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REVUE EUROPÉENNE DU DROIT SOCIAL

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DU

DROIT SOCIAL

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Maison d’édition Bibliotheca

• Atestée par le Ministère de la Culture et des Cultes avec l’avis no. 4363 / 27.05.1997

• Acreditée par le Conseil National de la Recherche Scientifique (CNCS), 2011-2014

• Membre de l’Association des Editeurs de Roumanie – AER (Romanian Publishers Association - RPA)

N. Radian, KB 2/3, Târgovişte, 130062 tel/fax: 0245.212241 e-mail: [email protected] www.bibliotheca.ro

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REVUE EUROPÉENNE

DU

DROIT SOCIAL

Volume XX • ISSUE 3 • Year 2013

Édition Bibliotheca Târgovişte, 2013

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La Revue est reconnuée par le Conseil National de la Recherche Scientifique

de l‘Enseignement Supérieur (CNCSIS) categorie B+ avec avis no. 828/2007

en évidence BDI Copernicus, CEEOL et EBSCO Publishing

Comite scientifique/ Scientific Board:

1. Antonio Baylos, Professeur de Droit du Travail et de la Sécurité Sociale à l'Université de Castilla La Mancha, Spain

2. Dimitri Uzunidis, Directeur du Laboratoire de Recherche sur l'Industrie et l'Innovation (ULCO, France)

3. Alexandru łiclea, Professeur, Recteur de l’Université Ecologique Bucarest Roumanie

4. Sophie Boutillier, Directrice de recherche au laboratoire Redéploiement industriel et innovation à l'Université du Littoral-Côte d'Opale, France

5. Ahmed Smahi, Enseignant Chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Université de Tlemcen, Algérie

6. Ana R. Martín Minguijón, Doyen de la Faculté de droit UNED Madrid, Spain

7. Vlad Barbu, Professeur, Vice-recteur de l’Académie de Police ,,Alexandru Ioan Cuza” Bucarest, Roumanie

8. Rafael Junquera de Estéfani, Vice-doyen de la Faculté de droit UNED Madrid, Spain

9. José Alvarez Pestana, Professeur de Sociologie, UNED Madrid, Spain

Comite de rédaction/Editorial Board:

Rédacteur en chef / Editor responsible: Dan łop, PhD

Executive Editor: Marc S. Richeveaux, PhD

Rédacteur en chef adjoint / Editor assistant: Radu Răzvan Popescu, PhD

Secrétaire de rédaction / Editorial Secretary: Pedro Fernandez Santiago, PhD

130051, Târgovişte, Aleea Trandafirilor, bl. 10, ap. 46 JudeŃul DâmboviŃa, Roumanie, Tel. 0722.723340 www.RevueEuropéenne_du_DroitSocial.ro

ISSN 1843-679X Copyright@2013

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SOMMAIRE

„LA RÉPARATION DES ATTEINTES À LA SANTÉ MENTALE EN MILIEU DE TRAVAIL” (Aurélie Bruère) / 9 RECONFIGURATIONS PROFESSIONNELLES ET DÉVELOPPEMENT SALARIAL DANS L’ASSOCIATIF EN BELGIQUE (Pierre Artois) / 21 LES ELITES POLITIQUES FEMININES DU CAMEROUN DE 1960-2010: ANALYSE SOCIOLOGIQUE DE LEUR SELECTION (Paulette Bayiha) / 30 EQUAL OPPORTUNITIES ON THE LABOUR MARKET BETWEEN WOMEN AND MEN, IN ROMANIA (Maria Ureche) / 34 LES NANOTECHNOLOGIES ET LA PROTECTION DE LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS (Lamia El Badawi) / 44 DISCRMINATION SALARIALE ET EQUITE GENDORIELLE SUR LE MARCHE DU TRAVAIL AU CAMEROUN (Tanankem Voufo Belmondo) / 55 LE CHARGÉ DES RELATIONS PARTENARIALES ET SES CLIENTS: SIGNIFICATIONS ET USAGES DE LA CONFIANCE (Céline Remy, Jean-François Orianne) / 67 ESSAI DE MODÉLISATION DES CHOIX INDIVIDUELS DE MOBILITÉ INTRA-ORGANISATIONNELLE (Akoum Rafah) / 99 LA CONSOLIDATION DE LA DIMENSION TERRITORIALE DU DROIT DU TRAVAIL (Serge Le Roux) / 118 RECHERCHE SUR LES RESSOURCES HUMAINES DANS LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES EN ROUMANIE (Anca Alexandra Purcarea) / 140 LA POLITIQUE TERRITORIALE DE L’EMPLOI DANS LES ZONES DE CRISE ET SOUS TENSION: REGARDS CROISÉS SUR LES INTERACTIONS ENTRE ADMINISTRATIONS ET PAYSANS (CAS DE MENZEL HABIB - TUNISIE) (Balkis Faillon) / 150

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CLÔTURE DU COLLOQUE (Marc Richevaux) / 171 LES DROITS SOCIAUX DANS L’UNION EUROPÉENNE (I) (Dan łop) / 173 LA FRANCHISE, NOUVELLE ALTERNATIVE POUR LE TOURISME BULGARE (Dimitar Tadarakov) / 185 LES ACHATS INTERNATIONAUX DURABLES, UN OUTIL DE DIFFÉRENCIATION; L’EXEMPLE D’IKEA (David Jessula) / 193 EFFET DE LA QUALITÉ DES INSTITUTIONS SUR LA RELATION SPILLOVERS DE LA R&D-CROISSANCE: ANALYSE SUR LA COINTEGRATION EN DONNÉES DE PANEL DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT (Sahbi Gabsi, Ali Chkir) / 202 LE RÔLE DE L’INDUSTRIALISATION DANS LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE: UNE ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LES PAYS NORD AFRICAINS ET LES PAYS SUBSAHARIENS (Mohamed Ben Amar) / 219 LES MOYENS DU DROIT FRANÇAIS À DISPOSITION DE L’INSPECTEUR DU TRAVAIL POUR FAIRE CESSER LE TRAVAIL DOMINICAL ILLICITE (Jeanne-Marie Wailly) / 234 LES CAPACITÉS DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE LOCALE DE LA RÉGION DE DÉVELOPPEMENT DU NORD DE PLANIFIER, D’ATTIRER ET DE GÉRER LES INVESTISSEMENTS DANS LE DOMAINE DE LA STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT DU NORD (Gheorghe Neagu) / 262

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COLLOQUE LES ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES ET LE MARCHÉ DU TRAVAIL

DEUXIEME PARTIE Sur le thème « Les activités professionnelles et le marché du travail», s’est

tenu, à Saint-Omer (Pas-de-Calais / France) les 29 et 30 novembre 2012, la 8e édition du colloque annuel de la licence professionnelle gestion des ressources humaines de l’IUT Saint-Omer/Dunkerque de l’Université du littoral côte d’opale sous la direction de Marc Rîchevaux Maître de conférences Université du littoral côte d’opale, ancien responsable de la licence gestion des ressources humaines et la codirection Jeanne-Marie Wailly (enseignant université du littoral cote d’opale responsable de la licence gestion des ressources humaines et de Mr Hedi Benrabah, maître de conférences associé université du littoral cote d’opale directeur des études du département GACO, avec la participation, de l’ensemble des enseignants, personnels et étudiants de la licence gestion des ressources humaines, de ceux de la licence gestion touristique et hôtelière, du département GACO, ainsi que ceux d’autres départements de l’IUT Saint-Omer Dunkerque et d’autres formations de l’université du littoral côte d’opale et en partenariat avec différentes universités Française et étrangères.

Ainsi pendant deux jours l’université du littoral côte d’opale a donc accueillis, des enseignants chercheurs (supprimer provenant) et des enseignants provenant de différentes universités françaises et étrangères ainsi que des représentants du monde de l’entreprise, d’administrations, d’institutions publiques et de juridictions nationales ou régionales qui ont pu confronter leurs points de vue sur un sujet d’actualité: le marché du travail et les activités professionnelles. Ils ont ainsi pu s’exprimer pour définir ce que sont les activités professionnelles vues à travers le prisme du marché du travail, ou plutôt les marchés du travail tant les spécificités de certains d’entre eux: fonction publique, monde associatif, télétravail et quelques autres, notamment l’informel, empêchent de les ramener à l’unicité. Les questions comment entrer sur la marché du travail, avec ou sans difficultés, comment s’y exprimer, comment y évoluer avec des stratégies individuelles ou collectives, ou

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les deux comment y préserver sa santé comment y rester malgré l’âge et bien d’autre questions y ont été abordées tant d’un point de vue français que d’un point de vue européen et non européen tant ces problèmes même si c’est de manière parfois différentes se posent partout dans le monde. Nous avons pu entendre des collègues venant des Universités françaises: Cergy-Pontoise, université Paul Sabatier Toulouse, Université Européenne de Bretagne, de UPJV Université de Picardie Jules Vernes Amiens, de Université de Rouen, Université de Poitiers, UPV Metz Université Paul Verlaine Metz et des universités de Lille 1 et Lille 3 ainsi que d’universités européennes de pays déjà membres de l’union européenne: Université Alexandru Ioan Cuza Iasi (Roumanie) et plus particulièrement sa faculté de droit, et spécialement son cercle d’herméneutique juridique et le centre Robertiaunum de droit privé animés par Monsieur le professeur Valerius Ciuca, juge honoraire au tribunal de l’Union Européenne, la faculté de droit et de sciences juridiques sociales et politiques de l’université Valahia de Targoviste (Roumanie), l’université du 1 er décembre 1918 Alba Iulia Bucarest (Roumanie), l'Université POLITEHNICA de Bucarest (Roumanie) l’ Académie d'Études Économiques de Bucarest (Roumanie), l’Université Libre de Bruxelles (ULB), l’Université de Liège (Belgique),l’ Université économique de Sofia, (Bulgarie) l’ Université d’économie nationale et mondiale, Sofia, Bulgarie) ou qui espèrent le devenir bientôt: ISAM Moldavie, ou y sont extérieurs: université de management et d’économie de Saint Petersburg (Russie). Avec aussi une présence du Maghreb et de l’Afrique: E.S.T. Safi kadi Ayyad université Marrakech Maroc, Faculté de Sciences Juridiques, Économiques et sociales Rabat-Agdal, Maroc université de Tunis et africaines avec une participation de l’IGAC: Institut de la gouvernance en Afrique centrale (Cameroun) et l’université catholique de Bertoua (Cameroun) dont les responsables n’ont qui malheureusement n’ont pas pu être présents physiquement en raison de problèmes de visa.

Marc Richevaux Directeur de publication

Dan Top Rédacteur en chef

Suivre de numéro 2(19)2013…

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„LA RÉPARATION DES ATTEINTES À LA SANTÉ MENTALE

EN MILIEU DE TRAVAIL”

Aurélie BRUÈRE, ATER à l'IUT GEA LILLE 1 doctorante en droit du travail

Abstract: For several years, the issue of mental-health ravages at work has gained

growing importance and thus leads to revising certain legal concepts. Firstly based on industrial risks, the legislative and jurisprudential history of professional risks really demonstrates a theoretical and legal effort in facing the difficulties of taking into account the extreme changes of social realities. Developing of service occupations, new management and administration modes as well as new IT and technological tools now increasingly highlight the "psycho-social" risks at work, just as in the 19 century, the industrial growth rather unveiled its numerous physical risks. The growing importance granted to mental health questions - consequences of which can be terrible - necessarily leads to wondering whether and how the contemporary system should take professional risks into account. The occupational disease, which psychological disorders rather seem to resemble, for they fall within a slow process, is mainly acknowledged on a series of restrictive tables listing diseases with very accurate criteria. Psycho-social disorders cannot be found in these tables. The work-accident, which suddenness is the main criterion, doesn't seem to allow taking into consideration all of the psychological disorders. Yet, in spite of the system's partial rigidity, it is possible to get a glimpse of possible acknowledgements, namely through the work-accident definition, which judges continuously rework and make more flexible. Then it seems that legally acknowledging psycho-social disorders as professional risks remains a possibility, provided that texts are interpreted and adapted. This will still represent an incomplete task though, as these new sufferings couldn't bear the only system of beneficiary compensations.

Keywords: work-accident, occupational disease, mental health, compensation, jurisprudential interpretation

Observations préliminaires Apparues il y a plus d’un siècle, les notions juridiques d’ « accident du travail » et

de « maladies professionnelles » et plus largement celle de « risque professionnel », ont fait l’objet d’un travail de construction théorique commandé en partie par la volonté d’assurer aux victimes la meilleure protection possible mais aussi par le souci d’adapter les notions à l’apparition de nouveaux risques liés aux changements affectant le travail lui même. Plus récemment, le développement des services, l’émergence de nouveaux modes de management et de gestion des entreprises, l’apparition de nouveaux outils informatiques et technologiques, auxquels s'ajoutent les évènements aussi dramatiques que les suicides au travail, ont conduit à mettre en lumière ce que l’on a fini par appeler les « risques psychosociaux du travail ». L'ampleur de ce phénomène amène alors à s'interroger sur son absorption au sein des règles applicables en matière de réparation du risque professionnel.

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La législation des risques professionnels, construite essentiellement autour du risque industriel et donc du risque physique, semble a priori laisser très peu de place à la reconnaissance de ces risques nouveaux dont l’expression est très différente pour plusieurs raisons que l’on rappellera d’emblée. En premier lieu, ces risques n’ont pas la même visibilité que le risque accidentel (la chute de hauteur, la brûlure etc..). Ils connaissent des phases de latence, parfois longues, et ne deviennent visibles que lorsque celui qui les subit tombe malade (la dépression invalidante, les traductions somatiques..) ou passe à l’acte lorsqu’il s’agit d’une tentative de suicide. A vrai dire, certaines formes de risques physiques prenaient déjà une forme similaire de dégradation lente de la santé (on pense en particulier aux cancers professionnels ou aux troubles musculo squelettiques). En deuxième lieu, ces risques présentent une pluricausalité associant des données personnelles de la victime à des données professionnelles. Ici encore, certaines formes de risque physique présentent des analogies avec cette situation. Ainsi, certains cancers peuvent résulter d’une combinaison d’expositions professionnelles et de choix de vie propres au salarié (ainsi du tabagisme). En réalité, le droit de la réparation des risques professionnels s'est constamment construit dans un objectif d'adaptation des évolutions du travail (organisations, produits, matériaux, méthodes...).

Ces adaptations ont été possibles grâce à un travail d'interprétation jurisprudentielle des textes, témoignant d'une véritable malléabilité des normes et permettant une reconnaissance plus large des cas de réparation, en absorbant la plupart des mutations du travail du 20e siècle. Mais la question se pose alors des limites de cette capacité d'adaptation, face aux risques psycho-sociaux.

Retour sur l’histoire de la réparation des risques professionnels en France

Les lois du 9 avril 1898 et du 25 octobre 1919 constituent les deux piliers du droit

français de la réparation des risques professionnels. La première est le fruit de longs débats opposant les industriels, les ouvriers, les parlementaires et les hygiénistes.

La naissance et l'expansion de l'industrialisation à partir du XVIIIe siècle ont en effet déclenché de profondes métamorphoses, en termes économique, politique et social. Le travail lui-même s'est alors réinventé, à la fois dans sa conception, son organisation et ses pratiques, révélant de nouvelles problématiques de santé et de sécurité. L'utilisation de machines et d'outils automatisés pouvant être défaillants, imposant une répétition des gestes au sein d'un rythme cadencé, dans un environnement de travail souvent caractérisé par le bruit, le manque de lumière naturelle, les variations de température, l'inhalation de produits et de fumées, sont autant de facteurs augmentant considérablement les risques d'accidents.

Ces accidents survenus pendant le travail peuvent engendrer un type de dommage totalement nouveau, en ce sens que celui-ci n'est pas nécessairement lié à une faute. En effet, un accident est communément défini comme étant un

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« événement imprévu malheureux»1, un évènement fortuit, inattendu2. Or les seules règles applicables jusqu’à la fin du 19ème siècle sont celles du Code civil et spécialement celles du droit de la responsabilité civile posées aux articles 1382 et suivants. Ces nouveaux risques se heurtent alors à la difficulté d'identifier une faute et une causalité, éléments nécessaires imputer une responsabilité, au sens des articles précédemment cités. Il se heurtent également aux pensées hygiénistes, très peu centrées sur les accidents nés du travail3.

Les avis n'étaient pas uniformes. Certains imputent la responsabilité de ce type de dommage au travailleur, en estimant que celui-ci connait les risques encourus par le travail et doit les assumer. D'autres, au contraire, pensent que c'est à l'employeur d'assumer les risques du travail. La première conception l'emportera jusqu'au milieu du XIXe siècle4. Elle se renversera sous le poids de l'accroissement des accidents du travail, des nouvelles préoccupations hygiénistes et des revendications ouvrières.

Pour autant, la conscience d'une nécessité de prise en charge juridique de ces nouvelles réalités du travail se heurte alors au droit en vigueur. En effet, en application de l'article 1382 du code civil5, l'ouvrier doit prouver l'existence du dommage mais aussi et surtout l'existence d'une faute de son employeur ainsi qu'un lien de causalité entre cette faute et le dommage. La lourde charge de la preuve supportée par le salarié rend alors l'accès à la réparation particulièrement difficile, d'autant plus que la faute à l'origine de l'accident n'existe pas toujours. Les articles 13856 et 13867 du code civil instaurent quant à eux, des cas de responsabilité qui sont à l’origine considérés comme des applications limitatives du principe posé à l’article 1384.

Ce sont les juges qui, face à l'abondant contentieux en la matière, vont s’engager dans des interprétations très constructives des textes. C’est ainsi que dans un arrêt du 7 janvier 1878, la chambre des requêtes de la Cour de cassation fait une première tentative dans le cas d'un ouvrier qui avait perdu un œil à la suite d'une projection d'un éclat de fonte enflammé. Elle approuve la décision de la Cour d'appel de Dijon du 27 avril 1877 qui déclarait que « le patron ou directeur

1 Le petit Larousse 2003. 2 L'accident est classiquement défini comme un « événement fortuit qui a des effets plus ou moins dommageables pour les personnes ou pour les choses » ou encore comme un « événement inattendu, con conforme à ce qu'on pouvait raisonnablement prévoir ». http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/accident/431

3 Les travaux hygiénistes ont d'abord soulevé les questions d'hygiène publique, de manière générale (modes de vie, milieux urbains...), la question des dommages nées du travail industriel tenant une place plutôt secondaire car perçue à cette époque comme acceptable.

4 Dans ce sens, les cours d'appel refuseront de réparer les accidents des travailleurs considérant que le contrat de louage de service, ancêtre du contrat de travail, se caractérise uniquement dans l'échange d'un salaire contre un service. Aucune autre obligation n'existerait entre l'employeur et le salarié

5 Article 1382 du code civil : «Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

6 Article 1385 du code civil : « Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ».

7 Article 1386 du code civil : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction ».

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d'industrie a la stricte obligation de protéger l'ouvrier contre les dangers qui peuvent être la conséquence du travail auquel cet ouvrier est employé ; cette obligation entraine la nécessité, sous peine de faute, de prévoir les causes, non seulement habituelles, mais simplement possibles d'accidents et de prendre les mesures qui seraient de nature à les éviter ». La Cour de cassation ajoute que l'accident aurait pu être évité si l'employeur, « obligé de préserver ses ouvriers des conséquences mêmes des dangers inhérents à leur travail, avait pris les mesures nécessaires pour conjurer ces dangers ». Il apparaît alors que, tout en conservant les catégories juridiques existantes8, le juge interprète la situation créée par l'accident de travail de telle sorte qu'elle puisse y trouver une solution. En l'espèce, la Cour de cassation contourne l'incompatibilité entre la responsabilité pour faute et le dommage résultant de l'accident en créant un nouveau type de faute: l'employeur qui ne protège pas ses ouvriers contre les dangers du travail (et donc contre les accidents du travail) commet une faute contractuelle, réparable sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

En reliant l'accident du travail à une faute résultant du non respect d'une obligation contractuelle, le juge parvient à le faire entrer dans le champ de réparation de l'article 1382.

C'est par un arrêt du 21 juin 1895 que le Conseil d'Etat aborde la question de l'accident du travailleur sous l’angle de la « responsabilité pour risque professionnel » qui le conduit à abandonner le critère de la faute. Entrainée par cette solution nouvelle, la Cour de cassation approfondit l’analyse, dans l'arrêt Teffaine du 16 juin 1896. Un salarié était décédé à la suite de l'explosion de la chaudière d'un remorqueur à vapeur au cours du travail. Elle décide alors d'appliquer l'article 1384 alinéa 1 du code civil relatif à la responsabilité du fait des choses. En effet, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». Le travail d'interprétation est ici très intéressant car la cour de cassation transforme à l'occasion du « risque professionnel » la portée de cet article. A l'origine, celui-ci avait pour objectif d'annoncer les deux exceptions à la responsabilité pour faute posées par les articles 1385 (animaux) et 1386 (bâtiments). En 1896, la cour de cassation interprète pour la première fois l'article 1384 al.1 comme ayant une portée générale, les articles 1385 et 1386 n'étant alors que des illustrations. Il devient alors plus facile de réparer sur ces fondements l'accident du salarié survenu à cause d'une machine, l'employeur étant responsable des choses qu'il a sous sa garde. C’est dans ce contexte que la loi du 9 avril 1898 est adoptée. Sa rédaction

8 Pour respecter le principe de séparation des pouvoirs, « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Article 5 du code civil. Le juge ne pouvant pas se substituer au législateur, son rôle d'interprète est fondamentale. En l'attente d'une loi (dont la naissance peut être très longue à cause de la procédure d'adoption) réglant les difficultés juridiques d'une situation nouvelle, le juge utilisera son pouvoir d'interprétation du droit pour atténuer ces difficultés.

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est le résultat de 18 années de débats parlementaires9. Se détachant des règles de droit commun, la loi de 1898 créera un régime spécial, fondé sur une responsabilité pour risque, écartant la faute comme critère central. L'idée est alors que l'employeur doit être responsable du risque qu'il fait causer à ses travailleurs du fait de l'utilisation de machines, d'outils et d'installation pour la réalisation du travail.

Dans son article 1er, la loi dispose que: « Les accidents survenus par le fait du travail, ou à l’occasion du travail, aux ouvriers et employés occupés dans l’industrie du bâtiment, les usines, manufactures, chantiers, les entreprises de transport par terre et par eau, de chargement et de déchargement, les magasins publics, mines, minières, carrières, et, en outre, dans toute exploitation ou partie d’exploitation dans laquelle sont fabriquées ou mises en œuvre des matières explosives, ou dans laquelle il est fait usage d’une machine mue par une force autre que celle de l’homme ou des animaux, donnent droit, au profit de la victime ou de ses représentants, à une indemnité à la charge du chef d’entreprise, à la condition que l’interruption de travail ait duré plus de quatre jours. »

La lettre de l'article s'inscrit clairement dans les réalités sociales et professionnelles de l'ère industrielle. Seul est considéré l’atteinte à l’intégrité physique du travailleur et seul l’accident est pris en compte, que la jurisprudence a tôt fait de définir comme un événement « soudain », laissant par là même à la marge de la réparation les maladies définies comme une dégradation progressive de la santé et dès lors très difficiles à situer dans le temps. D’où l’intervention de la loi de 1919 étendant le mécanisme de réparation aux maladies professionnelles, tout en créant un régime de reconnaissance spécifique, sous forme de tableaux. Ceux-ci présentent une liste limitative des maladies, les travaux susceptibles de les provoquer ainsi que le délai de prise en charge et la réunion des trois éléments permettant la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie présentée par le salarié.

A l’examen de la toute première histoire de la réparation du risque professionnel, il apparaît que les normes applicables sont assez largement perméables aux transformations du risque physique, engendrées par l’évolution du travail lui-même. On doit davantage constater le rôle central du juge en la matière, qui aura su utiliser les espaces d’interprétation pour améliorer le sort du travailleur et en définitive obliger le législateur à intervenir.

Mais ces dernières années, le travail n'a pas cessé d'évoluer. Il est même assez facile de constater que la sphère professionnelle est aujourd'hui en pleine mutation, engendrant des risques dont les promoteurs de la législation à la fin du 19ème siècle ne pouvaient même pas avoir idée. Le travailleur est désormais exposé à des risques d'ordre psychologique qui d’ailleurs viennent dans certains cas se surajouter aux risques physiques traditionnels comme en témoigne par exemple la situation des travailleurs de nuit. Tout comme l'opinion publique du XIXe siècle s'était

9 Lorsque la chambre des députés débat pour la première fois autour des accidents du travail en mars 1883, elle le fait suite à l'explosion d'une cartoucherie au Mont Valérien.

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emparée de la question de la santé physique des ouvriers, l'opinion publique du XXIe siècle s'empare de la question de la santé mentale des travailleurs, résultat direct des profondes métamorphoses du travail. Le risque mental peut en effet amener à des conséquences dramatiques pour le travailleur, dont l'expression ultime est le suicide. Le vocabulaire reste néanmoins encore incertain: risques psychosociaux, troubles psychosociaux, souffrance au travail... A fortiori, ces phénomènes ne font aujourd'hui l'objet d'aucune définition juridique ou législative, conséquence directe de leur difficulté à les cerner. Le ministère du travail les définit comme « des risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et ont, par conséquent, un impact sur le bon fonctionnement des entreprises ». Ces risques sont dits « psychosociaux » car « ils sont à l'interface de l'individu et de sa situation de travail »10.

Cette tentative de définition souligne bien les particularités des troubles naissant de ce type de risque. En effet, ces troubles peuvent tout d'abord puiser leur origine dans des causes de nature très diverse, ce qui rend difficile leur identification, d'autant plus que ces causes peuvent aussi bien être d'origine professionnelle et privée. De plus, ces troubles peuvent mettre en jeu à la fois l'intégrité physique et la santé mentale des salariés tout en révélant parfois un problème d'ordre social, en rapport avec l'organisation de travail et le lien social dans l'entreprise. L'impact est ici double, à la fois individuel (physique et psychologique) mais aussi collectif, ce qui rend la mesure du dommage beaucoup plus délicate.

Les métamorphoses du travail et ces nouveaux risques ne nous amènent-ils pas au coeur d'un changement de paradigme nous obligeant à reposer la question de la réparation ? Peut-on appliquer à ces troubles spécifiques la législation actuelle sur les accidents du travail et maladies professionnelles ? Pour répondre à cette interrogation, il convient de se replacer dans le cadre contemporain des catégories juridiques assurant la mise en œuvre du processus de réparation et s’interroger ainsi sur le rattachement à la summa divisio des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En première analyse, les troubles psychosociaux semblent s'apparenter davantage aux maladies professionnelles. En effet, ils sont généralement liés à un processus très lent, parfois latent et leur cause n'est pas facilement identifiable ( I ). Dans ces hypothèses, le critère de soudaineté exigé pour la qualification d'accident du travail est absent. Pour autant, l'histoire jurisprudentielle témoigne depuis l'adoption de la loi de 1898 d'un profond travail d'interprétation et d’extension, pouvant ouvrir aux troubles psychosociaux la voie de la reconnaissance ( II )

10 http://www.travailler-mieux.gouv.fr/De-quoi-parle-t-on,202.html, consulté le 06/10/2012

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La tentation du rattachement des troubles psychosociaux

à la catégorie de maladie professionnelle: une aporie ? La maladie professionnelle se différencie de l'accident par le critère de

soudaineté. En effet, elle est issue d'un processus plus lent et ceci en raison du temps d'incubation ou du temps de latence avant de se déclarer. De ce fait, l'origine professionnelle de la maladie est beaucoup plus difficile à identifier et à prouver. C'est pourquoi la loi du 25 octobre 1919 a construit une prise en charge individuelle et spécifique de ces maladies en créant une présomption d'imputabilité, évitant au salarié d’avoir à établir le lien causal entre sa pathologie et ce qui est ou fut son activité professionnelle.

L'article L 461-1 CSS dispose en effet que: « Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans la condition mentionnée à ce tableau ». La présomption d'imputabilité est alors au cœur d'un système de classification des maladies par tableaux. Certes, il devra justifier que sa maladie est bien inscrite dans l'un des tableaux, et que sa déclaration a eu lieu pendant le « délai de prise en charge », correspondant à celui dans lequel la pathologie est supposée se déclarer. Les maladies professionnelles sont effet réparties en trois catégories de tableaux selon leur nature. La première concerne les « manifestations morbides d'intoxication aigües ou chroniques ». et la seconde les « infections microbiennes ». Les troubles psychosociaux ne peuvent pas se situer dans ces deux premières catégories de tableaux car l'origine des maladies est d'ordre chimique ou bactériologique. Par contre, on pourrait imaginer leur reconnaissance dans la troisième catégorie, celle des « affections présumées résulter d'une ambiance ou d'attitudes particulières ». S'y trouvent par exemple les « affections articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » dont les troubles-musculosquelettiques. D'avantage ciblée sur l'organisation et l'ambiance de travail, cette catégorie n'est pas incompatible avec les troubles psychosociaux, qui trouvent souvent leur origine dans un problème relationnel, d'ambiance de travail favorisant la concurrence et le travail sous pression. Cependant, aucun tableau ne prend véritablement en compte une atteinte psychologique du salarié ce qui ferme directement la porte de la réparation. Seule la création de nouveaux tableaux par décret pourrait débloquer cette situation.

Enfin, le salarié devra démontrer qu'il a été exposé au risque de manière habituelle, supposant que cette exposition s'étale sur une longue période. Chaque tableau dresse en effet une « liste des travaux susceptibles de provoquer ces maladies ». Pour certains tableaux, la liste n'est qu'indicative (manifestations morbides d'intoxication aiguës ou chroniques). Pour d'autres, la liste est limitative (infections microbiennes et celles résultant d'une ambiance ou d'attitudes particulières) et ce caractère limitatif s'impose au juge, fermant un peu plus l'accès au troubles psychosociaux. Ceux-ci ont la particularité de pouvoir toucher toutes les professions même si certaines y sont plus sensibles (les métiers de la

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communications par exemple). Il est donc difficile de délimiter les types de travaux susceptibles de les provoquer.

Par contre, et ce point serait plutôt favorable à leur reconnaissance, il n'est pas nécessaire que cette exposition atteigne une certaine intensité ni que les travaux en question constituent une part prépondérante de l'activité du salarié11. Ces solutions jurisprudentielles minimisent la question du lien de causalité en admettant que les travaux déclencheurs ne soient pas les travaux principaux du salariés. Mais globalement, ce système de classification par tableaux montre dans sa construction une certaine forme de rigidité qui le rend peu adapté aux risques pycho-sociaux.

Il apparaît donc aujourd’hui difficile d’assurer la prise en charge des risques psychosociaux par le système de tableaux de reconnaissance des maladies professionnelles sauf à modifier ou à instaurer de nouveaux tableaux. La voie ne semble pas fermée si l'on considère que du point de vue international, l'OIT a ajouté en 2010 à sa « liste de maladies professionnelles de l'Organisation internationale du travail » une nouvelle catégorie: les « troubles mentaux et du comportement ». Elle comporte l' « état de stress post-traumatique », et les troubles dont « un lien direct a été scientifiquement établi ou déterminé par des méthodes conformes aux conditions et à la pratique nationales entre l'exposition à des facteurs de risques, résultant d'activités professionnelles, et le ou les troubles mentaux ou du comportement dont le travailleur est atteint ». Cette initiative démontre clairement le besoin de prise en compte de ces nouveaux risques dans la sphère juridique, et ce, parce qu'ils font aujourd'hui partie intégrante de la réalité sociale12.

Mais d’ores et déjà en droit est il permis d’envisager la mobilisation du système complémentaire de réparation en vue de réparer les conséquences de troubles psychosociaux ; encore faut il que la victime établisse dans le cadre de l’expertise individuelle que la maladie a été « essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime »13 et a entrainé le décès ou une incapacité permanente partielle d'au moins 25%.

Ainsi dans l’état actuel du droit, la voie de la qualification de maladie

11 C. cass, 2e civ., 8 octobre 2009, n°08-17005 : « Attendu que, pour débouter l'assurée de sa demande, l'arrêt retient que si, dans le cadre de son activité de livraison de pain, Mme Y... doit régulièrement manipuler le hayon et la porte latérale du véhicule mis à sa disposition par son employeur, le compte rendu établi conjointement par ce dernier et sa salariée démontre que ces gestes ne constituent pas la plus grande partie de sa posture de travail consacrée par ailleurs au service des clients, à la conduite du véhicule, ainsi qu'au chargement et déchargement de celui ci ; Qu'en statuant ainsi, alors que, selon le tableau 57 A annexé à l'article R. 461 3 du code de la sécurité sociale, est présumée maladie professionnelle la tendinopathie de la coiffe des rotateurs lorsque le salarié effectue des travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule, et que le caractère habituel de ces travaux n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante de l'activité du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

12 « Cette nouvelle liste de maladies professionnelles reflète l’évolution technique dans l’identification et la reconnaissance des maladies professionnelle dans le monde d’aujourd’hui. Elle indique clairement où la prévention et la protection devraient avoir lieu. Cette liste de l’OIT représente le dernier consensus mondial sur les maladies reconnues au niveau international en tant que maladies causées par le travail » Liste des maladies professionnelles de l'OIT, révisée en 2010.

13 Article L. 461-1 CSS

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professionnelle semble impuissante à assurer la réparation des toutes les conséquences des risques psychosociaux conduisant à se demander si la qualification d’accident du travail n’offre pas, compte tenu de son histoire, une malléabilité permettant la prise en compte des atteintes à la santé mentale des travailleurs.

Le rattachement des troubles psychosociaux à la

catégorie d’accident du travail: une solution pertinente ? Depuis l'adoption de la loi de 1898, la notion d'accident du travail n'a cessé

d'être retravaillée. Elle est aujourd'hui définie à l'article L. 411-1 du code de la Sécurité sociale en ces termes: « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

La qualification juridique d'accident du travail semble ici reposer essentiellement sur l'existence d'une cause accidentelle, en lien avec le travail. Pour autant, cette définition reste évasive, laissant un large espace d'interprétation pour les juges. Ceux-ci auront, dès l'adoption de la loi de 1898, une mission d'éclaircissement et d'approfondissement de ces éléments, l'objectif étant la réparation d'un maximum d'accidents14. Cette activité d’interprétation s’est poursuivie tout au long du 20ème d’une façon homogène et affectant toutes les composantes de la définition.

Les juges ont longtemps gardé une interprétation harmonieuse de la cause accidentelle, celle-ci reposant sur les critères d'extériorité, de violence et de soudaineté15. Cette position jurisprudentielle sera maintenue jusque dans les années 1960, période à laquelle les critères d'extériorité et de violence seront abandonnés16 au profit du critère unique de soudaineté. L'accident du travail est alors défini par la jurisprudence comme « tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et qui est à l'origine d'une lésion corporelle »17.

14 Dans cette optique, la Cour de cassation avait rapidement commencé ce travail dans un arrêt du 21 février 1912 en déclarant que l'accident du travail se caractérise par « toute lésion corporelle résultant de l'action soudaine et violente d'une cause extérieure, au temps et sur le lieu de travail de la victime ». Plusieurs points sont ici détaillés. Tout d'abord les juges précisent que l'accident du travail suppose l'existence d'une lésion corporelle. Cette notion n'était pas présent dans la lettre de l'article 1er de la loi de 1898. De plus, les juges précisent que la cause de l'accident doit à la fois être extérieure (c'est-à-dire non endogène), violente et soudaine. Enfin, les juges réduisent l'expression « par le fait ou à l'occasion du travail » par « au temps et au lieu de travail ».

15 En effet, la cour de cassation définissait l'accident du travail comme une « « action violente et soudaine d'une cause extérieure provocant au cours du travail, une lésion de l'organisme humain ». Ccass, chbres réunies, 7 avril 1921 ; Ccass, 20 mars 1952

16 C. cass, Ass. pl. 21 mars 1969 17 C. cass soc 24 avril 1969

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Ce critère de soudaineté qui trace la ligne de partage entre l’accident et la maladie a cependant été atténué au fil du temps18. La frontière entre accidents du travail et maladies professionnelles devient de ce fait moins nette. Pareille interprétation pourrait s’avérer plutôt favorable à la reconnaissance des troubles psychosociaux, d'autant que la jurisprudence accepte une « série d'évènements ». On peut par exemple plus facilement imaginer la réparation des faits répétés de harcèlement moral. Il suffirait au salarié d'apporter la survenance de faits survenus à des dates certaines, tâche beaucoup plus facile que d'apporter la preuve de leur soudaineté.

Le critère de soudaineté n'est pour autant pas abandonné, comme le montre une décision postérieure de quelques mois à propos d’un salarié atteint d'une dépression nerveuse soudaine, survenue à la suite d'un entretien d'évaluation, est victime d'un accident du travail19. La soudaineté y est invoquée mais elle n'est pas appliquée à la cause, mais à la lésion, créant alors mécaniquement une présomption d'imputabilité entre celle-ci et la cause accidentelle. Cela signifie que selon les situations, et pour éviter les cas où la cause de l'accident serait difficilement identifiable, le critère de soudaineté sera soit appliqué à la cause accidentelle soit à la lésion. Dans le cas des troubles psychosociaux, cette interprétation marque une réelle avancée car l'origine de ces troubles, et leur soudaineté, sont souvent difficiles à démontrer. Il suffira alors d'établir la soudaineté de l'apparition de la lésion20. L'expression « quelle qu'en soit la cause » posée par l'article L. 411-1 du CSS laisse également une large fenêtre d'interprétation telle qu'elle pourrait intégrer les atteintes à la santé mentale. En effet, la cause de la lésion peut être de nature très variée. Il peut s'agir par exemple de l'action des machines, des outils, mais aussi d'une agression d'un collègue21, d'un assassinat22, d'une vaccination, du comportement du salarié23, d'un harcèlement moral provoquant un suicide.

Concernant la notion même de lésion corporelle, la jurisprudence n’exclut plus les atteintes psychologiques24 ayant au passage abandonné les critères d’étendue, 18 En effet, dans un arrêt du 2 avril 2003, la cour de cassation modére fortement la portée du critère de soudaineté (Ccass. Soc. 2 avril 2003, n° 00-21769). Cette décision soulèvera d'ailleurs un débat sur la question du maintien ou non de ce critère dans la définition de l'accident du travail. En l'espèce, un salarié victime d'une sclérose en plaques, non survenue soudainement, semblaient avoir contracté la maladie suite à une vaccination contre l'hépatite B, imposée par l'employeur. La cour de cassation a alors censuré la décision de refus d'application de la législation sur l'accident du travail de la cour d'appel, aux motifs que : « constitue un accident du travail un événement ou une série d'évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il résulte une lésion corporelle ».

19C. cass 2e civ., 1er juillet 2003, n° 02-30576 : « Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail ; qu'ayant constaté que M. X... avait été atteint d'une dépression nerveuse soudaine dans de telles conditions, la cour d'appel a estimé, sans encourir les griefs du moyen, qu'il avait été victime d'un accident du travail »

20 C. cass 2e civ, 24 mai 2005, n°03-30480 : « Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les faits qui lui étaient soumis, a estimé, sans modifier les termes du litige, que M. X... ne rapportait pas la preuve de ce que l'arrêt de travail prescrit le 22 mars 2000 ait été causé par une brutale altération de ses facultés mentales, en relation avec les événements invoqués ».

21 C. cass soc. 6 janvier 1977 ; Ccass soc. 20 février 1980, n° 79-10593 ; Ccass, soc ;, 12 juillet 1990 22 C. cass.soc. 10 juin 1987, n° 85-16.868 23 C. cass. Soc. 11 mars 2003 n° 00-21385 24 Cf circulaire DRG, 1329-82 du 2 août 1982 (attaques à main armée) C. cass 2e civ., 1er juillet 2003, n° 02-30576 : la dépression nerveuse soudaine, en relation avec l'entretien d'évaluation a été reconnue comme accident du travail. C .cass 2e civ. 15 juin 2004, n°02-31194 pour l'agression d'un salarié.

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de gravité de la lésion ou sa nature exceptionnelle. L'extension des notions de cause et de lésion s'est doublée d'une simplification de

la preuve du lien de causalité entre la lésion et le travail, par l'instauration d'une présomption d'imputabilité, elle-même objet d'une relecture jurisprudentielle en profondeur. La cause de l'accident du travail et sa soudaineté ne sont en effet pas toujours facilement identifiables. C'est pourquoi la Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 7 avril 1921, a affirmé qu' « une lésion qui se produit par le fait ou à l'occasion du travail doit être considérée, sauf preuve contraire, comme résultant de cet accident »25. Ainsi, a été créée, dans cette situation, une présomption d'imputabilité.

Cela signifie qu'une fois établie la survenance d'une lésion au temps et au lieu de travail, celle-ci est alors présumée imputable au travail, sans que la question de la cause accidentelle et de sa preuve ne vienne poser de difficultés. Cette solution n'est possible que parce que l'on considère qu'au temps et au lieu de travail, la victime est dite « sous l'autorité de l'employeur 26».

Donc, une lésion qui apparaît à cette occasion, « par le fait du travail » a de fortes probabilités pour être en lien avec le travail. Cette présomption n'est pour autant pas irréfragable. La preuve contraire peut être apportée par l'employeur ou la caisse. Mais ceux-ci devront apporter la preuve que la lésion a une origine totalement étrangère au travail27. Cela signifie que même si la lésion a un lien minime avec le travail, la présomption ne pourra pas être renversée, les juges s’employant à reconnaitre une équivalence des conditions dans la production du dommage. Une telle approche est favorable à la reconnaissance des troubles psychosociaux. Elle permet en effet de se contenter d’un lien non exclusif avec le travail pour opérer la reconnaissance du caractère professionnel de l’acte dommageable.

Le travail d'interprétation jurisprudentielle a repoussé d'avantage les limites du champ d’application de la législation spéciale en relativisant les critères du temps et du lieu de travail.28, ou lorsque le comportement du salarié est dû à l'exercice d'une activité profitable à son employeur29. Mais l'interprétation la plus avancée apparaît dans un arrêt du 22 février 2007 dans lequel la Cour de cassation considère que: « un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du travail »30. En effet, il suffit pour le salarié de démontrer le lien entre son dommage et son emploi. Les juges opèrent alors, sans sortir du cadre du texte du Code de la sécurité sociale, un glissement du 25 Cass. ch. réunies, 7 avr. 1921, S. 1922, 1, p. 81, note Sachet 26 C. cass, soc, 28 juin 1962, n°59-50496 27C. cass. Soc. 8 juin 1995, n°93-17804 28 C. cass, soc., 19 juillet 2001, n°99-20603 29 C. cass, soc. 21 mai 1986, 84-17111 30 C. cass, 2e civ. 22 février 2007, n°05-13771 ; en l'espèce, un salarié avait tenté de mettre fin à ses jours à son domicile alors qu'il était en arrêt maladie pour syndrome anxio-dépressif. Au moment du geste suicidaire, il ne se situait pas sur son lieu de travail. De plus, son contrat de travail était suspendu donc il n'était pas non plus en temps de travail. Mais les circonstances de l'accident laissaient apercevoir un lien étroit avec l'emploi. En effet, les relations de travail s'étaient dégradées de façon continue (« l'équilibre psychologique du salarié avait été gravement compromis »).

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« lien d'autorité » vers le « lien avec l'emploi », celui-ci pouvant prendre en compte d'avantage de situations. Alors que temps et lieu de travail étaient compatibles avec l'expression « à l'occasion du travail » de l'article L. 411-1 CSS, le lien entre travail et emploi reste compatible avec l'expression « par le fait du travail ».

Cet arrêt apparaît comme un vrai tournant en matière d'accident du travail car il allège la charge de la preuve pour le salarié mais permet également la prise en compte de troubles mentaux, pouvant se déclarer en dehors du temps et du lieu de travail.

En guise de conclusion provisoire L’interprétation extensive de chacun des critères de l'accident du travail crée les

conditions d’une meilleure réparation des troubles psychosociaux. Même si les catégories juridiques qui structurent le droit de la réparation des risques professionnels ne sont pas extensibles à l'infini, tout laisse à penser que, tout comme au XIXe siècle, lorsque le droit commun de la responsabilité civile avait laissé place à un droit spécial de la réparation du risque professionnel, un changement de paradigme se laisse aujourd'hui pressentir. Pour l’instant, les juges qui souhaitent réparer les conséquences des atteintes à la santé mentale sont dans l’obligation de se livrer à une interprétation constructive des textes qui non seulement peuvent être pour le moins inconfortables mais qui surtout laisse une incertitude sur la pérennité des solutions ainsi créées à partir de la catégorie d’accident du travail.

La réparation des atteintes à la santé mentale en milieu de travail incitent alors à s'interroger sur un nouveau dispositif de reconnaissance mais aussi sur une nouvelle idée de la réparation, plus seulement individuelle (pour réparer l'atteinte de l'individu) mais aussi collective (l'atteinte individuelle étant un indice d'un malaise au sein de l'organisation de travail). En d’autres termes, il se pourrait que la pleine réparation du risque d’atteinte à la santé mentale contraigne à imaginer l’entrée dans un nouveau paradigme de la réparation du risque professionnel caractérisée par l’intrication plus complète du collectif et de l’individuel et le dépassement de la division classique en droit de la santé en milieu de travail entre prévention et réparation.

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RECONFIGURATIONS PROFESSIONNELLES

ET DÉVELOPPEMENT SALARIAL DANS L’ASSOCIATIF EN BELGIQUE

Pierre ARTOIS Aspirant FNRS, Université Libre de Bruxelles Institut de Sociologie, Bruxelles - Belgique

Abstract: This article presents a socio-historical lecture about the constitution of the

non-profit sector in Belgium. It begins by defining the concept of non-profit and then examine the emergence of wage labor, characteristic of the sector structuration, leading to the professionalization process at different levels and conflictualization of social relations between salaried and volunteer.

Keywords: Non profit sector – professionalization –salarization –volunteering – public policies

1. La constitution du secteur non marchand en Belgique S’intéresser au secteur non marchand est problématique au point de vue

méthodologique et conceptuel. Nous en voulons pour preuve les différences quant à l’usage institutionnel. Là où certains chercheurs utiliseront la dénomination non marchand, d’autres utiliseront le terme d’économie sociale et solidaire, économie quaternaire, tiers secteur, secteur à profit social, … Or, ces différentes conceptualisations ne renvoient pas à une même délimitation de ce que constitue le hors activité lucratives.

Du point de vue économique, on définit le secteur non marchand comme l’ensemble des organisations économiques qui conjointement poursuivent tant une « finalité non lucrative » que « recourent à d’autres types de ressources que celles de la vente » (Marée et Mertens, 2002). Dès lors, le cadastre de ces organisations se fait, bien souvent, par l’analyse de leur statut juridique que nous regroupons sous l’appellation d’institutions sans but lucratif1.

Ces institutions sans but lucratif reflètent en réalité une mosaïque, composée d’un foisonnement d’associations qui s’est aujourd’hui fait reconnaître comme acteur indispensable par l’autorité subsidiante. Mais comment ce secteur s’est-il constitué pour devenir ce qu’il est aujourd’hui ? Nous proposons une lecture socio-historique du phénomène afin de développer un cadre interprétatif des relations professionnelles

1 S’y retrouve les associations sans but lucratifs, les associations internationales sans but lucratifs, les fondations, et mutualité.

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à travers la montée du salariat dans le secteur associatif, caractéristique du non marchand belge, brouillant les territoires entre salariat et bénévolat.

Ce secteur associatif est récent de par sa constitution mais certaines de ses composantes sont structurées depuis longtemps. En effet, les associations ont participé depuis la naissance de l’Etat belge aux missions de service à la population. Elles s’organisaient sur base des réseaux transcendant la société belge que l’on nomme des piliers (Dumont, 1999). Ils sont au nombre de trois: le premier et plus ancien basé sur l’Eglise catholique s’est à présent déconfessionnalisé et reste prégnant au nord du pays. Le second, le pilier libéral s’est constitué face au premier dans une mouvance au départ anticléricale, qui lui a valu son succès à l’époque pour ensuite se tasser mais conserver un côté simplement laïc. Le troisième, greffé au mouvement socialiste s’est développé fin du 19ème siècle et a rapidement soutenu et remplacé in fine le second dans l’opposition face à la mainmise du mouvement catholique en Belgique. Cette pilarisation de la société belge a joué un rôle tant de structuration que de cloisonnement. Cette structure qu’est la pilarisation s’inscrit elle-même dans le système plus large de la « liberté subsidié » (Lacrosse, 1997) qui prévalait tant au sein des gouvernements libéraux que catholiques. Le principe était simple et une conséquence de la volonté de libéralisme politique qui a marqué la création de la Belgique. L’Etat finance des initiatives d’associations ou institutions privées qui dessinent alors la politique dans le domaine de l’intervention sociale.

Ce système a perduré durant des décennies par l’intermédiaire de la décentralisation due aux réformes de l’Etat Belge et par la territorialisation du social (Hamzaoui, 2002) qui le place sous l’égide des pouvoirs locaux.

Tour à tour, les changements de paradigme politique et la continuité de relation ont fait rentrer les associations « dans un système de collaboration structurelle avec l’Etat et ont accepté de se soumettre, en échange de subventions à leurs activités d’intérêt public, aux règles s’imposant au service public: égalité de traitement des citoyens, continuité du service et gratuité »2. De la sorte, le bénévolat devient une forme d’instrument de la politique publique, changeant le cadre d’exercice de l’activité en le faisant passer du concept de liberté subsidiée à un contrôle, un encadrement des activités.

Dès les années 70, les gouvernements en Belgique ont pris conscience de besoins collectifs non satisfaits tel l’exemple des maisons de repos. Ces nouveaux besoins sont la résultante de l’éclatement entre l’espace familial et professionnel. Le monde du non marchand non encore structuré apparait alors comme le secteur idéal pour créer de l’emploi par des contrats atypiques, subventionnés et autres (Castel, 2007). En relisant les annales parlementaires on constate que la conception

2 Krzeslo E. et Plasman O., « Le secteur non marchand associatif en Belgique, constitution d’un secteur para-public », pp.163-177 in Engels X. et al. (sous la dir. de), 2006, De l’intérêt général à l’utilité sociale, Paris, l’Harmattan, p.164.

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de ces mesures en fait des emplois de transition pour les jeunes afin de développer leurs employabilités.

Le contexte de la deuxième moitié des années septante a constitué un tournant majeur dans l’avènement du secteur. L’Etat, plongé dans la crise qui frappe durement l’Europe, entame une marchandisation des activités résultant des politiques sociales qu’il émet. L’autorité étatique délègue la mise en œuvre de ses politiques sociales à une composante du secteur privé. Ce secteur privé, dont les visées sont non lucratives, caractère qui renforce la confiance dans cette nouvelle forme d’application, se verra fortement aidé par la création d’emplois subsidiés et la volonté de reconnaissance de la professionnalité des travailleurs de ce secteur3.

La prégnance du modèle néo-libéral, qui s’est développé ultérieurement, a conforté cette forme de délégation de l’activité en poussant les politiques de l’emploi elles-mêmes liées aux politiques sociales dont le mot d’ordre est l’insertion et la cohésion sociale, sur base des injonctions européennes d’aller vers plus de flexicurité sur le marché du travail inspirée de la notion de marchés transitionnels développée au courant des années 1990 par Günther Schmidt4 a favorisé les recherches à partir de ces concepts. Ces transitions, qui peuvent parfois se révéler excluantes, sont gérées en Belgique par deux piliers. Un premier, lié au travail, touche à la sécurité sociale. Un second, de plus en plus usité relève du secteur non-marchand.

Au fur et à mesure vont se mettre en place différents dispositifs d’emplois aidés, tel les fameux APE, Aide à la Promotion de l’Emploi, mis en place en 2003, ils vont foisonner et faire glisser ces politiques du « curatif au préventif » (Krzeslo et Plasman 2006, 166). Il n’y aura donc plus de publics cibles mais une ouverture des mesures à tout demandeur d’emploi. De plus, les Régions en Belgique par différents décrets vont favoriser « l’octroi d’aide pour des périodes indéterminées concernant les postes de travail structurels »5. On passe donc d’une politique de placement temporaire des chômeurs pour qu’ils retrouvent ultérieurement un emploi, dit « normal », à une politique de développement du secteur non marchand, associatif ou non.

Cet effet d’accroissement par le salariat a entrainé également un développement des relations collectives de travail, basé paradoxalement, mais il s’agit là d’un paradoxe apparent, sur le modèle du monde marchand. Dès le départ, les organisations syndicales ont mené une stratégie unificatrice avec comme 3 Ces emplois subsidiés existaient en tant qu’instrument depuis les années 60 et vont servir en tant que véritable vecteur de structuration du secteur.

4 Schmid G. et Gazier B. (sous la dir.), 2002, The Dynamics of Full Employment: Social Integration Through Transitional Labour Markets, London, Edward Elgar Publishing Ltd, 480p.

5 Nous renvoyons le lecteur, entre autre, à l’Avis A.1001 du Conseil Economique et Social de la Région Wallonne (CESRW) relatif aux aides à la promotion de l’emploi et au programme de transition professionnelle 16p., qui explicite le « Projet de décret relatifs aux aides visant à favoriser l’engagement de demandeurs d’emplois inoccupés par les pouvoirs locaux, régionaux et communautaires, par certains employeurs du secteur non marchand, de l’enseignement et du secteur marchand », adopté par le Parlement Wallon en sa séance du 8 juin 2001, Session 2001-2002, 289 n°1, 162p.

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finalité la reconnaissance du secteur (Dryon et Krzeslo, 2003). Mais ce n’est que dans le courant des années 90 que s’effectue la prise de conscience du rôle social et du potentiel d’emploi. Du côté des employeurs, des organisations se créent par regroupements par sous-secteurs suivant des intérêts égoïstiques. La cacophonie est souvent à l’ordre du jour. Mais le 29 juin 1994, la plupart de ces associations se regroupe et créée la CENM, Confédération des Entreprises Non Marchandes qui deviendra en 2008 l’UNISOC, L’Union des Entreprises à Profit Social.

Ce développement n’a pas été sans conséquences. Il a joué un rôle normalisateur pour le secteur à travers l’harmonisation des statuts des travailleurs, l’élimination de discriminations salariales par la reconnaissance de qualifications, l’élaboration d’un système de classification de fonctions, …

L’ambiguïté des politiques conduites, oscillant entre réinsertion des demandeurs d’emploi et développement du secteur associatif, objectif pour le moins assez contradictoire en apparence, a mené à de fortes ambivalences. En 2000, 63% des chômeurs de la région Wallonne possédaient au plus un diplôme secondaire inférieur (50,8% pour 2012)6, un amalgame entre travailleurs associatif, via les emplois aidés, et chômeurs apparut comme inéluctable. « La légitimité sociétale de ces services, indépendamment du mérite des personnes qui en ont la charge, s’en trouve posée. D’une part, la moindre légitimité de ces personnes en insertion, apprenant leur métier, dévalorise aux yeux des usagers ces activités de services ; et cette dévalorisation entraine une moindre qualification sociale des associations qui les mettent en œuvre. »7.

Or, une analyse de la ventilation de l’aide entre les différents secteurs avait été faite par Estelle Krzeslo8. Et chose curieuse, au plus le niveau du diplôme des personnes est élevé, au plus ces individus avaient de chance de décrocher un emploi subsidié. Les individus engagés ont donc servis de personnel qualifié d’encadrement et ont de facto favorisé la structuration du secteur.

De plus, un autre amalgame participait à ces ambivalences. L’imaginaire collectif continuait à penser le monde associatif comme un monde en dehors du marché du travail, basé sur une logique du don. Or ce travail associatif est basé à présent sur une logique rémunératoire via son entrée dans la sphère marchande. Ce travail salarial était un impensé du monde associatif jusqu’à récemment. Les travaux des chercheurs appliquant la sociologie du travail en considérant le monde associatif comme un monde de travail ne date que de la seconde moitié de la décennie passée9.

6 Source : Rapport du Service Public Wallon de l’Emploi et de la Formation (Forem) sur la situation du marché de l’emploi wallon (octobre 2012).

7 Laville J-L. et al. (sous la dir.), 2001, Association, démocratie et société civile, Paris, La Découverte, p.52.

8 Nous renvoyons ici le lecteur à Krzeslo E., 2001, « Création d'emplois ou dérégulation - La vocation ambiguë de l'économie sociale ? », Canadian Journal of Law and Society, vol.16, n°2, pp.83-100.

9 Une des premières à avoir émis l’idée est Maud Simonet dans un article de 2004 : Simonet M., 2004, « Penser le bénévolat comme travail pour repenser la sociologie du travail », Revue de l’IRES, n°44, pp. 141-155.

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Se faisant, il devient clair que le travail associatif ne peut plus être étudié uniquement par le biais du bénévolat. La question de la valorisation devient donc cruciale. Ces ambivalences sont aussi source d’un différentiel de salaire étudié par Matthieu Hély. Le salaire est dévalorisé par la non-reconnaissance de l’utilité sociale des activités10.

On constate donc bien que toutes ces ambiguïtés révèlent la « confusion » (Laville et al., 2001) entourant le salariat associatif, oscillant entre l’utilité sociale de ces services dus aux nouveaux besoin sociaux et son utilisation comme mécanisme d’insertion socio-professionnelle, d’où le recours à des processus de professionnalisation pour légitimer tant la structuration du secteur, que les individus y travaillant.

2. La professionnalisation comme réponse La rationalisation de l’activité, induite par l’émergence du salariat appelle de facto

un besoin de professionnalisation. Ces processus, quant à eux, accélèrent d’autant plus la transformation du monde associatif (Bernardeau-Moreau et Hély 2007).

Pour constituer une profession, un groupe social doit se professionnaliser. Or, parler de professionnalisation peut receler un piège conceptuel ; en effet, il s’agit d’un terme polysémique. Le concept de professionnalisation est utilisé pour analyser des phénomènes problématiques, disparates, hétérogènes. Didier Demazière la définit comme: « un processus dialectique impliquant d’une part les travailleurs engagés dans une activité donnée et d’autre part divers acteurs avec lesquels ils interagissent pour accomplir leur travail (…) L’ensemble de ces acteurs forme une configuration professionnelle »11. Le concept de professionnalisation renvoie alors à un phénomène plus englobant que la reconnaissance du groupe, souvent illustrée dans la littérature, qu’est: « la diffusion de normes de professionnalité »12. Pour François Aballea, cette professionnalité, soit une expertise normée13, agit comme facteur de construction et de légitimation de la profession, parfois sanctionné par un cursus de formation certifiant la qualification.

Sur cette assise théorique, la professionnalisation apparaît comme un processus en perpétuelle évolution où les membres du groupe professionnel cherchent à détenir les critères d’évaluation de leur travail à l’aune des demandes externes qui leur sont adressées ; un cursus de formation pouvant sanctionner la qualification et même l’institutionnaliser par l’entremise de l’autorité étatique.

10 Hély M., 2009, Les métamorphoses du monde associatif, Paris, PUF, coll. « Le lien social », 309p. 11 Demaziere D., 2009, « Professionnalisations problématiques et problématiques de la professionnalisation », Formation-Emploi, n°101, p. 88.

12 Ibidem. 13 Nous renvoyons ici le lecteur aux travaux de François Aballéa, entre autre : Aballéa, 2007, « Le travail social, premier échec de la professionnalisation de la sociologie », Vie Sociale, n°4, pp. 109-127.

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Ces différents processus de professionnalisation peuvent se porter à différents niveaux14, que ce soit au niveau des savoirs, de la formation, de l’activité, du groupe ou des individus. La professionnalisation du groupe, nous explique Wittorsky (2005) passe par la création d’une association professionnelle qui est une synécure ; viennent ensuite des conflits entre ancienne et nouvelle génération au sein de la profession, d’une compétition avec les autres groupes professionnels. Ce qu’on constate, dans le secteur non marchand, c’est la construction d’organes de régulation, et gestion du corps professionnel à travers les instances de la concertation sociale ou pour certains sous-secteurs spécifiques par des associations professionnelles de métier. Ces-dernières s’engageront longuement dans un processus de socialisation professionnelle entrainant une construction de l’identité professionnelle tant par l’acquisition de savoirs technique que par l’identification à un rôle professionnel.

La professionnalisation des bénévoles rend alors la frontière entre bénévolat et salariat d’autant plus poreuse que la substitution entre bénévole et salarié devient plus aisée (Fourdrignier, 2010).

L’autre grand vecteur de professionnalisation du secteur a été induit par le biais de l’activité. Il s’agirait du passage de l’amateurisme à l’exercice à titre principal que l’on peut associer à une phase de salarisation, d’entrée dans un système réglé15. Wittorsky (2005) rajoute que cette phase passe par « l’universitarisation » de sa formation professionnelle. En découle une rationalisation de la pratique par l’acquisition de savoirs de haut niveau produits par les universitaires de la profession. Or, les formations de niveaux supérieures spécifiques aux activités du non marchand se sont développées à la même période. Dès lors, le fait de salariser entraîne un brouillage des frontières (Flahault, Dussuet et al., 2009) entre la figure du bénévole et celle du salarié.

3. Travailler dans le non marchand, un emploi comme un autre ? La question de la croissance de l’emploi en Belgique s’explique en partie par

ce cadre historique décrit précédemment. L’emploi est vecteur d’insertion pour une partie de la population dont l’employabilité ne serait pas élevée. Ce constat, préjugé des politiques de résorption du chômage en vigueur depuis les années 60, est à contre sens de la réalité présente. Les travailleurs du secteur non marchand sont mieux formés16 que les travailleurs des secteurs marchands. Les besoins

14 Nous renvoyons le lecteur à Wittorski R. (coordonné par), 2005, Formation, travail et professionnalisation, Paris, L’Harmattan, 205p.

15 Robert Castel parlait de cette façon de la salarisation : « l’entrée dans un système réglé ». in Castel R., 1999, Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, Paris, Fayard, 490p.

16 La proportion de diplômés de l’enseignement supérieur, court ou long, universitaire ou non, est plus élevée dans le secteur non marchand que dans le secteur marchand par exemple, excepté pour le sous-secteur de la Commission Paritaire 318 des aides familiales et seniors. Pour une lecture plus approfondie, nous renvoyons aux photos sectorielles développées par les acteurs sociaux au sein de leur commission paritaire.

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cruciaux en compétences, multidisciplinaires et transversales (Eme et Laville, 1999), offrent des possibilités de formation qui intéressent les entrants sur le marché du travail. « Travailler dans l’économie sociale et solidaire est ainsi devenu une aspiration forte parmi les jeunes diplômés »17. Comment pourrait-on parler de trajectoires alternatives alors que l’Etat impulse la constitution et le développement du non marchand à travers des politiques structurelles. Qui plus est, les compétences sont transférables entre la pratique professionnelle et celle bénévole (Bernardeau et Hély, 2007), ce qui tend à accentuer d’autant plus le nombre d’emploi dans ce secteur malgré un niveau de salaire moins attractif que la moyenne intersectorielle. À ce propos, Flahault, Dussuet et al. (2009) montrent que « c’est dans leur rapport au travail lui-même que les salariés associatifs paraissent trouver des motifs de satisfaction, et non dans les contreparties monétaires qu’il implique »18.

Cette particularité du rapport au travail pose la question de savoir si l’engagement, qui est l’apanage de la pratique bénévole ne devient pas une injonction pour les salariés de l’associatif ? L’engagement, s’est le plus souvent étudié sous la loupe de la sociologie politique, or selon Ferrand-Bechmann (2011) l’engagement associatif doit être entendu comme une implication de la part des bénévoles. Ils offrent de leur temps mais, comme le souligne l’auteur veulent rester libre. Norbert Alter (2002) a appliqué la théorie du don à une sociologie du travail et mentionne que nous sommes dans un phénomène social total au sens où l’entendait Marcel Mauss (Tarot, 2003), où donner oblige l’autre à rendre en échange, processus faisant sens car à travers cet échange social, le don permet la coopération qui est source d’efficacité au sein du monde du travail (Alter 2002).

Or, la rationalisation des institutions du secteur non marchand marquée par le recours, de plus en plus fréquent, à des normes gestionnaires conduit à encastrer les pratiques dans des modèles d’évaluation et de management modifiant les conditions d’adhésion aux activités développées par lesdites institutions. « Comme si l’engagement associatif nécessitait désormais une véritable spécialisation qui ne laisserait plus le temps à la dispersion des adhésions »19.

De plus, «°L’effacement des frontières entre travail bénévole et travail salarié dans le sens où, quel que soit le statut, cet impératif de « don » s’impose de fait à tous »20 est problématique et ouvre la porte à des dérives possibles. Le bénévolat fait donc appel à des compétences spécifiques mais influence négativement le

17 Hély M., 2010, « Le travail « d’utilité sociale » dans le monde associatif », Management et Avenir, n°40, p. 209.

18 Flahault, Dussuet et al., 2009, « Quelle gestion des ressources humaines dans l’économie sociale ? Entre bénévolat et professionnalisation : la place du travail dans les associations », ESO Travaux et documents, n°28, p. 72.

19 Bernardeau et Hély, 2007, « Transformations et inerties du bénévolat associatif sur la période 1982-2002 », Sociologies pratiques, n°15, p. 21.

20 FALCOZ M. et WALTER E., 2009, « Être salarié dans un club sportif : une posture problématique », Formation-emploi, n°108, p. 34.

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salariat « qui se construit au nom des valeurs associatives »21. Le salarié associatif doit alors non seulement composer, comme n’importe quel autre salarié avec les contraintes de son contrat de travail mais doit également répondre, au nom des valeurs associatives, ou plus spécifiquement au projet politique de l’association, à cette injonction à l’implication et au don de soi. Ces ambivalences créent donc un risque de précarisation des formes salariales dans l’associatif (Ughetto et Combes, 2010) tant au niveau du statut que des conditions d’emploi.

Cette discussion de l’injonction à l’engagement, qui dans le cadre associatif oscille entre le travail et les valeurs, entre dans le cadre plus global de l’injonction au professionnalisme pour reprendre les mots de Valérie Boussard22. Le professionnalisme est un terme polysémique qui renvoie tant à la conception d’une éthique professionnelle « défendue par les travailleurs maîtrisant une expertise » qu’à « l’expression de nouvelles normes organisationnelles »23. Or, le monde associatif, présent essentiellement dans le domaine de l’intervention sociale, est en quête de reconnaissance pour se faire reconnaître comme professionnel, cela tant dans une stratégie de valorisation des statuts et de rattrapage salarial, en faisant reconnaître son travail comme d’utilité sociale, mais le travailleur associatif revendique également cette injonction au professionnalisme pour se différencier des autres travailleurs, créant un paradoxe apparent source de nombreuses ambivalences et touchant à son autonomie professionnelle dont il n’a plus la maîtrise.

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21 Flahault, Dussuet et al., 2009, op. cit., p. 69. 22 Boussard, Demaziere et Milburn. (sous la dir. de), 2010, L’injonction au professionnalisme, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 176p.

23 Ibid. p.13.

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LES ELITES POLITIQUES FEMININES

DU CAMEROUN DE 1960-2010: ANALYSE SOCIOLOGIQUE DE LEUR SELECTION

Paulette BAYIHA igac

Institut pour la Gouvernance en Afrique Centrale Resumé: Au Cameroun, les femmes représentent plus de la moitié de la population et

constituent également l’essentiel des effectifs des organisations politiques. Si leur rôle social a considérablement évolué en s’enrichissant depuis l’époque coloniale, l’occupation de l’espace politique relève encore de l’exception. Ainsi, seules quelques femmes arrivent au faîte de l’administration publique bien que l’inégalité de genre en matière d’éducation évoquée pendant la période pré et post coloniale comme justificatif de ce déséquilibre ait été considérablement amoindrie. A compétences égales, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes chances d’accès aux postes de décision dans l’administration publique et la hiérarchie des partis politiques. Pourtant, le Cameroun a ratifié les différents textes internationaux qui ont l’égalité pour principe fondamental et l’a l’inscrite dans le préambule de sa Constitution. Il s’agit de l’égalité de tous, hommes et femmes dans tous les actes de la vie civile. En ce qui concerne les fonctions électives, le constat est le même. Les femmes sont minoritaires et arrivent difficilement à avoir une carrière politique qui s’inscrit dans la durée. Toutefois, il y en a qui arrivent à avoir des trajectoires professionnelles « masculines ». Ce groupe revêt un intérêt particulier et constitue l’objet de cette réflexion. En effet, il y a lieu de questionner les raisons de leur « réussite » ainsi que les critères ayant prévalus pour leur sélection.

Mots cles: selection, discriminations, femmes, elites, administration publique, assemblee nationale

La sélection de l’élite féminine dans la fonction publique Camerounaise

Au Cameroun, les femmes représentent plus de la moitié des militants au sein

des partis politiques et constituent une force de mobilisation importante. Mais leur nombre n’évolue pas avec la qualité de leur position au sein des instances politiques, à cet effet, le quota de 30% des postes politiques préconisé par la conférence de Beijing n’est toujours pas atteint. Toutefois, il existe une portion congrue qui arrive au faît de l’administration publique, et dans les instances de représentation élective. C’est sur ce groupe que nous désignons sous le vocable « d’élite » que porte notre intérêt. Ainsi, notre réflexion va s’articuler autour du thème suivant:

Notre ambition n’est pas de questionner l’écart entre les textes et les différents engagements du Cameroun en matière de représentation des femmes dans la sphère politique, mais d’essayer d’analyser les raisons de choix de ce que nous appellerons ici l’élite politique féminine. Notre réflexion se propose d’analyser la

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sélection de l’élite politique féminine au Cameroun. Quels sont les critères qui déterminent le choix d’une femme à une fonction donnée pour ce qui est des fonctions nominatives ? En ce qui concerne les fonctions électives, qu’est-ce qui motive les femmes à choisir une carrière politique ? Ce choix est il voulu ou subit et quelles en sont les incidences? Une fois recrutées que deviennent les femmes: participent-elles à une conscience féminine ou deviennent –elles des « hommes politiques » ?

L’objet de notre étude est l’analyse sociologique de la sélection des femmes dans les hautes sphères de l’Administration Publique, et à l’Assemblée Nationale. Cette analyse peut varier selon les époques ainsi que le prisme sous lequel elle est faite. D’après Louis Paul Ngongo:

« il n’existe pas d’année zéro: le choix d’une date a toujours quelque chose d’arbitraire. Tout moment historique est en effet rencontre du passé et du futur qui s’y dessine déjà, intersection parfois conflictuelle des groupes multiples et hétérogènes… En fait il n’y a presque jamais de coupure. Si l’on choisit une date, c’est avoir un simple point de repère qui n’a d’ailleurs de sens que pour ce qui l’a rendu possible ou l’a suivi »1

Le cinquantenaire de l’indépendance de certains pays africains a donné lieu l’an dernier à des bilans dans de nombreux domaines. On pourrait inscrire notre réflexion dans cette logique, mais le choix de la période 1960-2010 n’est pas une volonté de suivisme. Cette période met en relief deux modes de gestion des affaires publiques2 et il est fondé d’observer la sélection des femmes dans la haute administration ainsi qu’au parlement pendant les deux ères. Par conséquent, notre pensée sera organisée dans une premier cadre temporel correspondant à la fin du premier régime 1960-1982, le second part de novembre 1982 à 2010.

L’intérêt de la première séquence temporelle permet d’observer si la femme dont le rôle dans la société précoloniale et coloniale bien que varié et complexe d’après une vision anthropologique de Jean Claude Barbier3 a connu des mutations par rapport aux enjeux du moment. En effet, le début des années 70 coïncide avec les préoccupations internationales sur la question de la participation de la femme au développement. Il est donc nécessaire de savoir comment cette question est traduite dans les faits au Cameroun. C’est le lieu de convoquer l’inégalité de genre en matière d’éducation à cette époque qui pourrait expliquer la faible représentativité des femmes. Mais une des fonctions principales des sciences sociales c’est d’aller

1 Ngondo, Louis : Histoire des Institutions et des faits sociaux au Cameroun, Tome I, 1884 1945, Paris berger Levrault, 1987, p. 9

2 Depuis son indépendance en 1960, le Cameroun a été gouverné jusqu’à ce jour par deux chefs d’Etat. Le président Ahidjo, de 1960-1982 et le Président Paul Biya de 1982 à nos jours.

3 Claude Barbier in Femmes du Cameroun, mères pacifiques, femmes rebelles présente le rôle pluriel de la femme camerounaise avant et pendant la colonisation. Il s’agit d’un rôle domestique avec quelques incursions dans la vie publique notamment dans les sociétés centralisées (chefferies, royaumes) où certaines femmes accèdent à des fonctions prestigieuses. Toutefois, leur pouvoir est redouté par les hommes qui usent de tous les subterfuges pour l’amoindrir et les tenir à l’écart de la vie publique.

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au-delà des fausses évidences et de les analyser, car la formation peut-elle être considérée comme le frein à la promotion de la femme ? Ce qui nous conduit à la prise en compte de la seconde période qui va de 1982 à 2010.

Elle se caractérise par une réduction sensible de l’inégalité de genre en matière d’éducation relevée plus haut, par conséquent, le nombre de femmes dans les divers domaines de compétence connaît une nette augmentation. Mais on pourrait se demander avec Max Weber si en égalisant des chances devant l’éducation, on égalise les chances devant la vie, devant l’emploi et devant le statut professionnel. Le déterminant de l’égalité devant l’éducation implique t-il l’égalité devant la vie? Cette question concerne un aspect de notre réflexion, notamment la fonction nominative. A compétences égales, les femmes ont-elles les mêmes chances d’accéder à une haute fonction dans l’administration publique ? Si non quels sont les autres critères de sélection ?

Par ailleurs, cette période connait sur le plan international la ratification de nombreux textes et sur le plan national l’effectivité de certains engagements par le politique. Cet intervalle temporel qui marque également l’introduction de la notion du genre dans les politiques et programmes ainsi que sa prise en compte mérite d’être observé.

Le cadre théorique de ce travail est pluridisciplinaire ou interdisciplinaire dans ce sens que les disciplines auxquelles nous avons recours ont un caractère transversal. Nous aurons ainsi recours à plusieurs disciplines, prioritairement la science politique. Elle analyse les faits sociaux qui ont dans ce contexte une densité politique entendue comme « contingence, activité spécialisée dans une espace d’affrontements entre candidats au pouvoir ». Elle nous permet d’observer le régime politique qui d’après David Easton est « l’ensemble des interactions par lesquelles les objets de valeur sont répartis par voie d’autorité dans les sociétés » jeu des rapports de pouvoir entre les différents individus, les groupes et l’Etat entre les différents scrutins. Elle est une science plurielle dans le sens de Philippe Braud, pour qui « la science politique recouvre la théorie politique, la sociologie politique, la science administrative, les relations internationales »4 . On fera appel à la science administrative pour l’analyse des différentes décisions administratives, notamment le décret du Chef de l’Etat et ceux du président de l’assemblée nationale. Les décrets du chef de l’Etat concerne les fonctions des membres du gouvernement et assimiles, directeurs généraux, secrétaires généraux de ministères et assimiles. Malgré son caractère discrétionnaire, le décret du chef de l’Etat ne peut échapper a toute interrogation sur sa construction et c‘est comme objet scientifique que nous le considérons. Pour les fonctions de parlementaire, l’observation ira de l’organisation interne des partis qui donne lieu à la constitution des listes électorales, au déroulement des primaires jusqu’ au vote. La décision

4 Braud Philippe : « la science politique, Paris, Presses universitaires de France, coll. Que sais-je ? 2007 (9ème édition)

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administrative y relative est le décret du président de l’assemblée portant organisation de la chambre.

Comme angle d’observation, Il s’agit de convoquer la sociologie politique qui étudie les citoyens dans leurs rapports avec l’Etat et ses institutions. Elle analyse les faits sociaux à caractère politique. Il s’agit dans le présent cas du choix par décret et vote de l’élite féminine politique. Cette science se propose d’observer les faits sociaux (décrets et vote) dans l’optique de les objectiver et de les démystifier. Cela aiderait à identifier les relations de pouvoir qui découlent de cette action et à comprendre les raisons qui font agir les différents acteurs. La finalité étant de rendre intelligible la sélection ou la cooptation de l’élite féminine politique au Cameroun.

Notre réflexion emprunte également l’histoire. Il s’agit de l’histoire sociale qui rappelle les faits, elle nous permet de les analyser en relation avec notre questionnement, elle est complétée par l’anthropologie. Cette science nous plonge dans le passé afin de mesurer l’évolution des femmes au dans la haute Administration publique et au parlement. Cette évolution est-elle quantitative ? Quelles en sont les incidences ?

L’exploration de ces différents domaines de science se fera à travers des documents écris, oraux, et prioritairement à travers des récits de vie des éléments de notre cible. La recherche scientifique pouvant être considérée comme une course de relais, il s’agit de partir des réflexions antérieures menées par de nombreux auteurs sur la question pour préciser notre pensée. Ainsi, notre base de travail sera composée d’écrits relatifs au genre et à la politique ; à la formation de l’élite ; à l’Etat au Cameroun ; aux relations de pouvoir, etc. Des recherches exploratoires seront réalisées dans les principales institutions de formation de l’élite camerounaise (l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature, les Ecoles Normales Supérieures, l’Université dans son ensemble). L’assemblée Nationale nous permettra d’analyser les relations de genre en son sein et ce, par législature. Les partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale nous permettront d’analyser les critères de choix de leurs représentantes. Cette recherche qui fera l’objet d’une thèse de doctorat, ainsi circonscrite se propose de s’inscrire à la suite de plusieurs auteurs.

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EQUAL OPPORTUNITIES ON THE LABOUR MARKET

BETWEEN WOMEN AND MEN, IN ROMANIA

University lecturer PH.D. Maria URECHE University "1Decembrie 1918" Alba Iulia Faculty of Law and Social Sciences

Abstract: Gender equality on the labour market in Romania is still a principle which in

practice raises serious problems. Theoretically, consecrated at the practical level the situation is tricky and difficult. The access of women in the professional environment is much more difficult than in the case of men and, on the other hand, wages for a similar job is under 25% in the case of women. considering the celelante aspects of women's involvement in social and family environment in which it operates, the problems generated by national and global economic crisis,gender equality on the labour market still remains a desideratum even if they have made steps in this regard and have been tried, including political charges.

Keywords: labour market in Romania; gender equality; women’job Gender equality must be a central goal of any democratic society which wants

to create a full and equal citizenship rights for all and is intrinsically linked to sustainable development, is vital to the implementation of human rights. Like involves roles, responsibilities, and privileges to socially constructed constraints which are assigned or imposed on women and men in a particular culture. Attitudes and gender-related characteristics, the role played by men and women and the expectations on them varies from one company to another and change from one era to another. The fact that attitudes are constructed by the company means that they can be modified in such a way as to lead to the creation of a fairer and more just and balanced a democracy from the point of view of the genre.

The overall goal of gender equality is the creation of a society in which both women and men enjoy the same opportunities, rights and obligations in all spheres of life. We can say that there is equality between men and women when both sexes are able to equally divide power and influence; to have equal opportunities in terms of financial independence through work and the foundation of its business; to enjoy equal access to education and the opportunity to develop their skills and talents; to share the responsibility for home and children and be free from any coercion, intimidation and acts of violence relating to the genre both at home and at work.

