Le monde Arabo-musulman (confronté à la Modernité) et l'Occident

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Synthèse d'articles tirés de mon blog @Geographedumond

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  • Le monde arabo-musulman(dstabilis par la modernit) et

    l'Occident

    30 septembre 2008. L'Egypte de Yves Lacoste. On estime que la population de l'Egyptes'levait 4 millions d'habitants la fin du XVIIIme sicle, au moment de l'expditionde Bonaparte. En 2008, ce chiffre est pass 80 millions. En deux sicles, avec le mmecoefficient dmultiplicateur (x 20), il y aurait environ 600 millions de Franais : il y avaitentre 28 et 30 millions d'habitants en France l'poque du Directoire. Dans son chapitreconsacr l'Egypte (Gopolitique de la Mditerrane), Yves Lacoste accorde uneimportance secondaire ce trait dmographique marquant. Il se contente de l'approcheclassique, qui met en relation les 80 millions d'Egyptiens avec l'exigut du territoireutile, moins de 5 % de la superficie totale [carte]. La population se concentre en effetdans la moyenne et la basse valle du Nil. Parmi les quelques rgions du mondeconcernes par cette question, l'Egypte rentre ce titre dans la catgorie rare des payssouffrant d'une surpopulation que rien ne semble contrecarrer. Il apparat que la matrisede la valle au plan agricole a toujours correspondu avec un embrigadement deshabitants.L'expression de carrefour entre Maghreb et Proche Orient vient l'esprit lorsque l'onparcourt la Gopolitique au chapitre de l'Egypte. Il faut prendre ce terme au sens de lieude rencontre des envahisseurs. La ville de Misr est fonde (641) en avant du delta par lesArabes musulmans, qui ne se mfient sans doute d'Alexandrie trop expose aux raidsbyzantins. Les tribus berbres venant de l'ouest btissent cinq kilomtres un campretranch d'Al-Qahira (le Dominateur) en 969. S'ensuivent deux sicles de prosprit leCaire dpasse probablement 100.000 habitants grce au commerce avec le Maghreb. Les dynasties fatimides connaissent toutefois une phase de dclin prcipite par l'arrivedes Croiss en Terre Sainte. Saladin fossoyeur des royaumes chrtiens s'impose peu avanten Egypte, la fin du XIIme sicle (1171). Il donne le pouvoir aux esclaves d'origineturque ou caucasienne enrls dans son arme : les Mamelouks. Cette caste monopoliseplusieurs sicles durant l'administration civile et militaire tout en pargnant l'Egypte lesinvasions mongoles. Le Caire profite de l'affaissement conomique du Maroc et de ladestruction de Bagdad. La grande peste de 1348 amne cependant un deuxime dclinqui se manifeste par la dfaite des Mamelouks devant les Janissaires de l'arme ottomaneen 1517. Le Caire 250.000 habitants perd son statut de capitale, et se transforme enville provinciale. Yves Lacoste ne rsiste pas, ensuite, la tentation de donner un sens largi l'expditionBonaparte en 1798. Les motifs de cette dernire sont connus, mais la volont desDirecteurs, la fois imprgns d'idologie rvolutionnaire et soulags d'loigner ungnral encombrant, me semblent craser les autres. A l'inverse, la prospectivegostratgique ne me convainc gure. Paris aurait prpar cette expdition par rapport l'affaiblissement de l'Empire ottoman, l'expansion russe et enfin la route terrestre desIndes, ralliant Koweit et le golfe Persique partir d'Hafa. A peu prs la mme priode,

  • les Franais ne parviennent pas soulever les Irlandais et chouent dramatiquement lorsde l'expdition de Saint-Domingue. Une chose ne soulve pas la discussion, en revanche :la prsence franaise en Egypte initie une militarisation (1798 1802) quasiininterrompue de la vie politique gyptienne jusqu' nos jours. Mehemet Ali la tted'Albanais dbarque parmi les troupes dpches par Londres en Egypte, qui prcipitentla reddition franaise. Il excute les chefs Mamelouks et devient wali en 1805 pour quatredcennies (l'un de ses fils lui succde quelques mois avant sa mort en 1849). On regrette de ne pas trouver dans la Gopolitique de comparaison plus pousse entrel'Egyptien d'origine albanaise et le Franais d'origine corse : il y a des ressemblances dansleur rapport avec leur poque (cynisme religieux), dans leur volont d'imposer un pouvoirsans partage, d'aller chercher vers la Syrie une expansion pour les habitants de la valledu Nil. Je trouve encore plus troublante cette faon chez Bonaparte comme chezMhmet Ali de mettre au pas la socit civile, en rationalisant l'activit conomique auprofit d'un Etat fort, d'une arme puissante... Le fellah devient soldat vie, soumis une discipline de fer. Pour amnager les canaux et construire des barrages, on recourt autravail forc : jusqu' 400.000 travailleurs, selon Lacoste (?). Plusieurs Franais arpentent les alles du pouvoir, en particulier un officier (Joseph Sve Soliman Pacha), et un ingnieur (Jumel) initiateur de la culture du coton dans la basse valle. L'Egypte dispose ds lors des leviers pour rentrer de plein pied dans la Rvolutionindustrielle; bien avant d'autres pays europens, elle dispose des moyens pour rattraperl'Europe. Or, il n'en a rien t. Mhmet Ali veut conqurir le monde : expdition dans leHedjaz (1812 1819) ou en haute Egypte, guerre en Grce (la Crte choit l'Egyptemalgr la dfaite ottomane), ou en Syrie envahie puis abandonne (1831 1840). Cesrves de puissance se heurtent l'hostilit des puissances europennes. Elles nedbouchent sur rien. L'conomie de guerre spolie les producteurs et ne renforce qu'enapparence l'Etat. La fcondit explosive constitue galement une rponse un Etat quiconfisque aux parents leurs enfants.L'ouverture du canal de Suez en 1869, au dpart combattu par Londres bnficiebientt... aux Britanniques. L'Egypte s'est endette pendant la guerre de Scession. Lekhdive n'a finalement pas d'autre choix que de vendre en 1875 ses actions de laCompagnie universelle du canal de Suez. A Paris, on discute querelle dynastique. LeRoyaume Uni en profite pour contrler troitement le pays. Malgr la grande rvolte de1882 mene par Arabi Pacha, officier nationaliste, musulman radical, hostile aux Copteset aux Juifs, un consul gnral dirige de fait l'Egypte dans l'ombre du khdive : LordCromer occupe ce poste de 1883 1907, artisan du premier barrage d'Assouan (1902). Plus l'Egypte se modernise et plus les lites s'ouvrent l'Occident, plus le reste de lapopulation parat en dcalage, souffrant de pauvret. Le parti nationaliste Wafd rclamantl'application des principes wilsoniens, avec sa tte l'avocat Saad Zaghloul obtientl'indpendance en 1922. Londres qui veut garder la main monte alors le mouvementnaissant des Frres musulmans contre le Wafd ; diviser pour rgner : voil en place lesdeux clans qui se dchirent depuis pour le contrle du pays, l'un lac et militaire l'autrerclamant le retour aux sources de l'Islam et la dfense des plus faibles.La suite est connue : les meutes de janvier 1952 prcdent le renversement de lamonarchie par les Officiers libres le 23 juillet. Nasser carte ses rivaux (1954 1970),lance la construction du grand barrage d'Assouan [voir ], nationalise le Canal et pousse

  • encore davantage dans la radicalit les Frres musulmans dsormais soutenus par Riyad.La guerre des Six Jours signe son retrait politique. Sadate qui lui succde rompt avecl'Est. Aprs la guerre du Kippour, ce dernier se rapproche d'Isral (accords de CampDavid en septembre 1978) tout en refusant d'accueillir les rfugis palestiniens. L'Egypteau ban des nations arabes survit grce l'aide amricaine. Les Frres musulmansparviennent assassiner Sadate en septembre 1981. Son successeur Moubarak n'a rien modifi des quilibres fragiles prcdents : pouvoirmilitaire brutal et corrompu au bilan conomique mdiocre, nationalisme obtus quidsespre les lites occidentalises (voir l' Immeuble Yacoubian port depuis l'cran) etmet en porte--faux les minorits coptes, problme rcurrent d'un islamisme qui sduitles millions de dclasss qui ne profitent gure du tourisme. L'assistanat financ parl'Occident n'a rsolu ni les problmes gopolitiques (Isral et les Palestiniens), ni lesproblmes intrieurs (en particulier dmographiques). L'image de l'Occident n'en ressortmme pas amliore. La fin prochaine de l'octognaire Moubarak et la possible remise encause de l'aide financire amricaine assombrissent encore l'horizon... Yves Lacoste seborne constater la popularit tenace des Frres musulmans. Pour les pays de largion, et en tte pour Isral, l'Egypte et ses 80 millions d'habitants reprsentent unemenace tangible.

    *12 fvrier 2009. Socits nord-africaines en perte de repres. Puisque Jean-Marie LePen prdit l'lection prochaine d'un Franais d'origine maghrbine la mairie deMarseille, le doute n'est plus permis ! Une invasion se prpare sur le sud de la France.L'ennemi ne piaffe plus nos portes. Il rumine dans nos murs. Le prsident du FrontNational reproche Jean-Claude Gaudin, le maire actuellement en poste de mentir enaffirmant dans le texte 'qu'il y a 300.000 musulmans Marseille, le jour o ils seront800.000 le maire ne s'appellera plus Gaudin mais peut-tre Ben Gaudin'. Jean-Marie LePen ajoute que 'l'immigration de masse tend prendre l'allure d'une vritablecolonisation.' [source] En Espagne, le gouvernement socialiste n'a pas attendu le dveloppement d'une criseannonce comme trs profonde pour mettre en place une politique de rapatriement. Lespetites mains de l'immobilier ne trouvent plus s'employer. Qu'il s'agisse de Maghrbinsou de Sud-Amricains, ils sont invits quitter l'Espagne en acceptant une aidefinancire au retour. prsente ainsi le cas d'un Pruvien quarantenaire, ayant travaillpendant dix ans dans le btiment, et apparemment rsign quitter l'Europe. L'Espagnesort pourtant de deux dcennies de croissance en partie soutenue par la prsence de cettemain d'oeuvre bon march. La reconnaissance des mrites passs ne parat cependant pasd'actualit. La population espagnole ne crot pourtant plus que de 0,2 % par an. Comptetenu du faible cart entre taux de mortalit (9 pour 1000) et taux de natalit (11 pour 1000/ 1,4 enfant par femme), la part des personnes ges de plus de 65 ans augmente. Ils sontdsormais plus nombreux (7,72 millions) que les moins de 15 ans (6,63). Lesdmographes prvoient mme court terme une dflation dmographique de l'ordre de2,6 millions d'habitants entre 2008 et 2050 (- 6%) [source]. Le renvoi d'immigrs en gede travailler colle t-il vraiment aux besoins de l'Espagne ?En France, le ministre de l'Identit Nationale procde lui aussi de nombreusesexpulsions. Le ministre s'en fcilite, mme s'il a depuis peu chang d'affectation. Les

