aguiert, sevoraient enlever leurs troupea.ux par les Oulad Bou Sba;ces derniers purent être rejoints par une reconnaissancequi reprit les biens volés, après avoir tué un des pillards.

D'autre part,le chef des Oulad Normach dissidents, Bak­kar ould AhmeYada, attaquait vers la fin de janvier,les Tou­moudek de Sidil-Mokhtar; les Touabir M'ha'lmdat, accou­rus au secours du campement, contribuèrent à repoussercette attaque dans laquelle furent tuésg hommes: le proprefrère cie Ballkar, Omar Bou Salif, du cOté des Oulad Nor..mach, et 8Toumodek et Touabir.

Quelque temps après, il pillait le village de Mbagne(mai 1907). Energiquement poursuivi par le lieutenantChabre, il est atteintà Chagour, mais peut encore échapper,abandonnant toutefois une grande partie de son butin.

Après quelques exploits de ce genre, et notamment lepillage dans la région du Mal, Je 8 novembre 19°7. d'uncampement Torkoz qui eut 18 hommes tués et se vit enle·ver un nombreux bétail, Bakkar était assassiné dans la nuitdu 80 décembre par un de ses hommes, à la suite d'une al­tercation violente. 4 hommes de sa' bande rentraient imme­diatement à Aleg et faisaient leur soumission.

Le ralentissement des rezzous et surtout l'occupation deplus en plus efficace du Tagant permirent à ce momenl-làia suppression des petits postes du début. C'est ainsi queGuimi el Aguiert disparaissent en fin 1906; Mal, en sep­tembre 1907,

A la même date, on envisagea un instant l'évacuationd'Aleg et le transfert de la capitale du Brakna à Chogar.On trouvait Aleg placé dans de mauvaises conditions hy-

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LES B/l.AKNA

gieniques, et surtout hors du centre géométrique des tribus.principales. Le choix se portait sur Chogar, mieux placépour l'administration des nomades, sis à une vingtaine dekilomètres des meilleures zones de pâturage du cercle, oùles chameaux peuvent séjourner toute l'annee et à 4 jours.du fleuve seulement. De plus, la nature très boide des en­virons offre en abondance des rnateriaux de construction ..Ce projet fut ajourné, et malgré qu'il aiteté repris plusieursfois, n'a jamais abouti.

Le 4 juin Ig08, un convoi de ravitaillement, montantvers Aleg, est attaque à Azlat par quelques dissidents, con­duits, a·t·on dit, par Seneïba. Ils tuèrent les mulets à coupsde couteaux et fusillèrent l'interprète noir et plusieursgardes qui s'éta.ient laissés surprendre.

En novembre Ig08, Cheikh vint à Aleg pour saluer Jecolonel Gouraud, Commissaire du Gouvernement, et pala~

brer avec les tribus.En fin décembre '908, et au début de 1909, Ahmeddou

fait une apparition dans le Brakna et jusque dans le Cha··marna pour entraîner la dissidence des tribus, et surtoutdes Oulad Ahmed. Pourchassé, il ne put donner suite li sonprojet et s'enfuit.

Par la suite, on voit HobeYb, frère d'Ahmeddou, incur­sianner aussi dans le Brakna et se faire donner, mi degré,.mi de force, des cadeaux par les marabouts ou les Toucou·leurs. Il est plusieurs fois mis à mal par les gens d'ElimaoAbou.

Le retour de l'Adrar de lacolonne Gouraud, en décembre1909, amena la soumission à peu près générale de tous leschefs rebelles du Trllrza et du Brakna : Quld Deïd, Isselmouould Mokhtar 'oummou, Ahmed ould Bou Bakar, Labatould Ahmei'ada, Sidi Ahmed ould Bou Bakkar, etc., se pré­sentent soit à Boutilimit, soit il Aleg par des chassés-croi.-·sès plus ou moins habiles, et déposent les armes. Il ne res­

. tait plus en dissidence que Seneïba, qui revenait à son tOUL"

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quelques semaines plus tard, et l'êmir Ahmeddou, qUi, Ir­réductible jusqu'au bout, s'enfonçait vers le sud mara­.cain.

Le 1·' juillet 1910, un groupe de piBards enlevait près,d'Aguierl70 chameaux aux TAgâl, et le lendemain pillaitune caravane de dioulaà Lekfotar et br61ait les correspon.-<lances enlevées d'un courrier.

Le lieutenant Bourguignon rattrapait les pillards à lapasse de TiziguiJ reprenait marchandises et chameaux en·levés et tuait 2 pillards. La leçon fut salutaire; elle amenaleur soumission presque immédiatement à Chingueti,

Peuple heureux, le Brakna n'a désormais plus d'histoire,

Le cercle du Brak.na fut constitué dans sa premièreforme par un arrêté du Gouverneur général du 26 dé­-cembre 1905; il était formé des anciennes régions de Mal,et de Regba, auxquelles fut jointe la partie de l'anciennerégion de Gorgo1, située sur la rive droite de cet oued, Le-ehef-Heuen futAleg, avec deux résidences annexes: Bogheet Mal.

Le cercle devait être remanié et délimite par l'arrêle du-Gouverneur général, en date du 26 décembre ~912, Il étaitborné au nord par le cercle de Tagant, à l'est par le Gor·gol, à l'Ouest par le Trarza, au sud par le fleuve Sénégal.le séparant de la colonie du méme nom. Il comprenait en.cet état le Brakna proprement dit, ou territoire des Maures,avec Aleg comme chef.lieu, et le Chamama, zone d'inon­dation du Sénégal, peuplé de Noirs (Toucouleurs), avecBoghé comme chef·lieu, Aleg restait la capitale du cercle.. -

Un arrêté du 30 juin 1918 a partagé le cercle en deuxnouveaux cercles, calqués sur ces deux régions géographi.ques : le premier, qui conserve son nom de BraknaJ est lecercle Maure et reste soumis à un officier (Aleg); le second,qui prend Je nom de Chamama, est un cercle Noir, et setrouve désormais commandé par un administrateur (Boghé).

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LES BllAKN'A '°7Nul doute qu'un avenir prochain ne mette fin à ce partageinutile, et même fort gênant, et ne ramène les choses cnleur eta-t anterieur.

Le Brakna maure actuel comprend quatre grandes re·gions naturelles: l'Amechtil, pays des grandes dunes et despuits profonds. L~ sol, surtout sablonneux, est partout trèsperméable - VAgan, region de dunes et de roches. Lesmares et les ogtat y sont nombreux, et Peau y persistelongtemps, suivant les pluies, et quelquefois toute l'année.L'Akel, région intermédiaire entre les deux autres; le solassez compact retient l'eau. Les mares et les oglat y sontnom-breux, mais l'eau ne persiste que pendant deux ou troismois après l'hivernage. L'Aftouth, qui s'étend au nord duChamama, dont il le sépare par une ligne de dunes de fai­ble altitude. C'est un pays de « tamourt» nombreuses(cuvettes, déversoirs de bassins fermés), où l'eau abonde enhivernage, tandis qu'en été, on la trouve à faible profondeur.Les principales sont l'Aguiert, Guimi; Chogar·Toro; Le·maoudou; Aleg (bassin de j'Oued Katt:hi); Mal, qui sc dé­verse quelquefois dans le S6négal par le Khat; la rive droitedu bassin du Gorgol avec les tamourt de Dionaba, Cbogar·Godel, et enfin les oueds Lgoussi, Mouit, Mounguel. Larivière la plus importante du Brakna es! l'oued Katchi(prononcé à peu près Katyi, Kaki) dont le cours a environ170 kiiomètres et qui se jette dans le lac d'Aleg. Les litsde ces tamourt et oueds sont formés d'une bonne terrealluvionnaire, où les haratines maures font leurs lougans.

La transhumance des troupeaux est soumise à la règlegénérale des tribus du nord immédiat du fleuve: réserverpour la saison sèche les points où l'eau sera abondante etfacile à prendre, c'est la loi du moindre effort. Aussi, dèsle début de J'hivernage, tout le monde s'éparpille, fuyantles grands tamourt où pulluh:nt mouches et moustiques.L'oued Katchi est la plus gra~de région d'attraction, l'herbeet l'eau -y abondent et les campements peuvent s'installer

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sur les plateaux qui l'entourent, plateaux lissez dénudés.d'ou le grand vent chasse les moustiques. Lorsque les pre·miers froids ontdétruitles moustiques, que/es petites maressont à sec, on se rapproche des grands tamourt. Lorsqu'ences puits l'eau Il disparu, on creuse les oglat. A mesure quela sécheresse augmente, beaucoup d'oglat sedessèchent. Enmai·juin, les tribus sont.toutesconcentrees autour des 40U5 points d'eau principaux; Aleg, Guimi, Mal, le bassin deGorgo1 et autour des grands puits.

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LIVRE Il

CI1RONIQUB BT PRACTIONNEMENT DES TRIBUS

Les tribus qui habitent actuellement le territoire brak.nasont d'origine arabo-berbère, comme toutes les tribus del'Afrique du Nord et de l'Afrique occidentale.

Certaines sont nettement d'origine arabe .. ce sont leshassanes (1) Oulad Abd Allah (1 Oulad Normach etH OuladSiyed) et ur, Oulad Ahmed, qui se rattachent, comme onl'a vu plus haut aux invasions arabes des quatorzième etquinzième siècles. Leurs généalogies claires" simples, incon~testées chez eux et au dehors, les lient indiscutablement àces grands condottieri qui descendent du Sud marocain. Cesont eux d'ailleurs les seuls qtli pertenlle nom de «Brakna ».Le pays a pris d'eux le nom de « territoire brakna» ou« territoire des Brakna » (trab Brakna), parce qu'ils enétaient les maltres politiques, mais ce serait faire une in·jure grave aux tribus maraboutiques que de les appeler« Brakna ». Elles sont simplement, à leur dire, domiciliéessur le territoire brakna.

Nos prêdécesseurs sur la terre sénégalaise avaient, dès ledix-huitième siècle, fait la distinction, sans toujours biense rendre compte des faits, Voici par exemple Labarthe, quidit; « La troisième tribu l appelée Ebraquana, s'étend à

p) LA numérotation indique l'ordre d'étude de ces tribus,

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j'est de celle Aulad el Hagi... Les Maures Braknas fontpartie de la tribu Ebraquana. » (1784)' Les «Maures Brack­nas » sont pour lui évidemment les hassanes, ou vraisBrakna commandés par « Hamet-Mocktard ». C'est exact.Mais il fait erreur quand il veut les insérer dans une tribuEbraquana. Il o:y a pas de tribu de ce nom, autre que lapremière, quelle qu'en soit l'orthographe, mais il ya unterritoire brakna, où nomadisent d'autres tribus que lesBrakna.

La deuxième couche des Brakna est constituée par les tri­bus tclba ou {ouaïa, dont nous avons fait les «tribus ma­raboutiques » et qui sont plus nombreuses d'ailleurs queles tribus guerrières, Ce sont les: IV. D'ie::idiba; V, Zema­rig; Vr., Kounta; VII, Torkoz; VIII, Hijaj; IX, Id EYiik;X, Id ag Jemouel1a, ceux-ci se prétendant Chorfa; XI, Tâ·gAt; XII, Tolba Tanak; XlIF.A~êlGasri; XIV, Draouat;XV, Tachorilcha, .C~~ tri~us 'm:araboutiques sont toutesd'origine berbère, 'encore qu'elills ·s.e:dono_ebt par delà leurascendance berb~.r?,tnÙ.oc.attie 'une:" io.tntà}~e extraction~r8;b~:, Il. est d',!-i1.1Furs a~éi"é' q!Je, scii~ d~I:ïS lllur passé sud­~ar6caJn, soit 'deIïtiis les Invasions hassanés, qUlllq,uesgouttes Q1,1 s~ng" ar~be se sotrt Jtifusees à ,l~,ûr ~al)i; demême que du· sangberbèrll s'èst rAparidu·'p'a~les mar111gesd~.ils les' veines des )assanes: Ces tribus berbères soht.'engénéral celles qui ont pris part à la grande guerre de CherrBabbah (dix-septième siècle), dont l'issue malheureuse lesa définitivement muées en marabouts.

Viennent enfin au troisième degré les tribuszenaga pro­prement dites, c'est-A-dire « tributaires », J'ai expliquédans l'Émirat des Tran:a que zenaga avait perdu son sensorigine! de Çanhadja, pour prendre celui de « tributaire »,encore qu'il y ait des tributaires qui ne soient pas Çanhadjaet des zenaga-Çanhadja qui ne soientpas tributaires, Il n'ya pas à y revenir ici. Ces tribus zcnaga, qui vivaient àdemi-guerrières dans le sillage des hassançs etavaientréussi

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LES llMKNA '"à. se faire respecter d'eux, sont les: XVI, Beha'ihat; XVII,Soubak; XVIII, Toumodek; XIX, TabouïtiXX, Touabir.

Il ne reste à ajouter à cette nomenclature que XXI, levillage sédentaire (dabaï) d'Aleg, dont la création ne re­monte qu'à notre occupation (fin 1903).

Avant d'entamer l'étude directe de chaque tribu, il fautdonner, au moins pour la perfection de ladocumentation,les prétendues et fantaisistes - au moins pour la plupart- origines arabes que se donnent les tribus du Brakna,

Sont Qoreïchites : les Oulad Abd Allah (Oulad Nor­mach et Oulad Siyed), les OuJad Ahmed, les Kounta, lesHijaj.

Sont Himyarites: les DicYdiba, les Torkoz, les TAgAt;les Id EYiik, les Soubak, les Toumodek, les Beharhat, lesArallen, les Touabir.

Sont Chorfa: ies Id ag Jemouella.

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CHAPITRE PREMIER

COLAD NOI\MACH

1. - Historique.

On a vu dans la première partie de cet ouvrage les ori.gines et J'histoire des Oulad Normach. Jusqu'au milieu dudix·huitième siècle, en effet, cette dynastie dirige le sort.qes Brakna et j'histoire de l'une n'est que l'histoire desautres.

Vers 1780, le pouvoir passe définitivement aux OuladSiyed dans la personne de l'émir Mohammed ould Mokhtar.C'est à cette branche cadette qu'est lié désormais le sort dela tribu. Pour continuer à suivre l'hisloire des Oulad Nor­mach, il faut la reprendre à cette date.

AhmeYada, fils ou petit· fils de Aliomel Heïba, parait êtremort, ou en tout cas avoir perdu le commandement de la

,confédération vers '780. Une tradition dit qu'il aurait étéassassiné par ses gens revoltés. Il laissait de nombreux en­fants, dont les plus connus, pour avoir joué un rôle OU,pour.avoir laisse une descendance subsistant aujourd'hui, sontMohammed, Mokhtar Cheikh, Sidi Ahmed, Hiba et Bak­kar Ces enfants étaient tous en bas Age: ce fut sans douteune raison de plus, qui permit aux Oulad Siyed de sesubstituer aux Normach.

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LES BRAKNA ,,3

A l'intérieur des Oulad Normach, l'anarc~ie régna plu­sieurs années. Mohammed, fils atné d'Ahmerada, parvenuà l'âge d'homme, refusa de faire vatoir ses droits et se con­vertit au maraboutisme, Ses jeunes frères s'étaient reti­rés chez les Oulad EH de Gorgol, dont le chef Sidi Heïbaavait épousé leur sœur Fatit;na Ahme'iada. Dès qu'il fut àl'âge d'homme, MokhtarlCheikh, deuxième fils d'Ahme'iadadécida son beau·frère à combattre les Oulad Normach etleurs berbères zen aga Oulad A'id. Il ne subit que des échecset se rendit compte qu'il ne pourrait par la force assouvirsa haine et venger la mort de son père. Sidi He'iba essayaalors de diviser les Oulad Normach et leurs tributaires. Il«fit connaître aux. premiers qu'il ne leur en voulait pas, etqu'il ne désirait que vivre en bonne intelligence avec eux,pourvu qu'ils se séparassent des Oulad Ard »,

Les Oulad Normach allaient accepter, quand MokhtarCheikh leur demanda audience. Dès qu'ils l'eurent mis aucourant de leur projet d'abandonner les Oulad A1d, pouréviter la continuation des hostilités avec les Oulad EH, illesen dissuada, leur déclarant que cette action serait indignede leur passé et de leurs aïeux, qui, eux, n'avaient jamaisabandonné leurs vassaux. Il leur fit comprendre que Sidifaisant une telle proposition, n'avait d'autre but quede les di·viser et de les vaincre en détail, puisqu'il n'avait pu les ané­antir, lorsqu'ils etaient réunis, Il ajouta que s'il le fallai-t,pour l'honneur du nom, il n'hesiterait pas à marcher contreles Oulad Elî eux.mêmes, dans les rangs des Oulad Al'd,

Les Oulad Normach auraIent été tellement touchés duraisonnement de Mokhtar Cheikh et de son dévouement àsa tribu d'origine qu'ils déclarèrent qu'ils ne pourraientavoir un meilleu'r chefque lui, lui dressèrent une tente aucentre du campement et lui rendirent l'héritage paternel,

L'ambition du fils d'Ahmerada, seul chef désormais desOulad Normach, était satisfaite. Il déclara la guerre auxtribus des régions voisines, Trarza, Tagant, et jusque dans-

XLII. 8

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"4 REVUE DU MONnE MUSULMAN

le Hodh. Avec les Oulad Siyed il fut en lutte perpétuelle.Il tua ainsi près de Kaédi Sidi Heïba son beau·frère, quij'avait élevé. Il fit si bien qu'à la fin de son règne, les deuxtiers des hommes valides de la tribu étaient morts sur leschamps de bataille. Il fut enterré à Chogar.

Son frère He1ba ould Ahmeïada lui succéda.L'alliance conclue par son prédécesseur avec les Ahel

Soueïd Ahmed, qui habitaient le Tagaot, fut consolidée etilleur"vint en aide contre les Chratit, leurs cousins. Il con­tinua la lutte contre les Oulad Siyed etOulad EH et mourutun an après, de la variole.

H fut remplacé par son frère, Sidi Ahmed, dont la mèreappartenait aux Ahel Mohammed A'lda, famille régnante oel'Adrar. Celui-ci condut la paix avec toutes les· tribus ori·ginaires de la souche Oulad Abdallah et elles déclarèrentalors la guerre aux Oulad Ahmed, qui, quoique Brakna,faisaient toujours bande à part.

Laguerre ne dura que quelques années, car les OuladAhmed vaincus demandèrent la paix. Ils s'empressèrent dureste de la violer en assassinant Herba ould Sidi Ahmed àTamourt Nadj.

Les OUilld Ahmed se vengèrent, avant même d'altendrele successeur de leur chef tué, Brahim ould Mokhtar, quise trouvait dans le Tagant, lors de l'assassinat de son oncle.Ils.massacrèrcnt près de Chogartoute une caravane OuiadAhmed. Quelque temps après, Brahim épousa une jeune filledes Oulad Ahmed et les deux tribus se réconcilièrent.

Pendant tout le temps que dura le commandement deBrahim, Oulad Ahmed et Oulad Normach vécurent enbonne intelligence, nomadisant ensemble. Pendant l'hi­vernage, ils vivaient sur l'oued Katchi à Guimi, à Tamers­nat et dans l'Agao. Pendant la saison sèche, ils étaient ins­tallés : les Oulad Normach, au nord du Chamama, en facela province du Lac, dont les habitants étaient leurs amis;Les Oulad Ahmed, en face du canton des Alerbé.

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LES BRAKNA ,,'Toutes deux marchaient ensemble contre leurs ennemis

<:ommuns, les Oulad Siyed.'Ces derniers vivaient constamment près du fleuve, en

face du canton de Toro, qui s'étend de Edi à Podor, etdontles habitants leur étaient aussi dévoués que ceux du LacJ'étaient aux OulHd Normach.

Quelque temps avant la mort de Brahim ould MokhtarCheikh, son cousin, Mokhtar ould Ahme'iada, essaya delui enlever le commandement. Il ne parvint qu'à opérerune scission dans la tribu. Elle se fractionna en deux grou­pements, dont chacun eut un chef indépendant. Celui deBrahim continua à vivre avec les Oulad Ahmed. Cette si·tuation ne se prolonge-a pas au delà de deux ans, car, à lamort de Brahim survenue vers 1871, Mokhtar put réunir annuveau les deux campements et en devint le chef.

La guerre continua avec les Oulad Sîyed, entrecoupéepar de courtes périodes de paix.

De 1871 à r876, les hostilités furent ininterrompues. Ellesaboutirent à la paix de l87?, à la suite de la victoire deKhaYrou Eli remportée par les Oulad Siyed.

La guerre commença en 1878, sur la demande d'llnnommé Ali Salim de Guidabé, qui avait eu son père tuépar les Oulad Siyed.

Mokhtar oulcl Ahmefada ayant accepté, la lutte duraquatre ans, à la suite desquels, Sidi Eli demanda la paixpar l'intermédiaire de Sidi Mohammed Bekkaï ould CheikhSidj·I·Mokhtar. Lorsqu'elle fut conclue, Oulad SiyedetOuladNormach réunirent leurs campements et nomadisèrentensemble. Le tamtam de guerre fut confié à Moklitar ould

Ahmeïadaen sa qualité de descendant direct de Normach.Cette entente fut de courte durée, car en 1885, Nabra, fils

de Bakkar ould Soueid Ahmed, chef des Id Ou Arch, alliésde longue date aux Oulad Normach, ayant tué, en duel, à19uig, comme on l'a vu dans la première partie, Mokhtarfilsd'Ahmeddou chef des Oulad Siyed, ceux.·ci considérèrent

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les Normach comme complices du meurtrier. Les campe­ments se séparèrent et la guerre recommença.

Cette fois·ci, les Oulad Normach s'allièrent avec lesTrarza al,Biodh j et les Oulad Siyed eurent les Trarza a!·Kohol comme partisans, La lutte dura cinq ans, En 1890'les amis des Oulad Normach ayant perdu leur chef Amarould Salim, rentrèrent chez eux.

Mokhtarould Herba, chef des Oulad Normach, ayant étéabandonne par les Arabes' de sa tribu, dont le chefétait sonfrère Mohammed et qui était allés vivre près dufleuve, futobij·gé de demander lapaÎx à1'émir Ahmeddou, des Oulad Siyed.

Ahmeddou la lui accorda et il vécut avec quelques hara·tines près de Chogar et de Guimi, tant que les Oulad Nor:mach fUrent commandés par son frère, puis par le fils dece frère, son neveu Mohammed. Celui·ci vivait aussi e.nbonne relation avec les Oulad Siyed, dont le chef était lemari de sa tante Oum Mouminin mint Herba,

Le jeune chef des Oulad Normach mourut à Cascas, en1892, et son oncle ne lui survécut que d'une vingtaine dejours. Ceux des Oulad Normach qui vivaient avec Mokhtarould Ahmetada descendirent près du fleuve et campèrentavec leurs compatriotes, Le chef de la tribu Sidi Ahmed,vecut en bonne intelligence avec les Oulad Siyed, dont ildevint en quelque sorte un des vassaux. Il est bon de direque sa parenté avec Ould Assas, fils d'Ahmeddou et de satante Oum Mouminin,lui faciHterà beaucoup les rapportsavec les Oulad Siyed, dont Ould Assas commençait déjà àsuppléer le chef.

Pendant ce temps, Bakkar, fils de MokhtarouldAhme'iada.âgé de 16 ans, vivait dans la tribu des Oulad Ahmed avecsa mère Mint Dioghectan. Quand il fut en état de porter lefusil, il commença, avec ses camarades du même âge desOulad Ahmed. à piller les Oulad Siyed. En 18g8, à la têted'une bande dans laquelle se trouvait Brahim ould Ah·moïmid, ancien chef d'un campement OuladAhmed, Omar

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LES BIlAKNA "7

ould Bou Salif, Mohammed Brahirnat, et MokhÛl.r ouldNaYm, il se rendit au campement des Oulad Siyed et y tuaMohammed ould Ahmeddou, dont Je frère MohammedKrara avait tué son frère alné Brahim ould Mokhtar ou/dAhmeïada, à Guimi.

Entre temps, avec les Oulad Biri et les OuladAhmed il sebattit contre les Oulad Siyed, les Oulad Normach comman­dés par son cousin Sidi Ahmed et contre les Dieïdiba. Il nevoulut pas rentrer dans sa tribu, trouvant dans sa hainepour les ennemis de son père la volonté de vivre loin dessiens, ne voulant pas habiter dans une tribu qui pliait de·vant la volonté des Oulad Siyed,

En 19°1, les Touabir Oulad M'ha1midat et [es Ol.!lad Vara,battus par les Oulad Siyed, qui épousaient la querelle desOuJad Kohol allèrent trouver Bakkar,chez les Oulad Ahmedet lui demandèrent de marcher avec eux contre leur ennemicommun, lls'trouvèrent les Oulad Ahmed àTam0urt Nadj,Leur chef Ahmo1mid leur déclara qu'il était prêt à épouserleur querelle, pourvu qu'ils le reconnaissent comme chef etnon Bakkar, qui dans le campement n'etait qu'un étranger.

Après avoir été du même avis que AhmoYmid, Oulad Mo·ha'{midat etOulad Yara se récusèrent, dès qu'ils furent dansle Chamama avec les guerriers Oulad Ahmed. Furieux,Ahmoïmid chercha à se réconcilier avec les Oulad Siyed,Lorsque sa tribu connut ses demarches, elle j'abandonnaet se choisit comme chef Brahim ouldAhmo1mid, son cou­sin germain. Pendant ce temps, Sene'iba était dans le Ta·gant. Dès qu'il apprit les difficultés ~prouvées par AhmoY·mid, il revint chez le~ Oulad Ahmed et s'il ne parvint pas àdéposséder Brahim., il réussit du moins à lui enlever unepartie de ses tentes. Les Oulad Ahmed furent alors partagésen deux campements. En même temps, Bakkar prenait lecommandement des Oulad Normach en remplacement deSidi Ahmed, destitue pour sa faibiesse à l'égard de la tribuennemie, les Outad Siyed,

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REVUE DU MONDE MUSULMAN

Oulad Normach, Oulad Ahmed, TouabirOulad M'hami.dat et Oulad Yara se préparèrent activement à la guerrecontre le:;, Oulad Siyed lors de notre arrivée en Mauri·tanie en 1903.