In Romania, the data in the last 50 years shows that the percentage of women in the population as a whole was, on average, more than 50%. Whether in the field of employment, at the end of 1999, women accounted for 46,2% of the total population, which indicates a trend of diminishing differences, others come to

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complete and nuanŃeze this image. Salaries in those sectors where the proportion of women is among the majority of employees are lower than those of men who hold share. Comparable data for Romania in 2007 show that the rate of activity among women was 47,50%. This rate is close to the EU-15 average, but declined since then, reaching 46,60% in 2009 and to 44,12% in 2011.

At EU level, the crisis has affected people differently according to gender and age. While the rate of inactivity of women between the ages of 25 to 64 years and maintained the downward trend from previous years, inactivity rate of men aged 25-64 years increased by 0.2 percentage points. Young adults between the ages of 15-24 years were more affected. This trend is particularly characteristic of men whose inactivity rate rose 0.6 percentage points during the period of 2011-2012. In order to increase the employment rate of women in Romania, the national strategy for equal opportunities between women and men 2010-2012 provides that specific targets to reduce the gender gap in pay and encouraging reconciliation of family life with professional life.

Equality in European law • The universality of the right to equality and protection against discrimination • Gender equality-a fundamental law in the Council of Europe and the European

Union • Treaty of Rome (1957), the principle of equal pay for equal work • The Amsterdam Treaty (1997)-non-discrimination on grounds of sex • EU Charter of fundamental rights (2000) – prohibits discrimination on

grounds of sex • Directive 76/207/EEC — principle of equal treatment between men and

women as regards access to employmenttraining and promotion, and working conditions

• Directive 86/613/EEC — principle of equal treatment between women and men who are self-employed, including agriculture and the protection of motherhood; repealed by Council directive 2010/45/EU of the European Parliament and of the Council of 7 July 2010 on the application of the principle of equal treatment between men and women performing a self-employment

• Directive 92/85/EEC introduction of measures to encourage improvements in the safety and health at work in the case of lucratoarelor pregnant, who have recently given birth or who are breastfeeding

• Directive 2000/78/EC – to create a general framework for equal treatment in relation to employment and employment; the definition of direct and indirect discrimination

• Directive 2006/54/EC – principle of equal opportunities and equal treatment between men and women in matters of employment; also known as recasting directive whereas simplified and modernized the existing legislative framework the European

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Commission's communication entitled roadmap for equality between women and men 2006-2010 – 6 priority axes of EU action in the field of gender equality

• Directive 2010/18/EU of implementing the revised framework agreement on parental leave (OJ L 68, 18.3.2010, p. 13)

• Women's Charter (2010) – five priority areas of action for Equality Strategy between women and men 2010-2015

The Universal Declaration of human rights and the United Nations Convention on the Elimination of all forms of discrimination and recognize the right to equality before the law and protection against discrimination as universal rights. At the same time, the International Labour Organization prohibit discrimination in respect of employment and occupation. In the framework of the Council of Europe, gender equality is an integral part of human rights and a criterion for democracy. Article 14 of the European Convention on human rights (CEDO) was established in 1950, the prohibition on discrimination based on gender in relation to the rights contained in the Convention. Protocol 12 to the Convention, entered into force in April 2005, is an important step forward in the process of strengthening equality between men and women by providing a general prohibition of discrimination by any public authority, on the grounds of sex in relation to the exercise of any right provided by law, and not only the rights and freedoms enshrined in the CEDO.

The most important legal instrument for economic and social rights guaranteed by the Council of Europe, the European Social Charter strengthens equality between women and men, in article 20 that "the effective exercise of the right to equal opportunities and treatment in matters of employment and occupation without discrimination on grounds of sex, the parties undertake to recognise that right and to take appropriate measures to ensure and promote its application" in relation to access to employment, protection against dismissal and occupational reintegration, orientation and vocational training, retraining and occupational rehabilitation, the conditions of employment and working conditions, including remuneration, career development, including promotion.

The right to equality of opportunity is a fundamental right in the European Union, this being taken all the necessary measures for combating discrimination and promoting equality between women and men. Normative framework in the field of equality and discrimination has been created on the basis of the principle of the free movement of workers under the Treaty of Rome (1957). According to this principle it is forbidden to employees of Member States on the grounds of nationality. He also introduced the principle of equal salary for equal work.

The Treaty of Amsterdam (1997) the adoption by the Member States of the European Community of all appropriate means to fight against discrimination on grounds of sex, race, ethnicity, religion, beliefs, disabilities, age or sexual orientation.

Another document of the EU it is stipulated the right to equal opportunities is the Charter of fundamental rights of the European Union (2000). This document stipulates that all persons are equal before the law and prohibits any form of

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discrimination, including discrimination on grounds of sex, race, colour, ethnic or social origin, genetic features, language, religion or beliefs, aliens or other, belonging to a national minority, property, birth, disability, age or sexual orientation.

Over the course of time have been issued a series of regulations at EU level for the implementation of the principle of equal opportunities on the labour market. Directive 86/613/EEC has been repealed and replaced by Council directive 2010/45/EU of the European Parliament and of the Council of 7 July 2010 on the application of the principle of equal treatment between men and women engaged in a self-employed capacity. Council Directive 92/85/EEC of Consiliului11 sets out measures to promote improvements in the safety and health at work of pregnant workers and workers who have recently given birth or who are breastfeeding. Under this Directive, employers must assess any risks to the safety or health of workers, and any possible effect on the pregnancy or breastfeeding, and to decide on measures to be taken to avoid these risks.

The roadmap for equality between women and men 2006-2010 "explain the difference in pay; This indicator measures the relative difference of the average gross earnings of women and men within the economy as a whole. The pay gap has a major impact on the status of women, more so as they are anyway more at risk of poverty. It has consequences on the elections that women make in relation to professional life and family life, but has consequences and completion of professional life after retirement. To this end, the Commission shall reîntăreşte fight for the commitment to reduce unjustified differences in pay between women and men and sought the support of the Member States and the social partners and other relevant actors, to combat these differences.

The 2010 guidelines on child rearing leave and workers who are engaged in an independent activity continues the process of modernisation of EU legislation. The first directive aims to improve the general framework for a greater balance between professional life and private life. The revised directive on self-employed women should remove a major obstacle to entrepreneurship. Young women should also take advantage of increasingly greater bestowed entrepreneurship as one of the basic skills that schools should transmit them to students.

For a better promotion of the principle of equality between men and women, the Commission has adopted in 2010 women's Charter which stresses the need to consider gender equality in all its policies, proposing five priority areas of action. The five priority areas identified are: equal economic independence, equal remuneration for the same work and the provision of an equivalent, equality in decision making, dignity, integrity and ending gender-based violence, equality between women and men in the framework of external actions.

The strategy for equality between women and men 2010-2015 is another strategic document of the EU, is the programme of work of the Commission for the period 2010-2015 and follows a double approach that combines specific initiatives and the integration of the principle of equality between women and men in all Community policies and activities. The strategy identifies five priority areas for

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action defined in the Charter of the women and a sector that address issues. For each priority area for key actions are described, as well as promoting the development of progress.

Equal opportunities in national legislation • Competence in the field of equal opportunities-Ministry of labour, family and

social protection (HG 728/2010) • the Constitution equality between citizens regardless of sex (inter alia)

(article 4, para 2) equality between women and men in terms of employment and demnităŃilor functions of the civil or military Government (art. 16 para 3) non-discrimination based on gender in relation to remuneration (article. 41 paragraph 4)

• labour code – the principle of equal treatment in the employment relations • Ordinance 137/2000 on preventing and sanctioning all forms of

Discrimination • Law 202/2002 – for the promotion of equality between women and men, in

order to eliminate all forms of discrimination on grounds of sex the definition of equality of opportunity and Equality of treatment in matters of employment relations, the obligation for employers to introduce internal rules provisions that prohibit discrimination on the grounds of sex

• Emergency Ordinance 96/2003 on the protection of maternity at work • emergency Government Ordinance No. 148/2005 concerning the support in

order to increase the child's family and the OUG111 2010 on parental leave and allowance for children monthly

• Emergency Ordinance of Government No. 67/2006 on the application of the principle of equal treatment between men and women in occupational social security schemes • Government Emergency Ordinance No.61/2008 on the implementation of the principle of equal treatment between men and women as regards access to goods and services and the supply of goods and services

• the national strategy for equal opportunities between women and men for the period 2010-2012 and the general plan of action for its implementation

• institutional National Agency for equal opportunities between women and men – the Directorate for equal opportunities between women and men in the national MMFPS in the field of equality between women and men (CONES)

County Committees in the field of equality between women and men (COJES) In the field of work, equal opportunities and treatment between women and

men is ensured by means of non-discriminatory access to the free exercise or professional activity, employment and promotion in the professional hierarchy, equal income for work of equal value, information and professional advice, start programs, skill, training, and retraining specialist vocational training, working conditions that conform to the rules for safety and health at workin accordance with the provisions of the legislation in force, the benefits are not spread in nature,

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as well as public and private systems of social security, employers ' organizations, trade unions, professional bodies, and social services provided under the law.

The law regulates the equality between women and men having a universally for all persons in both the public and private sectors. It provides for the obligation for employers to introduce internal rules of organization and functioning of the provisions which prohibit discrimination on grounds of sex. Also, employees are entitled to permanent information on the rights which they have displayed in conspicuous places. The law includes provisions governing the protection of motherhood, harassment or sexual harassment, access to education, health services, culture, women's participation in leadership and decision-making, respect for the principle of equality in the media.

Dismissal of pregnant women, angajatelor who have recently (in maternity or postnatal), as well as women and men employees who are in the parental leave (the growth and care of children under the age of 1 year or 2 years), is prohibited by law. The returning to work from maternity leave or parental leave (this category can enter and men) may not be dismissed for a period of at least 6 months.

The national strategy for equal opportunities between women and men for the period 2010-2012 and the general plan of action for its implementation was approved by Government decision of March 24, 2010 237.

Also, the strategic document for the period 2010-2012 aims to answer through concrete measures and activities of concern that have been identified over time on certain areas of intervention, such as: education, labour market, social life, roles and stereotypes of gender, participation in the decision-making process.

The strategy was elaborated in the context of the maintenance of the Romanian society of discrimination on grounds of sex and gender differences in terms of access, participation and involvement of the labour market, the social life, political, economic and cultural. The strategy starts from the specific objectives and priorities laid down by the Governing Programme 2009-2012 in Chapter 9, family, child protection and equal opportunities. These priorities are considering promoting the active participation of women in decision making and in the structures of representation, increasing the institutional capacity for the implementation of gender policies, the creation of the national system to promote policies on equal opportunities on the labour market based on the structural funds, the introduction of a minimum representation of women in Parliament and in the first two lines of the hierarchy of the Government since the election cycle.

The vulnerable points of the gender equality strategy identified are low level of awareness of the issues, equal opportunities in public administration and in the media, the lack of consistent provisions concerning the settlement of complaints and claims relating to gender discrimination. these vulnerabilities are complemented by threats of economic crisis, the dynamics of the labour market, poor promotion campaigns in social media.

The overall objective of the strategy is to improve the implementation of policies for gender equality in order to achieve de facto equality of women and

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men at all levels of economic, social, political and cultural. Specific objectives are: the introduction of the gender perspective in formal education and non-formal education, combating gender stereotypes in the educational system, reducing the gender gap in pay, encouraging reconciliation of family life with the professional promotion of the gender perspective in social life, raising the awareness of the media with regard to the principle of equality between women and men, the balanced participation of women and men at all levels of decision-makingthe implementation and monitoring of indicators, evaluation of the action plan for the implementation of the strategy for the period 2010-2012 all institutions with responsibilities in the field.

Each specific objective of the strategy is a set of actions to respond to that point. So in order to achieve the objective of integrating the gender perspective in education, both formal and informal level has concluded a cooperation protocol with the Ministry of education, research, youth and sport, it was elaborarat a guide to integrating the gender perspective in the work of pre-school, the development of training programmes on gender equality for the teaching staff in pre-primary education. In order to combat gender stereotypes in the educational system, the strategy proposes that actions to meet this objective, the organisation of information campaigns in the field of equal opportunities for high school students, the development and dissemination of information material adapted to the target group particularităŃii (pupils and students).

Reducing the gender gap in pay will be addressed through the Organization of national conferences on the topic of the role of policies to reduce the wage gap between women and men, with the participation of trade union organizations, employers ' associations as well as representatives of business, developing and publishing promotional materials and information, promoting the release of the events organized by ANES.

To encourage the reconciliation of family life with professional life considering strategy for an information and awareness campaigns for fathers with regard to the need for their involvement in their children's growth and education, publishing a guide with reconciliation of family life with professional and legislative provisions, to be distributed at the national level, the conclusion of a protocol of cooperation on gender equality with the social partners and their involvement in the actions of awareness and popularization the issue of gender equality.

The promotion of the gender perspective in social life by organizing events to mark international women's day and international day of man, father's day, mother's day, international day of the family, the international day for the Elimination of violence against women. For media awareness in gender equality issues, the strategy has concluded a cooperation Protocol with the Romanian Press Club, the National Broadcasting Council, making a diagnosis on the impact of the media on the video of the construction, and gender stereotypes, meetings with journalists.

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Conclusions

Existing statistical data at national level shows that there is still a gender

equality between women and men on the labour market, while maintaining the discrimination in favor of women. In the labour market may see a difference between the employment rate of women and that of men that continues over time. As regards the duration of search for employment, access to employment is more complicated for women than for men. In Romania there is enough data to make a comparative analysis of this research.

It is important to create a culture that accepts and supports the recruitment of women. Establish policies to promote women's access to a job depends on the existence of an organisational culture supporting gender equality and the recognition of the plusului of the value that diversity brings. Attracting and keeping talents feminine be construed as a competitive advantage to any organisation. To foster this culture, all members of the Organization as managers and employees should receive specific training on issues concerning equal opportunities.

Women's access to the labour market is not uniform for all branches. Women still have not come to occupy positions of responsibility in the same way as men. The difference in pay between women and men reflected the continuing discrimination and inequalities on the labour market, which in practice affect women in particular. Its causes are complex and interrelated. Even if you have a qualification at least as good as the men, the women's skills are not as well appreciated and their advancement is slower, which leads to a difference in pay between women and men.

Bibliography: • De la Fuente, Arturo, Population and Social Conditions Eurostat, Statistics in Focus, 57/2010

• Bettio, f., Varashchagina, a., Gender segregation on the labour market – the root Causes, implications and policy responses in the EU, the report of the network of experts on gender issues and the employment of the European Commission, 2009

• Chinchilla, Nuria; Mayo, Margarita; Esther Sanchez, Guide to equality of opportunities between women and men in the company, 2007

European legislation 1. The Treaty of Rome (1957) 2. The Treaty of Amsterdam (1997) 3. Renewed Social Agenda 4. The EU Charter of fundamental rights (2000) 5. The European Social Charter Revised 6. Council Directive 76/207/EEC of 9 February 1976 on the implementation of the principle of equal treatment between men and women as regards access to employment, vocational training and promotion, and working conditions.

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7. Council Directive 86/613/EEC of 11 December 1986 on the application of the principle of equal treatment between men and women who are self-employed, including agricultural, as well as the protection of motherhood.

8. Directive 2010/45/EU of the European Parliament and of the Council of 7 July 2010 on the application of the principle of equal treatment between men and women engaged in a self-employed capacity

9. Council Directive 92/85/EEC of 19 October 1992 on the introduction of measures to encourage improvements in the safety and health at work of pregnant workers and workers who have recently given birth or nursing.

10.Council Directive 2000/78/EC to create a general framework for equal treatment in relation to employment and employment

11. Directive 2006/54/EC of the European Parliament and of the Council of 5 July 2006 on the implementation of the principle of equal opportunities and equal treatment between men and women in matters of employment and working conditions

12. Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the Economic and Social Committee and the Committee of the regions entitled ' a roadmap for equality between women and men 2006-2010

13.Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the Economic and Social Committee and the Committee of the regions entitled ' combating the pay gap between men and women Directive 2010/18/EU of implementing the revised framework agreement on parental leave (OJ L 68, 18.3.2010, p. 13)

14. Communication from the Commission a consolidated commitment in favour of equality between women and men-a women's Charter, the European Commission's Statement on the occasion of International Women's Day 2010, in view of the commemoration of the 15th anniversary of the adoption of a Declaration and platform of action of the World Conference of the UNITED NATIONS on women, in Beijing and the 30th anniversary of the UN Convention on the Elimination of all forms of discrimination against womenBrussels, 5.3.2010, COM (2010) 78 final 15.Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of the regions strategy for equality between women and men 2010-2015, Brussels, 21.9.2010, COM (2010) 489 final

16. 2010 annual report of the European Commission on equality between women and men 2010 [COM (2009) 694 final]

National legislation 1. The labour code – the principle of equal treatment in the employment relations 2. Law 202/2002 – for the promotion of equality of opportunities between women and men, in order to eliminate all forms of discrimination on grounds of sex.

3.Ordinance 137/2000 on the prevention and punishment of all forms of discrimination. 4.Emergency Ordinance 96/2003 on the protection of motherhood at work 5. The Emergency Ordinance of Government No. 148/2005 concerning the support of the family in order to improve child health

6. The Emergency Ordinance of Government No. 67/2006 on the application of the principle of equal treatment between men and women in occupational social security schemes.

7. The Emergency Ordinance of Government No. 61/2008 on the implementation of the principle of equal treatment between men and women as regards access to goods and services and the supply of goods and services

8. HG 237/2010 on approval of the National Strategy for equal opportunities between women and men for the period 2010-2012 and general action plan for the implementation of the National Strategy for equal opportunities between women and men for the period 2010-2012.

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9. HG 728/2010 for the modification and completion of the governmental decision nr. 11/2009 concerning the Organization and functioning of the Ministry of labour, family and social protection

WEB 1. ec.europa.eu 2. ec.europa.eu/eurostat, EU-Labour Force Survey 3. www.inmujer.es 4. www.insse.ro (Yearbook 2011, National Institute of statistics) 5. www.mmuncii.ro 6. www.anofm.ro

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LES NANOTECHNOLOGIES ET LA PROTECTION

DE LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS

Lamia EL BADAWI Docteur en droit

Chargée d'enseignement à l'Université de Rouen Abstract: For ten years, the State develops its support for research in nanoscience and

nanotechnology. Nanotechnology in fact represent a major economic issue for companies. Their applications include multiple sectors. This new technological revolution, however, requires to consider its dangers, particularly on human health and the environment. It is especially urgent attention to the risks they may cause to the health and safety of workers handling these materials. There is currently no specific regulations, French or European, to protect the employees being in such an environment. Many studies, however, state real risks to human health, it is therefore necessary to accelerate the implementation of measures protecting workers without waiting for confirmation of the toxicity or safety of those materials.

Keywords: nanotechnology, health, workers, safety obligation, prevention Il y a quelques années parler d'une manipulation de la matière à l'échelle de

l'infiniment petit aurait relevé de la pure science-fiction. D'ailleurs, ce que la science-fiction a imaginé il y a quelques décennies, la science en a fait une réalité. En 1966, le roman fantastique d'Isaac Asimov relatait l'aventure d'une équipe médicale miniaturisée voyageant à travers le corps d'un scientifique malade afin d'y déloger un caillot de sang au cerveau. Plus récemment, Michael Crichton, dans un roman à succès intitulé « la Proie », décrit un monde envahi par des robots meurtriers auto-reproducteurs constitués de nanostructures. Ces technologies ne sont plus désormais du ressort de la fiction mais de la réalité qui a sans aucun doute rattrapé et peut-être même dépassé ces fictions.

La raison principale de cet engouement pour ces nouvelles technologies se trouve dans la croyance qu'il s'agirait de la révolution industrielle du 21ème siècle. Dès lors, la course s'intensifie, au niveau international, pour s'en approprier les bénéfices économiques. Elles sont devenues le fer de lance de la compétition économique entre pays industrialisés surtout en période de crise. Les budgets publics consacrés aux nanotechnologies, aux États-Unis comme en Europe, ne cessent d'augmenter d'année en année. L'Union européenne a ainsi décidé d'allouer, entre 2007 et 2013, 3,5 milliards d'euros à la recherche sur les nanotechnologies. À cela s'ajoutent les investissements privés et les budgets nationaux destinés à la recherche. L'estimation la plus souvent citée prévoit que le marché mondial des

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nanotechnologies atteindra 1.000 milliards de dollars d'ici à 20151. Les enjeux économiques sont donc très importants.

Qu'est-ce que les nanotechnologies ? Le préfixe « nano » vient du grec ancien et signifie « très petit ». Un

nanomètre (nm) est une unité de mesure correspondant au milliardième de mètre. C'est environ 30 000 fois plus fin que l'épaisseur d'un cheveu et 100 fois plus petit que la molécule d'ADN. Le terme nanotechnologie a été mentionné pour la première fois en 1974 par le physicien Norio Taiguchi à propos du développement prometteur de la miniaturisation dans le domaine manufacturier. Il s'agit donc de sciences et de technologies de l'infiniment petit.

Lorsque l'étude de la matière est abordée dans ces dimensions, les propriétés des matériaux se transforment radicalement. En premier lieu, plus on réduit la taille d'un objet, plus le nombre d'atomes à sa surface devient important par rapport aux atomes en volume. On peut alors s'attendre à une réactivité différente. À titre d'exemple, les catalyseurs chimiques sont plus réactifs sous forme de nanoparticules que sous forme de matériau massif.

En deuxième lieu, et de façon plus générale, l'ensemble des propriétés physiques est modifié à cette échelle: les propriétés mécaniques (adhésion, capillarité), thermiques (température de fusion), optiques (absorption et diffusion de la lumière), électroniques (effet tunnel…) et magnétiques.

Ces nouvelles technologies désignent en réalité l'exploitation de nouveaux phénomènes se produisant à l’échelle nanométrique, car il est établi qu'à cette échelle, les propriétés fondamentales des matériaux (électriques, optiques, magnétiques, mécaniques et chimiques) peuvent considérablement différer de celles du matériau massif. C'est donc la taille, les nouvelles propriétés et le contrôle de la matière à l'échelle nanométrique qui caractérisent les nanosciences et les nanotechnologies2. Les nanotechnologies sont donc un ensemble d'outils, d'instruments, de techniques permettant d'étudier, de manipuler, de fabriquer, de mesurer les objets nanométriques3.

Le seuil de 100 nm est fréquemment évoqué pour fixer la limite supérieure des objets entrant dans le champ des « nanotechnologies ». C'est en effet en deçà de 100 nm qu'apparaissent des propriétés nouvelles de la matière. Cependant ce seuil est souvent écarté ou tempéré.

1 The economic development of nanotechnology, European Commission, 2006. disponible à l'adresse : http://cordis.europa.eu/nanotechnology

2 La nanoscience est la science des phénomènes se produisant dans des systèmes dont la taille est de l’ordre du nanomètre. Quant aux nanotechnologies, ce sont l’ensemble des théories et techniques permettant de produire et manipuler des objets à cette échelle.

3 Rapp. Sénat n° 552, 2008-2009, sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement du 9 juillet 2009 ; Comité économique et social (CES), avis, Les nanotechnologies, 2008, p. 1145

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On distingue les nanomatériaux4 et les nanoparticules. Les premiers sont composés de structures dont au moins une des dimensions varie entre 1 et 100 nm, leur conférant ainsi des propriétés physico-chimiques particulières5. Les secondes sont des objets dont au moins deux des trois dimensions dans l’espace sont inférieures à 100 nm6.

Il est utile de rappeler que certaines de ces particules existent depuis déjà longtemps à l'état naturel, telles que les particules fines provenant de la combustion lors d'un feu de forêt. Cependant, les progrès actuels en nanotechnologie présupposent de nouvelles stratégies développées en ingénierie pour permettre la fabrication de nanomatériaux, dont les deux principales sont:

La première dite « top-down » (descendante ou du haut vers le bas), consiste à réduire des dispositifs « milli » ou « micrométriques » jusqu'à atteindre l’échelle nanométrique. L'exemple le plus souvent cité est celui des puces électroniques, dont les tailles de plus en plus réduites sont le résultat de l’amélioration des technologies du silicium. Cette miniaturisation a été fondamentale pour la révolution des technologies de l'information et des communications dont l'ordinateur est le résultat le plus remarquable. La miniaturisation des systèmes permet de réduire les volumes des matières premières nécessaires à leur construction et les dépenses énergétiques nécessaires à leur fonctionnement. Son objectif est donc non seulement économique mais également environnemental.

Quant à la seconde dite « bottom-up » (ascendante ou du bas vers le haut), elle consiste à construire atome par atome ou molécule par molécule pour édifier des nanosystèmes complexes nouveaux, non naturels, ayant certaines fonctions ou propriétés. Cette approche est rendue possible grâce à la création et au développement d’outils capables de rendre perceptible le millionième du millimètre, et de manipuler la matière atome par atome à cette échelle (au moyen des microscopes à effet tunnel, à force atomique, électroniques à haute résolution et des pinces optiques.

Les nanomatériaux font déjà partie de notre quotidien puisqu'ils sont utilisés en cosmétique (écran solaire), dans le textile (propriété antibactérienne, hydrophobe des vêtements), en électronique (GPS, téléphonie mobile, MP3, processeur, etc.).

Ces produits sont aujourd’hui fabriqués et commercialisés sans savoir si les nanomatériaux qu'ils contiennent peuvent s'en échapper et sans connaître leurs effets potentiels sur la santé humaine et l'environnement. De plus, les travailleurs sont exposés à ces nouveaux matériaux tout au long de la chaîne de production, des

4 Un nanomatériau se définit comme « un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d'agrégat ou sous forme d'agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 et 100 nm » (Recomm. n° 2011/696/UE de la Commission 18 oct. 2011, JOUE n° L 275, 20 oct.2011)

5 Rapp. Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), Nanomatériaux et sécurité au travail, 2008, p. 15.

6 Rapp. Comité de la prévention et de la précaution (CPP), Nanotechnologies, nanoparticules, quels dangers, quels risques ?, 2006, p. 4

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laboratoires aux rayonnages des magasins en passant par la fabrication, le transport, le nettoyage, la réparation et la gestion des déchets.

Pourtant, on ne sait toujours pas si les protocoles de sécurité utilisés sont adéquats ou si les mesures de protection appliquées sont valables. Des travailleurs et des consommateurs sont exposés à des produits renfermant des nanomatériaux sans le savoir et sans recevoir la moindre information sur les risques potentiels. On rejette, on dissémine dans la nature des nanomatériaux sans en connaître les éventuelles conséquences et sans disposer de moyens efficaces pour les détecter et les mesurer.

Or, des preuves scientifiques de plus en plus nombreuses indiquent que certains nanomatériaux manufacturés présentent des dangers nouveaux et inhabituels. Comme les particules de petite taille ont, pour une masse donnée, une plus grande surface active que les particules plus grosses, leur toxicité peut aussi être plus marquée. Les résultats d'études concernant les nanoparticules et nanomatériaux manufacturés sont quelque peu inquiétants. Ainsi, des tests effectués sur des souris laissent penser que certains nano-objets – les nanotubes de carbone – ont des effets cancérogènes équivalents à ceux des particules d’amiante. Les voies d’exposition de l'homme aux nanoparticules sont respectivement les voies respiratoire, cutanée et digestive. La voie principale est la voie respiratoire. Les nanoparticules inhalées se déposent sur les fosses nasales, les bronches et les alvéoles pulmonaires et se logent ensuite dans les poumons.

La nanoscience intervient en réalité dans un contexte de défiance du public due aux erreurs commises dans le passé et aux dommages qui en ont résulté (contamination radioactive, amiante ou encore OGM). Ces expériences malheureuses orientent les réflexions actuelles vers la nécessité d’éviter que les nanoparticules ne soient à l’origine, dans les prochaines années, de problèmes de santé publique ou environnementaux. Depuis 2006, en effet, les rapports et avis d'expertise se succèdent sans que l'on puisse être rassurés sur les risques qu'elles pourraient engendrer.

Leur dangerosité sur la santé humaine ne peut pas être écartée. Les risques liés à ces substances sont encore majoritairement potentiels: l'existence même d'un risque sanitaire est incertaine et les conséquences dommageables sont inconnues.

Ces risques sont donc des risques émergents constituant le domaine d’application du principe de précaution, affirmé par l’article L. 110-1 du Code de l’environnement7 et par l’article 5 de la Charte de l’environnement8. D’abord

7 L’article L.110-1 du Code de l’environnement dispose que : « le principe de précaution, selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».

8 Selon l’article 5 de la Charte de l’environnement, « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

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reconnu comme principe en droit de l’environnement, il s’est très vite imposé en matière sanitaire, où il intéresse le risque potentiel de préjudice corporel grave.

Précaution et prévention sont donc deux facettes de la prudence qui s'impose dans toutes les situations susceptibles de créer des dommages. La précaution vise toutefois un aspect particulier de l’incertitude, celle des savoirs scientifiques eux-mêmes. Elle ne signifie pas l'abstention, mais vise en réalité à concilier deux logiques parfois opposées: la première consiste à prendre des mesures tardivement en raison d'une attitude attentiste, quant à la seconde, elle consiste à prendre des mesures trop tôt, ou systématiquement, freinant ainsi le progrès scientifique.

L'application de ce principe suppose uniquement que la décision puisse précéder la connaissance scientifique complète du phénomène en cause. Il permet alors d’agir avant de savoir et non à attendre de savoir avant d’agir. C’est un peu le contraire du dicton, « dans le doute, abstiens-toi ».

Si le fait que le développement des des nanotechnologies relève bien du champ d'application de ce principe semble acquis, la mise en œuvre de mesures concrètes de précaution est, elle, plus compliquée. Quelles sont les procédures d'évaluation des risques, les mesures provisoires et proportionnées qu'il convient de mettre en œuvre, dans le domaine des nanotechnologies, afin de parer à la réalisation du dommage en application du principe de précaution ?

Les réponses sont variées. Au-delà, en effet, de la mise en œuvre de politiques d’incitations aux recherches en toxicologie et écotoxicologie, qui sont communes et néanmoins, insuffisantes, plusieurs types de mesures ont pu être proposées (évaluation, recensement des nanomatériaux sur le marché, etc.). D'autres suggèrent la nécessité d’une réponse juridique plus éclairée et donc plus spécifique.

La Commission européenne s'est prononcée en sens contraire dans une communication de 20089. Elle a estimé que la législation européenne en vigueur couvrait en principe les risques potentiels des nanomatériaux pour la santé, la sécurité et l'environnement.

Le Parlement européen, de son côté, s'est déclaré convaincu de la nécessité d'adapter le droit existant10.

La Commission n'avait pas totalement fermé la porte aux adaptations des réglementations sectorielles, chaque fois que les risques spécifiques pouvant résulter des nanomatériaux les justifieraient. Depuis 2008, on assiste effectivement à l'édiction de dispositions spéciales au sein des réglementations sectorielles européennes, au fur et à mesure de l'adoption des textes ayant trait à la sécurité sanitaire (ou environnementale). Même lorsque les textes ne font pas expressément référence aux nanoparticules et aux nanomatériaux, les documents dérivés et les dispositifs visant à leur application intègrent progressivement des éléments d'adaptation. Il en va ainsi par exemple du règlement REACH relatif aux

9 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité Économique et Social Européen COM (2008) 366 final - 17.6.2008 Aspects réglementaires des nanomatériaux.

10 Résolution du 24 avril 2009 sur les aspects réglementaires des nanomatériaux [2008/2208 (INI)]

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substances chimiques11: aucune référence expresse aux nanotechnologies, aux nanomatériaux ou aux nanoparticules ne figure dans le règlement, mais une prise en compte apparaît dans le guide technique relatif aux exigences d'information et d'évaluation de la sécurité chimique.

Aucune victime n'a été recensée à ce jour. Néanmoins, la possible survenance de préjudices corporels subis par les premiers exposés, les travailleurs, et également par leurs proches, n'est pas à exclure. Se pose ainsi la question des mesures à prendre pour assurer la sécurité et la santé des travailleurs déjà exposés à ces matériaux (II), ce qui suppose de procéder au préalable à l'évaluation des risques (I).

I. Évaluation des risques Avant la mise en place de toutes mesures, encore faut-il avoir une vision des

nanomatériaux qui circulent sur le marché. Sur l'évaluation des nanomatéraux et l'information des consommateurs, il y a eu quelques avancées.

La loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle II avait prévu la mise en place d'un dispositif de déclaration annuelle des « substances à l'état nanoparticulaire » en l'état ou contenues dans des mélanges, inspirée de celle déjà imposée par l'Union européenne dans le règlement REACH relatif aux substances chimiques dangereuses qui est lui-même applicable aux nanomatériaux. Cette obligation concerne les fabricants, les importateurs et les distributeurs de telles substances mises sur le marché français. Ils devront déclarer l'identité, les quantités et les usages de ces substances ainsi que l'identité des utilisateurs professionnels qui ont cédé ces substances à titre onéreux ou gratuit. De même, ils devront transmettre toutes les informations disponibles relatives aux dangers de ces substances et aux expositions auxquelles elles sont susceptibles de conduire ou utiles à l'évaluation des risques pour la santé et l'environnement.

Les modalités d'application de cette déclaration sont définies dans un décret du 17 février 201212 qui prévoit le seuil minimal à partir duquel la déclaration est obligatoire (100 g par an et par substance) ainsi que l'organisme en charge de la gestion de ces données (ANSES / Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).

Le dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Les déclarations sont à envoyer avant le 1er mai 2013.

Cette nouvelle mesure d'évaluation devrait permettre de recueillir des informations sur les nanomatériaux existants et leur danger. Le décret diffère ici du 11 Règlement n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) et instituant une agence européenne des produits chimiques, JOUE, n° L.396, 30 déc. 2006, p. 1

12 Décret n° 2012-232 du 17 février 2012 relatif à la déclaration annuelle des substances à l'état nanoparticulaire pris en application de l'article L. 523-4 du code de l'environnement, JO, 19 février 2012, p.2863.

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règlement REACH par le seuil à partir duquel la déclaration devient obligatoire. L'un des points faibles du règlement REACH est son critère quantitatif. En principe, le règlement européen REACH sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, entré en vigueur le 1er juin 2007, s'applique aux nanomatériaux. En effet, si REACH ne se réfère pas explicitement à ces matériaux, ils sont toutefois couverts par la définition du mot « substance » du règlement.

Le règlement s'applique à toutes les substances produites ou importées dans l’Union européenne à plus d'une tonne par an ; elles doivent alors faire l'objet d'un dépôt de dossier technique auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA, Helsinki). Or beaucoup de nanomatériaux sont produits ou importés dans des quantités moindres qu'une tonne, et échappent donc à ces règles.

En raison du critère quantitatif exigé (une tonne), les nanomatériaux susceptibles d'être commercialisés en Europe risquent d’échapper, à l’heure actuelle, à cette procédure d'enregistrement. Il convient donc de revoir à la baisse ce seuil pour les produits issus de la nanotechnologie.

Malgré cet obstacle actuel, les nanomatériaux peuvent être appréhendés par le règlement REACH grâce à la procédure d’autorisation. En effet, l'utilisation et la mise sur le marché des substances extrêmement préoccupantes13 seront soumises à autorisation. La procédure d'autorisation permet de prendre des mesures en cas de risque posé par la fabrication, l'utilisation ou la mise sur le marché de nanomatériaux.

Son intérêt réside dans le fait qu'elle s'applique, quelles que soient les quantités fabriquées ou mises sur le marché. Elle a plutôt pour objectif de garantir que « les risques résultant de substances extrêmement préoccupantes soient valablement maîtrisés et que ces substances soient progressivement remplacées par d’autres substances ou technologies appropriées, lorsque celles-ci sont économiquement et techniquement viables ». Les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval qui demandent une autorisation doivent, à cette fin, analyser la disponibilité de solutions de remplacement et examiner les risques qu’elles comportent ainsi que leur faisabilité technique et économique. Afin que tout ce dispositif d'autorisation fonctionne encore faut-il que les nanomatériaux soient qualifiés de « substances extrêmement préoccupantes ».

Pour l'heure, il n'en est rien puisque la principale difficulté semble être l'absence de méthodes standardisées d'évaluation des risques. De plus, qualifier d'emblée tous les produits manipulés à l'échelle de la matière de substances dites préoccupantes, soumises au régime d'autorisation préalable, peut être une mesure excessive au regard du manque d'information.

13 Substances carcinogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, persistantes, bioaccumulables et toxiques, très persistantes et très bioaccumulables ou suscitant un degré de préoccupation équivalent (annexe XIII du règlement).

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Pour l'heure, les nanomatériaux passent un peu à travers les mailles du filet du règlement REACH et l'Union européenne ne semble pas prendre cette question de la gestion des risques très au sérieux. La seule chose qu'elle envisage, c'est de modifier les annexes du règlement pour déterminer la manière dont les nanomatériaux doivent être pris en considération. Une révision de ce règlement est attendu cette année, mais il n'est pas certain qu'il y ait beaucoup d'avancées sur cette question de prise en compte des risques particuliers des nanotechnologies.

Du point de vue de l'information du consommateur, diverses réglementations ont été adoptées au niveau européen en prenant au compte le cas particulier des nanomatéraux. Elles prévoient que tout ingrédient présent sous la forme d'un nanomatériau dans une denrée alimentaire doit être clairement indiqué dans la liste des ingrédients (dès décembre 2014)14. De même, dès lors qu'un nanomatériau entre dans la formulation d'un produit cosmétique, il devra figurer sur l'étiquette (dès juillet 2013)15. Enfin, tous les biocides contenant des nanomatériaux doivent faire l'objet d'une procédure d'autorisation spécifique et d'un étiquetage indiquant les risques liés aux nanomatériaux utilisés (dès septembre 2013)16.

Aucune réglementation spécifique ne régit en revanche la manipulation de nanomatériaux en France. Alors qu'il existe un dispositif réglementaire relatif à l'exposition aux champs électromagnétiques ou aux risques chimiques, il n'existe pas à ce jour de dispositions légales ou réglementaires spécifiques, tant au niveau européen que français, définissant des niveaux ou seuils limites d'exposition des travailleurs aux nanoparticules ou aux nanomatériaux. Par conséquent, il n'existe pas à ce jour, pour l'employeur, de prescriptions minimales spécifiques lui permettant de remplir son obligation de sécurité en matière de nanomatériaux ou de nanoparticules. Il n'existe pas pour autant de vide juridique qui dispense l'employeur de mettre en place des mesures de prévention.

II. Les mesures de prévention Les nanomatériaux sont des agents chimiques. À ce titre, la réglementation en

matière de prévention des risques, prévue par le Code du travail, s'applique aux nanomatériaux. Les règles de prévention des risques chimiques s'appuient sur les principes généraux de prévention définis à l'article L.4121-2 du Code du travail et se déclinent en deux volets: les règles générales de prévention du risque chimique énoncées aux articles R.4412-1 à R.4412-58 du Code du travail ; les règles particulières de prévention du risque chimique pour les activités impliquant des

14 Règlement du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires.

15 Règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques

16 Règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides

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agents chimiques cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1 et 2 définies aux articles R.4412-59 à R.4412-93 du Code du travail.

Les dispositions issues de la réglementation du travail relative à la prévention du risque chimique permettent d'appréhender les risques liées aux nanomatériaux (notamment en matière de substitution, de protection collective, de formation et d'information des salariés, ou de suivi médical).

Ainsi, a minima, la réglementation relative à la prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux, s'applique. Si une substance, déjà classée pour ses effets CMR, et entrant à ce titre dans le champ d'application de l'article R. 4412-59 du Code du travail, est produite sous la forme de particules de taille nanométrique, les règles spécifiques aux CMR s'appliquent de la même manière.

Compte tenu des nombreux risques inconnus, il importe d'instaurer dans tous les environnements professionnels mettant en œuvre des nanomatériaux (entreprises, laboratoires de recherche, universités…) et tout au long du cycle de vie des produits, des procédures spécifiques de prévention des risques.

Ces mesures visent à éviter, ou tout au moins à réduire au minimum, les expositions professionnelles. Elles ne sont pas très différentes de celles recommandées pour toute activité exposant à des agents chimiques dangereux. Mais elles prennent une importance particulière en raison de la très grande capacité de persistance et de diffusion des nanomatériaux dans l'atmosphère des lieux de travail.

Les nanomatériaux manufacturés constituent en effet une nouvelle famille d'agents chimiques qui présentent de multiples différences en termes de composition chimique, de propriétés physico-chimiques, de profils toxicologiques.

Dans un tel contexte, la plus grande vigilance doit être observée. Ainsi, en cas de suspicion sur les effets CMR des nanomatériaux produits ou utilisés, il est préconisé aux entreprises d'adopter une démarche de précaution, en appliquant, volontairement, les mesures de gestion des risques les plus strictes prévues pour les substances CMR, notamment en excluant le recours à la notion de risque faible alors même que les quantités de nanomatériaux utilisés peuvent être limitées.

Les stratégies de prévention et les bonnes pratiques de travail qu'il convient de mettre en place dans les entreprises et les laboratoires doivent donc être élaborées au cas par cas. Elles vise à réduire l'exposition des salariés au niveau le plus bas possible. Compte tenu des connaissances encore limitées sur la toxicité des nanomatériaux, la prévention des risques repose en effet principalement sur la limitation des expositions professionnelles (niveau d'exposition, durée d'exposition, nombre de salariés exposés, etc.).

Concrètement, il s'agira de définir et de mettre en place des pratiques de travail sécurisées et adaptées en fonction des de l'évaluation des risques. Ces pratiques seront amenées à évoluer au fur et à mesure de la publication d'informations stabilisées sur les dangers des nanomatéraux pour la santé et la sécurité.

Une attention particulière doit être portée aux nanomatériaux pour lesquels il y a peu de données toxicologiques ou pour lesquelles les premières recherches démontrent des effets toxiques, notamment chez l'animal.

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L'employeur doit être très diligent sur ces questions touchant à la santé des salariés, car il est débiteur d'une obligation générale de sécurité qui fixe l'objectif à atteindre, à savoir la garantie de la santé et la sécurité au travail des salariés.

Le Code du travail impose en effet à l'employeur de nombreuses obligations, dont certaines de nature préventive. L'article L.4121-1 du Code du travail dispose en effet que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Le législateur a choisi de formuler ces obligations de manière précise et les présente pour l'essentiel comme des obligations de faire.

Compte tenu de la nature de l'activité exercée, l'employeur doit évaluer les risques professionnels, consigner les résultats de l'évaluation des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs dans un document unique et mettre en oeuvre des mesures et des actions de prévention. Cette démarche de prévention vise à éviter les risques, à adapter le travail à l'homme et à remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas ou moins. Sur le plan civil, la violation de l'obligation de prévention est devenue une composante de la faute inexcusable en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle, le lien étant établi grâce à l'obligation de sécurité de résultat. Il s'agit pour l'employeur de prévenir, de former, d'informer et de mettre en place des moyens adaptés. Le résultat escompté n'est pas l’absence d'atteinte à la santé physique et mentale, mais l'ensemble des mesures effectivement prises par l'employeur dont la rationalité, la pertinence et l'adéquation pourront être analysées et appréciées par le juge.

Compte tenu de la nature de cette obligation de sécurité qui est une obligation de résultat, l'employeur ne peut dès lors se limiter simplement au respect des prescriptions réglementaires en vigueur. L'obligation générale de sécurité lui impose de rechercher et d'identifier en permanence les risques professionnels et de définir les moyens qui lui permettront de remplir son obligation, à savoir la préservation de la santé et de la sécurité des salariés de son entreprise. En d'autres termes, cela signifie que le respect des dispositions légales ou réglementaires n'est pas, à lui seul, une garantie suffisante pour atteindre l'objectif qui lui est assigné de garantir la santé et la sécurité des salariés de l'entreprise.

A fortiori, en matière de fabrication, de manipulation, d'utilisation ou d'exploitation de nanomatériaux ou plus généralement de nanotechnologies, le respect du cadre légal et réglementaire en vigueur n'est donc pas suffisant, et ce d'autant qu'il n'existe pas actuellement de dispositions spécifiques applicables aux nanomatériaux. Le représentant légal de l'entreprise dispose donc d'une grande latitude pour atteindre l'objectif de garantie de la santé et de la sécurité des salariés.

Il appartient aux employeurs, en vertu de l'obligation de sécurité de résultat, de mettre en place des mesures de réduction des risques, non seulement lorsque des substances reconnues dangereuses sont présentes sur le lieu de travail, mais aussi lorsque les dangers des substances utilisées sont encore inconnus.

L'employeur, débiteur d'une obligation générale de sécurité, devra par conséquent, compte tenu de l'état des informations disponibles et de l'évolution des

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modes de prévention, définir et mettre en œuvre les prescriptions minimales identifiables dans son secteur d'activité, qui lui permettront de garantir la santé et la sécurité des salariés de son entreprise. À défaut, il s'expose naturellement à engager sa responsabilité.

Les travailleurs et de leurs représentants devront être associés à cette démarche d’évaluation des risques et à l’élaboration des mesures de prévention adaptées. Les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), chargés de veiller à la santé au travail, doivent être étroitement associés à cette démarche. Il convient d'ailleurs de renforcer leurs pouvoirs dans les entreprises exposées aux risques nanotechnologiques et de généraliser leur présence sur tous les sites concernés indépendamment du nombre de salariés.

Sans attendre les certitudes sur l'importance des risques du secteur des nanotechnologies, il convient dès à présent d'organiser la protection des personnes travaillant dans ce domaine d'activité nouveau. Le maintien à un niveau aussi bas que possible de l'exposition des travailleurs aux nanoparticules fabriquées doit être l'objectif des employeurs.

Si la mesure des expositions aux postes de travail est aujourd’hui complexe à mettre en œuvre et d'interprétation délicate, les moyens de protection efficaces existent et devraient être envisagés dès la conception des procédés. Par ailleurs, un important travail de recherche reste à faire, notamment pour mieux caractériser les expositions professionnelles ainsi que dans le domaine de la toxicologie et de l'efficacité des moyens de protection adoptés.

Pour terminer sur une note positive, il faut souligner que, pour la première fois peut-être dans l'histoire des sciences et des techniques, l'émergence d'un nouveau domaine d'activité s'accompagne, à ses débuts, d'une prise en compte des risques associés.

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DISCRMINATION SALARIALE ET EQUITE GENDORIELLE

SUR LE MARCHE DU TRAVAIL AU CAMEROUN

TANANKEM VOUFO Belmondo Ingénieur Statisticien Economiste

Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire

Abstract: In this paper we study the wage gap between men and women in the private

sector in Cameroon, using data from Employment and Informal Sector Survey conducted by The National Institute of Statistics in 2010. Heckman’s models of selection are used to estimate wage functions. Then, the parting method of Oaxaca and Blinder (1973) is used to analyze wage inequality. Estimates have shown that women are paid 25% less than men. This difference is mainly explained by differences in characteristics between both sexes, mainly the difference of human capital endowments, the component associated with discrimination being almost zero.

Keywords: labor market, employment of women, discrimination.

1. Introduction Lors du Sommet du Millénaire, tenu en septembre 2000, les Chefs d’États des

pays membres des Nations Unies ont souscrit aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et aux cibles fixées dans ce domaine dans le but de réduire radicalement la pauvreté à l’horizon 2015. Le troisième de ces objectifs est relatif à la promotion de l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes. Un meilleur accès des femmes à l’emploi et au revenu est la condition fondamentale pour l’atteinte de l’OMD 3. Pourtant, bien que les femmes soient de plus en plus présentes sur le marché du travail, l’inégalité entre hommes et femmes persiste, en raison notamment de la discrimination salariale. Plusieurs approches théoriques ont été avancées pour expliquer les écarts salariaux observés entre hommes et femmes. La première catégorie de modèle s’inscrit dans un cadre néoclassique, dans lequel les employeurs ont une parfaite connaissance de la productivité des individus, mais discriminent par goût (Becker, 1957). Dans la deuxième catégorie de modèle, les employeurs discriminent parce qu’ils n’observent qu’imparfaitement la productivité des femmes. Il s’agit alors d’une discrimination non intentionnelle dite statistique, résultant d’une information imparfaite sur le marché du travail (Phelps, 1972 ; Arrow, 1973). De fait, lors du recrutement, les employeurs n’observent qu’imparfaitement la productivité instantanée. S’ils considèrent qu’en moyenne les travailleurs hommes sont plus performants et plus qualifiés que leurs homologues femmes, ils vont rationnellement préférer embaucher un homme. Il en résulte une discrimination statistique à l’encontre des femmes qui

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provient d’une estimation d’une donnée non observable (la productivité) à partir d’une donnée observable (le genre)1.

D’autres versions de ces modèles (Lazear et Rosen, 1990) mettent en avant le fait que les employeurs anticipent l’absence fréquente des femmes de la sphère productive pour celle domestique, et leur exigent par conséquent des capacités supérieures à celles des hommes afin de compenser cette probabilité d’abandon. En outre, le « faible » attachement des femmes au marché du travail augmente également le coût de leur promotion: l’employeur ne leur accorde une promotion que s’il est certain qu’elles ne quitteront pas l’entreprise.

Sur le plan empirique, de nombreux travaux ont été effectués aussi bien sur des pays développés que sur ceux en voie de développement, et montrent en général l’existence d’un supplément de salaire non justifié accordé aux hommes.

Dans la présente recherche, nous nous intéressons à la discrimination salariale à l’égard des femmes âgées de plus de 15 ans sur le marché du travail au Cameroun. Nous nous intéressons uniquement au secteur privé, qui offre près de 92% des emplois. La suite de l’article s’organise en quatre sections. La première présente une analyse par genre de la situation du marché du travail camerounais, et la deuxième la méthodologie retenue dans le cadre de l’étude. La troisième présente les données utilisées ainsi que les principaux résultats. Enfin, la dernière section est consacrée à la conclusion et aux recommandations.

2. La situation du marché du travail au Cameroun: une analyse par genre

Cette section est consacrée à l’étude de la participation des femmes au marché

du travail2. Les données utilisées à cet effet sont celles de la première et de la deuxième Enquête sur l’Emploi et le Secteur Informel (EESI) réalisées par l’Institut National de la Statistique (INS) du Cameroun en 2005 et en 2010.

2.1. Le taux d’activité, le taux d’emploi et le taux de chômage Le taux d’activité3 des personnes de plus de 15 ans au Cameroun a légèrement

progressé entre 2005 et 2010, passant de 73,8% à 74,3%. La participation des hommes se situe autour de 80,1%, au dessus de celle des femmes, estimée à 68,8% en 2010. De fortes disparités sont observées entre le milieu urbain et le milieu rural en termes de participation au marché du travail. Le taux d’activité en milieu rural 1 Ainsi, deux candidats ayant les mêmes caractéristiques observables peuvent recevoir des salaires différents parce que la productivité moyenne de leurs groupes respectifs n’est pas la même.

2 La participation au marché du travail intègre la population active et la population au chômage ou main d’œuvre inutilisée.

3 Il s’agit du taux d’activité au sens du BIT, qui se définit comme le rapport entre la population occupée et celle non occupée mais ayant posé un acte de recherche d’emploi et la population en âge de travailler (15 ans et plus).

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se situe à 81,3% en 2010, contre 69,0% en milieu urbain. La participation des femmes en milieu rural est particulièrement remarquable: avec un taux d’activité de 77,1% en 2010, dont presque toutes sont en situation d’actives occupées, elles distancent leurs congénères vivant en milieu urbain de près de 15 points.

Tableau 1: Taux d’activité, taux d’emploi et taux de chômage des personnes

de plus de 15 ans suivant le milieu de résidence et par sexe (en 2005 et en 2010)

2005 2010 Urbain Rural Cameroun Urbain Rural Cameroun

Taux d’activité Hommes 77,1 83,4 79,6 75,9 86,0 80,1 Femmes 62,7 75,9 68,2 62,4 77,1 68,8 Ensemble 69,9 75,9 73,8 69,0 81,3 74,3 Taux d’emploi Hommes 69,0 79,9 73,3 70,5 83,9 76,1 Femmes 50,8 72,0 59,6 52,6 74,2 62,1 Ensemble 59,9 75,8 66,3 61,4 78,7 68,8 Taux de chômage Hommes 8,1 3,5 6,3 8,4 2,1 4,1 Femmes 12,0 3,9 8,6 9,7 2,9 6,7 Ensemble 10,0 3,7 7,5 7,6 2,5 5,4

Source: EESI 1, EESI 2, Phase 1, INS

Le taux d’emploi4 des personnes de plus de 15 ans au Cameroun a également

progressé entre 2005 et 2010, passant de 66,3% à 68,8%. L’écart entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes est resté stable autour de 14 points. Les populations du milieu rural ont un taux d’emploi plus élevé que celles du milieu urbain (78,7% contre 61,4%).

Environ quatre actifs occupés sur dix ont un niveau d’instruction inférieur ou égal au primaire (Cf. tableau A1 en annexe). Ce qui place ces individus en position défavorable par rapport à l’accès à une situation d’emploi salarié dans les segments protégés de l’emploi. Il convient aussi de remarquer que les femmes possèdent les niveaux d’instruction les plus bas: environ 25% d’entre elles n’ont pas eu accès à l’instruction formelle ou n’ont tout simplement pas pu achever leur première année d’étude. Ceci expliquerait la difficulté qu’elles éprouvent pour s’insérer dans une activité décente.

Enfin, au niveau national, le taux de chômage5 élargi des personnes de plus de 15 ans est estimé à 5,4% en 2010, et est, comparativement à celui de 2005 (7,5%), en

4 Rapport entre la population active occupée et la population en âge de travailler. 5 Nous considérons le chômage au sens élargi, qui prend en compte les personnes n’ayant pas travaillé (ne serait-ce qu’une heure) au cours des 7 derniers jours précédant l’enquête, mais qui se déclarent disponibles pour travailler, qu’elles aient ou non posé un acte de recherche d’emploi.

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léger recul. Ce taux reste en général plus élevé chez les femmes (6,7%) que chez les hommes (4,1%). En milieu rural, il est environ 5 fois plus faible qu’en milieu urbain.

2.2. Structure des emplois La structure des emplois est analysée au travers de la répartition des actifs

occupés suivant le secteur institutionnel, le secteur d’activité, le groupe socio-économique et la catégorie socioprofessionnelle.

2.2.1. Secteur institutionnel et d’activité La structure des emplois par secteur institutionnel montre que le secteur

informel non agricole domine avec 48,3% d’actifs occupés. Il est suivi par le secteur informel agricole avec 38,5%. Le privé formel n’emploie que 5,4% de cette population, et le secteur public, 7,9% de celle-ci. Suivant le sexe, les hommes autant que les femmes exercent en majorité (plus de 8 actifs occupés sur 10) dans le secteur informel (agricole et non agricole). Mais bien que la part du secteur formel dans l’emploi reste faible, les hommes sont relativement plus présents dans le public et le privé formel que les femmes. En effet, 7,2% et 5,2% d’hommes exercent leur emploi respectivement dans le public et le privé formel, alors que ces proportions sont plus faibles chez les femmes (5,6% et 2,5%).

Tableau 2: Répartition des actifs occupés par secteur institutionnel

et d’activité, des personnes de plus de 15 ans, selon le sexe en 2010 (%)

Sexe Masculin Féminin

Ensemble

Secteur institutionnel Public 9,9 5,6 7,9 Privé formel 7,9 2,5 5,4 Informel non agricole 49,2 47,3 48,3 Informel agricole 33,1 44,6 38,5 Total 100,0 100,0 100,0 Secteur d’activité Primaire 33,5 44,8 38,8 Industries 16,4 15,2 15,8 Commerce 12,9 14,9 13,9 Services 37,1 25,1 31,5 Total 100,0 100,0 100,0

Source: EESI 2, Phase 1, INS

Du point de vue du secteur d’activité, il ressort que plus de la moitié (55,2%) des actifs occupés exercent dans le secteur tertiaire (commerce et services). L’on note également que la proportion des femmes œuvrant dans le secteur primaire est plus élevée que celle des hommes (44,8% contre 33,5%).

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2.2.2. Catégorie socioprofessionnelle et groupe socioéconomique Dans la population des personnes de plus de 15 ans, les hommes demeurent,

comparativement aux femmes, plus nombreux à occuper des postes de cadre ou de patron. En effet, 6,0%, 2,3% et 3,6% d’entre eux sont respectivement cadres du secteur public, cadres ou patrons du privé formel, et patrons de l’informel non agricole, ces proportions étant de 3,3%, 0,9% et 1,5% chez les femmes.

Du point de vue de la catégorie socioprofessionnelle, il apparait que plus d’une femme sur deux (54,7%) travaille à son propre compte et que près de trois femmes sur dix (27,3%) sont des aides familiaux/apprenties. Ces proportions sont respectivement de 43,2% et 13,0% chez les hommes. Il importe aussi de souligner que 1,9% des femmes sont des patrons contre 4,9% chez les hommes.

Tableau 3: Répartition des actifs occupés de plus de 15 ans

par CSP, GSE et selon le sexe en 2010 (%)

Sexe Masculin Féminin

Ensemble

Groupe socio-économique Cadre du secteur public 6,0 3,3 4,7 Autre salarié du public 3,9 2,2 3,1 Cadre/patron du privé formel 2,3 0,9 1,7 Autre salarié du privé formel 5,5 1,6 3,7 Exploitant agricole 23,4 25,6 24,4 Dépendant de l’informel agricole 9,7 19,0 14,1 Patron de l’informel non agricole 3,6 1,5 2,5 Travailleur pour compte propre de l’informel agricole

20,7 29,4 24,8

Salarié de l’informel non agricole 24,9 16,4 20,9 Total 100,0 100,0 100,0 Catégorie socioprofessionnelle Cadre 8,9 4,8 7,0 Employé qualifié 20,4 8,0 14,6 Manœuvre 9,6 3,3 6,7 Patron 4,9 1,9 3,5 Travailleur pour compte propre 43,2 54,7 48,6 Aide familial/apprenti/inclassable 13,0 27,3 19,7 Total 100,0 100,0 100,0

Source: EESI 2, Phase 1, INS

En somme, bien que la participation des femmes au marché du travail a progressé au Cameroun, elles demeurent peu nombreuses, comparativement aux hommes, à occuper des postes de décision. En outre, elles ont des taux de chômage relativement plus élevés, et sont plus nombreuses à travailler dans l’économie informelle.

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2.3. Salaires mensuel En général, le salaire mensuel moyen des hommes est d’au moins 30 000 F

CFA supérieur à celui des femmes, quelque soit le secteur institutionnel. Notons que l’écart n’est pas uniforme sur tous les points de la distribution des salaires. Les femmes sont plus concentrées dans les tranches à faible revenu, et les hommes dans celles où le revenu est le plus élevé.

Tableau 4: Revenu mensuel suivant le secteur institutionnel et par sexe

Public Privée formelle

Informelle non agricole

Informelle agricole

Ensemble

Revenu mensuel en F CFA H 160

850 134 558 66 288 22 381 66 476

Moyen F 130

698 106 000 37 746 11 098 32 780

H 135 000

80 000 40 000 7 500 36 8423

Médian F 125

006 80 000 21 000 596 15 000

Tranche de revenu (%) H 7,0 7,0 31,2 73,5 40,9

[0-28 500[ F 8,6 13,1 54,7 86,0 65,0 H 5,0 16,6 23,2 12,2 17,3 [28 500-

47 000[ F 7,7 13,7 20,8 8,0 14,2 H 16,0 32,3 26,6 9,8 20,4 [47 000-

94 000[ F 18,1 28,1 15,4 4,5 11,0 H 37,1 23,8 13,0 3,2 13,0 [94 000-

188 000[ F 46,0 32,0 6,8 1,3 7,1 H 31,2 12,9 4,2 1,1 6,6 [188 000-

376 000[ F 17,8 9,8 2,1 0,2 2,3 H 3,7 7,4 1,6 0,2 1,8 [376 000-

et plus [ F 1,6 3,3 0,3 0,0 0,3 Total H 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Total F 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Source: EESI 2, Phase 1, INS

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3. Méthodologie

Au-delà du constat chiffré fait à la section précédente, relatif à l’écart de

salaire entre hommes et femmes, il est nécessaire d’identifier les facteurs conduisant à cette inégalité. Pour cela, l’on décompose l’écart de salaire en une part provenant des différences de caractéristiques individuelles (« part expliquée ») et une « part inexpliquée », résultant de la différence dans le rendement de ces caractéristiques (Oaxaca, 1973 ; Blinder, 1973). La discrimination salariale est alors cette part de l’écart salarial moyen qui n’est pas attribuable aux différences observées entre les caractéristiques des hommes et des femmes.

L’on estime tout d’abord l’équation de salaire des hommes et des femmes à partir d’une fonction de gains de Mincer (1974):

Où est le logarithme du salaire (des hommes et des femmes), un ensemble de variables explicatives qui déterminent le salaire et un terme d’erreur. Ces variables incluent les caractéristiques du capital humain telles que l’expérience, le niveau d’instruction, etc., ainsi que les caractéristiques de l’emploi telles que la catégorie socioprofessionnelle, le rythme de travail,… et enfin, les caractéristiques de l’entreprise comme la taille, le secteur, etc.

L’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes est alors:

Où les représentent les salaires moyens estimés, les indices et les

salariés masculins et féminins, les les moyennes des caractéristiques et les les rendements de ces caractéristiques estimés dans une équation de gains.

Oaxaca et Ramson (1994) proposent de prendre comme norme non discriminante les résultats de l’estimation de gains pour l’ensemble de la population. La décomposition du salaire moyen s’écrit alors:

Le premier terme représente le supplément de rémunération des caractéristiques accordé aux hommes par rapport à la norme: c’est l’avantage masculin. Le second terme est la différence de rémunération des caractéristiques des femmes par rapport à la norme: c’est le désavantage féminin. Le troisième terme est l’écart de salaire dû à une différence de caractéristiques entre les deux genres.

En somme, les deux premiers termes forment la composante non expliquée de l’écart salarial: c’est l’écart salarial dû à la discrimination ; et le troisième terme est la part « justifiée » ou expliquée de l’écart salarial.

Étant donné que la population dont on observe le salaire n’est pas un échantillon aléatoire de la population de référence, nous utilisons la procédure en deux étapes de Heckman (Keckman, 1979). La méthode consiste à estimer à l’aide d’un modèle Probit la probabilité d’appartenance au groupe dont on observe le salaire, calculer l’inverse du ratio de Mills, pluis l’inclure comme variable explicative dans l’équation de salaire. Les variables de sélection pour la participation au marché du travail sont:

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l’âge, le carré de l’âge, le niveau d’instruction, la région de résidence, le statut de chef de ménage, le nombre d’enfants en bas âge (de moins de 10 ans), la taille du ménage, le statut matrimonial.

4. Données et Résultats L’on présente dans cette section la source des données ainsi que les principaux

résultats. 4.1. Données Les données utilisées dans le cadre de l’étude sont issues de l’Enquête sur

l’Emploi et le Secteur Informel (EESI), réalisée au Cameroun en 2010 par l’Institut National de la Statistique (INS). L’EESI est menée en deux phases et son objectif principal est d’évaluer la situation de l’emploi (phase 1) et les activités économiques des ménages dans le secteur informel (phase 2). Les données utilisées sont celles de la première phase. L’échantillon de l’EESI est stratifié et tiré à deux degrés. Au premier degré, l’on tire les zones de dénombrement (ZD)6 et au deuxième, les ménages. Puis, dans les ménages, on interroge les personnes âgées de 10 ans et plus. Ainsi, 22 949 individus ont été interrogés, dont 51,6% de femmes et 48,4% d’hommes. L’échantillon de travail, constitué des personnes âgées de plus de 15 ans comporte 14 605 individus, dont 51,9% d’hommes et 48,1% de femmes.

4.2. Résultats L’on présente tout d’abord les équations de gains des hommes et des femmes,

puis les résultats de la décomposition de l’écart salarial. 4.2.1. Équations de salaires des hommes et des femmes Avant de présenter les résultats de nos estimations, il convient de mentionner

un handicap que nous avons rencontré, relatif à l’indisponibilité d’informations sur le nombre d’heures effectivement travaillées par les salariés. De fait, il aurait été d’un grand intérêt de réaliser nos estimations en nous basant sur les salaires horaires des travailleurs afin de converger vers la théorie du capital humain.

Les résultats révèlent l’importance de l’éducation dans la formation des salaires. En effet, le rendement de l’éducation augmente à mesure que l’on avance dans les niveaux éducatifs. C’est ainsi que le rendement du primaire est près de quatre fois moins important que celui du niveau d’éducation secondaire et plus pour les hommes. Il convient de noter que le rendement du primaire chez les femmes n’est pas significatif, pouvant signifier que les employeurs exigeraient des

6 Une ZD est une partie du territoire limitée par des détails visibles et renfermant en principe 700 à 1 100 habitants, soit entre 140 et 220 ménages en moyenne. Le territoire camerounais a été découpé en 17 800 ZD qui constituent les unités de base.

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femmes des qualifications supérieures à celles des hommes. Toutefois, le rendement du niveau secondaire et plus pour les femmes semble supérieur à celui du même niveau chez les hommes.

Par ailleurs, l’expérience, appréhendée par l’âge, contribue significativement à l’accroissement du salaire. Pour les hommes et les femmes, le coefficient attribué à cette variable est significativement supérieur à zéro. Pour ce qui est du milieu de résidence, les résultats révèlent que le fait d’habiter en milieu urbain pourrait favoriser le salaire. La catégorie socioprofessionnelle a également un effet positif sur le salaire, et les rendements associés à cette variable semblent augmenter à mesure que l’on progresse dans les catégories. Il convient de noter que les rendements associés à cette variable sont particulièrement élevés chez les femmes.

Tableau 5: Equations de gains dans le secteur privé avec correction du biais de sélection

Variable dépendante: logarithme du salaire mensuel Ensemble Hommes Femmes Variables indépendantes β t β t β t

Constante 2,039 13,62* 1,896 11,27* 1,570 5,25* Niveau d’étude (1) Primaire 0,112 2,88** 0,171 3,26* 0,038 0,64 Secondaire et plus 0,447 10,51* 0,407 7,33* 0,470 7,06* Démographie Âge 0,037 5,83* 0,041 5,57* 0,046 3,87* Âge2 -

0,052 -7,87* -

0,052 -6,56* -

0,064 -5,50*

Milieu urbain (2) 0,867 24,46* 0,848 20,25* 0,842 12,73* Femmes -

0,324 -10,89* - - - -

Catégorie socioprofessionnelle (3) Employé 0,524 13,04* 0,483 10,15* 0,625 8,16* Cadre 1,105 11,99* 1,097 10,03* 1,131 6,71* Entreprise Secteur formel (4) 0,486 7,77* 0,484 6,94* 0,578 4,23* 3-5 employés (5) -

0,281 -7,87* -

0,245 -5,22**

-0,344

-6,21*

Plus de 5 employés -0,135

-2,79** -0,117

-2,06**

-0,177

-1,89***

Lambda -1,109

-6,67* -1,178

-5,28* -0,798

-2,90**

R2 ajusté 0,2523 0,2346 0,2107 Test de Fischer (sig.) 277,16 (0,0000) 156,25 (0,0000) 104,11 (0,0000) Nombre d’observations 9824 5574 4250

Source: EESI 2, Phase 1, INS, nos calculs.

Note: (1) référence: non scolarisé. (2) référence: milieu rural. (3) travailleur à compte propre. (4) référence: secteur informel. (5) référence: 1-2 employés. Significativité des coefficients: *(1%), **(5%), ***(10%). L’on présente par la suite les résultats de la décomposition de l’écart salarial.

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4.2.2. Décomposition de l’écart de salaire moyen

Tableau 5: Equations de gains dans le secteur privé avec correction du biais de sélection

Valeur

Avantage masculin: (1) 0,3941

Désavantage féminin: (2) -0,4044

Par inexpliqué: (1)+(2) -0,0103

Part expliquée: (3) 0,2637

Écart salarial total: (1)+(2)+(3) 0,2533

Source: EESI 2, Phase 1, INS, nos calculs.

L’écart de salaire estimé est de l’ordre de 25%, et est quasiment justifié. En

effet, l’avantage masculin et le désavantage féminin s’annulent pratiquement. La différence de salaire observée entre les hommes et les femmes ne serait donc pas due à une discrimination salariale, mais à de la ségrégation professionnelle. L’on a précédemment mis en évidence les rendements particulièrement élevés de la catégorie socioprofessionnelle chez les femmes.

Seulement, les hommes demeurent, comparativement aux femmes, plus nombreux à occuper des postes de responsabilité. En effet, 1,9% des femmes sont des patrons contre 4,9% chez les hommes. Par ailleurs, plus d’une femme sur deux (54,7%) travaille à son propre compte et près de trois femmes sur dix (27,3%) sont des aides familiaux/apprenties ; ces proportions étant respectivement de 43,2% et 13,0% chez les hommes. Il convient aussi de remarquer que les femmes possèdent les niveaux d’instruction les plus bas: environ 25% d’entre elles n’ont pas eu accès à l’instruction formelle ou n’ont tout simplement pas pu achever leur première année d’étude. Or, l’on a vu que le rendement associé au niveau d’instruction primaire était nul pour les femmes. Ainsi, les différences de caractéristiques entre les hommes et les femmes, dont principalement la différence des dotations en capital humain, expliquerait l’écart salarial observé entre les deux sexes.

5. Conclusion Nous avons essayé d’étudier l’écart salarial entre les hommes et les femmes

dans le secteur privé au Cameroun. Nous avons à cet effet utilisé les méthodes de décomposition d’Oaxaca et Blinder. Les estimations ont révélé que les femmes sont rémunérées 25% moins que les hommes. Cet écart est essentiellement expliqué par les différences de caractéristiques entre les deux sexes, principalement la différence des dotations en capital humain, la composante associée à la discrimination étant quasiment nulle.

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A la lumière de nos investigations, nous formulons les recommandations suivantes:

- Le Gouvernement camerounais devra veiller à la mise en application de la Convention pour l’Elimination de toute forme de Discrimination à l’Egard des Femmes 5CEDEF) que le pays a ratifié en 1994. Ainsi, dans le secteur formel il convient d’améliorer l’accès des femmes aux postes de responsabilités. Afin de s’assurer d’une adhésion à l’objectif d’équité Hommes-Femmes des responsables, il faudra renforcer les capacités des professionnels sur l’approche genre.

- Dans le processus de décentralisation amorcé par le pays, il conviendrait de mettre en place des programmes communautaires axés sur le genre.

- Le secteur informel, loin d’être combattu, doit être valorisé. La valorisation de ce secteur peut se faire par le développement de nouvelles formations aptes à rendre plus optimale la production dans ce secteur, et améliorer la rentabilité.

Références bibliographiques Arrows. K. (1973), “The theory of discrimination”, in Discrimination in labor markets, O. Ashenfelter and A Rees eds, Princeton University Press.

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Blinder A.S. (1973), “Wage Discrimination: Reduced Form and Structural Estimates”, The Journal of Human Resources, vol. 8, n° 4, pp. 436-455.

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Annexes

Tableau A1: Statut sur le marché du travail suivant le niveau d’instruction

Niveau d’instruction Non

scolarisé Primaire Secondaire Supérieur Total

Effectif 2597 4517 5315 1107 13536 Actif occupé % 19,2 33,4 39,3 8,2 100,0

Effectif 102 226 553 188 1069 Chômeur

% 9,5 21,1 51,7 17,6 100,0 Effectif 1034 823 2633 568 5058

Inactif % 20,4 16,3 52,1 11,2 100,0 Effectif 3733 5566 8501 1863 19663

Ensemble % 19,0 28,3 43,2 9,5 100,0

Source: EESI 2, Phase 1, INS

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LE CHARGÉ DES RELATIONS PARTENARIALES ET SES CLIENTS: SIGNIFICATIONS ET USAGES

DE LA CONFIANCE

Céline REMY et Jean-François ORIANNE CRIS

[email protected] Abstract: For some years now in Belgium, the public employment services and the

private operators have been invited at the request of European institutions to work closely within the framework of « public-private partnerships », following a logic of mixed management of the labor market. As a result, the public employment services have recently developed a new line of specialized services in building and managing partnership integration and training. Within these new services, the « Partnership Counsellors » are in charge of selecting collaborative projects and following the actions undertaken, in the context of these projects, by the partners (both private and non-profit) in charge of the job seekers. The objective of this paper is to describe the different ways to forge and develop these partnership relations. More specifically, we will focus on the ways in which trust is expressed in the interactions between the people responsible for partner relationships, that is to say, the « professionals », and occupational integration operators, who are their clients.

Keywords: private-public partnership, public employment services, private operators,

partnership counsellors, trust.

Introduction La ratification de la convention 181 de l’OIT (Organisation Internationale du

Travail), autorisant les agences privées de placement à collaborer avec les services publics de l’emploi, signe la fin d’un monopole public sur la gestion du marché de l’emploi. Dans ce nouveau contexte, fortement concurrentiel, les services publics d’emploi (SPE) sont amenés à repenser et à repositionner leurs activités traditionnelles de placement, d’accompagnement, de formation et de contrôle des demandeurs d’emploi.

Depuis quelques années en Belgique, SPE et opérateurs privés de placement sont invités, à la demande des institutions européennes, à collaborer étroitement dans le cadre de « partenariats publics-privés »1, suivant une logique de gestion mixte du marché de l’emploi. Ainsi, les SPE ont récemment développé une nouvelle ligne de services spécialisés dans la construction et la gestion de partenariats d’insertion et de formation. Au sein de ces nouveaux services, des

1 Aubert et al., 2004 ; Campagnac, 2009 ; Giauque, 2009 ; Iossa et al., 2008 ; Kee et al., 2008 ; Lienhard, 2006 ; Mazouz, 2009.

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« chargés de relations partenariales » (Forem) et des « gestionnaires de projets » (Actiris) ont pour mission de sélectionner des projets de collaboration et de suivre les actions réalisées, dans le cadre de ces projets, par les partenaires (privés et associatifs) en charge des demandeurs d’emploi.

L’objectif de cette communication est de décrire les différentes manières dont se nouent et se développent ces relations partenariales. Plus précisément, nous nous centrons sur les formes par lesquelles la confiance s’exprime dans les interactions entre les chargés de relations partenariales et les gestionnaires de projets, c’est-à-dire les « professionnels » et les opérateurs d’insertion socioprofessionnelle qui sont leurs « clients ». Tout en sachant que les acteurs de terrain n’emploient pas ces appellations, nous prenons le parti de les utiliser en référence à la sociologie des professions.

Nous nous appuyons sur une recherche de terrain menée conjointement dans deux services publics de l’emploi situés en Belgique à savoir le Forem en Région wallonne et Actiris en Région bruxelloise. Le matériau empirique se compose principalement d’entretiens semi-directifs d’agents de SPE et d’opérateurs d’insertion, ainsi que de nombreuses observations d’interactions (rencontres entre partenaires, réunions de travail, comités de sélection et d’évaluation de projets, etc.). L’observation participante s’est effectuée dans le cadre du dispositif d’appels à projets lancé par les SPE.

Ces deux études de cas sont analysées à l’aune d’une sociologie de la confiance2. Nous tentons de mettre en évidence les significations et usages multiples de la confiance comme autant d’éléments qui constituent et régulent les interactions entre le professionnel et son client.

Licence et mandat Dans son métier, le professionnel est amené à suivre un ensemble de clients

pour la mise en œuvre de projet dans le champ de l’accompagnement et de la formation des demandeurs d’emploi. Il possède, tout comme le client, des licences et mandats spécifiques pour l’exercice de sa fonction.

Le professionnel …

Le gouvernement octroie aux SPE une « autorisation d’exercer » leur mission de service public de l’emploi et de déléguer une partie de leurs missions à des opérateurs privés. Ces textes fournissent une « licence », au sens de Hughes (1996), aux SPE. Chaque région et chaque SPE a traduit cette directive à travers ses propres textes légaux.

2 Baudry, 1994 ; Garfinkel, 1963 ; Karpik, 1996 ; Luhmann, 2001 & 2006 ; Ogien, 2006 ; Orléan, 1994 ; Quéré, 2001 & 2009 ; Sabel, 1992 ; Zaheer et al., 1998 ; Zucker, 1986.

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Du côté d’Actiris, une ordonnance3 donne des précisions sur l’organisation et le fonctionnement de l’Office régional bruxellois de l’Emploi. On peut y lire qu’« en vue de l'accomplissement de ses missions, et dans les conditions fixées par le Gouvernement, l'Office peut conclure des conventions. Il peut également, moyennant l'autorisation préalable du Gouvernement et aux conditions fixées par celui-ci, participer à la constitution, au capital ou à la gestion d'organismes, de sociétés ou d'associations, tant publics que privés, pour autant que cela contribue à l'exercice des missions de l'Office ». L’article 7 autorise Actiris à collaborer avec des organismes externes. A cela s’ajoute une ordonnance de gestion mixte relative à la gestion mixte du marché du travail dans la Région de Bruxelles-Capitale (du 26 juin 2003) qui formule clairement la perte pour le service public de l’emploi du monopole en matière d’accompagnement des chercheurs d’emploi.

Suite à la rédaction de cette ordonnance, Actiris a notifié dans son contrat de gestion, pour la période 2006-2011, qu’il se donne le rôle de « Maître d’ouvrage ». Il a la possibilité « de confier, sous son contrôle, l’exécution de tâches résultant de ses missions organiques ou déléguées à un Opérateur d’emploi plutôt que de l’exécuter lui-même en tant qu’Opérateur ; [ou] d’assumer un rôle de coordination, d’intégration, de stimulation et de ressources vis-à-vis des différents opérateurs sectoriels dans une logique de partenariat » (Contrat de gestion 2006-2011, p.8). Au cours de la mise en œuvre de ce contrat, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a signé un arrêté, du 28 février 2008, dans lequel il stipule que « pour exécuter ses missions, Actiris peut conclure des conventions avec des tiers [et §2 leur] octroyer des subventions (art.2) »

Actiris est aussi mandaté par le gouvernement pour l’exécution de missions bien spécifiques. Le marché de l’emploi étant partagé entre l’Office de l’Emploi et les opérateurs privés d’insertion, l’ordonnance du 26 juin 2003 clarifie les missions de chacun. L’Office est autorisé exclusivement à assurer: 1) l’inscription, le contrôle et le traitement des données individuelles des chercheurs d’emploi ; 2) la gestion du parcours d’insertion des chercheurs d’emploi ; 3) la mise en œuvre et le suivi de la remise au travail des chômeurs et 4) la gestion et l’organisation du réseau informatisé d’échanges d’informations (Art.3 §1er). Un cadre de réforme sur le partenariat, rédigé en 2008, précise en détail les missions du département partenariat. Il constitue le mandat, au sens de Hughes (1996) des gestionnaires de projets. Le service partenariat doit assurer le développement stratégique des partenariats, l’organisation, la gestion et le suivi des programmes de partenariat, la gestion administrative et financière des conventions de partenariat et la coordination des sous-réseaux.