  • donnes statistiques semblent donner raison l'un comme l'autre. Le nombre d'enfantspar femme a rgulirement diminu - 2,5 en 1970, 1,9 en 1980 et 1,8 en 1990 - maisraugmente dans la dernire dcennie : 2 enfants par femme en 2008. L'accroissementnaturel ne crve pas les plafonds (0,4 %), mais les projections laissent esprer que lapopulation franaise rejoindra la population allemande dans les annes 2050, auxalentours de 70 millions d'habitants [source]. Ainsi, le gouvernement dveloppel'argument selon lequel les faibles besoins de main d'uvre justifient une politiquemigratoire restrictive, ou cible sur les ventuels manques, en personnels mdicaux, parexemple. Mais le ministre de l'Identit Nationale ne traite que le cas des trangers. Jean-Marie Le Pen se permet donc d'agiter les peurs collectives, en stigmatisant les Franaisd'origine trangre. Les reconduites aux frontires ne sont pas seulement moralementcontestables : elles ne satisferont pas les inquiets. Mais en Espagne comme en France,combien observent l'Afrique du Nord sous l'angle implaquable des faitsdmographiques ?Loup o es-tu ? Le loup existe, mais bien efflanqu, bien incapable de croquer les petitscochons : 200 millions de Nord - Africains contre 300 millions d'Europens du Sud.L'Indice Conjoncturel de Fcondit des pays nord-africains rivalise tout juste avec celuide la France : 2 en Tunisie, 2,3 en Algrie, 2,4 au Maroc et 3,1 en Egypte. Dans tous cespays, la fcondit a chut trs brutalement. Si l'on remonte une gnration plus tt, en1970, les mmes indices se situaient beaucoup plus haut : 7,4 enfants par femme enAlgrie, 7 au Maroc et 6 en Egypte. Dans tout le nord de l'Afrique, la transitiondmographique - un temps suspendue - a connu une tonnante acclration . Nullepart celle-ci ne s'est accompagne d'une urbanisation la hauteur. Alors qu'en France, lescitadins et les priurbains artificiellement classs comme ruraux reprsentent 90 % de lapopulation totale, la proportion de citadins atteint tout juste les deux tiers en Tunisie (65%) et en Algrie (63 %), un peu plus de la moiti au Maroc (56 %). Les Egyptienscitadins restent quant eux nettement minoritaires (43 %). En Afrique du Nord, lescampagnes ne sont plus des rservoirs humains. L'agriculture fait (sur)vivre, mais lesagriculteurs s'apprtent vieillir sur place, les zones les plus recules, enclaves dans lamontagne se dsertifient.Les statistiques de mortalit infantile renseignent sur le retard des pays concerns. Unpetit Tunisien a cinq fois plus de risques de mourir avant l'ge d'un an qu'un petit Franais: mortalit infantile de 19 pour 1.000 contre 3,6 pour 1.000. Un petit Algrien huit foisplus (27) et un petit Marocain douze fois plus (43). Malgr l'argent du tourisme ou larente ptrolire, la responsabilit des autorits locales est visiblement engage... De fait,beaucoup de Maghrbins ou d'Egyptiens souhaiteraient vivre ailleurs. La conclusion -voir plus haut - selon laquelle ils rpondent au cycle ternel du dveloppement et del'exode rural, et qu'ils traverseront en masse la Mditerrane la premire occasion neconvient videmment pas. Il faut au contraire s'interroger sur le malaise qui traverse lasocit. Ces Arabo-musulmans vivent au sud de la Mditerrane dans l'coute deslointains chos de l'Europe. Bien sr, les vies d'un Tunisien, d'un Algrien ou d'unEgyptien ne se confondent pas. A diffrents niveaux, et avec des spcificits locales,beaucoup de Nord-Africains touffent cependant : carcans politiques, carcans religieux,carcans familiaux...En Egypte, les autorits ont dcid d'offrir au public un numro de tlphone

  • gratuit. Il sert depuis un peu plus de deux ans de systme d'alerte pour des dizaines demilliers d'enfants maltraits a enqut. En France, l'Observatoire cr ad hoc comptabiliseen moyenne 80.000 enfants en danger, dont environ un quart rpertoris commemaltraits (18.300 en 2000). Depuis 2006 en Egypte, 1,23 millions de cas ont tsignals, c'est--dire prs de 400.000 par an pour une population d'un tiers suprieur lapopulation franaise. Il faudrait rapporter ces chiffres la part de population ayant lapossibilit matrielle de dcrocher un combin tlphonique. Selon Al-Ahram, dans 55 %des cas, l'appel dbouche sur une consultation psychiatrique. Les responsables interrogsexpriment un certain dsarroi face aux malaises de la socit gyptienne. Les archasmesclatent, avec les questions poses sur l'excision, la drogue, etc. [1]La jeunesse confronte la modernit se rebiffe. Les Occidentaux imaginent desbarbus chaque coin de rue. Au Maroc, un film fait scandale parce qu'il raconte la vie Casablanca. Le cinaste balaie manifestement les tabous sur la sexualit, sur laconsommation d'alcool thoriquement prohibe en terre d'Islam, ou encore sur ladrogue. raconte la vie de deux grands adolescents errant sans but et vivant d'expdients[voir aussi ce site]. Dpourvus de qualification et rvant d'Europe, ils jurent comme descharretiers, de faon inhabituelle dans les films autoriss en salle et se heurtent leursans, ne tmoignant pas du respect d aux anciens. Le film a suscit d'intensesdiscussions, mais la voix des partisans de la censure a t vite couverte par celle desenthousiastes. Pour une partie de la jeunesse marocaine, le sexe n'est qu'une occasionpour gagner de l'argent rapidement auprs des touristes (voir Femmes mditerranennes).Les jeunes concerns prennent il est vrai moins de risques qu'en cas de conversion(source). Sinon, sur Internet, ils peuvent recevoir des conseils : comme ici, si l'on a enviede se suicider, de garder un chat la maison rput chasser les anges ou encore si l'onveut se couper les cheveux. A toutes les questions, le docteur de la loi apporte unerponse.En Algrie, l'incapacit de replacer le pass, et de dfinir une identit collective semanifeste de faon inattendue. Libert-Algrie dans un articledepuis censur a rendupubliques au mois de janvier 2009 les conclusions d'un colloque consacr aux problmesmdico-psychologiques en Algrie. En rsum, Alzheimer toucherait 30 % des Algrienset plus jeunes qu'ailleurs (source). En Algrie, mais est-ce diffrent dans les paysvoisins ?, le silence teint temporairement rvoltes et contestations. Sur plusieursdcennies, il rend malade. Pour se soigner, les plus dsesprs recourent aux mdecinesparallles. Les marabouts exercent en toute impunit, extorquent de l'argent, dfendusbecs et ongles par une justice forte avec les faibles. Au Maroc, certains ont dfray lachronique en prtendant soigner le sida par les plantes. Le rdacteur en chef d'El Watan(pdf) et son journaliste ont nanmoins perdu leur procs.Que beaucoup de Nord-Africains brlent de traverser la Mditerrane, on devrait donc enpercevoir les raisons. Les sources d'insatisfaction ne manquent pas. Mais le loup est las.Il ne dvorera aucun petit cochon, comme dans la fable justement... Ces petits cochonsbien gras qui jouent se faire peur sont bien peu compatissants.

    *4 juin 2009. Le prsident Obama au Caire En ce dbut d'aprs-midi du mois de juin, leprsident amricain de passage en Egypte a tenu un discours la fois attendu et trsprpar. Tout l'intrt de l'analyse se situe ce niveau. Car il s'exprime en tant que

  • prsident amricain, et non comme intellectuel ou dignitaire religieux. Qu'il ait truff sonintervention d'inexactitudes, d'oublis ou mme de contre-sens compte peu au regard del'intention affiche, la rconciliation entre l'Amrique et les musulmans. Il fait montre debonne volont.Un ou deux passages se rvlent assez convaincants, en particulier dans le dernier tiers,sur le thme du droit des femmes. Mais il me semble bien plus utile de remettre lediscours du Caire dans une perspective gopolitique, afin de mettre en lumire lacontinuit de la politique trangre amricaine. Le prsident des Etats-Unis dit s'adresseraux musulmans du monde entier, y compris aux citoyens de son pays adhrant cettereligion. Il part du principe que la tribune partir de laquelle il a pris la parole estnaturelle, compte tenu des vnements qui ont succd aux attentats du 11 septembre2001. Or il est l'hte d'un rgime autoritaire, tout entier dpendant de l'aide amricaine.Revenons cependant brivement en arrire. Les Etats-Unis reprsentent une puissanceoriginale l'chelle mme de l'histoire des derniers sicles. Le pays ne domine aucunempire. Les Amricains se targuent de possder la premire arme du monde, mais celle-ci s'est contente jusqu' une priode rcente d'interventions ponctuelles en dehors dupays. Certains voient dans le got trs rpandu outre-Atlantique pour l'isolationnisme lapreuve que ses dirigeants agissent en politique trangre comme si les Etats-Unis taientune le. De fait, les Etats-Unis sont devenus la premire puissance mondiale parce que lesEuropens ont pendant des dcennies choisi la politique du pire, la voie del'anantissement collectif. Il n'est pas utile d'en rappeler les principales tapes. Aprs1945, l'affaiblissement des Europens se manifeste d'autant plus que l'URSS semble enmesure de disputer par les armes ou par son potentiel industriel la suprmatie amricaine.En tant qu'Europen, je n'oublie bien sr ni ce pass, ni le gant relev par les Amricainsds 1944, puis pendant la Guerre Froide : sonne toujours mes oreilles.Mais il me parat difficile de nier l'vidence : les premires impasses gopolitiques nedatent pas de l'aprs 1945. Jusque l cependant, leurs effets restaient d'ampleur modeste.Il serait trop long d'voquer l'ensemble des relations internationales contemporaines, leproblme des non - aligns, l'occupation de l'Europe orientale par l'Arme rouge, laconstruction europenne, ou encore le soutien Isral. Pour en arriver au discours duCaire, je me bornerai deux lignes directrices valant d'une administration une autre, lapremire touchant au rapprochement avec l'Iran (jusqu'en 1979) et avec l'ArabieSaoudite pour assurer l'approvisionnement nergtique des Etats-Unis. Les liensconstamment entretenus avec la monarchie saoudienne ont t la fois continus etcyniques. Plus l'Arabie Saoudite - premire rserve mondiale d'hydrocarbures -s'enrichissait grce ses ventes ptrolires, plus Riyad finanait la construction demosques un peu partout dans le monde, l'aide aux Palestiniens rfugis, ou encore lefonctionnement de confrries et associations islamiques l'extrieur de l'Arabie Saoudite.Aprs l'invasion de l'Afghanistan par l'Arme rouge en 1979, Washington ne s'est pasprive de dtourner l'avantage de l'Occident ces rseaux afin d'pauler les combattantsafghans via le Pakistan. Avec les consquences funestes que l'on connat.L'autre ligne directrice de la politique trangre amricaine s'est applique ses alliseuropens, pays colonisateurs. Le soutien de la Maison-Blanche aux nationalistes duTiers-Monde et plus gnralement la cause de la dcolonisation a t aussi continueque la prcdente, mais nettement plus teinte d'idalisme, en rfrence l'histoire de la