C'est alors qqe l'émir Ahmeddou, ses Oulad Siyed etses partisans attaquèrent la mission Coppolani à Aleg.

Les ennemis des Oulad '8iyed, sous le commandementde Bakkar ould Ahme'iada, firent alors cause communeavec nous.

Mais par la suite, au fur et à mesure de la progressionde notre occupation, plusieurs personnages se détachèrentde notre alliance, et notamment Bakkar euld Mokhtar.

Après avoir piIlé pendant plus d'un an les tribus du·cercle de Brakna, Bakkar avait pris la route de l'Adrarpour ne pas subir un jugement prononcé contre iui.

Il se signala par ses rezzous jusqu'en janvier Ig07, dateoù il fut assassiné par un de ses compagnons de rapines,Mokhtarould Lerli, des Oulad Manseur.

Tableau généalogique des chefs Normachi actuels.

AhmeYada,dernier émir Normachi (t vers li80).

MOllam'l-m-'-d',-M-'-kh-,-.',I-c-h-"-kh-,--s"lj-dl-A-'hm-'d-,-H-"b-.,--B-aJkar.

"1" 1Ahm

rl'-d-,---B~,'akim. MOktlar. Moha~med.

E(i. MOkh-,,-,-L1-A-h-~e!-1 Cheikh. ada.

Ahmed.

l, 1 1Hiba, Mobam. Sldl Mo~htar.8ratllm, Hibll, Bak Ilr, Moham_ Hlba,

tué par mort né en med. dit ou, med.t Ahmed, tAllmed- '" 1878, Lobai, ,.. né vers

ct'" b.. tué en chef ,,, 1883.Krara.. âge. dissidence ~cluei. Siyed. 1

en 1907. Mohammed.

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LES BRAKNA "9

A l'heure actuelle, subsistent:a)de la famille de Mokhtar ould Hiba ouldAhme1ada, son

fils alné, Mohammed, qui versé dans le maraboutisme, arefusé le commandement de la tribu; sa mère n'étaitqu'une concubine de Mokhtar; son dernier fils Hiba, ditLobat, chef actuel de la tribu et qu'on retrouvera plustard i

b) de la famille de Mohammed ould Hîba ouldAhmc'iada,frère du precédent : Mohammed, né vers 1906, fils de sonfils Sidi Ahmed. ,Il est élevé par sa mère, chez les OuladAhmed. Tous ses autres fils ont été tues, Hiba par les OuladSiyed à Ouezzou, Mohammed et Mokhtar. un peu plus tard;

c) de la famille de Mokhtar Cheikh ould Ahmerada sonarrière-petit-fils, Ahmed ould EH et ses deux petit-filsMokhtar Cheikh et Ahmeïada, fils de Brahim. Ahmed ouldEli, né vers 1908, n'est qu'un enfant qui a remplacé sonpère Eli ould Ahmed. Celui-ci, né vers 1876, courageux,éloquent, généreux, était très aimé de la tribu, qui espéraiten lui un chef. Il fut dissident jusqu'en janvier 1908, dateà laquelle iUit sa soumission. Il est mort vers 1914. Mokh­tar Cheikh est né vers 1865. Il ne descendit du TaBantdans le Brakna, que pour solliciter l'emploi de chefdes Oulad Normach, chaque fois qu'elle se trouvait va­cante. Candidat rnal.l;teureux, il regagnait toujours sonpays natal, après un court séjour dans Je Brakna. En 1906,après la bataille de NierneJan, à laquelle il prit part vrai·s"mblabJement. Mokhtar Cheikh partit dans l'Adrar avecles Oulad Soueïd Ahmed. Mais quelques mols après, ayantvu arriver dans J'Adrar Bakkar oulcl Ahmeïada et la plu­part des membres de sa fs!pille, il vint faîre sa soumissionpour solliciter à n"ouveau le commandement des OuiadNor­mach. Son frère cadet, Ahmerada, est ne vers 1880. Il vitdans la fraction de sa mère, les Oulad Soueïd Ahmed, aveclesquels il partit dans l'Adrar, après l'attaque de Tijik.ja,où il se distingua;

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d) de la famille de Mokhtar, dit Badior, fils de No.machsubsistent deux branches issues de ses deux fils : Samba etAhmed. Le chef de la première est Samba ould Mohammedould Sidi Ahmed ould Abd allah ould Samba. Les chefs dela seconde sont: Ahmed et Mohammed ou!d Brahim 0 ...

·ould Ahmed ;e) de la famille d'Al.Mekha·ilig ould Normach subsistent

plusieurs tentes, dont les chefs sont Samba et Brahim ouldMokhtar ould Siyed ou!cl Mokhtar Salem ould Eii ould.Amar ould Al-Mek.haïlig ;

f) de la famille d'Abd Allah ould Normach, subsiste latente de Yahdi ould Amar ould Ahmed Mahmoud ould EH'" ould Abd Allah;

g) les descendants de Siyed ou1d Normach sont lesTiab ould Normach.

hl d'Ahmed ould Normach, le fils alné, seul, Baouba, asa postérité chez les Normach: les chefs de tentes sont:Mohamed Saloum ou\d Mbarek Fal ould EH Saloum ouldMohamed Saloum ould Baouba, et Amar ou Id Mohamedould Brahim ould Othman ould Baouba. Le fils cadet a1aissé aussi des descendants, qui se sont maraboutisés etfondus chez les Tagnit.

2. - Fractionnement.

Les Ou1a Normach, victimes de leurs dissenssions per­pétuelles, sont aujourd'hui réduits à un chiffre infime. Ilscomprennent 75 tentes et 339 individus. Encore de ce chiffreles tiab et ies haratines constituent-ils la plus grandepartie.

lentea peraonJ.les bOvins ovins camelin, anes

Normacb nobles " 7' " ,,' ",

Haratines Normach. " '79 " 685 , '7Tiab Normacb . " " " '7' , !L-

7' 33, ,,' 1'°73 " "

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LES BRAKNA " ,On remarquera que cette tribu guerrière ne possède pas

un seul chevaL Ce petit fait indique nettement sa deca­dence. Ils n'ont pas de marque, suivant la coutume desguerriers.

Ils nomadisent en hivernage, entre Aleg et DaguetMémé; en saison sèche, au Sud de Mal et aux environs deDielowar. Leur territoire de commandement était compris,à notre arrivée, entre Mal, Cascas et l'oued Katchi. En casd'insuccès dans leurs luttes contre le!! Oulad Siyed, ils re­fluaient vers le nord: Chogar, Guimi, Aguiert, se rappro_chant ainsi des Oulad Ahmed, leurs allies ordinaires.

Les marabouts des Oulad Normach sont: les Die1dibaet les Id E11ik ; ce sont ceux·ci qui, depuis plusieurs géné·rations, ont fourni leurs cadis. C'était jadis Tig ould AI­Atig. En IgIS, ils l'ont abandonné et usent maintenant desbon offices du cadi de la deuxième fraction des Id E1/ikKabir ouldAI-Aqel, des Ahel Aleg. Au surplus, l'influencereligieuse des uns et des autNs est bien minime. On nerencontre que quelques Normach pourvus de l'ouird.

Le chef général des Norma'ch est actuellement Lobat (deson vrai nom) Hiba ould Mokhtar ould Hiba. Sa mèreOumm Mouminin ment Mohamed Jerdane est des OuladAhmed, Il est né, vers 18g5, et exerce malgré sajeunesse soncommandement avec (beaucoup de doigté. Encore enfant ànotre arrivée, il suivit les siens dans leur dissidence.. Il setrouvait au combat des Touigdaten, près d'Ajoujt où futtué Je capitaine Repoux, puis revint dans le iBrakna et fitsa soumission après la mort de son frère Bakar. Il repartiten dissidence en fin 1908 avec ses oncles maternels les AhelBou Bakkar, des Oulad Ahmed, fit partie de quelques rez·zous dans Je Regue1ba et le Hodh, et se soumit en fin Igogavec Mohamed ould Bou Bakkar, Le droit au commande­ment lui revenait par hérédité. Deux mois après son retour.il en était pourvu en remplacement de Mohammed ouldBadior, chef intérimaire. Ce jeune et intelligent pillard de

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'" REVUE DU »ONDE MUS~LMAN

la veille comprit qu'il devait se rapprocher des Françaispour restaurer sa tribu. Il vint donc habiter Aleg au débutde 1912, et suivit pendant plusieurs mois les cours del'école. Puis trouvant que les progrès n'étaient pas assez rapi­des, il alla faire un an d'etudes à la mêdersa de Saint-Louiset deux années à la medersa du Boutizimit. L'ex-chef Mo­hammed ould Badior assurait son intérim. Hentré en no­vembre 1916 à Aleg, il suivait quelque temps encore lescours de l'école locale, puis jugeant son instruction terml·née, il reprenait le commandement de sa tribu. Aujourd'huiil parle et écrit convenablement le français.

C'est un chef excellent, qui se tient très bien et qu'il nefaut pas juger sur son maintien d'ex-écolier qui lui fait dt!tort. Il a fait preuve pour lui comme pour les siens de beau­coup d'énergie. Son ambition serait de restaurer le prestigede sa tribu en mettant la main sur ses anciens tributairesqui lui ont échappé, Mais c'est là de l'histoire ancienne.Les Touabir veulent bien encore faire des cadeaux auxNormach, et le 13 novembr6l 1916 cinq zenaga lui remet·taient officiellement le horma classique, mais ils tiennentpar·dessus tout à leur indépep.dance recouvrée, et nous nepouvons, malgré toute notre sympathie pour Labat et lessiens, qu'approuver cette régénération des Touabir.

Les notables de la tribu Normach sont: a) Mohammedould Brahim ould Ahmed, dit Badior (ould Bakkar ouldAli ould Ahmed ould Hiba ould N'ormach). Son grand~père

Ahmed fut un guerrier cruel ; ses exactions sur ses zenagaTouabir, dont il pillait sans répit les troupeaux lui valut lesurnom de« Badior» qui est le nom d'une maladie qui dé·cime les moutons. Mohammed ould Badior, comme onl'appelle communément, semble avoir joué un r6le assezeffacé avant notre arrivée, Il ne partit jamais en dissidence,non plus que sa f.amille. Aussi après le départ de Bakkarould Mokhtar fut~1l nommé,.chef, comme étant le notablele plus représentatif, il fut remplacé au début de 1910 par

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LES DRAKNA

Lobat, héritier naturel, et assura les intérims de celui·cipendant ses absences. Retiré dans sa tribu, il y vit aujour­d'hui tranquille et assez besogneux.

b) Yahdi ould Amar ould Ahmed Mahmoud ould Eli ouldAbd Allah j Ce personnage, né vers 1848, p~ralt être lenotable le plus important des Normach, Il est très re­nommé pour sa science médicale et s'était acquis dansl'exercice de cet art un beau cheptel de bœufs et de mou­tons. Il prit part à Tartonguel à l'échauffourée qui mit auxprises Oulad Normach et Ahel Cheikh Sidi-I·Mokhtar et, àla suite de ces incidents, fut le principal artisan de la dissi­dence des Normach. Il fut notamq1ent le mauvais génie deBakkar ould AhmeYada en le dissuadant de se rendre auprèsdes autorités du Brakna et en lui conseillant la fuite versl'Adrar. Il partit lui-même peu après en dissidence, entraî·nant un grand nombre de tentes. Il retint Bakkar dans leNord tant qu'il pu et ne fit lui·même sa soumission queparmi les derniers. Au cours de son exil, il fut victime deplusieurs pillages, qui ont considêrablementdiminué sa for·tune. Il faut signaler dans l'entourage de Yahdi le forgeron'Qassim ould AI-Kehel, intelligent et ouvert, qui parattn'avoir suivi Bakkar et Yahdi dans j'Adrar que par fidélitéà ses chefs.

c) Bou Daha ould Qadiri, né vers 1888. Il est issu d'unefamille de Tiab ould Normach redevenue guerrière. Vigou­reux, sans fortune, orphelin, il prit la vie de pillard quiconvenait le mieux à son tempérament. Quand cet art de·vint trop dangereux dans le Brakna il suivit Bakkar dansl'Adrar et fut de toutes ses razzias. Après la mort de sonchef de bande, il fit sa soumission, et depuis cette date s'esttenu tranquille.

d) En dehors des personnalités prècitées, il n'y a guèreà signaler que quelques jeunes gens, de plus ou moinsd/avenir: Samba ouldSiyed, né vers 1892, neveu de Yahdi,chez qui il vit; Brahim, son frère, né vers 1895, Abd Er-

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~EVOE DU MONDE ~USULMAN

Rahman leur cousin. Ils ont tous suivi le chef de familledans l'Adrar.

Chez les Haratines Oulad NOflnach, 1I;s personnagesprincipaux sont les deux frères Khanfari (Sidi Bouna), névers 1878. el Ahmeïada, né vers r878, fils d'Eliman ouldYarg, lis ont été tous deux de fidèles compagnons de Bakkar.Dans leur campement vit le fils d'une bonne famille nor­mach, orphelin de père etde mère, Mahmoud ould E'/bouti.Il l'a suivi dans sa dissidence comme dans sa soumission,

Les Haratines ne témoignent que d'une piété fort minime.Rares sont ceux d'entre eux qui ont reçu une affiliation,toujours qadl'ïa d'ailleurs. Ils nomadisent en tout tempssur l'oued Katchi et dans l'Guberr, entre Aleg et KaMi. >

Ils ont pris, comme leurs martres hassanes, depuis notrearrivée. le feu lam-aHf des Id Eïlik, contre·marque d'untrait inférieur, soit'}'

Les Tiab ould Normach sont comme leur nom l'indique,les descendants de guerriers Normach qui, lassés de leurvie d'avef\ture ou plus probablement incapables de la con·tinuer en face de dangers trop grands pOUf leur courage,ont abandonné le statut des guerriers lOt ont déclaré vivreen bons et pieux musulmans, Certains campements mènentcette vie depuis fort longtemps, tels les Ahel Melkhail, quise convertirent une genération après Abd Allah; d'autressont venus « il la voie droite» tout récemment. tels lesAhel Khajaj, Au surplus, le nombre de ces Tiab varie; s'ilaugmente tous les jours par l'afflux de nouveaux éléments,il subit a,ussi des déperditions, car des familles convertiesn'hésitent pas à reprendre les armes, quand l'occasion s'enprésente.

Le nom de Tiab Oulad Normach qu'on leur donne n'estpas exact, Il y a bien des Normach, mais il y a aussi desOulad Oubbelch, frères de Normach, les uns et les autresOulad Mohammed. Il y ,a aussi des Oulad Naggad, frères

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LES BRAKNA ",des Oulad Mohammed, les uns et les autres Oulad AbdAllah, Le vrai nom devrait être Tiab Oulad Abd Allah. Ausurplus, le chef est d'origine ncggadi, et non Ilormachi.Mais l'habitude est priseaujourd'hui.

C'estàla tente des Ahel Bou Bakkar qu'appartîenthérédi~tairement le pouvoir. Aujourd'hui, à cause du jeune âge dureprésentant de cette famille, le commandement est exercépar Sjdi~I·Mokhtar. Abd El-Ouadoud ouJd MohammedMokhtar ou Id Abd EI-Ouadoud ould Mohammed ould BouBak.kar ould Samba ould Siyed ould Normach est ne en effetvers 1890 seulement.

Son père etant mort peu après, le commandement futdonné à Sidi-J-Mokhtar ould Samba (ould M'hammed ouldAmar Fal ould Ahmed ould Mohammed ould Samba ouldNeggad). Cette famille compte en effet parmî les plusinfluentes, car son ancêtre Semba ou Id Neggad, passe pourêtre le premier qui se convertit et donna naissance à latribu. Ce chef n'est jamais parti en dissidence et fit sa sou­mission dès le début. Il remplit très convenablement sesfonctions, quoique déjà âgèet'parfois radoteur. Il est qadripar l'imposition de Cheikh Sîdia, auprès de qui il est allésèjourner quelque temps.

Le maltre d'école de la tribu est Mostafa ould Ahmijen,personnage insignifiant. Les Tiab Normach envoient laplupart du temps leurs enfants étudier chez les Dieïdiba,Tagag et Bija); mais en réalité, ils nc se piquent ni de cul­ture ni de pieté.

Les notables sont: Mohammed Mahio ould Maïef; Mo­hammed Mokhtarould Mohammed Salem; Ahmeïdou ouldMa'ief.

Jusqu'à 1904, les Tiab vécurent sous la dépendance di­recte du chef des Ou/ad Normach et firent donc partie inté­grante de cette tribu. Au départ de Bakkar, on leur a renduleurautonomie et ils l'ont conservée depuis.

Ils apposent le feu lam-alif'1 sur la cuisse gauche de

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,,' REVUE DU MONDE MUSULMAN

leurs animaux, avec comme contre-marques l'outarde \Vou la croix +,

Terrains de parcours. Hivernage: entreGuimi et ChogarGadel, ainsi que dans l'Agan et Akel. Saison sèche: à l'eHde Chogar Gadel et Mouit,

Les Tiab Normach n'ont qu'un maigre cheptel. C'estune tribu pauvre et sans importance, qui n'a rien gagné àrevenir à Allah.

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CHAPITRE JI

OULAtl SIYED

Tableau généalogique des chefs Siyed actuels,

Aghrich.1

Mokhtar.1

~. SidJ EU for SJdi MoJammed.vers 1804 t 1818. 1

\. 1 1

Mohammed. Mokhtar.3. Ahmaddolllo., 1 1

181er 1841. IlL4. MOKhtar 6. Moham-SldJ. med.

1 1 Sidi7, SM! lUi lI. Moh. Al-Habib 185! 5. oh.

1858+ 1893. t 1900. t 1858. Rdjel1 1,1 184ll-l851.

Othman. Mohammed.1

Hachern.

11. Mohammedt vers 1804.

1 18. Ahmeddoll Il, Moh tar Moh. K.lara.

11393-lr03. t 1l1S4. 1

~-..l_~_-..JUokJtll,r.1 i 1 lOuld M'hamed, Sidl. Bak ar.

Assas1907

Ould Assas,

Bakkat. Hobeib, SIJ!1 chef Moh.1 llctuel. J

Mokhtar. Sidi Mohammed.

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", REVUE OU MONDE MUSULMAN

L - Historique.

II n'y a pas à revenir ici sur J'histoire des Oulad Siyed.Tout ce qui les concerne a été dit, soit au livre premier« Histoire générale », soit au chapitre précédent, relatif àleurs cousins les Oulad Normach, Il ne reste qu'à rattacherles personnages actuels aux gens et aux événements dupassé.

L'émir Ahmeddou II ould Sidi EH est resté l'irréductible.ennemi du début. En dissidence depuis 1903, il a reculéd'année en année devant les progrès de notre occupation ~

le Tagant, l'Adrar, la zaouïa de Smara, et finalement, de·puis 1909, le Sud marocain l'ont tour à tour hébergé. Il atoutefois esquissé une tentative de rapprochement en 1914.Il s'en fut trouver le caïd Aïad al-Djerari il. Agadir etécrivit j

par l'intermédiaire des Gouvernements marocains et aofien,à ses anciens fidèles pour leur demander des subsides,Sa lettre ne trouve aucun écho dans le Brakna, Bien plusle chef de son ancienne tribu maraboutique, les Dieïdiba,lui fit cette réponse typique, Letexte français est de l'auteur'lui-même,

De la part de Mustapha ould Oudh et de la Djernhh des Djedjé baà M. Hamedou ould Sidi EU. •

MONSllWII,

Nous avons l'honneur de vous faire savoir que nous sommes enposs-esslon de votre Jettre que nous avons vivement acciamée et reçueavec grand plaisir.

Quant à votre observation, on voit clairement que la-discontinulItÎonde liaisons entre nous ne vous plalt pas, mais est~ce à nous, Die1diba,qu'il faut donner Je tort ~ Nous n'avons faIt que rester dans nos parages•

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LES BRAKNA "9

A l'arrivée des Français, tout le monde était parti en dissidence parcequ'on les croyait plus méchants qu'ils ne le sont. Nous autres, nousn'avions été nulle fart. Nous gardons toujours notre pays de peurqu'en notre absence, on ne le confiât,à un chef étranger, c'est-à-dlre quin'appartient ni à l'lOUS ni à notre famîlle.

Maintenant la tranquillité est partout. Les Français donnent à toutle monde la liberté d'appliquer ses anciennes coutumes. D'ailleurs leschefs Arabes ont aujourd'hui le sort qu'Jls n'ont jamais eu autrefois;on leur obéit il souhait et ils ont encore le droit de recevoir exactementtout ce que leurs administres donnaient dans le temps.

Taules les autres régions, telles que Trarza et Oulad Bierî, n'ontqu'un seul chefà la tète de chacune. Il n'y a que Brakna qui est occupépar plusieurs chefs, et cela ne lient qu'à ce que vous n'y ~tcs. Anotre avis, il faut revenir pour contenter votre peuple en le dirigeantau lieu d'autres. C'est asse~ abandonné. D'abord les Européens sontdevenus mllttres partout; c'est inutile de résister contre eux, Aussi ilvaut mieux se soumettre avant d'~tre pris par force,

Dans le cas que vous voudrez vous rendre, n'ayez qu'à nous le dire ànous·mêm~s, pour faire la négociation avec les Européens.

Devant cette reponse qu'il n'attendait pas, Ahmeddoufinit pal' lâcher le parti Makhzen et se rapprocher d'AI­Hiba. Ceiui-ci, dans l'espérance de l'utiliser quelque jour,Je traîne à sa suite quand il en a besoin, et l'entretient tantbien que mal. En 19'9, Ahmeddou était campé dans l'OuedNoun et vivait avec ses gens des libéralites des chefs tekna :Mohammed Yahia ould Hiba, chef des Azouafid, et Mokh­tar ould Nojem, chef des A'it Lahsen, Ahmeddou est au­jourd'hui un vieillard de soixante·quinze ans. Il paratl, vula situation du Brakna, absolument inoffensif. Il relèvedéjà de l'histoire. Sa femme i\1oumina ment Mohammed()uld Heïba, mère d'Ould Assas est décédée, en 1917. àTizouit, dans le Chamama chez les Oulad Siyed.

Il a 'laissé comme postérité connue dans le Brakna:1° son petit-fils OuldAssas (Sidi Eli) junior, fils posthumed'Ou Id Assas ould Ahmeddou, le chef des rezzol.ls du dé­but. Ce jeune homme, né vers 19°7, vit son grand-oncleHoberb l:hef de la tribu j 2° ct 3° ses fils M'hammed, né.

JU!!. 9

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REVUE OU MONO! MUSULMAN

vers 18g91 et Sidi, vers Ig00, tous deux avec leur père dansleur Sud marocain; 4° Bakar, né vers 1900, qui campetantÔt chez son oncle HoheYb, (ant6t chez Cheikh Fal ;50 une fille Garmi, campée avec sa mère chez les Chratit del'Assab.a. EUe vient de temps à autre chez les Oulad Siyed.

Parmi les frères d'Ahmeddou fils de Sidi Eli, il faut citer:10 Mokhtar, vu plus haut, et tué en 1884 par les AhelSou'led Ahmed ; sans postérité; 2° Mohammed Krara , lemeurtrier de Brahim oüld Mokhtar ould Ahmelada, leNormlôlchi. Il est mort en Igo4à son retour de Saint-Louis.lla laisse deux fils : Mokhtar, né vers 1899, qui campe chezson oncle Hobe'ib, et Sidi EU qui campe chez les Ahel BouBakkar (Oulad Ahmed); et deux filles, dont l'une est mariéèchez les Tabouit et l'autre chez les Oulad Ahmed. ; 3° Mo­hammed, tué par Bakkar en 19°°. Il a laissé un fils, actuel·lement en dissidence et une fille, Garrni, jadis mariée avecun Dàmâni, aujourd'hui divorcée; 4° Bakk.ar, décédé versnotre arrivée, et dont le fils Mokhtar, né vers 1885, partiten dissidence avec son oncle l'émir Ahmeddou, est revenuavec l'aman, le.a3 décembre 19!8. 5° Hobeïb, chef actueldes Oulad Siyed ét qu'on verra plus loin; 6° Sidi Moham­med, né vers 1879, et tué en 1905 par les Oulad Dâmân ;il a laissé un fils: Sidi Mohammed, né vers 1905, et em­Mene en dissidence par son oncle l'émir Ahmeddou, chezqui il se trouve toujours, et une fiUe Mahjouba. Leur mèreMoïnetou ment Toumoni, hartan'ia, est avec eux dansl'oued Noun ; 7° Fatma, veuve de l'ex-emir du Trarza,Ahmed Saloum II, et qui a deux enfants: Sidi EU et CheikhSaad Bouh ; 8° Mouminin, veuve d'un Id ag Fari.