Du côté de la Région Wallonne, le Forem possède un contrat de gestion (2006-2011) où il lui est ordonné, de par son nouveau rôle de Régisseur-Ensemblier, d’accentuer et de développer des partenariats pour mener à bien ses missions. L’article 7 du décret du 6 mai 1999 renseigne sur l’exécution de missions par

3 L’ordonnance du 18 janvier 2001est issue de laratification de la convention 181 de l’OIT.

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l’Office sous forme de partenariat (§1). Le gouvernement wallon définit le partenariat de la manière suivante: « §2. Par partenariat, il faut entendre toute forme d’association ou de collaboration avec des intervenants publics et/ou privés, par laquelle des moyens financiers, humains ou matériels peuvent être mis en commun pour poursuivre un objectif ressortissant aux missions de l’Office qui dépasse ou qui rend plus adéquate la réponse qu’un intervenant aurait pu apporter seul aux besoins des publics-cibles ou lorsque l’Office ne peut réaliser une partie de ses missions seul, en raison de la spécificité du besoin à couvrir ». Sur base de cette licence, les acteurs du service des relations partenariales construisent un mandat dans lequel ils se donnent pour objectifs de:

a) Développer la cohérence et la qualité des relations entre le Forem Conseil et les opérateurs

b) Stimuler et encourager le développement d’actions intégrées c) Assurer aux opérateurs une analyse (pertinence, faisabilité, …) et un

soutien pour la mise en œuvre de leurs actions d) Soutenir les opérateurs dans le développement de la qualité de leurs

actions. Plus précisément, la principale mission du chargé de relations partenariales est,

selon la fiche de description de fonction, « d’initier et gérer les partenariats d’insertion entre Forem Conseil et les différents partenaires afin de permettre aux demandeurs d’emploi de bénéficier de prestations et ainsi de s’insérer sur le marché de l’emploi ». Il a pour tâche de:

a) Initier, développer et suivre des projets de collaboration avec les partenaires

b) Conseiller et orienter les partenaires c) Analyser les projets de formation/insertion d) Mettre en place et gérer des plateformes partenariales e) Participer à des réunions de travail axées sur les conventions f) Participer et mettre en place des séances d’information à l’attention des

opérateurs g) Assurer la veille dans son domaine d’activité et diffuser les informations. … et son client Parmi les clients des services partenariat, on retrouve des opérateurs publics

(Centres publics d’action sociale (CPAS), les écoles, etc), des opérateurs marchands (Agences d’intérim, Sociétés privées à responsabilités limitées (SPRL), etc) ainsi que des opérateurs privés non-marchands qui correspondent au monde associatif (Association sans but lucratif (ASBL), Missions locales, Organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP), Entreprises de formation par le travail (EFT), etc). Le nombre d’organismes œuvrant dans le champ de l’accompagnement socioprofessionnel s’élève à plusieurs centaines (N=300 pour Bruxelles et plus de 1000 pour la région wallonne). Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes centrés sur les organismes de type privé marchand et non-marchand. Les deux SPE étudiés ont un nombre différent de partenaires. Cela s’explique par les

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caractéristiques des régions où ils se situent respectivement. Le Forem possède plus de « clients » qu’Actiris par le fait que la région est plus étendue.

Les organismes d’insertion socioprofessionnelle sont considérés comme des experts par les services publics de l’emploi, en ce sens où certains ont une expertise spécifique pour accompagner des publics au profil très particulier. Il paraît important de remarquer que le professionnel et le client se situent dans une posture particulière car le client est lui-même un professionnel. Un des derniers organismes autorisés à collaborer avec Actiris sont les agences d’intérim. Le gouvernement octroie une licence aux agences privées de placement, à travers l’ordonnance de gestion mixte du marché du travail du 14 juillet 2011, où il les invite « à contribuer à la politique de l’emploi (art.20) par la fourniture au ministère et à Actiris de toute information utile à des fins de contrôles ou de statistiques (art.6 §7) ».

Il en est de même en Région wallonne où le décret du 13 mars 2003 de la Région wallonne relatif à l’agrément des agences de placement oblige les agences de placement à fournir au Forem « les informations utiles à l’accomplissement de la mission de gestion active et de diffusion de l’information et de la connaissance sur le marché de l’emploi (art.20) ». Les mandats varient en fonction du type d’opérateur. Par exemple, les Organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP) et les Entreprises de formation par le travail (EFT) ont pour obligation dans leur agrément4 de prendre en charge les chercheurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi. Par contre, une agence d’intérim peut recruter des demandeurs d’emploi proches de l’emploi. Cela dépend des missions que l’opérateur peut effectivement réaliser.

Ce qui nous intéresse tout particulièrement dans le cadre de ces relations entre le professionnel et son client, c’est le type de relation qui est nouée entre eux. Est-ce une relation de confiance ou de méfiance ? Nous cherchons à comprendre la manière dont ils régulent leur collaboration à travers ces deux états relationnels. Pour ce faire, nous allons voir ce que la sociologie des professions propose en la matière.

La confiance au sein de la sociologie des professions Un des premiers auteurs à s’intéresser aux relations entre le professionnel et

son client est T. Parsons qui effectue vers les années 1950 des travaux sur les professions libérales. Parsons parle d’éthos du désintéressement pour qualifier la relation entre le médecin et son patient. Il met en avant le désintéressement du professionnel en ce sens où ce dernier privilégie le bien-être de son client plutôt que la satisfaction de ses intérêts personnels5. Ainsi, le professionnel est orienté vers la collectivité6 donc il agit pour le bien de celle-ci.

4 Décret du 1er avril 2004 pour la région wallonne et décret du 27 avril 1995 pour la région bruxelloise. 5Ibid., p.199. 6Ibid., p.198.

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Pour Parsons, c’est la situation du malade et du médecin dans la relation thérapeutique qui définit le rôle de chacun. La situation de travail est en quelque sorte naturalisée7: le professionnel tout comme le client intériorise les normes et les valeurs liées à son propre rôle. Cette thèse sur l’intériorisation des normes et des valeurs permet à Parsons d’avancer que la relation de confiance existe préalablement à la rencontre entre le client et le professionnel. La confiance n’est pas à construire dans l’interaction entre le patient et le médecin ; elle va de soi. Elle est au fondement de la relation entre le professionnel et le client pour autant que le médecin maintienne une sorte de neutralité affective8 vis-à-vis de son malade. De ce fait, le « malade est censé avoir confiance dans son médecin, et au cas où la confiance est brisée, […] il doit chercher un autre médecin »9. Naturellement, la relation est régie par la confiance mutuelle.

L’éthos du désintéressement est critiqué par la sociologie interactionniste (la deuxième école de Chicago). E. Hughes réalise ses travaux sur un ensemble de professions. Il remarque les limites du désintéressement des professionnels10. Certains d’entre eux ont peu de respect vis-à-vis de leurs malades. D’autres, parfois, adoptent même des comportements délictueux. Ces formes de désintéressement montrent que les situations de travail et les rôles ne sont pas naturalisés. En conséquence, les normes et les valeurs ne s’intègrent pas aussi aisément que Parsons ne l’énonce.

Contrairement à Parsons, Hughes s’intéresse à l’historique des échanges pour comprendre la manière dont la relation se construit entre le professionnel et le client. Pour lui, « les situations sont le résultat d’un travail de construction, par lequel les membres des professions établies utilisent, manifestent et renforcent leur pouvoir sur ces situations et sur autrui »11. De la sorte, la légitimité du pouvoir chez le professionnel est la conséquence d’une « lutte victorieuse » ; et pas d’une situation non négociée, comme l’avance Parsons. Ce raisonnement s’étend à la relation de confiance qui existe entre le professionnel et le client. La confiance n’est pas au fondement de la relation car elle est à construire dans l’interaction. Elle ne va pas de soi comme l’explique Parsons.

Une série d’auteurs, appartenant à la sociologie critique française, montrent à travers leurs études sur des catégories professionnelles variées que la confiance entre le professionnel et le client est fragile12. Milburn (2002) précise dans ses travaux sur les avocats et les médiateurs que ces derniers ne disposent pas d’une confiance préalable. La valeur de l’intervention du professionnel est définie par l’intérêt que le client lui confère. Milburn montre que la confiance se construit et

7 Champy, 2009, p.57. 8Ibid., p.71. 9Op. cit., Parsons, p.236. 10Op. cit., Champy, p.53. 11Ibid., p.57. 12 Villette, 2003, p.39.

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qu’elle agit comme un « régulateur de négociation »13 au sein des relations. Cependant, elle n’est pas toujours facile à obtenir de la part du client. Elle est, pourtant, indispensable car, dans le cadre de la profession d’avocat, la réussite de la défense du client provient de la coopération de ce dernier et de la confiance qu’il accorde au professionnel.

Parfois, la confiance est encore plus difficile à instaurer quand la méfiance colore le moment de la rencontre. Dans le cadre de certaines professions, le client engage une relation avec le professionnel sous le sceau de la défiance, comme le souligne Trompette dans son étude sur les conseillers funéraires. La famille du défunt est dans une situation de « confiance contrainte » (Trompette, 2009, p.303) car elle est obligée de faire appel à une entreprise de pompes funèbres. Cette catégorie de professionnel souffre d’une mauvaise image car certaines entreprises font des tarifs jugés abusifs ou sont soupçonnées de malversations. Tous ces éléments tant du côté du professionnel que du client participent à l’établissement d’une situation de « crise de la confiance » (Trompette, 2009, p.300). Dès lors, la famille scrute les moindres signes qui lui permettront de construire sa croyance dans la fiabilité du conseiller. La famille est en quelque sorte à la recherche de garanties sur base desquelles la méfiance s’estompera au profit de la confiance.

Selon Karpik (1995), une manière de neutraliser la méfiance est d’apporter des garanties au client. Dans son œuvre sur les avocats, il précise que les garanties proviennent tant de l’Etat que de l’Ordre des avocats. Pour assurer la qualité du travail de ce dernier, trois moyens sont conjugués à savoir: le monopole, le diplôme obligatoire et le stage. Ces moyens sont des « dispositifs de confiance » (Karpik, 1996) qui permettent un engagement crédible entre l’avocat et le client. Chaque profession possède des gages spécifiques de confiance. La confiance n’est donc pas un acte aveugle mais bien une « croyance collective qui s’appuie sur l’autoréglementation pratiquée par les avocats pour instaurer l’équilibre des droits et des devoirs réciproques » (Karpik, 1995, p.256).

Karpik découvre que les professionnels peuvent jouer sur deux registres pour instaurer la confiance dans la relation avec leur client. Il identifie deux formes de confiance: 1) la confiance personnelle et 2) la confiance globale et impersonnelle. Les précédents auteurs n’évoquent que le premier niveau. La première forme est plutôt « locale, vulnérable et constamment soumise aux épreuves [tandis que la deuxième se base] sur un dispositif objectivé permettant de faire l’économie de démonstrations répétitives et qui tend à s’affranchir des limitations de temps et d’espace » (Karpik, 1995, 259). La confiance de type global et impersonnel permet de construire une relation personnelle de confiance et maintien la stabilisation dans le temps du marché-réseau.

Ces deux registres font directement écho à la distinction fondatrice de Luhmann (2006) en sociologie de la confiance. Pour lui, la confiance permet de réduire la complexité du monde dans lequel nous vivons. S’inscrivant dans une

13 Milburn, 2002, p.62.

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perspective descriptive et compréhensive de la confiance, il s’attèle à distinguer deux niveaux de la confiance, ce qu’il nomme le niveau interpersonnel et le niveau systémique (institutionnel). Il caractérise le premier niveau comme étant les attentes réciproques que l’autre sera fidèle à ce qu’il est et communiquera sur lui. Le deuxième niveau permet de réguler la complexité élevée de la société grâce aux « médias de communication » (Luhmann, 2006, p. 56). Ces « médias » favorisent l’adoption par un individu d’un comportement approprié, parmi un ensemble d’attitudes possibles, dans une situation donnée. Par exemple, un individu qui a de l’argent n’a pas besoin de faire confiance aux autres mais bien en l’institution qu’est l’argent. Comme tant d’autres institutions, l’argent permet le passage d’une confiance interpersonnelle à une confiance systémique.

Eléments pour une grammaire de la confiance: l’apport d’Albert Ogien

Une manière d’interroger la construction de la confiance est de se baser sur les

discours des professionnels et de leurs clients et, plus particulièrement, sur la manière dont ils parlent de la relation de collaboration. Seule l’analyse discursive permettra de comprendre le processus de construction de la confiance dans une relation partenariale entre le professionnel et son client. Pour ce faire, nous nous référons aux quatre formes logiques d’Albert Ogien. Ce dernier aborde la confiance de manière originale en déclinant les manières de décrire la confiance. Ces manières « guident l’appréhension de la relation de confiance tout comme elles façonnent les propositions susceptibles de la décrire »14. Il semble important de comprendre le positionnement d’Ogien par rapport au concept de confiance pour lequel il précise l’existence de plusieurs dimensions. Premièrement, la confiance à une dimension morale parce qu’il la qualifie comme étant « un événement particulier dans la relation sociale entre humains [en interaction] »15. Deuxièmement, elle a une dimension temporelle en ce sens où le terme confiance manifeste quelque chose sur le déroulement à venir de la relation sociale pour laquelle l’engagement se passe présentement.

La première forme logique est celle du pari qui peut être identifiée à partir du moment où il y a présence de « la liberté absolue d’autrui à respecter ou pas la parole donnée »16. La première contrainte de cette forme est l’interdiction d’anticiper les conséquences qui risquent de découler de la proposition ainsi, il faut « exclure la possibilité de faire de son résultat une prémisse de sa formulation »17. Un autre élément intrinsèque au « pari » est l’absence d’un enjeu clairement présenté comme dans l’exemple pris par Ogien où un homme inconnu vous aborde

14 Ogien, 2006, p.226. 15Ibid., p.218. 16Ibid., p.226. 17Ibid., p.227.

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sur le quai d’une gare pour vous demander la somme de cent mille euros en promettant de vous les rendre en date et lieu souhaités. Il s’agit d’une réelle épreuve où l’enjeu est absent du discours et où la promesse ne sera peut-être réalisée. A partir du moment où l’enjeu est spécifié – cette somme lui servant pour sauver sa fille des mains d’un imposteur – la confiance prend une connotation morale. Les modalités d’engagement dans ce type de logique du pari ont pour issue une alternative simple sans gradation à savoir soit la perte ou le succès.

La deuxième forme logique est celle du sacrifice pour laquelle « « faire confiance » c’est prendre la décision, dans le cours d’une interaction, de renoncer de façon délibérée et sans justification […] à recueillir d’autres informations qui permettraient de rendre moins risqué le fait de se rendre vulnérable à autrui »18. Faire confiance relève alors d’une « pratique positive de l’ignorance ». Cette pratique s’adapte aux circonstances, ce qui l’amène à être « inconditionnelle » (on ne met pas en doute le soutien de proches avec lesquels une relation de dépendance est présente), « contrôlée » (lorsque l’engagement s’effectue en connaissance de cause avec une évaluation du risque éventuel) ou « relative » (lorsque le besoin de s’assurer de ce qui est dit ou se fait n’a pas lieu d’être eu égard des conséquences de l’action en train de s’accomplir). Un exemple criant est celui de l’hospitalité: accueillir un inconnu chez soi demande un « abandon de soi » car aucune information n’est accessible pour savoir si cet étranger est digne de confiance. Dans cette situation, la confiance est empreinte de « naïveté ».

La troisième forme logique est le gage qui « suppose qu’on dépose un bien valorisé comme garantie du respect d’une parole donnée et qu’on en risque la perte en cas de non-exécution de l’engagement auquel on a souscrit »19. Lors de la vente d’un bien immobilier, la rencontre entre le vendeur et l’acheteur a une portée sur plusieurs mois. La confiance ne figure pas nécessairement en arrière-plan. Par contre, elle peut être mobilisée à ce moment imprévu où acheteur et vendeur passent soudainement à l’acte. Ce moment transcrivant la confiance ne dure qu’un instant. La confiance est perceptible à travers, par exemple, une poignée de main, une onomatopée, etc. L’acte de confiance peut se concrétiser sans même y avoir pensé. Cette forme logique force à concevoir la confiance comme un acte accompagné d’une « garantie de représentation ». Il peut s’agir d’un contrat, d’une réputation, d’une marque, d’une notoriété, etc. Il faut préciser que cette forme logique est plutôt utilisée pour décrire la conduite de celui qui cherche à gagner la confiance plutôt que celle de celui qui la donne.

La quatrième forme logique est celle du défi, en ce sens où l’individu décide de « faire confiance » en envisageant cet acte comme une « mise en danger délibérée ». La « gravité de l’enjeu engagé » fera varier le degré de mise en danger, allant de l’acte banal (prêter une petite somme d’argent à quelqu’un) à l’acte audacieux (traverser une rivière en plein hiver pour prouver qu’on est un homme)

18Ibid., p.229. 19Ibid., p.228.

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en passant par l’acte risqué (faire circuler des produits illicites). D’après Ogien, cette forme est apparemment plus rare.

Ces formes logiques peuvent servir à décrire les situations vécues par les signataires d’une convention de partenariat lors de la mise en œuvre d’un projet d’insertion socioprofessionnelle. Il semble important de préciser que, dans le cadre de l’analyse, un ensemble d’exemples illustrera les formes logiques d’Ogien. Ces exemples ne se serviront pas à décrire uniquement la relation de confiance entre le professionnel et le client mais bien la relation de délégation, au sens large, qui existe entre les services publics de l’emploi et les opérateurs privés d’insertion socioprofessionnelle.

Analyse des relations partenariales sous l’angle de la confiance

Saisir le vécu de la relation partenariale par chaque partenaire, sur base du

modèle d’Ogien, nous permettra de voir la mise en exergue ou non de certaines formes logiques. Nous essayerons de saisir l’articulation que ces formes peuvent prendre dans le cadre de relations partenariales.

L’engagement dans une relation partenariale: les garanties réciproques

Pour établir des collaborations avec les organismes d’insertion socioprofessionnelle, les SPE lancent régulièrement des appels à projets. Une procédure de sélection est organisée pour choisir les futurs partenaires. A tout moment de la collaboration, les partenaires doivent fournir une série de garanties tant pour s’engager dans la relation partenariale (sélection du client et conventionnement) que pour mener à bien la mise en œuvre du projet. Les garanties constituent des objets divers et variés qui peuvent être matériels, financiers, informationnels, symboliques, etc. La liste des « garanties de représentation »20 que nous allons présenter ci-dessous n’est bien sûr pas exhaustive.

Du côté du professionnel Les deux SPE – Actiris et le Forem – doivent fournir des garanties au niveau du

processus de sélection dans le cadre des appels à projets. Les SPE s’engagent à respecter les valeurs d’objectivité, de neutralité et d’équité. Les extraits ci-dessus illustrent la manière dont les agents des SPE veillent au respect de ces trois valeurs. Plusieurs professionnels affirment qu’en cas de problèmes interpersonnels avec un opérateur, ils essayent de rester objectifs dans l’évaluation du dossier de candidature.

20Ibid., p.228.

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Seuls, des faits objectivables comme le manquement à ses obligations, les problèmes de communication, etc. peuvent intervenir dans la décision de rejet du dossier de candidature. Ils concèdent évidemment que cette attitude n’est pas évidente à adopter.

« Quand on est en comité de sélection et qu’on a de mauvais contacts avec quelqu'un chez l’opérateur, pour une ou l'autre raison, on fait en sorte que ça n'intervienne pas de manière négative dans le choix du dossier ». (Agent U. d’Actiris)

« J'ai un opérateur où c'est le bazar. Je n’aime pas du tout mais il fallait bien le prendre pour couvrir le territoire. Je ne peux pas prendre en compte des choses du ressenti. Il faut quand même des critères objectivables. Si les résultats sont bons et qu'en plus, ça se passe bien, tant mieux. On est dans un scénario idéal ». (Agent F. du Forem)

Lorsqu’un service public de l’emploi émet un appel à projets, son objectif est de déléguer une partie de ses missions à des opérateurs privés en échange duquel ils percevront des subventionnements. Ces derniers couvrent tous les frais occasionnés par la mise en place du projet.

« On a des financements d’Actiris. Puis, il nous donne des subventions pour les ACS (Agents contractuels subventionnés) ». (Client U. d’Actiris)

« Au niveau de notre institution, [dit un opérateur, l’appel à projets], c’est une subvention supplémentaire qui permet à l’ensemble de nos activités de fonctionner. Donc, ce n’est pas anodin non plus. Cela m’apporte un déploiement de mon activité et des rencontres avec des demandeurs d’emploi ». (Client V. du Forem)

Parmi leurs obligations envers leurs partenaires, les deux SPE s’engagent à leur envoyer des demandeurs d’emploi. L’objectif est de les aider dans leur processus de recrutement pour le remplissage de leurs sessions d’accompagnement et/ou de formation. Ainsi, le demandeur d’emploi reçoit de la part de son conseiller21 une invitation (Actiris) ou une convocation (Forem) à se rendre chez tel partenaire afin d’envisager un accompagnement.

« Dans la mesure AEPP (Accompagnement à l’élaboration d’un projet professionnel), on (Actiris) s’engage à envoyer les chercheurs d’emplois chez le partenaire. Les conseillers d’emploi doivent envoyer les demandeurs d’emploi ». (Agent C. d’Actiris)

« C’est l’opérateur qui est responsable du recrutement des stagiaires. Mais, le Forem aide par l’adressage. Dans la convention, il est stipulé que des demandeurs d’emploi vont lui être adressés. L’opérateur est obligé de les accueillir en séance d’information. Il n’est pas obligé de les accepter dans le projet car c’est lui qui est responsable de son recrutement. La seule obligation qu’il a, c’est de les recevoir en séance d’information ». (Agent X. du Forem)

21Les conseillers ont pour mission d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leurs démarches de recherche d’emploi.

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Les professionnels assurent à leurs clients le respect d’une méthodologie au niveau de l’encadrement et l’accompagnement de ceux-ci pour la mise en œuvre de leurs projets. D’abord, ils ont pour devoir de transmettre les informations utiles à leurs clients pour leur permettre de remplir au mieux leur convention de partenariat. Les informations sont variées et relatives au conventionnement, à l’accompagnement des stagiaires, aux financements, à l’évaluation du projet, aux obligations du partenaire, etc. Chaque Office de l’Emploi a sa propre manière de procéder: Actiris organise des séances d’informations collectives tandis que le Forem transmet généralement les informations aux opérateurs individuellement lors des comités de suivi. Il arrive que le professionnel informe le partenaire par téléphone, en fonction du degré d’urgence. Bien souvent, un contact téléphonique est pris lorsque le client rencontre un problème spécifique à propos, par exemple, de l’encodage des demandeurs d’emploi dans la base de données (uniquement pour Actiris), du calcul du subside, du remplissage d’un groupe de formation, etc.

Ensuite, les professionnels s’engagent à être disponibles et à l’écoute de leurs clients. Le professionnel est présent tant dans les moments critiques de l’opérationnalisation du projet que dans le cours normal de sa réalisation. L’importance d’être écouté est particulièrement évoqué par les clients d’Actiris. Cela peut s’expliquer par le type de méthode utilisé par Actiris pour la gestion des partenariats. Etant de type collectif, les clients doivent avoir la capacité de prendre leur place et de s’exprimer lors des réunions prévues à cet effet. Un client au Forem n’a pas à lutter contre ses semblables pour se faire entendre car il est dans une relation individualisée avec le professionnel.

« Lors des réunions de réseaux de partenaires, les agents d’Actiris nous écoutent beaucoup ». (Client C. d’Actiris)

« Les personnes du service partenariat donnent l’information […]. Elles disent que si on a des questions, on peut téléphoner. C’est vrai qu’elles sont toujours là […]. J’ai demandé des choses au nouvel agent d’Actiris et je pense qu’il fait de son mieux ». (Client I. d’Actiris)

« Dans l’accompagnement des projets, j’ai toujours eu le même agent. Il a essentiellement un rôle de relais. Si j’ai une question, je lui envoie par mail. Il relaie l’information vers le dessus du Forem. Et moi, je suis un relais d’information par rapport au terrain. Je dirais qu’il est un relais et une source d’information. […] Sur le programme qui fait 19 semaines, je pense que l’on se voit quatre fois. Puis, entre ces moments, on se contacte par mail ou téléphone ». (Client C. du Forem)

Certaines garanties offertes par Actiris sont directement liées au contexte institutionnel particulier de la Région de Bruxelles-Capitale. Il a pour obligation de fournir un service en français et en néerlandais. Il doit assurer une garantie de bilinguisme à ses clients. Avoir des professionnels qui savent s’exprimer dans la langue principale du client et pouvoir fournir des documents traduits dans les deux

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langues rassure les clients. De plus, comme le service partenariat a subi une restructuration, des agents supplémentaires ont été engagés. D’après les clients, ces engagements « humanisent » l’institution.

« Ce qui est bien, c’est qu’il y a une nouvelle collègue néerlandophone dans le service partenariat. C’est difficile de suivre une réunion en français quand on travaille en néerlandais ». (Client I. d’Actiris)

« Maintenant, Actiris a engagé des personnes donc ça donne un visage humain à l’institution. Je connais les personnes que je dois contacter quand j’ai un problème ». (Client O. d’Actiris)

Pour avoir une visibilité maximale sur le développement du marché de l’emploi ainsi que sur le parcours des demandeurs d’emploi, Actiris impose à ses clients d’encoder dans une base de données les informations sur les chercheurs d’emploi dont ils assurent le suivi. Le conventionnement avec Actiris invite les partenaires à un partage des bases de données. Pour ce faire, Actiris s’engage à fournir des ressources cognitives afin de former ses partenaires à l’utilisation de sa propre base de données. Il doit également assurer un service d’assistance téléphonique lorsqu’un client a une question ou rencontre une difficulté au niveau de l’encodage.

« Les partenaires encodent dans la base de données d’Actiris les informations par rapport à l’accompagnement qu’ils font avec les demandeurs d’emploi. Actiris donne une formation aux partenaires pour leur apprendre à encoder. Ils peuvent toujours téléphoner s’ils ont un problème ». (Agent E. d’Actiris)

A travers les discours des acteurs de terrain, une série de garanties que les SPE doivent fournir à leurs clients ont pu être mises en exergue. Les clients doivent aussi, de leur côté, apporter des gages de fiabilité à l’Office de l’Emploi avec lequel ils vont collaborer.

Du côté du client Le client fournit diverses garanties au SPE. On peut noter la présence de

différentes sortes de garanties: la fourniture de documents administratifs et financiers, la rédaction d’un bon dossier de candidature, le professionnalisme et la réputation du client, la familiarité, etc. Quand un service public de l’emploi doit choisir ses futurs clients, il vérifie si ces derniers ont rempli correctement leur dossier, s’ils ont fourni l’ensemble des documents administratifs et financiers demandés, s’ils ont honoré leurs précédentes conventions (pour autant qu’il en ait eu). Il veille également à regarder la vitrine organisationnelle (site internet), le moniteur belge (statut, date de création, comptes), le reporting de l’action (dossier, statistiques, délivrables, etc) et les valeurs affichées par le client. Sur base de tous ces éléments, le SPE évalue le professionnalisme du client. Le respect de ces

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obligations met en confiance le SPE. Il peut ainsi s’engager dans une relation de partenariat car tous ces éléments montrent sa fiabilité. En conséquence, le conventionnement à venir devrait, aux yeux du SPE, bien se dérouler.

« Tous nos projets ont toujours été acceptés. C’est vrai aussi que le partenariat avec Actiris date depuis plus de 20 ans. On a toujours respecté nos conventions. On les a toujours honorées ». (Client L. d’Actiris)

« On doit envoyer tous les papiers, les factures, les contrats de travail, etc. Les inspecteurs travaillent là-dessus. Ils regardent tout. […] Avant d’avoir la dernière tranche financière, le SPE nous demande de fournir toutes les preuves ». (Client D. d’Actiris)

« Lui, c’est l’opérateur idéal car il fait tout. Le coordinateur est formidable. C’est vraiment un proactif. Quand tu arrives, tout est prêt. Le rapport d’activités est prêt. Ils ont l’habitude donc tu ne dois plus rien leur demander ». (Agent X. du Forem)

Un autre facteur qui intervient dans la fiabilité du client est sa réputation22. Chaque SPE produit une étiquette « réputationnelle » pour chacun de ses clients sur base de plusieurs éléments. Il se réfère entre autre au déroulement de la précédente convention de partenariat. Cette dernière impacte la réputation en fonction du type de contacts interpersonnels et institutionnels qu’il y a eu entre le SPE et son partenaire mais aussi de par les résultats (quantitatifs et qualitatifs) obtenus antérieurement. Ces résultats témoignent de l’expérience du client en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Un dernier élément intervient dans la construction de la réputation. Il s’agit des informations véhiculées sur le client. Elles proviennent des services internes du SPE, d’autres partenaires du SPE et des stagiaires encadrés par l’opérateur en question. Le SPE ne peut se servir de ces échos qu’à partir du moment où des faits objectivables peuvent être mis en avant. La renommée d’un client ne sera pas salie par les dires d’un stagiaire seul. La présence d’une plainte éveillera l’attention du professionnel, sans pénaliser directement le client. Le professionnel en tiendra rigueur, par exemple, lorsqu’il y aura une récurrence dans la formulation de plaintes.

Dans les extraits ci-dessous, les clients des SPE évoquent l’importance d’avoir bonne réputation auprès de l’Office de l’Emploi. Cette réputation s’acquiert grâce à la présence de l’opérateur depuis de longues années dans le secteur de l’insertion socioprofessionnelle. Elle est bâtie aussi sur base des bons résultats acquis lors de la précédente convention de collaboration. Ces résultats indiquent que l’opérateur a une réelle expertise en matière d’insertion socioprofessionnelle, ce qui lui permet de se démarquer par rapport à ses pairs.

22Karpik, 1996, p.534.

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« Notre dossier de candidature a été retenu donc on est à nouveau partenaire du SPE. […] C’est sûrement parce qu’il était content de l’ancienne collaboration. Puis, le budget qu’on proposait entrait dans leur limite budgétaire et il connaissait notre projet. On avait déjà amorti la phase d’adaptation ». (Client R. d’Actiris)

« Ça fait 20 ans qu’on travaille dans l’insertion socioprofessionnelle. L’organisme a une réputation. Il a des résultats extraordinaires. On peut se démarquer des autres partenaires ». (Client P. d’Actiris)

« On m’a demandé de rentrer un dossier dans l’appel à projets. C’est une personne du service des relations partenariales qui m’a dit: « Tiens, pourquoi est-ce que tu ne rendrais pas un projet ? » parce qu’elle aimait bien la façon dont je travaillais. Elle m’avait vue par ailleurs dans d’autres séminaires et elle trouvait que ça pouvait être utile ». (Client U. du Forem)

Au fur et à mesure des conventions de partenariat, le professionnel et le client établissent une relation interpersonnelle forte (de type professionnel, évidemment). La connaissance mutuelle crée un périmètre de « familiarité »23 entre le professionnel et son client qui pèse positivement dans la balance de la confiance partenariale. Elle agit favorablement lorsqu’un des deux partenaires rencontre une difficulté liée à la mise en œuvre de la convention de collaboration. Ces échanges sur le long terme créent une histoire partenariale qui leur est propre. La familiarité entre le SPE et son partenaire peut avoir pour impact que le professionnel accorde des privilèges à certains clients. Elle peut faire en sorte que le professionnel sollicite plus facilement un client avec lequel il est en collaboration depuis longtemps, comme l’expriment deux clients ci-dessous.

« Dans le cadre de l’appel à projets, c’est moi qui m’occupe de cet opérateur-là. C’est un peu le hasard car je les connaissais d’avant l’appel. Il n’y a pas beaucoup de changement dans l’équipe donc les deux personnes sont les mêmes depuis 20 ans. Il y a une certaine habitude et facilité de communication qui s’est installée ». (Agent R. du Forem)

« Ça fait des années qu’on est dans le secteur de l’insertion socioprofessionnelle. Si on a besoin de quelqu’un dans le réseau, on fait appel à nous. On nous écoute plus que les autres ». (Client P. d’Actiris)

Le professionnel tout comme le client doivent s’échanger des preuves de confiance tout au long de leur relation partenariale. Une partie des garanties que nous venons d’évoquer sont inscrites dans la convention de partenariat. La convention agit alors comme gage de représentation d’un engagement réciproque entre le SPE et l’opérateur d’insertion socioprofessionnelle. Elle constitue le principal registre discursif de la relation de confiance entre le professionnel et son client.

23Luhmann, 2001/4.

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Incertitude accrue: la relation partenariale comme pari Toute collaboration entre un opérateur et l’Office de l’Emploi est traversée au

quotidien par de l’incertitude. Aucun des partenaires ne peut assurer l’absence de problème pendant la durée de la collaboration. Un ensemble de situations peut mettre à épreuve la relation partenariale et, donc, la confiance qui existe entre les partenaires. La relation partenariale devient une sorte de pari pour lequel il est difficile d’anticiper les conséquences.

Difficulté d’anticiper les conséquences Les SPE sont confrontés aux difficultés d’anticipation des impacts d’une

collaboration avec un client. Un agent d’Actiris nous raconte qu’un opérateur aimerait prolonger son contrat de collaboration pour les deux années à venir. Cependant, ce client n’a pas atteint les objectifs fixés en termes de résultats lors de la précédente convention de partenariat. Les mauvais résultats ne mettent pas en confiance Actiris qui s’interroge sur le fait de poursuivre ou non la collaboration. Après évaluation de la situation, il décide finalement de reconduire la convention en diminuant le nombre de demandeurs d’emploi à accompagner par année.

« Un opérateur nous a demandé de prolonger son contrat de deux ans. On a dit oui mais en suivant chaque année 25 personnes au lieu de 30 parce qu’il n’a pas obtenu son chiffre l’année dernière ». (Agent O. d’Actiris)

Par moment, les professionnels du Forem sont aussi dans l’incapacité d’anticiper certaines conséquences au niveau de la convention contractée avec leurs clients. A travers l’extrait ci-dessous, un professionnel s’interroge sur la qualité du dossier de l’opérateur car ce dernier a introduit un nombre important de dossiers de candidature dans l’appel à projets. Tous les dossiers sont similaires sur le fond avec quelques distinctions au niveau des données chiffrées, en fonction de la sous-région où il a déposé le projet. Le professionnel a l’impression, qu’au fur et à mesure des conventions de collaboration, le client « se repose sur ses lauriers ». Il a des craintes par rapport à la qualité du projet. Dès lors, il se questionne sur la pertinence de signer une convention avec ce client-là.

« Ce dossier, il me pose question au niveau de la qualité du projet. […] Je sais bien que l’opérateur a travaillé toute la nuit sur ses dossiers. Evidemment, il a fait du copier-coller. Il dépose le même projet partout donc il doit juste adapter ses chiffres, et encore, il peut choisir de rester généraliste. Avec le temps, il y a des opérateurs qui se reposent sur leurs lauriers. De temps en temps, il y a des mauvais copier-coller. Quelle est la qualité » ? (Agent K. du Forem)

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Les clients rencontrent aussi des épreuves dans leur collaboration avec les SPE. Ils ne savent pas toujours anticiper certains de leurs modes de fonctionnement. Le premier extrait ci-dessous l’illustre bien. Pour l’élaboration du rapport d’activités semestriel, le client a besoin des rapports statistiques en provenance de la base de données d’Actiris. Cependant, ce dernier fournit généralement les informations tardivement. De ce fait, les opérateurs n’ont que deux semaines pour concevoir leur rapport d’activités. Un deuxième extrait montre que le remplissage des documents administratifs d’Actiris n’est pas toujours évident pour ses clients. La présence d’une erreur, liée à une incompréhension dans le chef de l’opérateur, entraîne, dans ce cadre-ci, un allongement de la durée de traitement du dossier. Cela peut avoir de lourdes conséquences comme un retard au niveau de la liquidation du subside. Un troisième extrait révèle qu’il est difficile pour le client d’anticiper un contexte de changement comme la modification d’une date de remise de rapport d’activités.

« C’est très gai de faire lerapport semestriel car on doit le rendre pour fin juillet en se basant sur les rapports statistiques qui sont extraits de la base de données d’Actiris mais on ne les reçoit jamais avant le 15 du mois ». (Client N. d’Actiris)

« J’ai eu le coup une fois pour un appel à projets où une page du dossier de candidature ne nous concernait pas. Donc, on n’a pas mis cette page dans le dossier. En fait, il fallait qu’elle y soit avec l’inscription « néant ». J’ai eu un retour d’Actiris en me disant qu’il manquait une page. […] La moindre chose que l’on oublie peut avoir de lourdes conséquences. Le dossier a été accepté mais c’était le premier appel à projets. Je ne suis pas sûr qu’il y ait encore autant de souplesse maintenant. J’ai l’impression qu’on va de plus en plus vers quelque chose de rigide ». (Client G. d’Actiris)

« Actiris a décidé de changer la date du rapport d’activités. On apprend qu’on doit le rentrer pour dans deux semaines. Il se soucie peu de que ça peut provoquer chez nous ». (Client S. d’Actiris)

Les clients du Forem n’ont pas la possibilité d’anticiper toutes les conséquences d’une collaboration avec l’Office de l’Emploi. Une des principales difficultés rencontrées concerne la lettre de réponse par rapport à l’acceptation ou non de leur dossier de candidature. Cette lettre est, évidemment, très importante pour les clients car elle annonce la mise en partenariat ou non avec l’Office. Elle doit être envoyée aux clients pour la mi-décembre car ces derniers doivent engager des formateurs pour commencer, s’ils le souhaitent, leurs sessions de formations à la mi-janvier. Généralement, le courrier n’arrive pas avant la fin décembre. L’arrivée tardive de cette lettre génère de l’incertitude pour les clients car ils ne savent pas si les postes de formateur seront maintenus voire démultipliés. De plus, ils sont bloqués dans la préparation de leur formation.

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« Pendant plusieurs mois, on ne sait pas si notre dossier va être accepté ou pas. On est dans l’incertitude. On reçoit la décision très tard: les tout derniers jours de décembre. On ne peut pas commencer la session de formation le 15 janvier si on a l’information fin décembre. On doit mettre tout en route: faire la publicité, faire les documents. Il y a toute la préparation que vous ne savez pas faire si vous n’avez pas de certitude. Ça a un impact en termes de timing donc on doit adapter les dates et les programmes ». (Client U. du Forem)

« Mon gros souci c’est de maintenir l’emploi des personnes qui sont occupées aux postes de formateur. Chaque année, c’est un stress au niveau des formateurs, de moi-même et de l’institution car on ne sait pas si on pourra maintenir les postes ». (Client V. du Forem)

On peut voir à travers ces exemples qu’il est difficile tant pour les SPE que leurs clients d’anticiper les conséquences de la mise en œuvre d’une convention de partenariat. Il est vrai qu’Ogien définit le pari comme l’interdiction d’anticiper les conséquences mais il semble plus approprié de parler, dans ce cadre-ci, de « difficulté » de devancer les effets. Et ce, parce que les partenaires sont plutôt dans l’impossibilité d’éviter les répercussions d’une collaboration que réellement dans l’interdiction de penser aux impacts de celle-ci.

Absence d’enjeu clair Dans certains cas, l’enjeu n’est pas clair pour l’un ou l’autre des partenaires

(voire les deux), ce qui accroît encore l’incertitude de la relation partenariale. Généralement, c’est au moment de la phase de sélection que les SPE évaluent la clarté du dossier de candidature de l’opérateur. Ils doivent examiner à travers la rédaction du dossier si l’opérateur a bien saisi les enjeux de l’appel à projets dans lequel il dépose un projet. Les professionnels du SPE jugent la cohérence et la pertinence du dossier. Quand un dossier n’est pas suffisamment limpide aux yeux des évaluateurs, le SPE ne peut pas s’engager dans une convention de collaboration avec l’opérateur en question. Le dossier n’est pas garant de la qualité du travail que l’opérateur sera amené à fournir ultérieurement.

Un des professionnels d’Actiris précise ci-dessous qu’un dossier de candidature a dû être refusé car il n’était pas assez détaillé. Le manque de précisions n’a pas permis aux évaluateurs de s’assurer de la qualité de l’intervention de l’opérateur. Il en est de même pour le Forem. Un ensemble de dossiers de candidatures présente des faiblesses. Le Forem peut se retrouver à devoir se positionner par rapport à un dossier où il y a un problème dans le programme de formation et, plus particulièrement, au niveau du nombre d’heures. L’absence de clarté nécessite une discussion avec l’opérateur.

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« Dans son dossier de candidature, l’opérateur n’expliquait pas assez en détail ce qu’il voulait faire. On n’avait vraiment pas de vue sur ce que le demandeur d’emploi allait faire là-bas, s’il serait accompagné ou pas ». (Agent A. d’Actiris)

« Il y avait un problème d’heures dans ce dossier-là. En fait, le programme ne peut pas être changé car on a discuté du projet en comité de sélection. Le projet a été accepté tel quel donc on ne peut pas changer le programme. Avec 30 heures de moins, le projet ne serait peut-être plus aussi valable. Il n'aurait pas la même portée ; peut-être que si mais cela demanderait une nouvelle discussion et on ne peut pas revenir sur la décision. Je préférerais que l’opérateur fasse 70 heures plutôt que rien du tout ». (Agent O. du Forem)

Les clients des SPE peuvent également se trouver dans des situations où l’enjeu n’est pas clair pour eux. Par exemple, un client d’Actiris estime que les changements opérés, au niveau des résultats chiffrés à atteindre, le perturbent car il ne sait plus le quota auquel il doit se référer. Du côté du Forem, un des clients n’a pas saisi l’importance des délivrables. Lors du premier conventionnement avec l’Office de l’Emploi, le client a assuré un suivi de ses stagiaires sans pour autant demander à ceux-ci les preuves de leurs démarches en termes d’insertion socioprofessionnelle. Sans ces attestations, l’Office ne peut s’assurer de l’atteinte des objectifs chiffrés par le client. Cela a pour conséquence qu’il ne peut « liquider » les subventionnements.

« Pour les résultats, il faut soit la remise à l’emploi soit la formation qualifiante. Ce n’est pas très clair au niveau des résultats à atteindre. Je ne sais plus le pourcentage de sorties positives que je dois faire. Ça change tout le temps ». (Client G. d’Actiris)

« Ce qui compte au niveau des financements, ce sont les délivrables. Cependant, je n'avais pas compris les choses comme cela lors du précédent appel à projets. On ne m'avait pas bien expliqué. J'avais suivi les stagiaires au sortir de la formation, à un mois et à trois mois. Donc j’ai fait trois suivis pour voir où les personnes en étaient. Mais, je n'avais pas systématiquement demandé les preuves car je me disais qu'elles suivaient un parcours. C'est quand j'ai rencontré l’agent du Forem que je me suis rendu compte que je devais insister auprès des stagiaires pour avoir toutes les attestations ». (Client C. du Forem)

Une issue à alternative simple: gain ou perte Quand la relation partenariale est vécue par les partenaires comme un pari,

l’issue de l’engagement est à alternative simple: soit le pari est gagné soit il est perdu. Il n’existe pas de possibilités intermédiaires. Les partenaires doivent rendre aux SPE des rapports d’activité où ils stipulent l’atteinte ou non de leurs objectifs,

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du point de vue quantitatif et qualitatif. Les deux volets sont importants car la dimension qualitative enrichit et nuance la partie quantitative. La dimension qualitative est essentielle dans le secteur de l’insertion socioprofessionnelle car les demandeurs d’emploi ne sont pas des pions que l’on peut déplacer aisément. Le travail de mobilisation et de (re)motivation de l’individu est tellement conséquent que la réinsertion dans un emploi ne peut parfois pas être envisagée de suite, même s’il reste bien entendu l’objectif principal. Les opérateurs ne peuvent pas se centrer uniquement sur l’atteinte de leurs quotas car ils doivent également réaliser une intervention de qualité auprès des demandeurs d’emploi.

Puisque les aspects quantitatifs et qualitatifs sont importants, on pourrait considérer que les financements attribués à l’opérateur sont libérés compte tenu de ces deux dimensions. Cependant, ce n’est pas le cas. Dans un partenariat de subventionnement, les subsides sont « libérés » au prorata de l’atteinte des objectifs chiffrés. La dimension qualitative, aussi essentielle soit-elle, est laissée de côté. Cela a pour conséquence d’amener, à certains moments, les partenaires à se centrer uniquement sur la dimension chiffrée. Tout simplement parce que la diminution, même partielle, du montant financier convenu dans la convention pourrait mettre à mal certains organismes.

« On était plus traumatisé par le fait d’avoir les 10 personnes minimum que de faire du bon recrutement. […] Du coup, les remises à l’emploi étaient moins possibles. Tout s’enchaîne. Si les règles sont trop strictes, on ne fait plus de qualitatif. On ne fait que du quantitatif. […] Il nous retire des subsides si on n’a pas atteint le nombre minimum de personnes ». (Client P. d’Actiris)

« Je n'avais pas compris la répartition du subside. J'avais cru comprendre qu'on perdait sur les 10 % restants si on n'avait pas obtenu d'attestation pour toutes les personnes accompagnées. Mais au final, ça ne se calcule pas tout à fait comme ça. C'est une répartition 50-50%. La deuxième tranche de 50 % est tacitement divisée en 30, 10, 10. C'est sur toute la deuxième tranche (50%) qu’on perd et pas seulement sur les 10 % restants. […] Il y a quand même un problème au niveau du financement parce que les partenaires prennent un réel risque. Si les stagiaires n'ont pas de délivrables, les opérateurs perdent de l'argent ». (Client C. du Forem)

A travers ces exemples, on peut voir que l’incertitude accrue de part et d’autre de la relation partenariale renforce la logique du pari. Les discours tant des professionnels que des clients laissent transparaître la difficulté d’anticiper les conséquences d’une relation partenariale, la présence d’enjeux peu clairs et l’existence d’une issue à alternative simple, ce qui laisse clairement penser que la relation partenariale devient, à ce moment-là, un pari pour une ou les deux parties.

Le risque émerge: la relation partenariale comme un défi

Le manque de garanties échangées entre partenaires peut conduire un des deux partenaires à vivre la relation partenariale comme un défi. Cela se produit quand

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l’incertitude s’accroît au point que le partenaire soit amené à prendre un risque afin de mener à bien le projet dans lequel il est engagé. Cette forme logique du défi désigne la mise en danger délibérée d’un des partenaires. Nous verrons qu’il faut apporter une petite précision: les partenaires peuvent se mettre en danger sans que cela ne se fasse, dans un premier temps, de façon délibérée. Il est important de noter que la mise en danger, qu’elle soit délibérée ou non, peut s’effectuer par le partenaire lui-même ou par son collaborateur.

La mise en danger Dans une relation partenariale, il arrive parfois que les partenaires se mettent

en danger. La mise en danger peut résulter d’une erreur commise soit par le partenaire public soit par le partenaire privé. L’erreur n’est pas une mise en danger délibérée mais, simplement, un manque d’attention par rapport aux règles fixées ou un mauvais concours de circonstances. Les situations de mise en danger sont multiples et variées comme le révèlent les extraits d’entretiens ci-dessous.

Les services publics de l’emploi essaient de minimiser la prise de risque en instaurant une convention de partenariat. La convention a pour rôle de limiter l’espace de négociation laissé aux clients. Ces derniers ont la possibilité de discuter certaines modalités organisationnelles de mise en œuvre du projet comme le lieu et les dates de session d’accompagnement et/ou de formation, etc. Sinon, les SPE établissent également des procédures pour traiter rapidement et efficacement l’émergence d’un problème. La phase de sélection des futurs clients est donc très importante pour les SPE car elle permet d’éliminer les collaborations trop risquées.

Dans les extraits ci-dessous, les agents d’Actiris racontent des situations de mise en danger pour l’Office. Le danger est présent quand l’Office pense contracter une convention de partenariat avec un opérateur dont le projet n’est pas suffisamment construit. Dans le deuxième extrait, l’agent met en avant le fait que la collaboration avec des clients n’ayant pas la même philosophie que l’Office peut générer des difficultés relationnelles. Si elles prennent de l’ampleur, ce genre de difficulté peut fortement nuire à l’Office, plus particulièrement, à son image.

« Il y a un autre dossier qui était mauvais pour nous […]. Tu sens que le dossier n’est pas mûr. Le projet n’est pas mûr donc pour moi ce dossier ne doit pas passer ». (Agent O. d’Actiris)

« Une difficulté qu'on peut rencontrer, ce sont les partenaires qui ont des difficultés avec les règles de l'appel à projets. Ils sont philosophiquement en désaccord avec les règles de l'appel. Je me demande pourquoi ils y répondent alors parfois, on peut rentrer dans un dialogue de sourds ». (Agent T. d’Actiris)

Tout comme son homologue bruxellois, le Forem est, à certains moments, en situation de danger. Un professionnel l’évoque en disant que le client a reçu des

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financements qu’il n’a pas pu utiliser à bon escient (extrait n°1), ce qui provoque la perte de financement pour le Forem. Un autre professionnel met en exergue la mise en danger par le fait que le client ne répond plus à ses appels. Cela rend impossible le suivi du projet pendant plusieurs mois (extrait n°2). Le client risque de ne pas atteindre ses résultats, ce qui peut avoir un impact indirectement sur la réputation de l’Office de l’Emploi. Un opérateur qui n’atteint pas ses résultats signifie que l’Office n’a pas rempli correctement sa mission d’accompagnement des demandeurs d’emploi.

« C’est un bon projet qui est pertinent mais l’opérateur n’a pas réussi à recruter des gens donc il n’a pas pu faire son projet pendant les trois ans de l’appel à projets précédent. On lui a donné 50% du budget pour finalement, ne rien faire ». (Agent H. du Forem)

« La principale difficulté que j'ai rencontrée, c'est avec un opérateur qui a disparu pendant plusieurs mois. C'est inacceptable. Il a un souci, il doit nous tenir au courant. […] Rester des semaines sans réponse alors qu'on envoie des mails et qu'on donne des coups de téléphone, ce n'est pas acceptable ». (Agent C. du Forem)

Les clients se retrouvent, parfois, dans des situations de danger et ce, par mégarde, soit de leur part soit de la part du service public de l’emploi. Un des clients d’Actiris exprime, ci-dessous, le fait qu’il a omis de signer le bilan des comptes, ce qui lui a valu de recevoir tardivement ses subventions car le dossier était, tout simplement, bloqué. Il s’agit clairement d’une erreur de sa part qui peut avoir des conséquences importantes pour la survie de son organisme. Un autre client précise qu’il n’a pas de chance au niveau de la localisation géographique de son organisme. Il est éloigné des antennes d’Actiris donc il a l’impression de ne pas pouvoir bénéficier du service de celles-ci.

« Une fois, j’ai oublié de signer le bilan des comptes. Toute la procédure a été bloquée à cause d’une signature. C’est dommage car les paiements se sont faits en retard ». (Client I. d’Actiris)

« Tous les partenaires ne sont pas au même niveau. Certains partenaires sont à côté de l’antenne de l’Office de l’Emploi donc ils reçoivent plus d’aide que nous qui en sommes éloignés » (Client R. d’Actiris)

Du côté du Forem, les clients sont ou se mettent aussi en situation de danger. Le premier extrait témoigne d’une double erreur faite involontairement par le client et par le professionnel. Dans son dossier de candidature, le client utilise un marqueur fluorescent pour cocher une case. Son dossier étant photocopié par le professionnel, la couleur ne transparaît pas, ce qui laisse penser que le client a oublié de marquer la case. Le dossier est alors jugé inéligible car il est considéré comme incomplet. En vérifiant par hasard certains éléments dans la version originale du dossier, le professionnel se rend compte que l’opérateur a bien coché

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la case en question. Il a tout juste le temps de rendre le dossier à nouveau éligible. Ces inattentions auraient évidemment été dramatiques pour le client en question.

Dans le deuxième extrait, le client dit qu’il ne connaît pas encore toutes les règles à propos des délivrables (attestation de fin de formation). Pour lui, la réorientation d’un stagiaire vers une formation en langue dans une mission régionale peut être considérée comme une sortie positive, aux yeux de l’Office de l’Emploi. Cependant, ce n’est pas le cas donc le professionnel ne peut tenir compte de cette attestation dans le calcul du nombre de résultats positifs. Cela génère des pénalités financières pour le client.

« Normalement, on (Forem) doit travailler sur la version papier des dossiers de candidature car c’est ce qui fait foi. Mais, on a fait des photocopies pour laisser les originaux dans l’armoire. On a dû vérifier quelque chose puis on s’est rendu compte qu’un opérateur n’avait pas coché une case sur son dossier. En fait, c’était fluoré donc ce n’était pas passé à la photocopieuse. On l’avait rendu inéligible car la case n’était pas cochée. Au dernier moment, on a pu rendre le dossier éligible ». (Agent H. du Forem)

« J’ai un stagiaire qui a suivi une formation en langue dans une Mission régionale (Mire), formation qui correspondait bien à son projet professionnel. Mais cette formation n’est pas reconnue comme formation qualifiante pour le Forem donc c’est une sortie négative. Le fait que ça corresponde bien au projet professionnel du stagiaire n’intervient pas. […] J’apprends avec l’expérience ». (Client T. du Forem)

Tous ces extraits témoignent d’une mise en danger tant pour le partenaire public que privé. Cette mise en danger résulte d’erreurs ou d’anomalies. On peut considérer que le partenaire se met en danger de manière délibérée à partir du moment où il renouvelle la convention de partenariat, alors qu’il a connaissance de la présence de risques.

La mise en danger délibérée A côté de la mise en danger liée à une erreur par inadvertance de la part d’un

des partenaires, il existe une autre forme qui est la mise en danger délibérée. Dans cette forme, on peut clairement identifier la réelle prise de risque faite par l’un des partenaires. Comme le définit Ogien (2006), cette forme comprend plusieurs modèles: l’acte banal comme prêter une petite somme d’argent à quelqu’un, l’acte risqué comme faire circuler des produits illicites ou l’acte audacieux qui correspond à la traversée une rivière en plein hiver. Selon Ogien (2006), c’est la « gravité de l’enjeu engagé » qui fera varier le degré de mise en danger du partenaire (public et/ou privé).

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Les SPE s’engagement moralement ou contractuellement, pour certains appels à projets dans le cas d’Actiris, à envoyer du « public » donc des demandeurs d’emploi à leurs clients. Ils doivent le faire via une procédure spécifique par laquelle le demandeur d’emploi reçoit une invitation ou convocation à se présenter auprès d’un organisme d’insertion socioprofessionnelle. Ce processus a pour objectif d’aider les clients des SPE à recruter les demandeurs d’emploi pour pouvoir réaliser leur prestation d’accompagnement et/ou de formation. Certaines conventions de partenariat mentionnent qu’un trafic, tout à fait légal, de public doit s’effectuer entre les SPE et leurs clients.

Cependant, ce système n’est pas toujours optimum. Cela a pour conséquence de mettre en difficulté les clients. Certains d’entre eux ne sont, dès lors, pas en mesure de pouvoir démarrer leur prestation à cause d’un manque de participant. Le fait de « réduire » voire « bloquer » le trafic de public peut avoir de lourdes conséquences financières pour le client. Au mieux, le client peut reporter ces dates de prestation. Au pire, la prestation est annulée sans aucun dédommagement financier. Le fait de ne pas envoyer de demandeurs d’emploi est en quelque sorte une « trahison »24 vis-à-vis des clients car les engagements moraux ou contractuels de la collaboration ne sont pas respectés.

Il est clair que les professionnels en charge des relations partenariales n’ont pas l’intention de mettre leurs clients en danger. Ce sont d’autres professionnels, dénommés les conseillers, au sein des SPE qui doivent mettre en œuvre cette procédure d’envoi des demandeurs d’emploi. Seulement, l’envoi ne s’effectue pas systématiquement. Cela s’explique par le fait que les conseillers rencontrent des difficultés à connaître toute l’offre proposée par les clients du service des relations partenariales.

« Actiris s’engage à envoyer les demandeurs d’emploi chez les partenaires. Ce sont les conseillers qui doivent les envoyer chez les partenaires mais ils ne les apprécient pas. Ils n’envoient pas suffisamment de demandeurs d’emploi auprès d’eux ». (Agent C. d’Actiris)

« Le conseiller comprend l'optique du catalogue de formations. S'il a des besoins, il peut venir dans le service des relations partenariales pour les combler. Avant, il y avait les conseillers en orientation qui s’occupait des demandeurs d’emploi mais maintenant, il n’y en n’a plus. Il faut les envoyer vers un partenaire. Il a fallu faire changer les mentalités. On a longtemps été considéré comme « l'ennemi », comme celui qui enlevait de la « matière » au Forem pour la donner aux partenaires ». (Agent U. du Forem)

Les clients des SPE doivent assumer les conséquences de cette forme de « trahison ». Les risques peuvent être importants au niveau financier, comme l’explique un agent dans l’extrait ci-dessous. Ce dernier raconte la difficulté d’un client à effectuer le recrutement de demandeurs d’emploi pour démarrer sa

24 Callon, 1986, p.205.

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prestation. En cas d’important problème, le client peut faire appel au SPE pour obtenir de l’aide pour la publicité de sa formation. Dans cette situation-ci, l’Office n’a pas été en mesure d’aider le client en question. Ce dernier n’a pas pu démarrer sa prestation, ce qui peut avoir des conséquences sur le montant financier initialement prévu pour celle-ci. Car le client ne pourra pas atteindre les objectifs fixés dans la convention de partenariat. Pour éviter ce genre de risque, certains partenaires prennent la promotion de leur prestation à leur charge.

« Un partenaire était fâché par rapport à la publicité de sa prestation. Il l’était car il n’arrivait pas à remplir son groupe alors qu’il devait commencer sa prestation une semaine plus tard. Actiris peut faire un mail collectif à tous les partenaires pour expliquer qu’il y a encore de la place dans un des groupes. Le partenaire en question a fait la demande mais on n’a pas envoyé ce mail. Du coup, il n’a pas obtenu un groupe complet […] il peut être pénalisé financièrement s’il n’arrive pas à atteindre les objectifs fixés. Donc, certains partenaires font la promotion à leur frais pour trouver des demandeurs d’emploi ». (Agent C. d’Actiris)

Un client ajoute qu’il est surpris de ne pas recevoir de demandeurs d’emploi de la part de son principal partenaire qui est Actiris. Sa mise en danger est tempérée par le fait d’obtenir des candidats via ses homologues. Son étonnement est d’autant plus grand quand il prévient Actiris de la situation dans laquelle il se trouve et que peu de réactions s’en suivent.

« Les demandeurs d’emploi ne viennent pas en provenance d’Actiris. Ce sont d’autres organismes d’insertion qui nous les envoient. Pourtant, ça devrait être Actiris car il est notre partenaire principal […] Chaque année, j’écris dans le rapport d’activités que c’est dommage qu’Actiris ne m’envoie pas de demandeurs d’emploi. Je n’ai jamais de retour ». (Client D. d’Actiris)

De leur côté, les clients des SPE se mettent, parfois, en situation de danger pour pouvoir atteindre les résultats fixés dans la convention de partenariat. Ils sont prêts à entreprendre des « actes risqués », comme faire du « trafic de public illicite », pour y parvenir. Des clients tant d’Actiris que du Forem ont décidé de faire des filières internes, c’est-à-dire de faire passer des demandeurs d’emploi d’une action d’accompagnement et/ou de formation d’un appel à projets spécifique vers des formations internes à l’organisme ou des sessions de formation liées à d’autres appels à projets. Ces pratiques de « filières internes » sont proscrites par les SPE. Malgré l’interdiction, certains clients prennent le risque car ils estiment que ces pratiques permettent une fluidité dans le parcours du demandeur d’emploi et, au final, une meilleure réinsertion socioprofessionnelle.

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« On va faire que les deux premières phases de la mesure APS (Accompagnement de publics spécifiques) sur les cinq prévues. Si la personne a envie d’aller vers la recherche d’emploi, on la dirigera vers la mesure ARAE (Atelier de recherche active d’emploi) ». (Client N. d’Actiris)

« On a plus ou moins la moitié des stagiaires qui s'engagent dans une de nos formations internes après avoir suivi la session de formation de l’appel à projets. Et les autres personnes sont réorientées vers d’autres métiers connexes. Normalement, on ne peut pas faire des filières internes. On n'est pas censé avoir des modules de l'appel à projets qui promeuvent nos formations internes. […] L'objectif final, c'est de former les demandeurs d'emploi. C'est clair que notre idée, c'est que les gens soient réinsérés socio-professionnellement ». (Client C. du Forem)

Certains clients développent ce genre de pratique en vue d’assurer le remplissage de leurs formations en interne. Derrière l’objectif de fluidification et de mise en cohérence du parcours des demandeurs d’emploi, il est clair que cette stratégie permet, au final, de veiller à la pérennisation de l’organisme en question. Les clients qui font du « trafic de public illicite » se mettent réellement en danger par rapport aux règles légales définies par les services publics de l’emploi.

Les clients des SPE, plutôt du côté du Forem, entreprennent d’autres sortes d’actes risqués comme le « surbooking ». Ces derniers le pratiquent à plusieurs niveaux: au moment de l’introduction du dossier de candidature et au moment du recrutement des stagiaires. Les opérateurs rédigent un maximum de dossiers de candidature afin d’obtenir une convention de partenariat avec l’Office de l’Emploi. Démultiplier le nombre de dossiers les rassure sur le fait qu’un seul d’entre eux sera au moins retenu. Le SPE s’en rend généralement compte donc il veille à diminuer le nombre de dossiers sélectionnés. Puis, le nombre de sessions de formation et/ou de stagiaires est (fortement) réduit pour assurer une qualité au niveau de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Le deuxième moment où les clients font du « surbooking », c’est lors du recrutement des stagiaires pour leur action de formation. Pour être certains d’atteindre leurs résultats et d’obtenir leurs financements, les clients acceptent plus de demandeurs d’emploi que le nombre requis. Par exemple, le SPE demande que le client réinsère 10 demandeurs d’emploi. Pour garantir l’atteinte de ce quota, il prendra 13 stagiaires au cas où certains abandonneraient en cours de formation. En principe, le surbooking n’est pas toléré dans toutes les antennes de l’Office ou, du moins, certaines règles le régissent. Les clients enfreignent parfois ces règles. Ces contournements sont réprimandés par l’Office.

« Comme on ne sait pas si on pourra maintenir les postes, j’essaye effectivement de rentrer un peu plus de dossiers pour être sûre d’en obtenir et même d’en rentrer ailleurs qu’au Forem. Jusqu’ici, la stratégie a été payante mais elle est contraignante ». (Client V. du Forem)

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« Il y en a juste deux qui n’ont pas obtenu de délivrable mais comme on avait pris plus de personnes pour compenser les pertes d'éventuelles, on arrivait dans nos chiffres. Je n'ai pas surbooké parce que je craignais de ne pas avoir assez d’accords de demandeurs d’emploi mais parce que il y a beaucoup de personnes qui abandonnent la formation en cours de route. Si on a une session de 12 personnes, on en prend 15 comme cela si on a trois désistements, on reçoit quand même toute l'enveloppe budgétaire ». (Client C. du Forem)

A côté des actes risqués, les clients se retrouvent par moment dans des situations « audacieuses ». La collaboration devient en quelque sorte « la traversée d’une rivière en plein hiver ». Pour garder leur conventionnement avec l’Office de l’Emploi, les clients sont prêts à accepter d’importantes modifications dans leur projet. Une série d’exemples expose relativement bien cette « traversée ». Un client d’Actiris explique qu’il a accepté précédemment une convention de collaboration où l’Office de l’Emploi lui demandait d’accompagner individuellement et collectivement un grand nombre de demandeurs d’emploi. L’organisme comptait un petit nombre de travailleurs donc la charge de travail était trop importante pour eux.

« Lors de la précédente convention, le SPE nous demandait de faire 9 groupes et 130 personnes en individuel. Ça fait beaucoup. […] C’était trop. On était mort en fin d’année ». (Client E. d’Actiris)

Les clients du Forem doivent aussi faire « la traversée d’une rivière en plein hiver ». Deux exemples illustrent bien ce qu’Ogien (2006) nomme « l’acte audacieux ». Le premier met en avant une situation où le dossier de candidature du client est requalifié dans une autre mesure de l’appel à projets. Cette requalification impacte le type de résultats (délivrables) que le client devra fournir à l’Office de l’Emploi. En fin de session de formation, il devra procurer des attestations de formation ou d’emploi pour chaque stagiaire, au lieu de plan d’actions, afin de percevoir ses financements. Le deuxième exemple montre que le projet initial est modifié, après le conventionnement, par la découverte d’une règle en matière de pratique de stage. Le client a prévu des stages chez les particuliers pour l’ensemble de ses demandeurs d’emploi. Cependant, la règlementation lui interdit ce lieu de stage. Mais, la convention a été établie sans prêter suffisamment attention à cette législation.

« On a requalifié un dossier donc l’opérateur doit faire son projet dans la mesure Emploi Salarié plutôt qu’en Mobilisation et Orientation. C’est une condition qui implique beaucoup de choses en termes de résultats, financements et autres. L’opérateur a demandé un petit temps de réflexion. C’est assez logique. Finalement, il a décidé de faire l’action mais il a peur car au niveau des délivrables, il passe d’un plan d’action à une attestation d’emploi ou de formation pour chaque stagiaire ». (Agent C. du Forem)

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« Il y a un projet au niveau des titres services. Ça a été conventionné mais maintenant, on dit qu'au niveau de la règlementation, ils ne peuvent pas faire de stage chez les particuliers. Le contenu ne sera pas changé sauf qu'ils ne feront pas de stage chez les particuliers puisqu'ils n'ont pas le droit. Ça change le projet initial ». (Agent F. du Forem)

Comme nous venons de le voir, la relation partenariale peut être vécue comme

un réel défi pour les partenaires. Le professionnel et le client peuvent se retrouver en situation de danger. La mise en danger peut se faire par le partenaire lui-même ou par son collaborateur et ce, sur base d’une erreur ou d’un concours de circonstances. Il est important de remarquer que la mise en danger délibérée s’effectue plutôt du côté des clients. Ainsi, ils sont prêts à poser des actes risqués et/ou audacieux pour obtenir une convention de partenariat avec l’Office de l’Emploi ou pour atteindre les objectifs fixés dans la convention.

La circulation des objets pour pérenniser la relation partenariale

Un service public de l’emploi ne peut déléguer une partie de ses missions à un opérateur privé d’insertion socioprofessionnelle qu’à partir du moment où une série de « garanties de représentation »25 sont échangées. Chacun doit s’assurer de la fiabilité de l’autre. Ainsi, l’Office de l’Emploi s’engage à respecter des valeurs d’objectivité, d’équité et de neutralité dans la procédure de sélection de ses futurs clients. Si le dossier de candidature est retenu au terme de la procédure, une convention de partenariat est signée entre l’Office et l’opérateur. Cette convention stipule les droits et devoirs de chaque partie. L’Office de l’Emploi garantit à son client des ressources financières par l’allocation de financements en échange de ses prestations. Il promet également l’envoi de demandeurs d’emploi chez le client afin de l’aider dans son processus de recrutement. De plus, il assure à ses partenaires un accompagnement – individuel pour le Forem et collectif pour Actiris – dans la mise en œuvre du projet. Pour ce faire, il met à disposition de ses clients, des professionnels dont la mission est de les écouter et les aider à résoudre leurs difficultés. Un des deux services publics de l’emploi – Actiris – offre à ses clients des garanties spécifiques. Il y en a deux. D’abord, il leur garantit un service bilingue donc francophone et néerlandophone, suivant la caractéristique de la région où il se situe. Ensuite, il fournit des ressources cognitives pour les aider à encoder les informations sur les demandeurs d’emploi dans sa propre base de données et pour terminer Actiris leur assure une formation et une aide téléphonique.

De son côté, le client doit procurer à l’Office de l’Emploi des gages de confiance. Une des principales garanties est le professionnalisme qui se traduit à travers le respect des obligations liées à la convention de partenariat. Ces obligations sont diverses comme la fourniture de documents administratifs et

25Op. cit., Ogien, p.228.

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financiers, l’apport d’informations sur le parcours des demandeurs d’emploi accompagnés, etc. Un autre aspect important dans la relation partenariale est la réputation du client. Cette dernière se construit sur base de différents éléments dont les bons contacts et résultats (quantitatifs et qualitatifs) obtenus par le passé ainsi que les informations véhiculées sur le client. Un dernier élément qui agit comme preuve de confiance est la familiarité qui existe entre le professionnel et le client.

Quand les garanties ne sont plus suffisantes (voir schéma ci-dessous), l’incertitude au sein de la relation partenariale s’accroît. Les partenaires vivent la relation partenariale, selon les formes logiques d’Ogien, comme un pari. Ils sont dans l’impossibilité d’anticiper les conséquences. Les enjeux ne sont pas clairs pour eux et l’issue est à alternative simple donc soit la perte soit le gain. Quand l’incertitude devient trop importante, les partenaires peuvent se retrouver en situation de danger délibérée ou non. La relation partenariale devient alors un défi. Les partenaires, surtout les clients, sont prêts à poser des actes risqués ou des actes audacieux pour réaliser leurs objectifs ou pour maintenir la collaboration avec l’Office de l’Emploi. On peut remarquer que la forme logique du sacrifice n’intervient pas dans le cadre des relations partenariales.

La confiance sous la forme du pari et du défi génère de la méfiance dans la relation partenariale. Une manière de recouvrer la confiance de son partenaire est d’introduire de nouveaux objets servant de « gages de représentation ». Les objets peuvent être techniques (informations, outputs, rapports d’activités, garanties, méthodes, publics, etc.) ou symboliques (valeurs, etc.). C’est la circulation de ces objets entre le professionnel et le client qui permettra de diminuer l’incertitude au sein de la relation partenariale et de retrouver la confiance comme gage. Il se peut que certains problèmes (lourdeur administrative, problème d’encodage dans la base de données, etc.) mettent du temps à se résoudre car ils nécessitent des changements dans les pratiques du service public de l’emploi. Même si les clients restent dans l’incertitude sur certains aspects de la collaboration, le plus important est l’apport, par l’Office de l’Emploi, d’autres preuves de confiance dans la relation. L’échange d’objets ne se fait pas toujours dans l’optique de trouver une solution à une difficulté donnée mais pour nourrir la relation partenariale en terme de confiance par la logique du gage.

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Conclusion

A travers cette communication, nous avons voulu décrire les différentes

manières dont se nouent et se développent les relations partenariales entre le service public de l’emploi (le professionnel) et les opérateurs privés d’insertion socioprofessionnelle (le client). La sociologie des professions donne peu d’éléments pour analyser la confiance au sein des relations entre le professionnel et son client. Elle évoque seulement des situations de méfiance et la présence de deux niveaux de confiance. C’est en recourant à la sociologie de la confiance qu’il est possible d’analyser ce groupe professionnel que sont les chargés de relations partenariales. La sociologie de la confiance apporte à la sociologie des professions la description des procédés par lesquels le professionnel et son client s’engagent mutuellement en situation d’incertitude.

Pour effectuer l’analyse, nous nous sommes centrés principalement sur les travaux d’Ogien et, plus précisément, sur les éléments pour une grammaire de la confiance. Ce modèle des formes logiques permet d’analyser la description faite par les acteurs de leur engagement mutuel. Comme nous l’avons vu dans l’analyse, le SPE et l’opérateur privé ne peuvent s’engager mutuellement dans une collaboration qu’à partir du moment où les garanties sont échangées. L’insuffisance de garanties peut faire basculer la relation partenariale dans le pari ou le défi. Ces deux formes génèrent de la méfiance entre l’Office et son client.

Retrouver la confiance nécessite d’injecter de nouveaux objets (informations, outputs, valeurs, publics, rapports d’activités, garanties, méthodes, etc.) dans la collaboration. De ce fait, on peut dire qu’une condition pour une relation partenariale de confiance est la circulation d’un ensemble d’objets, agissant comme garantie de représentation. Ces objets constituent des biens (matériels et

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immatériels) qui sont au service du lien, au sens de Mauss (2007). La circulation de ces biens crée, active, alimente et maintient les liens entre les professionnels et leurs clients. La participation à cet échange leur permet d’exister socialement: c’est par l’engagement dans l’échange qu’ils acquièrent une identité sociale.

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ESSAI DE MODÉLISATION DES CHOIX INDIVIDUELS

DE MOBILITÉ INTRA-ORGANISATIONNELLE

Akoum RAFAH Docteur en Sciences de Gestion

ATER IUT A de LILLE Abstract: When an employee has to choose among various types of intra-organizational

mobility, which factors intervene to explain his choice? Our dissertation explores this question. We have focused this work around two research questions: (1) How can we explain why employees choose a type of intra-organizational mobility rather than another? For that purpose, in the context of the theory of expectations, we seek cognitive factors that explain his choice. (2) What is the role played by socio-demographic factors, personal life factors, characteristics relate to career and personality traits factors to explain his choice?

This theory assumes that an employee's beliefs about Expectancy, Instrumentality, and Valence provide a model for the proximal antecedents of the intra-organizational mobility intention. In this study, we elaborate a research model enables to explain why employees choose a particular type of intra-organizational mobility.

Keywords: intra-organizational mobility, theory of expectations, career anchors, intention, career theories.

1. Introduction La mobilité intra-organisationnelle est un concept bien connu de la part des

professionnels des ressources humaines. Elle se définit comme le passage d’un emploi à un autre dans une même organisation, avec ou sans changement d’établissement et de zone géographique (Abraham, 2003). Elle permet essentiellement pour l’entreprise de disposer d’un personnel qualifié, mobilisable sur plusieurs emplois afin de s’adapter aux évolutions rapides de son environnement, tout en conservant des salariés plus compétents (Mignonac, 2001, p. 3).

Ce concept n’est pas nouveau, mais il suscite, dans un contexte assombri par la crise économique et financière d’une part et les évolutions technologiques d’autre part, un intérêt majeur pour les entreprises et les chercheurs en gestion des ressources humaines.

Sous la pression de la crise actuelle, les entreprises se trouvent contraintes de restructurer leurs organisations en réduisant leur niveau hiérarchique. Éclatées, pluricellulaires et flexibles (Miles & Snow, 1995) ces nouvelles formes d’organisation constituent un terrain très propice à la mobilité intra-organisationnelle, nettement plus favorable que les structures pyramidales d’autrefois. Simultanément, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) modifient le contexte dans lequel évolue la Gestion des Ressources Humaines. Elles

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créent, modifient et font disparaître des métiers. De ce fait, développer la mobilité s’avère une nécessité pour l’entreprise, car celle-ci permet de développer chez ses salariés des compétences diversifiées qui peuvent lui procurer un avantage distinctif, des gains de productivité, de flexibilité et de compétitivité, gage de survie dans un environnement concurrentiel (Hategekimana, 2004).

Par conséquent, les salariés devraient être en mesure de s’adapter à ce nouveau contexte et changer d’activité professionnelle, d’emploi voire de métier plusieurs fois au sein de l’organisation (Livian, 1998, p. 175).

Dans cette optique, la mobilité intra-organisationnelle est considérée comme un enjeu stratégique pour les entreprises (Roger & Ventolini, 2004) est un enjeu économique et social pour les salariés.

� Pour les entreprises, elle permet de gagner une main d’œuvre qui s’adapte aux différentes variations de l’environnement (Roger & Ventolini, 2004)afin d’avoir un avantage concurrentiel et une flexibilité, gage de survie de l’entreprise dans un environnement perçu comme durablement turbulent (Veiga J., 1973). En favorisant la mobilité intra-organisationnelle, l’entreprise fidélise ses salariés (Cadin, Guérin, & Pigeyre, 2007, p. 419) dotés de compétences transférables et convoitées par la concurrence (Cardinal, 2004), motive et même améliore le moral des employés travaillant dans des organisations aux structures hiérarchiques de plus en plus minces (Wils, Tremblay, & Guérin, 1997) et renforce l’attachement des cadres, notamment les cadres jeunes (Thévenet, 1992).

� Pour les salariés, elle offre la possibilité de développer de nouvelles compétences (Abraham, 2003), d’évoluer au sein de l’entreprise ou encore d’accéder à des postes mieux rémunérés (Campoy, Maclouf, Mazouli, & Neveu, 2008, p. 150) et de développer leur employabilité (Hategekimana, 2004).

2. Problématique et cadre théorique de la recherche Si d’un point de vue théorique les avantages de la mobilité intra-

organisationnelle sont réels pour l’entreprise et pour le salarié, comme nous venons de l’expliquer. En revanche, sur le terrain, les perceptions des salariés et des managers peuvent être différentes. Il apparait que les mobilités proposées par les entreprises ne correspondent pas toujours aux attentes, ni parfois aux compétences des salariés (Mignonac, 2001). Dans ce cas, la mobilité peut conduire à des réactions nuisibles pour l’organisation (Roques, 1999, p. 6) et susceptibles d’être source de stress pour le salarié (Roques & Roger, 1995). Ainsi, cette non-prise en compte des intentions des salariés implique une dégradation de leur bien-être au travail (Roques, 1999, p. 6).

Dans ce contexte, pour devenir une réalité, la mobilité intra-organisationnelle doit être confrontée aux intentions des salariés envers les différents types de mobilité intra-organisationnelle proposés par l’entreprise. La problématique de notre recherche s’exprime ainsi à travers la question suivante:

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Lorsqu’un salarié est amené à choisir parmi différents types de mobilité intra-organisationnelle, quelles variables interviennent pour expliquer ce

choix? Notre travail de recherche propose de mobiliser la théorie des expectations

de Vroom (1964) afin d’expliquer l’intention des salariés envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle. Cette théorie avance que l’intention d’une personne d’adopter un comportement donné (Pinder, 1984, p. 138) dépend de trois éléments: (1) la valence désigne l’orientation affective (positive ou négative) d’un individu à l’égard de plusieurs récompenses attendues (Vroom, 1964, p. 15). Elle se diffère d’un individu à un autre puisqu’elle dépend de ses valeurs et ses besoins. (2) L’instrumentalité correspond à la perception qu’à l’individu que la réalisation d’un résultat du premier niveau est utile pour obtenir une récompense (résultat du second niveau). (3) L’expectation, il s’agit pour une personne de la perception qu’il existe une relation entre l’action et ses conséquences.

Cette théorie nous semble utile pour de nombreuses raisons: (1) En premier, elle permet de comprendre pourquoi la personne choisit un comportement plutôt qu’un autre (Vroom, 1964). Ainsi, elle fournit trois groupes de variables cognitives qui influencent l’intention des salariés envers la mobilité intra-organisationnelle. (2) En deuxième, elle stipule que le salarié est un acteur dans sa carrière. Ainsi, lors d’un choix professionnel, il prend en compte l’environnement qui l’entoure. (3) Enfin, cette théorie bénéficie d’une forte validation empirique. Elle a été appliquée pour expliquer des choix professionnels: comme le choix d’une entreprise (Vroom, 1964), d’un poste (Holmstrom & Beach, 1973), d’une université parmi plusieurs proposées (Muchinsky & Fitch, 1975), d’une petite ou grande entreprise (Greenhaus, Sugalski, & Crispin, 1978) ou encore d’un service plutôt qu’un autre (Herriot & Ecob, 1979). Suivant cette ligne de pensée, nous pensons que la théorie des expectations est également susceptible d’expliquer l’intention des salariés envers différents types de mobilité intra-organisationnelle. Ainsi, elle servira de ligne directrice dans l’exposé des variables de notre modèle de recherche.

Dans notre recherche, nous retiendrons essentiellement du VIE que l’intention du salarié envers les différents types de mobilité intra-organisationnelle dépend essentiellement de trois éléments:(1) la valence représentée par les ancres de carrière. (2) L’instrumentalité: c’est la perception du salarié sur ses chances d’obtenir une promotion suite à l’acceptation d’une mobilité intra-organisationnelle. (3) L’expectation: c’est la perception du salarié de détenir les compétences nécessaires pour être sélectionnées et pour réussir sa mobilité intra-organisationnelle.