  • guerre d'Indpendance amricaine, formalise officiellement l'poque de la prsidenceWilson. Certes, force, la rgularit des appuis a mis mal l'idalisme mis en avant aunom des droits de l'homme. Dans la sphre musulmane, la plupart des rgimesautoritaires ont bnfici de l'aide plus ou moins discrte des Etats-Unis, pour peu qu'ilsaient affich une hostilit l'URSS : en Indonsie, au Pakistan, en Iran, en Irak, enEgypte, et au Maghreb. La France a pay cher le prix de cette politique, l'Algriedevenant indpendante aprs 1962. Tous ces pays ont tt ou tard chass les puissancescoloniales. Mais qu'ont retir les populations de la dcolonisation ? Pour un Maroc lasituation relativement contraste, combien compte t-on de pays placs sous l'autorit d'unpouvoir honni, mais dfendu par Washington au nom d'une politique trangre inchange,l'alignement pro-Occidental ?Ces quelques lignes sont tombes depuis longtemps dans le domaine public, mais BarackObama n'en a souffl que quelques mots, trs orients [1]. De la chronologie, il ne resteque le 11 septembre 2001. Son prdcesseur la Maison-Blanche a engag son pays dansune guerre sans ennemi dclar. Aucun procs gnral n'a t organis la suite del'effondrement des tours. Aucune rflexion n'a t mene sur les limites d'une diplomatieet d'une stratgie entirement rorientes la lumire de ce seul vnement. Mais G.W.Bush pouvait arguer de l'urgence. Il doit aujourd'hui ventuellement regretter saprcipitation. Barack Obama envoy par les lecteurs la Maison-Blanche en octobredernier aurait - lui - matire discuter cette date fondatrice. Or il s'y refuse.L'arme amricaine intervient pourtant directement en Irak et en Afghanistan, pesant parricochet sur les affaires intrieures de la plupart des pays du Proche et du Moyen - Orient.Les mois passent et la rcolte qui s'annonce n'est gure brillante [Drone de guerre]. Etpourtant, ne juge t-on pas l'arbre ses fruits ? Le prsident amricain n'a pas prononc lemot terrorisme. La belle affaire ! Quels buts les gnraux amricains poursuivent-ils dansces conditions ? Barack Obama ne considre t-il pas les oprations militaires en courscomme justes et lgitimes, alors qu'elles sont au contraire discutables et probablementimpossibles achever [2] ? Joue t-il le rle de Johnson intensifiant l'interventionamricaine au Vietnam ou de Nixon dcidant un peu plus tard le dpart du Sud - Vietnamet la fin de la guerre ? Dans un de ses derniers paragraphes - je reprends in extenso -Barack Obama conclut en prophte :

    "Je sais qu'un grand nombre de gens - musulmans et non musulmans - sedemandent si nous arriverons vraiment prendre ce nouveau dpart. Certainsveulent attiser les flammes de la division et entraver le progrs. Certainssuggrent que a ne vaut pas la peine ; ils avancent qu'il y aura fatalement desdsaccords et que les civilisations finissent toujours par s'affronter. Beaucoupplus ont tout simplement des doutes. Il y a tellement de peur, tellement demfiance qui se sont accumules avec les ans. Mais si nous choisissons de nouslaisser enchaner par le pass, nous n'irons jamais de l'avant. Je veuxparticulirement le dclarer aux jeunes de toutes les fois et de tous les pays, plusque quiconque, vous avez la possibilit de r-imaginer le monde, de refaire lemonde."

    Tout est dans tout et rien dans rien. Mais qu'offre ce discours du Caire, si ce n'est le fruitd'une pense approximative et syncrtique, assez loigne de l'ide de ce que l'on peut sefaire de la civilisation, au moins une suite de bons sentiments ? Le pass est certes

  • convoqu, mais un pass assez vague, auquel on se rfre au dtour d'une phrase,sans soin ni prcision. Je note au fil de la lecture. Le Caire est une ville essentielle pourl'Islam ; mais c'est en partie par l'importance de la basse valle du Nil et plus directementpar la proximit d'Alexandrie, entre les IIme et IVme sicles au moins, la premire villede la chrtient naissante : Clment d'Alexandrie, Origne et Athanase. Nos deuxpeuples. Barack Obama voque l le peuple amricain et le peuple musulman (au lieu del'expression traditionnelle de l'ouma, ou assemble des croyants). On pourrait s'amuser dela question qu'est-ce que le peuple amricain ?, et relever que l'Amrique anglo-saxonnedconsidre souvent l'Amrique latine, celle-l mme qui a incorpor l'hritage arabo-andalou.Mon vcu : cette expression prte sourire, s'agissant d'un prsident en fonction. Il y a euplusieurs prsidents amricains d'origine nerlandaise, un d'origine irlandaise. Ils n'en ontpas inflchi pour autant la diplomatie amricaine. Un peu plus loin, on apprend quel'Islam a permis la Renaissance et les Lumires. Puis on saute du 11 septembre Buchenwald et la justification laborieuse de l'existence d'Isral. La situation desPalestiniens est juge insoutenable : mais encore ? Je ne m'arrte pas sur l'allusion l'Andalousie pendant l'Inquisition (comme rfrence d'Islam tolrant ?), aux Etats-Unisgrand pays musulman (sic.), ou au pays du Golfe comme modles de dveloppementharmonieux (...). Une allusion me fait sursauter. Que vaut l'appel la dfense des minorits religieuses si l'on voque une Indonsierespectueuse des chrtiens ! Dans l'archipel des Clbes, et en particulier Sulawesi, descentaines de chrtiens ont t rcemment massacrs. Pour tre tout fait complet, BarackObama aurait pu aussi parler des musulmans minoritaires en Chine communiste ou enInde, et victimes d'ostracisme ou de perscution.Le plus tonnant apparat dans l'expression droutante notre relation, propos dudialogue ncessaire entre les Etats-Unis et le monde musulman. Je ne me prononce pasici sur le fond, mais sur les rfrences. Qu'un prsident des Etats-Unis cite le Maroccomme premier pays reconnatre les Etats-Unis laisse pantois. Les Etats-Unis ont-ils ce point besoin d'auxiliaire qu'ils ferment les yeux sur les rgimes politiques et sur l'tatdes socits concernes ? Ainsi, la France et le Royaume-Uni rtrogradent-ils au rang desconnaissances loignes, et non des amis proches. Mais le prsident amricain ne s'arrtepas l. A trois reprises, il parle du saint Coran et pas de la sainte Bible. Certes, la formuletonne. Mais qu'en dit-il au juste si ce n'est des banalits entendues dans un cabinet depsy new-yorkais ? Pour progresser, il faut se parler et se comprendre.Il est plus facile de froisser ses amis que de dsarmer ses adversaires ou ses ennemis. Enfin de compte, les bons sentiments participent d'une tradition solidement ancre dansl'histoire diplomatique occidentale. Le prsident amricain en visite au Caire truffant sonallocution de rfrences aux Pres fondateurs n'en disconviendra pas. Qu'il prenne lecontre-pied des no-conservateurs rjouit le plus grand nombre. C'est pourtant un peucourt : la dmocratie, c'est ce qu'il y a de mieux, mais on ne va pas l'imposer... assne t-il !

    "Je suis venu ici au Caire en qute d'un nouveau dpart pour les tats-Unis et lesmusulmans du monde entier, un dpart fond sur l'intrt mutuel et le respectmutuel, et reposant sur la proposition vraie que l'Amrique et l'islam nes'excluent pas et qu'ils n'ont pas lieu de se faire concurrence. "

  • Mais que valent les bonnes intentions si l'action demeure inchange ? Le prsidentamricain peut-il ngliger le contexte conomique pour mener sa stratgie en Afghanistanou en Irak ? Discours de circonstance, plutt que discours de civilisation... De la partd'un homme cultiv et intelligent, je ne vois gure qu'une explication : il s'adresse desOccidentaux, qu'ils soient conquis d'avance ou dans l'incapacit de relever les lieuxcommuns et les inexactitudes. De l'eau coulera sous les ponts avant qu'un prsidentamricain reconnaisse que l'idalisme ne fait pas bon mnage avec la politique trangred'une grande puissance. Il faudrait accepter pour cela de rendre Csar ce qui est Csar, et Dieu ce qui est Dieu... L'Occident chrtien a mis quinze sicles avant decommencer appliquer cette parole d'Evangile.

    *25 septembre 2009. Le nationalisme arabe (antismite), une lection l'Unesco (etl'chec du candidat gyptien) Le quotidien L'Expression a son sige Alger. Il a tfond en 2000, utilise la langue franaise et dfend une ligne moderniste. L'Expression nemnage ni le pouvoir algrien, ni les gnraux accuss de tirer les ficelles. Il s'attriste detout ce qui ne fonctionne pas en Algrie. Il publie de nombreux articles sur la corruptionet les passe-droits qui permettent aux plus riches de s'extraire du lot commun. Tout n'y estpas idyllique cependant. L'Expression flatte par exemple jusqu' la nause la fibrenationaliste de ses lecteurs, en attaquant avec constance le Maroc voisin. A cetteexception prs, L'Expression reprsente donc une sorte de modle pour la presse arabe, enparticulier francophone. L'dition du 23 septembre 2009 amne temprer ce jugementpositif.Un premier article - pour commencer par le plus gnral - a attir mon attention, une foisla une parcourue. Un journaliste adresse en effet une sorte de satisfecit au ministre duTourisme algrien qui cherche ces derniers temps promouvoir le thermalisme dans lepays. Il s'agit d'une rponse aux difficults conomiques rencontres par le tourismebalnaire. Pour le journaliste de L'Expression, la messe est dite. Les choses rentreraientdans l'ordre, car la mode des bains de mer aurait t apporte par le colonisateur, alorsqu'avant les Algriens prenaient les eaux. Il y a un hic !En France, la massification du tourisme balnaire date des annes 1960, c'est--dire aprs1962. Jusque l, seuls les plus fortuns connaissent les plaisirs de la mer. Le got pour leseaux remonte une priode bien plus ancienne. Certes, l'poque de madame deSvign, une garnison ottomane veillait sur Alger. Ds l'Antiquit romaine et dansl'ensemble de l'empire, on utilise les eaux thermales : en Afrique du nord, en Espagne, ouailleurs. Au passage, d'aprs La Croix, les Algriens n'apprcient pas que l'eau.L'alcoolisme fait des ravages. L'homme de la rue (...), schizophrne sans le savoir, semblemconnatre les interdits religieux. Reprenons avec un deuxime article. Celui-ci commente l'actualit tlvisuelle franaise,et plus prcisment un reportage de France 2 consacr la Deuxime Guerre mondiale,bas sur la restauration et la scnarisation de films d'poque. On s'interrogera d'abord surla pertinence du compte-rendu lui-mme. Pourquoi un journaliste algrien s'intresse t-il la programmation d'une chane franaise ? A cette question, la rponse est assezlogique. Ses lecteurs regardant ladite chane de tlvision plutt que les chanesalgriennes, il doit mettre son mouchoir sur son orgueil nationaliste. Ceci est un autresujet.