Dans la branche collaterale, descendance de Sidi Moham­med ou Id Mokhtar ould Aghrich, et qui a fourni deuxémirs siyed, il faut citer; 1° Mohammed Al-Habib ouldMokhtar Sidi, qui, père et fils, ont été vus plus haut. Mo­hammed al.Habib, qui s'etait retire chez les Oulad DAmAn,rentra par la suite au Brakna et y finit tranquillement ses jours

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LES BRAKNA

vers Igbo, dans le campement d'AhmedQou. Il a laîssé unefille et deux fils; Othman,né vers 1870, qui est en dissidenceavec Son parent dans le, Sud marocain, et Mohammed, nevers 1880, qui campa chez les OuladSiyed; 2° Hachem ouldMohammed ould M'hammedSidi (+ 1858); ex·chef de latribu pendant trois ans, et relevé de ses fonctions. Né vers1888, c'est un homme apathique, sans autorité et sans pres·tige. Ses frères et sœurs sont décédés de puis longtemps.

3° Hamoud, fils de l'ex-émir Mohammed RAjel (1842­18SI) et qui n'a pas de postérité; 40 'Baya, sœur dudit Ha­moud, qui a épousé un DAmâni, du nom d'Amar et en aplusieurs enfants, actuellement chez les Oulad DAmAn.

Une branche collatérale plus,éloignée, celle de M'khetir(frère d'Aghrich) ould Seddoum ould Siyed subsiste encorede nos jours. Le chef en est Sidi oulcl AhmeMou oulcl Sidiould Othman oulcl Brahim M'khaïtir ; et les principaux no­tab1.es: Baouba oulcl Otham, Brahim oulcl Terraza et Amarould Bakar.

Restent enfin trois branches collatérales, plus éloignéesencore, et se rattachent àSidi Ahmed, Amar Lobat et EH,tous trois frères de Seddoum et fils de Siyed.

Leur desce'ndance subsistent à l'heure actuelle et se trouveau bas des tableaux génél:lJogiques ; Tableau n" 1.

Sidl Ahmcd.. 1

Brahim.1

Bou Bakkar.

Khed~ouch.1

Bou Bakkar.1

1Othman.

1'1-'---'l'-

Mohammed. Sidl EH.

1Mohammed.

11

Bou Bakar.

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,h REVUE DU MONDE MUSULMAN

Tableau nQ :1.

BaJani.

1Beniong.

1Lamin.

1Mokhtar.

Sidi ~hmed.MOkhtar.

1Sidi Ahmed.

1Hamouna.

1Boustan.

1Sidi.

1Mokhtar.

siLl'

Mohammed.

Amar Lobbat.1

JBemoug.1

1Ahmad Fal.

1Laroin Fal.

1Mohammed Fal.

BraAim.1

Mohammed Fa!.1

Tableau nO 3,

EU.1

SoueYd Ahmed.1

Mohammed.1

Sidi Ahmad.1

Mohammed.1

Mohammed.

Mok~tar> élève de la médersa.

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LES BltAK~A

2. -Fractionnement

,33

Ce fractionnement classique des Oulad Siyed s'est établiainsi jusqu'à nos jours.

OIlJad Siycd.

Oulad Siyed proprement dits.Ouled Mensour.HaraliMs Oulad Siyed.Haratines Oulad Mansour.Haratines Tanak.Aralen.

, Abel Ghana, Azafal et Igdala.

Sous notre occupation, les zen aga Aralen et les' j.laratinesAhel Ghaïta, Azafal et Igdala ont the constitues en fractionsautonomes. Elles n'en continuent pas moins à vivre dansle sillage de la tribu et en rapports étroits avec elle.

Les Oulad Siyed proprement dits ont pour chefs Hoberb.frère germain de l'émir Ahmeddou II, fils de l'~mir SidiEH II, et chef general de la tribu. Il est né vers 1870; samère était Garmi ment Lamin Fa!.

A notre arrivée (1903), dès que la dissidence de j'émÜ'Ahmeddou fut avérée, Coppolani songea aussitÔt à donnerun chef aux Siyed, restés fidèles et qui formaient un blocd'attraction. Son frère, Mohammed Krara fut choisi, etvint à Saint·Louis où il fut agree. Il était à peine rentrédans le Brakna qu'il mourait (1904)'

On contiaalors les fonctions de chef à un intérimaire, Si­di Eli ould Kheddich (1904-1909)' Sa naissance obscure nelui assura aucune autorité. Orgueilleux, mais intelligent, iln'osait pas se déclarer en notre faveur, mais souhaitaittout de même notre succès. En 1909, ses exactions et com·promissions furent telles qu'on dut J'arrêter et le condam·ner à cinq ans de prison. Il devait être gracié en 1910.

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ReVUE DU MONDE MUSULMAN

Il fut remplacé alors par son neveu, comme lui cadeteloigné des Ahel Aghrich : Hachim ould Mohammed Sidiould M'hammed ould Sidi Mokhtar àAghrich. Né vers 1896,Hachim était très jeune à notre arrivée dans le pays. Ilpartit avec toute sa tribu après l'affaire d'Aleget vécut avecelle. 11 repartit à nouveau avec, son cousin. Lorsque ce der­nier fut tué à Sarak, il venait de quitter le rezzou pourconduire vers le Nord le butin pris aux Toucouleurs. Il fit­sa soumission au capitaine Bablon, à Boutilimit, Nomméchef trop jeune, Hachim n'eut pas J'autorité nécessairepour se faire craindre et obéir de ses gens, notamment desHaratines Tanak et Oulad Mânsour, qui sont des pillardsconsommés, Les conseils de son père Jui furent de peud'utilité, non plus que ceux de son oncle maternel Sidi EHould Othman ould Bou Bakkar, l'ancien chef, Se sentantpeu en selle, il passa le commandement provisoire à sonpère et vint à Aleg suivre ies cours del'école local,e, puisalla à la médersa de Saint·Louis.

A son retour, il ne sut pas mieux asseoir son autorité,se signala 'par quelques exactions, et finalement "dut cederla place. en 1915, au chef de la famille des Ahel Aghrich:Hobe'ib, frère d'Ahmeddou,

Hobeïb oUld Sidi EH a épousé une femme des Kounta.C'est un homme intelligent et ambitieux, qui, parti en dis­sidence à notre arrivée, fit sa soumission en IgOg, quandil comprit la ruine définitive de l'ancien régime et se retirache~ tes Ahel Agd Ammi, des Die'idiba. 11 se déclara dèslors ennemi d'Ahmeddou, et se sauva à Podor, au risquede laisser ses gens partir en dissidence, quand J'ancien émirfit son apparition dans le Brakna. Ce n'était d'ailleurs, dela part d'Hobeïb, qu'une feinte. Il entrai.t peu après enpourparlers avec les rezzous et ne fournissait aucun rensei­gnement, au détachement chargé de purger le Chamamades dissidents. Par la suite, il vécut paisiblement, ne se si-

, gnalant que parses compétitions avec Hachim, pour attirer

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t.ES BRAKNA ,35

à lui les anciens zenagarl'Ahmeddou. 11 attendait son heurequi sonna en 1915. Il reçut alors le commandement desOulad Siyed. S'il est, de par sa naissance, universellementaccepté, Hoba'ib n'est pas très aimé; il s'est attiré par sesexactions ]'animositédes Arallen qui ont demandé et obtenuen 1917, d'être soustraits à son autorité immédiate. LesAhel Oha'ita se sont également plaints de lui. Sa jalousiecontre Sidi EH ould Keddich l'a incité à accuser celui·ci defomenter des troubles, ce qui a valu à Sidi Eliune amendeet un séjour obligatoire d'unan à Aleg. Malgré cela-Hoberbreste le seul chef possible. il est d'ailleurs sévêrement tenuen laisse. En février 1917, il était emprisonné sous l'incul·pation de vol de moutons et dissimulation de sommes per­çues dans sa tribu pour les orphelins de la guerre. Il futrelâché, faute de preuves, les plaignants ayant arrangél'af­faire entre eux.

Bobe'lb est en excellentes relations avec les chefs trarza,depuis Ahmed Saloum II, qui avaitépo~lsé sa sœur Fatma.A la mort de cet émir, en 1905, Fatma est venue chercherun asile avec ses enfants auprès de Hobe1b. Celui·ci Cgtegalement dan~ les meilleurs termes avec Cheikh SidYa.

Le successeur éventuel de Hobe'lb au commandement desOulad Siyed est son neveu Mokhtar (1).

Les notables de la fraction sont: Hachim ould Sidi, etSidi EH ould Kheddich, ancien chef. t Mohammed ouldKheddich; Brahim ould Lamin Fal j Bou Bakkar ouldKheddich, vieillard très versé dans l'histoire du Brakna,traditionnaliste oral, à qui li ne manque que de savoirécrire pour se faire un nom de savant réputé.

La fraction comprend vingt tentes et 102 individus. Ellepossède 4 chevaux, 23 bovins, 11)2 ovins, 13 Amis, 4 cha·meaux.

Les Oulad Mansour, descendanccfortreduite de Mansour

(1) Hobelb est mort de la grippe au début de 19l9. Il a été ~mpJacé parMokhtar.

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,36 REVUE OU ~ONDE MUSU~MAN

ould Abd Allah, oncle de Normach et de Siyed, se sontfondus dans ces deux tribus. Ils constituent toutefois chezlesOulad Siyed une petite fraction personnelle de 20 tentes,comprenant 74 personnes. Ils possèdent 37 bovins.346 ovins et JO ânes. Ils n'ont ni un cheval ni un cha­meau.

LC1Jr chef est Bakkar ould Heïnnoun. Un seul notablemérite une mention: Ould Mohammed Tolba.

Les Haratines Oulad Siyed et Oulad Mansour sont restésfidèles à leurs maîtres hassanes, qui avaient pour eux unattachement particulier, car ils étaient considérés commeles tributaires de la couronne. Ils comprennent 32 tentes.et 140 âmes, et possèdent 94 bovins, 1.384 ovins et 10 ânes:

Le chef de la frao+ion était, au milieu du dix.neuvièmesiècle, Samba Fal ould Douik. Il mourut vers ,875 et eutpour successeur son cousin Khalil ould Kouar. A celui-ci,mort en '902, succéda le fils de Samba Fal, Baba qui mou­rut en '903. Depuis cette date, le chef est Ahmed ouldSamba Yarg ; le chef des Oulad Mansour, Najiould Amar.Les principaux notables sont Bouya ould AI-Falli j BouBakar ould al-Falli et Aleya ould Yarg.

Les enfants de ces hara~ines héritaient jusqu'au degré decousin seulement. Au delà, la succession était partagêe parmoitiés entre la couronne et les hêritiers naturels,

La redevance due aux hassanes était une pièce de guinée« filature» par tente et par an.

Les Haratines Tanak se divisent en deux sous·fractions,Zeïat et OuJad Houm, et comprennent ..8 tentes et 112 perosonnes. Ils possèdent 105 bovins, 803 ovins et 4ânes.

Ils etaient groupés. à notre arrivée, sous le commande­ment d'Omar ould Abber. Ils se partagèrent à sa mort, etvécurent ainsi plusieurs années. Ils se sont reconstituésavec Tiouley ould Blal.

Le campement AI· Yarg est composé d'anciens captifs,

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LES BFlAKNA 137

affranchis jadis par Eli ould Bmhalla, chef des Tanak, etdonnésparlui à Ahmeddou ould Sidi Fli, émir des Brakna..Ils ne paient pas de redevance fixe, ce qui est déplorable,.car les hassanes leur prennent tout ce qu'ils veulent.

LesZeïat sont libres, parce que descendants d'un hartaaiTanak et d'une mère libre. Ils doivent une pièce degu!née.ou le lait d'une vache par tente et par an. Ils sont aussitenus d'aider leurs patrons dans l'achat d'un cheval de.race.

Les AraUen (au sing. Aralli) sont les zenaga guerriers.de l'émir et de quelques parents de l'émir. lis lui doiventune redevance annuelle d'une pièce de guinée ou le laitd'une vache. Leur tradition leur assigne nettement une·origine bllrbère et les fait frères de plusieurs tribusçanhadja, et notamment des Arouiejat, d'une partie.des Oulad Aïd, des Oulad Al·Fari et même de fractionsTadjakant. Ils seraient sortis des Aroueijat, au temps d'Agh­rich (fin du dix-septième siècle), et sous la conduite d'Al-·Aouaj conquirent leur demi·autonomie de zenaga guerriers.Ils se sont signales, au cours' de ces deux siècles, par d'in_cessantes razzias. En 1847, entre autres, nous voyons dans­les archives qu'ils pillaient à plusieurs reprises les trou­peaux d'Eliman Bou Bakkar, qui finissait par passer le­fleuve avec 300 Toucouleurs, poursuivait les pillards et re·prenait son bien.

Leur chef, Kheïna ould Mohammed ould Babou ould'AI-Aouaj ould Abd Allah ould Moussa ould Arrali, leurassura pendant plus d'un demi-siècle (1830+ 1870) le pres­tige de parfaits pillards. Il mourait sans hèritiervers 1870.Les Arallen se fractionnèrent alors en deux groupes sousl'autoritê de ?v1oktltar ould Chouikh et de Chikh oulàAhmed Tegueddi. A la mort du premier, la Djemaa êlurMokhtar ould Habib, au lieu du fils du défunt, Bourtou,ce qui accentua encore les dissensions. Elles ne cessèrentde se perpétuer avec les deux nouveaux chefs: Mohammed

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,38 REVUE DU MONDE MUSULMAN

Foudh ould Al·Falli et Hamoïma ould Mokhtar. Vers '913enfin, sur nos conseils, un accord est intervenu et la frac­tion s'est reconstituée, sous le commandement de Touigui­

,gui d'abord, puis de Hamoïma ould Mokhtar ould Brahim.Les Arallen ont leurs haratines, ex-captifs qu'ils ont

,affranchis, et dont ils possèdent les biens: ce sont les·Abid Arallen. D'autre part, la coutume de la fraction veutque [es filles n'héritent pas; c'est le maltre hassani quiprend-possession de leur part d'hoirie. En revanche, ellesne paient pas de rafer.

Les notables Aranen sont: Habib oulcl AI-Khattar ;Brahim ould Tegueddi; Mokhtar oulcl Hobe'ib ; et Mah­

foudh oulcl Al·Falli.La fraction comprend 72 tentes et 373 âmes. Son cheptel

. -est de 105 bovins, B03 ovins et 4 ânes.

Les Ahel Ghaïta. A{affal et 19dalen sont trois fractions-de harEj.tines Oulad Siyed qui vivent étroitement unis de·puis plusieurs générations. Ils étaient les haratines mêmesdu Mahsar, ou camp royal, et dépendaient ,directement def'émir. A leur retour de dissidence, les chefs Oulad Siyedse virent pour leur châtiment enlever le commandement-de ces haratines, qui fut donné'à Cheikh Fal. Depuis leJ.O' janvier 1918, cette autonomie a pris fin et les trois frac­,ions, tout en restant sous l'autoritb de Cheik.h Fat, ontété rattachées au chef général des Oulad Siyed.

Les Ahel Ghalta, dont le nom signifierait « qui crient en1'honneur de P~mir» sont d'anciens captifs affranchis parAhmeddou 10••

Les Azaffal, dont le nom signifierait « qui entourent latente de l'émir », étaient les hommes de confiance de l'émirdepuis plusieurs générati;ns. Leur ancien chef Koueïri ouldSégou, a donné sa fille en mariage à Cheikh Fàl. Ils paientune redevance d'une pièce de guinée ou le lait d'une vache,aux héritiers de Sidi EH.

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LES BRAKNA '39

Les Igdalen, dits aussi Guedala. sont les' descendants destribus Godala des auteurs du moyen âge, sous le nom des·quels on n'a aucune peine à retrouver le vocable des Gétulesde l'ère romaine. Il est d'ailleurs certain que ces Igdalenne sont qu'une faible partie de la descendance des Gue·dala ; le re~te s'est fondu et a perdu son nom dans d'autrestribus.

Le chef de ces trois fractions est la personnalite fortintéressante de Cheikh Fa!, de son vrai nom MohammedCheikh ould Sidi M'hammed ould M'haimed, lequel ancêtreétait originaire de Hijaj de l'Est. Sa mère est une Die'ldi·biya. Né vers 1860, Cheikh Fal fut éleve à Saint-Louis parun traitant qui avait été frappé par son intelligence. Il y ap·prit à parler le français, à lire et à écrire. Après avoir passétoute sa jeunesse comme boy, garçon de magasin, garçonde café, employé ~es postes, et portier de la loge maçon­nique de Saint-Louis, ce qui donne les raisons pour les­quelles il fait suivre de trois points sa signature, Cheikhrevint dans le Brakna, chez les Oulad Siyed.

Il fut employé, étant le seul Maure sachant parler, lire etécrire le français, par l'émir Ahmeddou pour traiter sesaffaires avec nos représentants. C'est ainsi qu'il put écrireà M. de Freycinet, alors ministre de la Guerre, une lettretrès amicale de collègue à collègue.

Le ministre français envoya alors à Cheikh Fal, commecadeau, un canon bronzê de petitedîmension. Les ennemisd'Ahmeddou furent consternés de voirunc arme semblable,mise à la disposition de CheikhFal.

Au combat de Ouazan, où les Oulad Siyed luttaientcontre les Oulad Normach et les OuladAhmed, Cheikh Falmit le canon en bat'terie, pointa et fit partir le coup. Lecanon bclata, tuant plusieurs hommes et contusionnantfortement le pointeur; l'armée d'Ahmeddou prit aussit6tla fuite. Mais la détonation de l'arme avait été telle queleurs ennemis, pris de peur, se sauvèrent en jetant leurs

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'4° REVUE DU MONDE MUSULMAN

armes, envoyèrent des parlementaires à Ahmeddou, et lapaix fut conclue en faveur des possesseurs du canon.

Cheikh Fal, en 1903, prit part à l'attaque d'Aleg et suivitson chef, Ahmeddou, dans le Reguerba et dans le Tagant.

En Ig04. il descendit faire Sil. soumission. Malgré lesmarques de bienveillance, qui lui furent prodiguées, ilcontinua à rester en relations avec Ahmeddou, renseignantles mejbour, et ne fournissant aucun renseignement pournous permettre de les atteindre. Il empêchait même, dit-on,les dissidents en mal de soumission de venir à nous.

Avec le temps, il finit toutefois par se rallier plus fran­chement, surtout après 1909, où les derniers dissidentsdisparaissent. Nullement fanatique, très au courant deschoses de la Mauritanie et des coutumes indigènes, il futnomme en 1912, en outre de ses fonctions, agent forestierdans le Chamama. Il y rendit de bons .services, mais on ado finir par le relever de ses fonctions en IgIg, après avoirmaintes fois constaté que sa séverite s'exerçait au delà detoute mesure sur ses ennemis, mais que ses amis avaie~ttoute latitude pour commettre les déprédations qu'ilsvoulaient. Bavard et intrigant, Cheikh Fal est tout demême un homme intéressant (1),

Les notables de ses fractions sont: Guennt ould Amar"ould Abid j Mohammed Fadel Allah j Sliman ould Fadelet Mouboud ou Id Bel-Aïd.

Elles comprennent 45 tentes et 236 personnes. Leurcheptel se compose de 3 chevl,\ux 1 4S bovins, 1 chameau,g:d ovins et 23 ânes.

..Les fractions Oulad Siyed ne se séparent guère dans

leurs transhumances. On les trouve en hivernage, dansles environs de Diguet Mémé, au nord de Chabbour et

(1) Cheikh Fal est mort de la grippe au milieu de 1919.

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LES DRAKNA '4'Kraat-Asfar; en saison sèche à Bou Dioud et Maye-Maye.

Le. cheptel de l'ensemble de la tribu est de 7 chevaux,50g bovins, 6.250 ovins,5 chameaux, 101 ânes. Commetous les hassanes, les Oulad Siyed n'ont pas de marque.Quelques-uns ont cependant le feu LD emprunté aux Dieï·diba, qui SOnt tous tolba.

La tribu comprend 217tentes et 1.037 Anes(Recensement1918). Son cadi particulier est Dida, cadi des DieYdiba,qu'on verra plus loin. L'esprit religieux de cette tribu guer­rière est des plus faibles. Il n'y a qu'un nombre infime degens à avoir reçu l'ouird et encore n'en pratiquent-ils pasles rites. On cite entre autres, 80u Bakkar Kheddich, Qadripar Mohammed Mahfoudh ould Cheikh Mostafa ouldCheikh al-Qadi, des Dieïdiba, et le chef de tribu lui-même.HobeYb, qadri aussi, par le Cheikh Obeïd ould Salim.

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CHAPITR;; III

OULAD AHMED

1. - Historique.

Au vrai sens du terme, les OuladAhmed sont des Brakna,c'est-à·dire des descendants de Barkanni. Leur ancêtreéponyme, Ahmed, est un des nombreux fils d'Abd EI·Ieb·bar auId Kerrourn auld Mellouk ould Barkenni. Ils sontdonc les cousins germains: 1° des Oulad AbdAllah (OuladSiyed et Oulad Normach, puisque Mohammed (fils d'AbdAllah et père de Siyed et de Normach) et Ahmed ou1cl AbdEl·Jebbar sont tous deux petits-fils de Kerrourn ; 2° desOulad Biri, puisque Ahmed précité et Mohammed, pèrede Biri, sont tous deux fils d'AJ;>d El·Jebbar.

Ce sont donc de vrais Arabes hassanes, du groupe ditMarafra, ou descendants de Marfar ould Oudei ould Hassan.

Au début du dix-huitième siècle, les Oulad Ahmed,qui ne s'etaient pas encore separés des Oulad Biri, vivaientavec eux dans l'Iguidi, entre Khroufa et Boutilimit, en bor.dure des Trarza, ou entremêlés à eux. Quand les OuladAbd Allah, après la conquête du Brakna, vinrent se fixerdans l'Aga.n, sous le commandement d'Ahme1ada, les deuxtribus appuyèrent vers l'Est. C'est là que les Oulad Ahmedtrouvèrent les Oulad Abd Allah. Ils ne les quittèrent plus,

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LES llRAKNA

fusionnèrent avec eux et arrivèrent à considérer commeun insigne honneur d'être pris pour les descendants d'Ou­lad Abd Allah, origine que les vrais Oulad Abd Atlah leuront contestée à juste titre.

Dès la séparation des Oulad (Mohammed ou Id Abd Allahen Oulad Siyed et Oulad Normach), les Oulad Ahmed sui­virent ces derniers et s'allièrent à eux pardes mariages, con­tract~s presque exclusivement entre homme"!> Oulad Nor­mach et femmes Oulad Ahmed, Quoique consid~rant les.Oulad Ahmed comme des gens inférieurs, les Normach con­sentirent, par intérêt politique, à leur laisser entendre qu'ils­croyaient à une origine commune. Ils affectaient de prendrepour des liens de fraternité ce qui n'étaÎl qu'un cousinage.C'est ainsi qu'ils avaient pour eux les égards et traitementsqu'on se doit entre merpbres de la même famille. On saitpar exemple qu'il est une habitude chez les Maures, qu'ils.soient guerriers ou Berbères, c'est de ne jamais priser, ~i

fumer, ni parler de femmes ou entendre parler d'elles,de­vant un membre de sa famille, qui ne soit pas de son Age.

Ces flatteries des Normacn étaient intcressées, car, parsuite des guerres continuelles, le nombre de leurs guerriersavait diminué considérablement et ils devinrent très infé­rieurs nultl~riquementà leurs adversaires: les Oulad EH etles Oulad Siyed. C'est aiors qu'ils s'ailièrent avec les OuladAhmed en leur faisant des cadeaux, en ies caressant, et enleur laissant piller indistinctement amis et ennemis,

Contrairement aux deux groupes Oulad Abd Allah, lesOulad Ahmed n'exercèrent jamais leur suprématie sur lamême région; ils vivaient tantôt dans l'Agan, à côtéd'Ouezzan, à Aleg, à Chogar, dans le Chamama, près desOulad Normach, tantôt à Tamourt Nadj, près des AhelSoueïd Ahmed.

Les Oulad Ahmed pillaient un peu partout, surtout làoù il n'y avait pas de danger, et ils méritèrent Je surnomqui leur fut donné par les tribus ùu Brakna, «lescorbeaux ».

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REvue DU MONDE MUSULMAN

Mollien qui fit, en 1817, le voyage de Podor et qui alaissé sur les Maures des renseignements, généralement,exacts, fait des Oulad Ahmed une description peu flattéeet non sans fantaisie.

C'est près de ce fleuve (SénéBa.!) que l'on rencontre les Oulad Ahmed,:restes d'une tribu de Bédouins qui a été presque totalement exterminée.-.chnssée des bords du Nil, 011 elle était établie, elle vint se réfugier sur'œux du Sénégal, où elle exerça sa fureur sacrilège, même sur les ma­'rabollts, crlme impardonnable chez les Maures. Le roi des Braknas juraleur-perte; leur destruction suivit de prés sa menace. Réduits à un petit1l0mbre, les Oulad Ahmed se font remarquer par un caracUre féroce;.fis le cèdent pourtant en ce point au~ Ouladamins (Ob-lad DeUm) qui'errent dans le voisinage de Portendic, car ceux-ci sont, dit-on, anthro­iJopbages. L'aspect d'Un Ouled Ahmed respire, comme celui du tigrè,.1Ine soif de sang que rien ne peut assouvir; son regard farouche se pro­mène de 10US COtés, comme pour découvrir une proie i sa barbe est.rare, mais dure ethèrlssécj son corps est petit, mais plein de vigueur.Son costume est comme celui des autres Maures, excepté qu'il n'a,qu'une tunique, qu'il serre autour de ses reins avec une ceinture, Ondirait, en voyant son air féroce, qu'il médite de venger la morl de sesancêtres et de se soustraIre au tribut qu'on lui a impos,ê. Lecri de mortque poussllientcesbarbares, en pénétrant dans un camp qu'ils vouiaientpiller, m'ont dit les Maures, ressembiait au rugissement des hétes féro­

-ccs; il glace encore d'effroi les Maures, lorsqu'on l'imite devant eux.