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3. Choix des variables explicatives de l’intention

envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle

3.1. Les trois principales variables explicatives de notre modèle de recherche a. Les ancres de carrière Dans notre modèle de recherche, la valence est représentée par les ancres de

carrières. L’ancre de carrière est le mélange des intérêts et besoins qui guident l’individu face à une décision relative au travail (Schein, 1978). Elle apparaît ainsi comme une dimension permettant de saisir les aspirations professionnelles des individus (Igbaria, Kassicieh, & Silver, 1999). Elle représente une force motrice sur le parcours professionnel, comme la décision d’accepter une mobilité intra-organisationnelle.

Les ancres de carrière influencent la mobilité intra-organisationnelle Dans notre travail, nous allons reprendre les ancres de carrière proposées par

Schein (Schein, 1978 ; 1996) et Cerdin (1996 ; 1999). (1) L’ancre compétence technique / fonctionnelle: Les personnes ancrées « compétence technique / fonctionnelle » organisent

leur carrière autour d’une spécialisation et cherchent avant tout à être reconnues pour leur expertise. Les formations les intéressent et les changements réguliers de postes ou de fonctions également quand ils ouvrent la voie à de nouveaux apprentissages.

En ce qui concerne la mobilité intra organisationnelle, toute décision de mobilité verticale, horizontale ou géographique dépend des opportunités de se perfectionner dans un ou plusieurs domaines fonctionnels.

(2) L’ancre compétence managériale ou ascension hiérarchique: Les personnes ancrées « compétence managériale » cherchent à atteindre un

poste à haute responsabilité où leurs efforts sont récompensés par des promotions. Ils fuient la spécialisation dans la mesure où ils doivent posséder une combinaison de trois domaines de compétences. (1) Compétences analytiques: capacité d’exposer des problèmes et de prendre des décisions importantes sous des conditions d’incertitude et tout en ayant qu’une partie des informations. (2) Compétence interpersonnelle: capacité à influencer et contrôler d’autres personnes afin d’atteindre les objectifs de l’organisation. (3) Compétence émotionnelle: capacité à gérer une équipe de personne sans laisser apparaître les émotions.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, nous pouvons dire que la progression dans l’organisation est vue comme la seule voie de l’évolution professionnelle. La mobilité verticale est alors une importante forme de reconnaissance. Or, l’atteinte du sommet de l’organigramme ne suit pas automatiquement une ligne verticale continue. La mobilité horizontale peut être une passerelle pour atteindre la progression verticale.

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(3) L’ancre autonomie / indépendance: Les personnes orientées « ancre autonomie / indépendance » expriment un

besoin primordial d’indépendance et d’autonomie dans la réalisation des tâches. Elles recherchent ainsi la possibilité de travailler à leur propre rythme.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, toute décision sera à considérer à condition qu’elle ne menace pas, voir même accroit, l’autonomie et le besoin d’indépendance (Cerdin J. L., 1999).

(4) l’ancre sécurité / stabilité: La personne ancrée « sécurité / stabilité » cherche une relation professionnelle

sur le long terme. Le niveau hiérarchique qu’elle atteint dans l’entreprise importe moins, en regard du niveau de sécurité recherché. Elle cherche la « sécurité de l’emploi » en échange de sa loyauté. Or, cette ancre peut être problématique si l’entreprise cherche davantage à garantir l’employabilité des salariés que la sécurité des emplois. Cela veut dire que la personne doit espérer de l’entreprise, davantage un soutien dans le développement de ses savoirs pour être employable, éventuellement auprès d’une autre entreprise, qu’une assurance de garder un emploi stable et invariable.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, l’atteinte de cette ancre, soit au niveau des fonctions, soit au niveau du poste, pourrait réduire toute disposition de changer ou de bouger au sein de l’entreprise. Notons aussi que stabiliser sa famille et s’intégrer dans une communauté font partie des priorités pour cette ancre ce qui va donc freiner l’intention d’accepter une mobilité géographique.

(5) L’ancre « créativité entrepreneuriale »: Les personnes ancrées « créativité entrepreneuriale » éprouvent le besoin de

créer quelque chose, que ce soit une nouvelle affaire, de nouveaux produits ou services. L’idée directrice de cette ancre porte sur le comportement d’entrepreneur et la liberté d’action qu’elle implique. Ainsi, les personnes souhaitent être autonomes au point qu’elles envisagent de créer leur propre activité et de ne plus être salariées. Certaines entreprises profitent de l’esprit créatif et dynamique de leurs salariés et d’autres ont même favorisé la création des sociétés par ceux-ci afin de faire appel à leur structure par le biais de la sous-traitance.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, toute décision de mobilité sera à considérer si elle garantit la liberté d’action, l’innovation et la création dans le travail.

(6) L’ancre « service à une cause »: Les personnes ancrées « service à une cause » choisissent un métier parce

qu’elles désirent exprimer, dans leur travail, des valeurs importantes pour elles. Ainsi, elles adhèrent à des entreprises qui œuvrent pour une cause précise.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, la réalisation des aspirations de la personne ne va pas forcément passer par le poste occupé, mais plutôt par l’identification à l’entreprise qui contribue à améliorer une situation ou

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à apporter un bien-être ou une aide. Ainsi, toute décision de mobilité est à considérer si elle permet de rendre service à une cause qu’il lui tient à cœur.

(7) L’ancre « challenge ou défi »: Les personnes ancrées « challenge ou défi » ont la perception qu’elles peuvent

tout conquérir. L’esprit compétitif et la volonté de surmonter les obstacles conduisent à relever tous les défis pour être meilleur que les concurrents. Elles sont flexibles et cherchent à évoluer et à se développer en faisant de l’apprentissage un défi à surmonter.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, toute décision sera prise en compte à condition d’être assortie d’une formation professionnelle.

(8) L’ancre « style de vie ou qualité de vie »: Les personnes ancrées « qualité de vie » s’efforcent d’intégrer leur carrière

avec leur style de vie et leur vision du monde. En effet, il ne s’agit pas simplement d’équilibrer sa vie privée et sa vie professionnelle, il s’agit plutôt de trouver un moyen d’intégrer les besoins de l’individu et de sa famille au centre des choix de sa carrière.

En ce qui concerne la mobilité intra-organisationnelle, toute décision est à écarter si elle perturbe l’équilibre entre vies familiale et professionnelle. La mobilité géographique est généralement non acceptable pour ces personnes. Par contre, une mobilité horizontale est considérée comme un moyen de changer vers un emploi plus satisfaisant.

Comme nous venons de voir, le concept des ancres de carrière implique que chaque personne dans l’organisation définit sa carrière de façon très différente selon ses talents, besoins et valeurs. Ainsi, l’ancre de carrière devrait guider et contraindre sa décision d’accepter une mobilité intra-organisationnelle (Cerdin J., 1996, p. 152).

Malgré un pouvoir explicatif potentiel évident, les ancres de carrières ont été peu étudiées en relation directe avec l’intention d’accepter différents types de mobilité intra-organisationnelle (Mignonac, 2001). Pour Noe, Steffy, & Barber (1988, p.577), les ancres de carrière peuvent influencer de manière sensible l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle.

Mignonac (2001, p. 67), dans sa thèse, montre que les ancres de carrière ont un pouvoir explicatif certain et fait ressortir par exemple que l'ancre Gestion favorise la mobilité intra organisationnelle alors que l'ancre Qualité de vie la limite.

Cette revue des résultats penche plutôt vers l’existence d’une relation entre les ancres de carrière et l’intention d’accepter différents types de mobilité intra-organisationnelle. Ainsi, nous rejoignons Mignonac (2001, p. 84) d’envisager que les ancres de carrière influence l’intention d’accepter différents types de mobilité intra-organisationnelle.

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b. L’instrumentalité de la mobilité intra-organisationnelle Selon la théorie des expectations, le salarié opte pour un comportement mobile

si ce dernier est considéré comme un instrument pour obtenir des récompenses. Ainsi, quand il considère une possibilité de mobilité intra-organisationnelle, le salarié ne prend pas seulement en compte les caractéristiques du poste, il envisage surtout « sur quoi cette mobilité pourra déboucher après ». Autrement dit, il veut s’assurer que la mobilité lui servira bien à progresser d’une manière ou d’une autre (Martinon, 2000).

Selon Brett, Stroh, & Reilly (1992), les salariés, qui ont pour ambition d’avancer dans leur carrière et voient des opportunités d’avancement de carrière dans leur mobilité, seront plus disposés à accepter une mobilité intra-organisationnelle.

L’idée de l’instrumentalité rejoint le principe du « chemin de dépendance » de la « théorie du tournoi » (Rosenbaum, 1979). Cette dernière stipule que l’histoire du parcours professionnel d’un individu est centrale dans la détermination de sa trajectoire professionnelle future. Ainsi, nous pouvons dire que les salariés qui ont vécu une expérience antérieure de mobilité auront de meilleures chances d’accéder à une promotion au sein de l’entreprise.

Cette théorie nous a donc permis d’opérationnaliser la deuxième variable explicative de l’intention envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle comme suit: « la perception de la mobilité intra-organisationnelle comme instrument efficace pour obtenir une promotion influence l’intention envers celle-ci ».

c. La perception des compétences De nombreuses études ont montré que les choix professionnels de l’individu

dépendent de sa façon d’évaluer ses chances d’obtenir le poste qu’il voudrait eu égard à ses compétences (Martinon, 2000, p. 11). Ainsi, si un individu pense qu’il n’a pas le profil adéquat pour obtenir un poste, il ne sera pas favorable à une mobilité intra organisationnelle (Landau & Hammer, 1986). Donc, on peut penser que le salarié cherche à être mobile s’il estime que ses compétences lui permettront, d’une part d’être choisi parmi les candidats à la mobilité, et d’autre part de réussir cette mobilité. Cette variable recouvre trois dimensions de compétences (Cadin, Bender, & Saint-Giniez, 2003):

(1) Le knowing why ou compétences identitaires Ce type de compétence correspond à l’identité personnelle, aux motivations et

aux attentes de la personne (Cadin, Bender, & Saint-Giniez, 2003). Plusieurs motivations liées à la carrière ont été identifiées par ces théoriciens: technique/fonction, management, équilibre travail/famille, service et sécurité, entreprenariat, autonomie, défi (Jones & Lichtenstein, 2000). Cette variable est très proche de la variable « ancres de carrière ». Ainsi, il sera écarté de notre modèle de recherche.

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(2) Le Knowing Whom ou compétences relationnelles Aujourd’hui, vu les structurations organisationnelles et l’évolution sur le

marché de travail, la carrière devient la responsabilité de l’individu et non pas des organisations (Hall D. T., 1996). De ce fait, les individus doivent adopter des stratégies orientées vers les relations, telles que la création d’un réseau de mentor ou l’appui d’un supérieur hiérarchique: « les individus peuvent utiliser des réseaux de mentor1 pour faciliter l’accès aux connaissances et aux expériences des autres afin de bénéficier d’un avantage de carrière » (De Janasz, Sullivan, & Whiting, 2003, p. 81). Aussi, la relation de mentoring peut avoir des conséquences sur l’évolution du salarié au sein de l’organisation et sur la rapidité de ses promotions (Ventolini, 2007, p. 72). Alleman (1982) a même constaté que les gens qui ont eu un mentor sont plus satisfaits des promotions reçues. Selon Noe, Noe, & Bachhuber (1990), le fait d’être conseillé et soutenu par sa hiérarchie influe positivement sur la visibilité du salarié dans l’entreprise et facilite ainsi son avancement dans la hiérarchie.

À ces relations de mentoring formelles, les relations avec les collègues sont souvent informelles. Selon Eby, McManus, & Simon (2000), les pairs jouent un rôle non négligeable dans le développement professionnel des salariés. Ainsi nous pouvons dire que « le fait d’avoir un mentor » et « entretenir des relations au sein de l’organisation » favorise l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle (Eby, et al., 2000).

(3) Le Knowing How ou les compétences professionnelles Le Knowing how fait référence aux compétences professionnelles liées à

l’emploi/ la carrière (Bender, Dejoux, & Wechtler, 2009, p. 73). Il regroupe les savoirs2 et les savoirs faire3 de l’individu et peut également se traduire par la possession d’une expertise distincte dans un domaine spécifique (Veilleux, 2006, p. 22). Ainsi, il nous semble qu’il existe un lien positif entre « la perception des compétences de détenir les compétences nécessaires, d’une part, pour être sélectionné pour une mobilité, et d’autres part, pour réussir cette mobilité » et « l’intention envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle ».

1 Le mentor est un salarié de l’organisation qui appartient à un niveau hiérarchique identique (pair) ou plus élevé (supérieur) que le protégé.

2 Le savoir est quelque chose qui est su par un individu, une structure, un collectif, voire une machine. Le savoir peut s’oublier. Il peut aussi se stocker dans une mémoire humaine ou non humaine (Tanguy & Villavicencio, 2000, p. 22)..

3 Le savoir faire : désigne les notions acquises à l’usage : les taches, règles, procédures et informations propres au fonctionnement du service particulier (Ferrary, 1999).

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Figure 1: Théorie des expectations, cadre d’analyse pour notre recherche.

Nous venons de développer comment les trois concepts inspirés de la théorie

des expectations peuvent apporter une meilleure compréhension de l’intention des salariés envers les différents types de mobilité intra-organisationnelle. Nous allons maintenant compléter notre modèle de recherche par une gamme des variables ou des déterminants, qui ne figurent pas dans la théorie des expectations, mais qui sont susceptibles d’influencer cette intention. Il s’agit des variables sociodémographiques (2), des variables liées à la vie personnelle (3), des variables liées aux caractéristiques de la carrière (4) et les traits de personnalité (5).

3.2. Les variables sociodémographiques

La littérature portant sur l’intention des salariés envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle intègre souvent des variables sociodémographiques telles que l’âge, le sexe, le statut familial ou le fait de vivre ou non avec un(e) conjoint(e) qui travaille ou non, avec ou sans enfants dans le foyer.

L’influence de ces variables est controversée: alors que l’âge est généralement considéré comme une variable centrale dans la plupart des études, les autres variables ne le sont pas. Elles ne sont considérées que comme des variables de

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contrôle. Notons que, cet impact semblerait dépendre du type de mobilité proposé (Brett, Stroh, & Reilly, 1992 ; Noe & Barber, 1993)

La 1ère variable socio démographique que nous étudions est l’âge: des résultats contradictoires se manifestent en ce qui concerne l’âge. Plusieurs études ont observé qu’en avançant en âge, les individus ont tendance à être moins mobiles (Gould & Penley, 1985 ; Tremblay, Wils, & Proulx, 1995). La relation avec l’âge est négative surtout quand il s’agit d’une mobilité géographique (Landau, Shamir, & Arthur, 1992 ; Feldman & Bolino, 1998 ; Eby & Russel, 2000). De même, Anderson, Milkovich, & Tsui (1981) ainsi que Veiga (1983) suggèrent que la mobilité géographique est plus forte chez les jeunes salariés.

La 2e variable socio démographique que nous étudions est le genre: en général, les femmes sont moins disposées à accepter d’être mobiles que les hommes (Anderson, Milkovich, & Tsui, 1981). Toutefois, Ostroff & Clark (2001) suggèrent que les femmes ont l’intention d’accepter une mobilité latérale non géographique, avec ou sans changement de métier, mais les hommes ont plus la propension d’accepter une mobilité intra organisationnelle internationale (Mignonac, 2008). Cependant, d’autres auteurs n’ont trouvé d’influence statistique entre le fait d’être une femme et l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle (Feldman & Bolino, 1998 ; Challol & Mignonac, 2005).

La 3e variable socio démographique que nous étudions est le niveau d’études: tandis que des auteurs comme Anderson, Milkovich, & Tsui (1981) associent le niveau d’études ou de formation à l’intention envers la mobilité intra-organisationnelle. D’autres auteurs n’ont pas trouvé d’influence significative. (Brett, Stroh, & Reilly, 1992 ; Ostroff & Clark, 2001).

La 4e variable socio démographique que nous étudions est la situation familiale: certaines études n’ont pas trouvé de lien significatif entre cette variable et l’intention envers la mobilité intra organisationnelle (Landau, Shamir, & Arthur, 1992; Feldman et Bolino, 1998 ; Ostroff et Clark, 2001 ; Mignonac, 2008). D’autres avancent que les célibataires sont plus capables d’être mobiles que les salariés mariés (Markham, 1983). Or, l’important n’est pas, dans l’absolu, d’être ou pas marié, mais plutôt de savoir si la carrière de l’épouse pèse ou pas sur la décision de la mobilité intra organisationnelle. En ce sens, Noe, Steffy, & Barber (1988) suggèrent que la carrière de l’époux (épouse) n’a aucune influence significative sur l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle, mais Gould et Penly (1985) établissent une influence négative entre ces deux variables: les hommes célibataires ou divorcés auraient l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle pour aider leur entreprise ou progresser dans leur carrière alors que les hommes mariés, dont les épouses ne travaillent pas, auraient l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle pour garder leur emploi (Landau, Shamir, & Arthur, 1992).

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Au terme de cette revue des résultats menés jusqu’ici, il apparait que les relations entre les différentes variables sociodémographiques et l’intention envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle restent encore mitigées. Par conséquent, nous décidons, comme Mignonac (2001, p. 97) de conserver uniquement « l’âge » comme variable explicative. Les autres variables seront ainsi considérées comme des facteurs de contrôle.

3.3. Les variables liées à la vie personnelle

Dans notre recherche, trois variables liées à la vie personnelle ont été étudiées. Nous commençons par la variable « couple à double revenu4 ». En fait, la majorité des études relient essentiellement les variables « couples à double revenu » et « intention envers une mobilité géographique ». Les résultats de ces études sont contradictoires. Tandis que des auteurs comme Landau, Shamir, & Arthur (1992) ont trouvé une relation positive de l’intention d’accepter une mobilité géographique chez les salariés dont les conjoints ne travaillent pas par opposition à ceux qui ont un conjoint qui travaille. D’autres comme Noe et Barber (1993) ou Brett et Reilly (1988) ne trouvent pas de lien significatif.

Donc, le fait que le conjoint ait ou non une carrière ne semble pas neutre (Cerdin, 1996 p. 124). Pourtant, Brett, Stroh, & Reilly (1992, p. 146) notent que les hommes ont souvent un plus grand pouvoir (au niveau statut et revenu) dans la famille que les femmes. Ils sont ainsi dans une meilleure position pour imposer des mobilités qui pourraient profiter à leur carrière sans prendre en considération la carrière de leur femme (Cerdin, 1996 p. 125).

Nous continuons notre gamme de variables par la « présence d’enfants dans le foyer ». Konopaske, Robie, & Ivancevich (2009) ont trouvé une relation positive entre la présence des enfants dans le foyer et l’intention d’accepter une expatriation de longue durée.

Nous terminons par la variable « attachement à des parents/amis ». Cette variable pourra constituer un obstacle vis-à-vis de l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle (Noe & Barber, 1993). Dans ce sens, Veiga (1983) avance que le fait d’être attaché à des amis et/ou d’avoir des liens familiaux et communautaires aura un impact négatif sur l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle et constitue surement une barrière à la mobilité géographique.

4 Il s’agit des couples qui exercent deux activités professionnelles (Papoport & Rapoport, 1969, p. 3). Les deux auteurs distinguent les couples à « double revenu » et les couples à « double carrière ». Le terme « carrière » est utilisé pour caractériser des emplois exigeant un haut niveau d’implication, d’investissement de formation et de temps, et offrant des possibilités de progression (Chaliol, 2004). Il est opposé à des « emplois » susceptibles d’être occupés pour des raisons essentiellement économiques, ne proposant pas une progression de carrière claire ou ne reposant pas sur des accumulations des connaissances (Rapoport & Rapoport, 1971, p. 519). Seuls les couples dans lesquels les deux conjoints ont une « carrière » sont des couples à « double carrière ». À l’inverse, dès que l’un des deux conjoints voit son travail comme un emploi sans avenir, ils parlent des couples « à double revenu ».

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À l’issue de la littérature, nous remarquons que la relation entre « les variables liées à la vie personnelle » et « l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle » présente des résultats mitigés. Notre recherche empirique tentera de préciser le sens de ces relations.

Toutefois, une relation plus claire semble se dégager entre la variable « couple à double carrière/ revenu » et « intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle géographique » dans les travaux de Brett et Reilly (1988), Landau, Shamir, & Arthur (1992) ainsi que (Bostroff, Harris, Field, & Giles, 1997). Ces auteurs proposent que les personnes célibataires, divorcées, mariées et dont les épouses ne travaillent pas ou ne sont pas impliquées dans leurs carrières auront l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle géographique.

Ainsi, dans notre recherche, seule la variable « couple à double carrière/ revenue » serait retenue comme variable explicative de l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle. Les autres variables liées à la vie personnelle seront utilisées uniquement comme variables de contrôle.

3.4. Les variables liées aux caractéristiques de la carrière

Trois variables liées aux caractéristiques de la carrière ont été étudiées dans cette recherche. Il s’agit successivement des variables « temps d’occupation dans le poste », « ancienneté dans l’entreprise » et « expérience d’une mobilité antérieure ».

Concernant le temps d’occupation dans le poste, Noe, Steffy, & Barber (1988) proposent que la relation soit négative avec l’intention d’accepter une mobilité latérale (sans/avec mobilité géographique), une promotion ou une dégradation. Or, cette décision dépend surtout de l’adéquation entre l’emploi « idéal » perçu par le salarié et son emploi « actuel » occupé. Si l’écart entre les deux est minime, la possibilité d’accepter une opportunité de mobilité intra-organisationnelle est aussi minime. Par contre, si cet écart est élevé, l’employé est plus ouvert et accepte plus facilement d’être mobile.

Quant à l’ancienneté dans l’entreprise, les résultats sont contradictoires. Ostroff & Clark (2001) suggèrent une relation positive entre l’ancienneté dans l’entreprise et l’intention d’accepter une mobilité latérale sans changement de métier. D’autres auteurs sont parvenus à un résultat opposé: la relation est négative entre le temps de présence dans l’entreprise et l’intention d’accepter une mobilité géographique pour faire progresser sa carrière ou pour les besoins de l’entreprise (Landau, Shamir, & Arthur, 1992).

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Le pouvoir explicatif de la variable « expérience d’une mobilité antérieure » sur l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle est non significatif (Brett & Reilly, 1988 ; Noe & Barber, 1993 ; Stilwell, Liden, & Deconinck, 1998). Toutefois, Louis (1980a, 1980b) et Nicholson (1984) pensent que les expériences antérieures de mobilité d’un salarié peuvent l’aider dans sa prochaine mobilité.

Après avoir examiné les études qui portent sur la relation entre « les variables liées aux caractéristiques de la carrière » et « l’intention des individus envers la mobilité intra-organisationnelle », Brett, Stroh, & Reilly (1993) ont trouvé que ces études présentent beaucoup des contradictions. De ce fait, nous adhérons à Mignonac (2001, p. 93) qui étudie les variables liées aux caractéristiques de la carrière uniquement comme des variables de contrôle.

3.5. Les traits de personnalité

Les traits de personnalité sont des caractéristiques de la personne qui l’incitent à adopter certaines attitudes et comportements (Roques, 1999 p. 128). Certains traits de personnalité peuvent ainsi expliquer l’intention envers la mobilité intra-organisationnelle (Mignonac ; 2008). Pour notre recherche, nous présentons successivement les trois traits de personnalité les plus couramment utilisés dans les recherches sur la mobilité intra-organisationnelle, à savoir: (a) le « locus de contrôle » (b) « l’extraversion » (Aryee, Chay, & Chew, 1996) et (c) « l’ouverture aux expériences » (Mignonac, 2008).

a. Le Locus de contrôle au travail Le locus de contrôle est une croyance généralisée de l’individu que le cours

des évènements de sa vie et leur devenir dépendent ou non de son comportement » (Rotter (1966) cité par Ventolini, 2007 p. 158). Il s’agit d’un construit cognitif particulièrement intéressant (Bailly, 1998 p. 36). Pour Rotter (1966), l’influence du contrôle s’exprime particulièrement dans des situations nouvelles ou ambigües (Roques, 1999 p. 129). De notre part, nous pensons qu’il existe une relation entre le locus de contrôle et l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle. Vardi (1980) suggère que les personnes, dont le Locus de Contrôle est Interne (LCI), ont tendance à être plus mobiles au sein de l’organisation. Pour Vardi & Hammer (1981), les personnes LCI planifient plus leur carrière et cherchent leur développement professionnel.

b. L’extraversion Quelqu’un d’extraverti est quelqu’un qui va facilement vers autrui, n’a pas

peur de l’inconnu. Il est facilement influencé par les autres individus ou les évènements extérieurs. Par contre, quelqu’un d’introverti est quelqu’un qui va difficilement vers les autres. Il est timide et réfléchi beaucoup à la mécanique interne de l’esprit (Jung, 1969). Aryee, Chay, & Chew (1996) étaient les seules à

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trouver une relation positive significative entre l’extraversion et l’intention d’accepter une mobilité internationale (intra/inter organisationnelle).

c. L’ouverture à l’expérience À notre connaissance, une seule étude porte sur l’influence de l’ouverture à

l’expérience, un trait de personnalité, et l’intention d’accepter une mobilité intra organisationnelle (Mignonac, 2008). Les personnes ayant un degré élevé d’ « openess to experience » sont généralement prédisposées à découvrir des nouvelles idées, nouvelles choses et réceptives faces aux changements. Au contraire, celui dont le degré d’ « openess to experience » est minime tend à être plus conservateur et résiste aux changements.

Sur une population des séniors, Mignonac (2008) a trouvé chez les personnes ouvertes à l’expérience une prédisposition à accepter une mobilité vers une autre discipline, une mobilité géographique nationale et une mobilité géographique internationale.

Pour être plus précis, dans leurs études sur la mobilité internationale des managers, Konopaske, Robie, & Ivancevich (2009) ont choisi d’étudier uniquement le facteur « aventureux » considéré comme une facette de la variable « ouvert aux expériences ».

3.6. Modèle conceptuel de la recherche

Au terme de la présentation des déterminants de l’intention des salariés envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle, nous proposons un modèle de recherche inspiré des concepts de la théorie des expectations (Vroom, 1964). Cette théorie articule les relations entre « les ancres de carrière », « la perception du salarié de ses compétences relationnelles », « la perception du salarié de ses compétences professionnelles », « l’instrumentalité de la mobilité intra-organisationnelle » d’une part, et l’intention des salariés envers les différents types de la mobilité intra-organisationnelle d’autre part.

Notre modèle de recherche est complété par la prise en compte « des variables sociodémographiques », « des variables de la vie personnelle », « des variables liées aux caractéristiques de carrières » et « des traits de personnalité » pouvant aussi expliquer l’intention envers les différents types de mobilité intra-organisationnelle.

Cette clarification va nous permettre de proposer notre modèle global de recherche (figure ci-dessous)

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Figure 2: Modèle de recherche

4. Conclusion Cette recherche avait pour objectif de construire un modèle de recherche qui

permette d’expliquer, voire prédire, l’intention des salariés envers des différents types de la mobilité intra-organisationnelle.

La théorie des expectations nous a servi comme cadre théorique. Aussi, la théorie des ancres de carrière nous a permis de saisir les souhaits d’évolutions professionnels des salariés.

Cette recherche nous permet de comprendre comment encourager les salariés à être mobiles. En effet, au regard des évolutions technologiques et organisationnelles, les entreprises ont besoin d’être flexibles, de conserver et de développer les compétences rares. Le recours à la mobilité de leurs salariés leur permet de les fidéliser et de gérer leur carrière. Dans un tel contexte, la tentation est grande pour les Directions d’imposer la mobilité aux salariés. Or, ces derniers sont de plus en plus conscients de leur responsabilité dans le développement de leurs compétences et leur évolution professionnelle. Connaitre les déterminants de

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l’intention d’accepter une mobilité intra-organisationnelle peut permettre de différencier les pratiques de GRH et mieux concilier les besoins de l’entreprise et les intentions des salariés et de proposer des mobilités acceptables pour les salariés.

Simultanément, cette recherche nous a permis d’identifier les variables que les entreprises doivent prendre en considération avant toute décision de mobilité intra-organisationnelles. Parmi ces variables, nous retrouvons les ancres de carrière. Ainsi, les entreprises peuvent mettre en place un dispositif pour identifier les ancres de carrière de chaque salarié afin de répondre à leurs attentes de façon différenciée en matière de mobilité intra-organisationnelle et de carrière. De cette manière, on peut davantage les inciter à être les pilotes de leur propre carrière.

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LA CONSOLIDATION DE LA DIMENSION TERRITORIALE DU DROIT DU TRAVAIL1

Serge Le Roux

Fondateur-gérant du Cabinet CAP Télétravail Vice-président de l’Association française du télétravail

et des téléactivités &

Laboratoire de Recherche sur l’Industrie et l’Innovation Université du Littoral Côte d’Opale, Dunkerque, France (chercheur associé) Réseau de Recherche sur l’Innovation (vice-président)

Problématique La crise du modèle taylorien-fordien a provoqué (et a été provoquée par) des

flux d’innovation et des changements, quelquefois profonds, souvent irréversibles, tant dans les domaines de la technologie, que dans ceux de l’organisation des entreprises, des activités des individus, du contenu des territoires.

Commun à ces trois domaines, le statut du travail (1. Le travail crée de nouvelles technologies ; leurs applications dans les activités productives modifient le contenu du travail qui y est réalisé, créent de nouveaux métiers ; 2. Ces transformations appellent de nouvelles réponses de la part des entreprises, en matière d’organisation interne, de la place des opérateurs au sein des processus de production, des règles de fonctionnement et de régulation ; 3. A leur tour, les

1 Cet article fait suite à une communication : « Travail, l’attente d’un nouveau statut (juridique/économique/territorial/personnel) » présentée à l’Institut universitaire de technologie de Saint-Omer (France) Département Gestion administrative et commerciale, Université du Littoral-Côte d’Opale, le 30 novembre 2012, lors du colloque Les activités professionnelles et le marché du travail, 29-30 novembre 2012.

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territoires sont affectés par les changements: des postes de travail peuvent y être décentralisés, la localisation des unités de production répond à de nouvelles normes) tend à être tiraillé par les différents vecteurs de transformation, qui agissent simultanément dans les trois domaines considérés supra, mais selon des logiques et des trajectoires pluridirectionnelles et non convergentes (complexification systémique).

On doit remarquer que la question du travail est rarement analysée en tant que telle (pour des raisons diverses qui ne seront pas explicitées dans le corps de cet article) ; les disciplines scientifiques, la pratique législative et réglementaire, le débat public s’intéressent aux façons dont le travail est encadré, organisé, entouré, protégé, compté, payé… mais peu pour ce qu’il est en lui-même, fondamentalement, à savoir une activité humaine autonome, créatrice de valeur, comme bien des penseurs l’ont pourtant, de longue date, exprimé (pour s’en tenir à un exemple contemporain, le professeur Ivan Lavallée: « Avec l’homme, la matière devient consciente d’elle-même » [1991])2.

Certes, on peut aisément comprendre que les parements du travail, l’emploi, les conditions dans lesquelles il s’exerce, il est managé, l’ergonomie, les incidences sur la santé, les relations sociales, le droit… constituent des préoccupations de la vie concrète des salariés, des problèmes de coûts-avantages pour les entreprises, des questions d’ordre public pour l’Etat… toutes choses qui légitiment amplement que beaucoup d’efforts et d’attentions soient déployés pour trouver des solutions acceptables par chacune des parties concernées, et peut-être même par toutes à la fois.

On peut néanmoins garder quelques interrogations sur les résultats de cette oblitération du contenu-cœur du travail (versus la prise en charge d’items de sa périphérie) dans la mesure où cette question ne peut rester très longuement sans traitement, comme si l’on se contentait de soigner des symptômes, sans se préoccuper de leurs racines. Le risque paraît majeur d’un retour quasi certain, et plutôt violent, de cette réalité cachée.

L’article approfondira les raisons pouvant expliquer cette absence de traitement d’une question dont les effets sont, d’ores et déjà, paralysant pour nombre d’initiatives innovantes, que ce soit dans le champ de l’action productive, celui des modes de vie, et surtout dans celui de l’action territoriale ; et nous tenterons de présenter quelques pistes envisageables pour combler ces lacunes dans cette troisième dimension.

2 Ou encore comme l’indique Georges Sorel, rejoignant certaines préoccupations contemporaines sur les relations entre travail et créativité : « L’acte de production est la plus haute manifestation de la puissance humaine puisqu’elle affirme sa vertu créatrice. L’art est l’anticipation de la plus haute production ».

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Méthodologie

Terrains d’étude Les analyses qui sont présentées ici procèdent d’investigations menées par

l’auteur, certaines déjà anciennes, et d’expériences multiples3 acquises sur le terrain générique du travail à distance et de ses tenants:

- conférences: dans des structures ministérielles, chambres consulaires, collectivités locales, universités…

- consultations: entreprises (Accor, Air France, Atos, EDF, RATP, Renault, Thalès, Vilogia…) et collectivités locales, pour l’implantation de solutions de télétravail ou de télécentres ;

- conception et/ou réalisation de projets innovants ; - enseignement: université, école d’ingénieurs, encadrement de mémoires de master ;

- expertises auprès d’organismes publics et privés chargés de la rédaction de rapports officiels ;

- management de divers organismes de recherche ou chargés de missions publiques, en France et dans des pays étrangers ;

- participation à de nombreuses structures décisionnelles nationales et européennes, assistance de parlementaires pour la rédaction de textes législatifs ;

- actions de recherche: création d’un observatoire européen du télétravail, expertise des premières expériences de travail à distance, analyses de leurs conséquences sur le travail, sur le salariat, les lieux de travail, la cybercriminalité, la proximité, le développement rural, les formes d’organisation économique, les territoires, la formation de la main d’œuvre, la fonction publique, les relations sociales, le développement durable, l’artisanat, les PME…

- visites de sites et d’entreprises ; - présences médiatiques ; - publications scientifiques et de vulgarisation:

• Qu’est-ce qu’un télécentre ? (ouvrage à paraître en 2013) • Le télétravail comme inauguration d’une nouvelle séquence Technologies-Travail-Territoire, axe de construction collaborative de la proximité, communication aux 7es Journées de la Proximité, HEC Montréal, 21-23 mai 2012.

• BYOD, un pas de plus vers un capitalisme sans salariés, Editorial, site RRI, avril 2012.

3 Les positions institutionnelles actuelles de l’auteur figurent en première page.

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• Homeshoring, ouverture d’une voie économique nouvelle, communication au Forum de l’Innovation-V RRI / ISEG / ISERAM, La nouvelle alliance industrielle, Entrepreneurs, innovation et création de valeur dans la mondialisation, Maison de l’Europe, Paris, 5 avril 2012.

• L’économie-monde numérique, vers une redéfinition de la notion de territoire économique, Séminaire Inocréa, Maison européenne des Sciences de l’Homme et de la Société, Lille, 31 mars 2011.

• Le rôle des managers de proximité dans un projet d’introduction du travail à distance, note pour Eric Couté, responsable Télétravail chez Renault, 20 juillet 2010, 7 p.

• Le travail collaboratif, un avenir du travail dans le développement durable, in Le Roux (dir.) Le travail collaboratif, une innovation générique, 2009, pp. 171-200.

• La mise en œuvre d’une approche collaborative comme facteur d’innovation dans les PME-PMI, in Le Roux S., Marcq J. (dir.) Le travail, formes récentes, nouvelles questions, 2007, pp. 189-208.

• « L’artisanat est-il l’avenir du système industriel ? Vers une théorie de l’artisanation de la révolution informationnelle », Marché et Organisations. Cahiers d’Economie et de Gestion de la Côte d’Opale, n° 1, L’Harmattan, Paris, 2006, pp. 55-71.

• Temps et subsomptions d’hier et de demain, Document de travail LabRII, novembre 2003, 25 p.

• Nouvelles technologies de l’’information et de la communication, nouveaux rapports de production et de la consommation, nouvelles coopérations, OCDE, Forum The Public Voice in Electronic Commerce, Paris, 11 octobre 1999.

• Etude sur la localisation des sites du réseau de bureaux de voisinage d’Ile-de-France, Paris, 1996.

• Etude sur la configuration d’un télé-centre de voisinage, Paris, 1995.)

Contexte

I. Constats généraux

1.1. Comme on le sait depuis Schumpeter, le moment de crise est celui où « l’ancien » ne fonctionne plus convenablement, ne peut plus résoudre les questions posées et contribue même à les aggraver, tandis que « le nouveau », qui commence à apparaître, n’a pas suffisamment de force pour imposer les nouveaux paradigmes. Autrement dit, les innovations disponibles, produites par le travail scientifique et l’expérience des opérateurs sont, soit impossibles à mettre en œuvre, soit détournées de leur finalité et asséchées quant à leurs potentialités

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transformatrices. Si l’on met en action cette grille de lecture de la réalité économique contemporaine, sur le triptyque analytique proposé on peut, en effet, voir que chacun de ces trois ordres (l’entreprise, la personne, le territoire) est atteint, à sa façon, par cette collision des époques.

1. Pour les entreprises: les équipements nouveaux sont sous-utilisés (cas des logiciels par exemple) ou même gérés par défaut, tel que le révèle, en creux, la pratique récente du BOYD4, les entreprises finissant par abandonner ce qui avait constitué le fer de lance de leur bataille rationalisatrice du XIXe siècle (à savoir la recherche de l’imposition aux ouvriers des outils appartenant à l’entreprise, versus ceux qui leur appartenaient en propre, issus des pratiques artisanales antérieures) pour désormais, en un étonnant tête-à-queue historique, autoriser, ou même inciter, leurs employés à utiliser, pour leurs activités professionnelles, leurs propres matériels personnels (Le Roux, 2003 & 2012 b) ; en tous cas, les modes d’organisation dominant actuellement, quittent assez peu les rives connues du taylorisme ; bien peu d’initiatives alternatives apparaissent, sauf celles, en quelque sorte, inventées par les opérateurs eux-mêmes (dans les modes projet par exemple) et qui finissent, bon an mal an, par être validées par les hiérarchies, sans que ce type de modèle puisse réellement devenir un axe pérenne de réorganisation de l’entreprise.

2. Pour les personnes: sur le plan privé, elles deviennent des consommateurs friands des innovations arrivant par les marchés ; ce qui les rend assez circonspectes quant aux pratiques, restant souvent anciennes, de leurs employeurs: le hiatus qui apparaît entre les produits disponibles et les méthodes mises en œuvre pour les fabriquer (même si l’on sait que les lieux de production de ces biens nouveaux ne sont, en général, pas localisés dans les espaces de consommation) crée des incompréhensions, des désillusions et des frustrations, que l’on voit marquer, plus particulièrement, les digital native ; et qui débouchent sur des crises de motivation, un turn over élevé, l’absentéisme, la perte de potentiel et de performance5.

3. Pour les territoires: le schéma ancien de recherche d’implantations brick and mortar, dans les zones d’activités, conçues spécialement dans cette recherche d’attraction de forces économiques supplémentaires au sein de la circonscription administrativo-politique, est directement attaqué par la volatilité croissante du capital dit fixe ; le résultat d’un départ d’une unité

4 Bring Your Own Device : littéralement : apportez votre propre matériel. 5 « (L’une des) marque de fabrique de la génération Y est un rapport à l’entreprise marqué par le donnant-donnant. En effet, les jeunes de cette cohorte ont été habitués à être consommateurs dès leur plus jeune âge. Ce qui a deux implications : d’une part, ils veulent avoir le choix ; d’autre part, ils ont le réflexe d’évaluer dans quelle mesure ce qu’on leur propose vaut ce qu’il en coûte pour l’obtenir. Ils arrivent ainsi dans l’entreprise avec un mélange d’assurance et de revendication qui crispe souvent leurs aînés » (Manageris*, 2009, p. 3).

* Synthèse de : Tulgan Bruce, Not everyone gets a trophy, Jossey-Bass, 2009 ; Ollivier Daniel, Tanguy Catherine, Génération Y mode d’emploi, De Boeck, 2008.

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de production installée sur son territoire, pour la collectivité, est négativement triple: perte de la source d’emplois concernée (et des ressources fiscales qui accompagnaient cette implantation6) ; obligation de gérer des locaux devenus vides ; poids des conséquences des pertes d’emplois subies. En contrepoint, la conception d’une nouvelle attractivité n’est pas spontanée, en grande partie pour les raisons exposées au § 1 ci-dessus: la demande des entreprises, par exemple, pour de lieux d’accueil de postes de travail décentralisés est encore infime (Le Roux, 2013).

1.2. Le rapport salarial traditionnel (de type industriel fordien) semble

définitivement dépassé, à la fois, pour que la combinaison productive atteigne son optimal d’efficacité, et pour que les individus y trouvent les moyens de mettre en œuvre leurs capacités et en retirent des éléments positifs pour leur propre existence personnelle.

1. La vieille organisation taylorienne repose sur des principes bien connus de la subordination de l’exécution à la conception, de l’organisation stricte (« scientifique ») de la discipline interne à l’entreprise et de l’obligation de moyens. Ce schéma a, dans l’histoire de l’industrialisation, largement fait les preuves de son efficacité: il a permis la production moderne puis, avec son soutien fordien, la consommation de masse et l’urbanisation. On en voit aujourd’hui (depuis quelques décennies) les limites: la sous-estimation des capacités créatrices des individus (repliées dans le « travail réel » versus le « travail prescrit ») ; la pauvreté du rapport salarial ; la crise de motivation ; les nuisances environnementales… Mais, surtout, l’obsolescence du modèle provient de la transformation du contenu de la production: le chronomètre derrière l’ouvrier pouvait fonctionner dans le cadre d’un travail manuel, répétitif ; il devient complexe à manier dans le cadre d’un travail de nature intellectuelle (quoique les tentatives pour faire entrer le nouveau dans l’ancien ne manquent pas, le plus emblématique de ces efforts anachroniques étant sans doute la semaine de 35 heures7 (RICHEVAUX 2001).

2. L’entreprise sait gérer, sinon les crises, du moins les difficultés: c’est le travail même du manager que d’imaginer les solutions adéquates face à une situation jugée défavorable ou insatisfaisante. Et, de fait, face aux difficultés signalées supra (§ 1) nombre d’initiatives ont été prises, certaines avec un succès relatif (lean management) d’autres présentant un bilan plus modeste (management participatif, par exemple): on a cherché à réduire les pyramides hiérarchiques, stimuler l’autonomie dans des modes projet, individualiser les systèmes de rémunérations, flexibiliser les

6 Avant la transformation de la taxe professionnelle en contribution foncière des entreprises. 7 On peut ajouter le bel aveu de Jean-Jacques Rousseau (qui n’a, apparemment, fait encore que peu d’émules) : « Je n’ai jamais rien pu faire la plume à la main, vis-à-vis d’une table et de mon papier. C’est à la promenade, au milieu des rochers et des bois, c’est la nuit dans mon lit durant mes insomnies, que j’écris dans mon cerveau » (cité par Jean-Emmanuel Ray, 2008, p. 253).

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statuts… on tente ainsi de quitter la rive protectrice du taylorisme, mais prudemment et, surtout, sans trop savoir où aller. De fait, les dilemmes sont quotidiens: laisser plus d’initiatives aux salariés, n’est-ce pas prendre des risques exagérés ? Abandonner les méthodes connues de contrôle ne va-t-il pas aboutir à du laisser aller ? Nos managers de proximité ont l’impression d’être seuls face à des salariés de plus en plus exigeants et incontrôlables: faut-il les soutenir et comment le faire sans que l’on perde en niveau de performance ? etc. (CGIET, 2011).

II. La question économique territoriale aujourd’hui

L’immatérialisation permet de s’affranchir d’une partie des contraintes historiques de la production, comme « la distance-temps, la distance-coût… la vitesse d’accès… l’aisance du déplacement » (Cattan, 2011). Dans le mouvement de mondialisation apparu avec les nouvelles possibilités techniques en matière de matérialisation de l’objet générique nouveau: l’information ; puis de la dématérialisation de sa gestion et de sa communication, l’idée a d’abord dominé que tout devait devenir mondial: la finance bien sûr, la production, et même les populations, désormais unifiées par les normes consuméristes et culturelles globalisantes, accompagnées de l’impératif de mobilité (Colloque International MOBILITE DU SALARIE DANS UN MONDE GLOBALISÉ ; MOBILITE INTERNE ET EXTERNE DU SALARIE Université du Littoral Côte d’Opale, Laboratoire de Recherche sur l’Industrie et l’Innovation Site de Saint-Omer a organisée le 4 décembre 2008: revue européenne de droit social janv. 2009) et de flexibilité. Cette illusion du « tout global », destructeur des existants, a fini par céder le pas devant les « pesanteurs sociologiques », le refus très majoritaire d’une mobilité absolue de tous sur tout l’espace planétaire8. Le local a repris un peu pied, la notion de proximité est apparue. Celle-ci semble avoir désormais trouvé une légitimité, autant sociale (intérêt des personnes) que politique (actions publiques, globales et locales) et même économique (stratégies de spécialisations territoriales) ; et elle se présente, aujourd’hui, comme le produit, et peut-être le réceptacle des convergences entre les uns et les autres9.

Le premier mode d’organisation des hommes, devenant conscients de leurs forces et de leurs capacités organisatrices, a été celui, par la force des choses, du rassemblement en un seul lieu de la résidence des personnes et de leurs activités de subsistance. Depuis les tribus des chasseurs-cueilleurs (Sahlins, 1996) jusqu’au village féodal, ce mode d’implantation s’est maintenu, sans qu’il soit beaucoup

8 Il existe aussi d’autres raisons à ce « repli », comme l’indique, par exemple, Pierre Veltz : « Le caractère peu réaliste des images de la firme cosmopolite et a-nationale est une évidence qu’oublient certains analystes emportés par leur fougue mondialisante. Les grandes firmes du monde actuel restent américaines, anglaises, japonaises, parfois binationales (Shell) jamais davantage » (1997, p. 138).

9 Cette partie de l’article emprunte quelques éléments (dont le tableau ci-dessous) à une communication présentée, en mai 2012 aux 7es Journées de la Proximité, organisées par HEC Montréal.

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concurrencé, l’urbanisation restant, historiquement, très longtemps minoritaire. Sans le faire totalement disparaître, la révolution industrielle a créé ce modèle alternatif: l’usine, la ville, la métropole… et l’a superposé à l’existant, superposition en général conflictuelle (le « désert français »). Le besoin consubstantiel de proximité, que l’on pourrait également qualifier d’aspiration à la sédentarité et/ou à la vie en communauté, a été marginalisé, renvoyé comme anachronique, pendant toute la montée en puissance de la révolution industrielle ; par un effet mimétique peu surprenant, celle-ci a ainsi créé une subordination des territoires ruraux (voir, sur le sujet, les ouvriers-paysans du Nord ou d’Auvergne).

La comparaison mimétique peut peut-être être encore un peu prolongée avec l’analyse précédente concernant les transformations actuelles du travail: en effet, à la même mesure que les organisations productives industrielles ont fait apparaître des porosités « non scientifiques », pour l’essentiel non désirées, provenant de la pression du travail total (taylorisé et non taylorisé) le besoin de sédentarité, de proximité et de communauté réapparaît, aujourd’hui également, comme ressuscitant d’anciennes attentes. Même si elle lui emprunte quelques traits, cette résurgence de la proximité n’a que peu à voir avec un nostalgique « éternel retour » ; elle est, bien au contraire, puissamment inscrite dans les formes les plus avancées de la production contemporaine. Inversant le mouvement précité « Tout vers le global » et utilisant les mêmes canaux de la communication, instantanée et illimitée, que ce « global » a créés et avec lesquels il a conquis le monde, elle signifie simplement que l’acte de travail peut désormais gagner en autonomie, se libérer des contraintes de fixité que l’usine et l’organisateur Taylor lui ont assignées (Le Roux, 2012 c).

Les territoires, longtemps malmenés, amenés à l’état de résidu du calcul économique, historiquement sous l’emprise de pressions fortes et continuelles du monde dominant de la grande entreprise, éprouvent des difficultés à saisir ces inflexions de tendances, certes récentes - mais qui semblent désormais irréversibles - et n’imaginent que partiellement les opportunités qui s’entrouvrent10. Pour les collectivités territoriales, la donne qui s’offre à elles est, à bien des égards, complètement nouvelle: la question du développement économique des territoires devrait tendre à se fusionner avec celle des modes de vie des habitants, pour atteindre des questionnements réévalués: comment construire son attractivité dans un contexte de mise en concurrence, non plus des implantations d’unités de production, mais de postes de travail individuels ? Comment, dans ce nouveau jeu stratégique, réorganiser les espaces, les prestations (à la population, aux

10 L’une des questions posées est, en particulier, celle de l’arbitrage entre ville et campagne : le temps historique donne un avantage certain à la première ; aussi pour des raisons contemporaines objectives : la « matière grise » est concentrée dans les métropoles ; en s’y localisant les firmes se protègent du risque de la pénurie de compétences et peuvent gagner dans la réussite des assemblages : « la compétitivité des firmes dépend beaucoup moins du coût des facteurs que de la qualité de leur combinaison » (Bouinot et Bernils, 1993, p. 58). Il reste que les tendances à l’immatérialisation et les progrès des transports (le TGV créateur de synergies) permettent d’envisager un rééquilibrage au profit de la seconde.

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entreprises) ? Comment conforter ses économies endogène, présentielle ou résidentielle ? Comment agir sur sa « zone d’influence économique »11 ?

Les institutions étatiques, dans un contexte général de réduction de leurs fonctions régulatrices, sont dans le même pataugis, entre un passé encore vif et ce futur encore vacillant: leurs politiques semblent hésitantes, cherchant plus à consolider, ou à aménager, les anciennes pratiques qu’à faire émerger les innovations marquantes ; les agrégations et incitations anciennes se désincarnent de fait, mais les constructions alternatives sont encore peu conceptualisées: comment concevoir des actions de soutien à la nouvelle compétitivité12 ? Comment relier les diverses tendances, nécessaires, d’efficacité économique, de bien-être des populations, les objectifs environnementaux, les rééquilibrages territoriaux… ? Comment se réformer soi-même et être « exemplaire »13 ?

`Dans cet univers contradictoire, les individus tentent de dessiner des itinéraires combinant la maintenance des héritages, l’inclusion nécessaire - même quand elle n’est pas choisie -, dans les enfilades programmées et inhibitrices de la globalisation14 et le butinage de fragments de libertés inédites15. Les appréhensions ancestrales de l’espace fonctionnent encore mais au ralenti, des distorsions éloignent les mondes de la vie professionnelle de ceux de la vie personnelle: comment conjuguer les aspirations à la sédentarité avec les impératifs de la mobilité ? Quels sont désormais les lieux et méthodes pertinents de la reproduction sociale ?

Quand on observe les stratégies les plus récentes des grandes entreprises, on peut discerner l’apparition d’une nouvelle approche des territoires. Le phénomène n’est pas nouveau, le processus de concentration des activités sur un espace unique est en bonne partie révolu. La mondialisation des espaces et des communications, la globalisation des stratégies, fondée sur celle des communications, a fortement bouleversé, depuis plusieurs décennies, le schéma ancien de centralisation. Ces stratégies postmodernes connaissent cependant des résultats contradictoires: si la dispersion mondiale des productions est désormais un fait établi, certaines des dérives d’opérations de délocalisation invitent à revisiter lesdites pratiques ; et ce vers une sorte de « recentrage », non sur un lieu unique comme dans le modèle industrialo-urbaine des XIXe-première moitié du XXe siècles, mais vers des formes

11 La « zone d’influence économique » du territoire T est définie par le périmètre au sein duquel un habitant de T peut rejoindre facilement le lieu où se trouve son manager ou son employeur, par exemple en un aller et retour réalisé au cours de la même journée ; par extension, la « zone d’influence économique » du territoire T est composée de tous les emplois localisés à l’intérieur de ce périmètre.

12 Voir le communiqué de l’AFTT sur le rapport Gallois : « La cible encore manquée », 6 novembre 2012 (http://www.aftt.asso.fr/rapport-gallois-la-cible-encore-manquee).

13 Voir le très intéressant rapport rédigé par le Conseil général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies (2011) visant à développer le télétravail dans les administrations publiques, resté malheureusement sans grande application concrète.

14 « Les années 4x4, le règne de la mobilité généralisée » (Ollivro, 2011, p. 82). 15 Même si ces « libertés » conservent une composante mythique, comme l’indique, à sa façon, Marc Lemonnier : « C’est peut-être la grande illusion de cette fin de siècle : les nouvelles technologies de l’information vont nous permettre de « libérer » du temps » (Diagonal, n° 131, mai-juin 1998, p. 46).

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que l’on pourrait désigner comme des « réticulations de proximités », recherches de conjugaison des avantages réciproques de l’immatérialisation (et de sa dynamique de réduction des espaces-temps) et de la sédentarité (avec sa propre dynamique de constitution de ressources stables)16.

Le tableau ci-dessous tente de dresser la nouvelle feuille de route des firmes les plus avancées sur la question territoriale.

Stratégies managériales

Incidences territoriales

1 Réduction de la surface de bureaux nécessaires au siège de l’entreprise. 2 Pour la partie restante (correspondant à l’occupation temporaire de ces locaux par les télétravailleurs): adoption de l’organisation en open space.

La réduction des surfaces occupées par les entreprises, pour leurs tâches traditionnelles, aussi bien pour ce qui concerne les activités du top management, les directions fonctionnelles que des activités de production, se traduit par un afflux de postes de travail dans les territoires proches des lieux de résidence des collaborateurs. Il reste, pour les collectivités concernées à imaginer les meilleures solutions pour aider à l’organisation de l’aménagement des nouveaux espaces de travail requis et l’accueil des personnes concernées. Cet apport peut aussi constituer une source de renforcement de l’attractivité du territoire.

3 Coproductions avec les collectivités locales pour la réalisation d’équipements de travail de proximité correspondant aux attentes de l’entreprise.

La conception des nouveaux dispositifs du travail de proximité, du type télécentre, leur construction, leur installation, leur mise en service et leur gestion peuvent être effectuées, soit par la collectivité seule, soit par un opérateur privé, soit par une association des deux ; mais, dans tous les cas, la participation de l’entreprise future utilisatrice et de ses salariés constitue une garantie du succès.

16 Reste à fixer la désignation de ce phénomène, à la fois, « post-postmoderne », « néo-féodal » (le retour de l’ancien village des temps anciens, autosuffisant mais quand même relié au monde par le commerce international, le prêt à intérêt, l’impôt royal… cf. Lopez, 1974) et non communautariste : le lieu de la vie choisie (Choose your own life place) ? (allusion au Bring your own device : voir supra).

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4 Réduction des déplacements professionnels (correspondant au développement des pratiques de travail à distance) – avantage accentué en cas de recours aux solutions de la téléprésence.

Les diminutions des fortes affluences sur les voies de circulation, routières ou ferroviaires, particulièrement aux heures de pointe, ouvre des possibilités de meilleure gestion des équipements existants, de réduction des pressions dues aux embouteillages, surcharges de trafic, saturation des lieux de stationnement. Elles permettent aussi de reconcevoir ces équipements avec des visions nouvelles (exemple des pôles gares).

5 Amélioration des bilans carbone.

La réduction des émissions polluantes est un élément précieux pour dynamiser les politiques locales de reconquête de la qualité de l’air.

6 Hausse importante (de l’ordre de 10 à 20 %) de la productivité du travail, par: - le passage de l’obligation de moyens à l’obligation de résultats ;

- le décloisonnement des tâches ; - la disparition d’une partie des coûts cachés ;

- la meilleure efficacité de l’encadrement intermédiaire (mesure objective du travail, dialogue professionnel dynamisé…).

Le fait que l’introduction de nouvelles formes de travail permette aux entreprises de dégager d’importants surplus en termes de résultats, favorise les perspectives de développement local, dans la mesure où ces entreprises peuvent disposer d’une certaine propension à utiliser une partie des gains obtenus à la création et à l’animation d’espaces de travail de proximité.

7 Augmentation du pouvoir d’achat des salariés (réduction des dépenses en matière de transport, de garde d’enfants, de restauration hors du domicile, du temps partiel « non choisi »…) et du temps disponible (suppression de déplacements pendulaires).

Les gains dégagés par les télétravailleurs (en termes monétaires et de temps disponible) pourront, en partie, être réinvestis dans le commerce et les activités locales (la collectivité, ou des particuliers, peuvent, par exemple, développer des projets de circuits courts, d’échanges de services…).

8 Baisse de l’absentéisme.

Les collectivités bénéficieront d’une moindre pression sur les réseaux locaux de santé.

9 Moindre incidence des perturbations

Les perturbations climatiques, sanitaires, naturelles ou d’origine sociale constituent

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externes (grèves des transports, intempéries, pandémies…).

souvent des charges supplémentaires pour les collectivités. Le fait que de nombreuses activités économiques dépendent des moyens ainsi mis en œuvre et des résultats qu’ils permettent d’obtenir, renforce la pression sur les services locaux et crée une véritable obligation de réussir (sur des critères de réactivité et d’efficacité). La baisse de l’impact de ces perturbations s’analyse donc comme un gain pour les collectivités.

10 Alternative, dans certains cas, à l’outsourcing.

L’arbitrage que les entreprises peuvent effectuer en faveur de solutions de proximité est un évident signe d’encouragement pour les territoires, pour qui l’avantage comparatif, jusque-là négatif, tend à se retourner.

11 Extension de la zone de recrutement, à des personnes: - compétentes mais trop éloignées du lieu de travail ; - à mobilité réduite: possibilité d’embauche de travailleurs handicapés, de seniors, de femmes isolées, de jeunes discriminés… - à la recherche d’un emploi adapté à leurs conditions de vie…

Le fait que, grâce à la collaboration à distance, les entreprises vont pouvoir accéder à de nouveaux gisements de main d’œuvre, constitue un vecteur de soutien aux politiques d’accompagnement social des collectivités locales. Celles-ci peuvent aussi réorganiser certains de leurs dispositifs en conséquence: formation professionnelle par exemple.

12 Meilleure fidélisation du personnel (pouvoir, par exemple, conserver des collaborateurs appelés à changer de résidence pour des raisons externes à l’entreprise, ou en cas de déménagement de cette dernière).

Pour les collectivités, cette possibilité, pour un habitant, de pouvoir conserver l’emploi actuellement occupé, quelle que soit l’implantation de l’entreprise, s’analyse comme un encouragement à la sédentarisation de ses résidents, élément favorisant l’allongement et à la stabilisation des horizons des politiques.

13 Meilleure image de l’entreprise: plus écologique, plus respectueuse de ses collaborateurs, plus moderne…

Le fait que ce nouveau travail numérique de proximité tende à s’implanter sur un territoire, par l’action d’entreprises efficaces, soucieuses du sort de leurs collaborateurs, comme de la protection de la planète, peut engendrer des effets,

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14 Attractivité renforcée de l’entreprise (vers les jeunes, les étrangers…).

éventuellement cumulables, favorables au développement du territoire: celui-ci pourra se prévaloir de cette modernité en construction pour dynamiser son attractivité. Il pourra aussi réévaluer ses diverses politiques (sociale, culturelle, touristique…) en fonction de ces nouvelles considérations.

15 Dynamisation des relations sociales ; plus grande convivialité interne ; développement d’un esprit de responsabilité renforcé ; diffusion de règles de confiance dans le travail.

Les projets d’introduction du travail à distance dans les entreprises, s’ils sont bien menés, peuvent enclencher des effets secondaires particulièrement déterminants pour la vie intérieure de l’organisation (surtout en France). Si une telle dynamique se déploie dans l’entreprise, la collectivité peut en tirer des retombées utiles, par exemple en contribuant à stimuler l’esprit multiforme de collaboration.

16 Amélioration des relations clients (cf. Le Roux, 2012a)

Les indications fournies ci-dessus concernant les entreprises employeurs des habitants du territoire, peuvent être reportées homothétiquement sur les partenaires de ces entreprises: la collectivité pourra s’appuyer sur ceux des clients et fournisseurs localisés sur son territoire pour instituer et déployer de nouvelles relations avec ces entreprises distantes, devenant ainsi, de proche en proche, de véritables partenaires du territoire.

17 Meilleure maîtrise du travail en réseau, distancié

La pratique du travail numérique de proximité est un encouragement, tant à l’équipement du territoire en réseaux de télétransmission efficaces (Très haut débit) qu’au large déploiement des multiples usages que le numérique suscite: amélioration de la maîtrise des techniques de communication, des applications collaboratives…

L’entreprise contemporaine commence (timidement) à tisser avec les

territoires de nouveaux rapports, allant vers une certaine harmonie, voire un début

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de compréhension ; elles cherchent à les intégrer dans leurs stratégies, pour qu’ils deviennent des acteurs efficaces, peut-être légitimes, de leur structuration. Le domaine du télétravail a longtemps été présenté comme un vecteur privilégié de ce rapprochement quasi unanimement considéré comme bénéfique. Las, les intentions, affichées avec bonne foi, tout au long des deux dernières décennies, n’ont pas débouché sur des expériences probantes ; bien au contraire, les efforts déployés, tant par les pouvoirs publics que par les responsables locaux, voire ceux de certains managers du secteur privé ou chefs d’administrations, n’ont pu aboutir à des résultats palpables et durables.

Ce décalage ne cesse d’interroger: quand on relit les textes originaux de lancement de l’idée et des premiers projets de télétravail, on sent, de la part de leurs promoteurs, une vraie sincérité vis-à-vis des bienfaits attendus d’une innovation produisant de façon équidistante, des effets heureux sur les entreprises, les individus et les territoires ; suivie, jusqu’à aujourd’hui, par des séries d’interrogations, pratiquement tout aussi sincères, sur les raisons de ces blocages, les obstacles, culturels et autres, pouvant expliquer l’atonie persistante du phénomène.

Le temps semble arrivé de revisiter la problématique initiale pour tenter de dépasser le niveau alpha des explications. Ce travail est actuellement entrepris et, ici, on se contentera d’en présenter deux des principales hypothèses:

- Hypothèse 1: le travail à distance/de proximité met en jeu trois partenaires: l’entreprise, le territoire et le salarié-habitant, liés objectivement, de façon indissociable, dans tout projet de distanciation du poste de travail ;

- Hypothèse 2: pour que cette triple relation (de type systémique) puisse être initiée et fonctionner, il est requis que des formes juridiques ad hoc existent et soient mises en œuvre de concert par les trois parties prenantes.

Sur ces plans, beaucoup reste à construire. Cet article abordera l’une de ces dimensions: la consolidation nécessaire de la dimension territoriale du droit du travail.

Contenu La consolidation de la dimension territoriale du droit du travail. Fondamentalement, le contrat de travail détermine les relations entre un

employeur et un employé, dans un cadre bien défini: celui de l’entreprise, entité d’abord juridique avant d’être économique: « le rapport de travail typique est le rapport salarial (travail subordonné) unissant un employeur avec un travailleur… » (Supiot, 1999, p. 292).

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1. La faible présence de la dimension territoriale dans le droit du travail17

Dans ce schéma, la place de l’extra-entreprise (le territoire d’implantation, ceux de résidence des salariés, la vie personnelle des employés, leurs modes de vie…) est mince ; elle n’intervient qu’à la marge du rapport salarial, sans y appartenir en tant que telle, à l’exception de la désignation du lieu d’exercice du travail18 et des clauses de mobilité19. Certes, des éléments relatifs à l’extra-entreprise (l’éloignement, les difficultés liées aux déplacements domicile-travail, les fatigues accumulées, le stress produit par les collisions entre les divers emplois du temps…) peuvent produire des effets sur le rapport salarial: la hausse de l’absentéisme, des perturbations dans les niveaux de productivité ; mais, dans ces occurrences, il demeure encore assez rare que les liens de causalité soient pris en considération.

Dans le même mouvement, si l’on fait un balayage rapide du Code du travail, on voit apparaître, directement ou en creux ou en filigrane, divers points d’ancrage de la question de l’extra-entreprise:

- le territoire: pour l’assiette et le paiement des impôts locaux, le siège du tribunal des prud’hommes, les structures publiques d’aide à la recherche d’emplois, les comités de bassins d’emplois, les métiers à caractère local, les comités interentreprises, l’unité économique et sociale…

- la personne du salarié: pour la prime de transport, la prise en compte des modalités des déplacements domicile-travail dans la fixation des horaires de travail, l’organisation de systèmes de transport collectif, les congés spéciaux (évènements familiaux, maternité, garde d’enfants malades…) la prise en compte d’éléments des rites religieux, les accidents de trajet, les plans de reclassement…

- la résidence du salarié: pour le travail à domicile, le respect de la vie personnelle, l’indemnisation de l’usage professionnel d’une partie du domicile…

- l’espace national: pour les travailleurs étrangers, les statuts spécifiques des territoires d’outremer, les mobilités internationales…

17 Cette réflexion se situe d’emblée dans une approche économiste. Elle cherche néanmoins à prendre en considération les catégories essentielles du droit : « L’application du droit peut obéir à deux formes : la territorialité ou la personnalité. La territorialité du droit suppose l’application du même droit à tous les résidents d’un même territoire. Dans le système de la personnalité du droit, au contraire, plusieurs droits coexistent sur le même territoire, chacun régissant un groupe déterminé de personnes » (Lovisi, 2003, p. 77).

18 Dont la valeur contractuelle semble bien faible : « Paradoxe : s’il est interdit à l’employeur de toucher à un demi-euro du salaire contractuel du collaborateur, il peut, même en l’absence de toute clause de mobilité, bouleverser sa vie personnelle en le mutant à l’autre bout du département, voire du monde si une telle clause existe. Or quelle modification gêne le plus le collaborateur ? » (Ray, 2008, p. 247).

19 Dont on ne peut pas dire que ce soit, de la part de la jurisprudence actuelle, une reconnaissance positive de la dimension territoriale du travail : « La politique de la Chambre sociale est claire : inciter les salariés à davantage de mobilité pour garder un emploi, fût-ce dans certains cas au prix d’un bouleversement de leur vie professionnelle ou familiale. Dans la Région parisienne qui forme aujourd’hui un seul secteur géographique, le temps de transport peut ainsi passer de cinq minutes à trois heures » (Ray, 2008, p. 256).

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Ces diverses entrées, si elles signalent effectivement des effets possibles entre

l’extérieur de l’entreprise et la mise en œuvre des contrats de travail dans le fonctionnement quotidien de celle-ci, restent dans les marges des modes de gestion habituels ; ces items ne sont, le plus souvent, animés que dans des cas limites, des incidents, des situations de crise20.

2. Des pratiques contractuelles dynamiques: l’exemple du 1 % Logement

Hors ce domaine proprement législatif et réglementaire, on doit aussi remarquer que certains milieux patronaux ont compris assez tôt l’importance de la dimension territoriale du travail et l’utilité de la prendre en considération: l’effort mené pour loger les salariés est caractéristique de ce type de démarche21 22.

De fait, la question du logement est significative de cette conduite élargie des affaires: idée issue du catholicisme social, elle s’est matérialisée en 1943 par la mise en place d’un système paritaire, fondé sur une contribution volontaire des entreprises (1 % de la masse salariale) destinée à la construction de logements pour leurs salariés.

Malgré vicissitudes, crises, réformes, ce système, près de 70 ans après sa création, est encore très actif, et utile, comme l’indique l’une de ses utilisatrices, Magali Munoz, Directeur de Projets en charge de l'AMIH à la Direction des Affaires Sociales de Manpower France23:

20 Il semble pourtant que des ouvertures existaient, en la matière, dès la création de ce nouveau droit : « … les juristes procèdent dès le début du XIXe siècle à des inventaires des « lois administratives ». A la fin du même siècle, c’est la législation « industrielle » ou « ouvrière » qui assure un point de départ au droit du travail. La référence civiliste est telle que la nouvelle discipline accède à une vie juridique spécifique d’abord par voie d’opposition aux principes consacrés par le Code civil … la première approche du droit du travail réside dans l’étude des atteintes portées à l’autonomie de la volonté consacrée par le Code en matière de louage de services. Dans un second temps, la doctrine cherchera une idée organisatrice propre à la nouvelle branche du droit … Pour le droit du travail (elle la trouvera) dans l’existence d’un plan de vie collective qui n’est ni civil, ni politique, mais social » (Lovisi, 2003, p. 312).

21 Démarches engagées, sans doute, à partir de plusieurs préoccupations : la recherche de solutions de proximité ; la volonté d’apaiser certaines tensions agissant négativement sur l’ambiance de travail ; le souci de maîtriser l’éclosion toujours possible de perturbations sociales ; la maîtrise du secteur du logement social…

22 « Au XIXe siècle, nombre d’employeurs pratiquaient un paternalisme aussi décrié aujourd’hui qu’apprécié à l’époque par les rares salariés auxquels il s’appliquait (cf. Le catéchisme du Patron, Léon Harmel, 1889). Ces prolétaires, habitant des cités ouvrières où la « Rue de la Droiture » croisait l’ « Avenue de la Ponctualité », bénéficiaient ainsi d’infirmeries, crèches et autres centres de vacances, toutes « œuvres sociales » dévolues en 1945 au tout récent comité d’entreprise. Un siècle plus tard, ce mélange des genres est rejeté par le droit comme par les mentalités. Est-ce à dire que l’opposition vie privée/vie professionnelle soit tranchée ? Rien n’est moins sûr… » (Ray, 2008, p. 300).

23 Interview réalisée lors de la Plénière des Assemblées régionales du groupe Vilogia, « Métropolisation et développement équitable des territoires », Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Palais de Chaillot, Paris, 19 décembre 2012.

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- Question: selon vous, y a-t-il un intérêt à ce que la gestion du « 1 % Logement »24 soit effectuée par des organismes paritaires, hors des circuits étatiques ?

« A partir du moment où l’entreprise contribue à hauteur de 0,45 % de sa masse salariale au profit de l’accès au logement de ses salariés, il paraît de bon aloi que ces fonds soient gérés par une organisation dédiée. Une organisation paritaire doit assurer une bonne attribution de ces ressources dans l’intérêt des salariés et par conséquent, aussi dans l’intérêt de l’entreprise. Emploi, Logement et Transports sont la trilogie indissociable à l’insertion dans la vie.

Pour illustration, une entreprise comme Manpower France contribue annuellement en moyenne linéaire pour 10 M€ et gère plus de 5 000 demandes de logement (locatif en parc social) par an. Nous arrivons à loger plus de 1 000 familles et au total plus de 4 000 salariés bénéficient chaque année d’un des services d’Action Logement (locatif, mobilité, prêts accession, etc.) ».

- Question: Comment mesurer la facilité d’accès aux services d’Action logement ?

« Les organismes collecteurs sont le point de contact essentiel pour permettre de répondre au mieux aux attentes des salariés quant aux services mis à leur disposition. Tout particulièrement sur le locatif, essentiel des besoins en France où il semble difficile de demander aux bailleurs le contact quotidien que notre service logement a avec les CIL. Nous gérons plus de 8 000 propositions de logements par an. Pour permettre de faire aboutir 1 000 baux signés, nous avons mis en place des process éprouvés et choisissons nos CIL pour leurs performances et respects de nos process. Il en va de la confiance des bailleurs sociaux quant à loger nos salariés (pour 95 % intérimaires) ».

- Question: Comment mesurer l’efficacité (délai, qualité, coûts) de la constitution de solutions ?

« Nous avons besoin de la mise en concurrence des CIL pour garantir leur efficacité. Certes, en réduire le nombre en France en passant de 200 à 22, voire un peu moins encore peut-être, est résolument pragmatique. Cette optimisation des coûts doit être au profit de nouveaux investissements dans la construction de logements. Pour autant, nous devons avoir le choix et allier les nationaux souvent performants en IDF, zone très tendue, avec les territoriaux qui connaissent très bien leurs bassins et qui savent parfaitement investir à bon escient ».

Ce témoignage permet de valider l’hypothèse que l’intervention dans le domaine territorial est accessible aux entreprises qui en mesurent l’intérêt (par exemple, en termes de stabilisation et de fidélisation de la main d’œuvre) et en manifestent la volonté (par un usage judicieux des procédures mises à leur disposition).

24 Aujourd’hui intitulé « Action Logement ».

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En creux, on voit aussi tous les domaines où cet interventionnisme est absent (les déplacements domicile-travail par exemple25) générant les pertes d’efficacité des entreprises, les souffrances humaines et les désagrégations des territoires.

Résultats Vers de nouvelles dimensions territoriales du droit du travail On peut envisager des trajectoires alternatives dans l’objectif de créer de

nouveaux liens entre l’économique et le territorial (en prenant comme vecteur de cette réflexion le cas emblématique du télétravail): si les solutions techniques pour un usage généralisé du télétravail dans les entreprises françaises sont d’ores et déjà disponibles, il reste des obstacles à franchir, tels que signalés dans le rapport du Centre d’analyses stratégiques (2009) et donc désormais bien identifiés.

`On peut tenter d’analyser, selon cette grille, l’un d’entre eux, celui de l’encadrement juridique des processus d’implantation des solutions de télétravail: certes, depuis la loi Warsman du printemps 201226, le télétravail est entré officiellement dans le Code du travail, et cette novation devrait permettre de simplifier certains débats internes dans les entreprises27.

Mais ce pas, s’il est sans doute crucial, n’est peut-être pas encore suffisant: on a vu la part montante prise par la question territoriale dans la vie économique contemporaine (comprise dans son sens large des conditions de mise en efficacité optimale de la main d’œuvre) ; autrement dit, si cette hypothèse est effectivement validée, la question va se poser de la place de cette dimension territoriale dans l’architecture juridique qui structure la vie des entreprises et, au-delà, des éléments susceptibles de la composer.

A ce titre, au plan de l’avancée actuelle du travail de recherche, on peut présenter trois pistes possibles.

25 Par rapport aux objectifs généraux définis ci-dessus, on tiendra pour quasi négligeables les efforts faits en matière de covoiturage et autres pratiques voisines (non sans apprécier la qualité du travail remarquable effectué par l’Ademe pour faire valider des Plans de déplacements Entreprises) ou les grands travaux menés pour améliorer les systèmes de voirie, allonger le périmètre de desserte des transports publics, etc. toutes pratiques éminemment estimables, mais qui partagent l’inconvénient majeur de reporter le problème sans pouvoir le résoudre.

26 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, article 46, qui crée une 4e section (« Télétravail », composée des articles L1222-9, 10 et 11) dans le chapitre II (« Exécution et modification du contrat de travail ») du Titre II (« Formation et exécution du contrat de travail ») du Livre II (« Le contrat de travail ») de la Première partie (« Les relations individuelles de travail ») du Code du travail.

27 Il est vrai que la voie choisie jusque là par l’ensemble des centrales syndicales patronales et de salariés, aux niveaux européen d’abord (accord-cadre de 2002) puis national (accord national interprofessionnel de 2005) d’un traitement contractuel de l’introduction du télétravail dans les entreprises, n’a pas connu le succès espéré (du moins en France).

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a. Droit à la proximité

Le croisement des courbes de l’activité économique, d’une part et, d’autre part, du marché immobilier, amène un nombre croissant de salariés à éloigner leurs résidences des entreprises (extension du périurbain) ; ce qui contribue à l’augmentation des durées de transport. Si l’on ajoute à ce phénomène, les stratégies de mobilité croissante de la main d’œuvre menées par nombre d’employeurs, on peut aisément prendre la mesure de cet allongement, qui ne semble pas se démentir, ni dans le temps (augmentation constante des temps de transport) ni dans l’espace (nombreuses zones du territoire national concernées) (voir études de l’Insee28). On a vu les dégâts multiples (pour les entreprises, pour les personnes, pour les territoires, pour la planète) que ces évolutions engendrent.

`Or l’on sait aussi que, dans beaucoup de cas29, des travaux effectués au bout de ce déplacement quotidien, pourraient être réalisés, dans des conditions similaires, à proximité du domicile de la personne chargée de les effectuer. Le hiatus entre ces deux situations est à attribuer à une certaine frilosité innovatrice de la part des managements. Une des solutions ne pourrait-elle pas se constituer autour de la création d’un nouveau droit: celui de travailler à proximité de son domicile (évidemment quand la nature du travail à accomplir le permet): il s’agirait d’inverser le schéma actuel en créant une obligation de faire pour les employeurs (mettre en œuvre des solutions de travail à distance chaque fois que cela paraît possible, ou établir des raisons sérieuses empêchant de le faire).

b. Droit à un espace de travail personnel de proximité

Un des motifs quelquefois mis en avant par les entreprises placées devant l’opportunité de délocaliser des postes de travail, est le manque de garanties quant aux lieux où ce travail déporté se réaliserait: peu de confiance dans les domiciles des salariés, inexistence de tiers-lieux de type professionnel, etc.

Même si cette objection peut apparaître comme un peu sollicitée, le problème mérite un traitement ad hoc:

- en ce qui concerne le domicile, on devrait aujourd’hui estimer qu’une fonction supplémentaire devrait être ajoutée à la liste des besoins qu’un logement est sensé satisfaire: celle d’un (de) espaces de travail ;

- en ce qui concerne les tiers-lieux, de la même manière, des obligations devraient être faites aux constructeurs et promoteurs d’intégrer des lieux

28 Insee, 2007 (étude nationale) et études régionales : Ardennes, juin 2012 ; Aube, juin 2012 ; Bassin parisien, janvier 2012 ; Ile-de-France, janvier 2012 ; Haute-Marne, décembre 2011 ; Basse-Normandie, juillet 2011 ; Provence-Alpes-Côte d’Azur, juin 2011 ; Bretagne, janvier 2011 ; Picardie, 2009 ; Haute-Normandie, juin 2009 ; Yvelines, décembre 2008 ; Métropole provençale, novembre 2008 ; Dijon, novembre 2008 ; Grenoble, octobre 2008 ; Nord-Pas de Calais, juillet 2008…

29 12 millions de postes de travail concernés, selon l’évaluation faite par le Centre d’analyses stratégiques (2009).

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réservés au travail dans les nouveaux bâtiments et programmes immobiliers (utilisation des rez-de-chaussée, par exemple, dans les immeubles collectifs ; local collectif dans les lotissements…) ;

- enfin, dans un esprit voisin de celui qui anime le 1 % Logement, des voies de coopération devraient être imaginées entre employeurs, d’une part et, d’autre part, élus et responsables des collectivités territoriales, pour concevoir, construire, aménager, gérer en commun des espaces de travail de proximité (télécentres).

Constitué par ces trois sources, pourrait ainsi apparaître un nouveau droit pour le salarié: celui de disposer, à son domicile, ou dans son immédiate proximité, de lieux lui permettant d’exercer son activité professionnelle, sans avoir à effectuer, chaque jour, un déplacement opéré dans le seul but de se trouver au siège de son entreprise (ou au lieu fixé dans son contrat de travail).

c. Droit à la sédentarité

Les déterminants de la mondialisation et de la globalisation de l’économie jouent pour ce qui concerne les déplacements des capitaux, des productions, des produits et des services, et aussi pour les individus qui participent à ces activités. Si des illusions ont pu naître sur une mobilité généralisée de la totalité de ces « facteurs » de production, y compris donc les salariés, de puissants ressorts de rappel ont montré que la gestion des populations pouvait comprendre plus de résistances que les autres composantes des actes économiques.

Pour certains chantres postmodernes, il s’agit là de lourdeurs dépassées, d’esprit de village, d’incongruités chauvines, appelés de toute façon à disparaître devant les impératifs de l’efficacité retrouvée… Or les technologies, à qui l’on pourrait parfois attribuer le qualificatif de facétieuses, ont apporté un soutien significatif à ces aspirations terriennes de nombreux individus, en leur offrant la possibilité de travailler à distance du lieu d’assemblage de leurs travaux particuliers. Dès lors, l’impératif de mobilité (sous-ensemble de celui d’efficacité) se trouve amputé d’une partie substantielle de son argumentaire.