  • Apocalypse est-il indigeste ? Le documentaire revient sur une priode de l'histoiremaintes fois prsente, exploite la mauvaise conscience des Franais pendant la priode.France 2 passe une heure de grande coute des images de propagande, sans dcryptageparticulier. Faut-il poursuivre ? Les critiques ne manquent pas. Je suis d'autant plus mme de les entendre que je n'ai pas pris le temps d'allumer mon poste. L'Expression nesaisit mme pas cette occasion pour rappeler combien la Deuxime Guerre mondiale amarqu l'Algrie, par l'engagement de volontaires, ou par l'installation du GPRF. Non,cela l'indiffre manifestement.Quel titre la journaliste de L'Expression choisit-elle ? 'Documentaire de France 2,Apocalypse, ou le lobbying juif au service de l'histoire'. Amira Soltane introduit son sujeten voquant l'approche de la date anniversaire de la Toussaint Rouge (la guerre d'Algriecommence par une srie d'attentats le 1er novembre 1954). Mais il n'existe aucun lienapparent entre cette dernire date et le documentaire de France 2, en dehors du fait que lacommunaut juive d'Algrie a fondu comme neige au soleil une fois l'indpendanceacquise. Veut-elle souligner les diffrences de vue entre deux tlvisions publiques, l'unefranaise et l'autre algrienne ? Le parallle tombe plat. Amira Soltane s'attache ensuite dcrire la fois la qualit du travail et la persvrance des documentaristes franais. Saconclusion tranche cependant. La rupture de ton ferait presque penser un ajoutultrieur :

    "Mais tout le doc tait une succession de victimisation des juifs. Dans unesquence, on voit la visite du Mufti de Jrusalem, passant en revue des unitsmusulmanes, avec ce commentaire : 'les musulmans ont toujours t les ennemisdes juifs'. Mais sur les chanes prives et plus particulirement TF1, la srieamricaine Les Experts a rassembl mardi soir 7.890.000 tlspectateurs,ralisant une part daudience de 30,3%, battant ainsi un documentaire depropagande du puissant lobby de la tlvision publique."

    Le troisime article notable de L'Expression s'intitule Qui dirige rellement le monde ? Jersume grands traits. Les Etats-Unis maintiendraient les apparences d'une grandepuissance. Le pouvoir politique aurait en ralit cd la place au pouvoir de forcesoccultes. 'Aujourdhui, cest le lobbying qui fait ou dfait les affaires internationales.Cest le lobbying qui oriente, manipule et dcide ce qui doit tre. En tous lieux et en toutecirconstance. Nous vivons ce changement avec trs peu de visibilit pour le commun desmortels.' S'ensuit une diatribe cousue de fil blanc contre la tyrannie de l'opinion publique,le poids des ONG, la toute puissance des sondages. Le paragraphe se clt sur 'lerchauffement suppos de la plante qui cache mal en ralit le dclassementprogramm des nergies fossiles avec tout ce que cela implique comme bouleversementsconomiques et politiques.' L'entre prpare le plat de rsistance. Le journaliste trembled'motion en voquant une lection juge bien raide, celle d'une Bulgare [Irina Bokova(photo en incrustation - La Croix)] au sige de l'Unesco.

    " Pour illustrer cette prsentation gnrale des nouvelles tendances qui rgissentles affaires du monde, cette semaine nous en offre plusieurs exemples.Commenons par la nomination in fine de la candidate bulgare au poste dedirectrice gnrale de lUnesco. Il faut tre dune mauvaise foi chronique pour nepas y reconnatre loeuvre du lobby juif. Seul lot de consolation, ce lobby na paseu la partie facile. Il aura fallu pas moins de 5 scrutins pour venir bout du

  • candidat favori mais arabo-musulman antismite quest Farouk Hosni,lEgyptien. "

    La rlection de Manuel Barroso la tte de la Commission europenne ? Elle a eu lieumalgr le mme lobby juif. Mme quand il ne parvient pas ses fins, il manigance sous latable. Les simplifications n'touffent pas l'ditorialiste, qui tresse par la suite des louangesau prsident amricain. Cet air frais ne dure pas. La fentre se referme sur ses derniersmots. 'Un mot pour finir et montrer le gnie du lobby juif qui russit faire passerFarouk Hosni, un Arabe, donc smite, pour un antismite. La prouesse consiste maintenir la diffrence quil est convenable de faire entre juif, sioniste et isralien.'Mais j'ai gard le meilleur pour la fin. L'Expression consacre en effet un article entier l'lection d'Irina Bokova. Brahim Takheroubt n'y va pas avec le dos de la cuillre. 'Lelobby juif a limin le candidat gyptien de la prsidence de l'Unesco. Une autre giflepour les Arabes. [sous-titre] La Ligue arabe, lUnion africaine et lOrganisation de laconfrence islamique se sont aplaties pour faire office de tapis en velours sur lequelglissait le lobby juif.' Le sens de la nuance filtre du premier paragraphe, comparantl'Affaire - c'est--dire l'lection d'une diplomate exprimente et polyglotte de 57 ans - la dfaite arabe de juillet 1967 face aux armes israliennes. 'Pour llection laprsidence de lUnesco, le lobbying a fonctionn plein rgime. La quasi-totalit desintellectuels juifs, comme Bernard Henry Lvy, Claude Lanzmann, ElisabethChemla...ont t rappels en renfort pour la circonstance, en plus dune campagnemdiatique des plus froces pour barrer la route Farouk Hosni. ' Le journaliste parvientcependant taire ses motions, et constate avec amertume.

    "Face cet arsenal intellectuel et mdiatique, il y avait le vide. Farouk Hosni naaucune caution des intellectuels arabes. Avec une bataille de retard, ces derniersnont ragi quaprs que le verdict des urnes soit tomb. Hier, alors que les juifssavouraient cette autre victoire contre les Arabes, la presse et les intellectuelsgyptiens se sont dchans contre le lobby juif et le choc des civilisations. Lequotidien gouvernemental Al Ahram a attribu ce cuisant chec 'des attaquesindignes de la part dintellectuels juifs en France' et au travail de sape delambassadeur amricain lUnesco, ainsi que des mdias sionistes en Europe etaux Etats-Unis."

    Les enseignements tirs tournent l'insulte contre les Occidentaux, jugsdfinitivement hostiles au Tiers-Monde ou mauvais dfenseurs de l'Union pour laMditerrane. Les attaques se concentrent nanmoins sur Hosni Moubarak l'arrogant quiparle au nom de tous les Arabes et qui trahit la cause palestinienne.

    "Et dans les drives de Moubarak cest la grandeur de lEgypte, son prestige etson rle rgional qui en prennent un srieux coup. Cest lEgypte de BoutrosBoutros-Ghali (ancien secrtaire gnral de lONU), lEgypte de Mohamed ElBaradei (chef de lAiea) et celle de Ahmed Zeweil (prix Nobel de chimie) qui,aujourdhui, est incapable de prsider les destines de la culture et de lducationdu monde."

    Que cette lection marque simplement la victoire de la meilleure candidate un postesomme toute honorifique, celle d'une Europenne ouverte sur le monde et non enfermedans une vision obtuse de l'histoire, n'effleure mme pas le cerveau du journaliste ! Car

  • les extraits retranscrits de L'Expression ne donnent rien d'autres voir. La haine s'ymontre extraordinairement conformiste. Elle rvle un monde de fantasmes, danslesquels les victimes mines par un sentiment de perscution voient tout bout de champdes complots machiavliques. Le nationalisme (arabe) a visiblement russi mettre sousun touffoir des millions de personnes qui ont perdu tout recul sur les vnements dumonde. Alaa El Aswany entame sa rcente nouvelle en faisant commenter par le narrateur lacitation de Mustapha Kamel : 'Si je n'tais pas n gyptien, j'aurais voulu tre gyptien.'Le narrateur s'emporte contre ce non-sens et ajoute un peu aprs ces mots terribles. Il semoque de ces livres scolaires o l'on vante le climat tempr de la valle du Nil et lagrandeur d'une civilisation passe. :

    "Par quoi se distinguent les Egyptiens ? Quels sont leurs mrites ? Je dfie quique ce soit de me citer une seule vertu gyptienne. La lchet, l'hypocrisie, lamchancet, la servilit, la paresse, la malveillance, voil les qualit desEgyptiens et c'est parce que nous connaissons notre vraie nature que nousl'occultons derrire des clameurs et des mensonges, des slogans ronflants et creuxque nous ressassons jour et nuit sur notre sublime peuple gyptien." [...] Toutesces idioties me rendent nerveux et ce qui me met le plus en colre, c'est que lesEgyptiens lthargiques que nous sommes s'enorgueillissent de descendre despharaons. L'Egypte des pharaons tait vraiment une grande nation, maisqu'avons-nous voir avec eux ? Nous sommes le produit avari du mtissage dessoldats conqurants et des sujets vaincus asservis. [...] Un simple larbin, voil ceque c'est qu'un Egyptien. Je dteste les Egyptiens et je dteste l'Egypte de toutmon cur.

    Le lecteur dcouvre par la suite un personnage atrabilaire, petit fonctionnaire athevictime d'un suprieur libidineux et religieux, afflig de parents indignes. Son pre a trahises talents artistiques et sa mre rgne en pathtique tyran domestique. Le jugementexcessif du personnage imagin par Alaa El Aswany vise faire rflchir son lecteur surles archasmes de la socit gyptienne, quelque chose qui fait mditer sur cette rcentelection l'Unesco. Farouk Hosni se prsentait en effet en vainqueur probable deslections. Il a cependant chou. Qu'ont pes en la matire intellectuels et dirigeants dumonde arabo-musulman ? Ni poids, ni prestige. Pour des informations complmentairesconcernant les circonstances de l'lection, on gagnera lire l'Express.

    *26 novembre 2009. Bulle immobilire (si familire) Dubai Le rve a pris forme surles bords du golfe Persique, dans l'mirat de Duba. Les conditions naturelles n'ontcependant pas facilit la tache des amnageurs. Sur cette bordure mridionale du Golfe,le climat est dsertique, peine ponctu par quelques pluies hivernales. Au sud dutropique du Cancer, les tempratures moyennes restent leves toute l'anne. En janvier,le mois le plus frais, les moyennes varient entre 14 et 24 C [source]. Entre dcembre etmars, l'anticyclone centr sur l'Asie continentale disparat par moments. Car au sud del'ocan Indien, de l'autre ct de l'Equateur passent de puissants cyclones saisonniers. En2007 - 2008, douze se sont forms, depuis Ariel la mi - novembre jusqu' Lola quelquesjours avant l'arrive du printemps [Mto France]. La pninsule arabique capte alorsponctuellement l'humidit porte par des vents marins sortant du systme cyclonique

  • circulaire sous l'effet d'une force centrifuge. De dcembre mars, Duba reoit entre 60 80 millimtres de prcipitations, puis plus rien le reste de l'anne.Duba s'tend sur un territoire quivalent au dpartement du Rhne (3.250 km et1.680.000 habitants), l'implantation persique en plus : 3.885 km pour 1.650.000habitants. Les vignobles verdoyants et le couloir rhodanien n'ont nanmoins pasd'quivalents Duba. Aux Emirats comme en France ou dans n'importe quel autre paysdvelopp, l'esprance de vie est grande (77 ans), le nombre d'enfants par femme prochedu seuil de renouvellement des gnrations (2), et la proportion de population vivant enville leve (83 %). Les moyennes prcdentes sont celles de l'ensemble des EmiratsArabes Unis [Population Reference Bureau]. La prosprit rgne Duba en dpit del'absence de ressources ptrolires dans son sous-sol, contrairement Abu Dhabirichement dot.Dans les trente dernires annes, l'mir de Duba a choisi de faire fi des handicaps deson pays, en tirant profit du contexte conomique mondial. Puisque les changesinternationaux s'intensifient et que le nombre de vols commerciaux entre Europe et Asieaugmentent, il a investi dans une compagnie arienne (Emirates) devenue en l'espaced'une gnration l'une des plus puissantes d'Asie. Emirates se targue aujourd'hui d'utiliserl'A-380, le dernier-n d'Airbus, avant la plupart de ses concurrentes. L'aroport deDuba accueille en outre chaque anne des millions de voyageurs transcontinentaux enescale, mais aussi des touristes venus spcialement dans les Emirats. Vingt-deux millionsde voyageurs sont passs en 2007 dans les deux terminaux de l'aroport, c'est--dire deuxfois plus qu'au dbut des annes 1990 (source). Dans ce pays neuf, l'ouverture d'uneimmense zone commerciale sans taxes (duty free) a fort opportunment combl un dficitde vieilles pierres et rendu l'aroport plus attirant. Au milieu de ce bazar des tempsmodernes, chacun vient faire ses emplettes dtaxes : alcool, tabac, montres et bijoux,parfums et vtements griffs ou encore matriels lectroniques.Au cours de la dernire dcennie, Duba a connu une acclration de sondveloppement. Au milieu de ce nulle part ont surgi les gratte-ciels, dont le plus lv dumonde - le Burj Dubai - les avenues verdoyantes, et les les artificielles. Un quart desgrues du monde se retrouvent dans cette fourmilire (source). On peut mme dire quel'immobilier a remplac le ptrole. Seulement voil, le rve a fait place au cauchemar.