A notre arrivée dans le pays, la réputation des OuladAhrned était toujours aussi brillante et nous pûmes cons­tater,les prem iers temps, qu'elle ~tait parfaitemen t justifiée,

On peut dire des Oulad Ahmed qu'ils ont le {lênie du mal, écrit lelieutenant Duboe en 1901. Il 'n'ya pas de méfait qui se commette dans,le pays sans qu'on ne puisse ytrouver la main de l'un d'eux, Ils pJJlentles caravanes non armées, s'attaquent aux gens inoffensifs, volent larioolte de gomme aux campements de captifs qui sont isolés dans labrousse, leur enlèverlt leurs guerbas d'eau pour les faire souffrIr de lasoif. On peut se rendre compte que le surnom qui leur fut donné par«ux qui ont à souffrir de leur IAcheté, n'.a rien d'exagéré.

Avec le temps on a compris que la meilleure solution àcet état de choses était l'utilisation à notre profit de ces

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LES BRAKNA

qualités guerrières. Les Oulad Ahmedjouent désormais unrôle de couverture militaire sur le front du Brakna. Audébut de 1916, on a formé chez eux et avec leurs meilleursguerriers trois goums de 8 fusils chacun. Les armes, ainsique 600 cartouches, 12 rahla et 24 guerba, ont été confiés àSene'iba, chef de tribu, de façon à lui permettre de fairepartir directement ses hommes deson camp de Chogar surles traces de l'ennemi. Les Oulad Ahmed se sont ainsi dis­tingués à plusieurs reprises dans la poursuite des rezzousRegueïbat.)ls font de plus de fréquentes reconnaissancessur la ligne AI-Ouasta, ln Tichilit, Ouezzan, et envoie les«chouf» vers le Nord,

Pour bien comprendre l'historique des derniers événe·ments et la situation actuelle, il faut d'abord donner letableau généalogique de la tente princière des OuladAhmed.

Tableau gén~alogique.

1 .Moummou,

1. Ah.med,ancêtre éponyme.

1

2. Bou ~akkll.r.

Fat! dmran'---B-'-'-h~ru-m-.--'-.-M-'h~Ymdat.1

4. Mbodye.

5. Dll1dif.1

5. Bou Bàkkar.

,. siki.1

1l-lcddl.

1 . 18. Mbarck. Blram.

9, siki. Ahm~lmid.1 1 1 1 1 1 1

10. Senefba. M'moïmed. Mbarck. Mohammed. Sidl Àhmed. Biram.

XLI!, "

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Rl':VUl': DU MONDE MUSULMAN

(1) Ahmed l'ancêtre aponyme, fils d'Abd EI-Jebbar, a denombreux frères, Mohammed, l'ancêtre des Oulad Biri Qrah,Abhoum, Besserin, Ajem, ancêtres des petites fractions IdaQrahoua, Id Abhoum, Ida Besserin et Ijouam, qui viventchez les Oulad Biri, et enfin Al-Gouassi, ancêtres de lafraction repentie (tiab) de ce nom, qui vit chez les Tagat.Il ,a en outre six fils: (2) Bou Bakkar, chef après son père,Rouizi et AI-Afn,a, Moumou et Rouis dont la postérité cons­titua 4 fractions des actuels Oulad Ahmed j Heddi, dont lapostérité est éteinte.

(2) Bou Bakkar, fils d'Ahmed, eut 4 fils: Fati, dont lapostérité est éteinte; Omram et Beyhoum dont la postérités'est fondue chez les Oulad Ahmed; M'ha'lmdat, qui con­tinua le commandement.

(3) M'ha'lmdat, (4) Mbodye l et (5) Dadif n'ont laissé au­cune trace,

(6) Bou Bakar, fils de Dadif, et chef de la tribu vers lemilieu du dix.huitième siècle, est l'ancêtre de la tente prin·cière actuelle des Oulad Ahmed: les Ahel Bou Bakkar, etc'est pourquoi on voit les personnages actuels ordinaire­ment denommes sous le nom d'Oui Bou Bakkar, encore,quequatre générations les séparent de leur ancêtre.

(7) Sidi, fils et successeur de Bou Bakkar eut deux fils:(8) Mbarek et Hiram, ancêtres des branches aînées et ca­dette de la tente princière. C'es, de là que partent les dis­sentiments et rivalités qui ont agité les OuJad Ahmedpendant la deuxième moitié du dix·neuvième siècle, etjusqu'à nos jours. "

A Mbarek succèda à la tête des Oulad Ahmed son fils (9)Sidi, et à celu'j-ci son fils aIne (10) Sene'lba. Nous allonsvoir successivement les cinq fils de Sidi, ainsi que leur cou­sin Biram ould Ahmo1mid ou Id Biram ould (7) Sidi et re·tracer aussi les événements actuels.

Senei'ba, ne vers 1865, était chef des Oulad Ahmed ànotre arrivee; mais d'un caractère mystique et formé à la

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LES BRAKNA '47

piété par Cheikh Sidïa, son martre, il avait de plus en plustendance à se detacher des choses politiques et à se consa­crer à la prière. En fait, c'était son frère immediatementcadet, H'moYmed qui exerçait le commandement. Seneïba,circonvenu par Cheikh Sidia, fit sa soumission, dès le d,é­but. 11 fut nommé chef de goum par Coppolani et reçut unemensualité de 300 francs. Cette allocation lui ayant étésupprimée, avec la disparition des goums (lgOS), Seneïbapartit en dissidence pour l'Adrar. Il assista à divers razzis,dirigés contre nos sujets brakna, mais ne semble pas avoirpris part à la surprise du convoi de ravitaillement d'Aslat(4juin 1908), bien qu'on le lui ait reproché. Quelquetempsaprès, II partit pour Je Maroc avec un compagnon des AhelCheikh AI·Qadi (Dieïdiba) pour faire le pèlerinage de laMecque. Le Dieïdibi étant mort en route, Sene1ba n'eut pasle courage d'aller plus loin: il s'arrêta à Fez, revint à Mar­rakech, et y vécut assez misérablement. Il demanda l'amanen IgII et, autorisé à rentrer au début de 1912, sur la de­mande de Cheikh Sidia, alla se faire oublier et vivre dansla piéte auprès de son martre spirituel. Nous le retrouve­rons plus bas.

Au départ de Seneiba, son commandement fut disputéentre ses deux frères, H'mo'imed, déjà vu, et à qui sa con­duite antérieure envers les Oulad Siyed, alors qu'il exerçaitle commandement au nom de Seneïba, avait attiré bien deshaines, et Moha!1lmed, H'mo'imed fut reconnu, mais aprèsune certaine période de tiraillements, il abandonna la par­tic et se réfugia dans le campement de son cousin Biramould Ahmo·imid. Mohammed, resté seul, se fit bientôt ha'irde ses administrés, qui l'abandonnerent pour la plupart,et allèrent planter leurs tentes dans le campement deH'moT­med et de Biram.

Les dissensions se perpétrèrent jusqu'à 1908. Les deuxpartis se dénonçaient eux-mêmes à Aleg. Par Hiram, on ar­rivaitàprouver, en mars 1907, que Mohammed avait caché

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REVUE DU MONDE ~1USOLMAN

à plusieursreprises,dans son campement, Bakkar, lechefdesNormach dissidents: et que de plus il avaIt pris part lui·mémeà des vols à main armee; il fut donc arrêté, ainsi queson jeune frère Sidi:,Ahmed, et condamne à 8 mois de prisonpar le tribunal de cercle ('g08). Cette aventure reconcilia lellfrères ennemis. Par la complicité" de H'mo'imed, Moham­med et Sidi Ahmed ne tardèrent pas à s'évader de la prison deBoghé. Ils pillèrent le~ campements de leurs denonciateurset partirent en dissidenco en entratnant leurs freres, ~t no·tamment l'inquiet et indécis H'mormed, quelques OuladAhmed et le jeune Lobat, des Normach. Par la suite, onrevit maintes fois Mohammed dans les razzi qui s'abatti­rent sur le Brakna, mais la voix publique prétend qu'Hiisaccompagnait sans armes, et sans prendre part aux pil­lages. Néanmoins, plusieurs fois, des Oulad Ahmed restésloyalistes et attaqués par les dissidents furent blessés etmême tués; et ces faits soulevèrent contre les Ahel BouBakar des haines inextinguibles.

C'est ici qu'apparaît Biram ou!d Ahmo'lmid, chef de labranche cadette, à la tête de la tribu. Jusqu'à cette date, ilne s'etait guère signalé que comme un coupeur de routeset un condottieri. Il accompagnait, dit-on, Bakkar ouId Ah·merada, quand celui·ci, vers 18g8,vint assassiner Moham­med ould Sidi El!, frère de j'émir. Vers 1go" mis à la tètede leur campement par quelques tentes Oulad Ahmed, mé­contentes de Seneïba et surtout de H'mo'lmed, il fait bandeà part et devient chef Ol,lvert de l'opposition. Il se rallia ànous, dès notre arrivée dans le pays, et commanda plu­sieurs fois un goum de guerriers Oulad Ahmed. A ce titre.il, reçoit une mensualité de 300 francs qui lui est suppri­mee en 19°5. Mais plus prudent que son cousin Seneïba, ilaccepte la chose sans esclandre. Après la fuite de Bakkar, ilest accusé de complicité et déporté au SénégaL Il vécut pai·siblement à Kaolak, et fut gracié et 1908. Peu après. ledépart en dissidence de ses cousins de la branche aînée

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US BRAKNA. '49

le laissait mattre de la situation. Il fut Hu chef de latribu.

Son commandement fut des plus médiocres; aussi, dèsle retour de H'moïmed, celui-ci fut·il remis li la tête de latribu (octobre 1910); mais ce n'était pas encore la bonnesohation, H'moTmed ayant laissé trop de haines derrière lui,et n'étant pas au surplus le représentant héréditaire desAhel Bou Bakkar. Biram fut donc réélu un mois après (no·vembre 1910), mais cette fois avec deux assesseurs (SidiAhmed ould Boun et Ahmed Louli), chargés de le surveil­ler et de contrÔler ses actss.

Cependant les Ahel Bou Bakar rentraient peu à peu; cefuront d'abord les deux évadês de Boghé : Mohammed etSidi Ahmed, puis le chef de la famille, Seneïba lui-même(fin 1911). L'insuffisance du triumvirat, qui gouvernait lesOulad Ahmed, se faisait sentir de plus en plus. Un inci­dent. combla la mesure. Une occasion s'offrait pour eux detêmoigner de leur dévouement et de leur adresse: c'était la·capture de Sidi Lamin ould .Bakkar ould Souerd Ahmed,chef d'une bande id ou arch qui opérait Il cheval sur lescercles du Tagant, de Gorgol et du Brakna. Leur goumn'obtint auçun résultat, alors que les circonstances étaiententièrement favorables pour en finir iavec ces pillards. Onalla donc chercher Sene'lba dans sa retraite spirituelle, au­près de Cheikh Sid'la, ct 01) J'invita à reconcilier les deuxpartis rivaux: celui du chef Biram et celui de H'moïmed.

Les pourparlers s'éternisèrent et donnèrent lieu à deschassés.croises amusants. Biram ct H'moïmed, inquiets devoir j'influence que Sene'lba reprenait rapidement, se rap­prochèrent. Biram-fit des avances et H'moïmed y accêda envenant planter sa tente chez H'moïmed. Enfin l'accord sefit en 1913. L'énergique intervention de Sene'iba reaHsal'Unité de la tribu, et comme se fut àson profit que la chosese fit, il fut nommé chef des Ou lad Ahmed (fin 1913). Sonfrère H'mo'imed et son cousin Biram restaient chefs deleurs

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,50 IlEVUE DU MONDE MUSULMAN

campements respectifs. Depuis ce jour, l'administration desOulad Ahmed est assurée convenablement.

Senerba est aujourd'hui vieux, malade, use. Il faut luiprévoir un remplaçant. Ses candidats seraient ses frèresMohammed et Sidi Ahmed, avec une certaine préferenc:lpour le premier. Ahmed Lau[el, lettré distingué et notable depoids, se pose aussi en prétendant. Seneïba est des plusinstruits pour un guerrier. Il est toujours dans les meilleurstermes avec Cheikh Sid'fa, Son influence morale s'exerceau delà des Oulad Ahmed.

H'molmed, frère de Seneïba, est le chef du campementdit Oulad Ahmed Blancs. Il vit tranquille chez lui et n'a quepeu d'autorité. .

Mohammed, frère des précédents, n'a guère fait parlerde lui depuis son retour. Après avoir été notre ennemi,de 1903 à 1905, puis de 1908 à 19ro, il a servi comme par­tillan dans le Tagant, et comme chef de goum pendant lacolonne du Hodh, Il s'occupe surtout de chasse, et passepour un excellent guerrier actif et audacieux; il était trèscraint de tous lesmarahouts locaux, et ses pillages lui valu­rent la condamnation précitée. Aujourd'hui il exerce sonallant sur les rezzous et ne craint pas de travailler pourson propre compte. Il vit à part, craint et fort respecté.C'est évidemment le seul successeur de Sene1ha.

Sidi Ahmed, frère des précéqents, semble avoir choisiMohammed comme modèle. Assez jeune au moment denotre arrivée, il se rallia avec ses frères. Emprisonne en{g08 avec Mtlhammed et condamné à 6 mois de prison,il s'enfuit avec lui et l'accompagna en dissidence. Il fit par­tie des razzi et rentra en fin 1909. Il a servi comme partisande mars Jgll à mai 1912, et a rendu de très bons servicesdans les recensements du cercle C'est un très bon guide,parfaitement au courant du pays. Chargé de conduire ungoum contre des pillards Ahel Souerd Ahmed, U ~1'eut pasassez d'autorité sur ses gens pour obtenir des résultats dé-

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LES BIl"KNA ,',cisifs. Ii fut d'ailleurs choisi à tort pour cette mission, car ilétait apparenté par sa mère avec les principaux pillards.

Biram ould Ahmoïmid, cousin des precedents, corn·mande actuellement un gros groupement Oulad Ahmed,sous l'autorité de Seneïba, Il n'a qu'une valeur guerrièreet une autorité relatives. Il passe pour être un homme loyal,mais fanfaron et prêt à toutes les compromissions pour seprocurer de l'argent, Au demeurant, il n'y a rien à craindrede lui.

Un des frères des quatre Ahel Bou Bakar precités, Mba·rek, a été tué en 1903 au cours d'un combat contre les IdOu Aïch. Sa famille vit chez Seneïba.

2. - Fractionnement.

Les Oulad Ahmed se divisent enOulad Bou Bakar ould Ahmed,Oulad BouTzi,Ahel Heddl,Oulad AI-Afl1a,Roulssat,Oulad Moummou,Oulad Akerroumt.

Les six premières fractions sont de pure angine OuladAhmed; les Oulad Akerroumt se rattacheraient à Kerroumould Mallouk par une autre filiation que celle d'Ahmed,et ne seraient donc que les cousins des'OuladAhmed, mais ilssont aujourd'hui complètement nationalises dans la tribu.

Les Haratines Oulad Ahmed se divisent en;Ahel Mbarek ; ~ chef: Mohammed ould EH ould Mahmoud.Lembelda; -chef: Mahmoud ould Samba.Ahel Ahmed. - chef: Bou Bakkar ould Othman.Ahel Bou Sald, _ Ahmed Salem ould Mohameddeo.Oulad Yarg. - Omar Oulcl Abd El-Beggar.GoundaYa, _ Brahim ould Bella.

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Ils n'ont pas de chef général. En plus des fractions pré­citées, un grand nombre deharatines vivent isolés par in­dividus ou par tentes dans les campements nobles.

Les nobles comprennent 62 tentes et 266 âmes; les ha.ratines: 76 tentes et 339 personnes, soit au total 138 tenteset 605 personnes.

Ils possèdent: les nobles: 5 chevaux, 33 chameaux,50 -ânes, 87 bovins et \.273 ovins; les haratines: r cha­meau, 79 ânes, 164 bovins et 3.863 ovins, soit au total,5 chevaux, 34 chameaux, 129 ânes, ;151 bovins, 5.336 ovins.

Comme tous les hassanes, les Oulad Ahmed n'apposentpas de marque de feu à leurs troupeaux.

Leurs terrains de parcours sont: en hivernage, les rivesde l'oued Katchi, les environs de Diguet Mémé, et jusqu'àChogar; en saison sèche, le nord de Chogar et quelque·Tois le sud jusqu'à Boghé. Ils ont été jadis les martres in­contestés de l'Agan et de l'Akel, vers ChogarToro. On leurreconnart encore aujourd'hui cette qualité.

Les notables de la tribu sont: a) Mokhtaret MohammedMahmoud, fils tous deux d'Omar ould Bou Salif. Cette fa­mille des Ahel Bou Salif, des Rourssat, est ralliée depuislongtemps à nous. L'un de ses membres, Ahmed LouleY,a toutefois marché avec nous, et a servi comme partisandans de nombrellses occasions. Il suivit le capitaine Bablonà Akjoujt et lui ren~it des services, il fit les colonnes del'Adrar, du Hodh, et de Smara, tuant dans cette dernièrede sa main un chef pillard. Ennemi des Ahel Bou Bakkar, ilest un peu le chef de parti de l'oppositiQn, surtout depuisqu'il a échoué à l'élection de chef de tribu. C'est un excel·lent chef de partisan et un homme dévoué. Son cousin,Sidi Mohammed, se rendit utile au lieutenant Duboc;b) Sidi Mohammed BaUD, notable qu'on avait char8é de sur­veiller Biram et qui se laissa conduire par lui; c) Sidi Ah·med ou Id DeYna; d) Omar ould Omar Beyat.

Véritable tribu makhzen, les Oulad Ahmed sont armés

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LES lIRAKNA '53

par nos soins. En outre du goum régulièrement constitueet dont il a été parlé plus haut, ils fournissent des parti­sans auxiliaires. C'est pourquoi ils sont détenteurs, parnos soins de 7' fusils, dont 31, modèle 92, et 20, modèle74, aux nobles i et 20, modèle 74, aux haratines.

Les Ouiad Ahmed semblent profiter des bons conseilsqu'on leur prodigue depuis le début et portent de plus enplus leur activité vers des buts plus lucratifs, sinon moinsglorieux, que le pillage et ia razzia. Ils s'adonnent de plusen pius aux cultures et surtout à l'élevage. Leurs culturesont pris, ces dernières années, une certaine extension etnotamment par le développement ,des 'canaux d'irrigation.Ils ont la coutume, à eux spéciale, de partager leurs 10u­gans en longues bandes orientées nord-sud, et abritées duvent d'est par des plantations de gonakiers. Ils retardentaîng.i, par l'ombre de cette haie bien fournie, l'évaporationdes eaux.

Moins encore que chez les autres hassanes, on remarquechez eux de manifestations .de piété. Le chef de la tribu,SeneYba, en est aussi le marabout. D'être ies cousins etchampions des Oulad Biri, tolba par excellence du Sud mau­ritanien, il suffit à l'islam .des Oulad Ahmed.

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CHAPITRE IV

DJEïVIBA

1. - His/orique

Le vocable Dierdiba (ou Djeïjiha) est une corruption deId Ejba, « les fils d'Ejba », prononciation berbère de IdEilba ou Id Erich. Les Dieïdiba sont donc les cousins desId Eïich, ou De'ilouba, de Oualata et du Hodh oriental. Ilssont, de leur propre aveu, d'origine berbère, étant les pa·rents «des Touareg voilés du Sahara ». Ils se hâtent d'ajou­ter, il est vrai et suivant la légende fantaisiste des origines,arabes, que par delà leur extraction berbère, ils sont, depar Ejba lui-méme, des Himyarites d'Arabie.

Ejba arrivait du Sous. On ne sait rien sur lui. Ses des·<cendants habitaient, dans un passé indéterminé,l'Azaouad,au nord de Tombouctou. Des migrations les amenèrentsuccessivement vers l'Ouest, et vers le seizième siècle, lorsdes invasions hassanes, ils etaient dans l'Agan. Ils prirentpart à la guerre de Boubba contre les Oulad Abd Allah l etfurent quasi-extermines. De cette première unite dieYdiba,il ne reste aujourd'hui qu'une dizaine de tentes. La per­sonnalite la plus en vue en serait Ahmed Mahmoud ouldMohammeda, cadi des Oulad Siyed, qu'on verra plus loin.

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LES Bll.AKNA ,55

La tribu devait être reconstituée par J'arrivée d'immi~

grants De'idouba, leurs cousins. Cet élément nouveau, plusfort et plus nombreux, submergea les vieux Dieïdiba.Cettemigration se produisit entre 1670 et 1700 et se presenta entrois vagues successives: groupement d'Atjfara Brahim etd'Atjfara (Bakkaï) qui étaient cousins j groupement deChems'eddin dit Zamrag. Ce sont les ancêtres éponymesdes trois principales fractions Die'idiba: Id Atjfara (ou Idag Fara) Brahim, Id Atjfara (ou Id ag Fara) et Zemarig. Aremarquer, dès maintenant, que les Zemarig ont demandéet obtenu leur autonomie, et ne font pJus partie, adminis·trativement, des Dieïdiba. Les autres fractions die'ldiba,Ahel ag Ammi Ahel Mohammed Othman, id Ayank, des·cendent aussi de ces ancêtres communs; mais avec le tempset par suite des rivalités de famille, eUes se sont détachéesdu tronc principal, tout en restant incorporées à la tribu.

Le premier arrivé des immigrants, Atjfara Brahim,épousa, quelque temps après son arrivée dans l'Agan, Fa·tima, fille d'Aguennoui, le chef des premiers Dieldiba, Ildevint son vizir et recueillit sa succession. Il semble bienque ce chef prit part à la guerre de Boubba, Il n'eut guèrepu d'aiI1~urs agir autrement. D'autres liens patrimoniauxse nouèrent alors et amenèrent la fusion des deux éléments.A la mort d'Atjfara Brahim, la chose est faite, Son filsAmmi (Mokhtar), ancêtre des Ahel Ag Ammi, lui succedasans difficulté et fut remplacé, à sa mort, par son frère cadetAbhoum qui devait garder dans sa descendance la dévolu­tion du commandement et fut j'ancêtre des Ahel AtjfaraBrahim proprement dits (fin du dix-septième siècle),

Au dix-huitièrpe siècle, la tradition donne comme succes­seurs d'Abhoum son fils Mahim; Agd Abd Allah, fils deMaham; et Imijen, fils d'Agd Allah (cf. plus loin tableaugénéalogique). Le dix· neuvième s'ouvre sur le commande·ment de Habibouna Io' fils d'Imijen. Il meurt peu après,Jaissant deux fils: Qadina et Ahmed Babou. Ils furent suc·

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,56 REVUE DU MONDE MUSULMAN

çessivement les chefs de la tribu, ce qui donne à la posté­ritéde j'une et de j'autre, des droits au commandement. Ledix-neuvième siècle devait être rempli par les conflitS, Ofa

dinairement suivis de rixes et quelquefois de meurtres, desdeux familles. C'est ainsi que vers 1860 Habibouna II ouldChe'{bata ou!ct Qadida, assassina Mostafa ou{d AI·OudaaAhmed Babo'u, alors chef, pour prendre sa place. Mais,quelques jours plus tard, le parti adverse prenait sa re·vanche et l'assassin é.tait tué, à son tour, chez les OuladSiyed par Cherhatà ould Al·Oudaa ouI cl Mostafa.

A dater de ce moment, les Dieïdiba, outrés de ces mœursde hassanes, ont abandonné la branche aînée et ne choi­sissent plus leurs chefs que dans la tente cadette, celle desAhel Ahmed Rabou. '

Les Dieïdiba ont entretenu, au dix-neuvième siècle, desguerres fréquentes contre lesToucouleurs~Aleïbè.Dans lesystème géné,ral des alliances Maures·Toucouleures, c'estavec te Toro qu'ils marchèrent traditionnellement.

St le commandement politique était dans la fraction IdAtjfara Brahim, l'autorité religieuse, au moins depuis unsiècle, était dans la fraction Id 'Atjfara, et on verra plus loinque le prestige des pontifes était aussi fort que celui desCheikhs et que méme certains visèrent à se substituer à eux-

On a vu dans la première partie que c'est chez les mara­bouts « Diedhiéba » que René Caillié vint faire son édu·cation islamique, en 1824_ Il n'eut guère à s'en louer.

Depuis un siècle et par suite tant des rivalités religieusestIue des contestations de points d'eau, les Dieïdiba sont enlutte armee avec les OuladBiri. Innombrables sont lescom~

bats qui se sont livrés sur ies dunes et autour des puits, àla limite actuelle du Trarza et du Brakna. Dans mon ou­vrage, l'Emirat des Trar{a, j'ai donne un aperçu rapidedes derniers conflits et j'ai cite les textes des conventionsde 1897 et 1898, par lesquelles le Gouvernement françaisessayait de mettre fin à celte question bralante.

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LES BRUNA "7

Cette vieille haine semanUestait encore, en J908, à pro·pos d'un incident futile; la trouvaille d'un œuf d'autruchepar un berger des Zemarig. Quelques Oulad Biri et hara­tines Oulad Ahmed le lui disputèrent. Une bataille à coupsde bâton s'engagea, comme il convient entre marabouts, àqui leur caractère sacré interdit l'usage des armes. Il yeutde nombreux blessés. Le lendemain, les Oulad Ahmed in­tervinrent, et en leur qualité de guerriers, firent parler lapoudre. Cette fois, il y eut des morts; l'affaire fut pénible­ment arrangée.