Concrètement, on peut assez facilement imaginer un individu implanté dans le coin de terre qu’il a choisi, et œuvrant dans sa proximité, sauf à réaliser un déplacement (hebdomadaire) vers son lieu de rattachement. En reprenant la notion de « zone d’influence économique » d’un territoire (cf. Note 11 supra) on peut même dessiner ce que pourrait être la zone de chalandise de cette personne en termes d’emplois accessibles: soit tous les emplois situés dans un rayon équivalent à un déplacement hebdomadaire, aller et retour, réalisé au cours d’une même journée, vers les centres de décision de ces emplois.

L’horizon temporel de la vie personnelle et familiale de cette personne pourrait s’agrandir, dans la mesure où le lien attachant la résidence à l’emploi serait ainsi largement distendu: droit à la sédentarité, qui permettrait aussi aux territoires de pouvoir se projeter avec plus de certitude dans leur avenir.

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Conclusion

Avec de telles sources renouvelant l’approche traditionnelle du droit du travail,

comme elle s’est déployée depuis un siècle, on pourrait contribuer à résoudre une partie des dilemmes dans lesquels sont actuellement plongées les formes de régulation assises sur une vision (étroite) du rapport salarial. Les débats, cristallisés par les synthèses successives des commissions animées par Jean Boissonnat (1995) ou Alain Supiot (1999) les références scandinaves, ne parviennent à se sortir d’un modèle exagérément fordien, alors même que les entreprises et, dans une moindre mesure, mais assurément pour certains d’entre eux, les territoires, l’ont déjà quitté depuis longtemps ; ainsi que l’évoque Thomas Coutrot: « Il s’agirait de redessiner complètement le cadre juridique du contrat de travail, en l’élargissant à un ensemble de situations non directement liées au travail ou à un contrat de travail explicite. On réintroduirait ainsi dans le champ de la régulation juridique un ensemble de situations qui lui ont échappé » (2000, p. 218). Reste à désigner de quoi sera composé cet « ensemble de situations »…

Historiquement, il n’y a pas toujours eu hiatus entre droit du travail et approche territoriale: bien au contraire, la création des Bourses du travail, par exemple, à la fin du XIXe siècle, signale un besoin premier du monde du travail d’être regroupé sur une base locale: « En 1895, il existe entre quarante et quarante-quatre Bourses en fonction … Le premier (service) est le placement. Il s’accompagne de l’essai de mise sur pied d’un service de statistiques du travail et de l’organisation d’une formation professionnelle … (elles) sont aussi un lieu de rencontre, de débat, d’éveil des consciences. Ce rôle éducateur est complété par une fonction culturelle car elles constituent des bibliothèques, soutiennent souvent les universités populaires et organisent les premiers loisirs ouvriers … On trouve là une résurgence de pratiques héritées du compagnonnage » (Trempé, 1995, p. 280).

Innovations créées dans un contexte de progression et de crise du capitalisme de l’époque, ne peut-on imaginer que, plus d’un siècle plus tard, dans une époque marquée par la progression et la crise du capitalisme contemporain, le temps ne soit venu de créer des innovations originales, réunissant entreprises, personnes et territoires ?

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RECHERCHE SUR LES RESSOURCES HUMAINES DANS

LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES EN ROUMANIE

Anca Alexandra PURCAREA L’Université POLITEHNICA de Bucarest

Doina Corina SERBAN Octavian NEGOITA

Olivia Doina NEGOITA Abstract: The beginning of communication refers to the fact that the company conduces a

transfer function that, given the resources of the environment, processes them and turns them into outputs.

Since human resources are of major importance, knowing the situation of companies in their business environment is the condition to take accurate decisions. Thus, our research:

• Highlight the place and role of SMEs in national economic system, • Look typology and features of SMEs, • Demonstrate complementarity between large enterprises and SMEs, • Surprised also dynamic SMEs. All this formed the subject of research in order to understand the context of human

resources issues and the labor market in Romania. Keywords: human resources, labor market, SMEs, the national economic system, the

type and characteristics of SMEs.

Introduction La forme organisationnelle la plus courante est l'entreprise, ce qui signifie une

organisation constituée d'une ou plusieurs personnes. Ces personnes exercent des activités diverses, par des moyens économiques pour obtenir des bénéfices.

Basé sur le concept de «système», l'organisation peut être considérée comme une entité indépendante ou comme un ensemble de sous-systèmes, chacun exerçant des fonctions distinctes organisées par différents critères. Appliquer les étapes de la recherche, peut être obtenue par décomposition successive que l'entreprise est divisée en entités autres où ils mettent les mêmes phénomènes.

En ce qui concerne l'analyse d'une entreprise dans la fabrication de biens on peut parler de différents niveaux d'analyse, comme indiqué dans le tableau 1.

L'entreprise est organisée et fonctionne pour atteindre les objectifs qui ont été établis en conformité avec les exigences des processus de production et de son mécanisme. Le système le plus simple est le poste de travail (système irréductible), qui est la première agrégation des trois éléments fondamentaux de la production: les ressources humaines, les moyens de travail et les objets de travail.

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Tableau 1. Le niveau d’analyse

Ce que on analyse

Niveau d'analyse

l'analyse du sujet

SYSTÈME

Quel est l'extérieur

ENVIRONNEMENT

Qu'est-ce à l'intérieur

SOUS-SYSTÈME niveau 1 Analyse de l'entreprise

L'entreprise Le marché, la concurrence

Le département de production, les services administratifs, Traders

niveau 2 Analyse du

département de production

Le département de production

L'entreprise Les ateliers de production

niveau 3 Analyse du atelier de production

L’atelier de production

Le département de production

Le poste

niveau 4 L'analyse du

poste Le poste L’atelier de production

L’opérateur, Les instruments de

travail, Les méthodes de travail

L'entreprise fait de la fonction de transfert, compte tenu des ressources de

l'environnement, puis les traiter et les transformer en résultats. L'entreprise présente une structure d'agrégat composé de:

� Les structures de contrôle (propre) avec des fonctions de commande � Les structures effecteurs:

o structures et fonctions globales base technologique (unités de production, les ateliers de production, des lignes, des emplois technologiques)

o structures globales auxiliaires (unités de production d'énergie, les entrepôts etc).

En ce qui concerne l'évolution des relations des différentes entités dans l'environnement, on peut la voir dans la structure suivante (traitement après Smith, 2007):

� La concurrence o 1970 - Locale / régionale, petits concurrents. o 1985 - Nationale / global-to-be o 2005 – Globale, grands concurrents o 2011 – Globale, des concurrents transnationaux o Impact sur les processus - Les processus doivent être capables de résister, entreprises bien capitalisées

� Les consommateurs o 1970 - Achetent n'importe quel produit, des choix limités o 1985 - Relever les normes, produits de haute qualité sont nécessaires o 2005 - Loyauté demande croissante de fournir des produits de qualité

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o 2011 - Orientation pour assurer l'excellence, produits de haute technologie o Impact sur les processus - Des procédures doivent être en mesure de fournir des produits de haute qualité, en termes d'efficacité et de répondre aux besoins des clients

� Les processus o 1970 - Construits sur les fonctions de l'entreprise, la plupart manuels o 1985 - Reconnaissant la nécessité pour l'automatisation, TQM est mis en œuvre, orientation vers l'amélioration des processus

o 2005 - Interopérable approche o 2011 - Processus basé sur la compétition, les processus intégrés à la stratégie d'entreprise

o Impact sur les processus - Les entreprises reconnaissent que la résolution de nombreux problèmes doivent être fondées sur des solutions informatiques.

� La technologie o 1970 - Manuelle, puissance orientée o 1985 - L'emploi axé sur la vitesse o 2005 – mobile, accès orientée o 2011 – mobile, orientée vers des solutions informatiques o Impact sur les processus - Considérée comme un facteur des processus qui se déplient facilement

� Main-d'œuvre o 1970 - Stable à long terme, des experts dans une gamme étroite d'activités o 1985 - La croissance dynamique de la diversité, le besoin de connaissances augmente

o 2005 - Mobile et diversifié, travaillant à distance o 2011 - Très mobile axée sur les compétences o Impact sur les processus - Les processus doivent être bien documentés pour éviter les pertes par les employés qui quittent les postes.

Dans ces circonstances, les entreprises sont de tailles différentes: à partir de micro-organisations, à des moyennes - petites ou moyennes connue par les PME acronyme et à grandes organisations, du niveau national à des formes multinationales.

1. PME dans l'économie de la Roumanie Dans la littérature, il existe une variété de définitions. Les raisons en sont variées

et concernent, le fait que les structures économiques des pays et des contenus sont les différentes politiques économiques. Toutefois, les experts nous assurent que dans un proche avenir on ira vers une convergence des définitions pour plusieurs raisons, à savoir: la recherche scientifique nécessite une base pour les comparaisons internationales, la mondialisation va conduire à une pression nationale pour unifier certains aspects des affaires législatives, de l'aide au développement aux pays et à leurs PME qui possèdent certaines particularités qui doivent être prises en compte.

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Définition des PME à travers des paramètres quantitatifs (nombre d'employés, le total des actifs, chiffre d'affaires) est important pour surveiller et comparer des résultats entre les pays / secteurs, des progrès, et en utilisant des paramètres qualitatifs. Au fil du temps, il a été proposé divers critères de qualité, qui ont été interprétés comme des caractéristiques des petites entreprises. Définitions qui incluent des critères qualitatifs nous aide à comprendre la nature de l'entreprise, le rôle de l'entrepreneur - propriétaire, comment l'entreprise est gérée. En fait, en utilisant des paramètres qualitatifs il est possible de faire attention aux gens et leur comportement dans les organisations. Il est difficile de parvenir à un équilibre entre la quantité et les paramètres de qualité. On ne doit pas ignorer le fait que les petites entreprises existe dans tous les pays du monde, dans divers domaines, ils sont différents en termes de forme juridique ou organisationnelle: chaque petite entreprise est unique. Tout cela montre combien il est difficile de formuler une définition unique des PME.

En Roumanie, conformément à la loi 346/2004, modifiée par la OG27/2006, les PME sont définies comme celles qui remplissent les conditions suivantes (Figure 2):

1. un total annuel moyen de moins de 250 salariés; 2. fait un chiffre d'affaires annuel net en hausse de 50 millions d'euros ou

l'équivalent en lei ou ayant un actif total ne dépassant pas l'équivalent en RON de 43 millions d'euros selon les dernières comptes approuvés.

3. répondre aux critères d'indépendance. Ces conditions se retrouvent dans tous les pays de l'Union européenne.

Comme le montre la définition de l'intérêt quantitativement nombre annuel moyen de salariés, chiffre d'affaires annuel ou le total de l'actif net de l'entreprise.

Figure 1. Éléments qui permettent de classer une enterprise comme PME

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le nombre d'employés est essentielle pour déterminer la catégorie de chaque PME et se réfère au personnel permanent, le temps partiel et temporaires et comprennent les catégories suivantes:

� Employés � les personnes qui travaillent pour l'entreprise étant subordonné à elle et assimilées à des employés dans la législation nationale.

� propriétaires-gérants � Les partenaires régulières engagées dans l'entreprise et bénéficiant d'avantages financiers de l'entreprise

� Les salariés employés indéfiniment et les personnes et les employés temporaires travaillant pour l'entreprise étant subordonnés et lui traverses traitées avec les employés, conformément à la loi.

Le chiffre d'affaires annuel est déterminé en calculant le revenu net que la société a fait au cours de l'année. Il ne devrait pas inclure la TVA ou d'autres impôts indirects.

Total de l'actif correspond à la valeur des actifs de l'entreprise (actifs immobilisés + actifs circulants + frais à l'avance).

Selon la législation roumaine », une entreprise ne peut être considérée comme une PME si 25% ou plus du capital ou des droits de vote sont contrôlés, directement ou indirectement, individuellement ou conjointement par un ou plusieurs organismes publics».

Si l'entreprise est autonome, signifie pas de partenaire et n'est pas liée à une autre entreprise. En général, la plupart des PME sont autonomes, car il est complètement indépendant ou avoir un ou plusieurs petites sociétés.

Il est important de montrer que, même si les seuils de respect sur le nombre moyen d'employés est nécessaire, une PME peut choisir de répondre à l'un des seuils de chiffre d'affaires en un an ou moins sur le total des actifs. Il n'est pas nécessaire de répondre à ces deux critères, mais dépasse l'un d'eux sans être une PME. Nouvelle définition des PME offrent cette loi parce que, de par leur nature, les entreprises dans les secteurs du commerce et de la distribution ont roulement plus élevé que ceux du secteur manufacturier. Offrant la possibilité de choisir entre ce critère et que l'actif total, indiquant solvabilité des entreprises fournissent des PME engagées dans différents types d'activités économiques d'égalité de traitement.

La définition est un outil important pour la mise en œuvre de mesures et de programmes efficaces pour soutenir le développement et le succès des PME.

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2. Typologie et caractéristiques des PME

Conformément à la loi 346/2004, modifiée par la OG27/26 Janvier 2006, les PME de Roumanie, sont classés comme suit:

� Micro, avec un maximum de 9 salariés et chiffre d'affaires net annuel ou le total des actifs à concurrence de 2 millions d'euros.

� Les petites entreprises, sont entre 10 et 49 employés et un chiffre d'affaires net annuel ou le total des actifs de 10 millions d'euros.

� Moyennes entreprises, ont entre 50 et 249 employés et un chiffre d'affaires annuel de 50 millions d'euro net ou l'actif total jusqu'à 43 millions d'euros (Figure 2).

Figure 2. La clasification des PME

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Cette classification ne tient compte que des paramètres quantitatifs, faire d'autres différences entre les entreprises (par exemple, le degré d'innovation et la date de création). Dans la pratique, il existe une variété de PME, classé et connu par d'autres critères tels que: le statut juridique, la nature de ses activités, le potentiel de croissance, l’appartenance à l'une des branches de l'économie nationale, le niveau de spécialisation des types de production,le mode d'organisation de la production, la propriété, etc. Dans notre pays, il est possible de rencontrer les petites entreprises traditionnelles, les entreprises familiales et les PME grâce à la technologie moderne, toujours à la recherche de nouveaux marchés, en offrant des produits de qualité et prendre soin de la qualité de la formation des employés.

Des autres critères de classification sont les suivants: � Répartition du capital et des actifs o public; o privé; o mixte.

� Type d'activité o Les sociétés de production (industrielle, la construction, etc.) o les entreprises de services (commercial, bancaire, transport, etc).

3. Dynamisme des PME Le pourcentage de PME dans le total des entreprises actives dans les pays de

l'UE et comment les PME participent directement au PIB dans les Etats membres de l'UE sont illustrés dans la Figure 3.

Figure 3. Le pourcentage de PME dans le total des entreprises actives dans les pays de l'UE

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Selon les situations statistiques en Roumanie, en 2005-2008 il y a eu une augmentation du nombre total d'entreprises. Au milieu de la crise économique, en 2009, le nombre d'entreprises a légèrement diminué. Comme le montre le tableau 2, les PME détiennent la plus grande part dans toutes les entreprises, plus facile. En 2009, 99.7% de toutes les entreprises ont été des PME, et seulement 0,3% étaient des entreprises de grande taille. Le nombre total d'entreprises ont été prises en compte les entreprises agricoles, de l'industrie, du commerce, des services, de l'assurance et financières.

Tableau 2. Le nombre total d'entreprises en Roumanie (Source: Annuaire statistique, 2010)

Nr. crt.

Specificare 2005 2006 2007 2008 2009

1 Total intreprinderi

450.666 480.910 520.228 555.128 541.836

2 Intreprinderi mari

1.975 1.927 1.929 1.922 1.651

3 IMM 448.691 478.983 518.299 553.206 540.385

4 Procentaj 99.55% 99.59% 99.62% 99.65% 99.73% La part des PME dans les actifs de la société totales ont augmenté d'année en

année comme le montre la figure 4.

Figure 4. Nombre de PME dans les actifs de la société totales au cours de 2005 - 2009 Le pourcentage de PME, par taille, en 2009, la situation était la suivante:

89,69% des micro-entreprises, 8,41% petites, moyennes et grandes entreprises 0,30% 1,60% (tableau 3).

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Tableau 3. Nombre de PME dans les marques de l'industrie, du commerce et de service

Tip IMM

2004 2005 2006 2007 2008 2009

Micro 358.787 386.561 410.763 431.029 602.711 573.299

Mici 36.392 39.128 43.419 47.022 49.560 43.724

Mijlocii 9.121 9.158 9.322 9.577 9.753 8.435

Total 404.300 434.847 463.504 487.628 662.024 625.458

(Source: Rapport FPP, 2010)

La crise financière mondiale et ses effets en 2009 a conduit à une pénurie de

PME enregistrées de 5,5% par rapport à 2008 (figure 5). Certainement la tendance ascendante sera repris qu'après le cadre législatif

actuel sera changé et ces lois qui ont permis à la dynamique de développement au cours de 2004 - 2008 entrera en vigueur à nouveau.

Figure 5. Evolution du nombre de PME dans la période 2008 - 2009 par catégorie

Selon le rapport de la Commission européenne - Les PME européennes sous

pression - un total de plus de 20 millions de PME dans l'Union européenne à un taux de 92%, ils sont constitués de micro-entreprises comptant moins de 10 employés. Modèle typique de développement économique de l'Union européenne est devenue un micro croissance. Cette tendance est enregistré en Roumani

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Conclusion

Les PME jouent un rôle important dans le système économique, car elle crée

de la valeur pour les propriétaires, l'état fournit des biens et services aux consommateurs. Les statistiques révèlent que les PME de presque tous les pays absolument dominé l'économie, ce qui représente plus de 99% de toutes les entreprises et ayant des parts importantes dans l'obtention du PIB et des emplois.

Les PME ont plusieurs fonctions économiques, techniques et socials. Arguments qui révèlent de nombreux rôles des PME, leur contribution

essentielle au développement économique et social sont les suivants: � Génèrent plus du PIB de chaque pays, en général entre 55% - 95%; � Fournissent l'emploi pour la plupart des gens occupés; � Générent une grosse proportion applicables des innovations techniques dans

l'économie; � Dans presque tous les pays du monde, y compris l'Union européenne, les PME

sont les seules au cours des dernières années, générant de nouveaux emplois; � Le plus grand dynamisme dans l'économie de marché, l'évolution de la situation

attestée leur nombre, le volume du chiffre d'affaires et la taille de l'emploi occupé militaires et les grandes entreprises nettement au-dessus;

� Effectuent des produits et services à des coûts inférieurs à ceux des grandes entreprises, les principaux facteurs qui déterminent la différence de coût du travail est la présence permanente du chef d'entreprise dans les affaires et la motivation plus intense du personnel;

� Démontrent une grande flexibilité et adaptabilité aux exigences changeantes du marché et favorisé par les plus petits, la prise de décision rapide, spécifiquement au entrepreneur et l'implication directe dans les activités quotidiennes;

� Sont l'une des principales sources de revenus du budget de l'Etat (impôts, TVA, etc.) � Permettent l'épanouissement professionnel et social d'une partie de la population, en

particulier le segment le plus actif et l'innovation, qui «tire» l'économie après lui; � Font le composant principal d'un contexte économique favorable de l'économie

de marché, caractérisée par la flexibilité, l'innovation et le dynamisme; � Représentent les germes de futures grandes entreprises, notamment dans les

nouveaux domaines de l'économie, ses branches supérieures basé sur la technique des performances et de la technologie.

References

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LA POLITIQUE TERRITORIALE DE L’EMPLOI DANS LES ZONES DE CRISE ET SOUS TENSION: REGARDS

CROISÉS SUR LES INTERACTIONS ENTRE ADMINISTRATIONS ET PAYSANS

(CAS DE MENZEL HABIB - TUNISIE)

Balkis FAILLON ATER Lille 1 A

Docteure en Sciences de l’information et de la communication Centre de recherche sur les médiations-UPV Metz

Membre du programme LOTH [email protected]

Abstract: Our study focuses on the interactions between farmers and the administration

as part of the implementation of territorial employment policies. Territory in crisis and under pressure, Menzel Habib suffers from a rate of unemployment, a massive rural exodus and low farm incomes. Due to the hostility of this area, the disappearance of agricultural, pastoral and cultural values forced the population to adopt new behaviors (pastoral overexploitation, non-agricultural activities, culture of the irrigated, etc.) or look for work elsewhere. In addition, the refusal and the reluctance of actors to participate in development projects are very important due to their inconsistency and non-respect for ancestral values. Their difficulty to be engaged is due to lack of trust and the failure of employment policies. As a result, how the administration involved in the economic recovery and lower unemployment?

Keywords: territorial employment policies; arid, fragile and under threat areas; information and communication strategies; actors’ involvement; trust.

Notre proposition étudie les interactions entre administrations et population

locale et les stratégies territoriales de l’emploi recourues dans les zones arides, fragiles et menacées en s’appuyant sur les résultats du programme de recherche franco-maghrébin Langages, Objets, Territoires et Hospitalités et sur les recherches développées dans le territoire de Menzel Habib. Cette zone rurale est qualifiée d’aride à cause de ses caractéristiques climatiques. La désertification demeure le problème menaçant l’activité agricole et la stabilité socio-économique. L’exposition à des périodes sèches et pluvieuses, la forte activité éolienne, les tempêtes de sable durant les périodes automnales et printanières et l’appauvrissement du sol en minéraux demeurent les principaux problèmes à combattre. La raréfaction des terres fertiles à cause du grignotage et des activités agricoles excessives (surpâturage, arrachage abusif et culture arboricole intensive) impacte sur l’écosystème et fragilise la population. Désormais, les espaces steppiques sont surexploitées pour les exercices agricole et cultural.

Les caractères fragile et menacé renvoient à l’absence de projets efficaces de redressement du secteur économique. La pénurie d’activités touristiques, bien que

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la région détienne des atouts patrimoniaux spécifiques (savoir-faire artisanal dans la confection de tapis et habits traditionnels, monuments inexploités comme la maison des militants Daghbagi et le fort Borj Fjij et des parcs d’Orbata, de Dghoumess, de Haddej et Houdema non valorisés), freine le développement de la région perçue comme répulsive.

Les zones voisines ont su bénéficier de leur position géographique et de leurs ressources (naturelles, patrimoniales, etc.) contrairement à Menzel Habib. L’écart et les inégalités des revenus entre les zones urbaines et les zones rurales ont accentué l’exode et l’immigration des populations. Mongi Sghaïer et Michel Picouet (2000: 113) constatent que «[…] les politiques de développement [...] semblent négliger, d’une part, la disposition des usagers à participer aux actions proposées et, d’autre part, la nécessité de création d’autres métiers comme source de revenus non agricoles». La fragilité socio-économique d’un paysan travaillant dans les bergeries agricoles (gagnant un salaire symbolique entre 75 et 90 DT/mois) le laisse dépendant des subventions et aides nationales et internationales. Pour compléter ses revenus, il continue à épuiser davantage les ressources acquières et animales rares pour survivre (déboisement, chasse d’espèces protégées comme l’outarde, la gazelle dorcas, la gazelle leptocéros1) (Sghaïer, Picouet, 2000). Lorsque les circonstances climatiques sont défavorables, et en absence de réserves fourragères, certains agriculteurs et éleveurs surexploitent la végétation saharienne rare et/ou se débarrassent de leurs cheptels. D’autres préfèrent quitter leur territoire et tenter leur chance ailleurs (Djerba, Gabès, Sfax, par exemple).

Menzel Habib était la préoccupation de l’autorité tunisienne essentiellement depuis les années 50. Cette région, souffrant d’une désertification accrue à cause du bouleversement des habitudes territoriales à l’époque du colonialisme français et l’échec des projets de développement mis en place, s’est vue se vider de sa population la quittant en vagues massives vers les zones voisines et côtières. L’État a dépensé des sommes colossales pour améliorer les conditions de vie des paysans (lutter contre le chômage et l’exode rural), et ce depuis les années 70. Mongi Sghaïer et al. (2006: 4) soutiennent que « de nombreuses actions d’aménagement et de lutte contre la désertification sont entamées2 mais elles n’ont pas abouties à des résultats qui sont à la hauteur des espérances malgré l’engagement de diverses structures de recherches et de développement ». En outre, la méfiance de la population vis-à-vis de tout représentant de l’État (chercheurs, agents intentionnels et administratifs) et le désarroi des acteurs à trouver des solutions efficaces renforcent la crise communicationnelle entre l’administration et les paysans. L’histoire conflictuelle entre ces deux acteurs ne date pas d’aujourd’hui. La corruption, la pauvreté, le non respect des droits de l’Homme, les répressions des

1 Le gouvernement tunisien a interdit la chasse de ces espèces rares et protégées. Néanmoins, et depuis 1988, le Président déchu Zine El Abédine Ben Ali a autorisé aux Émirs de la péninsule arabique et certains pays du Golf la chasse de l’outarde (el houbara). Le mécontentement des paysans était immédiat et le sujet demeure sensible jusqu’à nos jours avec les autorités compétentes.

2 Les travaux ont commencé depuis 1987.

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régimes bourguibiste régionaliste et policier de Ben Ali ont ravivé les tensions et les frustrations des acteurs. Le favoritisme de certaines régions côtières et du Sahel (Hammamet, Sousse et Monastir) aux dépens d’autres (du sud et à l’intérieur du pays) est perçu comme une injustice par les habitants notamment les jeunes demandeurs d’emploi. La population a tendance à dénoncer l’échec de l’administration, des chercheurs et des institutions locales par la non application des règles, le détournement des pratiques et le rejet des outils proposés. La confrontation citoyenne et administrative s’est amplifiée suite à l’exclusion de la population des projets territoriaux et l’imposition des décisions.

Dans notre recherche, nous nous sommes basées sur l’observation et les entretiens avec les acteurs de développement afin d’identifier leurs besoins et contraintes, d’étudier leurs comportements et de mettre en avant leurs interactions. L’exploration du terrain de Menzel Habib (Tunisie) nous a permis de cerner la problématique et comprendre l’origine des tensions et des conflits. Entre 2008 et 2010, nous avons interrogé cinq agriculteurs, un éleveur ovin, deux bergers, deux anciens porteurs de projets, deux conseillers pour le ministre de l’Agriculture et des ressources hydrauliques, le délégué de Menzel Habib en 2008, deux agents du service technique du CRDA3 de Gabès, 10 chercheurs de l’IRA4 de Médenine ainsi que six membres du Groupement de développement agricole (GDA) et des associations agricoles.

En premier lieu, nous mettons en avant les politiques de l’emploi proposées par l’administration en collaboration avec tous les acteurs de développement. Ces partenaires territoriaux sont représentés par la population locale (pasteurs, agriculteurs, éleveurs et porteurs de projets), les laboratoires de recherches (chercheurs de l’IRA et l’équipe ROSELT/OSS5), les structures administratives locales, régionales et nationales (la délégation de Menzel Habib, le gouvernorat de Gabès, le CRDA et les ministères) et les institutions locales (les comités et les groupements de développement et les associations agricoles). Enfin, les acteurs privés et les ONG6 sont récemment intégrés dans les politiques de développement durable. Ainsi, nous nous intéressons à l’importance de l’implication de l’administration, des collectivités territoriales, des institutions locales dans la gestion du développement durable à travers leurs politiques de l’emploi (Droy et al., 2000 ; Sidi Hida, 2006). De questionnements se font jour suite à l’introduction de nouveaux et inhabituels acteurs notamment les acteurs privés dans des territoires où l’intervention publique est aussi forte, indispensable et concentrée sur le développement socio-économique (Bertacchini, 2000).

En second lieu, on analysera le dilemme des structures administratives entre engagement et désengagement et le désarroi de la population. Les tensions territoriales ont pris source dans les régions défavorisées. Les revendications de la

3 Commissariat régional de développement agricole. http://www.onagri.nat.tn/crda.htm. 4 IRA : Institut des régions arides de Médenine. http://www.ira.rnrt.tn/. 5 ROSELT/OSS : Réseau d’observatoires de surveillance écologique à long terme/Observatoire du Sahara et du Sahel. http://www.oss-online.org/.

6 Organismes non gouvernementales.

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population étaient d’abord socio-économiques mais elles sont devenues rapidement politiques dénonçant l’appareil répressif et défaillant de l’État. « Pour expliquer un phénomène social quelconque – que celui-ci relève de la démographie, de la science politique, de la sociologie ou de toute autre science sociale particulière – il est indispensable de reconstruire les motivations des individus concernés par le phénomène en question et d’appréhender ce phénomène comme le résultat de l’agrégation des comportements individuels dictés par ces motivations » (Corcuff, 2007: 12). L’objectif de notre recherche est de mettre en avant le désarroi de l’administration dans les zones en crise ou sous tension face aux questions socio-économiques (chômage et exode) et de prouver que l’approche participative demeure la démarche adéquate face au défaut de confiance.

En troisième lieu, une mauvaise gestion des ressources territoriales, une culture du secret, une déformation de l’information, l’indécision de l’administration à apporter des solutions économiques rendent difficile le passage à l’action. Aujourd’hui, et après la révolution tunisienne, il est important de traiter les questions autour de la gestion territoriale et la répartition des richesses, de l’identification des interactions entre les acteurs (l’administration, la population, les chercheurs, les agents institutionnels), du choix des politiques de développement (entre la promotion du tourisme et/ou la restructuration de l’agriculture) et du recours aux stratégies informationnelles et communicationnelles. Les résultats décevants des politiques de développement et la mauvaise gestion des ressources territoriales ont affecté le capital confiance vis-à-vis de tous les acteurs. Ainsi, on étudiera la primauté de l’instauration de la confiance entre la population et l’administration comme une condition de réussite des projets de développement et la promotion de l’emploi. Une population, qui n’est mise que récemment au devant de la scène grâce. Les chercheurs s’intéressent davantage au savoir-faire des pasteurs et agriculteurs qui ont su faire face depuis l’antiquité à l’aridité climatique et à la rareté des ressources. Néanmoins, ces derniers restent méfiants des politiques territoriales proposées par l’État (Sidi Hida, 2006). Par conséquent, l’apprentissage de la confiance se fonde-t-il sur l’identification des besoins, des intérêts et des responsabilités et des rôles de chacun dans les politiques de valorisation territoriale (gestion de l’information et choix des stratégies communicationnelles). La médiation, la confiance, l’engagement et la responsabilisation assurent-elles l’amélioration des politiques de l’emploi et, par conséquent, la réussite du développement territorial dans cette zone ?

Gouvernance et politiques de l’emploi La délégation est créée en 1982 et occupe le nord-ouest du gouvernorat de

Gabès. Elle est considérée comme le maillon faible puisqu’elle est située entre deux pôles urbains forts Gafsa, Sfax et Gabès. 11 700 habitants occupent Menzel Habib sur une superficie de 100 000 ha soit 2 071 ménages. La modestie des structures socioprofessionnelles et de l’infrastructure de base (sept dispensaires, un

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hôpital régional, une subdivision agricole et un conseil rural) encourage la population à quitter la région (Sghaïer et al., 2006).

Figure 3. Position géographique et carte administrative de la délégation de Menzel Habib (Sghaïer et al., 2009: 9)

Les demandes d’emploi dans la région de Menzel Habib ne cessent d’accroître

entre 2000 et 2005 de 4 à 5 %. Elles ne sont pas constantes, d’une moyenne de 90 demandes par an (de 50 à 150 par an) à cause des vagues d’exode et d’immigration incessantes, des situations de crise économiques et de la dégradation écologique. Salah Omrani (1982) soutient qu’à partir de 1958, la Tunisie s’est mobilisée pour lutter contre la désertification en organisant des campagnes de plantation et en embauchant des ouvriers de chantiers. Les structures administratives publiques se sont appuyées sur des programmes de lutte contre la désertification dans le cadre de la valorisation de Menzel Habib. Elles collaborent avec les chercheurs, les agents institutionnels et la population locale.

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Une politique menée en partenariat Bernard Miège (1996) s’intéresse à la mise en relation des acteurs privés et

publics et individuels et collectifs en situation de négociation. En effet, les jeux de pouvoir sont actionnés pour renforcer leurs stratégies d’information et de communication et ajuster les actions territoriales. La mise en place de projets de développement n’est pas une action isolée. Inscrite dans un réseau d’acteurs, elle privilégie la participation et la mobilisation de chacun autour de la question du développement durable. Le Plan d’action de développement local et de lutte contre la désertification (PALLCD) est élaboré en 2009 suite à la volonté des structures administratives et institutionnelles, des chercheurs et des paysans de Menzel Habib. Il a pour but de proposer des solutions efficaces pour faire face au chômage excessif dans cette région et réduire l’exode et l’immigration. Du point de vue de l’administration, lutter contre la désertification est l’alternative fondamentale pour améliorer la qualité du sol, revaloriser l’agriculture et, par conséquent, attirer et maintenir les paysans dans leurs terres. Se préoccuper de la dimension écologique permet d’améliorer les conditions socio-économiques: la qualité de vie de la population locale et de créer de nouveaux postes d’emploi.

Catherine Loneux (2001: 76) admet que « les objectifs des institutionnels s’orientent ainsi vers une approche pluridisciplinaire, pour la réflexion sur les politiques de la ville ou d’autres échelons, dans le vœu de favoriser une proximité entre le politique et les habitants, et de favoriser l’émergence d’une connaissance dédiée aux technologies, au progrès, au changement, à l’ouverture sur les environnements extérieurs grâce à l’analyse prospective ». Ainsi, impliquer les différents partenaires notamment les chercheurs, le ministère de l’Environnement et de développement, le GTZ7, les ONG et les acteurs privés enrichie l’échange entre les acteurs, appuie la concertation territoriale et débouche sur un enrichissement mutuel pour la mise en place de l’observatoire Menzel Habib.

L’observatoire Menzel Habib est un Système d’information à l’échelle locale (SIEL) installé pour la lutte contre la désertification. Ce dispositif est également un lieu de rencontre et de dialogue entre les acteurs de développement. Isabelle Droy, Raphaël Ratovoarinony et François Roubaud (2000: 4) le décrivent comme « […] un espace restreint, limité à quelques villages, choisis pour illustrer une des problématiques-clefs de l’agriculture malgache ». Le SIEL représente l’autorité gouvernementale à travers les institutions administratives, la délégation, la municipalité et les imadas8. L’observatoire est une base de connaissances évoluant dans un système d’acteurs. Sa stabilité et son instabilité dépendent du temps, de l’espace et des situations de crise. Le groupe ROSELT/OSS est chargé de 7 Deutsche Gesellschaft Für Technische Zusammenarbeit : Coopération technique allemande. 8 L’imada est la plus petite circonscription administrative. Dans la délégation Menzel Habib, on trouve sept imadas à savoir Menzel Habib, Oued Zitoun, Zougrata, Ouali, El Fjij, Mhemla et Segui. Ces imadas sont représentées par des chefs de secteurs appelés également omdas.

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concevoir des observatoires dans différents sites sahariens, pré-désertiques sahariens, semi-arides ou sub-humides9 dont celui de Menzel Habib.

Les laboratoires et les agents institutionnels et administratifs travaillent conjointement pour apporter des solutions contre la désertification et proposer de nouveaux postes d’emploi aux jeunes. Madeleine Akrich, Michel Callon et Bruno Latour (2006: 267) admettent que « de la même manière que l’automobiliste met en mouvement un immense réseau socio-technique en tournant sa clef de contact, le ministre de l’Intérieur met en mouvement tout un réseau, patiemment construit et ajusté, en décidant de lutter contre le réchauffement climatique ». Le partenariat avec l’administration (représentée par le gouvernorat et la délégation) permet de soutenir l’application des contrats et le respect des règles. Les vétérinaires mandatés, l’Office de l’élevage et du pâturage (OEP), les structures de protection de la végétation ont trouvé appui auprès des institutions gouvernementales pour des études sur la production laitière de la chamelle et l’effet de l’alimentation de foin de luzerne et d’avoine (Sghaïer et al., 2007).

L’alliance entre les acteurs administratifs et les chercheurs a pour objectif d’améliorer les services publics et renforcer les politiques territoriales (Chettab, 2008). Salah Omrani (1982: 248) soutient que « lors du séminaire sur la désertification, organisé en décembre 1972 à Gabès par le ministère de l’Agriculture, l’Institut national de la recherche agronomique, le Commissariat régional du développement agricole et le Projet parcours sud, tous les participants ont insisté sur la nécessité d’appliquer ces recommandations dans le cadre des projets intégrés […] ». Dans notre contexte, elle porte sur la création et le forage de puits, le lancement de projets industriels pour les habitants, le soutien de projets pour la femme rurale, etc. Afin de restructurer l’agriculture, 33 % de nouveaux forages ont été créés, 13 % d’agriculteurs ont bénéficié d’aides accordées par les institutions de tutelle (Sghaïer et al., 2007). Pour diversifier les activités agricoles, les ministères ont misé sur la culture de l’irrigué depuis les années 80 et ont interdit la culture mécanisée en sec.

Vers une expertise de l’emploi La Tunisie s’est engagée à ouvrir de nouveaux postes d’emplois pour les jeunes

diplômés et ceux n’ayant pas de qualification. Le nombre de citoyens en âge d’activité entre 19 et 59 ans est estimé à 216 soit un taux de chômage de 6,2 % (Sghaïer et al., 2009). Les structures administratives et institutionnelles locales, notamment le CRDA et le GDA, tentent de restructurer les activités socio-économiques, de diagnostiquer la situation de l’emploi et d’anticiper son évolution.

9 Les particularités de chaque zone varient selon les dimensions socio-démographiques, économiques, anthropiques, historiques et intéressent ce collectif ainsi que d’autres chercheurs et institutions internationales pour l’étude des problématiques environnementales (désertification, érosion des sols, déforestation, etc.).

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Elles sont chargées de sécuriser le fourrage, d’assurer la qualité des denrées alimentaires, d’aider les agriculteurs en leur fournissant des outils et facilitant l’obtention de crédits, etc. Ces subdivisions administratives sont représentées par les délégués d’associations, d’experts, de vétérinaires et d’agents institutionnels. « Le programme de promotion de l’emploi dans la délégation de MH en 2006 et 2007 a ciblé 816 individus dont 46 cadres. Les demandes satisfaites sont 473 dont 3 cadres, ce qui porte la proportion des demandes satisfaites à 60 % en général. Remarquant la faiblesse de la proportion des demandes satisfaites au niveau des cadres, 7 % au plus » (Sghaïer et al., 2009: 35-36). De plus, le programme présidentiel proposé par la caisse nationale de l’emploi 21/21 a fait bénéficier 226 personnes.

De nouveaux acteurs se sont intervenus suite au dégagement progressif de l’État et à sa promotion du secteur privé. En revanche, leur présence dans le nouveau contexte du partenariat public-privé ne devrait pas négliger la fragilité socio-économique et l’aridité écologique. Le gouvernement a laissé la place aux interventions privées par l’encouragement des investisseurs, des banques et des fonds privés à promouvoir la culture de l’irrigué secteur artisanal. Il a engagé des campagnes de formations des femmes dans les techniques de tissage de tapis et d’habits traditionnels. La présence du secteur privé reste timide et marginale dans le financement et la mise en œuvre des actions de développement. Les investissements privés du PALLCD ne représentent que 23,7 % soit 11 203 MDT contre 76,3 % soit 35 996 MDT pour le secteur public. En conclusion, l’État continue a monopolisé le développement régional dans l’aménagement des infrastructures, des aménagement de lutte contre la désertification et des équipements sociaux (voir tableau ci-dessous) (Sghaïer et al., 2009: 121).

Tableau. Répartition des investissements du PALLCD entre secteurs public et privé

(Sghaïer et al., 2009: 121)

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Les projets de développement agricole intégré (PDAI) et rural (PDRI) ont permis à beaucoup de familles de Menzel Habib de bénéficier de leurs retombées et d’investir dans l’économie. Entre 2006 et 2007, 14 artisans (7 700 DT), 8 commerçants (9 100 DT), 11 professionnels indépendants et de petits métiers (8 300 DT) ont profité des micro-crédits octroyés par l’Association de développement local (Sghaïer et al., 2009). Par exemple, en 2008 et selon les propos du délégué de Menzel Habib, deux personnes ont pu bénéficier d’équipements pour élever des lapins. La délégation a fourni deux cages pouvant contenir un mâle et huit femelles.

Néanmoins, la population paysanne est réticente à la proposition de nouveaux projets (élevage d’escargots, culture de champignons) parce qu’ils ne respectent pas leur traditions agricoles sachant que Menzel Habib est une région à vocation pastorale. En effet, et malgré l’accord de crédits avec des facilités de remboursement, les demandes des bénéficiaires sont limitées. Les jeunes préfèrent investir ailleurs là où les occasions de travail sont nombreuses et les risques sont réduits au lieu de rester dans un terrain répulsif. Les diplômés attendent leur chance d’être recrutés dans l’administration publique.

Engagement renforcé dans les zones de crise et sous tension mais demeure fragile

Les interactions entre les acteurs sont généralement continues mais demeurent

fragiles et tendues avec les paysans de Menzel Habib. Leur dépendance des aides et subventions et l’aridité de la zone condamnent l’avenir des politiques territoriales. Les efforts déployés « […] n’ont pas permis de créer une dynamique de développement économique durable avec des secteurs d’activité diversifiés capables de créer de l’emploi et de générer des revenus pour la population afin de réduire l’exode et les flux migratoire vers les grandes villes de la région (notamment Gabès) à la recherche d’emploi » (Sghaïer et al., 2009: 72). L’intervention timide de l’administration dans la régulation des marchés et le manque d’encadrement laissent la population locale œuvrée à elle-même. Face aux limites techniques, organisationnelles et financières, les structures administratives sont face à un dilemme entre la couverture des zones qui manquent d’institutions ou le renforcement des responsabilités de celles qui sont actives.

Des valeurs tribales mutilées Salah Omrani (1982: 10) soutient qu’« avec l’avènement de la colonisation

commence une lente et progressive phase de destruction de la société et de l’espace qui va se prolonger jusqu’à aujourd’hui. Les autorités coloniales vont introduire toutes les maladies qui allaient petit à petit ronger l’organisation tribale et mutiler l’espace agro-pastoral, et amener aussi les germes d’une nouvelle société de sédentaires symbolisée

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par l’arboriculture. La préoccupation des autorités était l’intégration des Béni-Zid dans les structures économiques, politiques et administratives ». L’administration tunisienne continua ce processus de détribalisation en éclatant le noyau tribal et changeant les parcours steppiques.

L’adoption du gouvernement de la même politique coloniale (épuiser les terres fertiles du nord et s’accaparer celles du sud) a irrité les tribus de Menzel Habib. Les terres collectives étaient saisies par l’État et les occupants bénéficiaient d’un droit de jouissance (loi 64-28 du 4 juin 1964). Elles étaient réservées aux coopératives pour l’exercice du pâturage et de la polyculture et leur mise en valeur. Cette remise en cause des valeurs tribales est vécue comme une injustice qui a trouvé appui auprès de la bureaucratie coloniale et le régime de Bourguiba. « Ces conflits enchaînent à tous les niveaux ainsi que les procès qui en découlent n’ont pas seulement contribué à l’éclatement des groupes, des solidarités et à la " dislocation des structures familiales élargies ", puisqu’on voit de plus en plus des parents, des frères se disputer la terre, mais aussi l’appauvrissement des populations pastorales et l’accentuation des inégalités sociales » (Omrani, 1982: 131). Les populations ont fuit leur région à cause d’une part, de l’aridité et de l’infertilité de leurs terres et de l’inexistence de postes de travail, d’autre part.

La population est révoltée à cause de l’absence de postes de travail dans leur région (abattoirs, coopératives de tannerie, maroquineries, usines de collecte et de conditionnement de laits) et leur délocalisation vers les zones côtières sachant que Menzel Habib est une zone réputée pour l’élevage d’espèces caprines et camelines. Les bouchers abatteurs, les tanneurs, les maroquiniers et les commerciaux en cuir se localisent surtout à Sfax ; région voisine. Les politiques territoriales sont « basées sur les actions d’aménagement et d’infrastructure dont les retombées sur le dynamisme socio-économique n’ont pas eu toujours les impacts escomptés (emploi, sources de revenu, solde migratoire….) » (Sghaïer et al., 2009: 73). Malgré l’intégration de nouvelles pratiques agricoles, l’activité économique est marquée par la prédominance de l’élevage caprin qui est la première source d’emplois et de revenus dans la région.

Les institutions locales se sont chargées de former les éleveurs aux nouvelles pratiques. Se baser sur les résultats de l’observatoire a permis de revoir le système de l’élevage et les zones les plus menacées. « L’exploitation rationnelle des parcours en rotation, selon le schéma théorique établi par les experts phyto-écologues et pastoralistes, rencontra un blocage dès son lancement en 1975, par suite du refus de la part de la population » (Omrani, 1982: 259). Les liens tribaux s’affaiblissent progressivement à cause de ces bouleversements agricoles. Transgressées et détruites par la colonisation, les traditions pastorales étaient les repères de la tribu Béni-Zid. Béchir El Arbi (1991) s’intéresse aux perceptions du territoire par l’administration et la population. Il admet que les conflits et les

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tensions renvoient au malaise et à la déception des fractions10, la réduction de leurs déplacements et à l’accélération de la sédentarisation. « […] la société agro-pastorale des Béni-Zid a subi une altération progressive manifestée durant toute la période coloniale et encore actuellement par les conflits permanents et à tous les niveaux entre les arouch et les pouvoirs publics […] » (Omrani, 1982: 122).

Menzel Habib fait objet de convoitise des acteurs privés menaçant la vocation pastorale de la région. Ne pas tenir compte de leurs cultures ancestrales est vécue par les pasteurs et les agriculteurs comme une trahison menaçant leur avenir. « Le secteur agricole qui a bénéficié d’un certain nombre de projets de mise valeur agricole en sec et en irrigué n’a pas pu entraîner une véritable mutation agricole de la zone. En réalité, cette faiblesse s’explique dans une certaine mesure par la situation foncière (prédominance des terres collectives appartenant à des populations absentéistes) et surtout par le manque de ressources en eau dans la zone ce qui a limité le développement des périmètres irrigués publics et privés dont la présence favoriser généralement l’émergence de nombreuses activités en aval et en amont avec des retombées très positives sur l’emploi et les revenus pour la population locale . De ce fait, le tissu économique est resté peu diversifié et les investissements en dehors du secteur agropastoral sont très faibles » (Sghaïer et al., 2009: 73). L’échec des projets de lutte contre la désertification est expliqué en partie par la multiplicité des centres de décision et de direction. Durant 40 ans, trois autorités compétentes11 ont dirigé ce projet. Le changement d’institution renvoie au changement de méthodes et de politiques et de gaspillage des ressources territoriales.

Vers un dégagement progressif de l’État L’engagement des structures administratives est essentiel dans la mesure où leur

présence dans les projets de développement rural véhicule leur sérieux et affecte leur réputation. L’État intervient dans la subvention du fourrage et des produits agricoles, le maintien de l’activité agricole et de la population rurale, l’entretien des espaces pastoraux et la création de nouveaux postes de travail. Salah Omrani (1982: 258) soutient que « chaque fois que la sécheresse frappe une région, un plan d’urgence sera élaboré et exécuté par les services du ministère de l’Agriculture pour la sauvegarde du cheptel. Malgré ces dispositions législatives et ces réglementations, l’exécution du plan d’aménagement va rencontrer d’énormes difficultés ».

Lorsque la sécheresse dure (comme entre 1999 et 2002), la hausse des prix contraint les éleveurs à chercher des solutions rapides en sacrifiant leurs troupeaux ou en recourant aux marchés parallèles (Sghaïer, Picouet, 2000). Par conséquent, «

10 La fraction est un terme utilisé par les chercheurs de cette région pour désigner l’ensemble de familles élargies.

11 De 1974 jusqu’à 1975, la Direction des forêts a pris en charge ce projet. Ensuite, de 1976 jusqu’à 1977, l’OEP (l’Office de l’élevage et du pâturage) a dirigé l’affaire suivi de l’IRA de 1978 jusqu’à mars 1979. Ensuite, l’OEP a été mandaté pour diriger ce projet.

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[…] le fourrage est devenu une activité compétitive au point de concurrencer dans certaines situations la production céréalière et animale. Une grande partie du foin vendu est transférée vers le Sud du pays où les prix sont nettement plus élevés » (Omrani: 1982: 220). L’achat d’aliments concentrés et subventionnés pour les éleveurs encourage la sauvegarde du cheptel et le développement de l’élevage. Ils sont vendus par des spéculateurs à des prix élevés surtout pour les petits éleveurs pendant les périodes disettes. Ce n’est pas le cas des gros éleveurs qui ont su diversifier l’alimentation de leurs bétails entre le concentré et les herbes des pâturages, et par conséquent, varier leurs portefeuilles. Des commerçants et des intermédiaires sont entrés dans la spéculation du concentré notamment dans les périodes de crise fragilisant la situation socio-économique des paysans et aggravant leur vulnérabilité et dépendance des subventions nationales et internationales.

Les éleveurs sont méfiants de peur d’attirer les soupçons sur le nombre de leur bétail afin qu’ils bénéficient des subventions de l’État et surexploitent les parcours. Salah Omrani (1982: 225) admet que « rien ne permet de connaître avec précision, l’importance de ces faux-éleveurs, ni le volume du cheptel possédé, dans la mesure où dans un souci de faire face à la précarité climatique et de réduire les risques, ils répartissent leurs troupeaux entre plusieurs associés dans différentes zones géographiques. C’est ainsi qu’ils s’approprient indirectement les terres de parcours et contribuent à leur surcharge ».

Menzel Habib doit savoir profiter de sa position géographique, de ses atouts culturels et de ses richesses naturelles. La création de postes d’emplois est une réponse des besoins exprimés par la population. Essentiellement, et dans les années 70, l’administration a proposé la conversion des bergers et éleveurs en ouvriers dans les usines et les industries (Omrani, 1982). Cette politique a encouragé l’exode vers les régions voisines et côtières. La réduction du taux de chômage est un des objectifs des perspectives de développement. D’après le Délégué de Menzel Habib, en 2008, il existe 270 ouvriers répartis sur 19 chantiers.

Enquêteur: Le problème de Menzel Habib n’est-il pas dû à sa position géographique ? C’est-à-dire qu’elle est entourée par des régions riches et fortes comme Sfax et Gafsa.

Responsable GDA (1): Normalement, il aurait dû profiter de ça. C’est une zone stratégique. Mais qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? La jeunesse souffre du chômage et les conditions sont très dures.

Responsable GDA (2): Concernant, les jeunes, ils ont deux alternatives. Soit immigrer à tout prix soit de faire des études ailleurs. Même s’il est chômeur, il ne travaille pas sur Menzel Habib. Il lance un projet ailleurs. C’est ça leurs visions. Le local non ! Il existe trois solutions. Celui qui immigre. Celui qui a des diplômes ne reste pas ici. Les investisseurs investissent ailleurs.

Toutefois, les emplois précaires et le changement des habitudes agricoles ont créé des tensions entre l’administration et la population locale. Les paysans qui ont exprimé leur déception des programmes de développement territorial soutiennent que le gouvernement s’est suffit à chercher des solutions fugaces et à ne pas traiter

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les causes profondes de la désertification. Il s’est contenté de fournir le fourrage subventionné et de créer des périmètres irrigués. Son désengagement progressif est perçu comme un abandon condamnant l’avenir des projets. Les aides et les subventions sont censées assister les agriculteurs et les éleveurs sauf que le désengagement progressif de l’État et la croissance des prix d’aliments agricoles risquent d’engendrer la faillite des paysans et menacent l’avenir agricole dans ces zones arides, fragiles et menacées. De plus, l’introduction d’acteurs privés, d’intermédiaires et de spéculateurs fragilisent les relations surtout avec les paysans qui gèrent de petites exploitations familiales.

Les chercheurs (ceux qui sont en contact régulier avec la population locale) soutiennent que les soucis socio-économiques doivent être privilégiés aux dépens de ceux écologiques. Comment arriver à trouver un compromis entre les politiques de développement et les pratiques des paysans? La révision des priorités est une condition pour la mise en œuvre des politiques de l’emploi. La pauvreté et le chômage sont les premiers objectifs du développement territorial sauf que le gouvernement se trouve dans un dilemme entre trouver des solutions socio-économiques et améliorer la question environnementale. L’urgence de la situation laisse les acteurs désemparés et développant des stratégies contradictoires et ambigües. Définir des stratégies claires et cohérentes qui respectent à la fois l’environnement, les principes du développement durable et satisfassent les préoccupations des citoyens est le défi des chercheurs et de l’administration. La population revendique un minimum de vie agréable et la garantie socio-économique. Néanmoins, et avec les crises récurrentes, le gouvernement se trouve incapable de satisfaire tous leurs besoins. Son désengagement et la présence de nouveaux acteurs accroissent la méfiance des uns et des autres.

Une population fragilisée et malmenée Dans la région de Menzel Habib, les paysans sont fortement assistés par les

structures administratives et les autorités compétentes. La population locale est représentée par 18,7 % d’agriculteurs et de 79 % d’agro-pasteurs. L’élevage ovins est largement répandu dans cette zone soit 23,6 % des activités agricoles (Sghaïer et al., 2009). La culture pluviale est leur principale source de revenu. Écouler leurs produits, acheter les aliments à bas prix, être subventionnés et réussir leurs campagnes agricoles présentent leurs soucis quotidiens. Ils soutiennent que « les autres » ne sont pas soucieux de leurs préoccupations quotidiennes et qu’ils sont là que pour faire des affaires et réaliser des bénéfices. Par conséquent, la conciliation entre les objectifs à court terme et ceux à long terme n’est pas chose aisée.

La mobilité de la population est en raison de la logique de travail (améliorer leurs situations socio-économiques) et de celle climatique (aridité et menace de la désertification). Courir le risque de tout abandonner et de s’aventurer dans de nouvelles villes n’est jamais facile. Ainsi, l’exode est une menace de la région

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faisant perdre des ressources humaines importantes et accélère la disparition des valeurs culturelles importantes pour le développement territorial. De plus, « l’exode rural et l’émigration constituent un handicap réel pour la zone dont l’évolution démographique se caractérise par un solde migratoire négatif. En outre, ces flux migratoires touchent généralement les éléments jeunes de la population qui partent à la recherche d’un emploi dans les principaux centres urbains du littoral. De ce fait, la zone perd une bonne partie de sa population jeune qui constitue un élément clef pour un développement économique durable notamment en termes de création de projets et d’émergence d’une couche de consommateurs pour le marché local » (Sghaïer et al., 2009: 73).

Les offres d’emploi des administrations locales ne correspondent pas aux demandes étant donné que peu d’ouvriers sont qualifiés. La population est révoltée parce que les institutions préfèrent embaucher des cadres venant d’autres territoires (Sfax, Mahdia, Médenine, Gabès, etc.). L’administration tente de mettre en place des projets et proposer des initiatives publiques pour maintenir la population dans cette zone hostile et revaloriser les activités agricoles. Malgré l’engagement de l’État de créer de nouveaux postes et de maintenir les paysans dans leurs terres, Menzel Habib demeure un territoire hostile. Le rôle des collectivités, des associations et des ONG reste timide et limité pour répondre aux attentes citoyennes. Nos entretiens avec les paysans nous ont permis de savoir leurs perceptions vis-à-vis des autres acteurs (administrations, institutions et chercheurs). Leur désarroi s’ajoute à l’impossibilité de maîtriser le risque de désertification et gérer les incertitudes. Se remettre à Dieu est un comportement fataliste face à l’impuissance évoqué par tous les paysans.

Enquêteur: Comment réagissez-vous si les associations agricoles, la délégation ou l’État éliminent toutes ces aides ?

Agriculteur (1): On se remet à Dieu le tout puissant. Moi, je suis pratiquant et je fais mes cinq prières tous les jours. Dieu ne laisse jamais les gens mourir de faim. Je ne me fie qu’à Dieu, ni chercheurs, ni administration, ni rien du tout.

Les chercheurs et les institutions constatent que le phénomène de désertification est dû en partie de l’activité humaine (déboisement, exode et non entretien des terres, surpâturage, etc.). Ainsi, il est possible de faire face à ce fléau en proposant des programmes de développement. Pour cela, ils se basent sur le calcul, les scénarios et les simulations à partir de l’observatoire Menzel Habib. Ceci permet de prendre des décisions de lutte contre la désertification, de préserver l’écosystème et mettre en place de nouvelles politiques d’emploi. Cette divergence de perceptions de risque (entre le fatalisme de la population et la maîtrise de l’incertitude par les laboratoires et les structures administratives) mène à un blocage de communication et une résistance face à tout changement.

Enquêteur: J’ai quelques questions à vous posez. Comment le ministère de l’Agriculture et des ressources hydrauliques intervient-il pour la lutte contre la désertification ?

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Conseiller pour le ministre de l’Agriculture et des ressources hydrauliques: La Tunisie consacre de grands budgets pour la préservation des forêts et la protection des points d’eau.

En revanche, l’intervention des structures administratives demeure limitée qui se contentent de fournir des subventions et des aides alimentaires et un appui technologique. Elles reconnaissent l’immensité du défi et réduisent leurs interventions dans l’assistance et le soutien des paysans. Entre une vision à long terme (tenir compte de l’écologie) et une vision à court terme (trouver des solutions rapides pour la population), le combat s’avère difficile. En effet, les divergences dans les perceptions territoriales sont dus aux converses dans l’évaluation du risque. Ainsi, le partage du risque se fonde sur une confiance réciproque et une reconnaissance de la légitimité du savoir non expert. D’après Jean-Yves Trépos (1996: 11), « Les agents administratifs, ayant à résoudre des problèmes d’accès de leur clientèle à leurs services (horaires et jours d’ouverture, compréhension des formulaires, etc.), sont confrontés à des spécificités des savoirs ouvriers, parfois assez éloignés de leur façon d’appréhender la réalité ». Philippe Herbaux (2006) se fonde sur la notion de risque « acceptable » et « non acceptable » par l’administration et l’institution. Il met l’accent sur le rôle essentiel du gouvernement dans l’expertise du risque à travers la mise en place d’observatoires, la formation d’agents institutionnels, l’organisation de séminaires et conférences, etc. Par conséquent, l’administration devrait travailler en collaboration avec les laboratoires de l’IRA pour prendre la décision adéquate de réduire les risques écologiques (surpâturage et déboisement) et améliorer les conditions socio-économiques (exode, chômage). Les chercheurs s’appuient sur les outils d’aide à la décision pour réaliser des simulations, des schémas et des scénarios et établissent des rapports qui les adressent par la suite aux décideurs politiques.

Le 14 janvier 2011 était un soulèvement général des tunisiens contre le régime de Ben Ali a pour slogan « la dignité ». Ce bouleversement socio-économique et politique est un événement historique dans le monde arabe et a déclenché l’avènement d’autres révolutions en Égypte, au Yémen, en Libye, en Syrie et au Bahreïn. Les jeunes revendiquent leur droit au travail et bannissent le régionalisme et l’injustice. Les demandes étaient d’abord socio-économiques et se sont transformées en politiques ayant pour but de restructurer l’appareil de l’État et créer un ministère de Développement régional. La population locale de Menzel Habib a révoqué depuis le début de la révolution tunisienne trois délégués et a assiégé les locaux administratifs et institutionnels. Ce comportement renvoie au malaise persistant vis-à-vis de tout représentant gouvernemental.

La médiation: une volonté de tous les acteurs Les conflits entre la population et le gouvernement ne datent pas

d’aujourd’hui. Ils se sont amplifiés depuis la remise en cause des valeurs fondamentales (construction de routes et modification des trajets de transhumance,

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création de parcs naturels Haddaj et Bou Hedma, changement des traditions agricoles: du pastoralisme à l’irrigation). Le décalage entre ce que les citoyens réclament et ce que les professionnels décident entrave les relations de confiance. Par conséquent, le renforcement de la confiance est essentiel-il pour assurer la médiation, la coordination entre tous les acteurs territoriaux et la cohérence dans les actions réalisées.

Pour une gestion efficace des connaissances L’intégration du savoir non expert dans les études de développement territorial

est récente. Les connaissances riches des paysans dans différents domaines valorisent l’engagement de tous les acteurs dans le développement territorial et passe par leur responsabilisation. Toutefois, cette implication citoyenne reste timide à cause de la suprématie des connaissances scientifiques, de la méfiance des méthodes recourues par les laboratoires et du non retour informationnel. La population est sceptique à l’égard des professionnels (agents intentionnels et administratifs et chercheurs). Les agriculteurs de Menzel Habib expriment leur doute et déception de l’arrogance des scientifiques et leur fondement sur des hypothèses souvent contradictoires par l’usage de proverbe tunisiens et arabes: « comme la porte comme la serrure », « moi je lui dis longueur, lui me dit largeur » et « ils boivent l’eau avec la fourchette ».

Sur le plan communicationnel, « des relations de réseaux spontanées émergent par le biais d’institutions et régulent l’échange d’information entre acteurs par une politique d’animation visant à pallier les carences dans la circulation de l’information, à aider à procéder à des sauts technologiques, à accompagner les ruptures dans les savoir-faire traditionnels » (Loneux, 2001: 68-69). L’affiliation entre les activités artisanales et touristiques aux actions scientifiques et de recherche permet la valorisation du savoir-faire local et la formation de jeunes porteurs de projets notamment les femmes rurales. Néanmoins, les paysans ne trouvent pas l’utilité des manifestations organisées par les autorités locales et préfèrent ne pas assister. Leur déception de la non prise en considération de leur savoir-faire riche et le non retour informationnel affectent leur engagement dans les débats publics. Ils soulignent que l’enjeu des campagnes informationnelles et communicationnelles est perçu comme une prise de risque à cause de la modification des rapports de pouvoir et de dépendance. En effet, ils affirment que agents administratifs et institutionnels vont profiter de leur nativité et faire main basse sur leurs terres (leur faire signer des papiers pour céder à leurs richesses). La rumeur que l’État s’accapare des parcelles les plus fertiles est très répandue dans la région de Menzel Habib (sachant que dans le régime de Ben Ali, « les Trabelsi » ; les gendres du président, ont confisqué des terrains via la corruption et l’intimidation de leurs propriétaires).

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La population locale dénonce l’inefficacité et l’inutilité des associations et des structures administratives. Elle déclare que leurs programmes de sensibilisation sont défaillants et le retour d’information n’est pas toujours respecté. Ainsi, le défaut de confiance entre paysans et institutions publiques est expliqué par la culture du secret recourue par ces dernières. Cacher les risques, filtrer les informations et imposer les conditions sont des pratiques non appréciées pour un chercheur d’emploi. « C’est en rompant avec la culture du secret que les citoyens pourront formuler un consentement aux risques acceptables au regard des avantages attendus, au lieu que les responsables ne leur imposent les risques jugés acceptables par les experts » (Canel-Depitre, 2000: 17). Natacha Calandre (2006) étudie la gestion informationnelle entre population et administration dans la prévention et la sensibilisation. La culture du secret est vécue par les citoyens comme une forme d’arrogance et de mépris dans la mesure où ils ne sont pas mis au courant des offres d’emploi et des projets de développement. Ils accusent les chercheurs d’être leurs complices. Jean-Yves Trépos (2001: 39) soutient qu’« […] on entend souvent dire que les experts sont les instruments des politiques, qui s’en serviraient pour cautionner des décisions déjà prises sur des bases plus passionnelles que scientifiques ».

L’accès à l’information n’est pas équitable impliquant une répartition déséquilibrée du pouvoir. Nous avons remarqué une détention de l’information au niveau stratégique et décisionnel. Les représentants du gouvernement (les agents ministériels et administratifs) sont plus tentés par la culture du secret. En effet, et surtout pendant le régime de Ben Ali, nous avons rencontré maints obstacles dans la collecte de l’information. Nous mettons l’accent sur des divergences lors de la triangulation des données notamment sur le taux de réussite des projets de développement et des politiques territoriales. Le comportement discrétionnaire de certains renvoie à un discours politique rodé et à une image trompeuse de la démarche participative. Beaucoup mettent l’accent sur le fonds de solidarité 26-26 et le fonds national de l’emploi 21-21 en présentant des chiffres douteux. L’accusation de la population locale d’être la grande responsable de l’échec des projets territoriaux est une stratégie de déresponsabilisation recourue par les agents administratifs.

Construire une politique locale de médiation Le partage de l’information entre les citoyens et les agents administratifs est

limité (Chevalier, 2008). Ainsi, le rôle de l’administration se focalise dans la prise de décision et la transmission de l’information. Les ministères et les hauts responsables se fondent sur les images satellitaires et les cartes topographiques fournies par les chercheurs de l’IRA pour décider la construction d’infrastructures et d’aménager les zones menacées. La dissimulation est pratiquée des deux côtés. L’acteur cache souvent des informations confidentielles qu’il ne veut pas partager avec autrui. « Lorsque des données individuelles sont communiquées au public (à des fins de recherche, par exemple), leur confidentialité est protégée (e.g. en les

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présentant de façon anonyme ou en s’assurant que seules les personnes qui s’engagent à maintenir leur confidentialité y ont accès) » (Rapport du Fonds monétaire international, 2004: 2). Les données sont transférées des hauts responsables et des ministères vers les gouvernorats, les délégations et les directions territoriales (CRDA, GDA, OEP, DGF12, IRA, etc.). Ensuite, ces données sont simplifiées et vulgarisées pour qu’elles soient comprises par la population locale et les agents administratifs et institutionnels locaux. Les images satellitaires et les cartes topographiques sont prélevées sur un site concernant les points d’eau, les occupations du sol, les travaux d’aménagement et de lutte contre la désertification, etc. afin de sensibiliser les acteurs sur les risques de surpâturage, de déforestation, des maladies caprines, par exemple.

D’après Catherine Loneux (2001), la communication publique a pour objectif la sensibilisation des acteurs territoriaux. Ceci a permis la création de lieux de paroles et la mise en place d’espaces de dialogue. Les agents institutionnels et administratifs espèrent que le recours aux techniques de médiation facilite la collaboration avec les paysans. Les agendas événementiels devraient être fixés d’avance afin de prévoir en détail les conditions d’intervention (dates, lieux, acteurs, processus). À travers les médias comme Radio Tataouine, les émissions transmises permettent d’assister l’agriculteur pendant la cueillette d’olives, d’informer les éleveurs sur les lieux de rassemblement pour la campagne de vaccination, etc. L’échange d’expériences et de conseils (écouter les récits des dernières récoltes, partager son savoir-faire des remèdes pour le traitement de la maladie du kraft) renoue le dialogue avec une population fragile et isolée. La mission d’évaluation du risque est confiée aux journalistes et médiateurs. Ils sont chargés de sensibiliser les paysans et de vulgariser l’information. Ici, la transparence dans les communiqués, les journées et les émissions télévisées permet de corriger les perceptions et de rassembler tous les acteurs autour de la cause écologique et socio-économique. L’appui des médias de masse et des intermédiaires ; des éco-conseillers et la mise en place de structures spécialisées de médiation sont primordiaux pour soutenir la coopération.

Enquêteur: Comment les autorités locales, les agents administratifs vous informent-ils des nouveaux projets, des nouvelles offres, etc. ?

Agriculteur (2): On n’est au courant de rien. Je ne suis au courant qu’avec l’omda. Il vient quelques fois chez moi et on se rencontre d’autres au café. On nous dit que tel projet va être mis en place ici alors qu’il n’y a rien.

Toutefois, l’image véhiculée des chaines tunisiennes (chaine 7, Hannibal, Canal 21) accusées de propagandes et de mensonges agit sur la confiance des acteurs des techniques de communication territoriale. Une représentation déformée et manipulée a renforcé le blocage communicationnel, le désarroi des paysans et leur résistance face à tout changement. L’agencement entre organes interministériels et chercheurs encourage la collaboration et l’anticipation des crises socio-économiques et écologiques. Les relais régionaux ont pour rôle de

12 Direction générale des forêts.

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transmettre l’information entre les acteurs locaux et les hauts responsables. Intermédiaires, ils misent sur la proximité géographique pour accompagner les agriculteurs et les éleveurs dans leurs démarches de valorisation territoriales.

Enquêteur: Avez-vous les informations nécessaires sur les terres qui sont interdites de pâturage ?

Berger: Comme je t’ai dit tout à l’heure, à chaque fois on change d’endroits et ça peut porter des confusions. Ils viennent ici pour nous dire qu’ils vont fermer tel ou tel endroit. Nous, les bergers, on communique entre nous et on discute à chaque fois qu’il y a des changements. Généralement, il y a les agents qui viennent jusqu’ici nous interdire de ne pas paître sur ces zones13. C’est une sorte d’un cycle qui se répète souvent: on ferme deux mois, on ouvre deux mois.

En se référant aux propos des paysans, le choix des lettres d’information, des posters, des panneaux et banderoles permet d’annoncer efficacement les manifestations et les rassemblements pour les campagnes de vaccination. Nous avons remarqué que les paysans apprécient l’annonce par haut-parleurs puisque les médiateurs se déplacent d’un village à un autre. Les visites dans les exploitations agricoles leur permettent de s’approcher des paysans qui se trouvent dans des zones isolées. L’éco-conseiller est chargé d’identifier et de structurer les problèmes environnementaux. Sa collaboration avec les laboratoires et les institutions permet de mieux orienter les actions stratégiques et les débats avec les paysans.

Conclusion Les paysans renvoient la responsabilité aux structures administratives et

institutionnelles et aux chercheurs de leur fragilité socio-économique. Le chômage, la précarité du travail agricole et l’exode sont les préoccupations urgentes de la population. Néanmoins, proposer des projets incohérents (élevage de cailles, culture de champignons de Paris, par exemple) à des paysans ayant une vocation pastorale et une agriculture traditionnelle est voué à l’échec. En outre, la résistance des agriculteurs et des éleveurs à octroyer des crédits prouve leur désintérêt des projets mis en place et leur méfiance de leur territoire ; un territoire à risque. Le désintérêt de travailler et d’investir dans leur région s’agrandit ajouté au désengagement de l’État. Les diplômés préfèrent attendre qu’ils soient recrutés dans les administrations publiques afin d’accéder à un contrat à durée indéterminé. Tenter leur chance dans des projets privés est risqué à cause de l’absence d’encadrement.

Les structures administratives locales (le CRDA, l’OEP, l’ODS) sont face à d’immenses défis dans l’application des projets de développement. L’absence de ces institutions dans certaines imadas, le manque de concertation avec les

13 Les chercheurs ont fixé le nombre de bétails autorisé sur les surfaces de pâturage moins de cinq hectares. Un troupeau caprin moins de cinq têtes, un troupeau ovin ne dépassant pas 10 tête doivent paître sur ces périmètres. (Sghaïer et al., 2009).

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chercheurs, l’absence d’un schéma d’aménagement intégré, le gaspillage de l’argent, l’incohérence des projets, les faibles retombées des actions développées et la mauvaise gestion des interventions entravent les politiques territoriales et affectent leur crédibilité à proposer des postes d’emploi pour la population locale. Leur rôle limité à la prévention est devenu une contrainte réelle.

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Clôture du colloque

Au risque de surprendre mes étudiants peu habitués de ma part à ce genre

d’exercice mon propos s’articulera autour d’un plan en 2 parties 2 sous parties (I DES FLEURS A) un cactus en forme de double première B) Un très gros bouquet II UN SCOOP EVENTE A) Faux-départ B) we shall

over come) I DES FLEURS Ce moment est en général pour moi le plus facile et le plus agréable puisqu’il

s’agit de remercier tous ceux qui ont contribué à la réussite du colloque et ils sont nombreux. J’espère n’oublier personnes mais je sais aussi qu’en cas d’oubli les victimes ne s’en formaliseront pas, mais pour moi cette année les sucreries ont un goût un peu amer.

A) un cactus en forme de double première Les premiers remerciements vont donc tout d’abord, et ils sont à la hauteur de

l’effort qu’il a fourni, à notre directeur qui nous fournit l’occasion d’une double première puisque cette 8 e édition du colloque qui est la première à se dérouler sur 2 jours et elle est aussi la première à bénéficier d’un budget aussi faible. C’est aussi la première fois depuis l’existence du colloque que le chef du département Gaco ne participe à la séance plénière de clôture, occupé qu’il est à traquer les centimes de dépassement du budget.

B) Un très gros bouquet Bien d’autres personnes qui ont concouru au succès de cette manifestation

méritent d’être remerciés je donc extraire une à une d’un gros bouquet les fleurs méritées par chacun ils sont nombreux. J’espère n’oublier personne. Tout d’abord les premiers remerciements vont aux intervenants sans qui qui une manifestation de ce genre ne pourrai pas exister et qui ont pris sur leur temps, et dieu sait qu’il est précieux, pour venir exposer le résultat de qui ont leurs recherches et partager la réflexion de leurs collègues de nos étudiants et de responsables d’entreprises.

Il me faut aussi remercier - Amen ABIASSI directeur de l’iscid qui nous accueilli pendant une partie de

ces journées montrant ainsi que la synergie entre son établissement et le nôtre ne se limite pas à de belles paroles

- Les présidents de commission qui ont eu la lourde tâche de faire respecter scrupuleusement des horaires parfois bien courts par rapport au contenu et à la profondeur des interventions et des débats.

- les rapporteurs qui dans des délais courts et même records pour certains ont réussi à nous fournir des synthèses de si grandes qualités pour les commissions que c’était comme si nous y avions participé

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- nos étudiants pour leur écoute attentive et leur participation - et parmi spécialement Sabrina Allain, Barbara Dirda, Joeffrey Bertand,

benjamin Scotté, qui avant et pendant le colloque se sont dépenser sans compter pour que la profondeur de nos réflexions ne soient pas troublées par les problèmes d’organisation

- Thierry Drancourt responsable du Crous dont on se demande comment il a pu faire pour réussir avec les faibles moyens qui lui ont été octroyés à accompagner nos nourritures spirituelles de nourritures terrestres d’une si grande qualité

- l’ensemble des enseignants du gaco et ceux des autres départements de l’iut qui ont tous largement contribué au succès de ce colloque

- Jeane-marie Wailly et Hedi benrabbah qui m’ont aidé soutenu dans l’organisation

- Eric Hauew chef du département GACO qui du début à la fin nous a soutenu et ce n’était pas toujours facile tant les obstacles étaient nombreux

- Séverine BOUTEILLER enseignante d’anglais au GACO et fabienne BOULET enseignante d’anglais directrice des études du département techniques de commercialisation pour le travail de vérification, révision et parfois fabrication de traductions anglaises qui sans elles ne seraient pas d’une aussi bonne qualité

- stany Lardeur pour son travail de communication autour du colloque - La caso qui nous a aidés II UN SCOOP EVENTE A) Faux-départ Ils avaient pourtant juré de garder le silence jusqu’à la fin, jusqu’à la veille de

la date officielle du départ mais certains n’ont pas réussi à tenir leur langue et vous savez tous que pour cause de départ en retraite cette année ce colloque sera pour moi le dernier en tant qu’organisateur.

B) we shall over come Ce colloque sera donc pour moi le dernier en tant qu’organisateur je sais qu’il

est en bonne main puisque Jeane-marie Wailly et Hedi benrabbah vont l’an prochain passer de co-organisateurs à organisateurs le succès de la 9e édition est donc déjà assuré le thème est déjà connu

RESSOURCES HUMAINES, TERRITOIRES, FORMATION SUPÉRIEURES Vous pouvez déjà nous adresser vos propres communications et/ou celles de

vos collègues à l’adresse mail iutgaco-univ-littoral.fr [email protected] La revue européenne du droit social a déjà retenu un numéro spécial pour

publier les actes du prochain colloque que nous souhaitons aussi réussi que celui-ci auquel nous espérons vous revoir à nouveau

Marc Richevaux

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LES DROITS SOCIAUX

DANS L’UNION EUROPÉENNE (I)

Dan łOP Faculté de Droit et Sciences Sociales et Politiques Université Valahia de Târgovişte, Roumanie

Abstract: Social rights are also recognized by the addition of a legally binding

reference to the Charter of Fundamental Rights. It includes a chapter (track 4) on solidarity where a number of rights and principles directly related to the social area are. Are mentioned in the Charter as a number of social rights: the right to information and consultation of workers in the enterprise bargaining rights and collective action, the right of access to placement services under which all Everyone has the right of access to a free placement service, protection in the event of unjustified dismissal, fair working conditions and fair, the prohibition of child labor; reconcile family life and professional life, social security and welfare, protection of health, etc... If the European Union is founded on the indivisible, universal values of human dignity, freedom, equality and solidarity, it is necessary to strengthen the protection of fundamental rights in the light of changes in society, progress social and scientific and technological developments.

Keywords: The Charter of Fundamental rights, social rights, the protection of human rights, social development, legal regulation of social rights.

Le Traité de Lisbonne1 contient une «clause sociale» selon laquelle les

questions sociales (promotion d'un niveau élevé d'emploi, protection sociale adéquate, lutte contre l'exclusion sociale, etc.) doivent être prises en compte dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques de l'Union.

Les droits sociaux sont également reconnus par l'ajout d'une référence juridiquement contraignante à la Charte des droits fondamentaux2. Dans le préambule de la Charte il est prévu que,,, l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l’Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice", aussi qu’,, il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans une Charte, de renforcer la protection des droits fondamentaux à la lumière de l’évolution de la société, du progrès social et des développements scientifiques et technologiques".

La charte contient un chapitre (titre 4) sur la solidarité où figurent un certain nombre de droits et de principes ayant un rapport direct avec le domaine social

1 EUR -Lex, Official Journal, C 306, année 50, le 17 décembre 2007 2 Charte des droits fondamentaux, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2010, p. 391-404

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Un Droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise est prévue dans l’article 27, conformément à ce texte, les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile, dans les cas et conditions prévus par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.

Le but de la directive 2002/14/CE du 11 Mars 20023 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne est d'établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises ou établissements Communauté.

La directive s'applique (article 3), selon le choix effectué par les États membres: (A) aux entreprises employant au moins 50 salariés dans un État membre (B) ou aux établissements employant au moins 20 salariés dans un État membre.

En conformité avec les principes et les objectifs4 de la directive, les États membres peuvent prévoir des dispositions spécifiques applicables aux entreprises ou aux établissements qui poursuivent directement et essentiellement une politique, organisationnelle, religieuses, charitables, éducatives, scientifiques ou artistiques, et vise la participation et l'expression des opinions, à condition que, lors de l'entrée en vigueur de la présente directive, des dispositions de ce type existent déjà dans la législation nationale.

Les États membres peuvent déroger à la présente directive prévoyant des dispositions particulières applicables aux équipages des navires de haute mer.

Les modalités d'information et de consultation doivent (article 4) être faite sans préjudice des pratiques plus favorables aux travailleurs

Information et consultation impliquent: (A) des informations sur l'évolution récente et probable et la situation

économique de l'entreprise ou de l'établissement; B) l'information et la consultation sur le développement, la situation, la

structure probable de l'emploi au sein de l'entreprise ou de l'établissement ainsi que sur les mesures d'anticipation envisagées, notamment en cas de menace sur l'emploi travail;

(C) l'information et la consultation sur les décisions susceptibles d'entraîner des modifications importantes dans l'organisation du travail ou dans les relations contractuelles, y compris celles visées par les dispositions communautaires visées à l'article 9, paragraphe 1.