    "Duba, l'un des sept Etats de la Fdration des Emirats arabes unis, est engrande difficult financire. L'annonce, mercredi 25 novembre, de son incapacit rembourser dans les dlais prvus les dettes de sa principale entreprisepublique, Dubai World, l'quivalent de la Caisse des dpts, a dsagrablementsurpris les marchs financiers. Sur les 80 milliards de dollars de dettes del'mirat, Dubai World en porte 59. Cette socit est apparemment incapable derembourser les 3,5 milliards de dollars qui venaient chance la mi-dcembre. [...] Le choc de l'annonce, mercredi 25 novembre, du rchelonnementde la dette de deux de ses groupes phares - le conglomrat Duba World et safiliale immobilire Nakheel - jusqu'au 30 mai 2010 au moins, a t amplifi par lefait que personne ne s'attendait un tel cataclysme. Les marchs pensaient quel'oeil du cyclone s'tait loign. La dette de Duba World, estime 59 milliardsde dollars, reprsente l'essentiel de celle de l'mirat, value entre 80 milliards et90 milliards de dollars (39 milliards d'euros). Sa filiale Nakheel, promotrice de la

  • construction des clbres les artificielles en forme de palmiers, est incapable derembourser, d'ici au 14 dcembre, une obligation islamique d'un montant de 3,5milliards de dollars. " [Le Monde]

    Le journaliste du Monde tombe malheureusement dans le pige de l'explicationimmdiate et prend la posture du juge svre. Or que s'est-il pass Duba ? Marc Rocherend un verdict implacable.

    "L'expansion effrne de ce holding attrape-tout (transports, ports, immobilier,loisirs...), Duba comme l'tranger, avait t finance par un endettementcolossal auprs des investisseurs, en particulier auprs du grand frre, l'miratvoisin d'Abou Dhabi, et des banques internationales. [...] Bras arm du modledubarote, symbole de l'argent facile et d'une croissance deux chiffresenregistre depuis le dbut des annes 2000, l'immobilier rsidentiel ne s'estjamais remis de la dbcle de septembre 2008. Faute de liquidits, d'ambitieuxprojets urbanistiques pilots par Nakheel, en particulier la tour la plus haute aumonde, ont t arrts. Les entreprises de BTP n'ont pas t payes depuis desmois. [...] La crise de l'immobilier a entran dans son sillage le systme bancairelocal, fortement expos ' la pierre'. Par ailleurs, le formidable portefeuilled'actifs industriels et immobiliers l'tranger, en particulier aux Etats-Unis, asouffert des effets des incertitudes conomiques occidentales. En se diversifiantdans le secteur tertiaire faute d'excdents ptroliers, Duba paie le prix le plusfort."

    Si l'on reprend le fil du raisonnement, le cycle mirati a commenc par desinvestissements tous azimuts dans les infrastructures. L'mir de Duba n'a pas hsit faire appel des capitaux trangers. La croissance conomique de l'mirat et le crotrgulier des prix de l'immobilier n'ont pas manqu de sduire les fondsd'investissement et les banques occidentales. Le cycle s'achve l'automne 2009, dontacte. J'ai sciemment dlaiss les adjectifs culpabilisants utiliss par Marc Roche (effrn,facile, formidable, etc.). Le pauvre mir n'a pas vraiment dmrit, mme si Duba a cdaux modes du moment. Existait-il une alternative ? Chacune des dcisions, une foistranspose dans le contexte franais, prennent de surcrot une autre coloration. Lesdpenses publiques consacres aux infrastructures deviennent des investissements pouramliorer la comptitivit de notre pays. La qute de capitaux trangers signifie un gaind'attractivit. La croissance conomique deux chiffres est bonne en elle-mme. Bienplus encore, la pierre reprsente le socle de la prosprit collective.Dans le mme numro du Monde, Isabelle Rey-Lefebvre reprend une mlodie djentendue. Ce qui vaut en Islande, en Lettonie, en Californie, et maintenant Duba netient pas en France. Pascal le savait, 'vrit en de des Pyrnes, erreur au-del." Lerecul de prs d'un tiers des transactions et le tassement des prix (8 10 % en moyenne)offraient la possibilit de reconsidrer l'ide reue sur le rle positif de l'immobilier dansles conomies occidentales. Ils ne font pourtant pas dvier la journaliste du Monde quis'empresse d'interroger les professionnels, c'est--dire ceux qui sont les moins mme deporter un regard critique sur la question. Peu importent au fond leurs pronostics. Tousesprent une remonte des prix, qui s'en tonnera ? Mais de bulle il n'est pas question.Celui qui souhaiterait jauger les effets des politiques publiques pour soutenir le secteur del'immobilier en est pour ses frais. Isabelle Rey-Lefebvre cde juste l'esprit du temps en

  • parlant des villes de province, dans lesquelles les appartements des annes 1960 - 1970 sevendraient mal parce qu'nergivores. Voil une prise de conscience du pril climatiquebien prcoce. De toutes faons, soupirons d'aise. L'expansion effrne, l'argent facile et ladbcle, ce n'est pas en France que cela arrive...

    *31 mai 2011. La Libye d'aprs Kadhafi L'actualit en Libye me fait subitement penser Ante. Je ne rsiste pas l'envie de rappeler ce qu'il a t, avant d'en arriver celui quil'incarne dsormais. Pour parler de Kadhafi, une digression ne fait pas de mal. Ceux queles vieilles barbes de l'Olympe ennuient passeront. Ante est n de l'union des dieuxNeptune et Gaa. De la mer et de la terre est sorti un monstre aussi repoussant que sesautres frres Polyphme et Procuste. Le gant a lu domicile en Libye et se nourrit dechair humaine. Pour satisfaire son apptit, il s'attaque aux voyageurs ainsi qu'auxanimaux du dsert. A chaque combat, sa force lui permet de terrasser son adversairebientt englouti. Il a jur en outre de construire un temple en l'honneur de sa mre, enutilisant les crnes et les os de ses victimes.Hercule dcide un jour de dbarrasser l'humanit de ce flau; il transforme pour ce faireson apparence afin de s'approcher du gant sans attirer sa mfiance. Ante vit dans unegrotte en haut d'une falaise dominant la Mditerrane. En paisible promeneur, Herculepntre dans le terrain de chasse de son bourreau. Ce dernier ne tarde pas le reprer. Lalutte qui s'ensuit est indcise. Hercule met deux fois terre son adversaire, imaginant chaque fois triompher. Plaqu au sol, Ante retrouve au contraire le contact maternel etrecouvre ses forces. Non seulement Ante ne faiblit pas, mais il gagne en puissance.Hercule dans un nouveau corps--corps tente une ultime parade. Il soulve le gant quiperd soudain toute sa ressource. Ante meurt asphyxi par le hros.Mouammar Kadhafi peut-il tre assimil au fils de Neptune ? Les lieux serventvidemment asseoir la comparaison. Mais celle-ci ne s'arrte pas l. Le dictateur adirig la Libye pendant plus de quarante ans. Ces dcennies passes n'en font pasautomatiquement un monstre, mme si beaucoup de Libyens ont d ronger leur frein.Cela tant, le leader libyen a su modifier son visage, inflchir ses options diplomatiqueset idologiques il y a une vingtaine d'annes. Je n'oublie pas qu'il est presque devenurespectable. Invit, mme. Non, j'ai en tte ce printemps 2011. Benghazi et sa rgion sesont souleves contre le dictateur. L'Occident timor face la rue tunisienne etgyptienne a ragi dans la fougue des emportements. En Europe et en Amrique du nord,les principales puissances ont outrepass les recommandations de prudence ou de simpleneutralit. Des avions pilonnent dsormais tous les jours les positions de l'arme restefidle Kadhafi. Certains s'meuvent des victimes innocentes. L'air a sauv Hercule,mais n'a pas fait prir Kadhafi (source). En juin, peut-tre...Kadhafi s'est terr dans sa grotte, l'abri des regards et des bombes. Ses concitoyens deTripolitaine ne partagent pas son confort. Ils peuvent recevoir des bombes et risquent desouffrir sous peu de la faim. Car Khadafi l'a annonc lors d'une visite de l'ancienprsident sud-africain Jacob Zuma. Il ne compte pas lcher prise. La folie le guetterait. Jecrois qu'il agit plutt par calcul. Il perdrait vite (immdiatement ?) sa libert en s'exilant;en admettant qu'un gouvernement accepte cet hte encombrant. Khadafi table enrevanche sur une lassitude de ses adversaires, presss par leurs opinions de terminer lapartie. Qu'obtiendra-t-il ? Je prendrai ici un peu de distance avec la mythologie car il n'y

  • a aucun Hercule. La rbellion a longtemps pitin, faute d'organisation srieuse. Elle parat certesdsormais en mesure de l'emporter, trois mois aprs son dclenchement (source). Aurythme des combats, les vainqueurs s'empareront d'un temple en ruine. Les Occidentauxentrevoient une issue. Il reste savoir laquelle. Que se passera-t-il la frontire entre laTunisie et la Libye ? Khadafi a tent plusieurs reprises de dclencher un conflitinternational. Nul doute qu'il essaiera nouveau ; 50.000 rfugis libyens survivraientdans des camps de fortune dans le sud tunisien qui rendent le contrle de la rgionalatoire (source). Reviendront-ils dans leur pays une fois la succession de Khadafi rgle? L'Europe qui soutient la rbellion permettra-t-elle ceux qui le souhaitent d'migrer ?Les dclarations des plus hauts responsables de l'Etat franais laissent prsager l'inverse...Pour le reste, le temps joue la dfaveur de l'Occident. Bien sr les soutiensextrieurs au dictateur ont peu peu pris leurs distances. Les Libyens rests fidles sedfaussent ou se dfausseront : les diplomates en poste en Europe, les officierssuprieurs, les cadres de l'administration. Tous ceux qui en ont les moyens vont lcherKhadafi. Lui cart ou mort, ils resteront, bourreaux au milieu des victimes. Sans prvoirle pire - une guerre civile - on peut juste titre s'inquiter de la suite. Plus la guerre seprolonge, plus son cot augmente : au Canada, on en parle plus qu'en France. A Paris,Londres ou Washington, on prvoit sans doute de financer la reconstruction de la Libyedans l'espoir d'une rtribution sous forme ptrolire. La production libyenne atteint entemps normal 1,8 million de barrils par jour : 90 millions de tonnes de ptrole par an,l'quivalent des trois quarts de la consommation franaise. En 1979, le Shah d'Iranabandonn par les Occidentaux a laiss la place un rgime qui les honnit. Il faut esprerqu'en Libye s'installera un Etat de droit, ouvert aux changes commerciaux avec l'Europe.Aprs Khadafi, ce sera Post Ante