En octobre 1917, nouvelle bataille entre les télamidesquêteurs des Oulad Blti, conduits par un fils de CheikhSidYa en personne et plusieurs tentes Dieïdiba. On échan­gea de vigoureux coups de bâton.

Les difficultès n'ont évidemment pas cessé à ce jour, etde temps à autre, mais de plus en plus rarement, des coupssont encore échangés à la limite des cerclestrarza et brakna,autour des puits de Bir el-Barka, Dokhon, Bou Talhe1a. Desconciliations partielles interviennent, quand Hie faut. Enfévrier 1913, les tribus se 'mettaient complètement d'ac_cord au sujet des puits de l'Amechtil, qui les divisaientde·puis fort longtemps. Une délégation Die1diba se rendit chezles Oulad Biri. Ces derniers reconnurent aux Dieïdiba lnpropriété des puits contestés et les DîeYdiba autorisèrentles Oulad Birj à boire à ces puits.

Un peu plus tard, un accord entre !es commandants descerelesdu Trarza et du Brakna réglait la question de Birel-Barka et de la rooe de nomadisation environnante desDieYdiba. En voici le texte; il peut servir de modèle pourles nombreux cas de ce genre.

« Les capitaines commandant les cercles du Trarza et duBrakna ont réuni à Bir el-Barka les chefs, principaux no­tables et cadis des DieYdiba et Oulad Biti, afin de réglerl'affaire survenue entre DieYdiba et Laghlal au sujet de ces

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,58 REVUE DU MONDE MUSULMAN

puits. Quelques épineux, jetés par les Dieïdiba dans lepuits, telle fut la cause de l'incident.

« Entre Dieïdiba et Laghlal est survenu un arrangement àJ'amiable. Les DieYdiba reconnaissent auxLaghlalles,trcisquarts du puits et gardent le dernier quart. Ils s'engagent,en outre, à le remettre en état. Une,col'lVention a été écritepar les Laghlal et les Dieïdiba, réglant toutes les questionspouvant être une source de litiges enlre les deux tribus, ausujet des terrains de cultUre et des puits morts.

« Afin d'éviter à l'avenir tout conflit entre Dieïdiba etOulad Biri, le capitaine commandant le cercle du Trarz!lrestreint du puits de Bir el-Barka à Dokhon la zone de 00­

madisation des Dieïdiba, tant que les questions litigieusesqui pourraient s'élever avec les Oulad Biri, du fait de leuroccupation de cette région, pepdant une période de 12 an­nées, n'auront pas été réglées. \t-

Il est hors de doute toutefois que l'animosité sévit pres·que aussi fort que par le passé: les relations sont peu fré­quentes et peu cordiales. Un fils de notable Dicrdiba, élèvede la médersa de Boutilimit, dut être renvoyé par suitede l'hostilité de ses camarades et notamment des Oulad Biri.Divers jeunes garçons Dieïdiba, candidats à la médersa,ont bien spécifié qu'ils voulaient aller à celle deSaint-Louiset non à celle de Boutilimit où ils sont« au contact avecdes gens qu'ils n'aiment pas ». ,

Liés de vieille date avec les Oulad Siyed, les Diel'diba lessuivirent en masse dans leur exode, lors de notre occupa·tian. Seuls quelques campements, dont plusieurs Id ag Faraet celui même du chef de la tribu, Ahmedna ould Qadina,n'eurent pas le temps d'enlever leurs marchandises et defaire filer leurs troupeaux vers le Nord. Surpris, ils firentleur soumission sans difficultés. Les autres tentes rentrè·rent peu à peu, abandonnant l'émir à son sort. Le. dernièrefraction dissidente fit sa s.oumission à la tin de mars 1905.Pendant plusieurs annees ene,ore, ils conservèrent leur

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LItS BIlAKNA

attachement à l'émir dechu, et favorisèrent ses entreprisesou celle de ses aUiés dans le Brakna. Leur chef Ahmednafinit par attirer sur lui les foudres de l'administration, las·sée d'apprendre que son campement était le refuge de mej­bour. Une certaine réaction contre la politique d'approvi­sionnement de Coppolanise fait alors sentir, «Deux puni.tions de prison, dît un rapport de juin 1908, lui (Ahmedna)çmt prouvé que nous n'étions plus à la politique des pains.de sucre. ~)

Quand Ahmedna dut abandonner définitivement lapartie et se retirer dans le Sud marocain, il se trouvaencore quatre Die1diba pour le suivre dans son exil.

Aujourd'hui la situation s'est parfai ternent rassérénée, etces incidents ne ,sont plus que de l'histoire ancienne.

2, -Chroniques et jractÙmnement des Dierdiha,

Les Die'idiba se divisent aj'heure actuelle en les dix frac­tions suivantes:

" , . ,

Jd ag Fara BrahlmHaratlnes id.Id Atjfara , 'Haratines id,Ahel Agd AmmiHaflilines id.Ahel Mohammed Othman,Haratines id.Id AyankAsbatNegza

'1.12 tentes56

'758,

"8,,5

"""

1,4~5 Ames

,,'50''44,,5,88'98

'",","soit au total 900 tentes et 4.089 personnes.

Les Id Ag Fara Brahim, qu'on prononce souvent avecrapidite Id ag Farabrim ou Id Atjfararim, sont, comme on

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,60 REVUE DU MONDE MUSULMAN

l'a vu, la fraction princière des Diefdiba. L'ascendance dela tente du commandement s'établit ainsi:

Atjfara Brahim.1

1Agd HaIh Allah.

A\l, Mos\aill, sa~d,-~

descendancedans la tribu.

1Mohammed Maham. >

1

AgdaJ:am.

1Abhoum,

ancêtre desAhel Atjfara Brahim.

1Maham.

11

Agd Abd Allah.l'

AJroi,an~tre des

Abel Agd Ammi.

Oth~an, lm\ian.an~tre des ~__ll~ _

Ahe! Moham· ( l, 1medden HablbouM lU, Al.Qad.k..Akrabllt,

Othman, I---;T;"cendllnce1 1 dans la tribu.

Qadmll. Ahmad Babau.

CheJbata, Al-dudaa.1 :-I~_

Habiboullil. Mo~tafa, Cher~~ina.\

1 1Kha ifa. Moh. Fal. Ahmedna.

Mos~afa. Ouàaa.

La fraction se divise en les sous·fractions suivantes:

Ahel Agd Abd Allah,Ahel Mohammed Thoierl,Glagma,Ahel Ahhoum,Abel Talah Moharnmedden,Altel Monja,Altel Hejab,Altel Agd Halb Allah,Id Ag Maham,Ahel Agda Nah.oui,Id Ou Amin.

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LES BIIAKNA

1Haratines proprement dits,

Haratines Touadg,Kouar DieTdiba.

Les Ahel Mohammed Thofeil sont originaires des AhelMohammed Othman.

Les Glagma sont originaires du Hodh : le premier qui"int dans le Brakna, au début du dix-neuvième siècle, estun certain Abd Er-Rahman, la Guelguemi.

Les Ahel Agda Nahoui sont la sous·fraction qui eutl'honneur de donner l'hospitalité à René ~ai1lié, en 1824.Il n'en a pas dit le nom, mais il 8. été facile de Je trouver,car il a donné le nom de son maître. Mohammed Sidi-I·Mokhtar, « grand marabout du roi », Ce Sidi-I-Mokhtarould Mohamedden ould Mostaf ould Agda Nahoui a laissé-en effet le souvenir d"un homme de piété et de science. Sondescendant, chef du campement, est aujourd'hui AbdAllahould Mohammed ould Abd Allah ould Sidi Mokhtar. C'estun notable considéré. .

Les Id Ou Amin, ou Douamin, sont originaires desHijaj.

Les Touarig SOnt d'origines diverses, mais surtout Id OuAl-Hadj. Jadis libres, ils vivent aujourd'hui avec leurs ha·ratines et se sont nêgrisês.

Les Kouar Die'idiba, ou Noirs des DieYdiba, sont, dit-on,les descendants des Id Agfa (Peul de la rive gauche), qui seseraient mélangés avec les haratines.

Le chef des Id Ag Fara Brahim, chef généra! en outredes Dieïdiba, est Mostafa ould (Khalifa ould Mostafa ou1d)AI·Oudaa. A notre arrivée en Mauritanie, le chef était "Ahmedna ould Qadina, cousin de Moustafa. Ahmedna, deson vrai nom Ha1b Allah, mais plus connu sous ce sobriquetdonné par sa mère; il ne nous donna pas satisfaction. Ener­gique et obéi, il tenait bien en main sa fraction; mais ilse signalait par une sourde oppo.sition à notre autorité don·

>;LIl.

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,6, REVUE DU MONDE MUSU~AN

nait asile au Mejbour, empêchait les Asbat, Tabouit et IdAtjfara, qui se ralliaient moralement, de venir franche­ment à nous, et nous faisait espionner à Aleg. En 1907,c'est dans son campement qu'Ould Assas, le fils d'Ahmed·dou, reçut asile, pendant que ses gens preparaient leur raz­zia. C'est là que Mohammed Amo'ljio, chef des haratinesze;marig et notre agent, fut attaché et frappé et n'échappa"à la mort que par la fuite. On put craindre, à plusieurs re·prise, qu'il ne partIt en dissidence, et il l'aurait certaine~

ment fait sans la crainte des pillages des Oulad Yahya benOthman. II (ut destitué, en 1909, et remplacé par Moste.faprecite. .

Mostafa est né vers 1888, à Bou Talhaya. Sa mère, Çalehament AI-HadL est des Ida Ou Ali. Son père Khalifa étaitchef de la tribu, avant Ahmedna. Lui:même a pour l'ins­tant un fils, Mohammed Abd Al1ah, né en 1915. MostaEaétait trop jeune à notre arrivée pour jouer un rMe; il nepartit pas en dissidence, sans doute parce que, comme plu­sieurs groupements de sa fraction, il n'en a pas eu letemps.

Très ambitieux, il a vise de bonne heure il un comman­dement et, vers 1906, fit punir de prison ses partisans quisur ses instructions, avaient dans ce but fait quelque agita­tion. Fort instruit en arabe, il a voulu savoir un peu defrançais et a suivi plusieurs moi!! les cours de l'école d'Aleg.C'est un homme intelligent, énergique et pondère, qu'ilimporte de ne pas laisser gagner à la main, comme il enaurait la tendance. Il s'est rendu coupable, il ya quelquesannées, de fraude dans les recensements-; il forçait les rOlesde ses ennemis et diminuait considèrablement ceux de sespartisans. Mostafaauralt quelque tendance il jouer au chefreligiellx. Il semble par moments que son desir est d'imiterCheikh 5idYa. L'opinion publique l'a remarqué, et a pJuM

sieurs reprises le bruit a couru qu'il abandonnerait soncommandement politique ets'y ferait rerripiacer par une de

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!.ES BRAKNA .63

ses creatures, pour pouvoir se consacrer à lavie religieuse.Il est actuellementseconde par son cousin et Khalifa ; Mohammed Abdou ould Mohammed Mostafa ould Abd AI-Jelil,dit Babia. Ce Mohammed Abdou, ne vers r880, est unhomm~ actif et intelligent.

Les principales personnalités Id Ag Fara Brahim sont:a) Jeddou ould Habbab ould Qadina, des Ahel Qadina, nevers 1848, et candidat perpetuel au commandement de latribu. Il est naturellement en fort mauvais termes avecMostafa, comme Hl'a été avec ses prédécesseurs, et ne se

"gène pas pour signaler ses méfaits. b) Sidi-I·Mokhtar ouldCheikh Abd Allah ould Mostafa ould Sidl Mokhtar Ouali.'C'est un chérif, originaire des Id A,g: Jemouella, mais il vitavec les Id Ag Fara Brahim, depuis deux générations. C'estun saint homme et un savant professeur. Son école cora·nique es~ la mieux achalandée de la tribu. A son prestigepersonnel il joint la baraka de son père et de son grand­père, qui furent des marabouts célèbres, et surtout de sonôl'jeul, à qui la renommée donna le nom de Ouali i c) Mo­hammed ou Id Habib Rahman, chef d'une sous·fraction etadversaire declare de Mostafa. Il groupa longtemps autourde lui les adversaires du chef. Las ct inquiet, il a fini parabandonner la lutte, et par se retirer dans une autre frac·tion Dieïdiba.

Les (d ag Fara Brahim sont la fraction la plus impor.tante et la plus riche de la tribu. Ils campent dans la régiond'Aleg, des Biar, d'Arona, de Chogar et de l'Oued.

Leurs haratines ont pour chef Mohammed ould Brahim.Ils campent avec leurs maUres. Quelques tentes passentsouvent sur la rive gauche, à Edy, ou ailleurs. D'autres sontau lougan de BaHel.

Les Id ag Fara .ge rattachent à Atjfara Bekkai, dont latradition a laissé tomber le nom de Bekkaï.

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ltEVUE DU MOND)!: MUSULMAN

Voici le tableau généalogique du campement princier.

1Abd Allah.

1M\lham Taka.descendance

che;;: les Id agFara.

Ahmea ~ahmoUd.

AI.Jadj.

Cheikh IA1_Qadl.1

Harb lliah.1

Atjfara )Bekkd).

Blat·

Aoubak.1

AI·Mokhtar Nalla.1

1 .A]·Qadl.

Atjfara Ah1med Baba.1

Cheikh Moslafa. Cheikh AbJ Er-Rahman.

Mohammed ibd Ad-Jeli],1

1 ilMonda. Moh. Mahfoudh.

Moh. A~d Allah, chef de la fraction.

Les Id ag Fara ne sont plus maintenant que doux sous­fractions: Ahel Qadi et Ahel Hadj Qadi. Toutes les autresse sont fondues en celles-là.

Le chefdes Id ag Fara était, à notre arrivée, MohammedAbd Al·Jelilou Id Cheikh Mostafa. Il accompagna les OuladSiyed vers le Tagant, mais fit vite sa soumission et revintvers ses campements. En même temps que les Dieïdiba sevoyaient infliger une forte contribution de guerre, il devait,lui leur chef, passer deux mois à Saint-Louis en résidenceobligatoire. Chef intelligent et juste, il accepta, quoiqueami d'Ahmeddou, la nécessité de notre domination, main­tint la paixchez ses gens et vécut en bons termes avec nous.Il mourut en glaÎ 1912, et était remplacé en août suivant,

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LES BRA"'l'lA ,65

par son fils cadet Mohammed Mahfoudh ; l'alné avait. eneffet, refusé l'autorité.

Mohammed Mahfoudh est né. vers 1882. Ainsi que SOIlfrère alné, il partit en dissidence à notre arrivée, séjournaun an dans le Regueïba, mais sans porter les armes contrenous l eUit sa soumission avec sa fraction. Ce sont tous lesdeux des personnes intelligentes et instruites. Mostafa s'estconfiné dans le domaine religieux et, ayant hérité de l'in­fluence maraqoutique de la famille, fait le cadi et le pro­fesseur de la tribu. 11 a un-fiIs 1 Mohammed Abd Allah, quisemble devoir être le successeur de son oncle.

U est à remarquer, en effet, que cette tente est, depuisquatre générations, depuis Cheikh AI-Qadi ould Al-Hadjnommément, une véritable pépinière de saints marabouts.Cheikh AI-Qadi fut il la fin du dix-huitième siècle, un desélèves du Cheikh Sidi·l·Mokhtar Al.Kahir, le Kount!, au­près de qui 11 resta six mois. Quelques années plus tard,Cheikh Sid1a AI·Kabir devait le suivre dans cette voie. Ilavait 40 ans quand il apprit la mystique et achevaparelteses études. Ce fut un grand' pontife, qui a assuré la fortunede sa postérité. Il a été enterré à Bou Talheya, aux cotés deson grand-père Atjfara Ahmed Baba. Son frerc l Mostafaould al~Hadj, fut aussi un marabout de renom.

Les enfants de Cheikh AI.Qadi l tous Ckeikh réputés,assirent définitivement la situation maraboutique de la fa­mille.

Cheikh Mostafa fut un saint homme, adonné aux chosesdu ciel, et qui laissa la direction du temporel à son frèrecadet, Cheikh Abd Er· Rahman. Celui·ci, dès le début dejuin 1858, se tournait vers l'autorité croissante de Faidherbeet lui écrivait; .

Le but de cette lettre est de vous fBoire connaftre que Je pays se perdét devient malheureux. Le malheur s'étend sur Jes habitants du payset sur les étrangers. C'est une vérité et c'est très sérieux. li faut que voussongiez à établir la paix et Je bonheur sur la terre, et ce sera un bon-

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,66 R~VUE DU MONDE MUSULMAN

heur pour vous. La paIx n'existera qu'après la rêconclliat(on des OuladSeTd entre eux. Ordonnez à Mohammed Sidy d'agir dans ce sens el"Venez-lui en aide.

Cette époque de misère a élevé des- individus méprisables et en li

abaissé de respectables. Le dernier des guerriers commet des iniquitésdans Je pays et son chef ne peut l'en emptcher, parce qu'il craintsoninimitié. Mohammed Sidy ne songe qU'à établir la paix entre les OuladSeTd elles Chretiens. De leur réconcillation résultera le bien du pays.Les actions,de Mohammed,Sidy ne peuvent le faire considérer commet'ennemi des Chr6tie/!-s, - Souvent li s'est trouvé dans J'obligationd'agir malgré lui, parce qu'li était contrarié; et que les Qulad Ahmedétalent des Trarza et que, s'II avait Agi auti'ement, il aurait été mé~

pris"é. - Aujour4'h,uIU ne songe qu'IL r~c0!1cilier son peuple; alors, niles Trana nlle'sOl,llad Ahmed n'auraient de pouvoir sur luI.

Le Gouveri'leur doit se souvenir de mO,i, éar il Cit venu IL nous l'an­n/!e dèrnlère.

Le texte arabe de cette lettre est eil annexe,Le troisièm:edes enfants de CheikhAl~QadÎ', AhmedMah­

moud entretint aussi une correspo,nçiance suivie avec lesagents de Faldlierbe et tint, ce' gouverneur au Courant, de lapolitique et des faits et gestes d'Ai_Hadj Omar.

Cette famille a fourni non seulement les chefs. poliÙquesde la fraction, mais très souvent les cadis et,ch~fs religieuxde la tribu. SOQs le couvert de cette 'influence, i1s,ont tentéà plusieurs reprises' d'accaparer la direction des affaires.En principe rien ne pouvait êtfle décidé par le chef politique,sans que le Ciildi fôt consulté. Au contraire, il arriva mêmequ'AbdAI-Jelil,.grAce à l'intérêtque lui portèrent les émirsSidi EU et son fils Ahmeddou, usurpa les fonctions d'Ah­medna jusqu'à notre occupation. Ce ne fut qu'au departd'Abd AI-Jelil dans l'Adrar avec son protec~eur Ahmeddou­qu'Ahmedna dut de pouvoir, en '903, être réintégré dansson commandement. Il n'y eut d'ailleurs aucun merite,car si son campement n'avait pas fini avec les autres Id AgFara, c'est qu'il n'en avait pas eu le temps.

Les principales personnalités Id ag Fara sont : a) Mo­hammed Mahmoud ould ALMrabet j dit Dida, cadi de la

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,~lInlA IJnllche: C'l~I~1! M'II,\I\l\F.l>%"~l)'DI'KK"ï, Chef dcs Allei

il d,.oil~ : D'DA, Ü1di supoJri~lIr dc~ I\rllklla.

Cheikh.

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Les BPAKNA

tribu, Dida appartient à une famîlle "maraboutique trèsinfluente. L'origine de cette considération remonte à sonbîsa'ieul AI·Qadi ouali renommé,·qui mourut vers 1780, etfut enterré à Bou Talheya, où son tombeau est l'objet depèlerinages. Il était fils d'Atjfarll Ahmed Babou, vu ailleurs,etse rattachait ainsi à la ligne même d'Atjfara (Bekkaï). Illaissait quatre fils : Al·FalIi, Oummoui, Babana et Hal'bqui furent tous de saints personnages. Haïb Allah, mortvers r815, laissa à son tour plusieurs enfants dont 1'afné,Mohammed Mahmoud, mort vers 1862, fit refleurir toutesles vertus de l'ancêtre. Aussi lui donne-t-on le surnom deMrabet. Son fils Mohammed Abd AUah n'a pas fait parlerde lui. Dida est le fils aine de Mohammed Abd Allah. Ausurplus voici le scMma généalogique de cette famille.

1Ahmeddou.

AI-Qad! t vers 1780,

,..---,..---1---'1AJ-Fllli, Oum~oui. Babana. Halb Allah t vers 1815,___1_,

Moh. MOkhtar. Mostafa.1

Mohammed Mahllloud,<lit Al-Mrabet t vers 186~.

1 .Mohammed Abd Allah.

Mohammed Mahmoud, dit Dida.

Dida est né vers 1884, Sa mère est d'origine Arallen.Parti en dissidence avec sa tribu, il se soumit avec elle etdepuis a eu une attitude parfaitement loyaliste. II a éténommé cadi de sa tribu en 1909 et, peu après, cadi supé­rieur du cercle, A ce titre, il jouit d'une grande influence,encore que les ennemis de Dieïdiba eussent préféré uncadi qui n'appartlnt pas à cette tribu, En 1912, à la mortd'Abd Al-lelil et.avant la nomination de son fils, il a fait['intérim de chef de fractiori. Il a, de par ses ancêtres, denombreuses relations dans toutes les tribus du cercie, sonpère en effet et surtout son grand-père Al·Mrabet ayant

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,6B REVUE IJU MOl'iDI! MUSULMAN

été les pr.ofesseurs et les initiateurs dont relèvent la presque~otalité des marabouts et notables de la région. Dida estlui-même un professeur émérite) en qui on s'accorde à voirspécialement un juriste de premier plan. Il enseigne ledroit à une trentaine de jeunes gens, surtout DieYdiba. Satente est toujours plantée aux environs d'Aleg. Dida est unhomme intelligent, instruit, dévoué, qui nous rend lesplus,precieux services. Sa popularité lui vaut daossa tribuet ailleurs, plus spéciaJeIl}ent chez les Touabir et Arallen,de nombreux cadeaux. Il est moqaddem qadri par lachatne mystique suivante, qui se rattache aux Kounta :Cheikh Ahmed Babou ould AI-Hadj; Cheikh Abd Allahould Mostafa ; Cheikh Sidi Mohammed ould Cheikh Abd·Allah; Cheikh Mostafa ould Cheikh Al·Qadi ; Cheikh AI­Qadi, père du précédent j Cheikh Sidi Mokhtar Al·Kabir,le Kounti.

b) Ahmed Mahmoud ou(d Mohammedda qui passe pourêtre un des représentants de la première tribu Die1diba. Ilest ne vers 1863 eta fait ses études auprès de Mohammed AbdAllah, père de Dicta. Jadis cadi des Id Ag Fara Brahim,puis cadi des Dieyctiba par la nomination de Coppolani, àla suite de la dissidence du cadi de I/l. tribu, il démissionnapour que ces fonctions judiciaires ne soient exercées quepar un membre des Ahel Cheikh Abd Allah. Intelligent etfort instruit, il fut accusé, en 1906, d'avoir fait sa cour auChérif marocain, en lui faisant 'don d'une jeune captive.On a pu constater aussi l'élasticité de sa conscience par laproposition qu'il fit d'affirmer, sous serment coranique,l'authenticité de pièces fausses. Il enseigne le droit et 'unpeu de théologie à une vingtaine de jeunes gens.' Entretemps, il fait sur Cascas, Boghé et Podor âes voyages com­merciaux. Il est très connu, mais il ne jouit que d'uneinfluence restreinte.

cl Cheikh Sidi·I-Mokbtar ould Cheikh Abd Allah ouldMostafa. Né vers 1883, il a eu son père pour professeur,

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LES BRAKNA

mais son père lui-même est un des êlèves du grand Al-'Mrabet. Il appartient à une tente cherifienne, etablie depuisplusieursgénerations chez leS" Die·idiba. Parti en dissidenceavec les siens, il fit sa soumission avec eux, mais affectalongtemps de nous ignorer et resta à l'écart. 11 s'est rap·proché avec le temps. Il lionne l'enseignement coranique àune cinquantaine d'élèves, et fait quelques cours supé­rieurs. Son influence religieuse s'étend surtout chez Jes,Noirs, Toucouleurs et Ouolof, riverains de Gascas à Saint··Louis. Il a même quelques telamides d'occasion à Sierra­Léone, jeunes gens venus ici par hasard et que son renoma attires à son oui rd. Il voyage souvent sur le fleuve pourion commerce.

d) Cheikh Mohammed Mahfoud ould Cheikh Mostafa­ould Cheikh Mohammed Mahmoud. Né vers 1884, il aépousé Mal'ram,sœurde Dida. Il jouit d'une renommée localecomme professeur et descendant de Cheikh Al-Qadi. Soninfluence s'étend sur les baratines du Chamama, à l'ouestde Boghé. Il a une trentaine d'élèves, grands et petits. .

Les haratines Id ag Fara ont pour chef Abd Allahould Archa. Leurs terrains de cultures sont dans le Reguerba~

soit avec les autres haratines Reguerba.

Les Ahel Ag Ammi se rattachent, comme on J'a vu, il-,Ammi, fils d'Atjfara Brahim. Ils sont donc en principe Idag Fara Brahim, mais ils se sont séparés de leurs frêres, il ya plusieurs générations et ont pris le nom spêcial de leurancêtre, laissant celui de la fraction à "1<1. descendance de­son frère Abhoum. Ils ne dcpendaient donc plus des Id a~

Fara Brahim, comme tous les gens des Tassaguert. Si dans·les Biar, le droit des chefs (Gach, morceau de la poitrinede toute bête de bétail abattue) était pour les Ahel Oudaa.chez les Tassaguiert, ce droit était payé, pour les Ahel AgdAmmi, à la tente princière des Ahel Ha·jbelti.