3 Journal Official, . L 80/2002, p.. 29 - 34 4 Ovidiu łinca, Drept social european. Drept comparat.LegislaŃie română, editura Lumina Lex, Bucureşti, 2005, p. 265.

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L'information se fait en un instant, d'une manière et avec un contenu et une forme approprié pour permettre, en particulier, aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation.

La consultation a lieu: (A) à la fois, d'une manière et avec un contenu et une forme appropriés ;

(B) au niveau pertinent de direction et de représentation, en fonction du sujet traité; (C) Selon les informations fournies par l'employeur conformément à l'article 2

(f) et l'avis que les représentants des travailleurs ont le droit de formuler; (D) pour permettre aux représentants des travailleurs de rencontrer l'employeur et d'obtenir une réponse motivée à tout avis qu'ils pourraient émettre; (E) pour parvenir à un accord sur les décisions au sein des pouvoirs de l'employeur visées au paragraphe 2 c

Pour l’information et la consultation, conformément à l'art. 5 et à l’accord les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris à celui de l’entreprise ou de l'établissement le soin de définir librement et à tout moment par voie d'accord négocié les modalités d'information et de consultation des travailleurs et les renouvellements ultérieurs de ces accords, tout en respectant les principes et les conditions et limites fixées par les États membres.

Les États membres prévoient (article 6) dans les conditions et limites fixées par la législation nationale, que les représentants et les experts qui les assistent ne sont pas autorisés à révéler aux travailleurs ou à d'autres personnes, les informations qui, dans l'intérêt légitime de l'entreprise ou de l'établissement ont été expressément communiquées à titre confidentiel.

Cette obligation s'applique partout où sont les dits représentants ou experts, même après l'expiration de leur mandat. Toutefois, un État membre peut autoriser les représentants des salariés et toutes les personnes les aidant à transmettre des informations confidentielles à des travailleurs et que les tiers doivent se conformer à l'obligation de confidentialité.

Les États membres prévoient, dans certains cas et dans les conditions et limites fixées par la législation nationale, que l'employeur n'est pas tenu de communiquer des informations ou d’entreprendre une consultation si les circonstances sont telles, que selon des critères objectifs, cela entraveraient gravement le fonctionnement de l'entreprise ou de l'établissement.

Sans préjudice des procédures nationales en vigueur, les États membres prévoient des procédures administratives ou judiciaires au cas où l'employeur exige la confidentialité ou ne donne pas d'informations. Ils peuvent également prévoir des procédures pour protéger la confidentialité de l'information.

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Les États membres veillent à ce que les représentants des salariés bénéficient dans l'exercice de leurs fonctions, d'une protection et de garanties suffisantes pour leur permettre d'accomplir correctement les tâches leur auraient été confiés (§ 7).

Les États membres prennent également des mesures appropriées contre les violations de la présente directive par l'employeur ou les représentants du personnel.

Ils veillent notamment à ce qu'il existe des procédures administratives ou judiciaires qui permettent la mise en œuvre des obligations découlant de la directive.

Les États membres prévoient des sanctions appropriées pour la violation de la présente directive par l'employeur ou les représentants des salariés. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

Il est prévu expressément que la directive est appliquée sans porter préjudice à l'information et à la consultation spécifiques prévus à l'article 2 de la directive 98/59/CE et l'article 7 de la directive 2001/23/CE. et aux dispositions adoptées en application des directives 94/45/CE et 97/74/CE ou autres droits à l'information, aux droits de consultation et de participation prévus dans la législation nationale.

La mise en œuvre de la présente directive ne doit pas être une raison suffisante pour justifier une régression par rapport à la situation existant dans les États membres pour le niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par la directive.

L'article 11 stipule que les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive ou s'assurent que, au plus tard à cette date, les partenaires sociaux ont mis en place les mesures nécessaires par voie d'accord, les États membres étant tenus de prendre toutes les mesures nécessaires leur permettre de garantir à tout moment les résultats imposés par la directive.

Les États membres informent immédiatement la Commission. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. États membres déterminent les modalités d'une telle référence.

Ainsi, la directive reconnaît à chaque employé d'une entreprise de l'Union européenne5, le droit à l'information et à la consultation, qui doit être exercé par les représentants. Les modalités d'information et de consultation sont établies et mis en œuvre en vertu du droit national et de la pratique des relations industrielles en vigueur dans chaque État membre, cela afin d'assurer l'efficacité de cette approche.

5 Francisc Kessler, Jean-Philippe Lhernould, Droit social et politiques sociale communautaires, Edition Liaisons, 2003., p. 187.

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En droit roumain, les exigences générales minimales pour le droit à l'information et à la consultation des travailleurs ont été récemment mises en place par la loi n. 467/20066 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs. Cette loi s'applique aux entreprises établies en Roumanie ayant au moins 20 salariés, à l'exclusion des marins de la marine marchande, en mission

Le Droit de négociation et d'actions collectives est consacré par l’article 28, le droit de l’Union consacre conformément aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève.

Le Droit d'accès aux services de placement en vertu duquel toute personne a le droit d’accéder à un service gratuit de placement, est prévu d’article 29.

Dans ce contexte la directive 2008/104/CE7 a établi des règles générales, pour toute la question du travail temporaire. Cette directive a été adoptée dans un contexte dans lequel ont été trouvées des différences considérables dans l'utilisation du travail temporaire et dans, le statut juridique et les condition de travail des travailleurs intérimaires dans l'Union européenne.

Il convient de mentionner que l'Organisation internationale du Travail a adopté une convention sur le sujet, à savoir la convention. 181/1997 sur les agences d'emploi privées ratifiés par la Roumanie et la recommandation correspondante no. 187/1997 sur les agences d'emploi privées emplois.

Le règlement est spécialement conçu pour assurer la pleine conformité avec l'article 31 de la Charte européenne des droits fondamentaux, qui prévoit que tout travailleur a droit à des conditions de travail où le respect de la santé, de la sécurité de la dignité, ainsi qu’une limitation de la durée maximale de travail, et un droit aux périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés (article 1 du préambule) sont assurés aux travailleurs.

La directive est également conforme au point 7 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, ce qui a, entre autres choses, comme conséquences que le marché intérieur doit conduire à une vie meilleure et à de meilleures conditions de travail des travailleurs dans la Communauté européenne, ce processus doit être atteint par l'harmonisation des progrès sur ces conditions, notamment sur les formes de travail telles que sur un contrat à durée déterminée, le travail à temps partiel, le travail le travail intérimaire et le travail saisonnier (article 2). Elle établit un cadre protecteur pour les travailleurs

6 Publliée dans La Gazette Officiel no.1006 du 18 décembre 2006. Journal Officiel, L 327/9, le 5 décembre 2008

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temporaires, ce qui est non discriminatoire, transparent et proportionné, respectant la diversité des marchés du travail et les partenaires sociaux.

Le travail temporaire est considéré comme un moyen commercial spécifique de l'emploi - non seulement répondre aux besoins de flexibilité des entreprises, mais aussi à la nécessité pour les employés d’harmoniser vie professionnelle et vie privée. Ainsi, le travail temporaire contribue à la création d'emplois et la participation au marché du travail et l'inclusion (pet. 11).

L'objectif de la directive, conformément à l'art. 2, est de protéger les travailleurs intérimaires et d'améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant que le principe de l'égalité de traitement, tel qu'énoncé à l'article 5, des travailleurs temporaires et en reconnaissant les agences de travail temporaires les employeurs, tout en tenant compte de la nécessité de mettre en place un cadre approprié pour l'utilisation du travail intérimaire pour contribuer efficacement à la création d'emplois et le développement de formes souples de travail.

L'établissement d'un cadre communautaire harmonisé sur la protection des travailleurs temporaires doit être fait dans les meilleures conditions par les États membres par l'introduction de prescriptions minimales applicables dans toute la Communauté (point 23).

Conformément à l'art. 1, directive s'applique: - aux travailleurs qui ont un contrat de travail ou qui sont dans une relation de

travail avec une agence de travail temporaire qui sont attribués à des entreprises utilisatrices pour y travailler temporairement sous leur supervision et la direction de celles-ci (section 1);

- aux entreprises publiques et privées qui sont des agences de travail intérimaire ou des entreprises utilisatrices exerçant une activité économique, qu'elles poursuivent ou non un but lucratif (article 2).

Du champ d'application de la directive, les États membres ne devraient pas exclure les travailleurs, les contrats de relations de travail ou d'emploi uniquement parce qu'ils se rapportent aux personnes qui travaillent à temps partiel, les travailleurs sous contrat à durée ou des personnes avec un contrat relation de travail avec une agence intérimaire [art. L'article 3. (2), deuxième phrase].

Le principe envisagé par la directive européenne est que les conditions de travail et l'emploi de travailleurs intérimaires devraient être au moins celles qui s'appliqueraient si les travailleurs étaient par l'entreprise utilisatrice pour occuper le même poste.

Les contrats à durée indéterminée sont la forme générale de la relation de travail pour les travailleurs qui ont un contrat à durée indéterminée avec une

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agence de travail temporaire comme, ce type de contrat offrent une protection spéciale on doit introduire une disposition permettant des dérogations aux règles applicables dans l'entreprise utilisatrice.

Améliorer la protection des travailleurs intérimaires doit être accompagnée d'un réexamen périodique des restrictions ou des interdictions qui ont été imposées sur le travail intérimaire.

Elles ne peuvent être justifiées que par l'intérêt général en ce qui concerne, en particulier, les exigences, de la protection des travailleurs, de la santé et de la sécurité au travail et de la nécessité d'assurer le bon fonctionnement du marché du travail et de prévenir les abus.

La Directive 2008/104/CE établit également une série de principes à l'intention des travailleurs temporaires. Il s'agit du principe de l'égalité de traitement, de la stabilité, «de base des conditions d'emploi et des conditions de travail des travailleurs intérimaires qui sont, pour la durée de travail temporaire dans une entreprise utilisatrice, au moins celles qui s'appliqueraient si ces travailleurs étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper la même place de travail [art. 5].

Les Réglementations en vigueur qui sont applicables aux utilisateurs professionnels sur la protection des femmes enceintes et des mères allaitantes et des enfants, la protection des jeunes ainsi que l’égalité de traitement des hommes et des femmes et toute action visant à lutter contre la discrimination fondée sur le sexe, l'origine raciale ou ethnique, la religion, les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, doivent être conforme aux lois, règlements, dispositions administratives, aux conventions collectives et / ou à toutes autres dispositions générales [para. 1].

Pour le principe de l'égalité de traitement des exceptions sont possibles, en consultation avec les partenaires sociaux. / Sur la, sauf lorsque les travailleurs temporaires qui ont un contrat à durée indéterminée avec une agence de travail temporaire ont une rémunération qui continue d'être versée pendant les périodes entre les affectations [para. (2)].

Les conventions collectives peuvent inclure, à leur tour, des provisions prévisions exceptionnelles sur les conditions de travail et d'emploi des travailleurs temporaires, mais dans le respect de leurs règles générales de protection [par. (3)].

Les États membres où il n'existe pas de système en droit de déclarer les conventions collectives universellement applicables ou un système de droit où la pratique qui est d'étendre leurs dispositions à toutes les entreprises similaires dans un secteur particulier ou une certaine zone géographique, peuvent, après consultation des partenaires sociaux au niveau national et un accord par eux établir

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des règlements sur les conditions de travail et les emplois dans déroger au principe d'égalité de traitement.

Ces règlements doivent toutefois respecter le droit communautaire et n'affectent pas les conventions et (accords) collectifs. Ils peuvent prévoir une transition vers le principe de l'égalité de traitement [par. (4)].

L'accès à l'emploi, aux équipements collectifs et à la formation professionnelle. L'article 6 de la directive réglementant les droits spécifiques qui sont ceux des travailleurs temporaires.

Tout d'abord, ils sont informés de l'existence d'un poste vacant dans l'entreprise utilisatrice pour leur donner la même possibilité de prendre un emploi permanent que les autres travailleurs de l'entreprise. Cette information peut être fournie par une annonce générale placée à un endroit approprié dans l'entreprise pour laquelle et sous le contrôle duquel les travailleurs temporaires sont engagés [par. (1)].

Il est interdit toute clause interdisant ou empêchant la conclusion d'un contrat de travail ou d'établir une relation de travail entre l'entreprise utilisatrice et le travailleur intérimaire après la fin de sa mission. Une telle clause, si elle existe, est nulle et non avenue ou doit pouvoir être déclarées nulles et non avenues [par. (2)].

Deuxièmement, il est prévu que les agences de travail temporaire ne facturerons pas de frais aux travailleurs temporaires pour leurs approches de l'utilisateur ou l'établissement d’un contrat de travail ou établir une relation de travail avec une entreprise utilisatrice après une tâches dans cette entreprise [par. (3)] ou pour recruter.

Troisièmement, les travailleurs temporaires ont accès aux services ou équipements collectifs de l'entreprise utilisatrice, en particulier: cantine, garderies et services de transport dans les mêmes conditions que les travailleurs employés directement par la société, à l'exception de la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives [para. (4)].

Il est indiqué également que les États membres prennent les mesures appropriées ou favorisent le dialogue entre les partenaires sociaux, conformément aux traditions et pratiques nationales, pour dans l'ordre:

a) améliorer l'accès des travailleurs intérimaires à la formation et de garder un contact avec l'agence d'emploi, même dans les périodes de mission, afin d'améliorer leur carrière et leur capacité à trouver un emploi;

b) améliorer l'accès des travailleurs intérimaires à la formation pour les travailleurs de l'entreprise utilisatrice [alinéa. 5].

Les travailleurs temporaires sont pris en compte, de la manière déterminé par les États membres dans le calcul du seuil au-dessus duquel sont formées les instances

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représentatives des travailleurs prévues par les législations communautaire et nationale et les conventions collectives dans l'agence pour l'emploi.

Information des représentants des travailleurs. Sans préjudice des dispositions nationales et communautaires relatives à l'information et à la consultation, plus contraignantes et / ou spécifiques et, en un rien de particulier de la directive,. 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 Mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, l'entreprise utilisatrice doit fournir des informations appropriées sur l'utilisation de travailleurs temporaires quand ils fournissent des informations sur la situation du personnel aux organisations représentant les travailleurs des entreprises établies en conformité avec la législation nationale et communautaire (article 8).

Une première exigence dans la mise en œuvre de la directive. En ce sens, l'art. 11, paragraphe 1 prévoit que les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive le 5 Décembre 2011, ou s'assurent que les partenaires sociaux prennent les mesures nécessaires en accord avec le même but.

Les États membres devraient également prévoir des mesures appropriées en cas de violation de la directive par l'agence de travail temporaire ou l'entreprise utilisatrice et déterminer les sanctions applicables aux violations des dispositions nationales transposant la norme européenne (art. 10).

Les États membres prévoient des sanctions appropriées en cas de violation de la directive par l'agence de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice. Ils veillent notamment à ce qu'il existe des procédures administratives ou judiciaires qui permettent aux obligations découlant de la directive d’être effectives. Les États membres déterminent les sanctions applicables aux violations des dispositions nationales transposant la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer leur mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

Il a - Logiquement que la directive n'affecte pas la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de favoriser ou de permettre des conventions collectives entre les partenaires sociaux plus favorables aux travailleurs

Cependant, la mise en œuvre de la directive ne constitue en aucun cas un motif suffisant pour justifier une réduction du niveau général de protection des travailleurs dans les domaines couverts.

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On ne doit pas porter atteinte aux droits des États membres et / ou des partenaires sociaux d’adopter, à la lumière de l'évolution des circonstances, des lois, des règlements administratifs, ou des ententes contractuelles différentes de celles en vigueur à la date d'adoption de la directive, à condition que les exigences minimales qui y sont contenues (art. 9).

La protection en cas de licenciement injustifié Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales (article 30).

La Directive 98/59/CE du Conseil du 20 Juillet 19988, vise au rapprochement des législations des arrangements et des procédures de licenciement collectif afin de renforcer la protection des travailleurs en cas de licenciement collectif. La directive est une version consolidée de la directive 75/129/CEE et de la directive 92/56/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs, qui ont été abrogés, conformément à l'art. 8.

En vertu de la directive (article 1) «licenciements collectifs»: les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque, selon le choix des États membres, le nombre de licenciements est: a) pour une période de 30 jours: au moins 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs, au moins 10% des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 mais pas plus de 300 travailleurs, au moins 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs, b) dans un délai de 90 jours, au moins 20, quel que soit le nombre de travailleurs employés.

Normalement, dans ces établissements; Pour calculer le nombre de licenciements, la cessation d'emploi qui se produit pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs est assimilé aux licenciements, à condition qu'il y ait au moins cinq licenciements. Elle ne s'applique pas dans les cas suivants: licenciements collectifs effectués dans le cadre de contrats de travail conclus pour une durée déterminée ou pour une obligation, sans eux, d’intervenir avant la date limite ou à l'expiration de ces contrats, pour les travailleurs ou les institutions gouvernementales comme publics, et les équipages maritimes.

Les États membres peuvent appliquer ou introduire des dispositions plus favorables aux travailleurs. Ainsi, l'art. 5 montre que, la «directive n'affecte pas le droit des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives plus favorables aux travailleurs."

8 J.O.C.E . L 225 du 12 août 1998.

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L'employeur qui prend en compte les effets des licenciements collectifs doit procéder à des consultations avec les représentants des travailleurs pour parvenir à un accord. Les Consultations portent au moins la capacité d'éviter ou de réduire les licenciements et d'atténuer les mesures sociales visant recours à couvrir sur la priorité ou de conversions travailleuses licenciées.

La Directive prévoit que les États membres peuvent prévoir que les représentants des travailleurs pourront faire appel à des experts que les règlements nationaux doivent prévoir.

Les employeurs doivent fournir l'information à tous les représentants concernés des travailleurs, et cela tout au long de la consultation, il le doivent, dans tous les cas, dans des motifs écrits, concernant la période où il est autorisé à procéder à des licenciements, le nombre et le type de travailleurs qu'il utilise habituellement, certain nombre de critères de recherche licenciement des travailleurs qui ont été sélectionnés, la méthode de calcul de l'indemnité.

Les obligations ci-dessus s'appliquent indépendamment du fait que la décision concernant les licenciements collectifs émanent de l'employeur ou de l'entreprise qui contrôle l'employeur. En ce qui concerne de prétendues violations de l'information, de la notification et des consultations la directive, ne considère pas comme une justification de la part de l'employeur que l'entreprise a pris la décision conduisant aux licenciements collectifs n'a pas fourni les informations nécessaires

La directive précise la procédure qui est nécessaire: l'employeur doit aviser par écrit toute autorité du licenciement projeté.

La notification doit contenir tous les renseignements pertinents sur le projet de licenciement, de consultation, à l'exception de la méthode de calcul des dommages.

Toutefois, en cas de cessation d'activité résultant d’une décision judiciaire, la notification n'est pas requise. L'employeur doit envoyer une copie de l'avis des représentants des travailleurs qui peuvent adresser leurs observations à l'autorité publique compétente.

L'article 6 prévoit que les États membres veillent à ce que les travailleurs et les représentants des travailleurs aient accès à des procédures administratives et judiciaires afin de permettre le respect des obligations existant en vertu de la directive.

Les Licenciements collectifs prennent effet au plus tard 30 jours après la notification, au cours de laquelle l'autorité publique compétente recherche des solutions.

Les États membres peuvent autoriser les autorités publiques à réduire ou prolonger jusqu'à 60 jours après la notification en cas de résolution de problèmes.

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Cet article n'est pas obligatoire pour les licenciements collectifs survenus immédiatement après la cessation d'une activité impliquant un tribunal.

L'employeur est informé des raisons de l'extension avant l'expiration de la période initiale. Il est également mentionné dans l'art. 7 l’Obligation des États membres de communiquer les dispositions fondamentales du droit interne déjà adoptées ou qu'ils adoptent dans le domaine régi par la directive.

En ce qui concerne le Royaume-Uni, la Cour de justice9 a jugé que l'État membre ne s'est pas conformé à la directive en raison de ce que sa législation n'oblige pas les employeurs à consulter les représentants des employés pour parvenir à un accord sur les questions énoncées dans la directive et ne prévoit pas de sanctions efficaces pour les cas où la consultation des travailleurs ne prend pas place dans le processus comme l'exige la directive.

En France, il est établi dans le Code du travail que l'employeur doit préparer le plan de restructuration et un plan de sauvegarde de l'emploi.

En Roumanie, l'application de restructuration, de privatisation et de liquidation apportent la notion de droit du licenciement collectif de travail, un exemple est l'ordonnance n. 98/199910 qui s'appliquent aux salariés employés sous contrat à durée indéterminée qui sont rejetés par les licenciements collectifs effectués dans le processus de restructuration, de réorganisation, de fermeture partielle ou complète du fonctionnement des entreprises, de privatisation ou de liquidation des entreprises, des sociétés nationales, des entreprises nationales et des entreprises de services publics, d'entreprises ou d'autres établissements placés sous l'autorité du gouvernement central ou local, les entreprises et les institutions financées par le budget et les fonds extrabudgétaires.

Comme indiqué dans la littérature11, cette loi est restée en vigueur formant avec les règles du droit commun du Code du travail sur les licenciements collectifs, bien que certaines règles ont été modifiées dans le même matériau à défaut de dispositions contenues dans le Code.

9 Arrêt du 8 juin 1994, îa C-383/92, dans Code annoté européen du travail, op.cit, p. 230 10 Publiée dans la Gazette Officielle, no. 303 du 29 juin 1999 11 I.T.Ştefǎnescu, Traiite du droit de travail, Woltdrs Kluwer édition, Bucarest, 2007, p. 360

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LA FRANCHISE, NOUVELLE ALTERNATIVE POUR LE TOURISME BULGARE

Prof. Dr. Dimitar Tadarakov Université d’Economie nationale et mondiale – Sofia, Bulgarie

Abstract: The main objective of this paper is to analyze and explore franchise

appurtenance to large companies as an alternative strategy for development of Bulgarian tourism. Special emphasis is placed on the specific features of the new business model. The advantages and disadvantages of modern franchising concept are explored. Attention is focused on tourism sector, which is a beneficiary of the irreversible process of globalization and its acceleration factor. As a result of the dynamic market transformations, there is a real need to review the impact of the restructuring priorities of socio-economic nature. The role of franchising in hospitality is highlighted. The main reasons for its rapid development in Bulgaria are defined and analyzed in details. An analysis of the Bulgarian franchise market is made and the main results of operation of the new business alternative to Bulgarian tourism are displayed.

Keywords: franchising, new alternative, Bulgarian tourism, economic development, advantages.

La franchise, business novateur et instrument intellectuel La franchise représente un instrument stratégique d’expansion de l’activité

commerciale à l’échelle nationale et internationale. Elle se fonde sur un contrat aux termes duquel au minimum deux personnes: d’une part le franchiseur, qui fournit l’enseigne, la marque et le système opérationnel, d’autre part le franchisé, qui paye des royalties pour rémunérer le droit d’opérer sous le nom et la forme du franchiseur1. La définition juridique du contrat de franchise en vertu de la réglementation bulgare qualifie cet instrument financier de «système commercial fondé sur la coopération suivie entre personnes physiques et morales financièrement indépendantes, dans lequel une personne dite franchiseur accorde à une autre personne, dite franchisé, le droit d’utiliser ou de développer un produit, une technologie ou un service commercial».

Les parties au contrat sont le franchiseur, qui crée le processus de production ou la méthode de l’activité commerciale, et les franchisés qui sont des entrepreneurs indépendants. Ces derniers obtiennent la possibilité et le droit d’appliquer et faire prospérer le processus ou la méthode, car ils détiennent le brevet ou la licence se rapportant à l’activité respective. L’originalité de la franchise réside dans la spécificité du mode de concession de droits d’usage sur un

1 Alon, I., Service Franchising: A Global Perspective, Springer, 2006, p. 264.

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ensemble d’éléments de la propriété intellectuelle couvrant une ou plusieurs licences de fabrication ou de distribution, designs industriels, brevets, secrets commerciaux, savoir-faire, ainsi que l’assistance technique et commerciale correspondante.

La marque commerciale a une importance clef, car c’est précisément son enregistrement dans les conditions prévues par la loi qui est à la base du système de franchise. Il est important de noter que le franchiseur demeure propriétaire des droits pendant toute la période du contrat. Le franchisé dispose uniquement de la possibilité d’utiliser la marque commerciale dans le cadre des opérations prévues au contrat2. Il est nécessaire dans ce contexte d’éclaircir la signification des termes savoir-faire et assistance commerciale. Le savoir-faire est l’ensemble des connaissances et méthodes pratiques dont dispose le franchiseur. Il doit être secret (incessible à des tiers hors du réseau), consistant (utile pour le franchisé) et identifiable (être décrit de façon compréhensible et répondre aux critères de confidentialité et de consistance)3. L’assistance technique et commerciale a pour but de faciliter la compréhension, l’assimilation et l’application du savoir-faire. Pour la mise en œuvre du contrat de franchise, le franchisé bénéficie de l’assistance ci-après:

� avant le démarrage de l’activité: formation du personnel, assistance pour le choix de l’emplacement, aide à l’obtention de financement, prospection et étude du marché, mise à disposition des logiciels nécessaires à la distribution des produits et à la publicité;

� après le démarrage de l’activité: soutien commercial, conseils sur des questions juridiques, financières et comptables, conception et réalisation de campagnes publicitaires, aide à l’analyse des résultats commerciaux4.

Au plan légal, la franchise a un caractère de réciprocité qui suppose l’établissement d’obligations mutuelles entre les parties. L’obligation principale du franchiseur est de concéder sa conception de réalisation d’activités commerciales. La signature du contrat de franchise engendre les conséquences ci-après:

� concept de la franchise: sur la base du contrat, le franchiseur concède au franchisé le droit d’utiliser le concept commercial qu’il a appliqué et testé dans des conditions réelles. L’expérience du franchiseur est la preuve de la vitalité du modèle commercial et le profit dégagé par ce dernier justifie la nécessité de sa mise en œuvre. Le pas suivant est le transfert du droit d’usage des concepts commerciaux créés et testés.

� droit d’entrée (droit d’intégration d’un réseau concret): c’est le prix que le franchisé doit payer pour intégrer le réseau de franchise, disposer du droit d’utilisation de la marque commerciale du franchiseur et de son savoir-faire pendant la durée du contrat. Généralement le droit d’entrée est fixé d’avance et

2 Hsu, L. T., The Franchise Decision and Financial Performance: An Examination of Restaurant Firms, ProQuest, 2007, p. 121.

3 Judd, R., R. Justis, Franchising: An Entrepreneur's Guide, Cengage Learning, 2007, p. 655. 4 Hoy, F., J. Stanworth, Franchising: An International Perspective, Routledge, 2003, p. 257.

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rémunère certains services comme l’assistance préliminaire avant démarrage de l’activité, la publicité et l’accompagnement au cours des quelques premiers mois.

� redevances périodiques (royalties): elles sont acquittées par le franchisé pour rémunérer les services fournis par le franchiseur: la concession de la marque commerciale et d’autres signes distinctifs, l’utilisation d’un savoir-faire actualisé, l’assistance commerciale et technique en cours de contrat et la formation professionnelle continue. Le contrat peut prévoir une redevance périodique minime, payable même si le franchisé ne réalise aucun revenu. Dans certains cas, le franchiseur peut renoncer à la perception de royalties. Les royalties sont importantes pour le franchiseur, car elles représentent sa principale source de revenus. Il doit pouvoir s’assurer de la rentabilité raisonnable de ses investissements pour maintenir et développer son savoir-faire et ouvrer à l’extension du réseau.

Bien que la coopération fondée sur le modèle de la franchise ait prouvé son succès au fil du temps, l’apparition de difficultés n’est pas à exclure. Parmi les aspects négatifs de la franchise figurent notamment:

� le fait que la rentabilité dépend des recettes du franchisé; � le risque de porter préjudice à la marque, aux produits et aux services, ainsi

qu’à la réputation du franchiseur, malgré le contrôle permanent qu’il exerce sur l’activité du franchisé. L’échec ponctuel d’un contrat de franchise peut se répercuter sur l’ensemble du réseau;

� le possible risque financier, au cas où la volonté d’expansion rapide de la marque pousse le franchiseur à accepter un niveau de royalties trop bas. Le cas échéant, le développement de la marque serait compromis par l’insécurité financière;

� fort de l’expérience transmise par le franchiseur, le franchisé bénéficie d’une plus grande capacité de manœuvre et peut s’appuyer sur les connaissances assimilées pour développer une activité autonome concurrente.

La franchise dans le tourisme Le tourisme est l’un des secteurs de forte croissance dans l’économie

mondiale, en dépit des pertes provoquées par la crise financière de 2008. Le secteur touristique est bénéficiaire du processus irréversible de mondialisation et représente un facteur d’accélération de cette tendance. C’est pourquoi, les stratégies d’intégration et de coopération propres au modèle de franchise sont une nécessité pour l’activité touristique. Une des formes possibles de partenariat est l’incorporation aux réseaux de franchise créés par les grandes compagnies, en tant que stratégie de développement du tourisme par intégration horizontale.

La franchise devient un concept commercial populaire non seulement en raison des avantages spécifiques qu’il assure aux franchiseurs et aux franchisés. Il est une forme de coopération appréciée du fait de l’amélioration du climat économique, favorisée par la stabilité réglementaire, le faible taux d’inflation et l’augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs.

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Les processus dynamiques de mondialisation exercent leur impact sur les services touristiques comme l’hôtellerie, la restauration, les divertissements, les activités de loisirs et les voyages internationaux. Les chaînes hôtelières se développent pour mieux satisfaire les besoins des nouveaux touristes. L’industrie touristique, en particulier le secteur de l’hôtellerie, sont représentés surtout par de grandes compagnies. Celles-ci proposent des produits standardisés et développent des stratégies globales leur permettant d’exploiter au mieux leur potentiel5.

Les chaînes hôtelières en pleine expansion appliquent le principe de séparation des immobilisations corporelles et des immobilisations incorporelles. Ces dernières comprennent la marque commerciale, l’enseigne, les brevets, les licences, etc. Elles préfèrent la création de sociétés disposant de biens immobiliers propres, séparées sur le plan juridique de celle possédant les immobilisations incorporelles. Une fois que l’activité commerciale a bien démarré, les grandes chaînes développent des réseaux, sans investir dans l’immobilier, afin de limiter les risques de dégradation de leur situation financière. Elles conquièrent les marchés internationaux au moyen de contrats de franchise, de gestion ou de bail. L’activité sous une marque hôtelière renommée, quel que soit le gérant – propriétaire dans le cas de franchise ou non propriétaire dans le cas de contrat de gestion – garantit la qualité des services.

Dans certains cas, les contrats de franchise dans l’hôtellerie exigent l’augmentation de la capacité d’accueil, ce qui est à l’avantage du franchiseur et du franchisé. Le franchiseur apporte sa marque, son enseigne, sa dénomination commerciale, son expérience et sa réputation. Pour lui, le franchisé est en même temps un client et un partenaire qui offre ses services techniques et financiers pour garantir le succès de la marque commerciale. Le franchiseur contribue à la gestion en prêtant au franchisé son système centralisé de réservation informatique, en réalisant des opérations de publicité qui contribuent au retour sur investissement et aux bénéfices. Le franchisé apporte son capital personnel et assume le risque financier de l’investissement. Son hôtel bénéficie également de l’application des standards de la marque en matière de confort et de services aux clients. Les services apportés au franchisé sont:

� services principaux, y compris le savoir-faire, l’assistance technique, la sécurité, le suivi régulier, l’exclusivité territoriale et les activités de publicité. Le franchiseur est rémunéré soit en pourcentage du chiffre d’affaires annuel de l’activité hôtelière ou du chiffre d’affaires total, soit à un prix fixe par chambre d’hôtel.

� services occasionnels – assistance prêtée au franchisé. Ce dernier peut exiger expressément des consultations en matière de publicité, des expertises en matière de gestion, d’ingénierie, de relations publiques, de formation et de qualification supplémentaire du personnel.

5 Parusheva, Т., Concept de développement performant dans l’hôtellerie, «Economie et gestion», revue de la Faculté d’économie de l’Université Néophyte Rilski, Blagoevgrad, Ve année, № 4, 2009, p.70-76.

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� services supplémentaires – ils sont généralement prévus à titre gracieux par le franchiseur et comprennent les services publicitaires pour l’ensemble de la chaîne, divers avantages accordés par les fournisseurs et des activités de formation.

Le premier pas vers l’association en réseau de franchise est le choix de la solution la plus rentable. Avec l’augmentation du nombre des sociétés d’hôtellerie proposant des contrats de franchise, le processus de sélection devient de plus en plus complexe. Outre les critères d’ordre général, il existe de nombreux autres facteurs à prendre en considération pour l’élargissement d’une chaîne d’hôtellerie internationale6.

Dimensions actuelles du marché de la franchise en Bulgarie Le développement rapide de la franchise en Bulgarie est la conséquence des

résultats concluants de ce business modèle, de la solidité des marques proposées et du succès des pratiques et procédures mise en œuvre. 55 % des candidats franchisés préfèrent cette solution en raison de la solidité de la marque; 62 % souhaitent faire partie intégrante d’une chaîne nationale; 75 % y voient un signe de rigueur des procédures de gestion. La franchise permet à chaque entrepreneur d’engager une activité commerciale indépendante sur la base d’un business modèle performant, sous une renommée et dans le respect des exigences de la compagnie.

En 2012, en Bulgarie existaient 3368 entreprises opérant sous la marque de chaînes de franchise, soit 16 % de plus qu’en 2011. Malgré l’entrée de franchiseurs mondiaux, 56 % des possibilités de franchise sont offertes par des compagnies bulgares. Les compagnies bulgares et internationales les plus connues opérant selon le modèle de la franchise sont des chaînes hôtelières comme Hilton, Sheraton, Kempinski, Accor, de même que Happy Bar & Grill, Eurofootball, Don Domat, Café-Pâtisserie Nedelya et Econt. Des conditions d’expansion supplémentaire de la franchise existent dans de nombreux secteurs de commercialisation de biens ou de services où ce modèle demeure peu connu.

Selon des études réalisées par l’Association internationale de la franchise, 82 % des entreprises ayant commencé leur activité sous franchise sont présentes sur le marché au bout de 5 ans. A titre de comparaison, 20 % seulement des entreprises ayant commencé leur activité de façon entièrement autonome parviennent à se maintenir au bout de 5 ans. Selon les prévisions, vers 2035 plus de 50 % des produits et services sur le marché mondial seront offerts par des entreprises opérant en franchise7. Selon des données de la dernière étude du marché de franchise pour l’année 2012, 48 % de ces entreprises amortissent le capital investi en 1 an, 31 %

6 Tadarakov, D., А. Pandzherova, Instruments financiers spécifiques: positionnement efficace dans l’activité touristique dans les conditions de la mondialisation, Recueil de rapports scientifiques de la Conférence scientifique internationale «Enjeux du commerce dans les conditions d’adhésion à l’Union européenne», Maison d’édition universitaire «Stopanstvo», S., 2007, p. 88-93.

7 www.franchise.org

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en 2 ans et 21 % en trois ans et plus8. L’investissement minimum de développement d’une chaîne de franchise est de 6 000 euros et comprend la documentation, la formation, les frais administratifs, l’acquisition des logiciels, la formation des managers, de même que l’étude de marketing.

La franchise élargit sa présence d’année en année sur le marché bulgare. La tendance à l’accroissement rapide des capacités des compagnies de franchise se maintient. Le nombre de franchiseurs étrangers et bulgares développant des réseaux sur le marché bulgare ne cesse d’augmenter. Les chaînes opérationnelles sont actuellement au nombre de 92. Les franchiseurs bulgares commencent à proposer des contrats de franchise au bout de 5 ans d’existence. Très peu attendent pour cela d’avoir une expérience de 10 ans sur le marché. Dans les différents secteurs, ce délai varie de 2 mois à 5 ans et dépend très largement du potentiel des franchisés.

Il faut noter que des entrepreneurs disposant d’expérience antérieure de commerce et de gestion atteignent plus rapidement le niveau souhaité de ventes et de marges. Les délais d’amortissement du capital investi sont sensiblement plus courts dans les franchises à petit budget concernant les services qui ne nécessitent pas de dépenses de remise en état, de location ou de salaires de personnel. Il est intéressant de constater que les franchiseurs sont propriétaires de 16 % des entreprises de la chaîne, les 84 % restants étant propriété des franchisés. La popularité de la franchise en Bulgarie ne cesse d’augmenter, bien que le nombre des entrepreneurs actifs connaissant la matière et le mode de fonctionnement de ce modèle ne soit pas élevé. Un des aspects importants est le soutien permanent de la part du franchiseur qui, très souvent, s’engage à organiser des formations dans les domaines de la documentation, du choix d’emplacement, du marketing et de la publicité.

Le montant moyen du droit d’entrée sur le marché de la franchise en Bulgarie a été de 9 000 euros en 2012. Dans les pays où cette le modèle est plus développé, ce montant est plus élevé. Aux Etats-Unis il est de 40 000 dollars (environ 30 000 euros). On observe la tendance à reporter sur le franchiseur les frais de la formation initiale, ce qui permet de faire démarrer l’entreprise à moindre coût et de rendre la franchise plus accessible aux entrepreneurs. Chaque franchiseur établit sa propre stratégie de prélèvements mensuels sur le chiffre d’affaires du franchisé. Il existe quatre démarches à cet égard: prélèvement d’un pourcentage du chiffre d’affaires, prélèvement d’une somme fixe, prélèvement d’un pourcentage du chiffre d’affaires assorti d’une petite somme fixe et aucun prélèvement mensuel, mais obligation pour le franchisé de se faire livrer les produits uniquement par le franchiseur. Les taux moyens de prélèvement mensuel sont de 6,2 % du chiffre d’affaires. Ce taux peut diminuer jusqu’à 2 ou 4 pour cent, selon le secteur, lorsqu’il est assorti d’une participation au fonds de publicité nationale. Dans ce dernier cas, le taux moyen pour 2012 est de 3,5 %, en baisse de 0,3 % par rapport à 2011 et de 0,7 % par rapport à 2010.

8 www.franchising.bg

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L’investissement global du lancement d’une entreprise en franchise est de l’ordre de 20 000 euro. Les résultats d’une récente étude montrent que, parmi les candidats franchisés, près de 67 % souhaitent débuter avec un capital de maximum 5 000 euro, 23 % de maximum 25 000 euro, 4 % de maximum 50 000 euro et 6 % de plus de 5 000 euro. Il est intéressant que la part de ces derniers est supérieure à celle des candidats franchisés se limitant à un maximum de 25 000 euro. Les données statistiques montrent qu’un franchiseur en Bulgarie couvre en moyenne 28,4 entreprises, soit une chaîne importante de franchisés, sur une durée moyenne des contrats de 4,5 ans. L’analyse de ces données montre une tendance au retour vers les chiffres de 2009, après une légère baisse en 20109.

Les systèmes de franchise peuvent venir de l’étranger ou être élaborés pour le marché bulgare par des compagnies solides. La pénétration de chaînes mondiales augmente, parallèlement à l’intérêt accru de compagnies étrangères pour le marché bulgare. Le principal problème vient de la faible connaissance du modèle opérationnel de la franchise en Bulgarie. 85 % des franchiseurs sont d’avis que le niveau d’information s’accroît, mais plutôt lentement. Ils voient une issue dans la pénétration de chaînes mondiales qui, grâce à leur popularité, pourront prouver à la population les avantages du partenariat en franchise. D’une manière générale, les possibilités de développement en Bulgarie du partenariat en franchise sont grandes. Des secteurs entiers offrant des produits ou des services ne sont toujours pas concernés, bien que possédant un bon potentiel de création de chaînes nationales.

Conclusions

� La franchise représente une stratégie nationale et internationale de développement du business.

� Les stratégies d’intégration et de coopération fondées sur le modèle de la franchise deviennent une nécessité et assurent un développement économique durable.

� Le développement rapide de la franchise en Bulgarie est une conséquence des résultats concluants de ce business modèle, de la solidité des marques proposées et du succès des pratiques et procédures mise en œuvre.

� Le principal problème en Bulgarie provient de la faible connaissance des avantages du système de la franchise et de son modèle de fonctionnement.

9 www.franchising.bg

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Postface

A la suite de la forte concurrence entre les pays touristiques leaders, le marché

mondial du tourisme a subi un développement exponentiel. Compte tenu de l’importance du tourisme pour les économies de nombreux pays, les entreprises de l’industrie touristique doivent nécessairement examiner sous un nouvel angle les impacts de la restructuration des grandes priorités socio-économiques. Au vu des résultats naturels du processus de mondialisation, nous avons pour devoir d’élaborer de nouveaux concepts de réussite durable des petites et moyennes entreprises, tels le modèle efficace de la franchise.

Bibliographie

1. Parusheva, Т., Concept de développement performant dans l’hôtellerie, «Economie et gestion», revue de la Faculté d’économie de l’Université Néophyte Rilski, Blagoevgrad, Ve année, № 4, 2009.

2. Tadarakov, D., А. Pandzherova, Instruments financiers spécifiques: positionnement efficace dans l’activité touristique dans les conditions de la mondialisation, Recueil de rapports scientifiques de la Conférence scientifique internationale «Enjeux du commerce dans les conditions d’adhésion à l’Union européenne», Maison d’édition universitaire «Stopanstvo», S., 2007.

3. Alon, I., Service Franchising: A Global Perspective, Springer, 2006. 4. Judd, R., R. Justis, Franchising: An Entrepreneur's Guide, Cengage Learning, 2007. 5. Hoy, F., J. Stanworth, Franchising: An International Perspective, Routledge, 2003. 6. Hsu, L. T., The Franchise Decision and Financial Performance: An Examination of Restaurant Firms, ProQuest, 2007.

7. www.franchise.org 8. www.franchising.bg

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LES ACHATS INTERNATIONAUX DURABLES,

UN OUTIL DE DIFFÉRENCIATION; L’EXEMPLE D’IKEA

David JESSULA Consultant en logistique Enseignant ULCO ISCID

Résumé: L’impact d’une politique d’achats internationaux durables sur la chaine de valeur

est aujourd’hui connu mais pas toujours intégré dans les stratégies d’entreprises. L’exemple d’Ikea apporte des réponses aux problématiques de la mise en œuvre d’une démarche d’achats responsables internationaux, à la définition d’une responsabilité environnementale d’entreprise et aux résultats à atteindre pour en faire un outil de différenciation.

La notion d’achats internationaux durables est maintenant citée dans la plupart

des stratégies d’achats. De nombreuses entreprises l’utilisent dans leur communication externe avec leurs clients. Elles font de même avec leurs actionnaires montrant ainsi qu’elles cherchent à respecter le concept de la Responsabilité sociale des entreprises, qui les oblige à intégrer les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités sur une base volontaire.

Le développement des achats à l’étranger, les choix de sous-traitance extérieure, la recherche de gains de productivité dans les pays low cost et l’intégration d’une logistique internationale ont posé de nouvelles questions sur la responsabilité environnementale des entreprises dans le cadre notamment de leurs missions de sourcing à l’international. (1)

D’autre part l’évolution de la législation, la pression des consommateurs, l’action des ONG ont conduit à une montée de la judiciarisation avec un renversement de la preuve qui oblige l’entreprise à justifier de ses comportements.

Or dans les faits, deux types de stratégie d’entreprise ont été constatés. Certaines entreprises, qui constitueraient la majorité, adoptent une attitude

passive, se contentant de respecter au mieux des réglementations qui leur paraissent imposées ; elles considèrent qu’elles évoluent dans un monde instable, sans vocabulaire commun, où le législateur a ménagé certains lobbies et que leur vocation n’est pas de privilégier des choix politiques.

D’autres entreprises, notamment celles qui sous-traitent à l’international une partie de leur production, ont fait des achats internationaux durables un outil de différenciation.

Pour comprendre la finalité de cette dernière stratégie, nous voudrions présenter les caractéristiques principales des achats internationaux durables, leur capacité à être présentés comme un outil de différenciation et en mesurer les résultats au niveau d’une entreprise: le cas d’IKEA.

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La notion d’achats internationaux durables s’inscrit dans celle plus générale de « développement durable » ou « sustainable development » définie dans de nombreux rapports: rapport sur l’Etat de l’environnement dans le monde (1951) de l’UICN (2), Halte à la croissance du Club de Rome (1968), Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain (1972), et le rapport Brundtland en 1987 qui définit le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. » Autrement dit, les entreprises doivent adopter un développement durable qui est socialement soutenable et économiquement viable mais aussi écologiquement vivable, afin de satisfaire nos besoins et les besoins des générations futures. Par la suite le phénomène du développement durable va s'accentuer avec la mise en avant des enjeux climatiques et environnementaux, ainsi que la pression exercée par l'opinion publique. C’est ainsi que vont apparaitre notamment la Déclaration de Rio en 1989 et le protocole de Kyoto en 1997.

Face à cette véritable nécessité, de nouvelles notions ont du être prises en compte dans le management des entreprises, comme celle de l’évaluation de la performance sous l’angle de trois piliers ou la notion de Triple Bottom Line. (5)

Trois piliers principaux doivent être intégrés: pilier économique (respect de saines pratiques de saine concurrence…), pilier environnemental et pilier social ; la notion de Triple Bottom Line correspond au triple P: People, Planet, Profit.

Le Triple Bottom Line reporting est devenu un outil d’évaluation des performances dans ces domaines. Son utilité a été renforcée par de multiples normes réglementaires comme:

- La loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques), votée en France en 2001. Avec cette loi, les entreprises cotées en bourse doivent présenter dans leur rapport annuel « les conséquences sociales et environnementales de leur activité ». - D’autres réglementations: projet de loi en Grande-Bretagne obligeant les entreprises publiques à publier une évaluation de leur performance sociale et environnementale, Global Reporting Initiative au niveau de la Communauté européenne, Loi Grenelle Environnement en France.

Face à ces enjeux, la plupart des entreprises ont tout d’abord recherché dans les certifications ISO une sorte de réassurance. Citons parmi ces dernières la norme ISO 14001, le règlement EMAS et la norme ISO 26000.

La norme ISO 14001 leur a ainsi permis d’espérer plusieurs avantages: image extérieure d’un comportement citoyen, communication interne valorisée, mobilisation du personnel autour d’un projet.

Le règlement EMAS (« Eco Management and Audit Scheme »), ou SMEA en français (« Système de Management Environnemental et d'Audit »), ou encore éco-audit, qui est un règlement européen créé en 1995 par l'Union européenne pour cadrer des démarches volontaires d'éco-management utilisant un système de management de l'environnement (SME), permet à toute entreprise déjà certifiée

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ISO 14001 d’obtenir un certificat EMAS si elle publie une déclaration environnementale conforme aux critères de l'EMAS.

Ce règlement EMAS permet à toute entreprise, collectivité ou organisation le désirant, d'évaluer, améliorer et rendre compte de ses performances environnementales dans un système de management environnemental reconnu, standardisé et crédible

La nouvelle norme ISO 26000 précise désormais comment s’engager dans une démarche d’achats responsables. Cette procédure est considérée comme une règle de régulation de la responsabilité sociale de l’entreprise en rendant plus claires les obligations dans ce domaine. Elle devrait conduire à un comportement plus innovant.

Malgré ce renforcement de la réglementation, on constate encore une déresponsabilisation du management qui recherche souvent un modèle de fonctionnement dans la limite du respect de procédures générales. Cela tient au fait que même si une entreprise est certifiée ISO, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle ne dégrade pas l’environnement ou qu’elle favorise le développement durable ; cela signifie qu’elle respecte les principes de la norme.

C’est la raison pour laquelle d’autres entreprises ont choisi d’aller plus loin en intégrant dans leur stratégie globale une démarche volontariste en faveur du développement durable.

Cette démarche s’appuie sur plusieurs principes: - Intégrer la notion de développement durable dans l’ensemble des achats ; cette notion ne saurait être segmentée voire limitée aux produits dangereux, la pollution de l’air et de l’eau et le traitement des déchets.

- prendre en charge leur responsabilité sociétale en recherchant un comportement transparent et éthique, cohérent avec le développement durable (comme le veut la norme ISO 26000)

- et pour certaines mettre en œuvre une nouvelle stratégie où les achats internationaux durables pourraient être utilisés comme un outil de différenciation.

Un outil de différenciation permet la mise en évidence des différences destinées à distinguer l’offre d’une entreprise de celle de ses concurrents. Utilisé dans le cadre du mix-marketing, il peut l’être également au niveau des achats.

Pour différencier, une démarche en trois temps est généralement mise en œuvre: - Identifier tous les éléments créateurs de valeur pour les clients - Elaborer la configuration de ces éléments qui composera l’offre et qui permettra à l’entreprise de bénéficier d’un avantage concurrentiel.

- Tenir compte du fait qu’un avantage concurrentiel doit être substantiel et durable.

Dans une société inquiète face à la mondialisation, les signes de qualité et

d'origine et surtout le souci affiché d’une politique d’achats internationaux durables ont pu devenir dans certains cas un outil de différenciation important.

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Le cas d’IKEA, qui sous-traite à l’international la quasi-totalité de sa production est particulièrement révélateur.

IKEA est une entreprise suédoise d’ameublement et de décoration de la maison. L’idée d’IKEA est de proposer une vaste gamme d’articles d’ameublement, esthétiques et fonctionnels, à de si bas prix que le plus grand nombre pourra les acheter. Le groupe IKEA opère dans 44 pays: 45 bureaux d’achat dans 31 pays, 1300 fournisseurs dans 54 pays, 26 dépôts et 10 centres de livraisons à domicile dans 16 pays. Son chiffre d’affaires est de 23 milliards d’euros en 2011. (3)

Les importations sont réparties ainsi: 67% d’Europe, 30% d’Asie (en particulier de Chine suivie d’autres pays comme le Bangladesh, l’Inde, le Pakistan, la Thaïlande, la Turquie et le Viêt-Nam) et 3% d’Amérique du Nord.

Dans sa politique d’achats internationaux, deux points méritent d’être approfondis: une condamnation en 2010 et une démarche d’achats responsables atypique.

Une condamnation en 2010 Ikea était poursuivi pour avoir détruit, sans dérogation préfectorale, plusieurs

espèces animales et végétales protégées lors de la construction d'une plate-forme logistique sur un terrain du port de Marseille situé à Fos-sur-Mer. (4)

Ikea a été condamné pour destruction d'espèces protégées à 30 000 euros d'amende, dont 10 000 avec sursis, par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence

Ikea avait obtenu pour le projet un avis favorable du Conseil national de la protection de la nature, mais il ne portait que sur des espèces d'orchidées, dont le groupe s'engageait à compenser la destruction par différentes mesures

Mais en 2008, alors que débutaient les travaux de défrichement pour bâtir l'entrepôt, un agent de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage constatait sur procès-verbal la destruction d'autres espèces de fleurs, d'oiseaux et de reptiles sur le site

Le directeur d'Ikea Développement, Jean-Louis Baillot, avait reconnu à la barre avoir omis de solliciter une dérogation de la préfecture avant de commencer les travaux. "C'était à Ikea de démontrer qu'il n'y avait pas d'espèces protégées sur le site", avait rétorqué le procureur ajoutant que la protection de la nature, "ce n'est pas qu'un coup de tampon de la préfecture en plus ou en moins".

A sa façon IKEA a posé le problème de la maitrise de la notion de développement durable. Celle-ci nécessite une vraie culture du changement permanent qui va au-delà d’un label de certification.

D’autres entreprises ont pris en compte les conséquences d’un manque de communication dans le domaine du développement durable ; c’est ainsi que Shell, qui s’était vu accusé d’un manque de transparence sur ses activités au Nigeria a décidé de publier un triple bottom line reporting (People, Planet and Profit) qui fait autorité aujourd’hui. (5)

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Ces événements ont sensibilisé les entreprises sur une démarche active qui puisse leur apporter une meilleure maitrise de l’image de l’entreprise et une intégration du développement durable dans les valeurs véhiculées dans la communication externe et interne.

Dans le cas d’IKEA, une stratégie d’achats responsables internationaux atypique a été mise en œuvre. Pour trois raisons:

1) IKEA n’a jamais sollicité de certification; Les contrôles des fournisseurs

ont lieu dans le cadre des audits de sa Charte de Code de conduite IWAY qui est effectuée par les bureaux d’achat.

Ce document comprend trois volets: • La politique IKEA en matière d’achat de produits pour l’aménagement de la maison (IWAY) • La politique IKEA en matière de prévention du travail des enfants • IWAY Standard (détail des exigences du code de conduite) Le code de conduite IKEA se fonde principalement sur la Déclaration

universelle des droits de l’Homme des Nations unies (1948), la Déclaration de l’Organisation internationale du travail sur les principes et droits fondamentaux du travail (les 8 conventions principales) (1998) et la Déclaration de Rio sur le développement durable (1992). Les détails des conventions et déclarations internationales dont s’inspire le code de conduite d’IKEA figurent dans le document « IWAY Standard ». Les responsables des bureaux d’achat sont chargés de veiller au respect des normes IWAY. IKEA s’assure ainsi que les questions environnementales et sociales soient une partie intégrante de leur travail au quotidien.

IKEA emploie 70 auditeurs (à temps plein ou partiel) dans ses bureaux d’achat. Ils ont pour mission d’assister les fournisseurs, notamment en convenant de

plans d’amélioration, en expliquant les exigences, en effectuant des visites de contrôle et en leur proposant des formations. L’auditeur procède à son inspection sur la base d’une check-list d’environ 90 critères précis sur les conditions de travail (travail des enfants y compris), l’environnement et les produits en bois.

Ceux-ci procèdent annuellement à une enquête de traçage pour déterminer la provenance du bois utilisé dans les produits IKEA. À cet effet, les fournisseurs doivent remplir un questionnaire sur l’origine du bois (massif, placage, contreplaqué et stratifié) qu’ils utilisent. IKEA peut ainsi déterminer à quel niveau se situent les divers fournisseurs.

En plus des audits IWAY, les fournisseurs doivent accepter de se soumettre à des audits de la chaîne d’approvisionnement bois, qui sont effectués par les experts en gestion forestière. Ces audits permettent de retracer tout le parcours du bois utilisé par le fournisseur, jusqu’à la forêt d’origine et donc, de vérifier l’exactitude des informations figurant dans le questionnaire de traçage.

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Dans d’autres entreprises certifiées, ce type d’implication a également été mis en œuvre. C’est ainsi que le Groupe Danone a créé « Danone Way » pour évaluer la responsabilité de toutes les sociétés filiales. Ce rapport comprend des questions couvrant le respect de l’environnement.

2) IKEA est allée beaucoup plus loin que la plupart des législateurs dans

sa définition de la responsabilité environnementale Des mesures ont été prises dans de nombreux pays pour intégrer les exigences

du développement durable dans le cycle d’achat: refonte du code des marchés publics, développement de la filière bio, plateforme commune d’achats responsables de grandes entreprises (SNCF, Saint-Gobain …), indicateurs en Allemagne, gestion des matières premières en Suisse…

L’originalité d’IKEA apparait au niveau de la production et des transports. Vis à vis de ses sous-traitants de production IKEA emploie 12 experts en gestion forestière dans différents endroits du monde.

Leur tâche est d’assister les bureaux d’achat IKEA dans la mise en œuvre des exigences de gestion forestière auprès des fournisseurs. Ils aident également les fournisseurs à s’approvisionner en bois provenant de forêts gérées de manière responsable.

IKEA soumet ses produits à des tests d’usage en conformité aux normes internationales en vigueur, en interne et dans des laboratoires externes agréés. La grande majorité de ces tests sont effectués dans son propre laboratoire agréé, qui est certifié ISO 17 025 et contrôlé une fois par an par des auditeurs externes.

D'autre part, partout dans le Groupe IKEA, on peut noter la présence de « coordinateurs environnement » qui ont pour rôle notamment d'informer leurs associés car il est indispensable pour les collaborateurs d'IKEA, qu'ils s'investissent dans le travail environnemental.

Parce que sa stratégie de développement a toujours intégré le respect des hommes et de l’environnement, IKEA a établi des partenariats avec plusieurs institutions et ONG afin de prendre les bonnes décisions. Pour la fabrication des produits, IKEA utilise 5 essences principales: le Pin à 47%, le Bouleau à 18%, l'Epicéa et le Sapin à 14%, l'Hêtre à 9%.

Vis-à-vis de ses transporteurs Préalablement à toute relation commerciale, le transporteur se doit de répondre

à des exigences environnementales de base (ne pas utiliser de camions de type EURO 0, établir un suivi régulier des émissions, former les chauffeurs à une conduite économique …).

Chaque transporteur devra ensuite mettre en place une démarche interne afin d’être conforme aux exigences sociales et environnementales de IKEA. Le respect de ces critères est validé par un audit, appelé IWAY, qui comporte 73 questions sur le respect de la législation.

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Afin de limiter les transports inutiles par camion, IKEA veille à remplir au maximum les remorques lors des livraisons des magasins. En 2006, le taux de remplissage des camions au départ des dépôts vers les magasins était de 61,2%, un taux performant étant donné les contraintes liées aux limitations de poids de charge dans les camions. En 2006, le transport des produits IKEA depuis les dépôts centraux vers les magasins en France a entraîné l’émission de 12 990 tonnes de CO2 alors que le transport depuis les fournisseurs vers les magasins directement a entraîné l’émission de 5 010 tonnes de CO2

La Charte environnementale EPS d’IKEA pour le transport précise: - Chaque transporteur ne doit pas utiliser de véhicules de plus de 10 ans. - Chaque transporteur doit se fixer un objectif de réduction de CO2 avec un

plan d’action dans les 3 années à venir.

Transport fluvial: - IKEA a signé un protocole avec VNF (Voies navigables de France) dont

l’objectif est de trouver des solutions pour accroître la part du transport fluvial.

Ferroutage: - A partir de mai 2010: 40 % de la marchandise en provenance de Fos s/ Mer

doit être acheminée par combinaison Rail/ Route représentant 10% de l’approvisionnement des magasins français.

IKEA met tout en œuvre pour réduire la quantité de déchets générés par ses activités, par exemple en réutilisant les emballages de transport et en réduisant les dégradations subies par les produits durant les opérations de manutention et de transport. Le recyclage des matériaux contribue non seulement à ménager les ressources mais peut également générer des économies substantielles. Les coûts de mise en décharge peuvent être réduits et, dans certains cas, il est possible de vendre les matériaux récupérables ou recyclables. La plupart des magasins et des dépôts centraux trient les déchets en différentes catégories: carton, papier, différents plastiques, bois, métaux, verre, etc... Les clients peuvent en général rapporter dans les magasins certains types de déchets comme les emballages, les piles usagées et les ampoules à faible consommation. 90% des déchets sont triés et recyclés ou valorisés.

3) IKEA a réellement appliqué ses principes et a obtenu des résultats concrets: - Résultats depuis septembre 2007: de 3 à 6 % de réduction de CO2 dans les

transports routiers - pour la région Europe Sud-Ouest (France, Espagne, Portugal), l’objectif de

passer du 100% route à la sortie des entrepôts à 90% route/10% rail-route est en train de se réaliser

IKEA s’est attaquée aux vrais problèmes environnementaux. Aucun législateur (sauf en Suisse) n’est allé aussi loin dans les exigences vis-vis du transport routier et dans les mesures volontaristes vis à vis de transports moins polluants comme le ferroutage et le fluvial.

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Le cas d’IKEA peut bien être considéré comme celui d’une entreprise qui aura fait des achats internationaux durables un outil de différenciation ; certes d’autres entreprises se sont engagées dans cette voie ; mais on peut retrouver dans cet exemple des réponses aux problématiques actuelles:

- les modèles de certification ISO présentent des déficiences et la législation n’évoluera probablement pas rapidement ; sans stratégie offensive, il existe un risque de sclérose du système.

- les processus décisionnels sont de plus en plus complexes ; c’est valable pour les achats internationaux durables. Il convient donc d’expliciter les objectifs et de les décliner à tous les niveaux.

- il est possible au niveau d’une entreprise d’instaurer un système de valeurs qui pourrait conduire à des comportements plus responsables.

David Jessula

(1) cf. J.M.Pitrou, La sous-traitance gagnant/gagnant, Ellipses Edition (2) X.Derouck, Comment intégrer de manière optimale les exigences du

développement durable dans une politique d’achats performante (3) Rapport annuel IKEA 2011 (4) Le Monde 03/06/2010 (5) Cf. mots clé Mots-clés: IKEA: L'acronyme IKEA (Ingvar Kamprad Elmtaryd Agunnaryd)

est composé à partir des premières lettres de son nom, du nom de la femme de ses parents (Elmtaryd) et du nom de son village (Agunnaryd)

Norme ISO 14001: cette norme est applicable à tout organisme qui souhaite: établir, mettre en œuvre, tenir à jour et améliorer un système de management environnemental, et s'assurer de sa conformité avec sa politique environnementale établie,

Norme ISO 26000: cette norme présente des lignes directrices pour tout type d'organisation cherchant à assumer la responsabilité des impacts des ses décisions et activités et en rendre compte.

Règlement EMAS: «Eco Management and Audit Scheme», ou SMEA en français «Système de Management Environnemental et d'Audit», ou encore éco-audit: règlement européen créé en 1995 par l'Union européenne pour cadrer des démarches volontaires d'éco-management utilisant un système de management de l'environnement (SME).

RSE: Responsabilité Sociale des Entreprises triple bottom line: notion de développement durable par l’évaluation de la

performance sous l’angle de trois piliers (économique, environnemental, social) UICN: Union Internationale pour la Conservation de la Nature et de ses

Ressources

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Bibliographie

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Développement durable et achats Marie Balmain, Élisabeth Laville, Achetons responsable!: Mieux consommer dans le respect des hommes et de la nature, Seuil, 2006

Guillaume Cantillon, Philippe Schiesser L'achat public durable, Editions du Moniteur, 2007 Guy Courtois et Pierre Ravenel Réussir un achat public durable, Editions du Moniteur, 2008 EA.J.Guérin, T.Libaert, Le développement durable, Dunod, 2008 E.Reynaud, Le développement durable au cœur de l’entrepris, Dunod, 2011 Commission européenne Acheter vert! – Un manuel sur les marchés publics écologiques; Commission européenne; Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes; 2005

RSE P.Battelier, E.Raufflet, Responsabilité sociale de l’entreprise, Presses internationales, 2008 E. de Cannart d’Hamale et alii, La Responsabilité sociale des Entreprises, concept, pratique et droit, ED.Vanden Broele, 2006

Michel Capron, Françoise Quainel-Lanoizelée La responsabilité sociale d'entreprise, La Découverte / Repères, 2007

Cécile Jolly, L'Entreprise responsable. Sociale, éthique, « verte »… et bénéficiaire ?,, Ed. du Félin, 2006

IKEA Olivier Bailly, Jean-Marc Caudron et Denis Lambert, Ikea: un modèle à démonter, Renaissance du livre, 2006.

Johan Stenebo, The Truth About IKEA: How IKEA Built Its Global Furniture Brand, Gibson Square Books Ltd, 2010

Bertill Torekull, Un design, un destin: La saga Ikéa, Michel Lafon, 2000. Catherine Vuillermot et Michel Villette, Portrait de l'homme d'affaires en prédateur, La Découverte Poche, 2007, p. 126-133.

Johan Stenebo, The Truth About IKEA: How IKEA Built Its Global Furniture Brand, Gibson Square Books Ltd, 2010

David Jessula, Docteur es sciences économiques et diplômé de l’Institut de Contrôle de Gestion,

a occupé des postes de responsabilité dans le secteur transport et développé son expérience de management dans des entreprises industrielles et de services.

Il a acquis un savoir-faire reconnu dans la mise en place de solutions immédiates destinées à optimiser l’efficacité et la rentabilité de la chaîne logistique globale (supply chain) depuis les achats fournisseurs jusqu’à l’utilisateur final. Il a également participé à l’implémentation de progiciels de gestion intégrés (ERP Oracle Applications) et à la conduite de différents projets.

Il est chargé de cours à l’ISCID et dans plusieurs établissements 6 rue Jules Simon 75015 PARIS [email protected]

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EFFET DE LA QUALITÉ DES INSTITUTIONS

SUR LA RELATION SPILLOVERS DE LA R&D-CROISSANCE: ANALYSE SUR LA COINTEGRATION EN DONNÉES DE

PANEL DANS LES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT

Sahbi GABSI∗ et Ali CHKIR∗∗ Abstract: Using recent techniques for estimating cointegration panel data, this paper

extends the analysis of Coe and Helpmen (1995) by including institutional variables such as the ease of doing business, legal origins, and religious majority to see if these variables have an impact on the R&D spillovers and affect the total factor productivity (TFP). However, it seems, as a result of these estimates, the variables of institutional quality are important factors that affect long-run the degree of externalities of R&D and, therefore, TFP countries developing.

Keywords: Spillovers, R&D, Institutions, Growth, Non-Stationary Panel Data.

1. Introduction

De nos jours, l’une des plus importantes politiques économiques auxquels font

face les économies est de savoir comment augmenter le taux de croissance à long terme de la production. De nombreux économistes pensent que le progrès technologique est le facteur qui pousse la croissance de la production et l’intégration économique dans le monde moderne. La technologie est fondamentale pour l’économie car elle touche tous les domaines de l’activité économique et tous les aspects de la performance économique, comme le niveau de la production, la qualité des produits, l’emploi, les salaires réels et les profits. La nouvelle théorie de la croissance (Romer, 1990 ; Grossman et Helpman, 1991 ; Aghion et Howitt, 1992) suggère que le progrès technique est le résultat direct d’un processus d’innovation qui implique la recherche et développement (R&D) cumulative.

Toutefois, la caractéristique intéressante de la technologie réside dans ses caractéristiques non rivales. Les investissements en R&D ne sont pas seulement importants pour ses propres investisseurs, mais aussi importants pour les autres produits technologiques contribuent à la base technologique général qui est ensuite accessible à tout le monde (les externalités technologiques). Ces externalités

∗ Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Sfax, Adresse : Route de l’Aéroport km 4 ; 3018 Sfax. Tél.: 74278879-74279710, Université de Sfax-Tunisie, Unité de Recherche Dynamique Économique et Environnement (URDEE): [email protected].

∗* Professeur à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Sfax, Université de Sfax-Tunisie, Adresse : BP : 1088, Route de l’Aéroport km 4 ; 3018 Sfax.

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impliquent qu’un pays bénéficie réellement des activités de R&D domestiques ainsi que des activités de R&D étrangère menées dans d’autres pays. En fait, plusieurs économistes ont essayé d’examiner les canaux par lesquels la technologie se diffuse à travers les pays. Jusqu’à présent, la littérature a caractérisé ce qui suit comme un conduit de transfert technologique: (a) le commerce (Coe et Helpman, 1995; Engelbrecht, 1997; Keller, 1998, 1999, 2002; Lee, 2006; Zhu et Jeon, 2007 ), l’investissement direct étranger (Lichtenberg et De La Potterie, 2001; Lee, 2006; Zhu et Jeon, 2007), et la proximité pure dans l’espace technologique (Park, 1995; Frantzen, 2002; Lee, 2006). Un autre canal potentiel des externalités de la R&D est le mouvement des travailleurs hautement qualifiés. Cependant, cette voie n’a pas été pleinement prise en compte dans la littérature.

Park (2004) et Le (2008) ont jusqu’à présent été parmi les premières études qui examinent ce canal spécifique. Toutefois, Park (2004) confirme les externalités de la R&D par le biais des flux d’élèves, Le (2008) prouve l’existence des externalités de la R&D par les flux de travailleurs hautement qualifiés.

Cependant, Coe et Helpman (1995) sont les premiers à fournir une évidence de l’importance du commerce dans la diffusion internationale de la technologie. Ils ont essayé de mesurer les spillovers technologiques internationales, véhiculées via le commerce, en utilisant des données agrégées pour 22 pays développés. Les estimations ont montré que pour le groupe de sept, le niveau de la productivité totale des facteurs est déterminé en premier lieu par les efforts de la R&D domestiques, alors que pour les petits pays, les externalités technologiques internationales incorporées dans les biens et services commercialisés jouent un rôle beaucoup plus important que celles d’origine domestique, avec des effets plus élevés pour les pays les plus ouverts à l’échange. De ce fait, une interaction significative a été observée entre la propension à l’importation et la capacité à tirer profit de la R&D étrangère.

Plusieurs travaux, succédant le papier de Coe et Helpman, ont critiqué les variables construites et les hypothèses développées par ces auteurs pionniers. Les critiques ont porté essentiellement sur la construction du stock de capital de la R&D étrangère. Lichtenberg et De La Potterie (1998) ont proposé des extensions en estimant les mêmes équations avec l’ajout d’une variable explicative supplémentaire exprimant les externalités étrangères. Leurs résultats montrent que plus un pays importe d’un autre pays, plus avancé en terme de R&D, plus il bénéficie d’externalités technologiques. Ils confirment l’hypothèse d’existence d’une corrélation positive entre le taux d’ouverture à l’échange et les spillovers de la R&D étrangère appropriée par chaque pays.

Keller (1998) a essayé de tester la validité statistique de la relation entre échanges internationaux et externalités technologiques. Dans la construction du stock de capital de R&D étrangère, il a procédé par la construction des pondérations fictives calculées par des simulations Monte Carlo au lieu des pondérations basées sur les proportions d’importations réelles. Les résultats statistiquement plus significatifs et les coefficients plus élevés ont mis en cause les estimations de Coe et Helpman et donc la relation entre les externalités

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technologiques et le commerce. Cependant, Keller a été lui-même critiqué par Coe et Hoffmaister (1999) sur la base des pondérations aléatoires qu’il a utilisées.

Ces discussions ont amené Lumenga-Neso et al. (2001) à penser autrement sur le sujet. Ils ont construit une nouvelle variable qui explique les externalités technologiques, à savoir, les spillovers internationaux de R&D indirectement liés au commerce. Les résultats de l’étude de ces auteurs vérifient l’importance de commerce dans la transmission des connaissances au niveau international, mais contredisent les idées de Coe et Helpman concernant la forte dépendance entre les flux des R&D étrangers d’un pays avec sa structure d’échange.

Plus récemment, Connoly (2003) a confirmé le rôle des importations des biens high-tech dans la diffusion internationale de la technologie. Elle a conclut que l’imitation domestique de l’innovation dépend absolument des importations high-tech des pays développés. En outre, elle suggère que les pays les moins développés comptent plus sur le commerce des biens pour accéder à la technologie étrangère.

En résumé, malgré que les travaux théoriques ayant étudié le problème du transfert technologique véhiculé par le commerce international n’aient pas réussi à trancher sur un effet favorable ou défavorable de l’ouverture sur la croissance économique, les travaux empiriques ont aboutit dans la plus part des cas à des résultats homogènes précisant un effet positif de l’ouverture sur la croissance. Cependant, ces travaux présentent des insuffisances liées aux indicateurs retenus pour mesurer l’ouverture, les facteurs influent le transfert technologique comme la qualité des institutions et notamment aux méthodes économétriques utilisées qui ne permettent pas de contrôler de façon rigoureuse les biais liés à l’hétérogénéité individuelle.

Cet article présente l’impact des facteurs institutionnels sur le degré des externalités de R&D et indirectement sur la croissance économique des pays en voie de développement. La plus intéressante est que, contrairement aux idées reçues, le présent papier ne trouve aucune preuve solide qui soutient l’hypothèse que les pays où la facilité de faire des affaires est relativement élevée ont tendance à bénéficier davantage des externalités de R&D internationales. Il n’y a également aucune preuve que les origines juridiques et le facteur religieux majoritaire d’un pays en voie de développement influer sur la mesure dans laquelle elle bénéficie de la base de connaissances étrangère.

Le reste du papier est organisé comme suit. La deuxième section résume les principales caractéristiques des données et la construction de certaines variables clés utilisées pour l’estimation de régression du papier. La troisième section présente le modèle empirique et les conclusions qui incluent une brève description des techniques économétriques de cointégration sur panel.

En ce qui suit nous allons donc examiner d’abord les variables utilisées dans la modélisation empirique, spécifier ensuite le cadre économétrique retenu dans cette étude, et présenter enfin les principaux résultats obtenus des estimations réalisées.

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2. Présentation des variables et leurs sources

Les variables qui seront présentées sont recueillies pour un panel de 24 pays en

voie de développement1 sur la période 2003–2012. Les variables prises dans notre étude sont: la productivité totale des facteurs comme variable endogène (PTF), les stocks de la R&D domestique (SRN) ou étranger (SRE), les variables institutionnelles et les termes d’interactions ou croisés.

2.1. La Productivité Totale des Facteurs

La PTF est mesurée par la méthode de la comptabilité de la croissance dans laquelle la PTF est synonyme d’un progrès technique. Autrement dit, la PTF n’est autre que la part de la croissance non expliquée par les quantités physiques de deux facteurs traditionnels (le capital et le travail). Pour chaque pays de l’échantillon, la PTF est calculée à partir d’une fonction de production Cobb-Douglas à rendements d’échelle constants de la manière suivante:

ββ −=

1tt

tt

LK

YPTF

Avec, Yt, Kt et Lt représentent respectivement le produit intérieur brut réel, le stock du capital physique et la population active occupée à l’instant t. Puisque la contribution de la PTF dépend de l’élasticité de la production par rapport au capital physique, Nous avons calculé la PTF en supposant une valeur de 0.4 de β qui est souvent utilisée dans les travaux empiriques (Mankiw et al. 1992 ; Coe et al. 1997 ; Senhadji 2000)2.

Ainsi, le stock du capital physique est calculé par la méthode de l’inventaire permanent:

1)1( −−+= ttt KInvK δ

Où Inv est la formation brute du capital fixe (FBCF)3 et δ est le taux de dépréciation du capital physique (δ = 6%)4. A t=0, le stock du capital physique

initial est δ+

=g

InvK 00 ; avec Inv0 est l’investissement initial et (g) est le taux de

croissance annuel de l’investissement.

1 En se basant sur la classification de la Banque Mondiale pour le choix des pays en voie de développement, nous avons fourni une liste détaillée de pays dans l’annexe n°1.

2 En étudiant les sources de la croissance durant la période 1960-1994, Senhadji (2000) considère une part du capital égale à 0.4 pour les différentes régions du monde. Mankiw et al. (1992) supposent que la part du capital physique dans le revenu est égale à 1/3. Chez Coe et al. (1997), cette élasticité est aussi supposée égale à 0.4.

3 Les données de la FBCF sont extraites des indicateurs de la Banque Mondiale (2013). 4 D’après Hall et Jones (1999).

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Par ailleurs, nous avons utilisé pour le calcul de la PTF respectivement le PIB réel, la FBCF et la population active occupée. Les données, pour les 24 pays de notre échantillon représentatif, relatives à cette variable sont extraites à partir du CD-Rom de la Banque Mondiale, « Indicateurs sur le Développement dans le Monde » (WDI), dans sa version 2013.

2.2. Stock de R&D domestique

Les données relatives à la R&D domestique sont obtenues à partir du CD-ROM de la Banque Mondiale, dans sa version 2013 ou de l’ISU (2013).

En effet, on appelle la R&D domestique, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD). Elle correspond aux travaux de R&D exécutés sur le territoire national (SRN) quelque soit l’origine des fonds. Tous ces données sont en millions $ PPA courantes.

2.3. Stock de R&D étranger

Le stock de R&D étranger mesure la diffusion technologique provenant des pays avancés qui n’est pas sans effet sur la croissance des pays hôtes. Avant de construire ces variables, il est nécessaire de calculer le stock de capital de R&D domestique (SRN) de chaque pays (j), partenaire à l’échange avec les pays de notre échantillon. Pour chaque pays destinataire, le stock de R&D étranger est la somme des stocks de R&D domestique des sept pays avancés5, pondérés par les parts du commerce bilatéral effectué avec chaque pays. Dés lors, il est indispensable de calculer au préalable les stocks de R&D domestiques des pays avancés. La méthode utilisée est celle de l’inventaire permanent. Ainsi, le stock de R&D de l’année t est égal à sa valeur en t-1, ajusté d’un taux de dépréciation auquel nous ajoutons l’investissement de l’année t, mesuré par les dépenses internes en R&D6.

1&)1(& −−+= ttt DRDRSR δ

Où R&Dt représente l’investissement en R&D de l’année t et δ son taux de dépréciation. En s’inspirant de Coe et Helpman (1995), nous retenons pour ce taux la valeur de 5%. Selon la spécification de Griliches (1980), le stock de R&D initial (SR0) est égal à l’investissement initial R&D0 divisé par la somme du taux de croissance annuel g, de l’investissement en R&D (R&Dt) et du taux de dépréciation de la R&D.

)(

& 00

δ+=

g

DRSR

5 Les pays avancés sont les USA, le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande Bretagne et le Japon. 6 Les dépenses internes en R&D à prix constant sont calculées en multipliant le ratio DIRD/PIB par le PIB aux prix constants de 1995 en dollars USA. Ensuite, on a utilisé cette série pour calculer le stock de R&D.

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Les données relatives aux flux des dépenses en R&D (en pourcentage du PIB) sont prises de la base de données de l’OCDE (indicateurs de science et de technologie 2013).

A partir des stocks de R&D des sept pays développés, nous pouvons déterminer la variable représentant la diffusion des fruits de la recherche vers d’autres pays en suivant l’approche adoptée par Coe et Helpman (1995) qui retiennent la mesure suivante:

it

jt

jijt

Eit m

SRmSR ∑

=

=7

1

Où EitSR est le stock de R&D étranger allant au pays i à l’instant (t), mijt

représente les importations des biens d’équipements du pays i en provenance du pays développés j à l’instant (t), mit désigne les importations totale du pays i à l’instant (t). La base de données CHELEM (2013) décrivant d’une manière détaillée les relations commerciales entre les différents pays permet de calculer le stock de R&D étranger.

2.4. Les variables institutionnelles

Afin de vérifier si le facteur institutionnel joue un rôle essentiel dans la diffusion de la technologie affecte au-delà des frontières, ce papier se concentre principalement sur trois mesures différentes des institutions qui sont utilisés largement dans la littérature:

- La facilité de faire des affaires (Fa): Il s’agit d’un classement moyen des pays fournis par la Banque Mondiale (2013). Ce classement est basé sur plusieurs critères, tels que la création d’entreprise, l’octroi de licences, le commerce transfrontalier et l’exécution des contrats. En effet, les économies qui se situent à un niveau élevé du classement sur la facilité de faire des affaires tendent à combiner des processus de réglementation efficaces avec des institutions juridiques solides qui protègent les droits de propriété et les droits de l’investisseur. Cette variable est extraite de la nouvelle base des données « Doing Business 2013 7» de la Banque Mondiale.

- Les origines de systèmes juridiques en droit français ou en anglais (Sj): Les données sont extraites de La Porta et al. (1999)8.

- La majorité religieuse catholique, musulmane ou autre (Mr): Les données proviennent également de La Porta et al. (1999).