    *14 avril 2010. Antiquits et nationalisme gyptiens Il y a cinquante ans, les eaux du Nilont commenc engloutir des dizaines de kilomtres de valle. L'Unesco trouve l sonorigine. Pour saisir ces circonstances dramatiques, un document archiv en 1989 et misen ligne une date indtermine - La Terre de Koush - apporte des prcisions utiles. Ils'agit de la version crite d'un texte accompagnant un film tourn dans la haute valle duNil, avant son inondation. En cette anne 1961, la communaut scientifique internationalese mobilise, parce que l'argent manque pour payer les fouilles d'urgence et le dplacementdes ruines, au premier rang desquelles le temple d'Abou Simbel. Le film pointe un risque,celui d'une disparition irrparable de ruines gyptiennes antiques [Commentaire de RexKeating, dit par Paul Bordry. Musique de Norman Main. Prises de vues de Mahjoub ElNour. Ralisation de John Irving.] Il ne faut pas esprer un point de vue critique sur ladcision politique de construire le barrage, ni mme un rappel du contexte gopolitique[voir Une poigne de noix fraches]. L'appel au don passe un message univoque...Ce texte souffre de deux dfauts, que les annes coules mettent cruellement en (haut)relief. La dportation de milliers de Nubiens suscite moins de lignes que l'vocationcirconstancie des faits et gestes de Thoutmsis III. Les sanglots longs dbouchent enoutre sur une conclusion grotesque. Ne dsesprez pas, on sauvera l'essentiel ! Car lecommentateur vise au dbut des annes 1960 un admirateur de Champollion ou un

  • lecteur de Mort sur le Nil. Si les vieilles pierres et les fresques constituent des tracestransportables, l'archologie a dmultipli les sources d'information depuis un demi-sicle. Dans ces conditions, les arguments visant attirer le donateur - et donc cautionner l'engloutissement - prennent une autre signification. Les bouts de tissus, les pollens, les rsidus liquides, les ossements plus ou moinsconservs, les morceaux de bois, les pierres tailles constituent dsormais des indicesaussi prcieux que des hiroglyphes identifiables par le commun des mortels. L'imageriepar satellite, les sondages au sol compltent la panoplie du chercheur. Or la Nubie noyesous le lac Nasser ne pourra plus jamais s'ouvrir aux archologues. Les pertesvoques dans le commentaire dpassent donc l'imaginable. L'esprit le plus chagrinpourrait mme affirmer que l'Unesco s'est ds l'origine dconsidre en laissant entendreque l'on pouvait sauver quelque chose l'occasion de la construction du barraged'Assouan. L'organisme a oubli le premier site protger au titre du patrimoine mondialde l'humanit.

    " Le Nil ! Principale artre de communication entre la Mditerrane et l'Afriqueorientale, la valle du Nil est, depuis l'aurore de l'histoire de l'homme, un desberceaux de la civilisation. Tout ce qui vit le long de ses rives est tributaire de seseaux, car, en Nubie soudanaise, prs de 2.000 kilomtres de la Mditerrane ilne tombe pas une goutte d'eau du premier au dernier jour de l'anne. La seulerserve d'eau est le Nil qui trace un sillon fertile travers le dsert de sable et derochers. La rgion qui borde cette partie du Nil porte l'ancien nom de Koush. Il ya cinq mille ans, les armes et les marchands empruntaient ce couloir qui reliel'Egypte l'Afrique. Aujourd'hui encore, entre le port fluvial d'Assouan en Egypte 360 kms au nord et la ville frontire de Wadi-Halfa en Nubie soudanaise, tout letrafic passe par le Nil. Wadi-Halfa, ville frontire. Port fluvial. Tte de ligned'un chemin de fer. Population : 30.000 mes environ. Avenir : l'oubli. La rgionde Wadi-Halfa est pratiquement un "muse vivant". Les traditions de seshabitants n'ont pas vari depuis le pass le plus recul. Mais bientt, ces gensdevront abandonner leur terre ancestrale pour tre regroups ailleurs au Soudan.Dans trois ans peu prs, l'immense lac artificiel qui s'tendra en amont dunouveau Haut-barrage d'Assouan engloutira les plantations, les docks, la villeentire. Aujourd'hui, Wadi-Halfa s'tire sur la rive droite du Nil, serr entre ledsert et le fleuve. Le nouveau lac s'tendra sur une longueur de 160 kilomtres, l'intrieur du Soudan, submergeant la seconde cataracte et, avec elle, nombrede vestiges antiques, des villes, des tombeaux, des temples, et plus grandesforteresses. Une carte arienne, tablie par l'Unesco, des sites archologiques auniveau de la deuxime cataracte a littralement rvl des centaines deconstructions et de ncropoles dont, jusqu' prsent, on ne souponnait mme pasl'existence. Ce qui frappe d'abord, dans la rgion, c'est la ligne des formidablesforteresses qui s'chelonnent le long des 80 kms de la cataracte. [...] On connatdouze de ces forteresses construites, il y a quatre mille ans par les Egyptiens duMoyen-Empire pour tenir la route du commerce et pour assurer la scurit destransports de l'or en provenance de l'Afrique. Toutes ces forteresses sont voues la destruction. [...] Semna se trouve galement dans la zone qui doit treinonde. Ici, il y a quarante sicles, un roi d'Egypte fixa la frontire sud de sonroyaume. A cet endroit, les roches cristallines ressrent le fleuve en un troit

  • couloir de 35 mtres de large. Point fort naturel o les anciens Egyptiensdifirent trois forteresses pour tenir sous leur contrle les mouvements des tribusnubiennes voisines. [...] Semna, comme toutes les forteresses, taientpratiquement imprenable. Mme assiges, la garnison avait accs au Nil par destunnels protgs. Les rservoirs d'eau faisaient l'objet d'une dfense particulirecar, dans cette rgion sans pluie, les soldats couraient le risque de mourir de soif.[...] Les btisseurs des forteresses avaient rig un barrage entre Semna-Est etSemna-Ouest et les eaux du Nil atteignaient un niveau suprieur de 8 mtres cequ'il est aujourd'hui dans les priodes d'inondations, crant ainsi un lac quipermettait de naviguer loin l'intrieur de l'Afrique. [...] Situe sur les hauts del'le du Roi, Uronarti est une forteresse condamne aussi disparatre sous leseaux. Aujourd'hui, sentinelle millnaire, elle veille encore sur les flots tumultueuxde la cataracte et sur le dsert o tant d'armes sont jadis passes. C'est danscette partie du dsert qu'a t trouve la plus ancienne inscription jamaisdcouverte au Soudan. Elle est antrieure de 10 sicles la construction desforteresses. [...] Plus au nord, Firka est plus proche de nous. C'est une despremires glises chrtiennes, un des premiers monastres de Nubie. Toute cettergion a d'abord t convertie au Christianisme par des missionnaires venus deByzance. Par la suite, de petits royaumes chrtiens tendirent leur pouvoir sur largion et les communauts religieuses connurent une vie florissante. Pendant 800ans, le Christianisme se maintient en Nubie. Puis la monte de l'Islam lesubmergea. Alors les glises tombrent en ruine. Elles seront dfinitivementperdues lorsque les eaux les recouvriront. Certaines contiennent des fresquesd'une grande importance. Trs peu d'entre elles ont fait l'objet de fouilles. [...] Del'autre ct du fleuve, par rapport Wadi-Halfa, voici Bouhen. Bouhen, o lesarchologues travaillent depuis plusieurs annes, a sans doute t, il y a quarantesicles, le quartier gnral de la rgion militaire de la cataracte et 2.000 hommesde troupe y tenaient garnison. Les archers du pharaon pouvaient, par cesmeurtrires, balayer toute la pente du foss intrieur. Le revtement extrieur desmurs de ces forts - construits en briques de boue - est lisse. Lorsqu'il estdsagrg, l'intrieur du mur apparat. Des solives de bois empchaient lesattaquants de creuser le mur la base. Certaines de ces solives entrecroises sontd'une telle robustesse qu'elles sont encore en bon tat aujourd'hui. Evidemment, la premire atteinte des eaux du nouveau lac, les briques redeviendront de laboue. [...] Les travaux avancent. C'est une course contre le temps qui se joueavant que le muse vivant de Nubie, la terre de Koush ne disparaisse pourtoujours. On a appel la Nubie l'historique arne de l'ancien monde africain etquelques rudits pensent que cette partie de la valle du Nil peut recler certainesclefs du pass de l'Afrique. La campagne internationale lance par l'Unesco pourassurer les fouilles archologiques des sites et, si possible, sauver les monumentsde l'antique Nubie est un dfi notre civilisation. Si nous ne le relevons pas, unchapitre important de l'histoire de l'humanit sera jamais enseveli sous les eaux."

    Il ne sert rien d'organiser un procs. Nasser a-t-il pris la dcision de construire unbarrage en connaissance de cause ? Son idologie planificatrice, son obsessionnationaliste, sa haine des Europens arrogants - ceux-l mme qui l'ont humili en