A notre arrivée, leur chef était Cheikh ould Sidi Lamin

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/

REVUE DU MONDE MUSULMA'N

(ould Mohammed ould Haïbelti... ould Ammi). Il est mortau début de février 1912, et a éte remplacé, sur élection dela djemaa, par son fils Naji. Naji est né vers 1890. Sa mèreest une Jemouel1ïa. Trop jeune à notre arrivée, il n'est pasparti en dissidence, Malgré son jeune âge, il gère son grou­pement avec habileté et énergie. Il est secondé par le notableMohammeddou Duld Habib Allah ould Mohammedden.Les autres notables les plus en vue,sont: Habib ould Ha.bib, ancien chef de sous..Jraction qui a été condamné le16 aOllt 19r6 à un an de prison, et Mohammed ould Ched·'dad, qui l'a remplacé comme chef...

Les Ahel ag Ammi n'ont pas de zenaga. Leurs baratinessont sédentaires à Aroua. Ils cultivent en outre des lougans­à Balé, en face de Dara et de Paté Gallo.

Les Akel Mohammedden Othman se sont, comme lesAhel Ag Ammi,détachés des Ahel Atjfara Brahim pourconstituer une fraction indépendante, lis se rattachent àMohammedden ould Othman, quatrième descendant d'Ab·houm fils d'AtjfaraBrahim (cf, infra tableau généalogique),La scission paraît s'~tre produite avec le fils ou le petit-filsde Mohammedden, dans la deuxième moitié du dix-nui·tième siècle, A cette date, la fraction, dite aussi des Tessa·guert, cessa de donner le gach au chef des Id ag Fara Bra­him et le donna à ses chefs: les Ahel Mekhiyen,

Le chef d,e la fraction est Hamda ould Sidi ould Abdiould Mekkiy'en ould Abd Allah ould Mohammed Othman.Sa mère ast une Jemouell'{a. Sa fa'mille jouit d'une excel­lente réputation dans tout le cercle. Lui-même assure son'service avec beaucoup de zèle et d'adresse. Il est occasion·nellement employé comme assesseur au tribunal de·cercle.

La fraction n'a pas de zenaga. Ses haratines sont peuimportants et cultivent avec ceux des Ahel ag Ammi.

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LES BRAKNA '7'Les Id Ayank ne sont pas de pure origine' Dieïdiba. Leur

ancêtre Andach hait un étranger (halif) venu s'installerchez Atjfara Bekka1, qui s'y maria et dont la descendancese nationalisa Id ag Fara. Leur chef est Ali ould Moham·med ould Omar ould Mikheïtir ould... ou/d Andach. Il asuccédé, en '912, à AI-Goumach.

Les Id Ayank n'ont ni zenaga, ni haratines; ils ont denombreux chameaux, dont Bakar ould Soue1d Ahmed s.eservit souvent contre nous. Ils nomadisent entre Mal et leTagant, et ne descendent jamais dans le Chamama.

Les Abat NegJ(a devraient s'appeler aujourd'hui sim­plement Ahel Negza ou OulaJ Negza. Ce vocable d'Asbatest le souvenir d'Un etat de choses qui a subsiste pendantla plus grande partie du dix-neuvième siècle et a aujour­d'hui disparu. Il rappelle la « confédération» des Id Ayank,des Id ag Jemouella et des Negza. Ces fractions formaientà elles trois un groupement très particulariste, qui, touten s'unissant par des liens conjugaux, ne fusio'nnu pas. Ilsse considéraient et on les'considérait comme des « alliés»(Asbat): Par la suite, chacune des fractions a repris sonindépendance,

Negza ould Othman, l'ancêtre êponyme des Ncgza, étaitoriginaire des Oulad Aïd du Gorgol, qui ne sont d'ailleursqu'une colonie des OuJad Aïd du Trarza. Ce sont,.commeon le sait, des Zenaga, non tributaires, et guerriers, d'ori·gine arabo·hassanes et qui ont eté asservis par les invasionshassanes posterieures. Ce Negza, dont le vrai nom étaitMzaldef, viot s'établir, peu avant 1800, dans le campementde Cheikh Al·Qadi et fut son disciple empressé. Il avaitalors 40 ans et êtait suivi de son fils Ali. 11 mourut vers [812,

ct fut enterré à AJeb Niatara. Son fils, ayant epousê uneharatÎn'ia des Oulad Ahmed, se fixa definitÎvement chez lesDieïdiba. Les 6 fils d'Ali prirent femmes dans cette tribuct constituèrent J'origine de la fraction. Les Oulad Ahmed

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'7' REVUE OU MONDE MUSUL~1Il.N

les considérèrent pendant un certain temps comme leu.zenaga et leur imposèrent un tribu. Mais les Dieïdiba lesrachetèrent et se les attachèrent comme télamides. Voicile schéma généalogique de la tente du commandement:

1 1Mahmoud. 3.Souerd.

17, AI-Knuri.

Othman.

l. Mll81def1dit Neg{a.

. 12. Ali.

1

MOh&~med. 8raJim. 4. A[-K~uri. Mok~tat.1

5. Sa'chir. 6. Ma~foUdh·.

Les chefs de fraction se succédèrent dans J'ordre de nu­mêrotation du tableau. Bachir (5), qui était mort en 1880,fut remplacé par son frère Mahfoudh ould Al·Kouri. Cefut lui que Coppo[ani trouva en 1905 et confirma dans soncommandement, à son retour de dissidence avec les Id agFara. Chef assez apprécié d'une tribu de voleurs et de pil­lards, il fut plusieurs fois puni pour avoir donné asile à desmejbour, au début; à des prisonniers évadés, ces tempsderniers, Il fut destitué, en 1917, et remplacé par son cou­sin Al-Kouri ould Soue'idi.

Anciens zenaga, devenu « tiab », les Asbat Neg1.a se res­sentent aujourd'hui encore de ces origines, Ils ne jouissentque d'une demi.-eonsidération. Ils n'épousent pas notam­ment les filles des hautes classes die'idiba.

Ils suivent tous, aujourd'hui comme il ya un siècle, lesillage religieux des Dic'idiba, Ils leur ont emprunté leurfeu pourles troupeaux et leur sont, malgré les sollicitationsdes Zemarigdissidents, restés fidèlement attachés,

Les haratines Die'idiba doivent leur émancipation à Cop­polani. Affranchis des droits de horma à la suite de la ré-

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LES BRAKNA '73

bellion de leurs mattres, ils furent distribués en autant decampements qu'il y avait de sous-fractions suzeraines, éta·blis dans la région de Chabbour et placés sous le comman­dement de Mohammed Amouijin, des Zemarig.

Par la suite, ce commandement général a été suppriméet chaque sous·fraction de haratines a son chef particulier.

Les Die'ldiba ont un beau cheptel de 4.030 bovins,43.144 têtes de petit bétail et 878 ânes. Leurs chameaux sontau nombre de 165, à peu près tous chez les Id ag Fara et Idag Fara Brahim. A ce propos, on peut remarquer la ten­dance des Die'idiba à se partager en deux groupements:l'un à peu près uniquement pasteur et nomade, qui campedans la r~ion du Nord, à Dokhon, etc, Il est composé desdeux fractions precitees; l'autre, campé au Sud, autour dulac, est composé des Ahel Agè,Ammi, des Ahel Mohammed·den' Othman, €lIe. Ce sont des nomades à petit rayon et descultivateurs en voie de sédentarisation pendant quelquesmois de l'année.

Le feu des Dieïdiba est 1e qaJ ~, qu'ils apposent surle côté droit du cou pour les chameaux, sur la cuisse droitepour les bovins. Ils ont de nombreuses contre-marques; Je« dei ~ ~ et le madda ....... chez les Ahel agd Ammi; lapatte de poule \fi chez les Id ag Fara Brahim; la croix +chez les Id ag Fara; lessigncs -1 ou J- dans le campementMrabet, etc.

Les Die'idi'ba font, par leurs haratines et même par lesplus pauvres d'entre les personnes de condition libre, denombreuses cultures dans la cuvette d'Aleg, Aleg est unpoint très important pour les Maures. C'est un centre decultures: on y fait un peu de riz et beaucoup de mil. Lesindigènes y campent une partie de l'anp.ée. Ils viennent s'yinstaller en hiver, après avoir terminé leurs travaux dansle Chamama i ils en repartent en automne, au moment despluies. Il n'y avait ni villages, ni maisons; Aleg est seule~

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'74 REVUE DU 'MONDE MUSULMAN

ment une grande cuvette où se répandent sur une trèsgrande surface les eaux de l'oued Katchi. La terre appar·tient exclusivement à la tribu des Dieïdiba; mais ces der­niers, ffiqyennant des redevances légères, permettent àd'autres tribus, tellés que les Tendra, les Tagnit, les Hijaj,d'y faire des cultures.

Noms des terrains;

Frioun,A!-Mrifeg,Meifed,Gouissi,Adimmour,Tichetftyet,Tidar,Aroua,

Fractions auxquelles appartient la terre 1

Id agFara.. Jeddou AlwHabbab.Abel Mohamedden Othman.Abel Ag Ammi,Cheikh des Dieïdiba.Oulamouichém.Id agFafa.A~ej ag Amml.

Les territoires de nomadisation des Dieïdiba sont en hi·vernage: l'Agan, Chagar, J'oued Katchi, Kra al-Asfar, etle sud d'Aleg; en saison sèche: Je lac d'Aleget AJeg même,,Bir el-Barka, Dokhon, Bou Telheïa, Chabbour, Regba,Ballé. Leur point d'eau central etait jadis Ndokhon, puitsrépute de 50 mètres de profondeur, dans une dépressiontrès boisee. A côté du puits, on trouve aujourd'hui lesruines d'une con,struction en baraco, que les premières re­connaissances en Ig05-'g07 trouvèrent encore bIen con­servée. Elle affectait la forme d'un carré de 25 mètres decôté aveC,cour centrale. Cette casba avait été édifiée alorsqu'ils étaiein les martres du pays. Ils durent l'évacuer à [asuite de leurs luttes avec les Ou!ad Eiri.

Les professeurs les plus réputés des Die'idiba sont: a) lecadi Dida, campé à Chogar, mais que ses fonctions main·tiennent à Aleg la plupart du temps; h) Mohammed Mah·moud ould Mohammedden, campé chez les Id AtjfaraBrahim. Ces deux martres ont été vus plus haut. A leur

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'7'clientèle maure ordinaire, surtout Dieïdiba, se joignent uncertain nombre de jeunes Toucouleurs. Leur enseignementest d'abord coranique (ils sont suppléés cn cette branche parun ou plusieurs adjoints) et ensuite superieur: droit, gram­maire, théologie, littérature et langue.

Les principaux lieux de pèlerinage des Die'idiba sont lestombeaux et cimetière de leurs ancêtres: Bou Telheya, oùsont inhumes AI·Qadi. ,Cheikh Ahmed Babou et Ha'ib Al­lah, etc; Bir el-Barka, où est inhumés Cheikh Abder-Rah·man ould Cheikh Al·Qadi, celui·là même qui écrivait àFaidherbe la lettre donnée en annexe; Ndokhon, où sontenterrés Cheikh Mohammed ould Babou et Cheikh Qadi-Ould Ahmed Babou, etc. j Raddeka, cl) sont enterrés Mo­hammed Mahmoud (Mrabet). grand-père de Dida; Moham­med Abd Allah, fils du précèdent; Al-Falli ould Al-Qadi;Oummoui, etc. ; Tbuirsat, cimetière benié, etc.

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CHAPITRE V

ZEMAll.W

1. - Historique.

Si administrativement les Zemarig constituent une tribuîndépendante, on a vu ci·dessus qu'ethniquement, ils sontde!l Dieïdiba. Depuis l'heure où leur ancêtre éponyme Chemsoed·Din, dit Zemrag, c'estpà·dire « le fort », rejoignit sescousins Atjfara Brahim et Atjfara (Bekkar) dans le Brakna,ils ont vécu avec les Die'idiba et ont fait partie intégrantede la tribu. C'est de nos jours seulement qu'ils se sont dé­tachés d'eux.

La chronique des Zemarig commence donc avec Chems·ed·Dio, originaire comme ses cousins, des Die1diba ou IdE'11eb du Hodh. Une tradition le fait proprement le fils.d'Atjfara (Bekka1). Voici le tableau généalogique de la;tente du commandement:

Quelques tentes chez lesOulad bou Sir, Je (este chez

Jes Zemarlg.

1BllAhmoud

(Zmarig).

1.Brahlm.

1Moham·medden.

1Amar.

1

·Zemrllg._____-'-1__,

T l' _Tegueddi. Baba Imllan.

11

1'aleb Mohammed,<iescendance chezJes Oulad Bou Sir.

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LES BRAKNII

Abd E!-Qader.11'---'---1

Mohammed. MaslaCa.

Sidi-I-M1okhlar. chiJani,

. 1 1 1 1Mohammed Sidi, ex-chef, Tofail. Limam, chef nctuel.

'77

C'est par suite d'un phénomène d'ordre economiquequ'un certain nombre de tentes Zemarig se sont aggluti­nées aux Oulad Bou Sif, Proprietaires de chameaux, ellesne purent suivre les autres Dieïdiba dans leur lent fléchis­sement vers le Sud, Obligées de vivre loin du fleuve, elles segroupèrent auprès des Oulad Bou SU pour être protégées,mais elles sont restées en bonnes relations avec leurs cou­sins et ne renient pas leurs origines.

Les Zemarig ont toujours eté considérés un peu commedes parents pauvres par les autres Diéïdiba.

Les Id ag Fara Brahim .étaient la fraction qui avait le.commandement politique, Les Id ag Farapossédaient l'au­torité religieuse et judiciaire. Les Zemarig, tiers etat,n'avaient plus qu'à obéir. Ils se lassèrent de cette situation,et après des luttes fréquentes avec les Id ag Fant Brahim,ils s'éloignèrent d'eux et vinrent se fixer à Chabour, dansle Chamama. Chassés par les Toucouleurs, ils vinrent versBoghé et nomadisèrent entre Boghé, Al·Meriché, la rivièrede Mal, et Caseas, Ils entrèrent dans le système politiquede l'equilibre local en contractant alliance avec les Toucou­leurs de Boghê et en luttant contre ceux du fleuve, Leurdabaï etait installé près de Boghé,

Depuis longtemps donc ils vivaient pratiquement sépa­res des Die'idiba, A la 6n du siècle dernier, ils furent gra­vement pillés par les Oulad Ahmed; ceux-ci étant les alliésdes Oulad Biri, les Zemarig se rapprochèrent des Dieïdi~

~t prirent part aux luttes de cette tribu contre les OuladXLII,

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'78 REVU!': DU MONDE MUSULMAN

Biri et Oulad Ahmed. Ce rapprochement amena leur dissi­dence, à la suite d'Abd AI·Jelil, chef des Id ag Fara, lorsdel'occupation française (1904), A leur retour du Tagantilsfurent mis à l'amende à part. Les autres dissidents ayantrefusé de faire une répartition égale pour ces contributions,les Zemarig sentirent renaftre toute leur animosité. Ils de·m!l:ndèrent à vivre en dehors de la tribu et, depuis, ils ontjoui de leur autonomie.

2. - Fractionnement.

Le fractionnement des Zemarig s'établit ainsi:

Zemarig libres 56 tentesHaratinesZemarig: lOO -.

224 personnes.475

soit au talai 156 lentes et 699 personnes.

Le chef était, lors de notre arrivée, én '903, MohammedSidiould Sidi·l-Mokhtar, né vers 1848. c'était un hommeintelligent et peu aimé de sa tribu à cause de sa fourberieet de ses exactions. Il fut destitué, en '912, pour avoir pilléles anima~x de ses gens, et remplacé par son cousin Li·mam.

Par le refus de son frère aîné} Thofe'i1, d'exercer le corn·mandement, Limam est chef depuis 1912. Il est né vers1885. Très jeune à notre arrivée, il dut suivre le mouve·ment de dissidence de sa tribu, mais revint peu après,C'est un bon chef, estimé et obéi par ses gens. Il est quelquepeu apathique. Il a voulu faire un jour acte d'énergie! maisce geste ne lui a pas réüssi : il fut puni d'une peine disci·plinaire pour avoir protesté contre la nomination de Dida·:;omme cadi.

Le commandement est définitivement fixé dans ce cam­pement, et spécialement dans la tente des Ahel Abd EI-Qa-

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LES B~AKNA '79

der, 'celui-ci étant le bisaïeul de Limam. C'est pourquoi ailleur assigne dans la pratique ce nom. Limam par exemplen'est désigné que sous le nom de Limam ould Abd El.Qa­der. C'est aux Ahel Abd El·Qader que traditionnellementétait versé le gach ou morceau de poitrine de toute bêteabattue. Chez les haratines Zemarig, c'était aux Abdi ould .DaYa.

La djemaa de la tribu comprend:

a) Mohammed Sidi, ex-chef, déjà. vu,b) ThoferJ, de SOll vrai nom Mostafa ou/à Aix! EJ-Qader,

frère ainé de Limam. Né vers 1875, il a fait de bonnes.études et s'est consacré il. J'ascétisme et aux choses du ciel.Il est sur la voie de là sainteté. Il fut, dans les dêbuts, punid'une peine lêgère d'emprisonnement. Aussitôt libéré, ilpartit pour l'Adrar, allant offrir ses services au ChérifMou­lay Dris, Après un sêjour de plusieurs années, où il putgoutter toutes les misères d~ l'exil, il demanda J'aman etrentra, Il se tient tranquille maintenant. Il remonte chaqueannée vers l'Adrar pour aller faire la guetna.

e) AhmeYdou ould Cheikh Mohammed Al-Qadî ould Mo­hammed Hemar ould Atjfara Salem. C'est un maraboutqadri,qui relève de Cheikh Adallah des DieYdiba, et par luide cheikh Si di Mohammed son cousin, et de CheikhMostafa ould Cheikh Al-Qadi des Dieldiba.

d) Ahmed .ould Babou et e) Abdi oulct Yahia, notables•.fJ Mohammed Abd Allah ould Cheikh Mohammed Qadi.

qui est mort en 1916. :-.l'é vers 1870, il avait été lebrillant élève et le disciple de Mohammed Abd Allah ouldAl·Mrabet. Il ne partit pas en dissidenceavee sa tribu, maisen 1908 se mit en route pour la Mecque sans autorisation.A la réalité, il ne dépassa pas l'Adrar et dut bientÔt rentrer. Cette incartade lui valut une peine disciplinaire. Cadide sa tribu, il jouissait d'une grande reputation et se

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.80 REVUE DU MONDE MUSULMAN

consacra en dernier lieu avec beaucoup de zèle aux soins desa charge.

g) Il a été remplacé par Ahmed Salem, ould Sidi QulctDahi, élève de Mohammed Abd Allah. Il fait égalementJ'école coranique, et quelquefois des cours d'enseignementsupérieur.

Au point de vue religieux, outre les obédiences précitées,il faut sign,aler celle de Mohammed Mahfoudh ould CheikhMostafa ou Id Cheikh Mohammed Mahfoudh, des Id Atjfara(Dieïdiba), et celle de Cheikh Saad Bouh, qui s'est exercéeici par son missionnaire Abou-l-Maali Qulct Cheikh AhmedHaclrami, des Tagat. Limam, le chef de tribu, relève de cedernier ouird. .

Les Zemarig font leur pèlerinage à Al·Mer\ché et à Azlat(AI-Azlat). A Merichê, on voit le tombeau vénéré du grandsaint Cheikh Mohammed Abd Allah ould Cheikh Moham·

, med AI·Qadi.Leur cheptel est de 6 chevaux, 347 bovins, 1,000 têtes de

petit bétail et 48 ânes. Leur feu est le gaJ, soit LD des DieY·diba, apposé sur [a cuisse droite. Ils ont comme contre·marques le dal.) sur le membre interieur droit, le « mou·lana»~ etle """ au-dessus du gaJ. Cettcd,ernière apparticrylaux. Anel Abd Ei·Qader.

Les Zemarig nomadisent entre Azlat et Kra aJ·Asfar, enhivernage; au nord-ouest de Boghé avec leurs haratines,tm saison sèche.

Les haratines des Zemarig sont fort nOinbreux, plusnombreux même que leurs maîtres et ont fait leur for·tune. Ils sont campes dans le Chamama, au nord-ouest deBoghé, et ne se déplacent que dans un petit rayon. Ils res·tent ainsi à proximité de lcurs terrains de cultures: Tienel,Boghe, Chabour, Regba. Ceux·ci appartiennent à la fa·mille de Bes Moro, du village de Sinthiou Dangdé (Séné·gal), mais depuis notre installation en Mauritanie, cesToucouleurs ont cesse de réclamer la location des terrains

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LES 1I1lAKNA ,8,

leur appartenant. En revanche, ils ont dû payer en 1917,650 francs de dioldé (droit de location dû par le cultiva­teur) à 8ai1a Biram, chef du Lao maure, mais c'est à con­tre-cœur, et ils assurent que la terre n'appartient pas àBaïla (comme le dit Cheruy), mais que ce chef se serait em­pare de ces domaines lors du trouble qui suivit l'arrivéedes Français, et qu'il les fit travailler par les Zemarig ha­ratines, qui ne s'etaient pas enfuis.

Le chef des haratines Zemarig etait, à notre arrivée, Mo­hammed AmoIjin. Il nous témoigna un dévouement corn·plet. Il etait envoye, en novembre 1906, pour prendre desrenseignements sur la marche d'un mcjbour, commandépar Ould Assas. Denoncé par Ahmedna, chef des Id agFara Brahim, il fut capture, amarré ct battu par les dissi.dents. Il réussit à s'enfuir et, pour se venger, guida le lieu­tenant Corrard des Essards à la marc de Tioulé·Tiabé oùétait rassemblé le rezzou. Par la suite, sa tête fut mise àprix par Ahmeddou. Il rendit des services précieux, nousfournissant sans cesse des renseignements sur la marchedes rezzous, Les égards qu'on lui témoigna abusèrent sonorgueil. Il se mit à piller ses gens, et sur leurs plaintes fUlrelevé de son commandement et emprisonné à BoghC(1909)' Asa sortie de prison, il a rejoint sa tribu d'origine,les Id ag Fara.

Il a été remplacé par Sambe'lt ould Sambe'it, homme in­telligent et qui assure convenablement son service.

Les notables de la tribu sont; Ahmcd Fal ould Abhoum,Sidi ould Ahmed Abd et Mokhtar oui cl Mohammed,

Les haratines Zemarig n'ont qu'une piété superficielle·Certains' cependant se font, à l'instar de leurs martres,conférer J'ouird qadri. Ils le demandent aussi au CheikhMohammed Fal ould Mostafa ould Cheikh Mahmoud deiId E'!lik, qui relève de Cheïkh AI-Qadi précité.

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CHAPITRE VI

KOUNTA

J. - Historique.

Dans mes deux mémoires sur (l les Kounta de FEst» et« les Kounta du Hodh », j'ai exposè les origines et la tra­dition historique des Kounta. On ne peut ici qu'y renvoyer,et on les supposera connus.

Trois fractions Kounta vivent dans le Brakna, autour deGuimi, leur point d'eau commun et le centre de nomadi­sation: les Oulad Bou Sif, les Meterambrin et les AhelCheikh Sidi-J·Mokhtar. Les deux premières dérivent de lamême source: ils descendent de Sid MohammedAI·KountiAs-Sarir (seizième siècle) et proviennent des Kounta duTagant. La troisième dérive dU'grand Cheikh Sidi·J·Mokh·tar (t 1811) par son fils Baba Ahmed, et provient doncd'abord de l'Azouad, et en dernier Heu du Hodh,

On n'oubliera pas que ces deux sources se rejoignentau quinzième siècle en la personne du saint Sidi AhmedAl·Bekka'j, En effet, Sidi Mohammed Al·Kounti As·Sarir,patriarche des Oulad Bou Sif et des Meterambrin, et SidiOmar Cheikh , sont frères, fils tous deux du dit AhmedAl·Bekkaï.

A,- Source Tagant. - Sirli Mohammed AI·Kounti As·

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LES DRAKNA

Sarir vecut à cheval sur le quinzième et seizième siècle.Fils aIne de Sidi Ahmed Al-Bekkal, il herita de l'autoritépolitique, laissant à son frère Cheikh Sidi Omar Cheikh labaraka et l'apostolat; Du Hodh, où son père était mort etavait étê enterré, il revint, vers la fin de sa vie, avec sescampements vers le Tagant, laissant autour de Oualata lestentes deses cadets, qui, un peu plus tard, allaient appuyervers j'Estet émigrer vers le Faguibine et l'Azaouad.

Sidi Mohammed As·Sarir mourut vers 1850, et fut en~

terré à Kerkach, au sud-ouest de l'Adrar, Il laissait septfils qui sont les ancêtres des Kounta du Hodh, du Brakna,du Tagant et de l'Adrar. Ce sont: Sidi Bou Bakar, SidiHaïb Allah, Sidi Ouels, Meteramber, Omar Rekkab, Dg·hal et Ahmed, Ils sont les ancêtres des fractions qui portentleurs noms.

Deux fractions Kounta du Brakna se ratlachent donc àcette branche les Oulad Bou Sif, descendants de Sidi Oue'ls,par son petit.fils Bou Sif; et les Meterambrin, descendantsde Meteramber.