Selon La Porta et al. (1999), les théories des déterminants des institutions peuvent être classées en trois grandes catégories: économiques, politiques, et

7 Les données de la « Doing Business » 2013 ont été actualisées en date du 1er juin 2012. Les indicateurs sont utilisés pour analyser les résultats économiques et identifier les réformes de la réglementation des affaires qui ont porté leurs fruits, les économies où elles ont été adoptées et la raison de leur mise en œuvre. http://www.doingbusiness.org/data/

8 http://www.nsd.uib.no/macrodataguide/set.html?id=36&sub=1

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culturelles. Le but d’utiliser les variables mentionnées ci-dessus est de caractériser tous ces points de vue. Alors que la facilité de faire des affaires est en conformité avec les théories économiques, les systèmes juridiques reflètent les théories politiques, la majorité religieuse représente les théories culturelles. Par comparaison avec les autres variables, dans quelle mesure les facteurs religieux peuvent affecter la performance institutionnelle puis le processus de diffusion des connaissances, est moins clair. La Porta et al. (1999) soulignent que, de l’avis des théories culturelles, les facteurs religieux capturer l’éthique du travail, la tolérance, et d’autres caractéristiques de la société à partir de laquelle un gouvernement est formé. Par exemple, les doctrines de religions catholiques et musulmanes ont tendance à rendre les pays avec une part importante de catholiques ou de musulmans dans la population plus interventionniste que d’autres. En conséquence, les facteurs religieux peuvent influer sur la manière dont les pays font leurs politiques et faire des affaires, en particulier, le commerce international ou de l’éducation, avec d’autres pays. Ceci, à son tour, peut avoir une incidence sur l’accès des pays à base technologique étrangère.

Cependant, sauf pour la «facilité de faire des affaires» qui, dans une certaine mesure, reflète la performance institutionnelle, les deux autres variables caractérisent principalement les conceptions institutionnelles. Le but de l’utilisation de ces variables institutionnelles est d’éviter les problèmes d’endogénéité entre les institutions et la croissance (Hall et Jones, 1999 ; Dollar et Kraay, 2003).

Les Modèles institutionnels tels que les origines juridiques, et la majorité religieuse changent rarement et sont donc relativement moins sujettes aux problèmes d’endogénéité par rapport aux mesures de performance institutionnelle.

2.5. Les Termes croisés ou d’interactions

La variable ( itit INSTSR * ) est le terme interactif mesurant la mise en place

les différents stocks de la R&D et les variables institutionnelles.

3. Méthodes et Résultat d’estimation Nous présentons dans cette partie les résultats des estimations des équations

présentées là-dessus en utilisant différentes méthodes. Nous proposons une analyse d’intégration-cointégration sur panel, en utilisant les méthodes des moindres carrés complètement modifiés (FMOLS) et des moindres carrés dynamiques (DOLS) qui prennent en compte la présence de racines unitaires dans les séries.

3.1. La méthode des données de panel non stationnaire

Il est maintenant traditionnel en macroéconomie de tester la présence d’une racine unitaire au sein d’une série chronologique. Les versions panel de ces tests ont

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été récemment développées pour remédier au manque de performance des tests de racine unitaire traditionnels lorsque le nombre de périodes est relativement limité.

3.1.1. Tests de racine unitaire Lors des estimations du modèle, nous n’avons pas pris en considération le

problème de stationnarité des variables. Ceci limite la robustesse des résultats obtenus étant donné les biais d’estimations des paramètres liés à la non-prise en compte des propriétés de non-stationnarité des séries. En effet, et pour pallier à ce problème, une série de tests de racines unitaires sont devenus une démarche courante pour l’analyse de la stationnarité des séries du panel (annexe n°2). Les tests les plus connus sont ceux de Levin et al. (2002), de Breitung (2000), de Im et al. (2003), de Maddala et Wu (1999) et enfin de Hadri (2000).

Le test le plus fréquemment utilisé, lorsque la dimension temporelle est limitée, est celui de Im et al. (2003) (IPS) qui proposent des tests permettant de détecter la présence de racine unitaire dans les modèles de type ADF. Dans cette partie, nous cherchons à étudier l’ordre d’intégration des séries et les relations de cointégration entre les variables. Pour étudier la non stationnarité, nous utilisons le test d’IPS présenté par l’équation suivante:

itii

k

1jjitij1itiit εtδµ∆yyρy

i

∆ +++∑+==

−− ϕ

Avec k le nombre de retards choisis de façon à éliminer l’auto-corrélation des résidus.

Le test IPS est calculé comme étant la statistique t moyenne des régressions de Dickey-Fuller avec et sans tendance. La statistique alternative t-bar permettant de tester l’hypothèse nulle de racine unitaire pour tous les individus (βi = 0) est la suivante:

∑==

− N

1iiiTiNT )(ρt

N

1)(ρt

Avec )( iiTt ρ : tests ADF estimés, N: nombre des individus et T: nombre des

observations. Im et al. (2003) proposent d’utiliser la statistique standardisée suivante:

21NTNTNT

21i ))t/(var())tE(t((N)Z

−−−

−=

Où )( NTtE−

: Moyennes arithmétiques ; )( NTtVar−

: Variances des statistiques ADF individuelles.

L’étude d’IPS montre que cette statistique standardisée converge faiblement vers la distribution normale centrée réduite, ce qui permet de la comparer aux valeurs critiques de la distribution N (0,1). Les résultats des tests IPS menés sur nos variables en niveau puis en différence première sont présentés dans le tableau suivant9:

9 Les résultats du test IPS (2003) sont présentés dans l’annexe n°2.

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Tableau 1. Les résultats du test IPS (2003)

Variables Sans tendance Avec tendance Log(PTF) I (1) I (1) Log(SRE) I (1) I (1) Log(SRN) I (1) I (1) Log(SRE)*Fa I (1) I (1) Log(SRE)*Sj I (1) I (1) Log(SRE)*Mr I (1) I (1)

N.B.: I(1): indique que la série est stationnaire en différence 1ère. Sur les variables en niveau, les statistiques w-tbar sont toutes supérieures à la

valeur critique de -1,645, donc nous ne rejetons pas, au seuil de 5%, l’hypothèse nulle de la présence d’une racine unitaire sur chacune des variables. Ces tests sont effectués avec 3 retards sur la partie augmentée de la régression ADF. L’ajout d’un trend déterministe spécifique à chaque pays ne change pas nos conclusions. Pour les tests IPS sur les variables prises en différence première, on rejette cette fois-ci l’hypothèse nulle au seuil de 5%. Nous concluons donc que nos variables sont toutes non-stationnaires et intégrées d’ordre 1. En présence de variables non-stationnaires, il existe une possibilité d’obtenir des régressions factices entre nos variables. Une façon de contourner ce problème est d’utiliser les techniques de cointégration habituelles. Notre nombre relativement limité d’observations entraîne une perte importante de puissance sur l’utilisation des tests de cointégration développés pour les séries chronologiques. Ceci peut nous conduire à accepter l’hypothèse nulle de non-cointégration alors que l’hypothèse alternative est vraie.

C’est pourquoi, il est préférable de mettre en œuvre les techniques de cointégration développées récemment dans le cadre des données en panel. Ainsi, la vérification des propriétés de non stationnarité pour toutes les variables du panel nous amène à étudier l’existence d’une relation de long terme entre les variables.

3.1.2. Tests de cointégration Pour étudier l’existence d’une relation de cointégration, nous nous somme

référés aux travaux de Pedroni (1999, 2004), dont l’hypothèse nulle est de tester l’absence de cointégration basée sur les tests de racines unitaires sur des résidus estimés. Pedroni a développé sept tests de cointégration sur des données de panel10. Ces tests prennent en compte l’hétérogénéité au niveau de la relation de cointégration c’est-à-dire que pour chaque individu il existe une ou plusieurs relations de cointégration non nécessairement identiques pour chacun des individus du panel.

Par ailleurs, Pedroni agrège les résultats selon la dimension intra (donnant lieu à des tests de cointégration appelés « Panel ») ou selon la dimension inter (donnant lieu à des

10 Dans les 7 tests de Pedroni, quatre sont basés sur la dimension Within (intra) et trois sont basés sur la dimension Between (inter).

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tests de cointégration appelés « Group »). Les statistiques « Panel » ou « Group » sont calculées en se basant sur l’approche de Dickey-Fuller Augmenté (ADF) ou l’approche non paramétrique de Phillips-Perron (PP). Les statistiques de test sont ensuite normalisées de façon appropriée en prenant les valeurs pour la moyenne et la variance publiées par Pedroni (1999).Nous obtenons ainsi différentes statistiques qui convergent vers une loi normale centrée réduite sous l’hypothèse nulle de non-cointégration.

Ainsi, chacune des 7 statistiques suit une loi normale centrée réduite pour N et T suffisamment importants:

( )0;1Nυ

NµzNT →−

Où NTz : l’une des sept statistiques ;µ et ν : les valeurs des moments tabulées

par Pedroni. Comme pour le test IPS, le rejet de l’hypothèse nulle s’effectue selon un test unilatéral: si la statistique calculée est inférieure à -1,645, nous rejetterons l’hypothèse nulle de non-cointégration au seuil de 5%.

Les résultats des tests de Pedroni sont présentés au tableau n°3 ; ces tests incluent, comme pour le test IPS, des variables muettes temporelles communes.

Tableau 2. Tests de cointégration de la PTF et ses déterminants (Pedroni 1999)

panel v-stat(b)

panel rho-stat(b)

panel pp-stat(b)

panel adf-stat(b)

group rho-stat(a)

group pp-stat(a)

group adf-stat(a)

Équation 1

2.62190 -3.38409 -6.94252 -5.89050 -2.03902 -4.84560 -5.85566

Équation 2

3.80976 -5.20555 -2.87684 -3.18355 -6.92409 -4.31635 -3.54910

Équation 3

2.12998 -4.37825 -6.84011 -3.88451 -5.92834 -3.85432 -2.55518

Équation 4

3.75580 -2.20417 -2.96556 -6.24741 -5.84377 -3.64905 -6.33570

(a): Il s’agit des tests basés sur la dimension BETWEEN (b): Il s’agit des tests basés sur la dimension WITHIN A partir des résultats des tests de cointégration de Pedroni, nous remarquons

que l’ensemble des statistiques (panel: rho, pp et adf ; group: rho, pp et adf) sont inférieures à la valeur critique de la loi normale pour un seuil de 5%. Donc, l’ensemble de ces tests confirme l’existence d’une relation de cointégration.

3.1.3. Relation de cointégration Dans la littérature, nous avons recensé plusieurs approches d’estimation des

vecteurs de cointégration pour les données de panel. Tout comme l’analyse temporelle, il existe un débat entre une estimation sur les résidus dans la logique de Granger ou au contraire, la recherche de vecteur de cointégration dans la lignée des travaux de Johansen.

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Pour estimer des systèmes de variables cointégrées sur données de panel et pour dégager les tests sur les vecteurs de cointégration, il est indispensable d’appliquer une méthode d’estimation efficace. A ce niveau, nous distinguons plusieurs techniques: la méthode FMOLS (Fully Modified Ordinary Least Squares) utilisée par Pedroni, la méthode DOLS (Dynamic Ordinary Least Squares) et la méthode GMM (Generalised Method of Moments).

Pedroni (1996), Phillips et Hyungsik (2000) et Kao et Chiang (2000) ont montré que, dans le cas des données de panel, les deux premières techniques conduisent à des estimateurs asymptotiquement distribués selon une loi normale centrée réduite. Cependant, Kao et Chiang (2000), affirment que l’estimation par la méthode des MCO, en échantillon fini, présente un problème de biais11 relativement à la méthode FMOLS. Mais, ils montrent aussi la supériorité de la méthode DOLS par rapport à celle FMOLS et la considèrent comme étant la technique la plus efficace dans l’estimation des relations de cointégration sur données de panel. L’estimateur DOLS peut être obtenu en ajoutant des retards dans le modèle initial:

itj

jitijitiit ζ∆XcβX α Y2

1

∑ ++ +=−=

r

r Toutefois, l’utilisation de l’estimateur DOLS implique un choix arbitraire des

retards ce qui représente une question intéressante mais qui dépasse notre objectif dans ce travail. Nous avons choisi de garder le même nombre de retards pour tous les pays12.

3.2. Résultats des estimations

Les résultats des estimations par les deux méthodes sont résumés dans le tableau 3.

Tableau 3. Résultats d’estimation par les méthodes FM et DOLS du PTF

FMLOS DOLS Variables

Eq.1 Eq.2 Eq.3 Eq.4 Eq.1 Eq.2 Eq.3 Eq.3

Log(SRE) 0.051 (2.791)**

- - - 0.023 (4.560)***

- - -

Log(SRN) 0.231 (0.585)

0.386 (0.870)

0.279 (0.421)

0.424 (0.643)

0.379 (0.890)

0.462 (0.395)

0.089 (0.481)

0.283 (0.543)

Log(SRE)*Fa - 0.029 (5.680)***

- -

- 0.026 (5.870)***

- -

Log(SRE)*Sj - - 0.032 (3.896)**

- - - 0.062 (6.056)***

-

Log(SRE)*Mr - - - 0.042 (6.981)***

- - - 0.235 (3.290)**

Les valeurs entre parenthèses sont les statiques de Student. *, ** et *** sont les significativités respectivement à 10%, 5% et 1%. N.B: Les estimateurs DOLS ont été obtenus pour r1=1 et r2=2.

11 Selon Pedroni (1996), ce problème est dû à la présence d’hétérogénéité du groupe. 12 Nous prenons dans notre analyse : r1 = -1 et r2 = 2.

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3.3. Interprétation de résultats

Étant donné qu’il existe une large littérature sur les institutions et la croissance (Hall et Jones, 1999 ; Acemoglu et al. 2001 ; Rodrik et al. 2004) où les institutions sont considérées comme l’un des principaux déterminants de la PTF, le présent papier examine si le facteur institutionnel influence réellement le processus de transmission du savoir des pays industriels vers les pays en voie de développement à long terme. En particulier, nous nous concentrons notre analyse sur trois différentes « proxies » de la qualité des institutions: la facilité de faire des affaires, les origines juridiques, et la majorité religieuse. Ces variables institutionnelles pourraient potentiellement affecter la R&D étrangère qui affecte indirectement la PTF de différentes manières. Les pays ayant un degré élevé de la facilité de faire des affaires sont attendus au commerce et à faire des affaires plus avec les pays étrangers, par conséquent, obtenir l’accès plus à la R&D étrangère. Ainsi, les différents systèmes juridiques et le facteur religieux peuvent également affecter la productivité de la R&D étrangère dans une certaine mesure.

Nos estimations démontrent aussi que les trois variables institutionnelles sont forcément complémentaires avec le stock de la R&D étranger, leurs effets interactifs sont très significatifs et positifs sur le niveau du PTF. De ce fait, les pays dotés d’un système juridique prévisible, d’institutions judiciaires justes, accessibles et efficaces bénéficient plus de leurs propres efforts de R&D et de la R&D internationale. Il appuie ainsi à la croissance économique en assurant un système fiable, stable et prévisible de lois et de règlements de nature à protéger les investissements, les contrats et d’autres interactions commerciales.

Nous pouvons remarquer également que dans les pays en voie de développement, la faiblesse des institutions juridiques et l’absence de règles de droit menacent la croissance économique. En outre, l’exclusion juridique des pays en voie de développement dont les droits ou les moyens d’existence sont peu protégés juridiquement ne perpétue pas à une meilleure allocation des ressources nationales et étrangères de la R&D.

En outre, les termes d’interaction entre les variables institutionnelles et le stock de la R&D étranger présentent des effets significatifs et positifs par les deux méthodes FMOLS et DOLS (Iftekhar et al. 2009).

En outre, même si les techniques d’estimations (FMOLS et DOLS) sont considérablement différentes, tous les résultats trouvés confirment l’existence d’une relation forte entre les externalités de la R&D et la croissance économique via un cadre institutionnel sain.

En conclusion, l’adoption de politique de R&D constitue un facteur explicatif important de la croissance économique. D’autres paramètres exercent une influence non négligeable comme les modes de gouvernance. Les pays en développement gagneraient à adopter une bonne gouvernance basée sur la facilité de faire des affaires, les origines juridiques, et la majorité religieuse qui sont des variables

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complémentaires à l’adoption de politique d’innovation en général et de politique de la R&D en particulier.

Par ailleurs, il faut signaler que les résultats trouvés concernant les pays en voie de développement sont souvent peu robustes. Ceci revient à des problèmes méthodologiques comme les biais d’endogéneité, au sens de causalité entre l’ouverture commerciale et les externalités positives. Aussi, à la faible disponibilité des données désagrégées au niveau sectoriel et au niveau des entreprises.

Finalement, les résultats varient aussi en fonction de la méthode de pondération dans le calcul de stock de R&D étranger ainsi que la méthode économétrique utilisée (l’utilisation de l’étude en dynamique comme méthode complémentaire d’estimation est largement recommandée par les économistes pour tenir compte des problèmes méthodologiques). De ce fait, une autre limite qu’on peut reprocher à notre travail est l’emploi des indicateurs de gouvernance sans la prise en compte de leurs limites. De plus, l’absence d’un cadre conceptuel sous-jacent ou de théorie de la gouvernance pour identifier les causes des résultats de la gouvernance reflétés dans les indicateurs, manque de clarté autour des raisons pour lesquelles tel pays obtient tel résultat pour tel indicateur. Il est donc paradoxal que les bailleurs et les investisseurs jugent et parfois punissent les pays en voie de développement pour une absence perçue de gouvernance transparente sur la base d’indicateurs aussi complexes.

4. Conclusion L’objet essentiel de notre papier est de déterminer l’impact de la qualité des

institutions sur la relation entre les externalités de la R&D et la croissance économique à long terme. Nous avons montré, sur un échantillon en panel de 24 pays en voie de développement observés sur la période 2003-2012, pourquoi certains pays en voie de développement bénéficient davantage des externalités internationales de R&D des pays développés.

Tout en s’inscrivant dans l’optique de Lichtenberg et De La Potterie (1998, 2001) nous avons adopté une formulation alternative pour la recherche étrangère. De facto, nous avons estimé quatre équations benchmark en faisant interagir les stocks de capital de R&D étrangers avec des indicateurs de gouvernance, en quête d’expliquer les différences entre les pays développés et les pays en voie de développement. Pour cela, nous avons appliqué la théorie asymptotique des panels cointégrés développée par Kao et Chiang (2000).

Les estimations obtenues avec ces différentes méthodes sont relativement proches, bien que les résultats obtenus pour la recherche étrangère à partir des deux spécifications adoptées, sans et avec interactions, présentent peu ou prou un certain degré d’amélioration.

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En guise de conclusion, les résultats économétriques suggèrent que les éléments d’une bonne gouvernance, ces dernières années, offrent un cadre favorable pour la politique de R&D et par là à la croissance économique.

L’essentiel, sur tous ces points, est que ces analyses théoriques sont confirmées empiriquement par l’utilisation d’un modèle de croissance, qui nous a permis de trouver un effet significatif entre les indicateurs de la R&D via un cadre institutionnel sain sur la croissance économique. Nos principaux résultats empiriques suggèrent que la qualité de la gouvernance, sous ses différents aspects, se présente comme un facteur prépondérant pour la politique de la R&D.

En bref, cet article est seulement la première étape dans la lutte contre un problème assez compliqué. Pour confirmer le résultat de cette étude, d’autres études basées sur des données microéconomiques devraient être entrepris dès que ces données sont disponibles. En outre, d’autres mesures de la qualité institutionnelle devraient également être envisagées pour donner une vision plus globale sur la question. Ceci suggère certainement un programme de recherche fructueuse à l’avenir. Bibliographie Acemoglu, D., S. Johnson et J. Robinson (2001), “The colonial origins of comparative development: an empirical investigation”, American Economic Review, Vol. 91, pp. 1369-1401.

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Annexes

Annexe 1: Liste des pays

Pays Code Pays Régions Arménie ARM l’Europe et l’Asie Centrale Azerbaïdjan AZE l’Europe et l’Asie Centrale Bélarus BLR l’Europe et l’Asie Centrale Lituanie LTU l’Europe et l’Asie Centrale Kazakhstan KAZ l’Europe et l’Asie Centrale Latvia LVA l’Europe et l’Asie Centrale Macédoine MAC l’Europe et l’Asie Centrale Bulgarie BGR l’Europe et l’Asie Centrale Pologne POL l’Europe et l’Asie Centrale Roumanie ROM l’Europe et l’Asie Centrale Turquie TUR l’Europe et l’Asie Centrale Ukraine UKR l’Europe et l’Asie Centrale Bolivie BOL l’Amérique Latine et le Caraïbe Brésil BRA l’Amérique Latine et le Caraïbe Chili CHL l’Amérique Latine et le Caraïbe Colombie COL l’Amérique Latine et le Caraïbe Mexique MEX l’Amérique Latine et le Caraïbe Uruguay URY l’Amérique Latine et le Caraïbe Venezuela VEN l’Amérique Latine et le Caraïbe Panama PAN l’Amérique Latine et le Caraïbe Maroc MAR le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord Tunisie TUN le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord Thaïlande THA L’Asie Orientale et le Pacifique Afrique du Sud ZAF l’Afrique Subsaharienne

Source: L’auteur selon la classification de la Banque Mondiale.

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Annexe 2: Tests de racines unitaires: Im, Pesaran et Shin (2003)

En niveau En différence première Variables Constante +

Tendance Constante

Constante + Tendance

Constante

Log(PTF) 3.032 (0.899)

2.275 (0.889)

-7.454 (0.000)

-4.933 (0.000)

Log(SRE) -0.321 (0.374)

-1.854 (0.075)

-3.560 (0.000)

-9.225 (0.000)

Log(SRN) -0.985 (0.833)

-1.543 (0.559)

-8.431 (0.000)

-10.943 (0.000)

Log(SRE)*Fa -1.441 (0.221)

1.897 (0.979)

-7.447 (0.000)

-8.825 (0.000)

Log(SRE)*Sj -1.409 (0.093)

-0.569 (0.345)

-4.286 (0.000)

-12.720 (0.000)

Log(SRE)*Mr -1.356 (0.392)

-0.961 (0.290)

-6.884 (0.000)

-7.993 (0.000)

N.B: La statistique de test est calculée comme étant la statistique t moyenne

des régressions de Dickey-Fuller avec et sans tendance. Les valeurs entre parenthèse sont les p-values. Les tests sont réalisés à l’aide de Eviews 6.

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LE RÔLE DE L’INDUSTRIALISATION

DANS LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE: UNE ANALYSE COMPARATIVE ENTRE LES PAYS NORD AFRICAINS ET LES PAYS SUBSAHARIENS

Mohamed BEN AMAR TIME University, Tunisie

[email protected]. Abstract: The object of this work consists in analyzing economic growth in African

countries. We have three main results that were generated from this work. First, we explain how industrial development can achieve strong and sustained economic growth in African countries. Secondly, concerning economic performances, the African countries achieved a great improvement during the last decade and show very important potential. They should strengthen reforms in a process of structural transformation focused on the development of the manufacturing sector. Finally, on using a panel model for two samples of 4 North African countries and 26 Sub-Saharan African countries covering the period (1982-2009), we confirmed the positive and statistically significant effect of industrialization on sustained economic growth.

Keywords: industrialization, structural transformation, panel data, endogenous growth, African countries.

Introduction Les théories modernes de la croissance économique insistent que la croissance

est un processus permanent de l'innovation technologique, de la modernisation et de la diversification de l'industrie qui permet l’amélioration des différents types d'infrastructures et d’arrangements institutionnels qui constituent le contexte du développement de l'entreprise et la création qui peuvent être décrites brièvement comme transformation structurelle de l'économie.

L'industrialisation peut modifier la structure économique aux activités économiques modernes et peut être considérée comme une source d'externalités positives pour les autres secteurs. Il augmenterait par conséquent l'augmentation potentielle de l'économie et par conséquent faciliter le développement économique.

L’industrialisation peut être appréciée comme un outil essentiel dans création des postes de travail, de réduction de la pauvreté et de la promotion des politiques du développement régionales. De plus, elle peut stimuler le progrès technologique et l’innovation qui peuvent être considérés comme des gains de productivité. En effet, les pays développés ont découvert le rôle crucial de l'industrialisation inclue par la grande part du secteur industriel dans le PIB et ont soutenu leurs industries à travers les politiques ciblées et les investissements appropriés dans leurs institutions.

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Malgré toute sa richesse naturelle et ses ressources minérales, l’Afrique reste le continent le moins industrialisé dans le monde. Plus qu’un demi-siècle après leur indépendance, pendant que les autres régions ont augmenté leur part d’exportations non-pétrolières, le continent est encore exportateur de matières premières aux pays industrialisés.

Ces derniers ont transformés et ont revendu ces produits en Afrique à des prix considérablement plus hauts. Après l'indépendance, beaucoup de pays africains ont choisi l'industrialisation comme élément central de leur agenda du développement. Il a été supposé de faciliter la transformation de la structure de leurs économies d'une base agricole à une base industrielle moderne.

Maintenant, divers pays africains appliquent des stratégies d'industrialisation de production désignée à l’exportation qui exige des produits de qualité pour les exporter à prix bas.

Concernant les transformations structurelles qui ont émergé dans l'économie mondiale durent les 25 années, il devient clair que les exigences les plus importantes à l'industrialisation restent actuellement la qualité de l'éducation et la connaissance technologique. Le décollage de l'industrialisation exige la disponibilité d'une main-d’œuvre éduquée et techniquement qualifiée, le déficit qui affecte le continent dans ce domaine continu à jouer un rôle significatif dans l’obstacle du processus du développement en Afrique. Les autres facteurs connus pour contribuer aux conditions sombres de l'industrialisation sur le continent consistent en les politiques peu appropriées dans l’investissement industriel, des infrastructures inadéquates, les questions de la taille du marché aussi bien que l'absence de technologie. Les contraintes de l’offre ont montré un problème récurrent pour le développement africain, qui exige une attention sur la création d’un environnement conducteur et d’une politique cohérente. De même, il est impératif de créer des compétences, d’accroitre la productivité, d’encourager l'investissement, d’améliorer le fonctionnement des entreprises et le transfert des technologies, réduire des coûts dans le climat des affaires et d’introduire des normes appropriés pour permettre aux produits d’être compétitifs sur les marchés internationaux.

Le but de ce travail consiste à évaluer empiriquement l'effet de l'industrialisation sur la croissance économique de deux groupes de pays africains (les pays nord africains et les pays subsahariens). Pour traiter une telle question, nous organisons notre travail en trois sections.

L'objet de la première section est de rechercher le lien entre l'industrialisation et les principaux modèles de croissance endogène qui représentent la théorie moderne de la croissance économique. La deuxième section présente les performances impressionnantes des pays africains et la transformation structurelle. La dernière section est consacrée à notre vérification empirique des effets du développement industriel sur la croissance économique dans le cas des deus échantillons de pays africains.

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1.1.1.1. L’industrialisation comme source de la croissance endogèneL’industrialisation comme source de la croissance endogèneL’industrialisation comme source de la croissance endogèneL’industrialisation comme source de la croissance endogène:::: Dans un modèle présenté en 1966, Kaldor est considéré comme l'initiateur de

présenter l'industrialisation comme un facteur déterminant du développement économique. “Fast rates of growth are almost invariably associated with the fast rate of growth of the secondary sector, mainly manufacturing, and...this is an attribute of an intermediate stage of development” (Kaldor,1966, 7).

Dans la même ligne de recherche, Chenery et al. (1986) ont étudié la relation entre l'industrialisation et la croissance économique. “Is industrialization necessary to continued growth? Our models of the transformation suggest that the answer is generally yes. (...) We conclude that –on both empirical and theoretical grounds– a period in which the share of manufacturing rises substantially is a virtually universal feature of the structural transformation”. (Chenery et al., 1986, 350).

Ainsi, Murphy et al. (1989) supposent qu'une croissance rapide est effectuée par un développement industriel. “Virtually every country that experienced rapid growth of productivity and living standards over the last 200 years has done so by industrializing. Countries that have successfully industrialized –turned to production of manufactures taking advantage of scale economies– are the ones that grew rich, be they 18th-century Britain or 20th-century Korea and Japan”. (Murphy et al., 1989, 1003).

Chenery et al. (1986) ont remarqué que le long du processus d'industrialisation quelques transformations structurelles doivent avoir lieu comme les changements dans la demande finale, les changements dans les demandes intermédiaires et les changements dans le commerce international.

L'investissement en tant que facteur de la croissance endogène a été introduit par Romer (1986) en se référant au travail d’Arrow (1962). Romer assume que la croissance d’une nation peut être permanente. Il suggère que les externalités positives technologiques sont le résultat d'une accumulation du capital physique, ce qui donne la qualification de «connaissance», même si la référence implicite est certainement celle du capital physique. De plus, Lucas (1988) a développé un modèle de croissance endogène centré sur le capital humain, qui peut être accumulé par le biais de certaines activités dont les plus importantes sont l'éducation, la formation, la santé et l'innovation. La troisième catégorie des modèles de croissance endogène est basée sur des explications schumpétériennes, où l'innovation. Romer (1990) et Aghion et Howitt (1992) ont développé deux modèles où l'innovation technologique et l'investissement dans la recherche et développement sont considérés comme déterminants de la croissance à long terme. Dans cette même lignée, l'industrialisation peut être considérée comme un facteur de la croissance endogène. En outre, cette relation entre le développement de l'industrie et la croissance peut être expliquée par le processus schumpétérien de «la destruction créatrice». Selon Barro (1990), les dépenses du gouvernement dans

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l'infrastructure sont considérées comme un facteur de croissance de la performance du secteur privé productif. Par conséquent, les dépenses publiques génèrent des externalités d’amélioration de la productivité dans le secteur privé, et permettent une croissance endogène. Grossman et Helpman (1991) ont proposé un modèle où la croissance économique est dépendante de l’ouverture de l’économie à l’extérieur. Une ouverture qui ouvre la porte aux transferts technologiques et aux nouveaux marchés. En 1993, Pagano a également analysé théoriquement le rôle du développement financier dans l'allocation efficace des ressources financières et donc à la croissance économique.

2.2.2.2. Performances impressionnantes des paysPerformances impressionnantes des paysPerformances impressionnantes des paysPerformances impressionnantes des pays africains et africains et africains et africains et

transformation structurelletransformation structurelletransformation structurelletransformation structurelle

Dans ce paragraphe, nous décrivons les résultats concernant la croissance économique dans les pays africains.

2.1. Principaux résultats des performances économiques africaines

En ce qui concerne les performances économiques, les pays africains ont atteint une grande amélioration au cours de la dernière décennie. Ainsi, le PIB de l'Afrique a enregistré 4,9% de croissance annuelle moyenne sur la période 2000-2008. Ce taux a plus que doublé par rapport à celui des années 1980 et 1990. Le PIB africain du a atteint en 2008 les 1600 milliards de dollars ; approximativement l'équivalent de celui du Brésil et de la Russie.

Cependant, les dépenses de consommation en 2008 sont estimées à 860 billions de dollars. Enfin, après une baisse constante au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt dix, la productivité du travail en Afrique a retourné à augmenter avec une forte croissance annuelle moyenne de 3% au cours de la période 2000-2008.

Le boom des prix des matières premières contribue directement à raison de 24% de la croissance économique des pays africains au cours de la période 2000-2008. Ce taux peut atteindre 32% si l'on considère également les contributions indirectes.

En réalité, en plus de la hausse des prix des matières premières, il y a eu d’autres facteurs qui ont joué un grand rôle dans la réalisation de ces performances. Ces facteurs ont beaucoup amélioré la compétitivité globale des économies des pays africains.

« The key reasons behind Africa’s growth surge include government moves to end armed conflicts, improve macroeconomic conditions, and adopt microeconomic reforms to create a better business climate. In every country where these shifts occurred, they correlated with faster GDP growth »1.

Ainsi, dans la majorité des pays africains, la stabilité politique est améliorée par la diminution du niveau de la conflictualité. Plusieurs réformes macroéconomiques et

1 McKinsey & Company (2010).

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microéconomiques ont était adoptées ; privatisation des entreprises publiques, réduction des barrières commerciales, allègements fiscaux au profit des entreprises et renforcement des systèmes légaux et de régulation. En matière de stabilité macroéconomique, des années 1990 aux années 2000, le taux d’inflation a passé de 22% à 8%2, la part de la dette publique dans le PIB a passé de 81.9% à 59%3 seulement et la part du déficit budgétaire dans le PIB a aussi passé de (-4.6%) à (-1,8%)4.

En plus des performances déjà réalisées en matière de croissance économique, l’Afrique possède un grand potentiel de croissance économique.

« If recent trends continue, Africa will play an increasing important role in the global economy. By 2040, the continent will be home to one in five of the planet’s young people, and the size of its labor force will top China’s. Companies already operating in Africa should consider expanding5 ».

2.2. La transformation structurelle et la qualité de la croissance

économique en Afrique

Dans leurs analyses, les économistes s'accordent sur le fait que: i) l'emploi est le guide principal à travers lequel la croissance économique peut réduire la pauvreté, ii) l'emploi6 dépend de la qualité de la croissance économique et iii) la qualité de la croissance économique dépendante de la composition sectorielle de l'production.

En réalité, le problème de la composition de la structure de la production des pays africains ne concerne pas à propos la contribution de l'industrie dans l'activité économique, mais plutôt la contribution de l'activité manufacturière. Ainsi, en 2008, la contribution du secteur industriel au PIB pour les pays en développement en Afrique est de 40,68%. Cette contribution est supérieure à la moyenne mondiale qui se situe autour de 30,08%. Alors que la contribution du secteur manufacturier, elle est de l'ordre de 10,49% en 2008. Cette contribution est inférieure que la moyenne mondiale qui est de 18,13%7.

En plus de sa faible contribution dans l'économie, le secteur manufacturier a d'autres limites. Tout d'abord, sa part dans l'industrie manufacturière mondiale est très faible. Elle a diminué de 1,2% en 2000 à 1,1% en 2008. En second lieu, concernant produits manufacturés à faible technologie et à forte intensité en main-d'œuvre, l'Afrique a reculé. Ainsi, la part de ces produits dans la valeur ajoutée manufacturière a chuté de 23% en 2000 à 20% en 2008. De même, la part de ces produits dans le total des exportations manufacturières de l’Afrique a aussi baissé, en passant de 25% en 2000 à 18% en 2008. En Troisième lieu, l'industrie manufacturière est fortement dépendante des activités manufacturières basées sur les ressources naturelles. Ainsi, en 2008, la part de ces produits dans les 2 Soit une chute de 64%. 3 Soit une baisse de 28%. 4 Soit une amélioration de 60%. 5 McKinsey & Company (2010). 6 Niveau et qualité. 7 CNUCED et ONUDU, 2011.

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exportations totales de produits manufacturés en Afrique est de 49%. Enfin, le secteur manufacturier africain est dominé par les petites entreprises africaines qui ne créent pas suffisamment d'emplois décents (les CNUCED et ONUDU, 2011).

La principale question qui se pose est: « comment la transformation structurelle et en particulier le développement du secteur de la fabrication peuvent améliorer la qualité de la croissance économique? ».

« Ainsi, on peut considérer la transformation structurelle comme étant le changement intervenant dans la composition sectorielle de la production (ou PIB) et celle du type sectoriel de l'emploi de la main-d'œuvre, au fur et mesure que le l'économie se développe (c'est-à-dire en tant qu’accroissement du PIB réel par habitant) » (CEA et UA, 2011).

Les principaux faits stylisés dégagés des études empiriques qui ont porté sur la transformation structurelle8, sont au nombre de quatre. Ainsi, au cours d’une longue période, à mesure que le PIB réel par habitant augmente, la part:i) de l’agriculture dans le PIB diminuera, ii) de l’industrie dans le PIB augmentera, des services dans le PIB augmentera et, iv) de la manufacture dans le PIB augmentera. Sachant que pour chaque baisse et chaque augmentation il y a une limite9, à l’exception de l’augmentation de la part de la manufacture dans le PIB qui ne correspond pas nécessairement à un point tournant (CEA et UA, 2010).

En réalité, les économistes supposent que dans l’économie moderne, un processus d’industrialisation et en particulier le développement de la production manufacturière sont nécessaires pour la réalisation d’une croissance économique forte, rapide et durable. Alors que les exportations de produits de base peuvent procurer une croissance économique forte, mais pas durable.

Sur toute la période (1970-2007), six pays africains (Botswana, Cap-Vert, l’Egypte, la Guinée équatoriale, le Lesotho et la Tunisie) seulement qui ont réalisé une croissance économique soutenue. Autrement dit, une croissance annuelle moyenne supérieure ou égale à 2% du PIB réel par habitant sur toute la période 1960-2007 et les trois sous périodes (1960-1972, 1973-2000 et 2000-2007), avec une volatilité faible qui correspond à un coefficient de variation des taux de croissance compris entre 1 et 3.

Parmi ces six pays, seulement la Tunisie qui a réalisé une transformation structurelle classique au cours de la période 1960-2007. Mais aussi deux autres de ce groupe de six qui ont réalisé une transformation structurelle incomplète, dans la mesure où la part du sous-secteur manufacturier a baissé au cours de cette période (CEA et UA, 2011). Donc, un nombre très limité des pays africains ont assuré une croissance économique soutenue et une transformation structurelle.

Les principaux mécanismes par lesquels la transformation structurelle, qui est un développement du secteur manufacturer, améliore la qualité de la croissance économique sont au nombre de quatre.

8En termes des parts des trois secteurs traditionnels de la production et du sous-secteur manufacturier. 9Qui correspond à un niveau du revenu par tête bien déterminé.

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Premièrement, le secteur manufacturier comme une transformation physique ou chimique de matériaux en nouveaux produits ou composants de subsistance, il augmente la valeur de ces produits et crée de la richesse. Deuxièmement, la fabrication est une source d'innovation et donc un moyen de développer l'activité de recherche et développement et à la diffusion des nouvelles technologies dans d'autres secteurs de l'économie. Troisièmement, le secteur manufacturier a des effets importants sur le reste de l'économie, notamment l'agriculture, les transports, la banque, l'assurance, la communication et d'autres. Par le biais de ces effets d'entraînement, l'activité manufacturière contribue au développement de l'investissement intérieur et d’où la création de l’emploi. Quatrièmement, la transformation structurelle et le développement du secteur manufacturier améliorent la qualité des échanges internationaux du pays en renforçant sa capacité d'exportation de produits manufacturiers.

Enfin, contrairement au secteur agricole, qui est limitée par les rendements d'échelle10 décroissants et d'autres secteurs traditionnels, le secteur manufacturier a un grand potentiel en matière de création d'emplois. Par conséquent, pour satisfaire les besoins de l'emploi d'une population croissante et de mouvement d'urbanisme, il faut développer le secteur manufacturier.

Dans l’ensemble, la réalisation d’une croissance économique forte et soutenue par les pays africains exige l’implication de ces pays dans un processus de transformation structurelle axée sur le développement du secteur manufacturier.

Pour expliquer la relation entre l'industrialisation et le PIB par habitant, nous utilisons une estimation longitudinale des pays africains pour l’année 2009 (graphique ci-dessous).

Figure 1. Relation entre le PIB par habitant et l'industrialisation

10 Une décroissance est expliquée par la constance de certains facteurs comme la terre.

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Le graphique suivant met en évidence la relation positive qui existe entre les deux variables étudiées ; le PIBT et l’IND. Pour l’année de notre étude (2009)11, il paraît que les résultats obtenus présentent l’intérêt de reposer sur un échantillon étendu de pays à différents niveaux de développement du continent africain. Les pays en haut et à droite du graphique sont les plus développés et font l’expérience de niveaux de d’industrialisation élevés. En revanche, les pays en bas et à gauche sont les moins développés et connaissent les niveaux d’industrialisation les plus faibles. Ces résultats attestent donc une relation positive entre le développement industriel et le niveau de développement économique qui va faire l’objet d’une vérification empirique dans la section suivante.

Nous remarquons que les pays nord africains appartiennent à la première zone des pays les plus développés du continent sauf pour la Mauritanie. Alors que la majorité des pays subsahariens appartiennent à la zone des pays les moins développés sauf pour le Gabon, l’Afrique du Sud, le Congo, le Botswana et les Iles de Maurice. C’est pour cette raison, qu’on va faire une analyse comparative entre ces deux groupes de pays dans la prochaine section.

3.3.3.3. Vérification Vérification Vérification Vérification empirique de la relation entre le niveau empirique de la relation entre le niveau empirique de la relation entre le niveau empirique de la relation entre le niveau

d’industrialisation et la croissance économique pour deux d’industrialisation et la croissance économique pour deux d’industrialisation et la croissance économique pour deux d’industrialisation et la croissance économique pour deux

échantillons de pays africainséchantillons de pays africainséchantillons de pays africainséchantillons de pays africains

3.1. Présentation du modèle et méthodologie des estimations Dans cette section, nous allons étudier empiriquement les effets de la compétitivité

globale sur la croissance économique pour deux échantillons de pays africains12.

a. Présentation du modèle Pour atteindre tel objectif, on suivra l’approche de Mankiw, Romer & Weil

(1992) et Demetriades & Law (2004). Nous retenons la fonction de production Cobb-Douglas suivante:

(1)

avec et où, Y: la production, K: le stock du capital physique, H: le stock du capital

humain, L: le travail, A: un facteur reflétant le niveau technologique et l’efficacité de l’économie, α + β<1, n: le taux de croissance de la force de travail, g: le taux du

progrès technique supposé constant, : le vecteur représentant l’industrialisation et les autres facteurs affectant le niveau de la technologie et l’efficacité de l’économie, θ: le vecteur des coefficients qui sont reliés à ces variables, et i et t sont respectivement les indices pays et temps. 11 L’utilisation de l’année 2009 comme une année de référence pour notre estimation longitudinale se réfère à l'année de terminaison de notre étude empirique, dans le paragraphe suivant.

12 Les pays nord africains et les pays subsahariens

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L'évolution de l'économie est déterminée par:

et (2) avec, et sont respectivement le taux d’investissement en capital

physique et le taux d’investissement en capital humain. On suppose que:

et , avec, le taux de dépréciation du capital physique. Considérons que la production par unité de travail, le stock de capital physique

par unité de travail et le stock de capital humain par unité de travail sont donnés par:

, Après tous les développements, on obtient:

(3)

(4) Considérons aussi que le produit intérieur brut par unité de travail effectif

s’écrit comme suit:

(5) La substitution de (5) dans (3) et dans (4) nous donne:

(6)

(7)

A l’équilibre on a: Ce résultat nous conduit aux relations suivantes:

(8)

(9) En divisant (8) par (9), on obtient:

(10) La substitution de (10) dans (9) et (8), nous ramène à la relation suivante:

(11)

(12)

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Les relations (11) et (12) révèlent l’état stationnaire de l’économie au sens de Solow.

En tenant compte de la relation (5), on aura: Cela signifie que:

(13) La relation (13) représente la production par travailleur à d’équilibre. A l’équilibre, le progrès technologique est donné par:

(14)

Avec : les variables qui représentent les facteurs qui peuvent influencer le

progrès technologique. Dans notre travail, regroupe des variables reflétant le progrès industriel. La substitution de (11), (12) et (14) dans (13), nous donne:

(15) Pour que cette relation soit linéaire, on met en œuvre le logarithme:

(16) Si on ajoute les indices temps et individus, la relation s’écrit:

(17)

avec les taux g et δ sont supposés constants à travers chaque pays et dans le

temps et leur somme est égale à 0.05 (Mankiw et al., 1992). La variable comporte les facteurs structurels et les facteurs de l’environnement économique possédant une influence sur la croissance économique.

Donc, notre régression est basée sur la relation suivante: (18) avec, i désigne les pays (i = 1, 2,..., N) et t représente le temps (t = 1,…, T),

PIBT: le logarithme du PIB par habitant calculé en dollars constants de 2000, IND: le logarithme du ratio de la valeur ajouté du secteur industriel en pourcentage du PIB, CAP: le logarithme de l’accumulation du capital, EDU: le logarithme du taux de scolarisation au secondaire.

b. Présentation des variables et leurs ressources Toutes ces variables sont extraites des données annuelles de la base des

données de la Banque Mondiale (WDI) pour un échantillon de 30 pays africain couvrant la période 1982- 2009. Les variables abordées dans notre étude sont le PIB par tête comme variable endogène, la valeur ajoutée du secteur industriel en

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pourcentage du PIB, le stock de capital physique par habitant et du taux de scolarisation en éducation secondaire.

� La variable dépendante de notre modèle est donnée par le produit intérieur brut. Les variables explicatives utilisées dans notre travail sont: � Le niveau de l’industrialisation est donné par le niveau de la valeur ajoutée

du secteur industriel en pourcentage du PIB. � Le stock du capital physique par tête: nous évaluons le volume du stock de

capital physique en recourant à l’étude de Pottelsberghe et Bruno (1997). Le stock de capital physique "K" de l'année "t" est égal à son stock en "t-1" nivelé d'un taux de dépréciation en ajoutant le niveau de l'investissement « I » à l’instant « t »:

, avec It: la Formation Brute du Captal Fixe et : le taux

de dépréciation du capital ( ). Le stock initial du capital physique « K0 » est égal à l'investissement initial

« I0 » divisé par la somme du taux de croissance annuel de l'investissement It et du taux de dépréciation δ du capital physique:

. Le stock de capital physique par tête est donné en divisant le stock de capital physique calculé par la population totale.

� Le stock du capital humain est donné par le taux de croissance de croissance de l’éducation en secondaire.

Toutes ces variables sont extraites des données annuelles de la base des données de la Banque Mondiale (WDI, 2011).

c. Estimation du modèle et interprétation des résultats Nous avons estimé économétriquement sur données de panel l’équation (18)

pour un échantillon de 30 pays en développement, divisés en deux groupes13. Notre étude couvre la période 1982-2009.

L’étude économétrique en données de panel rend compte, à côté de la dimension individuelle, de la dimension temporelle des observations. L’augmentation du nombre d’observation permet de tenir compte des différences individuelles de performances qui sont dues à l’influence d’autres facteurs autres qui sont considérés dans la régression.

La richesse de l’information dans l’estimation des modèles en données de panel conduit aux conséquences suivantes: d’une part, le nombre très important d’individus observés permet une grande précision des estimations. D’autre part, la variabilité considérable des observations conduit à des R2 relativement faibles.

En estimant un échantillon de données de panel, la première chose qu’il convient de vérifier est la spécification homogène ou hétérogène du processus générateur des données. Sur le plan économétrique, cela convient à tester l’égalité des coefficients du modèle étudié dans la dimension individuelle. Econométriquement, les tests de spécification reviennent à déterminer si l’on est en

13 Les pays nord africains et les pays subsahariens.

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droit de supposer que le modèle théorique étudié est parfaitement identique pour tous les pays, ou au contraire s’il existe des spécificités propres à chaque pays.

La présence d’effets spécifiques pour chaque individu rend les estimateurs des moindres carrés ordinaires non convergents. Dans ces conditions, nous devons accéder à l’estimation par la méthode « within » si ces effets sont fixes, ou la méthode des moindres carrés généralisés si ces effets sont aléatoires.

L’application du test de l’existence des spécificités individuelles dans notre étude rejette l’hypothèse d’homogénéité des variables.

Une fois l’hétérogénéité des variables détectée, nous devons passer au choix entre la régression par la méthode « within » ou par la méthode des moindres carrés généralisés « GLS ». Pour substituer entre ces deux méthodes, nous appliquons le test de spécification de Hausman (1978). Se référant à la statistique de ce test, les effets propres sont fixes car nous avons accepté l’hypothèse de corrélation entre les effets propres aux pays et les variables explicatives. Dans ce cas, la méthode « within » utilisée pour estimer le modèle avec effets fixes est convergente et efficace.

A partir de l’équation de base (18), nous allons effectuer différentes régressions pour chacun des groupes de pays.

Tableau 1: Effets de l’industrialisation sur le PIB par habitant

Pays Nord Africains Pays de l’Afrique Subsaharienne

C 2.289* 4.0345*

IND 0.104** 0.051**

CAP 0.474* 0. 26**

EDU 0.177* 0. 044**

R2 0.98 0.97

N 140 698

Test Hausman

16.97* 94.95*

*,**, ***: coefficient significatif respectivement à un seuil de 1%, 5% et 10%.

Les résultats de notre estimation confirment nos hypothèses. Ainsi, le niveau

d’industrialisation, mesuré par la valeur ajoutée du secteur industriel en pourcentage du PIB exerce un effet positif et statistiquement significatif sur le niveau du PIB par habitant dans nos échantillons constitués d’un ensemble de pays nord africains et d’un ensemble de pays subsahariens (un accroissement de la valeur ajoutée du secteur industriel de 1% engendre une hausse du PIB par habitant

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de 0,104% pour le premier groupe de pays et de 0,051% pour le le second groupe de pays). Un résultat qui peut expliquer et justifier la contribution de l’évolution du niveau d’investissement de ces deux groupes de pays africains dans leur croissance économique. L’effet exercé par l’industrialisation des économies, confirmé par notre régression économétrique, peut aussi contribuer à la transformation du potentiel du continent en des réalisations concrètes dans les prochaines années. Les pays africains ont réalisé des grandes performances en matière de croissance économique, mais le plus important est d’une part la continuité, et d’autre part, le développement des facteurs endogène de création de la richesse. Des facteurs qui agissent sur la compétitivité de leurs économies.

Le coefficient de la variable représentant le stock de capital est de signe positif et statistiquement significatif, ce qui est conforme aux résultats du modèle néoclassique de croissance, à savoir l’effet positif de l’accumulation du capital physique sur le développement des nations. Une hausse de 1% du ratio d’investissement entraînerait une augmentation de 0,474% du PIB par tête pour les pays nord africains et de 0,26% pour les pays subsahariens.

Le signe de la variable éducation, qui identifie le rôle de la qualité du capital humain, est positif et statistiquement significatif. Il est identique au signe escompté dans les deux groupes de pays. Nous pouvons constater que l’indicateur du capital humain influence la croissance positivement, ce qui confirme le rôle important de l’éducation comme moteur du développement économique. Une augmentation du taux d’accumulation du capital humain de 1% se traduit par un accroissement de 0,177% de la production pour le groupe des pays nord africains et de 0,044% de l’output des pays subsahariens.

Conclusion Dans le premier paragraphe, nous avons essayé de présenter l’effet de

l’industrialisation pour conduire à une croissance économique durable et robuste. Dans le deuxième paragraphe, nous remarquons que les grandes performances

économiques réalisées en Afrique ne sont pas transformées en un développement durable pour essentiellement deux raisons. Premièrement, la forte croissance économique réalisée au cours de la dernière décennie n’est pas soutenue, car elle est tirée par l’exportation des produits de base à l’état brut. Deuxièmement, cette croissance économique est faiblement créatrice d’emplois décents. La transformation structurelle et particulièrement le développement du secteur manufacturier en Afrique peuvent représenter un moyen efficace de transformation des grandes performances économiques en un développement humain durable. Ainsi, cette transformation structurelle améliore la qualité de la croissance économique en termes de niveau, de durabilité et de capacité créatrice d’emplois décents.

Dans le dernier paragraphe, nous avons développé un modèle de croissance économique dans lequel nous avons introduit le proxy de la valeur ajoutée du secteur industriel comme facteur de la croissance économique. En utilisant un

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modèle de panel statique pour deux échantillons de 4 pays nord africains et de 26 pays subsahariens au cours de la période (1982-2009), on a vérifié l’effet positif et statistiquement significatif du niveau d’ industrialisation sur la croissance économique dans ces deux groupes de pays.

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Annexes: Liste des pays

Algérie (DZA) Botswana (BWA) Burundi (BDI) Cameroun (CMR) Cote d'Ivoire (CIV) Egypte (EGY) Ethiopie (ETH) Gabon (GAB) Gambie (GMB) Ghana (GHA)

Kenya (KEN) Madagascar (MDG) Malawi (MWI) Maroc (MAR) Maurice (MUS) Mauritanie (MRT) Mozambique (MOZ) République Centre Africaine (CAF) République du Congo (COG) République Démocratique du Congo (ZAR)

Rwanda (RWA) Sénégal (SEN) Sierra Leone (SLE) Soudan (SDN) Sud Afrique (ZAF) Tchad (TCD) Togo (TGO) Tunisie (TUN) Uganda (UGA) Zambie (ZMB)

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LES MOYENS DU DROIT FRANÇAIS À DISPOSITION

DE L’INSPECTEUR DU TRAVAIL POUR FAIRE CESSER LE TRAVAIL DOMINICAL ILLICITE

Jeanne-Marie WAILLY enseignante en droit, Responsable de la licence

gestion des ressources humaines IUT SAINT-OMER/DUNKERQUE

Université du littoral Côte D’opale

Abstact: French law knows a principle of ban of sunday job, with some infringements and

means were envisaged to allow government inspector in to make respect ban at the need by acquiring the closing of the establishment opened on Sundays without approval but it not

Le principe du repos hebdomadaire dominical faits procedure question posée I moyen à disposition de l’inspecteur du travail pour faire cesser le travail

dominical A) la voie pénale

a) principes b) le constat des faits

1) les divers moyens à la disposition de l’inspecteur du travail pour établir les faits

2) procès verbal - les suites pénales du procès verbal - les suites non pénales du procès verbal

2) la voie civile a) le référé

1) principe de saisine du juge des référes par les personnes ou institutions concernées directement ou indirectement

- salariés - syndicats

2) la saisine du juge des référes par l’inspecteur du travail b) problèmes de procédure et de preuve

II efficacité A) la voie pénale sanction à posteriori a) le principe b) le recours au flagrant délit B) le référé efficacité et immédiateté possible de la sanction a) astreinte: prononcé b) astreinte: liquidation

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Même si ce n’est pas toujours sans contrepartie pour les salariés qui, sauf dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin où cela ne s'applique pas en raison d’un régime spécifique1, chaque salarié privé de repos dominical perçoit le plus souvent, mais pas toujours, car cette règle n’est pas absolue, une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due2. En effet, dans les situations de dérogations de droit à la règle du repos hebdomadaire dominical, la loi3 incite les partenaires sociaux à négocier des compensions au bénéfice des salariés4, mais n’y oblige nullement, ce qui signifie qu’en absence ou d’échec des négociations les salariés concernés peuvent travailler le dimanche sans aucune compensation, même si en pratique le plus souvent il y en a.

Le repos hebdomadaire dominical5 qui est malmené en pratique6 et phagocyté par les exceptions spécialement, mais pas seulement, celles prévues au bénéfice des commerces de détail alimentaires7, et dérogations8, continu à être le principe9 que les inspecteur du travail, non sans mal10, comme le démontre la présente espèce, s’attachent à faire respecter11.

faits Une société commercialise des produits non alimentaires au détail. Lors d'une

visite de l’un domiciliaire le dimanche de ses établissement le 2/04/2006 à 14h45 (un dimanche), l’inspecteur du travail compétent constate la présence de trois salariés alors que le propriétaire ne peut se prévaloir d'aucune autorisation dérogatoire au repos dominical. Cependant il ne dresse aucun procès-verbal, préférant saisir le juge des référés pour obtenir la fermeture du magasin. Il s’en est suivie une procédure particulièrement longue, dont la présente décision est, pour le moment, car la question d’un deuxième se pose, la dernière étape.

1 CCI Alsace GUIDE PRATIQUE DU DROIT LOCAL ALSACIEN MOSELLAN ; LexisNexis JurisClasseur Alsace-Moselle -

2 C. trav., art. L. 3132-27 L. no 2009-974 du 10 août 2009 JO du 11 3 L. no 2009-974 du 10 août 2009JO du 11 4 Circulaire DGT/20 31 août 2009 d’application de la loi de 2009 : L. no 2009-974 du 10 août 2009JO du 11 5 L. Deparibour-Taride., Histoire d'un jour, le dimanche chômé : Semaine sociale Lamy n° 683, 14 févr. 1994 6 F. Favennec-Héry et B. Grassy., Rigueur et incertitudes du principe du repos dominical : Dr. soc. 1993, p. 336

7 C. trav., art. L. 3132-13 8 M. Vericel., Faut-il conserver le régime actuel du repos dominical ? : Rev. Dr. trav. 2008, p. 642 ; F. Signoretto., Le travail du dimanche dans les commerces agro-alimentaires : RPDS 1987, p. 198

9 C. trav., art. L. 3132-3 ; S. Hennion-Moreau., La règle du repos dominical : Dr. soc. 1990, p. 434 10 M. Masse., L'énervement de la répression en matière d'infraction au repos hebdomadaire : Dr. soc. 1980, p. 460

11 J.-C. Bonichot., L'administration peut-elle avoir recours au juge judiciaire non répressif pour faire respecter la loi ? À propos du repos dominical : Dr. soc. 1995, p. 139 ; M. Morand L'astreinte n'est pas de tout repos : Semaine sociale Lamy, n° 1086, 29 juill. 2002 ; S. Beal et A. Ferreira., Le repos dominical : une règle toujours strictement appliquée par la jurisprudence : JCP E 2006, 2600

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procédure Après avoir constaté les faits, mais sans dresser de procès verbal, l'Inspecteur

du Travail a, par acte d'huissier en date du 9 mai 2006, fait assigner: la société, et l'Administrateur Judiciaire de celle-ci pour obtenir la fermeture dominicale immédiate du magasin, cela sous astreinte de 10 000 € par dimanche et par salarié illégalement employé. Il a demandé en outre la désignation d'un huissier de justice aux fins de constater le non respect de l'ordonnance à intervenir en lui permettant de pénétrer, éventuellement accompagné par un Inspecteur du Travail, dans les locaux et de recueillir le nom des personnes employées. Il a sollicité enfin que le Juge des référés se réserve le droit de liquider l'astreinte.

Les défendeurs ont conclu à l'irrecevabilité des demandes présentées par l'Inspecteur du Travail en faisant valoir l'absence totale de preuve de la visite effectuée le 2 avril 2006 dans le magasin et allégué que le texte de l'assignation ne vaut pas preuve de la visite.

L'Inspecteur du Travail a exposé que la demande visait les dimanches pour lesquels il n'y a pas de dérogation d'ouverture, affirmé ne pas avoir besoin de procès-verbal de constat avant l'assignation dès lors que le code du travail lui donne le pouvoir de constater l'infraction, le seul constat valant preuve. Par ordonnance de référé du 5 septembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE a débouté l'Inspecteur du Travail de ses demandes, en estimant que lors d'une visite domiciliaire le dimanche 2/04/2006 à 14h45 au magasin, il a constaté la présence de trois salariés alors que le propriétaire ne pouvait se prévaloir d'aucune dérogation de droit à la règle du repos dominical12, ni de dérogation préfectorale13, qu’aucun procès-verbal n'ayant été établi14 ; c'est à tort que l'Inspecteur du Travail considère que l'assignation vaut procès-verbal de constat.

Puis, suivant déclaration enregistrée le 11/10/2006, l'Inspecteur du Travail et le MINISTRE DU TRAVAIL, ont formé appel de cette décision en reprennant leurs demandes initiales, outre la fixation d'une astreinte élevée pour garantir l'exécution de la décision. IIs considèrent que la procédure est régulière, et l'infraction établie par la reconnaissance de la partie intimée et par une attestation du contrôleur ayant accompagné, l’inspecteur que rien n’obligeant à rédiger un procès-verbal. Ils en concluent à la confirmation de la décision déférée.

Par arrêt du 7 avril 2008, la Cour d'Appel de NANCY a confirmé l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions. Pour statuer ainsi la Cour a relevé que: le rôle de l'Inspecteur du Travail est défini par le code du travail et peut concerner le jour de repos hebdomadaire que cela suppose cependant la possession de preuves non sérieusement contestables devant le juge des référés, qu’au vu de l'absence de rédaction d'un procès-verbal d'infraction, la preuve des éléments de fait constitutifs de travail illégal ne saurait être apportée par un témoignage du contrôleur que l'ordonnance doit être confirmée.

12 article L. 221-9 du code du travail devenu C. trav., art. L. 3132-12 13 CT article L. 221-6 devenu C. trav., art. L. 3132-20 14 article L. 611-10 du code du travail devenu 1 er alinéa de l'article L. 8113-7 du code du travail

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Sur pourvoi formé par l'Inspecteur du Travail et le ministre, la Cour de Cassation15 a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de NANCY au motif que:

"Attendu que l'Inspecteur du Travail a constaté le dimanche 2 avril 2006 à 14 heures 45 qu'un établissement de la société ……. qui commercialise des produits non alimentaires sous l'enseigne ….., était ouvert et que trois salariés y travaillaient; qu'estimant que le fait de faire travailler le dimanche ces trois salariés était contraire aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13 du code du travail, il a saisi en référé le président du tribunal de grande instance afin de voir ordonner les mesures propres à faire cesser l'emploi de ces salariés le dimanche;

Attendu que pour rejeter la demande formée en référé par l'inspecteur du Travail, l'arrêt retient que la mise en œuvre de la procédure spéciale prévue à l'article L. 3132-31 du code du travail imposait que la juridiction des référés soit mise en possession de preuves non sérieusement contestables et contemporaines des faits dénoncés ; que par conséquent c'est à juste titre que le premier juge a écarté la règle de droit commun selon laquelle la preuve des faits est libre, pour retenir que, lorsqu'il entend agir en référé, sur le fondement de l'article L. 3132-31 susvisé, l'Inspecteur du Travail doit avoir constaté l'infraction conformément aux prescriptions du 1 er alinéa de l'article L. 8113-7 du code du travail, par un procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve du contraire ; Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés". L’affaire ayant été renvoyée devant la cour d’appel de Metz.

L'Inspecteur du Travail et le MINISTRE ont formé le 9/04/2010, une déclaration de reprise d'instance devant celle-ci. Par conclusions récapitulatives entrées au greffe le 26/11/2010, ils ont formées auprès de la Cour de renvoi, les demandes suivantes: Statuant sur renvoi après cassation, Infirmer l'ordonnance de référé du 5 septembre 2006. vu l'emploi illicite de salariés le dimanche, ordonner la fermeture dominicale de la société exploitante et ce sous astreinte de 10 000 € euros par dimanche et par salarié illégalement employé, désigner tel huissier compétent aux fins de constater le non respect de l'arrêt, en lui permettant de si besoin est, accompagné par l'Inspecteur du Travail, pénétrer dans l'établissement et de recueillir le nom des personnes employées, dire que la Cour sera compétente pour procéder à la liquidation de l'astreinte fixée Condamner la Société et l’administrateur judiciaire, ès qualités.

arguments des parties Les arguments exposés par l’inspecteur du travail et le ministre sont les suivants: l'établissement d'un procès-verbal. n'est pas obligatoire pour l'Inspecteur du

Travail: ce n'est qu'une possibilité. Il lui appartient d'obtenir la preuve de l'infraction par tous moyens dont l'aveu et le témoignage. Les affirmations contenues dans l'assignation concernant des faits qu'il a personnellement constatés font ainsi preuve de l'infraction ; de plus, l'employeur n'a jamais contesté la matérialité de l'ouverture le dimanche, ce qui justifie l'infirmation de l'ordonnance déférée.

15 Cour de Cassation 10/03/2010 pourvoi n° : 08-17044 : Bulletin civil 2010, V, 64

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Par conclusions récapitulatives entrées au greffe le 14/02/2011 la société forme les demandes suivantes:

déclarer l'appel interjeté irrecevable et en tous cas mal fondé, mettre hors de les administrateurs judiciaires de la société, confirmer l'ordonnance de référé du 5/09/2006 au besoin par substitution de motifs, débouter l'appelant de toutes ses demandes fins et conclusions contraires. Cela au vu des arguments suivants: même si l'on admet qu'aucun procès-verbal n'était obligatoire16, l'Inspecteur du Travail est défaillant dans l'administration de la preuve des faits illégaux invoqués. Le juge ne doit pas suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve. Le respect du principe du contradictoire doit être vérifié. La preuve testimoniale doit émaner d'un tiers et non de l'inspection du travail elle-même. La possibilité pour l'Inspecteur du Travail de saisir la juridiction des référés, ne le dispense pas de se conformer aux obligations du code du travail sur le constat des infractions par procès-verbaux17; donc l'assignation ne vaut pas procès-verbal. Les preuves produites ultérieurement ne sont pas conforme. La motivation de la cour d'appel est pertinente à cet égard, en tout état de cause les pièces produites à posteriori: deux attestations, produites pour la première fois en appel, sont inopérantes ; la précédente cour les a justement écarté, ce qu'il faudra confirmer.

La cour d’appel de Metz a jugé que par application des regles relatives au reglment judiciaire18, il y avait lieu de mettre hors de cause les administrateurs judiciaires. Que la régularité de la saisine du juge des référés au regard des dispositions applicables19 n'est pas discutée. Mais aussi que le juge des référés saisi par l'Inspection du Travail aux fins de prendre toutes mesures propres à faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue l'exercice d'un travail le dimanche non autorisé, a écarté la demande au motif qu'aucun procès-verbal20 n'avait été établi. La Cour d'appel de Nancy a confirmé l'ordonnance déférée, en considérant que la preuve de l'infraction dénoncée par l'Inspecteur du Travail supposait la rédaction d'un procès-verbal de constatation d'infraction21 comme l'avait fait le premier juge. La cour d’appel de Metz a aussi jugé qu'après renvoi le 10/03/2010 par la Cour de Cassation, l'Inspecteur du Travail ainsi que son Ministre de tutelle entendaient, en se fondant sur le principe de la liberté de la preuve, invoquer le témoignage d'un contrôleur, se déclarant présent sur les lieux de l'établissement le dimanche 2 avril 2006 à 14 h 4. La cour a estimé qu’il y avait lieu d’écarter le témoignange du contrôleur du travail car l'absence d'obligation pour l'autorité

16 L. 8113-7 du code du travail 17 article L. 8113-7 du code du travail 18 DERRIDA (F.), GODE (P.) et SORTAIS (J. P.)., Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, 3 ème éd, Dalloz ; Le CANNU (P.), LUCHEUX (J. M.), PITRON (M.) et SENECHAL (J. P.)., Entreprises en difficulté, éd Joly ; Le CORRE- BROLY (E.)

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19 C. trav., art. 221-16-1 devenu L. 3231-1 20 C. trav., art. L. 611-10 deveu art. L. 8113-7 21 art. L. 8113-7 du code de l'article du travail

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de contrôle de se conformer à la procédure du procès verbal22, ne lui permet pas pour autant, de s'affranchir des règles de preuve générales, telle que l'impossibilité de se constituer une preuve à soi-même23, de même et pour la même raison pour celui de l'Inspecteur du Travail. La cour a donc estimé que la partie appelante, ne justifie pas de la présence de trois salariés en situation de travail dans l'établissement sus visé à l'heure déclarée, la rédaction d'un document portant relation des faits par l'Inspecteur du Travail lui-même, tombant sous le coup de la règle de l'impossibilité de se constituer une preuve à soi même, qu’ aucun élément probant non sérieusement contestable et contemporain des faits dénoncés comme constitutifs d'un trouble manifestement illicite n'est rapporté en l'espèce, elle a donc par substitution de motifs confirmée l'ordonnance déférée et débouté de leurs demandes les parties appelantes. La question se pose donc de savoir quelles sont les moyens dont dispose un inspecteur du travail pour établir et faire cesser un travail dominical illicite (I) et de leur efficacité (II)

Si le repos hebdomadaire reste le principe24, les dérogations sont de plus en plus nombreuses. Il peut s’agir des dérogations permanentes liées aux contraintes de production ou aux besoins du public indiquées dans une liste particulièrement longue25 même si ce bénéfice de la dérogation de droit au repos dominical, n'est accordé qu'aux entreprises exerçant, à titre principal, l'une des activités énumérées26, encore que dans certaines circonstance il soit possible d’obtenir des dérogations sans y figurer, ainsi le préfet peut pour accorder des dérogations à la règle du repos hebdomadaire dominical tenir compte de considérations techniques, par exemple l’utilisation par l’employeur d’une nouvelle technologie conçue pour travailler en continu et pour éviter la perte de produits lors des interruptions du processus de production, dans ce cas une dérogation individuelle peut être légalement accordée, sur ce fondement à une usine de fabrication de pneumatiques expérimentant des techniques de production originales27.

Les dérogations peuvent aussi être justifiées par la situation dans les communes d'intérêt touristique ou thermales ou dans les zones touristiques28 ou les zones dites « PUCE » « périmètre d'usage de consommation exceptionnel »29. Il existe aussi des dérogations, accordées par le maire dans les commerces de détail, (règle des cinq dimanches par an)30. Ces dérogations accordées dans la localité

22 C. trav., article L. 8113-7 23 Com. 22 mars 2011, n°09-72.426 ; Clotaire Mouloungui., notions Fondamentales du droit :Editions L'harmattan - 12/10/2001

24 C. trav., art. L. 31 32-3 25 article R. 3132-5 du Code du travail 26 Soc. 16 juin 2010: Dalloz actualité, 2 juill. 2010, obs. Dechristé; RDT 2010. 591, obs. Véricel; RJS 2010. 575, Rap. Gosselin; ibid. 2010. 607, no 678; JCP S 2010. 1342, obs. d'Allende.

27 CE 20 oct.1993, n° 143.859 : CSB 1993. 307, A. 65, note Philbert; RJS 1993. 715, no 1206, concl. Schwartz.

28 C. trav., Art. L. 3132-25 al. 2 29 C. trav., Art. L. 3132-25-1 à C. trav., Art. L. 3132-25- 4 (L. no 2009-974 du 10 août 2009 (JO du 11 p. 13313)

30 C. trav., art. L. 3132-26

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doivent l’être le même jour pour tous les commerces exerçant une même activité31. Il est également loisible de prévoir des dérogations conventionnelles (convention, accord collectif étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement) au repos dominical, en cas de travail en continu ou d'équipes de suppléance32. L'absence de conclusion d'une convention dans une entreprise, quelles qu'en soient les raisons, ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d'une dérogation fondée sur ce texte33. Les dérogations sont aussi possibles en cas de travail en équipes successives34. Il suffit que l'entreprise fonctionne en continu par équipes successives pour que cela soit applicable aux salariés affectés à l'une de ces équipes, peu important que, par intermittence, ils soient soumis à un horaire normal35. Mais il a aussi été jugé qu’en relevant que seuls trois postes de travail sur les neuf des deux secteurs concernés étaient occupés d'une manière permanente sept jours sur sept par roulement au sein de chaque équipe, que la répartition horaire de l'activité dans l'ensemble des deux secteurs était différente selon la qualification des salariés et que les jours de repos du salarié concerné étaient fixes et alternés une semaine sur deux, les juges du fond ont pu en déduire que l’entreprise ne travaillait pas de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu36. Il existe aussi des dérogations obligatoirement soumises à autorisation administrative. Il est alors possible d'obtenir des dérogations préfectorales afin d'éviter un préjudice au public ou au fonctionnement normal de l'établissement37. Le caractère préjudiciable au public d'une fermeture le dimanche doit s'apprécier eu égard notamment à la nature des produits mis en vente38. Il est admis qu’est justifiée la décision du préfet refusant la dérogation à la règle du repos hebdomadaire dominical, dès lors qu'il n'apparaît pas que la fermeture dominicale d'un bureau de vente compromettrait le fonctionnement normal de l'établissement ou serait préjudiciable au public, la société ne pouvant utilement se prévaloir, ni de l'avantage tiré d'une ouverture sans autorisation, ni de la circonstance que d'autres commerces du département bénéficient de dérogations39. Pour octroyer cette dérogation le préfet peut tenir compte de certains éléments, par exemple le risque d’un important détournement de clientèle lorsque des dérogations sont accordées à d’autres enseignes situés, sur le territoire de communes limitrophes40. Une entreprise ne saurait se prévaloir, pour obtenir une dérogation à la règle du repos

31 Art. R. 3132-21 du C.T. ; CE 29 oct. 2008, n° 289617 32 C. trav., art. L. 3132-14, L. 3132-15 et L. 3132-16). VÉRICEL, réglementation du travail du dimanche: modalités d'application : RDT 2009. 659

33 CE 20 oct.1993, n° 143.859 : CSB 1993. 307, A. 65, note Philbert; RJS 1993. 715, no 1206, concl. Schwartz

34 C. trav., art. 3132-10 35 Soc. 14 nov. 2000: Bull. civ. V, no 374; Dr. soc. 2001. 84, obs. Barthélémy; D. 2000. IR 301; RJS 2001. 34, no 54

36 Soc. 6 juill. 1994: Dr. soc. 1994. 893, obs. Barthéléy 37 C. trav., art. L. 3132-20 38 CE 16 oct. 1995: RJS 1995. 797, no 1249 (2e, 3e et 4e esp.). 39 CE 6 juill. 1984: Gaz. Pal. 1985. 2. Pan. 268 40 CE 17 janv. 1997, n° 168027

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dominical, de l'importance de son chiffre d'affaires dominical, qui a été réalisé grâce à son maintien dans une situation irrégulière de nature à fausser la concurrence41. La dérogation à la règle du repos dominical ne peut être accordée à un établissement déterminé qu'en raison de sa situation propre, son emplacement au sein d'un centre commercial est sans incidence quand bien même cette structure offrirait simultanément en un même lieu de larges possibilités de vente et d'activités de loisir. La circonstance selon laquelle la fermeture le dimanche de ces établissements risquerait d'entraîner des licenciements ou des baisses de rémunération compte tenu des embauches réalisées pour répondre au surcroît d'activités résultant de l'ouverture dominicale n'est pas à elle seule de nature à justifier la dérogation à la règle du repos dominical en l'absence d'atteinte au fonctionnement normal de ces établissements42. L'accord des salariés ne figure pas au nombre des dérogations à la règle du repos dominical autorisées et ne saurait ainsi constituer un fait justificatif43.

Même si la règle devient de moins en moins une réalité concrète, le repos hebdomadaire dominical continu à être le principe44. Face à une situation de travail dominical illicite qu’il souhaite faire cesser l’inspecteur du travail dispose, à son choix45, de deux voies procédurales l’action civile (B) ou l’action pénale (A) voire de l’utilisation successive ou simultanée des deux.

A) la voie pénale a) principes Le fait de méconnaître les règles relatives au repos hebdomadaire et au repos

dominical est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe46, donnant lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés illégalement employés. L'admission de circonstances atténuantes interdit au juge d'appliquer la peine maximum47. Les peines sont aggravées en cas de récidive dans le délai d’un an48. La récidive est indépendante du lieu où la première infraction a été commise49. La responsabilité pénale est, en effet, personnelle et ne saurait être attachée à l'établissement au sein duquel l'infraction a été commise. Il n'en serait autrement

41 CE 18 févr. 1991: D. 1992. Somm. 152, obs. Chelle et Prétot; RJS 1991. 249, no 471 ; CE 8 juill. 1994: RJS 1994. 674, no 1140.

42 CE 9 déc. 2005: JCP 2006. 1186, note Bugada. 43 Crim. 5 déc. 1989: D. 1990. Somm. 175, obs. A. Lyon-Caen; Dr. ouvrier 1992. 159, note Alvarez-Pujana. ; ODOUL-ASOREY, le volontariat du salarié : RDT 2010. 91

44 C. trav., art. L. 3132-3 45 Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-17.044, FS-P+B, Inspecteur du travail de la 2e section de la DDTEFP des Vosges et a. c/ SA Centrale internationale de distribution (CID) et a. : JurisData n° 2010-001519 ; Isabelle Beyneix Travail illicite du dimanche et saisine du président du tribunal de grande instance par l'inspecteur du travail : La Semaine Juridique Social n° 15, 13 Avril 2010, 1149

46 article R. 3135-2 du Code du travail, soit 1 500 €. Cette amende est portée à 3 000 € en cas de récidive.

47 Cass. crim., 6 avr. 1993, Beguin 48 Art. R. 3135-2 du C.T. 49 Cass. crim., 5 janv. 1983 : Bull. crim. 1983, n° 8 ; JCP G 1984, II, 20221, note R. de Lestang

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qu'en cas de délégation de pouvoir50 ayant pour effet que le responsable pénal ne serait plus le dirigeant mais un préposé. Le délai de prescription de l'action publique est interrompu par des actes de procédure51. À l’intérieur d’une même entreprise tous les salariés sont concernés. Aucune distinction n'étant faite entre les salariés employés pendant un seul jour de la semaine ou employés habituellement pendant les autres jours, tous constituent le personnel de l'entreprise auquel l'employeur doit le repos hebdomadaire le dimanche52. De même, est illégale l'ouverture le dimanche pratiquée avec le concours de personnes membres de la famille du gérant, mais placées sous sa subordination53. Le non-respect des clauses des conventions et accords collectifs étendus qui dérogent au repos du dimanche: équipes de suppléance54, repos par roulement55 est sanctionné également sur ce fondement56 dans la mesure où, le non-respect de ces clauses est sanctionné de la même manière que celui de la disposition légale ou réglementaire à laquelle l'accord a dérogé licitement57.

La nouvelle loi relative au repos hebdomadaire dominical58, qui réaffirme le principe du repos dominical et vise à adapter, sous certaines conditions, les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines agglomérations pour les salariés volontaires, n'a pas eu pour effet de priver de support légal les infractions au repos dominical constatées avant son entrée en vigueur59. Elle n'est pas une loi moins sévère et ne peut donc être rétroactive60. Pour ce qui est du cumul d'amendes, les contraventions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de personnes illégalement employées61. En conséquence, “les contraventions à la règle du repos dominical donnent lieu, qu'elles aient été perpétrées une seule fois ou à plusieurs reprises, à autant d'amendes qu'il y a de personnes illégalement employées62. Dès lors, il importe peu que l'identité des salariés concernés, n'ait pas été précisée par le juge63.

Lorsqu'un salarié est employé irrégulièrement un dimanche, ce sont deux infractions qui sont susceptibles d'être commises, l'une à l'égard de l’obligation du

50 Cass. crim., 11 mars 1993, n° 91-80.598 ; Cass. crim., 19 sept. 2007 ; n° 06-85.899 51 CA Paris, 9 avr. 1993 52 Crim. 24 mai 1976: Bull. crim. no 177 ● 2 oct. 1984: ibid., no 281 ● 14 nov. 1989: D. 1990. Somm. 175, obs. A. Lyon-Caen. Comp., en cas de recours à des «extras»: ● Crim. 16 déc. 1981: D. 1982. IR 323, obs. Vachet.