  • 1956 - allaient-elles jusqu' supprimer un pan de l'histoire de l'Egypte ? Je gage quel'ignorance des enjeux, et la prise en compte de gains incontestables ont rduit peu dechoses les inconvnients de l'engloutissement par les eaux du fleuve. Le barrage a rgulles crues catastrophiques du Nil, et permis l'amnagement de son lit mineur. Je nemconnais aucun de ces deux progrs, alors que des millions d'Egyptiens vivaient dans lednuement le plus complet au dbut des annes 1960.Sciemment ou non, le champion du non-alignement et de la cause arabe porte cependantla responsabilit d'une destruction catastrophique. Elle prend toutes les formes d'undni dont le documentaire se fait l'cho bien involontairement. Le nationalisme arabeincarn par Nasser s'accommode mal de l'ide que l'Egypte pharaonique tait au plandmographique nilotique, c'est--dire au nord mditerranenne et au sud africaine, maisnulle part arabe. Ce mme nationalisme voit d'un mauvais il le rappel historique selonlequel l'Islam est une religion d'importation. Les Nubiens gardaient encore en mmoireles reliques d'un pass lointain en 1961.La premire nation chrtienne a t l'Egypte avant l'Armnie. C'est aussi une desraisons importantes pour laquelle Le Caire supplante Alexandrie comme capitalepolitique de l'Egypte indpendante. Mme si la dcision va l'encontre du progrstechnique et de la littoralisation des activits conomiques, la ville du Caire prsente unpedigree plus acceptable pour les nationalistes qu'Alexandrie [80 millions d'Egyptiens].Cette dernire, cosmopolite et maritime a pourtant t une ville essentielle (capitale ?)pour les premires communauts chrtiennes, l'poque de Denys [premire moiti duIIIme sicle de notre re], d'Athanase [298 ? - 373.] et de Cyrille [376 - 444].On reste alors pantois en lisant dans la presse les faits, gestes et dclarations l'emporte-pice du vice-ministre de la culture gyptien et secrtaire gnral du Conseilsuprme des antiquits. Il convient cependant de faire la part des choses. Les attaquespersonnelles contre l'Egyptien me paraissent assez mal venues. Zahi Hawass prendmanifestement soin de son image, attire avec plaisir les camras et n'hsite devant aucuncoup tordu pour tirer partie des dcouvertes archologiques les plus spectaculaires :identification de la momie de la reine Hatchepsout en 2007, rsultats de l'enqute sur lafiliation et sur les causes du dcs de Toutankhamon. Le chercheur signe de son nom lestravaux de ses collaborateurs, et se fait inviter grassement dans des colloquesinternationaux. Cela tant, ceux qui s'en plaignent sont-ils exempts de tout reproche ?Admettons mme que les rebuffades essuyes par certains Occidentaux sont une sorte derponse du berger la bergre. Zahi Hawass a beau jeu de rappeler le mpris humiliant decertains archologues dans le pass vis--vis des Egyptiens, terrassiers et hommes depeine tout juste bons pousser des brouettes de sable [Zahi Hawass, un nationaliste auxantiquits gyptiennes - La Croix du 12 avril 2010 / lire aussi ce dossier de L'Express].Je reste plus circonspect en revanche devant des dclarations clairement anti-occidentales, non seulement parce qu'elles transpirent la xnophobie - il a pass sondoctorat en Pennsylvanie - mais aussi parce qu'elles cachent mal de bas intrtspcuniaires. Zahi Hawass symbolise lui tout seul les impasses idologiques de sonmentor d'hier (Nasser) et de celui encore aujourd'hui en poste. Car il occupe un poste envue grce des protections en haut-lieu, en particulier du ct de la femme de Moubarak.L'archologue au chapeau Stetson fustige les voleurs et les trafiquants responsables dupillage des sites antiques. Mais les larcins ont commenc ds l'poque pharaonique : les

  • architectes des pyramides cherchent rendre inviolables les spultures sacres. L'or et lespierres prcieuses suscitent alors la convoitise. Les Occidentaux ont certes pris part aupillage au cours des deux derniers sicles, mais il serait injuste d'oublier un autre faitincontestable. Les collectionneurs fortuns et les directeurs de muse ont rcupr despices voues en leur absence l'oubli ou la destruction. Rclamer corps et cris leretour des biens vols ne provoquera aucune restitution. Zahi Hawass flatte enrevanche bon compte l'troitesse d'esprit chez ses compatriotes.En mme temps, contrairement bien d'autres archologues originaires de pays lss(Amrique prcolombienne, Extrme-Orient, etc.), Zahi Hawass ne contrebalance pas sesrclamations. Qu'il soit ou non nationaliste, il s'aveugle sur un fait imparable. Lescollections des muses de Berlin, Paris ou Londres conservent dans d'excellentesconditions les reliques du pass gyptien. Ces pices assurent certes la renomme desmuses prcdemment cits, mais elles financent gratuitement pour l'Etat gyptien unepublicit inoue en faveur de la valle du Nil. Ma dernire critique intervient justement ce niveau. Zahi Hawass, hraut de l'industrie touristique gyptienne, soutient sans cillerune activit trs particulire. Les hteliers et vendeurs de croisire gagnent peut-tre bienleur vie, mais le passage de millions de touristes dans des sites uniques provoquent denombreux effets pervers [source]. L'afflux touristique colle la monte d'uneexaspration anti-occidentale dans la population [source].L'Etat gyptien consacre en outre des sommes considrables pour dvelopper lesinfrastructures, et maintenir de trs imposantes forces de scurit [source]. Dans lemme temps, la productivit agricole demeure mdiocre, l'aire urbaine du Caire - Gizeh[incrustation] gangrne les sites archologiques des pyramides, une minorit deprivilgis suivent des tudes suprieures, et l'envahissement par les produits chinoissigne la faiblesse de l'industrie locale... En Egypte les beaux discours psent peu enrapport avec la triste ralit, et la dfense du pass archologique est gomtrievariable.

    *1er dcembre 2010. Valle du Nil . LAtlas des Futurs consacre quatre pages lEgypteconfronte lacclration du rchauffement climatique, et plus largement auxtransformations de son environnement. Dans le cadre des discussions qui souvrent Cancun, on associe les menaces sur le delta du Nil des questionnements sur la rductiondes missions de gaz effet de serre ou sur la dforestation. Considrant les millionsdEgyptiens qui occupent la basse valle touche par llvation de la Mditerrane, lepril apparat plus clairement que dans le cas dlots du Pacifique (Vanuatu) ou de locanIndien (Maldives).Virginie Raisson et ses co-auteurs ont chafaud deux scnarii. Dans La fin delabondance (p. 104-105), ils postulent que la courbe de progression dmographique nesinflchira probablement qu lhorizon de 2050. A cette date, la population gyptiennesera de 130 millions dhabitants, toujours aussi mal rpartis sur le territoire, etponctionnant davantage encore la ressource en eau. Alors que la rserve disponible nesuffit dj plus, la pnurie va saggraver. Dans le mme temps, leau sale pntreradans les nappes les plus proches de la surface, les poissons deau douce quitteront le delta[source]. Il faudrait parler de la qualit des eaux fluviales et plus spcifiquement desrejets urbains en amont du delta. Plus dun tiers des villages gyptiens ne reoivent pas

  • leau potable, la moiti imparfaitement. 100.000 cas annuels dinsuffisance rnaleproviennent de la mauvaise qualit des eaux [source]. Le delta recule en outre par laretenue des alluvions du Nil au niveau du barrage dAssouan [Nasser rien]. Mais lesauteurs ngligent cette piste pour un retour la causalit gnrale.

    "Estime 2C dici 2030, la hausse de temprature dans le bassinmditerranen devrait acclrer lvaporation et ainsi diminuer les ressources eneau disponibles. Au mme moment, la baisse des prcipitations pourrait priver lesaquifres de leur approvisionnement, aggravant ce faisant laridit du pays. "[Atlas des Futurs]

    Des verbes conjugus au conditionnel remplacent malheureusement mon got desverbes conjugus limparfait. Les problmes actuels de la valle rsultent pourpartie de dcisions prises en Egypte mme. Dire quelles influent davantage quunediminution de la pluviomtrie ou quune lvation des tempratures, ne signifie pas pourautant que lon nie ces volutions problmatiques. Virginie Raisson prcde nanmoinsmes interrogations. Le rgime gyptien serait triplement utile et / ou ncessaire : lchelle mondiale, rgionale et locale. LEgypte dtient le sige de la Ligue arabe,participe au rglement du conflit isralo-palestinien, et - ultime argument - la stabilitpolitique permet la population gyptienne de pleinement spanouir. Le taux decroissance conomique tmoignerait du dveloppement du pays (+ 4,4 % en moyenneannuelle depuis 1997). Linflation ramne toutefois peu de chose ce chiffre. Entre lesmois de mai 2007 et mai 2008, celle-ci a dpass 21 % [source]. LAtlas en convient unpeu plus loin.

    "41 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvret ; le chmage desjeunes slve 28 % ; et la ville du Caire qui rassemble dj 11 millionsdhabitants continue de crotre dans le dsordre."

    Dans le second scnario [Une agriculture plus sobre (p.110-111)], Virginie Raissonrevient sur largument dmographique et sinquite du maintien dune forte fconditchez les Egyptiennes. Elle doute dun retour la normale (deux enfants par femme)dans les limites temporelles voques par les spcialistes. La pression dmographiqueaccentue la contrainte de lhomme sur le milieu. Mais il faut aller plus loin et sinterrogersur la place de la femme dans la socit. De quel degr de libert jouit-elle, sans mmevoquer la libert dutiliser des moyens de contraception ? Il a fallu attendre 1999 pourque lon accorde aux femmes le droit dobtenir un divorce restreint, en contrepartie dunddommagement financier vers lex-conjoint [source]. La gnralisation rcente de lapose de strilets sur des femmes venant juste daccoucher montre que le gouvernementchoisit dlibrment dempiter sur les liberts fondamentales plutt que de rpondre auproblme de la pauvret qui sous-tend videmment celui de la forte fcondit [source]. LAtlas insiste aussi sur les solutions apportes par le rgime au manque de place et deressource hydrique. La tentation du pharaon : le sous-titre assimile le chef de lEtatactuel un souverain de lancienne Egypte. Dans le cadre du projet Toshka, il acommand non lrection dune pyramide, mais le dtournement dune partie des eauxretenues dans le lac Nasser, pour reverdir le dsert. A juste titre, Virginie Raissonrapporte les plaintes du Soudan voisin qui a dans un premier temps subi une lvation duniveau des eaux lamont du barrage, puis sest vu priv dune partie de la ressource sansdiscussion pralable. Il est trop tt (2003-2008) pour jauger la viabilit du projet. Il signe

  • cependant lidologie dun rgime qui apporte aux dfis du XXIme sicle -lurbanisation, la consommation de masse, etc. - les rponses du XIXme : lagriculturenattirera au mieux quune portion infime de la population de la valle. Lexprience delaprs-barrage dAssouan indique que cette socit rurale calquera sa fcondit sur cellede ses anctres davantage que sur celle de ses descendants. Le Plan Bleu propose dessolutions. Les dcisions tardent.

    "Ainsi, des gains substantiels seraient ralisables grce au recyclage des eauxusages dans lirrigation en sparant et en traitant les eaux de drainageagricoles et industrielles dune part ; en rduisant la pollution lie la densitdmographique, industrielle et agricole de la valle et du delta du Nil de lautre.Le remembrement dexploitations agricoles encore trs parcellaires permettraitgalement de raliser dimportantes conomies dchelle." [Atlas des futurs]

    Lagriculture emploie une main duvre nombreuse que le pouvoir mnage, alorsquelle consomme 80 % des ressources en eau, sans russir rivaliser avec lesagricultures subventionnes du nord. Leau provient de moins en moins du Nil et de plusen plus des nappes phratiques, parce que les paysans ne lachtent pas. Les canauxdistribuent leau en fonction dun horaire prdfini, et non selon un volume fixe. Si lesquantits ne suffisent pas, le paysan branche sa pompe lectrique [Le delta du Nil :densits de population et urbanisation des campagnes / Sylvie Fanchette (1997)]Moubarak a chou; je vais l plus loin que lAtlas des futurs. La pauvret reste le lotquotidien dune majorit dEgyptiens. Les politiques suivies ont t au mieux inutiles.Leur caractre nocif se manifeste parfois : persistance de la bilharziose, et dveloppementde l'hpatite C [source]. Moubarak a dissimul tant bien que mal son bilan auxOccidentaux en prtendant lutter contre lislamisme radical [Obama au Caire] sanstoutefois amliorer le sort des minorits chrtiennes. Il a obtenu en contrepartie une aidefinancire et alimentaire constante de la part des Amricains. Certes, ceux-ci annoncentde temps en temps sa suspension pour cause de pression isralienne [source].Les ngociations internationales sur le climat vont finalement permettre au rgimegyptien - lui parmi dautres - de diluer sa part de responsabilit dans lrosion dudelta du Nil et dans le dclin des rserves hydriques. Peut-tre fera oublier certainsl'chec de la prsidence de l'Unesco ? A Cancun, les reprsentants gyptiens participerontmme aux dbats, et livreront (qui en doute ?) leurs recommandations pour lutter contreles dsordres climatiques de toutes sortes. Cela tant, les cancuneries nont pas redor leblason du pouvoir. En 2005, moins dun quart des lecteurs ont vot lors des lectionslgislatives. On imagine mal une amlioration lors du premier tour dimanche dernier,tant donn lampleur des fraudes [source] et le dsespoir des jeunes qui 'ne rvent rien' [source].