Les Oulad Bou Siftienhent ce nom de Bou Sif de leurancêtre Baba Bou Sif, petit.fils de Sidi Duels. Baba BouSif eut, d'une premier femme noire, nomm6e Haoua,les Ouled Bou Sif Al-Kohol (Noirs) qui sont ici même etau complet, et d'une autre femme blanche, Lalla Fatma,deux fils Ahmed et Duels, ancêtres des Oulad Bou Sif Al·Biodh (Blancs), dont une partie est ici et dans ,le Gorgol,el dont les autres constituent la fraction Oulad Bou Sif duHodh. Baba Bou Sif a etéenterré à Rekha'imiatdans leTa­gant.

Les Oulad BOIJ Sif noirs sont ici depuis le milieu du dix­huitième siècle, comme on le verra plus loin, Les blancsviennen t d'arriver, il Ya quelques années -à peine et depuisnotre occupation, On peut considerer que leur exode n'estpas encore terminé,

Le pays propre des Ouiad Bou Sif noirs était j'Agnn.

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I\EVUE DU MONDE MUSULMAN

Vers 1850, fatigués par les luttes avec les Id Ou Aïch, unepartie d'entre eux alla chercher fortune dans le Hodh et~

sur leurs rapports enthousiastes, le gros de la tribu suivit.Ils en revinrent toutefois vers 1880, sauf quelques campe·ments qui sont restés dans le Hodh.

En juillet 1904, ils furent pillés parles Oulad Bou Sba etet perdirent 3.000 chameaux, tout le cheptel. Sidi ouldl'Vlohammed ould Ahmed Abd, leur chef, les determinaalorsà quitter l'Asan où ils vivaient depuis Sidi MohammedAI­Kounti, et à emigrer vers le Sud. Ils s'établirent autour deGuimi. C'est depuis lors que les Oulad Bou Sif ont cesséd'être une tribu à chameaux pour devenir une tribu à bœufset surtout à petit bétail, • .

Leur soumission date du premier jour; cependant plusd'une fois par la suite, ils ont servi de receleurs au gens deTagant et de l'Adrar pour leur produi.t de leurs pillages etsurtout dans le commerce de captifs.

Les Meterambrin tirent leur nom de leur ancêtre Mete­ramber dit « l'enveloppè », parce qu'il avait l'habitude des'envelopper des pieds à la tête dans son boubou. Ses des·cendants sont donc devenus « les fils de l'enveloppe ».ou« Meterambrin ». Son vrai nom, d'après une traditionde l'Azouad, non confirmée ici, aurait ete Amar.

Les Meterambrin ne semblent pas avoir émigré vers leHodh.

Us quitt~rent l'Adrar et notamn1ent Ouadan, leur centre,sous lacondulted'Abd Er-Rahman, fils deMcteramber, vers lafin du dix-septième siècle, pour venir. se fixer dans l'Agan,qui désormais sera le pays même des Kounta. Il y mourutet fut enterré près d'Aguiert, où l'on voit son tombeau,ainsi que celui de son fils et successeur, Sidi MohammedReggad ; c'est de celui-ci que date cette amitié constante etprofonde qui .va unir les Kounta de cette branche et iesalmamy des Fauta. Elle durera jusqu'à nos jours. Le Res·gad se signala à la reconnai~sance de ses gens, en faisant

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LES BRAKNA ,"planter à Lemaoudou une palmeraie dont subsistent encorequelques débris.

Sidi Mohammed, qui succéda à Mohammed Reggad, sonpère, raffermit cette alliance et ne quitta plus l'almamyMamadou Biram. La tribu, sauf deux mois d'hivernagequ'eUe allait passer à Lemaoudou, séjournait constamment

- dans le Chamama.Sidi Mohammed fut enterré à GaMbé Wan-Van, sur le

fleuve, etson tilsMohammed Lamin lui succéda. Les bonnesrelations cntre cechefet lesalmamyfurent légendaires. Il.ne quitta, dit-on, .ses amis Toucouleurs qu'une seule foisen 42 ans de commandement.

René Caillié eut affaire à un Kounti qui ne pouvait êtreque Bou Sifi ou Meterambri. L'un des marabouts présentsau camp de l'émir Ahmeddou, quand il y arriva en sep­tembre 18.34,« Chérif, Kount de nation, lui proposa d'allerhabiter son camp, lui promettant de le considérer commeun iîls ». Déjà engagé avec le chef des Die1diba, Caillié re­(usa cette offre aimable. Ledit « Kount» faillit d'ailleurscompromenre Caillié en le surprenant à éCrlre une pagede son journal. Il n~ le détrompa qu'en usant de ruse et endéclarant que c'étaient des chansons, ce qui ne convain­quit qu'à moitie« le défiant chérif ». Ils vivaient à la findu dix-huitième siècle dans le Tagant. Ils asservirent,d'après leur tradition, les Mechdouf qui durent leur payer­tribut un certain temps, mais prirent surtout part avec leursfrères Kounta de cc territoire, et avec les Oulad BouSifquis'étaient joints à eux, à d'indéterminables luttes contre lesAhel Sidi Mahmoud j alors en pleine expansion. Les con­fins de la Mauritanie et du Sahel S011t à cc moment Jethéâtre de luttes sanglantes : Arabes hassanes, contreArabes hassanes (Oulad Nacer contre Oulad Mbarek),tribus zenaga contre tribus zenaga (Abakak contre Chratit);marabouts contre marabouts (Kounta contre Ahel SidiMahmoud). L'équilibre politique s'établitaJors sur la for-

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,86 REVUE DU MONDE MUSU~MAN

mation de deux groupes d'allianes, comprenant chacunune tribu arabo·hassane, une tribu zenaga, une tribu ma­raboutique, à savoir groupement Oulad Nacer, Abakak,Kounta. contre groupement Oulad Mbarek,Chratit, AhelSidi Mahmolld. On peut croire que les batailles entre cesmarabouts furent Frequentes et sans pitié. On fut longtempssans arriver à une solution complète, car le vaincu trouvaittoujours des renforts parmi ses alliés.

Dans le courant du dix· neuvième siècle cependant, lasituation'se modifia: les Oulad Nacer refoulaient ies OuladMbarek et dominaient politiquement le Sahel occidental(Niora) ; les Abakak et les ChratÎt, ces frères enrtemis,s'unifiaient sous le commandement des Ahel Soue'id Ahmedet devenaient la puissante tribu des Id Ou Arch, qui rele­vaient, après bien des siècles, le prestige du nom berbère.Les Kounta enfin étaient battus par lesAhel Sidi Mahmoudet contraints de vider les lieux.

La plupart d'entre eux refluaient vers le nord du Tagant(lt de l'Adrar. Deux campements; les Meterambrin, issusde la fraction de ce nom, et les Oulad Bou SiE, immigrés deEratche date, se d~tachaient de la tribu-mère et descendaientvers le territoire des Brakna. Les Meterambrin s'installaientdans le Chamama ; les Oulad Bou Sifallèrent d'abord dansl'Aouker, puis descendirent vers l'Agan et Guimi, sous lapression des rezzous du Nord. .

Vers 18go, par suite des hostilités qui existaient entreMeterambrin et Ou!ad Normach, leur frère MohammedLamin quitta le Chamama et partit vers le Tagant, d'où ilne revint que dix ans après avec Bakar ould Ahmeïada.

Mohammed Lamin nese rendit jamaisà Lemaoudoupourhiverner, la palmeraie plantée par son grand-père ayant étédétruite par les Tadjakant, alors en 'guerre avec lesKounta.

Pendant tout son commandement, il marcha avec IbraAlmamy, fils d'Almamy Mamadou, chef du Lao, contre

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LES BRA"I'lA

1es Toucouleurs du Bosséa. En revanche, [bra le soutintcontre les éternels ennemis: les Ahel Sidi Mahmoud.

Les Meterambrin ont fait leur soumission à Coppolanidès son arrivee dans le Brakna.

B. - Source Hodh·Azaouad. - Sous le nom d'AhelCheikh Sidi-l-Mokhtar, on designe les descendants et téla­mides d'un petit-fils dece grand Cheikh Kounti, venu s'ins·taller dans le Brakna, il y a un demi-siècle environ. On voitune fois de plus combien le nom prestigieux du CheikhSidi-l-Mokhtar domine toute la. basse Mauritanie j il aforme et consacre à la fois trois grands pontifes: CheikhSidYa Al-Kabir, Cheikh AI-Qadi) des Dieïdiba, le principalma!trespirituel du Brakna, Cheikh ould Nenni, un desCheikh les plus notoires du Tagant. Il a donné en outre nais·sance - ici même et ailleurs - à une importante fractionqui porte son nom,

Cheikh Sidi-J-Mokhtar Al-Kabir laissait à sa mort dansl'Azaouad, en IBII, huit fils énumeres dans mon ouvrageLes Kounta de ('Est, et èiont le plus brillant successeurspirituel de son père fut Cheikh Sidi Mohammed.

Parmi les sept autres, le quatrième) Baba Ahmed, éclipsépar la renommée de son frère, vint chercher fortune entre18:wet 1825 environ, dans la Hodh, auprès de ses cousinsde lointaine origine (source Tagant), qui s'y trouvaientdejà. Il fut rejoint par un certain nombre de ses parents ettélamides de l'Azouad, et à sa mort, vers 1840, il laissaitdejà, sous le nom general d'Ahel Cheikh, les noyaux detrois des actuelles fractions kounta du Hodh (cf. tableauen annexe).

Baba Ahmed laissait cinq fils; les trois premiers sont lesancêtres êponymes des trois fractions Ahel Cheikh pr~citées

du Hodh ; du quatrième, la descendance s'est fondue dansles campements de ses frères. Le cinquième, Bekka'f ouldBaba Ahmed, est celui-là même qui n':'us intéresse. Une

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,88 REVUE DU MONDE MUSULMAN

partie de sa postêritê s'est dispersée aussi dans les campe·ments fraternels, mais deux de ses fils, Sidî-l·Mokhtar etSidi Mohammed et un de ses petits-fils Khalifa, ou Id Al­Ahidjo, venus chercher fortune vers l'Ouest, entre r840 etr860, ont définitivement abandonrré le Hodh et leurs pa­rents, à ceUe date, et sont les fondateurs de la fractionAhel Cheikh Sidi-I-Mokhtar qui nous intéresse.

Sidi-J·Mokhtar (dit aussi Sidina) Qulcl Bekka'{ oulcl BabaAhmed, en quête d'un 'étâblissement convenable, vintè:luêter ,-ers [842, chez les Touabir, disciples des Kounta. Ilvécuttant6t chez eux et tantÔt chez les Oulad Normach, etfinalement se fixa dans Je Brakna par un mariage avec unefemme des Id Ellik. Il en eut -deux fils Baba, etSidi Amar.C'est de cette époque que date la redevance que iesTouabiront payé et paient encore aux membres de cette famille:un mouton choisi et une outre ·de beurre par an et par trou·peau. Sidi·I·Mokhtar devait mourir vers 1887, à Chingueti,où il 6tait en voyage. Il fut remplacé parson fils aîné, Baba,qui mourut tôt vers 1891 àKaédi. Les fils de Baba étant enbas âge, ce fut son frère Sidi Amar qui lui succéda.

Le second des fils de Bekkaï ou!d Baba Ahmed, SidiM'hammed, vint cherc-her fortune sur les traces de sonfrère, en 1860; il specifie lui· même qu'il arriva dans leBrakna l'année du meurtre de j'émir Trarza MohammedAI·Habib. Il se partagea une dizaine d'années entre lecampement de son frère, celui des Oulad Siyed et celui deCheikh SidïaAI-Kabiret de son fils Mohammed Khalifa.Sesvoyages, ses cours, ses vertus lui attirèrent un certainnombre de disciples maures et noirs. Il se fixa avec eux surla rive droite du fleuve, en face de Podor. Vers 1886, il re­monta vers la zone saharienne et alla s'installer, à Guimî,où il se trouve encore actuellement.

Quelques années plus tard enfin, en juin 1883, à la suitede querelles intestines, les fils de Baba ould Bekkaï tuèrentleur oncle Abidin. Ces événements provoquèrent l'exode de

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LES BhAKNA "9

plusieurs campements Kounta. Khalifa ould Abidin s'ex­patria vers ses oncles du Brakna conduÎsant ses fidèles. Sonpère avait eu, dès son vivant, des velléités d'immigration.Il n'y donna pas suite. Après ,sa mort tragique et son inhu­-mation à Néma, ce fut son fils Khalifa qui les réalisa.

Les relations des intrigants Kounta avec l'autorité fran­çaise remontent à Faidherbe même. En ao11t et octobrer863, ce gouverneur du Sénégal concluait des conventîonsavec certains notables Ahel Cheikh, fort mal déterminés àcette date, mais où il est certain qu'à côté des Kounta duBrakna se trouvaient des Kounta de Tombouctou, ausurplus, les uns et les autres de la filitltion de Cheikh Sidi­

. J-Mokhtar Al·Kabir. Ces conventions assuraient une pro­tection r,éciproque aux voyageurs, commerçants et envoyésdes deux contractants.

Elles donnèrent lieu à une correspondance, aussi abon­dante qu'intéressée, de la part des Kounta. On remarqueracette épttre filandreuse. écrite le lot aoÛt 1865, par le Cheikh,jeune alors - Sidi M'hammed ould Bekka'i, et où le pieuxadolescent s'exerçait déjà à cette onction religIeuse où cin­quante ans après, il est passé maltre,. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nul ne peut lutter contre la volonté divine; nous sommes des amisde Dieu ct c'est lui qui défendra notre cause.

On lit dans le Coran:<lDleu est le défenseur de tous les croyants b par conséquent celui

qui li. Dieu pour défenseur ne craint personne.Le Prophète a dit aussi:If Celui qui fait du mal à mon ami m'attaque moi·même.»[l n'est pas donné à un homme le pouvoir de se battre avec Dieu, si

vous admettez cela, continuez donc à étre ami avec nous et traiter bientous ceux qui vont chez nous de notre part et bien plus encore ceuxqui y résident et qui sont mes parents, comme nous le faisons pourtous ceux qui viennent nous visitcr de votre parI.

Détrulse~vaus l'amitié qui existe entre nous?Dieu a dit dans le Caran :or Celui qui détruit l'amitié dl! quelqu'un se fait du tort à lui-m~mc."

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Le pouvoir de Dieu est illimité. Ceux qu'îl protêge sont toujours lesplus forts. A la fin d''Ilne affaire, c'est toujours le plus croyant qui rem­porte la victoire. Quand Dieu veut détruire une nation, il commande à.cette nation de faire du ma! à ses p:otégês. :.

2. - Fractionnement.

A. - Oulad Bou Sif Blancs.

Les Oulad Bou Sif Blancs se divisent:

lAhel Baba,

E j'b Ahel Diebaba,

n 1 res •• Ahel Maham.AhelOuels,

1Zaghoura,

Tributaires. BraJkat,ZkouYat.

Les Ahel Baba, Ahel Diebaba (ceux-ci peu nombreuxici) et Ahel Maham descendent d'Ahmed premier, fils deBaba Bou Sif j le second fils, OueYs, n'est représente icique par deux. tentes, les Ahel OueYs, Sa descendance estbeaucoup plus nombreuse dans le Hodh.

Parmi les tributaires, les Zaghoura méritent une men·tion spéciale. Ce seraient des ZeJ;laga, non pas issus de Ber­bères, mais d'Arabes. Ils seraient avec les Kounta, depuisle temps de Mohammed Kounti As·Sarir, et auraient prispart avec- valeur à toutes leurs luttes contre les Id Ou Al·Hadj. Il n'y a pas deZaghou;-a dans la région de Tombouc­tou, et il n'yen a plus dans le Hodh. On n'en trouve quechez les Kounta du Tagant et du Brakna et dans le Cha·marna de Boghé.

Les Braïkat sont peu nombreux ici. La plus grande partieest dans le Hodh. Les ZkouYat ne sont que6 tentes. Le plus

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LES llRAKNA '9'grand nombre est dans l'Adral', tributaires des Kounta decette region.

C'est à mars 19l1 que remonte l'arrivee des premiersBou Sif Blancs, dans le Brakna. A cette date, on voit ap·paraftre un jour, chez les Bou Sif Noirs de Guimi, un groscampement venant de l'Est sous le commandement de Mo­hammed Quld Hammadi. Un autre campement de.2S tentesarrivé en octobre. Cet afflux d'étrangers amena une certainéperturbation chez les Kounta. Les Bou Sif Noirs étaient dé­bordés et leur chef n'était pas obei. Les Blancs reconnais·saienten principe l'autorité de Mohammed ould Hammadi,mais il y avait des dissidents, comme Sidi Ahmed ouldMOkhtar ould Sidi.I·Mokhtar, qui, venu de sa propre ini­tiative et à la tête de ses gens, entendait garder son auto·!lamie.

Il fallut régler la situation au début de rglI. Noirs etBlancs furent séparés. Les Noirs restèreht sous les ordresde leur ancien chef: Sidi Ould Ahmed Abd. Les Blancsfurent tous placés sous l'autorité de Mohammed ould Ha.m­madi. De son vrai nom, ils'âppelle Mohammed ould SidiMo­harn rn ed AI· Ka un ti (cel ul-ci mart vers Nioro pendan! l'exode)ould Hammadi ould M'hammed ould Ahmed ould Maharnould Baba ould Ahmed ould Baba Bou Sif, Comme descen·

, dant direct, dans la branche a1née, de Baba Bou Sir, c'est àlui que par hérédité revient le commandement de tous lesOulad Bou Sif Blancs. Il est né vers 1885. C'est un bonchef, qui s'acquitte correctement de ses devoirs et est aiméde ses gens. 11 attribue J'exode des Bou Sif du Hodh, en 1911,au désir de rejoindre le pays ancestral: Tagant et Agan.

Cet ex.ode devait d'ailleurs se continuer en 1912 : on vitsuccessivement arriver 30 tentes nouvelles en mars, puis60 tentes en septembre, après un court séjour dans le Gor­gol. Les derniers se présentèrent en août IgI3 : ils cam.prenaient des Ahel Maham, des 7.aghouraet des Rekkabat,Leur arrivée donna Heu à certaines difficultés au sujet du

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tèglement d'une dïa fort ancienne entre eux et les OuladNacer. L'affaire fut réglée par arbitrage.

Les notables de la tribu sont aujourd'hui:

Sidi LBmin culd Baoubba Kaye,Sidl Ahmed ould Abed,Sidl culd Ahmed,Mohammed culd Kharri,AHeYli culd Mohammed oufd M'hammed.

Cet Al·Jem, né vers IB82, ,est le cadi de la tribu. Il a faitde fortes études auprès du grand Cheikh de Oualata :M'hamdi ould Sidi Othman. Il est qadri et a reçu l'ouird'de Cheikh Ahmed ould Adoubba, des Bou Sif Noirs du Ta..gant, qui, par son père, Cheikh Adoubba, se rattachait àCheikh Sidfa Al·Kabir. Ce Cheikh Ahmed ouId Adoubbaparait être le principal maltre spirituel des Bou Sif Blancsdu Tagant. On trouve aussi quelques initiations directesde Cheikh Sid'ia Baba.

Dans la fraction, il faut signaler la prêsence de Sidi ould­Sidi Lamin ould I{hiarhoum qui, par hèrêditè, serait levêritable chef "des Rekkabat, encore dans le Hodh. Son at·titude est d'ailleurs correcte, encore qu'il s'efforce d'attirerles Rekkabatdans le Brakna.

Les Bou Blancs ont pour objet de pèlerinage les tom­beaux de leurs ancêtres à Kçar al.Barka et Ferk.ach.

Ils comprennent '78 tentes et556 âmes. Leur cheptel sedécompose-en 17 camelins, 115 bovins, 6'775 têtes de petithêtait et 212 ânes.

Leur feu est la marque générale des Kounta : lelam·aULLeurs terrains de parcours sont: en hivernage: Gaoua

et Tachot ad-Dokhna; en saison sèche; Chogar, Gade!,Tende!i Lemaoudou. Quelques tentes restent dans PAgan.

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[.ES BMKNA

B. - Oulad Bou sir Noirs.

Les Oulad Bou Sif Noirs se divisent en ;

!Ahel Mokhtaf ould Baba Bou Sir.Oulsd Haïb Allah ould id.

Libres •.• , Altel Omar ould id.Altel Abd Er-Rahman ould id.OuJad Ad-Daoui.

Tributaires l Oulad AI·Hemelti.zekhaYmat OuJad Kani.

. Zemarig.

'93

Les Zekhal'matsont d'origine Oulad Nacer. Leur ancêtreéponyme etait le petit·fi1sd'Antar ould Nacer par son p~re

Hassin. Il s'était installé chez les Kounta du Tagant et yavait erG. La tradition rapporte que ce guerrier repenti futle disciple de Sidi Mohammed AI-Kounti et qu'il fut en·terré par la suite aux côtés de son maftre dans l'AdrarTmar(seizième siècle). Un de ses.fils! AI·Ouellas, alla vivre chezles Hammonat et s'y fixa. Sa descendance a constitué l'ac·tuelle fraction des Zekhaïmat des Hammonat. Les 'ZekhaY­mat du Brakna sont venus ici du Tagant avec leurs mara·bouts au dix·huitième siècle. Ils passent pour être des chas­seurs consommés.

Les Oulad HeneYti se subdivisent en deux sous·fractionsautonomes et du même nom. Ha1doud Al-Kohol est le chefde la première qui comprend 73 tentes, et Abd Allah oÎJldAli ould Ahmed, le chef de la seconde, qui comprend30 tentes. Les Oulad Kani ont pour chef Mokhtar ould Al­Kouri ould Al-Hadj et comprennent 74 tentes. Les Zema­rig sont originaires de la tribu du même nom. Ils se sontséparés de leurs frères et ne veulent plus rien avoir decommun avec eux. Ils comprennent 25 tentes et ont pourchef Mohammed Abd El·Kerim ould MoYma.

Le chef genéral des haratines était Sidi Ahmad ould

XLII.

"

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'94 REVUE OÙ MONDE MUSULMAN

Ahmed Jiyed qui, puni de 6 mois de prison pour exac­tions, fut remp1a:cé par Sidi Lamin, chef de la tribu, le16 mai 19,6.

A notre arrivée, le chef des Oulad Bou Sif Noirs etaitSidi ould Mohammed ould Ahmed Abd (ouId Lamin ouldMokhtar ou1cl Sidi Amar ould Mokhtar). Samère étaituneZen;tragu'ia. Il ne partit pas en dissidence et vint s'installerprès de Ouimi, où il groupa la plupart de ses campementset tous les tributaires. Fo"rmee de beaucoup de tentes sansaveu, la tribu a longtemps jqui d'un assez mauvais renomqui rejaillissaient sur son cher. Bon chef qui savait se faireobéir et ne rencontrait guère de difficultés que chez les Ou­lad Hene'iti, Sidi ould Mohammed ould Ahmed Abd dontle fils Mohammed, dit Cheïna, avait ete le naïb, fut rem·placé à sa mort par Sidî Lamin ould Lamin (1914)' SidiLamin, jeune et sans prestige, ne sut ni se faire obéir deses administrés ni apprécier par l'autorité française. D'ail­leurs, cette fraction est tellement agitée de perpétuel1es dis·sensions, que l'unité decommandeinentest devenue impos­sible. Il a donc fallu accorder l'autonomie à chacune descinqsous-fractions qui la composent, et qui, cependant, autotal, ne comprennent que 131 tentes et 436 âmes. Sidi La·min fut donc relevé de ses fonctions, le a8 octobre 1917.Sidi Ahmed ould Ahmed Jiyed qui le remplaça fut desti·tué quelques mois après par la dj,emaa. L'élection a ramenéau pouvoir en 1918, SkÜ ould Ahmed. Son fils Mohammedlui sert de narb,

L'ensemble des Oulad Bou SifNoirs, libres et tributaires,comprend 333 tentes et 1.200 âmes. Ils ont un très richecheptel: 126 camelins, 572 bovins, 23.506 ovins, 743 Anes.Avec leurs 36 chevaux, ils sont les mieux montes du cercle.Leur marque est le lam-alif des Kounta, auquel ils ajou­tent comme contre marque quelques traits sur la jouedroite.

Leursterrains de parcours s'étendent: en hivernage eotr

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'95

Gulmi et Lamaoudou ; en saison seche l entre Guimi et lesenvirons de Chogar.

Le personnage religieux le plus important de la fractionest l'ex-cadi Mohammed ould Sidïa, nc. vers 1868. C'est unélève et un disciple de Cheikh Sidïa. LonAtemps cadi de lafraction, homme simple et paisible, il a fini par abandonnerofficiellement ses fonctions. Mais il a conservé toute soninfluence, due tant à ses talents personnels qu'au prestigede ses ancêtres, et ses cours d'enseignement superieur, dedroit notamment, en bénMicient. Les tribus voisines vien·nent souvent le consulter.

On peut encore citer Ahmed ould Adoubba, ne. vers 1850,professeur réputé, et qui sc relie au Cheikh Sidi·l·Mokhtar.

Un personnage politique mérite aussi une mention: HaY·doud ouldAI-Kohol, qui,à la t~te d'un petit groupe de nota·bles,s'est toujours signalé parson opposition à1'ordre établi.

La grande majorité des Oulad Bou Sif est qadrïa et serattache à l'une des trois branches suivantes: 1) CheikhAhmadououldZouin, des Ahel Babiya, ct, par lui, à CheikhSidra Baba; 2) Sidi Mohammed ou Id Bekka'i, des AbelCkeikh Sidi·J·Mokhtar; 3) Zeini ould Kkalifa.

Les Ahel Babiya pr6cités sont un campement de mara­bouts instruits, qui seraient les descendants d'Atjfara Aou·bok, des Tinouajiou, Cheikh de grande valeur qui s'ins·talla chez Baba Bou Sif et fut le precepteur de ses enfants.Ils sont aujourd'hui chez les Bou Sif Noirs. Cc sont d'ac-

. tifs commerçants qu'on voit sur les pistes du Tagant et dej'Adraret sur les rives du fleuve. Aux Babiya, il faut ajou~

ter, comme autres halafa (nationalisés), des Oulad Bou Sif,quelques tentes Tacllamcha,

c. ~ Metuambrin.

Les Meterambrin comprennent 64 tentes et 318 âmes,Leur chef est Limam ould Mokhtar Du1cl Reggad ould

Ja'

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Abd Er-Rahman ould Ahmed ould Mokhtar ould Meterem­ber. On a vu plus haut le rôle joué par chacun de ses as~

cendants dans t'histoire de la fraction j Limam en est donchéréditairement le chef. Il est né vers r880. Il a succédé, en1909, à son oncle Mohammed Laroin ould Sidi Moham·med. II n'a pas grande autorité sur ses gens, qui, commebeaucoup de groupements Kounta, ont des tendances vers ladissociation. Malgré le caractère guerrier des Meterambrin,Limam se pare d'une grande piété extérieure; il a plusieursfois manifesté des velléités de départ pour la Mecque. Il aêpousé récemment Kounta Houïa ment Àhmedi, sœur duchef des Oulad Bou Sif Blancs.

Il est secondé par son Khalifa Mohammed oulcl Mbarek..Les notables de la fraction sont: SeYba ould MohammedMbarek et Boubout ould Sidi Mohammed.

Le cheptel des Meterambrin comprend 2 juments, llgbo·vins, 1.:140 ovins, 6 chameaux et 42 ânes. Au lam-aHf clas~

sique des Kounta, ils ajoutent la contre-marque biHahi,8oit~

Leurs terrains de parcours sont: en hivernage, entreChogar etLemaoudou; en saison sèche, à l'est de Mal. Enmars Ig1 l, ils tentèrent de déboucher dans le Chamama,mais après un court séjour, ils retournèrent dans la régionde Lemaoudou. '

Les Meterambrin passent pour .être les plus guerriers desKounta. lis n'attaquaient pas leurs voisins, mais en cas delégitime défense, ils savaient user de leur supériorité ar­mée. A l'égard toutefois de leurs ennemis héréditaires:Abel Sidi Mahmoud, ainsi que Tadjakant et Chratit, leursalliés, ils ne craignaient pas de se montrer aggressifs. Ilne faut donc s'étonner de ne trouver chez eux aucune perosonnalité religieuse et de voir cette fraction d'une tribu,qui porte pourtant un nom maraboutique fameux, faireappel pour les services judiciaires et cultuels aux bons of­fices de Tig ould AI-Atig, des Id Eï1ik, qu'on verra plus loin.

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LES BMKI'IA '97

La plus grande partie des Meterambrin habite encorel'Adrar, leur pays d'origine. Ils n'ont que peu de relationsavec leurs cousins du Brakna.

Les Meteralllbrin ont laissê la plus grande partie de leursharatines s'installer sur la rive gauche du Sénégal, où ilsOnt fondé des villages qui dépendent des chefs de cantonsdu Lao et des Irlabé-Ebyabé. Par suite de leurs bonnes re­lations avec les Almamys du Fauta, ces haratines cultivè­rent longtemps pour rien les terrains que leur donnaientles Toucouleurs. En échange, I,?s Maures prévenaient lesindigènes du fleuve de l'approche des pillards ou leur don­naient des indications pour leur perrpcttre de retrouverleurs animaux ou d'en poursuivre le remboursement. Deplus, il y a auprès de Limam des haratines qui continuentà payer le hormaà leurs ex~maltres du Tagant. (Oulad8idiHaYb Allah.)

Une personnalité féminine curieuse mérite une mentionchez les Meterambrin. C'est Be.lana, fille unique de Mo­hammed Larnin, l'ex-chef, ·et cousine par conséquent deLimam. Elle est née vers 1878 et avait déjà secondé sonpère dans son commandement. Elle continua sa collabo­ration à son cousin, successeur de son père. C'est du restegrâce à elle que Limam put à 19 ans prendre le commande­ment de la fraction, car un membre d'une. famille rivaledes Ahel Sidi Mohammed Rcggad voulait l'en écarter. Elledéjoua les intrigues, cn prenanfen main la régence et enl'exerçant à la satisfaction de tous. Elle avait été mariée à8idi Amar, des Ahel Cheikh, et en avait eu une fille. Ayantreprit sa liberté, elle fut sur le point d'être épousée par Li­mam, moins âgé qu'elle de douze ans, mais leur parenté delait fut un obstacle dirimant. Aujourd'hui sa lente estplantée à côté de celle de Limam et elle continue à fairesentir son autorité dans la fraction.

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REVue DU MONDE MUSULMAN

D, - Ahel CheIkh Sidi·I~Mokhtar,

Les Ahel Cheikh, comme on les appelle communément,sont divisés en deux sous·fraction, qui ont été nommées fortarbitrairement par notre autorité: Abel Sidi Amar etAhel Bekka'i, Ces dénominations sont en usage aujourd'huichez les interessés,

Les Ailel SuU Amar ont pour chef Chebani ould Babaould Sidi·l·Mokhtar, Ils comprennent 61 tentes et 335 perosonnes, Leur cheptel se compose de2 chevaux, 7 chameaux, .! '4 bovins, 500 moutons, 72 ânes,

Les notables sont: Cheikh ould Taïeh, Baba ouldMogharet Jeïli ould Kobbadi.

La fraction passe Phivernage entre Chogar et Lemaou·dou; la saison sèche à l'est de Mal. Au lam-alif des Kountaelle joint comme contre marque sur la cuisse droite le feubillahl: ~

Chibani, le chef de fraction, est fils de Baba que nousavons vu mourir à Kâédi en 1891. Sidi A mor, son frère, luiavait succédé à cette date. Il fit sn soumission à Coppolani,dès le premiel' jour, et, dep~is, s'est généralement biencomport6 à notre égard. Il était d'une grande susceptibilitereligieuse et etait loin d'avoir la bonhomie de son oncleSidi M'hammed. Très orgueilleux, il émit à plusieurs re­prise la pr6tention de céder le commandement de la frac­tion à son neveu et à faire donner à son campement uneatltonomie personnelle. Ses dîfficulté's avec Bakar ould Ah­mel:ada l'amenèrent à régler le différend les armes à lamain, Son prestige religieux en souffrit beaucoup, li ma­nifesta à plusieurs reprises l'intention d'aller il la Mecquepour se purifier, mals il n'cn fit rien. Au début de l'occu·pation, il essaya des'approprjer Ilgcha01eaux et 35 bœufs,qui lui avaient etés confiés, et Sc vit condamner à 1·,:l00 fr,

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W IlRAKNA '99de restitutions. Il mourut en ôn aoÛt 1912. I11aissait un

fils, Sidi-l-Mokhtar, né vers 1908.Sa succession administrative et spirituelle passa à son

neveu, Bambaye ould Baba (octobre 1912). Bambaye estunsumom maternel. Son vrai nom est Bekkaï. Bambaye, névers 1882, est l'élève des Ahel Cheikh Mohammed, des Hi­jnj. Il jouit d'une bonne réputation et sera évidemmentdans quelques années un marabout de renom. Il a toute­fois été relevé de ses fonctions pour fautes administratives,en juillet 1915, et notamment pouravoirdisparu avec l'im~

PÔt de la fraction. Il a été remplacé par son frère ChibaniJ

précité.

Les A hel Bekkaï ont pour chef le vieux Sidi M'hammedoulel Bekkaï, l'immigrant précité de 1860. Né vers 1840, iln'a jamais quitte le Brakna, depuis son arrivée dans lepays, et s'y est acquis une influence considérable. Il estcertainement le marabout le plus vénéré de la région. C'estun homme paisible, modestè, fort instruit, dont les hautesqualités intellectuelles paraissent malheureusement s'es­tomper avec l'âge. Il fut Cheikh des Ahel Bekkaï depuisl'origine jusqu'à juillet 1912. A cette date, déjà vieux ctfatigué, il demanda à êtrll relevé de son commandement,et fut remplacé par son neveu, Khalifa ou Id Al-Abidin.

Khalifa, né vers J880, avait été proposé par son oncle auchoix de la djemaa et continua à vivre avec lui. Avec as­sez de bonne volonte, il commit des maladresses, quelquesexactions, et s'aliéna la plus grande partie des tentes. D'ail­leurs, arrivé du Hodh en 1909, il n'avait pas eu le tempsde s'imposer et é"tait encore peu connu. Il fallut lui don·ner un remplaçant et on n'en put.trouver d'autre pour ra·mener le calme, que le vieux Sidi M'hammed. Il a doncrepris 10 titre de Cheikh et en exerce les fonctions par Kha·lifa.

Si~l M'hammed est \,In pr9f~sse1Jrreputé; il a &utour dl}

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'00 REVUE DU MONDE MUSULMAN

lui une trentaine de jeunes gens, surtout kounta, à qui ildonne des cours d'enseignement supérieur. Ha reçu l'ouirdet le titre de moqaddem de son parent Khettari ould Sidi­I-Beklta'i ould Hammadi Duld Sidi-I-Bekkaï ould CheikhSidi-l-Mokhtar. Ce Khettari, venu rejoipdre dans le BraknaSldi-l.Mokhtar ould BekkaJ, se rattachait à Cheikh SidiMohammed, le protecteur de Laing. Sa descendance esttoujours, sous le nom d'Ahel Khettari, dans.le campementde Sidî M'hammed. .

.Les notables de la fraction sont:

Mohammed A!·Kouri ould Salek,Sidi ould AU,Mokhtar ould HobeYb Allah,Sidlna ould Ketlari.

Les Ahel BekkaY comprennent 83 tentes et 5g8 personnes.Leur cheptel est de 4 chevaux, 269 bovins, 6 chameaux,3.348 têtes de petit bétail et [50 ânes. Leur feu est lelam·alif contre·marqué du biIlahi ~ Ils l'apposent sur lacuissedroite des bovins et sur la face gauche du cou pour les cha·meaux.

Leurs terrains de parcours s'étendent: Jln hivernage,entre Guimi et Chogar Gade! • en saison sèche, à l'Est deGuimi.

Aux Kounta, il faut rattacher un petit groupement qui. a longtemps vécu dans !lon sillage et sous les ordres deSidi M'hammed, et qui est cncore en constantes relationsavec eux: les Ahel Al.Azrag, Ils vivaient jadis au Tagantet avaient une palmeraie à Talorzn. Quelques années déjàavant notre occupation, ils descendaient dans l'Agan, prèsdes Oulad Bou Sif, pendant la saison sèche et ne remon·taient dans le Tagant qu'aux premières pluies. Ils ne sefixèrent dans le Brakna que vers 1905 et se dispersèrentde 'tous cÔteS; toutes les tentatives, faites pour les regrou-

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LES BRAKNA '"per ont echoué. Sidi Mohammed se voua lui·méme à ceprojet et fit nommer par la djemaaSidi-I-Ami ould Cheikhould Hanna, dît Sidïa ouldHenna, petit-fils d'un maraboutde grand renom et qui bénéficiait de la réputation ances­tra1e. Ne vers 1882, c'était d'ailleurs lui-même un homme

.intelligent et instruit avec lequel les relations furent tou­jours cordiales. Après des débuts heureux, l'entrepriseéchoua encore. Les Ahel Al-Azrag, au nombre total de61 t,mtes, sont aujourd'hui repartis dans ie Brakna, le Gor­gal et le Tagant, suivant le tableau ci-joint:

Brakna, groupement Al·A~rag.

che~ les Tagant. • .che~ les Torko~. . •chez les Ouled Bou Sif

Gorgol,Tagant (très dispersês) • . .

25 telltes.3

7'4

<ie sont des commerçants avisés et actifs. Ils prétendent serattacher généalogi,quement à Cheikh Sidi Omar Cheikh,le grand marabout Kounti' du seizième siècle.

Les Ahel Cheikh, tant Ahel Sidi Amar qu'Anel Bekkal',vont visiter en pèlerinage les tombeaux de leurs ancêtres,et notamment ceux de : a) Baba ould Sidi-l-Mokhtar àMaouclla, près de Kaédi l sur la rive gauche du S/mégal;b) Sidi Amar l à Sif al-Fil au sud de Mouit; c) Bambarcould Sidi Amar, dans le Raag de Kaédi.

Comme tous les Kounta, ce sont de grands voyageurs etd'actifs commerçants. Leur centre de négoce est .!'lurtoutKaédi.

PAUL MARTY

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ANNEXE

TABLEAU GÉNtALOlJlQUE DES AHEL CHEIKH (KOUNTA) nu BllJIKNA.

1Baba 18gl.

1

AI-AJidin.

Kha\if4'

1Sldi M'hammed,

chef des AhelBekkar.

Sidi Imar.

1Sidi-I-Mokhtar,né vers Ig08.

Cheikh Sidi-I·Mokhtar AI·Kabir t 1811.

Baba Ahmed +vers 1840.

1Bekkat t 11:153.

1 1

C 'bl ,hl aUl,chef actuel des

Ahel Sidi Amar.

l 'Bambaye.

1Baba 1879.

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TABLE DES MATIERES

ÉTUDES SUR L'ISLAM ET LES TRIBUS MAURES

LES BRAKNA

Par PAUL MAlT\'.

~;lr'- 1;;•.', LIVRj!: PREMIER'

(t, ~b

." ,.1t.:. flilltolrll gllmlJ'slll.

CllA\:~1I ~~J:;ml~..~~; orlBlnes. Invasions berbè1'\18 (ÇanhadjaJ :taso•.

~};be8 }Hn88a"~r", • , , • . . . • , . . . . . • , .CIlAPJ1R)..4;~~I!~~tlmlnlltion des IflUl811.ncs Oulad Risg (xv' sièole) 7CIIAPITRE 1Il. _ La domination des OuJad Mbarek (XVi' siècle) 9CHSPITRE IV. - Le!I orlgincs des Brama. • • • . • • . • aCHAPITRE v. - La ll11erre de Bsbbllh et Ica Imams berbères . 17CKAP1:fIlE Vh- La brande Mnde des émirs brakna: Ouilld Normach. sa

CIIAPI'!'U 'Ill. - La branohe cadette des émirs brakna: Oulad Slyed. 331. _ Mobammedould Mokhtar [1766, t vers 1810). 35Il. _ Sidi Eli [" (vers 1810, t vers 18J6) . 413. - Ahmeddou 1" (1818-1841). • 434- - Mokhtar Sldl (/841-\843) . . 535. - Mohammed RAje! (184,..185,) 576. - MohammedSidl (1851-1858) . 647. - Sid! EH 1" (1858-18g9l. . . 7B8. _ Abmeddou II (18g3-I903l. • 83

CllAPll'lIE VllI. _ L'occupallon française. 93

Page 210: Revue Du Monde Musulman

REVUE DU MONDE MUSULMAN

LIVRE Il

ChrOlllll.ues et tonlltlOJll1ement dOl! tribllll.

Pa~.

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'"n''""7"7,"'4'".,',,",,..'"',0,,6,,8".,a.'9''9'~,

'9',"."

AVANT-paOpos ,CHAPITRB PR~IBa. - Oulad Normach.

1. _Historique ....2. _ Fractionnement . .

CHAP1TRB Il. - Oulad Siyed .r. _ Historique ....2. _ Fractionnement . .

CHUITRBlll, - Oulad Abmed1. _ Historique ..2. _ Fractionnement

CI/UITU IV. _ Dierdiba1. _ Historique ..... , •.. ,2. _ Chroniques et fractionnement det Dieïdibs

Clll\l'ITRE v. - Zemari8.r. _Historique •.a. _ Fractionnement

CHAPITaB VI. - Kounta.r. _ Historique. .2. _ Frltetionnement. . .A. _ Oulad Bou Slf Blancs.B. _ Ouled Bou Sif Noirs •C. - Metersmbrin. . . . , .D, ..,. Abel Cheikh Sidi·I·Mokhlar.

Annexe. ....; Tableau généalogique des Mel Cheikh {Kouma) du Brakna.

TABLE DES ILLUSTRATIONS

1eunotillohrakna ..••.•.....•.....•.. z

La moaquéed'Alell' .••.. , •.. ""~"'.• ~." ......• urCheikh M'hammed (luld Bekkar, chef o;Iéi Ahe!' Chcilr;h} et Dida, cadl

supérieur des Brakna ...•. 1.'·, ..: . -'~':"h0' .... r~1;..;' . \_l -'1;.

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Page 211: Revue Du Monde Musulman

ARCI1IVES MAROCAINESTomes 1 il. YllI. 'MélallgcJ'l.8 yoiuinesÎ[)-8.

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1),:" X. 'ltitab :"lliatiqsEI. !,!lI"tri~me. p"rlie. ,Chronique ~e ln dYlla'îtie nlnOlllC,lu M~roc (1631'·'894), Imd~lte pur hU(1~~~ l'U"R~, ~,.emlcr dr<.>gr\lan de la L~-

. gatj<llI <.in lirallC", nU MUI"(J('. ~ \,0[. 10-11, .Xl. Mêmoh'es divol"f;j.lo~8, tlg. " '

,', M'~I!Au:'V;Jl~~~Alng :, Lcs Musulmans d'Ah(êri.c an M~~oe. ~ L'orl.inni~~tioode_ Iwallees al) MMoc. - De~Cl"LpliOIl de ln YllIedc l'~_ . ...., I3~A"C: Khordlud'Ali Ch"Chdtal", etc,' '

.~ll, XIll. La Plerl'o da '1'(>uohe das Fétw1l8 de Ahmad AI-W""Schal"lsL, C,hdit, de.,col1sul\~\I('n~ i.Llrldlqucs des l'aj.lh '!,u Mal\hrcb, tmduil~s .o'n al1ril}­

.,ceslar (""Ile A.ILI Il,, l, ::.tUIUt P<'"s""L1~I. t, Suu III [,"01, ~ volumes 'u,..'l,~lV, ,1: ébNeo:Phénll1lenlil lit Judeo-B..l'bérea. /n\roduceion Il J'histoire des

JUII~ ct du Jud"'~L))c cn' ArriqLe, par N. SI.OU,SCII. 111-8,~V. r.Iélllngos. Un VOlllme"11 3 l',~eiculc". lll-~.

Le,lase. 'III compr~nd : 'l'oul/flll al-Qollddril bl bad Mas,,'iI dl'-/lolldl ([{~_eucil. des' questIons, r"lal, Vus illl X beL'gct'~ ct J ~ÇISIOIl S pri,u" sor ces'questloll~par lin f;I'anrl nombre dc jUI'isconsultes). P1\1' le' l'nllil, AI,-/Il.\toUY. Texte' arftb~e,t lrnduetlon pal' /IlICIlAUX"lJ~U .• IR", M'''TIN Cl P,'QIIWNON,

·X.V l, Al-Faklll'i, HIBtOi1'B dfl8 dynalltiB$ lnuBulmanall, depuis Illll\ort de'/Il~homet j<lsq,,'ir Inch,l,ec dl' KIlnlilj,! i\bl.>;lside, dt, Illl>lbdiid (,l·656dc l'H~­

l1h'e = IJ3~-'",JlI d~ J.-C.), pllr Ibn At-'[""lllLQ1l. Trnduit de, l'Ill"l\be ~l on"ot~~nrEmlleAMR,IIl-8., , . '

XVI!. Quolquas tdbuOlp,e mOlltflgna do lm ,'<lgion du Hallt, pM /Ill­CIIAUX.Il6LI,AIR •• Un VOhlLn" in-II, lig.

XVIII. Mâlang-IlI'. Un volulIlc in-81 plllllChcs. , ,A, P.'I"TII:: L~ HuYs EI,KIi~dir(JIHlÏlfin. -- Les Medrasds de V~s. -,A.JOI,Y:

L'iil<.ill"trie li T~tQ\lnl1, _ S: lllAlINH ut hlml'\!\:, Il,çehcrchc,s archOololliques.111 Maroc. .

XIX.'La DL\'Ouhat IlU' • ~oh1l', d'lbll"A5k,u. ,Sur Ics l'ertllS ('lI1ineutes descbnikhs d,j, Mnllhrlb nLl 'di,<ièll1~ "ièclc. Tmdl\ctiol1 de A. OllAULI,". In'H.

XX; Lll_'Ghnl'l;), pilr ,/Il!~u,\Ux-ll~·I,LAII<r.. hl-ll,'ôo plQ"ches el l~blcaIIX;XXI. NIlOhl', nl-Mathll.nl, de Monhumlnnd Al,Qfldll'1, lmd1\ile pnr

A. GUULLf; ct P. MAn.I.Allo, ,Tome l". 11\-8. " ' .XXU, XXIII. Laa HlOIhoUB de 'l'o.llgal'. I~e!ti"t ..c oWcici d'nclcs <'t de <Io~"­

lJl~nls. 1. TC~lC ""nh" mpL'oduit Cil I"'\C-Silllllé, Il. Analyses ~l "~ll'lLits, r'lll'MICllAUX-Jl~'.L.lI\": ct A. (~ll'\U!.I.~. 2 vol. ln·H, .

XXIV. NaoJü' i:ll-Mathftt'li d .. Motllul.lrimt'ld Al·all.dirl., 1l'Ild\\itc par. MI- '"CIlAlIX-1.I~J.I,AII(6. Tomc 11. IIl.H, ,__

VILLES ET TRIBUS DU MAROC

Page 212: Revue Du Monde Musulman

I~DITIONS ERNEST LEROUX,:<8, RUE BONAPARTE

œUVRES DE M. PAUL MARTY

VOL, f, - L'hlall1'enMAu~ltanle,et CJ'!. S~nl~!Ji:d: 1915~19!6; il1,g;.183'p, avcQ I1gurclJ.' .,', : C. , , • , ,. ,. ..25.fr );,

.. ',Ln poliliq\i~ In'dlllène du GOljvernClIr G,;n~rnJ Pn"ty~ ,. Ü~ikh, $icdia,ctsâ« Vôi,e'»; -:: Les Fadel'llI,,~ Les Ida Ou'Ali, ChUrfll TidJinYade illllu~ilanie. - L~s grnUPftmel~t:~ tJdia'ni6 do:'ri;"é~ d.'Al-HUdi Omm' (Tl­diailill 'rol1c.6li\e\\r~), - 1.(1 groullCment t(d'lmi d'AI,i'jadiMaUk (Tidiall\'llOuolOfs). ~~I,~ Ilroupe'lilcl1t de Il'ou' KbllTlln, ~ Vcs Mandingue,;,' éJ<!lnenti~loJl)(sé '.;le Casamance. - :Chérif, Y'o;1l101lS de Co'samancc. ' .

V(lI" lt.03tllL .,::ÉltU(\0B aur l'Islam, au B'én,égé.l, 1917.2 vol"ln-g",T. JO', LiJs '~~l'SONiiIiS. -De j'inlJuencu rellglcuse du~ uheikhsJllllu'res IIlI S~­

néija1. _ L~sgl"oupeJllcntg ti.;linnis Mrivés d'A!-!'!':idj-'Omar(Tidl,(IlYq Tou- '.couleurs), _ Le groUpGI)lcllt lidial1'i d'hl,1JlI.dill\ali'k(TJdiaili'a Ouolors), _Lcs 1I\0urides d'(lmadu\lllnmba, -" Le groupCllrent de BOl! KOl11lla, ,..;. LesMundiullUcS, <llémcnt Islalnls'~ de Ca·S~ll1llll~e;:.--:: ChérIr YOUIIO\lS ~Ie' CaM'mcncc,4~3p"flg. """"."',, "":,, ,'~5fr, '~ ..'

T. 11. L~8 DucrR1NtS RT l.ES mS'tlTU"'lOll8.;-- ,Lcs ,loctl'itlC8 et' la mn'rale reU·lliCII,~e. - Le~ mosqlléGs,sonctuairCB 'ct lie\lx dc pd~I'G.:-I-. L~s é~Qlcs' mn­rahoutiquGS, - La lIlëdcrsa ,de Saint~L.O(lis, - Hh.h et':pratiqu'éil,_ 'iJ:ls.1,11ll, dnns lès ilistillltions juriljiqlll'R, les counllllC~ sod,nl,e~'l, ,1,,' tlo,l1lu!neéeonomiq\le;~44 p" nlJ' ' •• , , " , , • ;i ."25 fr, ~

VOL.' IV. - L'Islaln en GUillee, Fouta-DiaIlon, 'Ill'H; ,56~ p.,, ' '"

Og, '.' • • • >' ".".,', "" ." 35 l'l.', »L'cs lll'ollpemellt~ chadclril, _ Us lliaknnké Qadr\'il dc TOllba: -,Le~ Tidial1i'n

TOllCouJC\\n de D!Il/luirnyc, ~ Le~ Tidienl'Ii l'oma, etc; ,

V'l( .. y, - L'Ê,l'Iiix:i1t des 'l'rtÜ'Zl:lf.Î, 1\)19, \n·'g,"183 p., Jill, ,30 fr, »VOl.. VI"yU, VlIl êl-rx. ','~ l~audoa SUl' I:Islam et' les trlblÙI du

Boudou, 4, v.oL'in'H. ' "T. 1", Lts KOUNUD~'I;'ItST._ L(~,\ BeL',,~iüh, ,- Le, I!\itcllnd. l'JIIl-I'JI<).

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VOl" X, --- La. Vie dfJ[1 Mo.l11'OfJpa1' oux"lllêm{)~. Vol. în·B, 321> p.\:-,­

VOl.. XI, . - Etudes mil; l'IfJlmli et lus t~'i\llŒ malu'oe"I,~s Brl\kL"I,ill·I:l,350p,' . ',' ,

VOl.. XII., _.- r,'~f11[l,llH\'1f\.C(jterl'!voh'o,