    *1er fvrier 2011. Golfe Persique en bullition. En novembre 2009, j'ai dtaill lesdboires financiers de l'Emirat de Duba, et plus particulirement ceux de son complexeimmobilier. Depuis, la plus haute tour du monde (Burj Dubai) a t inaugure. Lesimages du plus haut restaurant du monde tournent sur les sites de partage de vido, au122me tage du gratte-ciel (exemple). Des Asiatiques viennent chercher les assiettes encuisine. Des Franais s'activent derrire les fourneaux. Dans ce pays, ce sont les

  • trangers qui sont les artisans du miracle. Duba ne dispose pas de ressources dans sonsous-sol, mais les autorits ont invent la prosprit sans ptrole. Elles ont investi dansune compagnie arienne en pleine expansion et transform l'Emirat en plate-formearoportuaire, mi chemin entre l'Europe et l'Asie orientale.Un vaste duty free attire les clients-voyageurs du monde entier accrochs par les produitsde luxe et l'lectronique de salon dtaxs (source). Les vendeuses viennent desPhilippines ou d'Indonsie (ici aussi). Les personnes charges de l'entretien sontoriginaires du sous-continent indien (source). A l'extrieur, Duba a connu un boom de laconstruction : tours de bureaux, complexes touristiques en tous genre (diaporama). EnArabie, l'excuteur public est Noir, l'entraneur de football de l'quipe nationalesaoudienne arrive de Marseille (Eric Gerets). Au Qatar, on tente d'attirer la jeunessefranaise d'origine maghrbine... Partout dans la pninsule les nationaux vivent l'cart des travailleurs trangers. La qualit de vie des premiers n'a rien voir aveccelles des seconds : ici au Koweit.On estime que les trangers forment une minorit de 40 % de la population des six paysdu Conseil de Coopration du Golfe. Au Bahrein, les nationaux sont minoritaires(source). Aux Emirats Arabes Unis, plus de la moiti des habitants ont immigr depuis lesous-continent indien. Les autochtones se sentant parfois isols, certains gouvernementsagitent rgulirement la menace d'expulsions massives, comme au moment de la premireguerre du Golfe en 1991 (source). Les expatris gagnent bien leur vie en moyenne. Maisles conditions de travail varient en fonction de l'origine gographique. Certes, lesOccidentaux bnficient d'une situation enviable grce leurs diplmes et leurscomptences techniques, mais aussi parce que leur niveau de responsabilit s'accompagned'un traitement consquent. Ce n'est pourtant pas toujours le cas des trangers originairesdu monde arabe (Palestiniens, Egyptiens, Irakiens, etc.) ou d'Asie. Les droits destravailleurs restent alors limits au minimum, malgr quelques timides volutions :aux Emirats arabes unis, la loi assouplit dsormais les rgles encadrant la signature d'unnouveau contrat de travail. Jusque l, l'employ attendait six mois et l'autorisation de son'garant', nom donn celui qui garde les titres de sjour de l'employ tranger.Un tranger travaillant dans les Emirats arabes unis pourra, partir de janvier 2011,changer d'employeur la fin de son contrat de travail. Il devait auparavant attendre sixmois et obtenir l'autorisation de son garant, c'est--dire de la personne qui lui avaitpermis d'entrer dans le pays. C'est dj le cas Bahrein et pourrait tre bientt le cas auKoweit. L'ouverture reste toutefois limite, car l'ancien patron doit donner son accord etl'employ doit avoir travaill au moins deux ans sous son autorit. Il est certes prvu defaciliter le changement en cas de fautes commises par l'employeur. Encore faut-il quecelles-ci dbouchent sur des preuves. Or on imagine mal un tribunal a priori l'coute del'employ. L'Organisation Internationale du Travail relve pour l'heure de trs nombreuxcas de confiscation de passeport et de non paiements de salaires (source). Lors d'unerencontre l'automne 2008 entre une dlgation de parlementaires europens et desreprsentants de l'Etat saoudien et des membres d'association, la question du droit desmigrants a t aborde par les uns, et refuse par les autres.

    "Le prsident de la dlgation a rgulirement soulev la question de la situationdes travailleurs trangers. En ce qui concerne la faible prsence de travailleurstrangers par rapport la situation dans dautres pays du Golfe, la partie

  • saoudienne a tent de faire comprendre que cette question ntait pas uneproccupation majeure de lArabie saoudite. Cependant, elle a admis quil taitncessaire de rformer le cadre rgissant le recrutement de travailleurs ltranger."

    La dlgation invite a prsent comme souhaitable l'octroi de la nationalit aux enfantsns sur place, mais n'a eu en guise de rponse qu'une fin de non recevoir, les Saoudiensestimant que l'immigration aboutissait un retour sur place des travailleurs (source). Defaon plus globale, le directeur du Cermam (Centre d'tude et de recherche sur le mondearabe et mditerranen) Hasni Abidi parle d'esclavage moderne, dcrivant un travailsouvent harassant et mal (ou non) pay. Dans la pninsule, aucun des pays n'autorise dereprsentation syndicale, de normes de travail reconnues par l'OIT, ou mme deconventions collectives (source). Lorsque survient l'envie de retour, les travailleurs seretrouvent pigs, faute de pouvoir prsenter leur passeport (source). Non seulement leschoses ne s'amliorent pas, mais elles empirent plutt depuis le boom ptrolier des annes1970 (source).Des milliers de travailleurs ont rgulirement recours des prostitues. Le sexe est detoutes faons une chose complique sur place (source). Le gouvernement saoudien aprfr interdire certains smartphones souponns de contourner la censure officielle etde faciliter les relations entre sexes opposs interdites par le rgime (source). On ne saitvaluer le nombre de personnes infectes par le sida ou par une maladiesexuellement transmissible. Beaucoup d'trangers malades taisent leur tat quand ils leconnaissent de peur d'une expulsion. Les hopitaux des pays du Golfe ne les prendront detoutes faons pas en charge. Mme si les mdias rpercutent date rgulire des affairesde murs en provenance du Golfe ou de ressortissants de ces pays vivant en Europe(source), je me bornerai rpercuter les tmoignages d'humiliations voire les cas detorture subies par des domestiques et serviteurs. Les quelques rares affaires ressemblent la partie merge des icebergs. Bien des gouvernants des pays d'origine prfrentdtourner les yeux, comme au Maroc.Le 10 janvier, un tribunal de Djeddah a pour la premire fois condamn une Saoudiennepour des mauvais traitements. La plaignante, une jeune Indonsienne de 23 ans, a tbattue, brle au visage, mais aussi poignarde avec des ciseaux. L'ambassadeindonsienne a sobrement rappel que la peine requise tait de quinze ans de prison, loindes trois ans finalement prononcs. Mais l'impunit qui prvalait jusqu' prsentsemble appartenir au pass. En novembre, les tortionnaires d'une jeune Javanaise ontt arrts. Ils ont tu Kikim Komalasari puis ont dpec son corps et jets les morceauxaux ordures (source). A Jakarta, la presse a couvert les deux affaires et incit legouvernement ragir officiellement (source). Mais combien de domestiques souffrent-elles (ils) en silence ? Human Rights Watch valuerait leur nombre cent mille dans leGolfe (source).Un seul pays proche pse davantage que tous les autres. Il s'agit de l'Egypte ol'migration a t lgalise dans les annes 1970 par Sadate. Mdecins, enseignants,avocats et ingnieurs ont fui leur pays pour chercher fortune de l'autre ct de la merRouge. C'tait une faon pour le rgime gyptien de se dbarrasser d'actifs diplmspotentiellement revendicatifs et de dissimuler l'chec prcoce de son modle dedveloppement. Les expatris renvoyant des devises, l'migration a par la suite cr un

  • courant financier source de revenus pour l'Etat gyptien. Peu importait que les cadresncessaires la construction d'un Etat moderne filassent l'tranger... Au total, plus d'unmillion d'Egyptiens travaillent dans les pays du Golfe : 925.000 en Arabie Saoudite,190.000 au Koweit, 100.000 aux Emirats Arabes Unis (chiffres 2001 / source). Depuislongtemps dj, des paysans pauvres ou des citadins au chmage ont eux aussi migrdans la Pninsule, attirs par les chantiers de construction ou les sites ptroliers.En Egypte, aprs des dcennies de dictature nationaliste, le vent est en train de tourner.Les classes moyennes urbaines, plutt moins plaindre que d'autres, manifestent contrela vie chre, la corruption, les drives policires. Que rsultera-t-il des grandsmouvements de foule qui font trembler le rgime sur ses bases, je ne peux m'avancer ence dbut de fvrier 2011 ? Aucun parti structur ne semble prparer une prise de pouvoir.Les Frres musulmans brillent surtout par leur attentisme (source). De la disparition durgime de Moubarak, je doute cependant qu'il puisse ressortir autre chose qu'unetransition longue et dsordonne. J'anticipe donc de deux faons, sans chercher trancherimmdiatement, partant du principe que la rvolution gyptienne met en pril la stabilittant vante des pays du Golfe ( nuancer). Selon un scnario improbable, un Etat de droitse met en place en Egypte, garantissant les droits et liberts des citoyens ; dans ce cas,beaucoup d'Egyptiens expatris chercheront rentrer dans leur pays. En auront-ils le droit? Il y aurait l un tonnant clin d'il l'histoire des Juifs rduits en esclavage et fuyantles armes de Pharaon...Je me hasarde pronostiquer plutt une dstabilisation des pays du Golfe parmimtisme entre rvolts du dehors (Tunisie, Egypte, etc.) et rvolts du dedans. Lescyniques dcrivent des citoyens nationaux conservateurs, satisfaits de leur sort carfinancirement aids par leurs Etats (source). Mais plus les privilgis reoivent deprivilges, plus les soutiers de la prosprit persique ressentent l'injustice... Spartacus enson temps a secou le joug de Rome. Stanley Kubrick a illustr la dimensionrvolutionnaire de l'esclave romain, en ngligeant le fait que les gladiateurs taient desesclaves plutt bien traits (source). Les rvolts ont finalement pri. En attendant, lesbourses du Golfe tanguent (source), Al Arabiya minimise la porte des manifestationsgyptiennes, et les cours du ptrole grimpent au gr des rumeurs sur le blocage du canalde Suez (source). Alaa El Alaswany raconte avoir vu dans les rues du Caire desmanifestants gonfler un ballon l'effigie de Moubarak puis le lancer en criant 'Au revoirMr Moubarak, vous tes attendu en Arabie Saoudite' (source). L'ancien chef de l'Etattunisien a d'ores et dj pris cette direction...

    *24 mars 2012. Confrontation moderne. A l'poque moderne, ce sont de mauvaise