53 Soc. 4 oct. 1994: CSB 1995. 54, S. 28 54 C. trav., art. L. 3132-16 55 C. trav., art. L. 3132-14 56 C. trtav., article R. 3135-2 et suivants 57 C. trav., article L. 2263-1 58 loi du 10 août 2009 JO du 11 59 Casc. crim 16 mars 2010 : RJS 7/10 n° 604 60 Cass. crim., 16 mars 2010, n° 09-82.198 : JurisData n° 2010-002924 ; JCP S 2010, 1227, note M. d'Allende)

61 l'article R. 3135-2 du Code du travail 62 Cass. crim., 5 mai 1998 : Dr. ouvrier 1998, p. 328 63 Cass. crim., 10 janv. 1995 : JurisData n° 1995-000203 ; Bull. crim. 1995, n° 9. – Cass. crim., 16 févr. 1999, pourvoi n° 98-80.069

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repos dominical64, l'autre à l’égard de l'interdiction d'occuper un salarié pendant plus de 6 jours par semaine, si de ce fait, le salarié a travaillé plus de six jours de suite65. Ces infractions comportant des éléments constitutifs spécifiques doivent être réprimées distinctement66. En revanche, résulte d'un fait unique l'infraction au repos dominical et à un arrêté préfectoral de fermeture67. Pour les infractions relatives au repos hebdomadaire des apprentis, qui doit être fixé le dimanche68, l'amende correspondant aux contraventions de la quatrième classe69.

b) le constat des faits 1) les divers moyens à la disposition de l’inspecteur du travail pour établir les faits Il n’est possible de réprimer le non-respect de la règle du repos hebdomadaire

dominical que si les faits sont établis. Pour y parvenir les inspecteurs du travail disposent de certains moyens, rappelés par une référence expresse de l’arrêt de la cour de cassation qui avait glissé dans celui-ci l’incidente suivante: « et en usant des pouvoirs qu'il tient des articles L. 8113-1, L. 8113-2 et L. 8113-4 du code du travail » aux pouvoirs et moyens de l’inspecteur du travail visés par les textes cités, ce qui avait fondé sa décision selon laquelel le constat des faits ne doit pas être obligatoirement fait par un procès verbal de l’inspecteur du travail70. Ils ont un droit d'entrée dans tout établissement71 où sont applicables les règles de droit du travail72 afin d'y assurer la surveillance et les enquêtes dont ils sont chargés, y compris dans les locaux où les travailleurs à domicile exercent leur activité73. Ils sont habilités à demander aux employeurs et aux personnes employées dans les établissements soumis à leur contrôle de justifier de leur identité et de leur adresse74. Ils peuvent se faire présenter, au cours de leurs visites, l'ensemble des livres, registres et documents rendus obligatoires par le code du travail ou par une disposition légale relative au régime du travail75. Mais ils ne peuvent exiger que la présentation des seuls livres, registres et documents rendus obligatoires par le code du travail ou par une disposition légale ou réglementaire relative au régime du travail76. Cela sous peine de constatation par ses soins du délit d'obstacle à ses fonctions77. Par l’utilisation de ces pouvoirs il pourra, sans aucunes difficultés,

64 C. trav., article L. 3132-3 65C. trav., article L. 3132-1 66 Cass. crim., 25 nov. 1997: Cah. soc. barreau 1998, n° 98, S 54, p. 95 67 Cass. crim., 3 nov. 1999: Cah. soc. barreau 2000, p. 464. – Cass. crim., 25 nov. 1997 : Bull. crim. 1997, n° 401

68 C. trav., article L. 3164-5 69 C. trav., article R. 3165-3 70 Cour de Cassation 10/03/2010 pourvoi n° : 08-17044 : Bulletin civil 2010, V, 64 71 C. trav., Art. L. 8113-1 72 premier alinéa de l'article L. 8112-1 73 C. trav., Art. L. 8113-1 al.2 74 C. trav., Art. L. 8113-2 75 C. trav., Art. L. 8113-4 76 Crim. 17 mars 1992: Bull. crim. no 116; D. 1992. IR 222; JCP 1993. II. 22020, 2e esp., note Godard; RJS 1992. 561, no 1017

77 C. trav., art. L. 8114-1

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établir des faits de travail dominical illicite, et rien ne lui interdit de les consigner dans une lettre d’observations qu’il peut certes adresser à l’employeur par la voie postale mais qu’il a aussi la possibilité de lui remettre en mains propres78. Ceci est très large mais compte tenu de la nature de l’infraction, tous ces pouvoirs ne seront pas forcément utiles lorsqu’il s’agira d’établir des faits de travail dominical illicite. Cependant ce rappel dans l’arrêt de la cour de cassation des pouvoirs de l’inspecteur du travail et la mention selon laquelle qu’en statuant comme l’avait fait la cour d’appel avait violé le principe de la liberté de la preuve79, ne sont surement pas des formules innoncentes. L'inspecteur du travail est habilité à dresser un procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve du contraire des infractions qu'il constate dans l'accomplissement de sa mission80. C’est pour lui, une possibilité, non une obligation.

2) l’établissement des faits par un procès verbal Compte tenu de la force probante qui leur est attaché, les constats personnels de

l'agent de contrôle revêtent une importance capitale pour la suite du procès pénal. Le procès-verbal doit décrire de manière précise les faits constatés personnellement par l'agent de contrôle, les constatations forment en effet la preuve légale de l'infraction, et leur précision permet aux juges, d'appréhender le plus concrètement possible la réalité des faits. il importe que les éléments de constatation des faits en rapport avec l'infraction visée permettent aux juges de faire une exacte application de la loi" 81. Cette force probante attachée aux constats des agents de l'inspection du travail signifie également qu'ils ne peuvent dresser procès-verbal sur la simple base de simples déclarations de salariés leur faisant part d'irrégularités dans l'application de la règlementation dans leur entreprise. En revanche, lorsque l'agent de contrôle constate que plusieurs salariés sont concernés par l'infraction, il doit le mentionner précisément dans le corps du procès-verbal. À défaut il devra rapporter par tout moyen de preuve l'identité des salariés visés. Cependant, l'absence de liste nominative n'est pas une cause de nullité de la procédure82.

En l'absence de précisions légales sur la nature juridique du procès-verbal,les précisions légales étant limitées à la force probante du proces verbal, c'est la jurisprudence qui a défini la nature juridique des procès-verbaux de l'inspection du travail. De manière constante, elle décide que le procès-verbal n'est pas une décision administrative susceptible de recours, mais qu'il constitue un acte de poursuite ou d'instruction83, il est donc interruptif de la prescription84. L’infraction peut être établie par un procès verbal de l’inspecteur du travail dont la force probante est

78 J. Michel, Les sanctions en droit du travail : Doc. fr., 2004, tome I, p 46 s. 79 Serge Guinchard, Cécile Chainais, Frédérique Ferrand Procédure civile Edition : 09 2012 - 31e édition

80 C. trav., art. L. 8113-7 81 Cass. crim., 2 oct. 1987, Montaleytang 82 Cass. crim., 2 oct. 1987 : Jurispr. soc. UIMM, n° 88-499 83 l'article 7 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 26 nov. 1985 : Bull. crim. 1985, n° 378. – Cass. crim., 17 déc. 1991 : Bull. crim. 1991, n° 483

84 CPP articles 8 et 9

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particulièrement forte puisque les procès-verbaux établis par les inspecteurs du travail font foi jusqu'à preuve du contraire85. Cela signifie que les agents de l'inspection du travail n'ont pas l'obligation de rapporter la preuve des faits pour lesquels ils relèvent procès-verbal: leur simple constat suffit à établir la réalité des faits. L'application de ce principe signifie également qu’un simple doute manifesté par le juge sur la réalité des infractions ne saurait constituer la preuve contraire des faits établis 86, a fortiori, de simples dénégations du chef d'entreprise visé par le procès-verbal ne sauraient suffire87. Ainsi, doit être condamné le chef d'établissement qui ne peut rapporter la preuve contraire des constatations effectuées par l'inspecteur du travail88. La valeur probante des constats des agents de l'inspection du travail est plus forte que celle des OPJ (simples renseignements) mais moins que celles des agents des douanes (inscription en faux).

L'inspecteur du travail n'est pas officier de police judiciaire. Les prescriptionsdu code de procédure pénale89 ne s'appliquent pas aux procès-verbaux qu'il dresse90. La force probante spécifique, des procès verbaux de l’inspecteur du travail, que la loi reconnaît aux constatations matérielles contenues dans ce procès-verbal résultant d'un texte spécial, ne s'attache, par voie de conséquence, qu'à celles intéressant les infractions à la législation du travail91, et ne peut concerner que les faits directement observés par l'inspecteur lui-même92.

Si lorsque l'infraction relevée concerne la durée du travail93 un exemplaire du procès-verbal doit être remis au contrevenant, cela ne concerne pas les dispositions relatives au repos hebdomadaire94. La preuve de l'infraction au repos hebdomadaire dominical doit être rapportée pour pouvoir être réprimée distinctement. Il n'est possible de tirer argument d'un autre constat pour justifier une amende que si ce constat ne laisse aucun doute sur la matérialité des faits incriminés. Mais il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une prétendue dérogation l'autorisant à employer des salariés un dimanche95. Le prévenu contre lequel est relevée l'infraction par procès-verbal est l'exploitant en nom personnel ou, sauf délégation de pouvoirs96, le responsable de la société, peu importe la forme juridique de celle-ci97. Le directeur d'un établissement peut également être considéré comme responsable pénal primaire, s'il a, du fait de la très grande étendue de ses pouvoirs, tels qu'ils résultent de son contrat de travail, et de

85 C. trav., art. L 8113-7 al. 1 86 Cass. crim., 10 févr. 1911: Bull. crim. 1911, n° 91 87 Cass. crim., 25 janv. 1936: DH 1936, p. 150. – Cass. crim., 28 mai 1991 : Bull. crim. 1991, n° 227 88 Cass. crim., 29 sept. 1992: Bull. crim. 1992, n° 292 89 CPP art. 66 90 article L. 8113-7 du Code du travail ; Cass. crim., 28 mai 1991 : TPS 1991, comm. 412 91 Cass. crim., 8 avr. 1986 : JCP E 1987, II, 16746, n° 10, obs. O. Godard 92 Cass. crim., 3 juin 1986 : JCP E 1987, II, 16746, n° 10, obs. O. Godard 93 article L. 8113-7 dernier al. du Code du travail, 94 C. trav., articles L. 3111-1 ; Cass. crim., 8 févr. 2000 : Dr. ouvrier 2001, p. 446 95 Cass. crim., 3 mai 1989 : Bull. crim. 1989, n° 182 ; 96 Annick Renaud Coulon., La Délégation De Pouvoir : : Dunod 97 A. Coeuret, E. Fortis ., Droit pénal du travail LexisNexis Février 2012

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l'isolement géographique du site par rapport au siège social où s'exerce le pouvoir du dirigeant de droit, une autorité telle qu'elle le fait apparaître comme l'employeur. Le prévenu peut aussi être un responsable pénal secondaire, en vertu d'une délégation de pouvoirs. Toutefois, s'agissant des infractions au droit du repos hebdomadaire dominical, le directeur du magasin ne fait souvent qu'exécuter des ordres émanant de la direction générale, la preuve étant alors faite qu'il n'a aucun pouvoir de décision en la matière98, dans ce cas il n epeut être poursuivi. On peut même considérer que la répétition dans le temps des infractions au repos hebdomadaire ou dominical est la manifestation d'une organisation défectueuse de l'entreprise qui, à supposer incontestable au plan juridique la délégation de pouvoirs, conférerait à l'infraction la qualification de faute personnelle du dirigeant, peu important l'éloignement du site où s'exécutent les contrats de travail concernés. le relevé d'une infraction par procès-verbal à l'encontre de l'employeur, puis la poursuite effective de ce dernier, supposent, en règle général, l'existence d'une intentionnalité de commettre l'infraction, plus particulièrement en matière délictuelle. Les magistrats du parquet, pour le renvoi de l'employeur devant le tribunal, puis les magistrats du siège, pour le prononcé éventuel d'une condamnation, ont donc tendance à exiger que la démonstration de cet élément intentionnel prenne la forme de lettres d'observations antérieurement adressées par l'inspection du travail à l'employeur, lui rappelant ses obligations en la matière. Bien évidemment, ce constat doit être nuancé selon la nature des infractions reprochées à l'employeur: ainsi, en matière de délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, et, d'une manière générale, pour toutes les infractions dites formelles (non tenue de documents obligatoires,...), la démonstration de l'élément intentionnel de l'infraction passe souvent par l'envoi d'une ou plusieurs lettres d'observations préalables. En revanche, en matière d'infractions aux règles d'hygiène et de sécurité, et notamment si le non respect de ces dispositions a entrainé un accident du travail, la démonstration de l'élément intentionnel sera moins difficile.

- les suites pénales du procès verbal Si l’inspecteur du travail a la faculté de relever procès-verbal à l'encontre d'un

employeur il ne peut toutefois le faire qu'autant que le Code du travail prévoit des sanctions pénales. Lorsque l’inspecteur du travail dresse un procès verbal d’infraction il doit le transmettre au parquet99. Par son procès-verbal, il invite en quelque sorte le Procureur de la République à poursuivre pénalement l'employeur, étant entendu que le Procureur de la République est libre de poursuivre, ou non, l'employeur, en vertu du principe de l'opportunité des poursuites pénales dont il dispose100.

98 Cass. crim., 9 oct. 1984 : JCP E 1985, II, 14495, note G. Vachet 99 C. trav., art. L. 8113-7 al. 2 100 article 40 du Code de procédure pénale

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C’est ensuite le procureur de la République qui décide d’un classement sans suite du renvoi l'employeur devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel,ou d’une autre forme de poursuites101.

Les salariés, eux, peuvent se constituer partie civile devant la juridiction pénale pour obtenir des dommages et intérêts. Le plaignant dispose du délai d’un an pour saisir le juge à compter du jour ou l’infraction a été commise. Les syndicats peuvent aussi se constituer partie civile devant la juridiction pénale lorsqu’un préjudice est porté à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Ils peuvent ainsi obtenir qu’il soit mis un terme à l’infraction constatée ainsi que des dommages et intérêts pour leur propre compte. Le juge pénal compétent est celui du tribunal de police.

Par contre en présence de situations de non respect des normes de droit du travail, même si elles sont constitutives d’infractions pénales, l’inspecteur du travail dispose d’autres possibilité de réponses à la situation que le choix de la voie pénale102 qui n’est pour lui qu’une possibilité parmi d’autres dont il a seul la maîtrise ce qui n’est pas le cas de la voie pénale maîtrisée par le parquet après information de celui-ci par l’inspecteur du travail.

- les suites non pénales du procès verbal Les inspecteurs du travail qui ont pour mission principale de contrôler

l'application du droit du travail dans les entreprises103 en tire celui de faire respecter la réglementation relative à l’interdiction du travail dominical. Il leur est possible d’utiliser la voie pénale ou la voie civile, ou les deux de manière simultanée ou non. Lorsqu’il constate une infraction au repos dominical l’inspecteur du travail peut dresser procès-verbal d’infraction104 susceptible d’ouvrir une procédure pénale105. Il a aussi d’autres moyens d’actions à sa disposition.

L'une des premières suites qui peut être donnée par les agents de l'inspection du travail à leur contrôle prend la forme d'un courrier d'observations106, dans lequel ils résument les points de non respect de la règlementation qu'ils ont constatés lors du contrôle, et demandent à l'employeur d'y mettre fin. La pratique informelle des observations est consacrée par la Convention de l'OIT relative à l’inspection du travail107, qui reconnaît la possibilité pour les inspecteurs du travail, de “donner des avertissements ou des conseils au lieu d'intenter ou de recommander des poursuites”. Le Code du travail consacre également cette pratique, mais de manière implicite seulement en prévoyant, dans certains cas, leur communication au chsct108

101 Jacques Buisson, Serge Guinchard., Manuel de procédure pénale LexisNexis 6e édition 09/2010 102 B. Silhol., L'inspection du travail et le choix de l'action pénale : Dr. soc. 2000, 959 ; Ch. Vigouroux, Principes de déontologie pour l'inspection convention n° 81 de l'OIT

103 C. trav., art. L. 8112-1 104 C. trav., art. L. 8113-7 105 Auteurs : A. Coeuret, E. Fortis., Droit pénal du travail : Editeur : LexisNexis 106 J. Michel, Les sanctions en droit du travail : Doc. fr., 2004, tome I, p 46 s. 107 Convention de l'OIT n° 81 art. 17 108 C. trav., art. R. 4614-5 qui prévoit leur communication au au CHSCT

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ou au comité d’entreprise109. La persistance des irrégularités relevées dans la lettre d'observations peut conduire l'agent de contrôle à rechercher l'effectivité du droit par le biais d'une mise en demeure, voire d'un procès-verbal si les irrégularités constatées exposent l'employeur à des sanctions pénales. Dans ce dernier cas, l'existence d'observations antérieurement formulées, non suivies d'effet par l'employeur, est de nature à renforcer le caractère délibéré du non respect de la règlementation et l'intention coupable de celui-ci. Pour autant, les observations ne constituent en aucun cas un préalable obligatoire à un procès-verbal et l'agent de contrôle peut dresser un procès-verbal en l'absence d'observations antérieures110.

L'absence d'observations préalables ne permet pas d'invoquer l'erreur de droit, ni une prétendue tolérance de l'inspecteur du travail111.

Les mises en demeure112 et les demandes de vérification sont des décisions administratives par lesquelles l'agent de l'inspection du travail (ou le DIRECCTE dans certains cas) demande au chef d'entreprise de prendre des mesures précises en matière d'hygiène ou de sécurité (installations de sécurité sur une machine,...) ou de faire vérifier un équipement de travail par un organisme agréé afin de s'assurer qu'il répond aux conditions de sécurité prévues par les dispositions légales. En outre, la mise en demeure ou demande de vérification prévoit un délai fixé par l'agent de l'inspection du travail pour que l'employeur procède aux travaux demandés ou aux vérifications de ses installations. On voit mal la possibilité pratique de ces dispositions en matière de travail dominical qui s’y prête mal. Cela n’a d’ailleurs pas été visé dans l’arrêt de la cour de cassation.

B) la voie civile Une action civile des salariés est envisageable. Une action en réparation du

préjudice subi peut toujours être exercée, devant la juridiction prud'homale, par les salariés qui ont été irrégulièrement employés un jour de repos hebdomadaire dominical. Ils pourront obtenir des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice subi par le fait d’avoir à travailler le dimanche dans des conditions illicites113. Les juges évaluent souverainement le montant de ces dommages et intérêts destinés à réparer l’atteinte portée à la vie personnelle du salarié114. Le refus exprimés par les salariés de travailler le dimanche, ne saurait valablement justifier une sanction disciplinaire ni constituer une cause légitime de licenciement115, est abusif le licenciement d'un ouvrier motivé par son refus de travailler le dimanche, dès lors que l'employeur ne rapportait pas la preuve qu'il bénéficiait légalement d'une dérogation. du contrat de travail lorsque l’employeur propose une nouvelle répartition de l’horaire de travail ayant pour effet de

109 C. trav., art. D. 4622-7 qui prévoit leur communication au comité d’entreprise lorsqu’elels sont relatives au au service de médecine du travail

110 Cass. crim., 7 déc. 1993: Bull. crim. 1993, n° 375 111 Cass. crim., 1er juill. 1997: Cah. n° 35, MICAPCOR, Doc. 3-749 112 C. trav., art. R. 4721-1 113 Cass. Soc. 31 janv. 2006, n° 04-40985 114 Cass. Soc. 16 fév. 2005, n° 03-40210 115 TI Quimper, 21 oct. 1959, Ferraza et union locale CGT c/ Sté française des industries maritimes

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priver le salarié de repos dominical. Tel est le cas pour un salarié employé depuis 8 ans en qualité de serveur dans un bar-café-restaurant qui travaille du lundi au vendredi. Même si l’employeur dispose d’une autorisation permanente de plein droit l’autorisant à ouvrir ses portes le dimanche, il ne peut contraindre le salarié à renoncer au repos dominical. Le salarié peut donc refuser les nouveaux horaires sans être licencié pour ce motif116. Autre exemple: le changement de la répartition de l’horaire de travail imposant à une salariée de travailler deux dimanches sur trois, et non plus un dimanche sur trois, constitue une modification du contrat de travail que la salariée est en droit de refuser. Le contrat de travail de la salariée précisait qu’elle travaillerait en moyenne un dimanche sur trois et prévoyait la possibilité de modifier ces horaires117. La protection de la vie familiale et personnelle du salarié118 trouve un écho grandissant chez les juges. On peut utilement s’en saisir dans les litiges relatifs au travail le dimanche. Le salarié à temps partiel s’est vu reconnaître certains droits en raison « des besoins de sa vie familiale » ou sur le fondement « d’obligations familiales impérieuses »119. Ce qui dans certains cas peut lui permettre de refuser le travail dominical. En cas de travail dominical illicite il y a urgence à faire cesser la situation d’où le recours au référé.

a) le référé 1) le principe de la saisine du juge des référés par les personnes ou institutions

concernées La violation de la règle du repos dominical est constitutive d'un trouble

manifestement illicite120. La circonstance que l'employeur ait obtenue, dans un premier temps, une dérogation préfectorale n'est pas de nature à écarter cette qualification121. L’action peut être exercée par les salariés, dans certaines circonstances par les syndicats de saalriés, voire d’employeurs, ou ausis par l’inspecteur du travail. Dès lors qu'une société occupe les dimanches des salariés appartenant au personnel de l'entreprise, une cour d'appel peut reconnaître l'existence d'un trouble manifestement illicite et, sans excéder ses pouvoirs, ni porter atteinte à la séparation des pouvoirs et sans prononcer une peine, prendre, en application du code de procédure civile122 les mesures lui paraissant s'imposer pour faire cesser ce trouble123. Dans une telle situation le juge des référé, pour être amené à prendre les mesures qui s’imposent pour faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue un travail dominical illicite peut aussi être saisi par l’inspecteur du travail124.

116 Cass. Soc. 2 mars 2011, n° 09-43223 117 Cass. Soc. 17 nov. 2004, n° 02-46100 118 Article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : charte sociale européenne révisée Point 27 de la partie I ; dixième alinéa du préambule de la constitution de 1946 ; Article 9 du Code civil

119 Art. L. 3123-7 & L. 3123-24 du C.T. 120 Soc. 13 juin 2007: D. 2007. AJ 1874; JCP S 2007. 1641, note Bugada 121 Soc. 16 juin 2010: RDT 2010. 591, obs. Véricel; RJS 2010. 575, Rapp. Gosselin; ibid. 2010. 606, no

678; JCP S 2010. 1342, obs. d'Allende 122 art. 809 CP 123 Soc. 14 juin 1989: D. 1989. 589, concl. Écoutin 124 C. trav., art. L. 3132-31

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Action exercée par les salariés et les tiers concernés salariés La violation de la règle du repos dominical étant constitutive d'un trouble

manifestement illicite125 la nécessité de faire le cesser autorise une action en référé qui peut être engagée par les saalriés afin d'obtenir la fermeture de l'établissement le jour du repos hebdomadaire afin de rendre effectif le droit des salariés au repos hebdomadaire dominical, mais on en connaît peu d’exemples.

- syndicats de salariés L’action peut aussi êtrte exercé par les syndicats de salariés qui jouissent de la

personnalité civile126 et ont le droit d'ester en justice127 pour la défense des intérêts matériels et moraux des salariés de la profession pour laquelle ils se sont constitués128. Des syndicats justifient d'un intérêt à agir en se prévalant de la violation de la règle du repos hebdomadaire dominical129 par certains commerçants d'un centre commercial qui, en raison de l'emploi de salariés le dimanche, sans autorisation régulière, causent ainsi un trouble manifestement illicite130, et rompent l'égalité au détriment de ceux qui se soumettent à la règle du repos dominical131. Le syndicat peut saisir le tribunal de grande instance en référé, la violation de la règle du repos dominical est constitutive d’un trouble manifestement illicite même lorsque les salariés ont donné leur accord au travail du dimanche132. Le syndicat de l’entreprise peut agir, mais aussi l’union locale de syndicats de la ville dans laquelle se situe l’établissement en cause, l’union départementale territorialement compétente, la fédération professionnelle concernée, et, aussi la confédération. Le juge des référés est compétent pour admettre la qualité d'un syndicat professionnel à l'effet d'agir contre une société n'observant pas la règle du repos dominical133.

– Action des syndicats d'employeurs Le non-respect, par certains employeurs, du repos hebdomadaire, rompant

l'égalité au préjudice de ceux qui respectent la règle légale, porte atteinte à l'intérêt 125 Soc. 13 juin 2007: D. 2007. AJ 1874; JCP S 2007. 1641, note Bugada 126 C. trav., art. L. 2132-1 127 C. trav., art. L. 2132-3 128 Cass. crim., 22 févr. 2000, arrêt n° 1416 129 article L. 3132-3 du Code du travail129 TI Quimper, 21 oct. 1959, Ferraza et union locale CGT c/ Sté française des industries maritimes

129 Cass. Soc. 2 mars 2011, n° 09-43223 129 Cass. Soc. 17 nov. 2004, n° 02-46100 129 Soc. 13 juin 2007: D. 2007. AJ 1874; JCP S 2007. 1641, note Bugada 129 Soc. 16 juin 2010: RDT 2010. 591, obs. Véricel; RJS 2010. 575, Rapp. Gosselin; ibid. 2010. 606, no

678; JCP S 2010. 1342, obs. d'Allende 129 C. trav., art. L. 3132-31 129 C. trav., art. L. 3132-3 129 C. trav., art. L. 3132-13 129 C. trav., art. L.3132-31 al. 2 129 C. trav., art. L. 2132-1 129 C. trav., art. L. 2132-3 129 Cass. crim., 22 févr. 2000, arrêt n° 1416 130 Cass. soc., 13 juin 2007 : JCP S 2007, 1641, note A. Bugada 131 CA Versailles, 14e ch., 14 juin 2006 : JurisData n° 2006-33235 JCP G 2006, II, 10127 132 Cass. Soc. 13 juin 2007, n° 06-18336 133 Cass. ass. plén., 7 mai 1993 : D. 1993, jurispr. p. 437, concl. Jéol

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collectif de la profession, et le syndicat qui représente celle-ci a qualité pour agir y compris en en référé134. La simple violation de l’arrêté préfectoral interdisant l’ouverture des magasins le dimanche, dans le but de réguler la concurrence dans la branche d’activité, constitue un trouble manifestement illicite qui justifie l’intérêt à agit des syndicats de salariés135. La rupture d'égalité au plan de la concurrence permet à un commerçant concurrent et à son syndicat professionnel d'agir au civil en vue de la réparation du préjudice qu'ils subissent, le préjudice est direct et personnel pour le commerçant du fait d'une situation de concurrence déloyale136. En effet, dès lors que c'est en faisant illicitement travailler leurs salariés le dimanche que deux sociétés qui exercent un commerce similaire à proximité d'un troisième, ce dernier a un intérêt légitime à faire cesser cette situation en raison du préjudice que cette rupture d'égalité peut lui causer137. Mais seuls les syndicats de la profession considérée ont le pouvoir d’agir138. Il est maintenant jugé139 que la méconnaissance de la règle du repos hebdomadaire dominical140 par certains commerçants, qui emploient régulièrement des salariés le dimanche, rompt l'égalité au préjudice de ceux qui, exerçant la même activité, respectent la règle légale et que cela portent atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat de ces employeurs. Dès lors, le syndicat qui la représente a qualité, comme celui qui représente le salarié, pour agir devant la juridiction civile141. L'action est fondée sur un texte142 selon lequel les syndicats (qu'ils soient d'employeurs ou de salariés) peuvent exercer “tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent”. Cet argument a, en définitive, permis de reconnaître cette faculté aux commerçants de la même profession, l'infraction faussant le jeu normal de la concurrence et du marché143. Par voie de conséquence, l'action en référé, que peuvent utiliser les syndicats de salariés144 est ouverte aux syndicats patronaux la voie de en vue de faire fermer l'établissement afin que cesse un trouble manifestement illicite. En revanche, un syndicat qui malgré sa

134 Cass., ass. plén., 7 mai 1993: Bull. civ., no 10; D. 1993. 437, concl. Jéol; D. 1994. Somm. 319, obs.

Verdier; JCP 1993. II. 22083, note Saint-Jours; JCP E 1993. II. 470, note Savatier; Gaz. Pal. 1er-2 déc. 1993, obs. Roubach; RJS 1993. 357, no 620; CSB 1993. 179, A. 43; Dr. soc. 1993. 606 ● Crim. 29 oct. 1996: D. 1997. IR 20. – Soc. 17 févr. 1994: RJS 1994. 274, no 423 ; 25 oct. 1994: Dr. soc. 1995. 54; RJS 1994. 834, no 1380.

135 Cour de cassation, ch. Sociale, 17 octobre 2012, pourvoi n° 11-24.315 Bulletin civil 2012) 136 Cass. soc., 1er mars 1995, CUUF et cie c/ Desplanches et a 137 Soc. 30 mai 2012: Dalloz actualité, 12 juin 2012, obs. Siro; D. 2012. Actu. 1555; RJS 2012. 623, no

716; JCP S 2012. 1358, obs. d'Allende. 138 Cass. soc., 2 févr. 1994, Siex et Priex c/ Féd. du négoce de l'ameublement et a. 139 Cass. ass. plén., 7 mai 1993 : JurisData n° 1993-000898 ; Bull. ass. plén. 1993, n° 10 ; JCP E 1993, II, 470, note J. Savatier

140 article L. 3132-3 du Code du travail 141 Cass. soc., 7 avr. 1994, Synd. des textiles de l'habillement et de la chaussure de l'Aude c/ Rond Point Leclerc à Carcassonne, arrêt n° 1930 D

142 la seconde phrase de l'article L. 2132-3 143 Cass. soc., 18 janv. 1995 : JurisData n° 1995-000393 144 Cass. soc., 3 févr. 1994, Synd. gén. CFDT services et Cnes c/ Virgin Stores, arrêt n° 748 D

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dénomination, ne comprend pas de personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes, concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale145 ne peut agir. En l'absence d'habilitation légale et faute de justifier d'une atteinte directement portée par l'infraction aux intérêts collectifs de l'ensemble de ses membres, une association professionnelle n'est pas recevable à se constituer partie civile146. Seules les organisations syndicales représentant la profession exercée par les sociétés qui n'ont pas respecté un arrêté préfectoral de fermeture sont recevables à agir147, solution transposable au non-respect de la règle du repos hebdomadaire dominical. La recevabilité de principe d'une action intentée par une association de commerçants a été admise148.

2) Action civile en référé exercée par l'inspecteur du travail L'inspecteur du travail peut saisir en référé le Président du Tribunal de grande

instance pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser, dans les établissements de vente au détail et de prestations de service au consommateur, l'emploi de salariés en infraction149 avec les dispositions relatives au repos hebdomadaire obligatoire du dimanche150 et au repos hebdomadaire octroyé le dimanche à partir de13 heures151.

Le président du tribunal peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des établissements concernés. Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor152. La loi153 élargissant le champs des exceptions et dérogation possibles ne remet pas en cause la possibilité de l’inspecteur du travail de saisir le juge des référés pour obtenir la fermeture des commerces ne respectant pas le principe du repos hebdomadaire dominical et la procédure permettant d’y parvenir. Cette procédure a un champ d'application très large puisque l’inspecteur du travail a la faculté de la mettre en œuvre dans toutes les hypothèses dans lesquelles des salariés sont employés de façon illicite le dimanche154.

choix En vertu du principe d'indépendance qui leur est conféré, les inspecteurs et les

contrôleurs du travail ont par application de la convention l'OIT le choix des suites qu'ils entendent donner aux contrôles et visites menées en entreprise155. C'est l'une 145 article L. 2131-2 du Code du travail 146 Cass. crim., 14 juin 2000 : Dr. soc. 2000, p. 1017, obs J. Savatier 147 Soc. 2 févr. 1994: Bull. civ. V, no 40; D. 1994. Somm. 319, obs. Verdier; Dr. soc. 1994. 377, note

Savatier; RJS 1994. 188, no 258 148 Soc. 11 oct. 1994: RJS 1994. 764, no 1273 ; 18 janv. 1995: CSB 1995. 91, S. 50 149 C. trav., art. L. 3132-31 150 C. trav., art. L. 3132-3 151 C. trav., art. L. 3132-13 152 C. trav., art. L.3132-31 al. 2 153 L. no 2009-974 du 10 août 2009 : JO du 11 154 Soc. 6 avr. 2011: D. 2011. Actu. 1147, obs. Perrin; JS Lamy 2011, no 300-3, obs. Tourreil; JCP S 2011. 1255, obs. Pagnerre.

155 convention n° 81 de l'OIT (art. 17)

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des illustrations les plus importantes du principe général de l'indépendance de l'inspection du travail156. L'exercice de la fonction de contrôle se caractérise par la liberté de choix dont disposent les agents de contrôle quant aux suites à donner. Même si une disposition légale, dont les agents de contrôle ont constaté le non respect de la part d'un employeur, est sanctionnée pénalement, ceux-ci n'ont pas l'obligation de relever procès-verbal. Il s'agit de la déclinaison du principe général de l'indépendance des inspecteurs du travail, qui leur est reconnu en matière de contrôle de la législation du travail157. Cette liberté est réelle mais elle n'est pas totale. Elle ne s'exerce qu'autant que les dispositions légales prévoient que plusieurs suites à contrôle peuvent être données par les agents de contrôle. Ils en font un usage discrétionnaire en vertu de l'indépendance qui leur est reconnue. il est certaines infractions pour lesquelles les agents de contrôle ont tendance à choisir d'emblée la voie du procès-verbal lorsqu'ils constatent le non respect de dispositions du droit du travail. On cherchera en vain dansx ces textes l’obligation pour l’inspecteur du travail de dresser un proces verbal préalablemeent à la saisine du juge des référés. L’inspecteur du travail peut choisir de ne pas recourir à la voie pénale et opter pour la saisine du juge des référés. Le juge des référés compétent est le président du tribunal de grande instance. La saisine du juge des référés par l'inspecteur du travail ne vise pas à sanctionner les infractions au repos dominical qu'il constate mais à en prévenir les effets en obtenant leur cessation dans un délai rapide, ce que permet une procedure civile qui de ce point de vue est bien plus efficace qu’une procédure pénale, or l’une des raison d’être du droit et de la justice, comme de l’administration est d’être au service des citoyens158 et pour cela dêtre efficace159, et dans ce domaine, à moins d’envisager une sanction calculée proportionnellement au chiffre d’affaires réalidé de manière illicite, à quoi sert une sanction intervenant longtemps après les faits si non à constater l’importance du chiffre d’affaires réalisé en ne respectant la loi applicable. Les justiciables, de plus en plus pressés trouvent dans l'introduction d'une procédure en référé le moyen de satisfaire, à l'urgent160, en matière de travail dominical illicite plus qu’une condamnation pénale qui compte tenu des règles de procédure applicables161 ne pourra intervenir que trop tardivement l’urgence est de faire fermer l’établissement. C’est pourquoi il est utile de permette à l’inspecteur du travail d’avoir recours à une telle procédure.

156 CE, 9 oct. 1996 : Dr. soc. 1997, p. 207 ; Cons. const., 17 janv. 2008, déc. n° 2007-561 DC 157 CE, 9 oct. 1996 : Rec. CE 1996, p. 383. – V. également J. Michel, op. cit., p. 46 158 La mission perpetuelle de l’administration publique d’etre au service de la société" 12-13 octobre 2012, Kichinev, République de Moldova 159 Valérius M. Ciuca, Marc richevaux, Brice Mankou., la justice française : de la justice statistique à la négation de la justice, Caietele Institutului de Studii Administrative, nr. 1, Chisinau, 2013. cahiers ISAM n° 1 2013

160 R. Perrot, La compétence du juge des référés : Gaz. Pal. 1974, 2, doctr. p. 895 161 Serge Guinchard (direction Droit et pratique de la procédure civile 2012/2013 Edition : 02 2012 - 7e édition

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- Mise en œuvre des référés de l’inspecteur du travail La procédure spécifique relative au « référé dominical » initialemt prévue par

un décret qui a été annulé a été réintroduite par la loi162. Elle laisse le choix à l'inspecteur du travail qui a la faculté de mettre en œuvre la procédure pénale ou la procédure civile du référé dominical, cela dans toutes les hypothèses dans lesquelles des salariés sont employés de façon illicite le dimanche163. Le pouvoir de saisine du juge des référés est réservé à l'inspecteur du travail ou au directeur adjoint, voire au responsable de l'unité territoriale164, éventuellement sur la base des constats d'un contrôleur du travail. Elle ne peut l'être par un contrôleur du travail ni par un CHSCT165 ce qui peut se concevoir dans le domaine de l’hygiène sécurité mais pas en matière de référé travail dominical illicite.

La saisine du juge des référés par l'inspection du travail obéit aux règles de procédure prévues par le Code de procédure civile. La demande est portée par voie d'assignation à une audience tenue à cet effet aux jours et heures habituels des référés, voire si nécessaire, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés166, ce qui est indispensable en matière de travail dominical illicite. Néanmoins, la compétence donnée en ce domaine au juge des référés provient d'un texte du Code travail167 lui donnant une compétence spécifique sans aucune référence expresse au Code de procédure civile dont il n'est pas une simple application168.

Le juge peut: se déclarer compétent, suivre tout ou partie des termes de l'assignation et ordonner toutes mesures propres à faire cesser l’ouverture dominicale irrégulière ; se transporter sur les lieux169, ce qui en matière de travail dominical illicite pourrai bien être un moyen simple de constater la réalité des faits invoqués, ou débouter l'inspecteur du travail.

L'ordonnance rendue, est notifiée à l'employeur, l'inspecteur du travail étant destinataire d'une copie. Elle est exécutoire à titre provisoire170 et peut faire l'objet d'un appel ou d'une opposition devant la cour d'appel statuant en formation de référé171 . En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l'exécution aura lieu au seul vu de la minute, ce qui en matière de travail dominical illicite sera indispensable à l’efficacité des mesures de fermeture éventuellement ordonnées172. La raison d'être même du référé suppose que les ordonnances rendues soient immédiatement exécutoires: lorsqu'il s'agit de prévenir un dommage imminent, de mettre fin à une illicéité manifeste, ou d'ordonner une mesure urgente, telle qu’une

162 C. trav., art. L. 3132-31 163 Soc. 6 avr. 2011: D. 2011. Actu. 1147, obs. Perrin; JS Lamy 2011, no 300-3, obs. Tourreil; JCP S

2011. 1255, obs. Pagnerre. 164 CE, 23 févr. 1983 : Lebon 1983, p. 78 – CE, 3 avr. 1991 : Lebon 1991, p. 123 165 CA Amiens, 10 mars 1983, SA Maillard Crossi : RPDS sept-oct. 2012, no spéc. : Le CHSCT 166 CPC, art. 485. 167 C. trav., art. L. 4732-1 168 CA Lyon, 31 mars 1983 : JCP E 1984, I, p. 13774, obs. B. Teyssié. 169 Marc Richevaux., les mesures d’instruction : Dr ouvr 1987.175 170 CPC art 489 al. 171 CPC, art. 490. 172 CPC 489 al. 2

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fermeture d’une entreprise faisant effectuer à ses salariés un travail dominical illicite, il ne saurait être question d'attendre l'expiration du délai de recours. Une ordonnance de référé constitue un titre exécutoire qui autorise l'exécution forcée173. Le président du tribunal peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des établissements concernés. Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor174. La privation du repos hebdomadaire qui a généré pour les salariés un trouble dans leur vie personnelle et engendré des risques pour leur santé et leur sécurité constitue un préjudice spécifique devant être réparé ; la contrepartie financière de l'astreinte qui n'a ni la même nature ni le même objet ne pouvant s'y substituer175. En outre la convention internationale relative à l’inspection du travail précise que les inspecteurs auront le droit de saisir l'autorité compétente pour qu'elle formule des injonctions ou fasse prendre des mesures immédiatement exécutoires »176. Cela suppose bien sûr que l’inspecteur du travail apporte la preuve des faits.

b) le problème de la preuve En matière de répression du travail dominical illicite l'autonomie de la voie

civile et de la voie pénale a été affirmée177. Les deux procédures, pénale et civile en référé, ne sont pas exclusive l’une de l’autre, mais supposent toutes deux que les faits allégués soient établis, ce qui pose le problème de la nature de la preuve à apporter. en matière de référé civil le procès-verbal de l'inspecteur du travail est donc un élément possible, mais non obligatoire178. Malgré les affirmations contraires de certains179, le « référé dominical » est une procédure spécifique où la preuve est libre180. Ce n'est que dans le cadre pénal que l’inspecteur du travail est tenu, d'établir un procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire181. La présente la cour de renvoi en décide autrement182. La référence, dans la décision de la cour de cassation aux pouvoirs de l’inspecteur du travail n’est certainement pas gratuite.

La question est donc de savoir si l'inspecteur du travail, qui saisit en référé le président du tribunal de grande instance, afin qu'il prenne toutes mesures propres à faire cesser le travail illicite du dimanche de salariés d'établissements de vente au

173 Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, n° 09-71.124 : JurisData n° 2010-023176 174 C. trav., Art. L. 3132-31 al. 2 175 Soc. 8 juin 2011: D. 2011. Actu. 1693; RJS 2011. 632, no 693; JCP S 2011. 1441, obs. Asquinazi-

Bailleux 176 la convention n° 81 de l'OIT art. 13-3 177 Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-17.044 : bulletin civil 2010, V, 64 ; Marc Vericel., Preuve des infractions au repos dominical : absence de nécessité d'un procès-verbal de l'inspecteur du travail : Revue de droit du travail 2010 p. 302 ; Isabelle Beyneix., Travail illicite du dimanche et saisine du président du tribunal de grande instance par l'inspecteur du travail : La Semaine Juridique Social n° 15, 13 Avril 2010, 1149

178 Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-17.044 : bulletin civil 2010, V, 64 179 Cour d'Appel de NANCY7 avril 2008 180 Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-17.044 : bulletin civil 2010, V, 64 ; JurisData n° 2011-005578 ; JCP S 2011, 1255, note Y. Pagnerre

181 C. trav., art. L. 8113-7 182 CA metz 6 sept. 2012

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détail et de prestations de services au consommateur, est tenu – ou non - de dresser le procès-verbal183 prévu par l' au soutien d'éventuelles poursuites pénale, ou s’il lui appartient seulement d'établir par tous moyens, en usant de ses pouvoirs184, qui sont très larges et rappelées dans l’arrêt de de la cour de cassation, dans une incidente qui démontre bien que pour elle, l’inspecteur du travail qui veut établir l’existence d’un travail dominical illicite peut le faire par procès verbal ou par l’un des autres moyens à sa dispositions, l'emploi illicite qu'il entend faire cesser et dont il atteste dans le cadre de l'assignation. Soit on s'accorde à reconnaître, que l'absence de procès-verbal de la part de l'inspecteur, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire des infractions qu'il constate, fait obstacle au bien-fondé de la demande185 ; soit on considère qu'il n'y a pas lieu d'exiger l'établissement d'un procès-verbal dans le cadre d'un référé civil186. Les conséquences pratiques sont loin d’être identiques. Il a tout d’abord été jugé que dans cette situation le procès verbal était obligatoire187. La cour de cassation ayant ensuite décide le contraire188. La cour d’appel de renvoi a ensuite estimé que l’absence d’obligation pour l’autorité de contrôle (l’inspecteur du travail), d’obligation de dresser un procès-verbal189 ne lui permet pas pour autant de s’affranchir des règles générales relatives à la preuve190. En matière d’Établissement de l'emploi illicite le dimanche la preuve est donc libre191. L'inspecteur du travail qui saisit en référé le président du tribunal de grande instance afin qu'il prenne toutes mesures propres à faire cesser le travail illicite du dimanche de salariés d'établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur n'est pas tenu de dresser le procès-verbal192 prévu au soutien d'éventuelles poursuites pénales. Il lui appartient seulement d'établir par tous moyens, et en usant des ses pouvoirs193, l'emploi illicite qu'il entend faire cesser et dont il atteste dans le cadre de

183 article L. 8113-7 du Code du travail 184 articles L. 8113-1, L. 8113-2 et L. 8113-4 du Code du travail 185 Cour d'Appel de NANCY7 avril 2008 186 Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-17.044 : bulletin civil 2010, V, 64 187 Cour d'Appel de NANCY7 avril 2008 188 Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-17.044 : bulletin civil 2010, V, 64 189 article L 8113-7 du code du travail 190 articles 1315 et suivants du Code civil ; article 145 du Code de procédure civile ; Blanc (E.), L'évolution de la preuve judiciaire, Paris, LGDJ, 1974 ; Bordry (N.), La charge de la preuve en droit du travail, Paris, édité par l'auteur, 1998. ; Boulmier (D.), Preuve et instance prud'homale. - A la recherche d'un procès équitable, Tome 37, LGDJ Collection thèses, 05/2002 ; Denis, Quelques aspects de l'évolution récente du système des preuves en droit français, RTC. 1977, 671. ; Devèze, Contribution à l'étude de la preuve en matière civile, thèse Toulouse 1980, PUF, Grenoble. ; Hébraud, La vérité dans le procès et les pouvoirs d'office du juge, Annales Toulouse 1978, t. XXVI, 379. ; Lagarde (X.), Finalités et principes du droit de la preuve. Ce qui change. La Semaine Juridique, Ed. générale, 27 avril 2005, n°17, doctrine, I, 133, p. 771-777 ; Mimin (P.), La preuve par lettre recommandée, Dalloz Critique 1941, I, 16 ; Perrot (R.), Constat d'huissier de justice et attestation : le rôle de la contradiction. Au sujet de Civ. 3ème 3 avril 2001, 2 arrêts non publiés au Bulletin, RTC juillet-septembre 2001, n°3, p. 659-660. ; Ricoeur (P.), Le juste, éd. Esprit 1995, p. 25.

191 BOMBO Lay Jurisprudence sociale Lamy 2008, n° 246, page 4 - 5 pages 192 l'article L. 8113-7 193 articles L. 8113-1, L. 8113-2 et L. 8113-4

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l'assignation194. Il lui suffit donc d’apporter des éléments probants non sérieusement contestable set contemporains des faits dénoncés comme constituant un trouble manifestement. Les juges devant alors analyser les éléments de preuve produits par l'inspecteur du travail et en tirer les conséquences qui s’imposent. Compte tenu de l’étendue et de la nature des pouvoirs des pouvoirs de l’inspecteur du travail, le principe de l’impossibilité de se constituer une preuve à soi-même195 évoqué par la cour de renvoi196 n’est pas véritablement un obstacle à l’établissement des faits. L’absence d’obligation pour l’inspecteur du travail qui saisit le juge des référés pour lui demander de faire cesser un travail dominical illicite de dresser un procès verbal affirmée par la cour de cassation197 est fondée sur des textes nationaux198 et internationaux199. La saisine du juge des référés n'exclut pas le recours parallèle par l'inspecteur du travail au procès-verbal. L'établissement d'un procès-verbal n'est pas un préalable obligatoire à la saisine du juge des référés par l'inspecteur du travail, mais une possibilité, parmi d’autres, qui lui est offerte. Les juges ne peuvent rejeter la demande de l'inspecteur du travail tendant à voir ordonner la fermeture d'un magasin par le juge des référés, au motif que celui-ci n'avait pas dressé un procès-verbal200. A notre avis, le compétence qui est issue d’un texte spécifique du code du travail a des conséquences en matière probatoire. En, effet si en pratique lorsqu'ils recourent à la procédure de référé les inspecteurs du travail produisent souvent un constat d'huissier, on peut penser que l'absence dans le texte qui fonde leur action de référence expresse au Code de procédure civile signifie qu'en matière probatoire il y a lieu de se référer non au texte de procédure civile mais aux pouvoirs qu'ils tiennent des textes internationaux 201 et du Code du travail qui prévoit que les procès-verbaux des inspecteurs du travail font foi jusqu'à preuve contraire202, donc en cas de recours à la procédure de référé un constat de l'inspection du travail est une preuve suffisante, possible mais non obligatoire203. Raisonner autrement reviendrai à faire du constat d'une infraction par procès verbal un préalable obligatoire au recours à la procédure de référé, reviendrait à méconnaître l'office de ce juge204 et irait à l'encontre de l'esprit des textes, qui ne le prévoient pas, justement pour éviter le recours à une procédure pénale inadaptée à des situations d'urgence. On conçoit donc difficilement l'intérêt qu'il y aurait à lui imposer la rédaction d'un procès-verbal tel que prévu en

194 Véricel ., Preuve des infractions au repos dominical : absence de nécessité d'un procès-verbal de l'inspecteur du travail Soc. 10 mars 2010: RDT 2010. 302. Revue de droit du travail 2010 p. 302

195 C. civ., art. 1315 ; Cour de cassation chambre commerciale 22 Mars 2011 n° de pourvoi: 09-72426 Bulletin 2011, IV, n° 50 ; Clotaire Mouloungui., droit notions fondamentales : L’harmattan

196 CA Metz 6 sept. 2012 197 Soc. 10 mars 2010: n° 08-17.044 : bulletin civil 2010, V, 64 198 articles L. 3132-1 et L. 8113-7 du Code du travail 199 Convention n° 81 de l'Organisation internationale du travail (OIT) 200 Cass. soc., 10 mars 2010, no 08-17044 201 Conv. Internationale de l'OIT, no 81, 11 juill. 1947, ratifiée par la France le 10 août 1950, relative à l'Inspection du travail.

202 C. trav., art. L. 8113-7 203 Cass. soc., 10 mars 2010, no 08-17044 204 V. H. Solus et R. Perrot : Droit judiciaire privé, t. III, n° 1255

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matière pénale en sus des éléments figurant déjà dans l'assignation. le seul effet pratique de l’exigence préalable d’un proces verbal sera de différer la sanction ou de multiplier les procédures. En effet, lorsqu’il dresse un procès verbal l’inspecteur du travail doit le transmettre au procureur de la république205 la procédure de référé ne deviendrai qu’un prélude à une action pénale. La justice statistique y trouverai son compte206 un même donnant lieu à deux procédure mais en serait-il de même de l’efficacité ? La saisine du juge des référés par l'inspecteur du travail vise à mettre fin au trouble illicite découlant d'une infraction à la législation sur le repos dominical. Cela ne suffit pas toujours, pour obtenir l'exécution effective des mesures prescrites d’où la question de l’efficacité des moyens mis en œuvre pour faire cesser un travail dominical illicite.

II. RECHERCHE D’EFFICACITE En matière de travail dominical illicite, la saisine par l’inspecteur du travail

d’un juge, quel qu’il soit, vise à sanctionner une situation illicite et surtout à y mettre fin ce qui amène à se questionner sur l’efficacité des différentes procédures possibles.

A) la voie pénale Confronté à une situation de travail dominical illicite, l’inspecteur du travail

peut dresser un procès verbal et le transmettre au procureur qui décidera soit de classer l’affaire207 soit de donner une réponse non pénale208 soit de mettre en œuvre les poursuites pénales209.

a) procédure pénale classique Le procès-verbal de l'inspection du travail est en effet adressé au procureur de

la République210 pour qu'il diligente des poursuites pénales211 à l'encontre de l'employeur. Compte tenu des délais d'enquête complémentaire à laquelle fera procéder le procureur, et des délais d'audiencement l’affaire, si elle est poursuivie ne sera jugée qu’après un, voire plusieurs jours de travail dominical illicite. Cela en limite passablement l’efficacité. et invite à se poser la question d’autres modes d’action plus adaptés à la situation à sanctionner. La question se pose des différentes procédures pénales possibles dont dispose un inspecteur du travail qui souhaite faire cesser un travail dominical illicte et d’évaluer l’efficacité.

205 C. trav., art. L. 8113-7 al. 2 206 marc Richevaux., de la justice à la gestion des stocks : Dr ouvr août 1987.295 207 CPP art. 40 208 LUDWICZAK Franck., Les procédures alternatives aux poursuites : une autre justice pénale LILLE 2 12-déc-06

209 CPP art. 40 210 C. trav., art. L. 8113-7 al. 2 211 Jacques Buisson, Serge Guinchard., de procédure pénale Manuel : LexisNexis Manuels : 09/2010

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b) recours au flagrant délit Compte tenu de l’urgence à faire cesser une situation de trouble manifestement

illicite on pense au recours au flagrant délit. Mais une telle procédure n’est possible que pour les crimes ou délits212 or le travail dominical illicite est une contravention de 5 e classe213 ce qui exclut le recours à cette procédure214. la question se pose alors de la voie civile.

B) la voie civile est possible, spécialement par le recours à la procédure de référé dont l’efficacité est très largement liée à l’astreinte.

L’inspecteur du travail peut saisir juge des référés pour obtenir le respect des obligations de garantie financière des entreprises de travail temporaire215 de risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique pour les salariés216 ou sur des opérations du bâtiment ou de génie civil ou dans le domaine de l’ l'hygiène et sécurité217, et aussi en cas de non respect de l’obligation du repos hebdomadaire dominical218. Le juge des référés peut assortir sa décision d’une astreinte219 ce qui est de nature à permettre d’obtenir l’effectivité des mesures qu’il prescrit surtout si l’astreinte est prononcée à un taux élevé puis liquidée dans des conditions qui elles aussi peuvent être un moyen d’effectivité de la décision220.

a) le prononcé de l’astreinte moyen d’efficacité de la décision de référé En matière de travail dominical illicite, la sanction pénale ne pourra intervenir qu’à

posteriori après un ou plusieurs dimanches de travail dominical illicite qui auront permis à l’intéressé de réaliser un chiffre d’affaires suffisamment important pour que l’amende prononcée même au taux maximum et pour un nombre important d’employés concernés ne soit pas dissuasive. Ainsi dans la présente espèce l’amende maximale possible était de 1500 €221 multiplié par 3 salarié = 4 500 €, infime par rapport au chiffre d’affaires réalisé en un jour d’ouverture dominicale interdite. La procédure civile peut justement pour permettre une sanction adaptée, rapide et efficace de l’illicite en permettant au juge d’ordonner dans un délai qui peut être bref la fermeture d’un établissement ouvert illégalement222 au besoin en utilisant des procédés qui ont montré leur efficacité telles que l’astreinte223, du moins si elle est fixée à un taux suffisamment dissuasif pour obtenir la fermeture effective de l’établissement donc la perte de chiffre d’affaires corrélative à

212 CPP, art. 67 et art. 53 213 C. trav., art. R 3135-5 214 Marc Richevaux., flagrants délits et constations des infractions en droit pénal du travail : TPS travail et protection sociale nov. 1998

215 C. trav., art. L. 1251-47 216 C. trav., art. L. 4732-2 217 C. trav., art. L. 4732-1 218 C. trav, art. L. 3232-31 al . 1 219 C. trav., art. L.C. trav., art. L.231-31 al 2 220 GEOFFROY Romain., LE JUGE DES REFERES EN DROIT DU TRAVAIL : UN JUGE DE L'ILLICITE ? Semaine juridique JCP S - édition Social 2005, N° 20, 1316, PAGE 21 - 4 PAGES

221 C. pén 131-13 (contravention de 5 e classe) 222 C. trav., art. L. 3132-31 al. 2 223 M. Richevaux., regime general des obligations lexifax ed Bréal fiche n° l’astreinte

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l’ouverture ce qui est bien plus dissuasif qu’une amende de pour contravention de 5 e classe même multipliée par un très grands nombre de salariés concernés. Ainsi, on a vu une affaire224 dans laquelle l’employeur a été condamné à fermer ses magasins le dimanche par une décision assortie d’une astreinte de 30 000 € par jour d’ouverture. L'astreinte est une somme d'argent, plus ou moins importante, à laquelle le juge condamne celui qui doit exécuter la décision prononcée afin de le forcer à l'exécuter. D'origine jurisprudentielle, les règles applicables ont fait l'objet d'une codification225.

Tout juge, y compris le juge des référés, peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision et se réserver expressément le droit de la liquider226, ce qui alors exclut la compétence du juge de l'exécution227. En l'absence de dispositions spéciales, les décisions prononçant des astreintes sont soumises à appel si leur montant dépasse le taux du premier ressort228. Le juge est totalement libre229 pour assortir ou non sa décision d'une astreinte230. L'astreinte est provisoire231, sauf si le juge a prononcé une astreinte définitive232. Ces principes s'appliquent aussi à la juridiction de référé qui peut ordonner une astreinte et liquider, à titre provisoire, l'astreinte qu'elle a prononcée233, à condition, qu'elle s'en soit réservé le pouvoir234. Cette faculté subsistant si sa décision n'est pas réformée sur ce point en appel235. Le prononcé de l’astreinte ne permet pas toujours d’aboutir à l’exécution effective de la décision prononcée. Face à l'inexécution persistante de ses obligations par l'employeur le juge a la possibilité de liquider l'astreinte provisoire et de prononcer une astreinte définitive. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation236 .

b) la liquidation de l’astreinte prononcée Pour la liquidation de l'astreinte préalablement prononcée237, le juge dispose de

très larges pouvoirs pour la diminuer238 l'anéantir239, la supprimer, voire l'augmenter240. Elle est normalement liquidée par le juge de l'exécution sauf lorsque le juge qui a prononcée l'astreinte s'est réservé le pouvoir de la liquider.

224 CA Versailles 31oct. 2012 Bricorama 225 CPCE, en vigueur depuis le 1er juin 2012. 226 CPCE, art. L. 131-1, al. 1. 227 CA Rennes, ch. prud'h. 5, 15 sept. 2009, no 05/05378 – CA Rennes, ch. prud'h. 5, 15 sept. 2009, no 09/06393, SA Transports Nexia froid – CA Aix-en-Provence, ch. 15 B, 22 janv. 2009, nos 2009/042 et 07/08794

228 Cass. soc., 25 juin 1992, no 89-43200 : Bull. civ. V, no 421. 229 Cass. soc., 20 sept. 2006, no 05-43097 230 CPCE, art. L. 131-1. 231 CPCE, art. L. 131-2, al. 2. 232 CPCE, art. L. 131-2, al. 2 in fine. 233 Cass. 3e civ., 30 mai 1980, no 79-11840 : Bull. civ. II, no 125. 234 Cass. 2e civ., 15 févr. 2001, no 99-13102 : JCP G 2001, IV, p. 1644 – CA Aix-en-Provence, 19 nov. 1996 : RTD civ. 1996, p. 710, obs. R.Perrot.

235 Cass. soc., 28 sept. 2004, no 02-46307, Sodexho France c/ M. C. : TPS janv. 2005, comm. 34. 236 CPCE, art. L. 131-4. 237 Cass. soc., 27 mai 2003, no 02-10594 238 M. Richevaux., « Liquidation d'astreinte : une diminution n'est possible que si le juge la justifie » : Gaz. Pal, 31 juill. 2012, p. 16, J0529.

239 Cass. com., 8 déc. 1998, no 96-19525 : JCP G 1999, IV, p. 1169 – Cass. 2e civ., 7 juin 2012, no 11-17220. 240 Marc Richevaux., régime général des obligation s lexifac ed Bréal Fiche n° 27 l’astreinte

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1) Recherche de l'efficacité: la liquidation de l'astreinte provisoire La liquidation de l'astreinte par le juge est indispensable pour que le créancier

puisse, en l'absence d'exécution en exiger le paiement, en cas de recours au juge des référés par l'inspection du travail elle est liquidée au profit du trésor 241. La cour d'appel peut assortir ses arrêts d'une astreinte et se réserver expressément le pouvoir de la liquider, ce qu'elle a fait dans la présente espèce. Bien sûr le créancier qui demande la liquidation de l’astreinte doit apporter la preuve de l’inexécution de la décision ayant ordonnée les mesures prescrites et assortie de l’astreinte. Ainsi, dans une affaire où compte tenu du non respect par l’intéressé pendant plusieurs dimanches, de la décision ayant ordonnée la fermeture dominicale de ses magasins242, au moment de la demande de sa liquidation le montant cumulé de l’astreinte atteignait une somme de 37 millions d’euros équivalent à une année et demi de bénéfices de l’entreprise, que finalement l’entreprise n’a pas payé car au moment de la liquidation de l’astreinte initialement prononcée le syndicat n’ayant pas réussi à apporter la preuve formelle de l’ouverture (pourtant réelle et connue de tous) l'absence de "constat d'huissier" ou bien de "ticket de caisse" permettant de prouver "la violation alléguée de l'ouverture dominicale a été débouté de sa demande243.

Mais si le premier juge ne s'était pas réservé le pouvoir de liquider l'astreinte ordonnée, la cour ne pourra pas la liquider et devra s'en remettre au juge de l'exécution244 . Il n'y a pas lieu à réduction si l'employeur condamné n'a pas obtempéré aux injonctions du juge245.

2) Recherche de l'efficacité: transformation de l'astreinte provisoire en astreinte définitive

Si l'astreinte provisoire s'avère inefficace, le juge peut la liquider et prononcer une astreinte définitive. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée que pour une durée que le juge détermine 246. Mais l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de liquidation d'astreinte ne fait pas obstacle à la présentation d'une nouvelle demande de liquidation pour la période postérieure, dès lors que l'astreinte n'était pas limitée dans le temps et que l'obligation qui en était assortie n'a pas été exécutée247. Le juge pourra ainsi délivrer un titre correspondant à cette période, et modifier les conditions de l'astreinte pour la rendre plus efficace. L'opération pourrait se renouveler autant de fois que nécessaire par autant de liquidations définitives mais partielles.

Ceci paraît de nature à montrer aux inspecteurs du travail l'intérêt du recours à la procédure de référé et les incitera peut être à l'utiliser plus souvent.

241 C. trav., art. L. 4732-1, in fine. 242 CA Versailles 31oct. 2012 Bricorama 243 jex pontoise 17 dec 2012 bricorama 244 Cass. 2e civ., 21 mars 2002, no 00-18832 : Procédures 2002, comm. 135, obs. R. Perrot 245 Cass. 2e civ., 10 nov. 2010, no 09-71415. 246 CPCE, art. L. 131-2. 247 Cass. 2e civ., 8 déc. 2011, no 10-25719: Procédures 2012, comm. 34 – Cass. 2e civ., 22 mars 2006, no 04-13933: Bull. civ. V, no 78.

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Revue europénnee du droit social

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LES CAPACITÉS DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE LOCALE DE LA RÉGION DE DÉVELOPPEMENT

DU NORD DE PLANIFIER, D’ATTIRER ET DE GÉRER LES INVESTISSEMENTS DANS LE DOMAINE DE LA

STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT DU NORD

Gheorghe NEAGU, docteur en histoire, maître de conférences, vice Recteur, Université d’État „Alecu Russo” de BălŃi,

République de Moldavie Abstract: The present article is based on data collected within May 2-17, 2012 via a

questionnaire administered to 1085 ordinary people and on the information obtained as a result of interviewing 243 experts from forty two mayoralties. We can judge about the ability of local administration bodies to plan, attract and administer investments depending on how the priority problems related to the plans of socio-economic community development that they face are reflected and on the degree of their implementation. The partial implementation of plans of socio-economic community development is an argument in favor of the conclusion concerning the insufficient planning ability of local administrations. According to the respondents’ opinion, the following is necessary to improve the services for investment planning, attracting and administration: the hiring process should be contest based; specialists should be motivated in the results of their work; permanent adequate trainings should be organized in the domain; local administrations should be open to citizens, economic agents, NGOs and mass media; the above mentioned entities should be more interested in planning and attracting investments; real decentralization should be established via financial self administration and processes aiming at solving community problems.

Le Laboratoire d’Études Européennes, Sociologie Applicative et Politiques

Régionales, entité de recherche et d’activités didactiques dans l’Université d’État „Alecu Russo” de Balti, a organisé la collection des données au sujet nominalisé, entre 2 et 17 mai 2012. L’enquête sociologique, par l’intermédiaire du questionnaire, a été administrée sur un échantillon de 1085 sujets, sélectés parmi la population ordinaire, et l’interview semi-structurée a été appliquée sur un échantillon de 243 experts de 42 mairies de la Région de Développement Nord.

L’investigation effectuée avait le but de diagnostiquer la capacité de l’Administration Publique Locale (APL) de planifier, d’attirer et de gérer des investissements et d’élaborer des solutions appropriées pour renforcer la capacité institutionnelle dans ce domaine.

En ce qui concerne la capacité de planification des gouvernements locaux, on peut juger en fonction du degré de réflexion des problèmes prioritaires avec lesquelles se confrontent les communautés sur le plan du développement

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économique de la localité: 79 % des membres de l’APL ont affirmé que ces priorités ont été reflétées dans un plan de développement socio-économique et 21 % ont répondu négativement. La réflexion inadéquate des problèmes de la communauté dans les plans de développement socio-économique constitue une preuve décisive de graves lacunes qui existent dans ce domaine.

Une autre modalité de mesurer la capacité institutionnelle de l’APL, d’attirer et de gérer des investissements qui tiennent du développement des communautés réside dans le degré de mise en œuvre de ces plans. La population ordinaire qui a affirmé l’existence de ces plans dans leurs localités, a évalué l’implémentation de ceux-ci en proportion de 37 %. L’implémentation partielle des plans de développement socio-économique des localités, même si on parle hypothétiquement, dans certaines situations, a été conditionnée aussi par des facteurs objectifs. Cela constitue un argument en faveur de la conclusion sur la capacité insuffisante de planification des gouvernements locaux. En outre, cette conclusion est également prouvée par la réponse aux autres questions: 24 % des répondants ordinaires considèrent que dans leur localité n’existent pas des spécialistes formés en planification et développement socio-économique, 12 % n’ont pas répondu, 37 % ont nié la formule selon laquelle dans la communauté se trouve toujours „la bonne personne au bon endroit” et à la question „Qu’est-ce qu’empêchent les spécialistes de l’APL de planifier correctement le développement de la localité et d’attirer des investissements?”, les gens ordinaires ont énuméré les causes de la façon suivante:

• L’ignorance des méthodes et des instruments de planification – 22 %; • L’insuffisance de l’expérience de gérer les investissements – 22 %; • L’incompétence – 19 %; • Le manque d’information sur les investisseurs potentiels – 17 %; • Les facteurs politiques locaux – 12 %; • Les facteurs politiques nationaux – 7 %; • D’autres – 1 %. Pour établir un diagnostic plus objectif concernant la dimension de laquelle nous

nous occupons, il est raisonnable de comparer l’opinion des gens ordinaires et les explications invoquées par les experts. Les membres de l’APL nomment les causes qui conduisent à la diminution de la capacité de projection des gouvernements locaux comme suit:

• Le manque des ressources financières dans les budgets locaux et des ressources externes qui sont nécessaires, principalement, comme une contribution propre à attirer les investissements;

• Le manque de l’information sur les investisseurs potentiels; • Le niveau insuffisant de formation dans le domaine; • La sous-estimation de cette dimension, surtout à cause du grand nombre d’obligations de service.

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L’insuffisance des ressources financières dans chaque communauté séparément conçue, peut être surmontée dans une certaine mesure, par la coopération intercommunautaire. L’enquête menée a montré la disponibilité des gens ordinaires vers la collaboration avec les localités voisines. Même si l’idée de l’intercommunalité a peu de tradition en République de Moldavie248, la majorité de la population (73 %) sont conscients de la nécessité d’une coopération des efforts des mairies pour résoudre les problèmes prioritaires auxquels se confrontent les localités de l’ADR Nord249.

L’ADR Nord (L’Agence de Développement Régional Nord) fera pleinement usage de cette prédisposition pour la coopération intercommunautaire de la population, se rendant compte du fait qu’accepter l’idée ne signifie pas, dans tous les cas, faire des efforts (de la part de la population) pour mettre en œuvre l’idée soutenue. À propos de cela, les données sur l’implication de la population à résoudre les problèmes communs de la localité parlent avec éloquence:

1. Je m’implique en permanence - 3%; 2. Je m’implique si possible - 45%; 3. Je m’implique très peu - 26%; 4. Je ne m’implique pas du tout - 26%. Il n’est pas incidemment que seulement 36% des répondants se considèrent

membres actifs de la communauté, tandis que 49% de la population ne se considèrent pas membres actifs de la communauté. Les experts (les membres de l’APL) considèrent la passivité de la population comme l’une des raisons principales qui causent des problèmes dans le développement de la communauté. Ainsi, parmi les causes qui génèrent des problèmes dans le développement de la communauté, la passivité de la population est classée sur la 3ème place (19%), sur les premières deux positions étant „la pauvreté de la population” (23%) et „l’exode des gens à l’étranger” (21%). Il est à noter que les gens ordinaires ont identifié exactement les mêmes trois causes de base qui conditionnent des problèmes dans le développement de la communauté, plaçant sur la première place „l’exode des gens à l’étranger”. Cette coïncidence de points de vue est un argument fort contre ceux qui diminuent l’importance de l’opinion publique dans la gestion du social, y compris dans l’élaboration et l’adoption des décisions administratives.

L’activisme civique insuffisant de la population ne doit pas nous décourager. Toutefois, le Conseil de l’Europe encourage les États Membres à mettre en œuvre et à soutenir la coopération intercommunale. Par conséquent, la Recommandation

248 En 2010, 71,8% des répondants interrogés (échantillon national) dans l’étude „Évaluation des attitudes, des compétences et des besoins des autorités de la République de Moldavie dans le cadre du processus d’intégration européenne”, ont déclaré que leur localité ne faisait pas partie d’un consortium qui pourrait mettre en oeuvre un projet commun //http://www.viitorul.org...

2 La coopération intercommunale est le droit des communautés et des municipalités, accomplis dans l’exercice de leurs compétences, de coopérer dans le cadre des structures spécifiques et de s’associer avec d’autres communautés/municipalités pour atteindre les objectifs d’intérêt commun.

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221 (2007) du Congrès des pouvoirs locaux sur le cadre institutionnel de coopération intercommunale a recommandé aux États Membres d’établir un cadre juridique adéquat, prévisible et acceptable pour la réalisation de la coopération intercommunale, de sensibiliser les autorités locales concernant les avantages de la coopération intercommunale et de leur fournir des modules de formation sur la création et le fonctionnement des mécanismes et des organismes spécifiques de coopération intercommunale.

Afin de parvenir à une réelle coopération intercommunale, les APL vont circonscrire les besoins spécifiques dans un domaine et dans certaines localités, les nécessités spécifiques au cadre juridique existant, de sorte que pour chaque service, en fonction de la localité, on puisse identifier la plus avantageuse forme organisationnelle et juridique de coopération250. Parmi les formes de coopération intercommunale on distingue: la société anonyme, la société à responsabilité limitée, l’institution publique, le groupe financier-industriel, les parcs industriels. Les domaines prioritaires de coopération intercommunale sont les suivants: les routes, l’approvisionnement avec en eau et l’assainissement, la gestion des déchets.

Ainsi, les leaders locaux vont valoriser le potentiel de ceux 64% de la population qui manifeste de la passivité vis-à-vis des problèmes auxquels se confronte la localité. L’évaluation des efforts que les autorités locales entreprennent dans cette direction, a été réalisée à travers plusieurs questions. Donc, selon les répondants, l’APL leur sollicite une consultation pour résoudre les problèmes de la communauté:

1. très souvent - 2%; 2. souvent - 7%; 3. parfois - 19%; 4. rarement - 22%; 5. très rarement - 13%; 6. jamais - 37%.

Dans le contexte de ces données, la position des leaders des gouvernements locaux concernant la passivité de la population va être interprétée de façon très critique et nuancée. Ainsi, selon l’étude “L’évaluation des attitudes, des capacités et des besoins des autorités de la République de Moldavie dans le contexte du processus d’intégration européenne”251 (2010), où les opinions des autorités publiques locales ont été évaluées, à travers un guide d’entretien, structuré, auto-administré sur un échantillon total de 39 membres de l’APL de différentes régions du pays et du caractère hétérogène (villages, petites villes, villes), les principaux obstacles en ce qui concerne la mise en œuvre des projets européens étaient (réponses multiples):

1. Le manque de personnel qualifié - 84,2%; 2. Le manque d’initiative de la part de la population - 73,7% (notre note –

Gh. Neagu) 3. Bureaucratie - 42,1%; 4. Longue période de mise en oeuvre - 42,1%.

250 Bostan, Galina. Sinteza studiului Noi perspective pentru intercomunatate în Republica Moldova, august 2011, p. 22.

251 Bordeianu, Mircea, Cruc, Olesea, Osoian, Ion. Evaluarea atitudinilor, capacităŃilor şi nevoilor autorităŃilor Republicii Moldova în contextul proceselor de integrare europeană. Chişinău, 2011//http://www.viitorul.org.

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Il semble que les leaders des gouvernements locaux ne sont pas pleinement conscients de leurs responsabilités dans la formation des habitants à résoudre les problèmes de la localité: dans cette activité de sérieuses lacunes se manifestent. À propos de cela, nous parlent les données de notre enquête, exposées au-dessus, concernant la consultation de la population des localités, aussi bien que le fait que 11% des répondants ont exigé le respect de l’opinion des citoyens ordinaires de la part des leaders des localités, comme l’une des mesures à entreprendre pour améliorer la situation économique et sociale de la localité.

Dans les activités (à long terme) orientées à surmonter la passivité d’un segment considérable de la population locale, l’Agence de Développement Régional Nord (ADR) va concevoir les communautés locales comme un capital social252 („Le capital social est créé lorsque les relations entre les hommes changent d’une telle manière que facilite l’action”; „Le capital social renvoie aux caractéristiques de l’organisation sociale telles que les réseaux sociaux, les normes et la confiance, qui facilitent la coordination et la coopération pour un bénéfice mutuel”253).

Par capital social en termes de groupe et/ou de la localité, on comprend la mesure dans laquelle la communauté est intégrée afin de soutenir le contrat, de maintenir l’ordre sociétal moderne dont la nature est contractuelle254 ou, autrement dit, l’intégration des efforts en vue de résoudre les problèmes de la communauté. De cette perspective, il est à remarquer le rôle des ONG à résoudre les problèmes communautaires. Bien que la plupart du temps, les ONG contribuent à résoudre certains problèmes locaux, leur importance macro-sociale réside dans le fait qu’ils mettent à disposition un réseau organisé qui peut être converti pour divers utilitaires. Comme l’expérience montre, l’engagement civique est une condition de la bonne gouvernance et de la prospérité économique de diverses régions de l’Italie255.

En même temps, il est regrettable que la population ordinaire ne soit pas pleinement consciente du rôle important des ONG dans le développement durable de la région. Notre enquête montre que seulement environ 60% des répondants ordinaires considèrent l’activité des ONG “très importante/importante” dans le processus de développement communautaire. D’où on tire la conclusion que sans le changement de la mentalité des habitants en ce qui concerne le rôle des ONG et l’engagement civique, le potentiel du capital social n’augmentera pas, même si la situation financière des communautés va s’améliorer.

La capacité de l’APL de planifier, d’attirer et de gérer les ressources afin de résoudre les problèmes-clés auxquels se confrontent les communautés, a été évaluée par la question (de contrôle) “L’APL, est-elle capable de résoudre les

252 Capital désigne une „accumulation de travail (sous une forme matérielle ou incorporée) qui, lorsqu’il est atteint sur une base privée, exclusive, par les agents ou groupes d’agents, leur permet de devenir énergie sociale en forme de travail réifié ou vivant” (Bourdieu & Wacquant, 1992, p. 118-119. Apud, Sandu, Dumitru. SpaŃiul social al tranziŃiei. Iaşi:Editura Polirom, 1999, p. 218).

253 Petrovici, Norbert. Capital social. Comunitatea înŃeleasă ca resursă//web.adatbank.transindex.ro/.../web6-7_07_...

254 Ibidem 255 Ibidem.

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problèmes de la communauté?”: seulement 60% de la population montrent de la confiance dans la capacité de l’APL de résoudre les problèmes (30% ont donné des réponses négatives, 10% n’ont pas répondu).

La population ordinaire, de même que les membres de l’APL, se rendent compte du rôle important des ressources financières pour résoudre les problèmes de la communauté. D’ailleurs, dans l’Avis du Comité des Régions de l’UE est mis en évidence que la consolidation de l’autonomie financière des autorités locales est une partie essentielle du processus d’identification des solutions pour les problèmes communs par la coopération régionale et transfrontalière entre les autorités locales et régionales de l’UE et de la République de Moldavie256. En même temps, la population de la Région de Développement Nord déprécie le rôle considérable de l’autonomie locale, de la décentralisation (fiscale et financière) pour résoudre les problèmes existants. La même conclusion est tirée de l’analyse des réponses des experts à la question liée aux causes qui génèrent des problèmes dans le développement de la communauté. Seulement 2% des membres de l’APL ont insisté sur le degré insuffisant de l’autonomie locale (la dernière cause, selon leur importance). Cependant, les études existantes dans ce domaine montrent que sans une décentralisation appropriée, sans le dépassement du caractère fragmentaire de l’organisation territoriale et administrative, il n’est pas possible d’accélérer le développement socio-économique des régions et du pays, en général. Ainsi, les gouvernements locaux avec un petit budget n’ont pas la gamme complète des outils pour élaborer des exigences pour les projets financés par l’UE. Pour être éligible au Programme Opérationnel Commun Roumanie – Ukraine – République de Moldavie 2007 – 2013, par exemple, les autorités locales doivent élaborer des projets avec un budget de 100.000-1.000.000 euros. En vertu de l’exigence de cofinancement de 10%, de nombreux gouvernements locaux ne seraient pas en mesure de présenter, par exemple, une proposition de projet de 1,5 millions d’euros, puisque dans la moitié des localités le budget annuel est inférieur aux 150.000 d’euros nécessaires pour le cofinancement257. Ces arguments sont une preuve supplémentaire en faveur de la coopération entre les communautés.

La perception erronée du rôle de l’autonomie locale dans le développement des régions démontre la nécessité de gérer/manipuler les attentes des masses (et des membres de l’APL) et de diffuser l’information concernant les relations entre l’administration publique centrale et l’administration publique locale, étant corrélée (tenant compte d’autres donnés) avec le rôle des actions civiques pour rendre plus efficace l’activité de l’administration locale. Ceci est d’autant plus nécessaire, que la question de la décentralisation est abordée (au moins par certains facteurs décisifs) comme étant d’une grande importance et sera mis en œuvre dès que possible.

256 Apud: Bordeianu, Mircea, Cruc, Olesea, Osoian, Ion. Evaluarea atitudinilor, capacităŃilor şi nevoilor autorităŃilor Republicii Moldova în contextul proceselor de integrare europeană. Chişinău, 2011//http://www.viitorul.org.

257 Ibidem.

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Dans ce contexte, une question se pose: “Dans quelle mesure les membres de l’APL, sont-ils préparés pour la décentralisation effective du processus d’administration?” L’hypothèse qui ressort des données mentionnées, n’est pas favorable à la mise en œuvre effective de la réforme avec cet objectif.

Ce qui suscite une grande inquiétude c’est le fait qu’un segment important de la population ordinaire (17%) considère que les leaders de l’APL atteignent leurs intérêts personnels ou de groupe et pas les intérêts de la communauté. Afin de mesurer le degré d’objectivité, on a invoqué aussi les réponses à quelques autres questions: ainsi, 12% des répondants considèrent que les facteurs politiques locaux empêchent les experts locaux de planifier correctement le développement de la localité et d’attirer les investissements, 37% ont donné des réponses négatives à la question si dans la localité où ils habitent les spécialistes chargés de la planification et du développement socio-économique sont vraiment de bons spécialistes.

Ces données corrélées avec la position de 24% des répondants qui considèrent que dans la communauté il n’y a pas de spécialistes formés en planification et développement socio-économique, auquel on rejoigne 33% des répondants qui croient que la localité n’est pas en cours de développement/changement et nécessite de l’ADR Nord et d’autres institutions autorisées à initier des mesures systémiques de formation continue des membres des gouvernements locaux. L’opinion publique a proposé les principaux sujets de la formation professionnelle continue:

• Modalités d’attirer les investissements dans l’économie locale; • L’amélioration de la planification du développement de la communauté; • Modalités d’accroître le rôle de l’hôtel de ville dans la gestion des problèmes économiques de la localité;

• Le rôle de l’opinion des gens ordinaires dans l’efficacité du leadership communautaire.

On a mentionné également les réponses des experts: seulement 61% des personnes interrogées ont déclaré que dans la localité il y a des spécialistes formés en planification et développement économico-social (39% ont donné des réponses négatives). 31% des membres de l’APL ont apprécié la capacité institutionnelle de l’administration locale dans le processus d’attirer les investissements comme „ni développée, ni sous-développés”, 10% „sous-développés”, 3% „inexistantes”. Ce point de vue, en grande partie, est comparable à l’attitude des citoyens: 33% ont affirmé que la localité n’est pas en cours de développement (ne savent pas /n’ont pas répondu-11%), 24% suppose que dans la localité où ils habitent, il n’y a pas de spécialistes en planification et développement socio-économique (12% n’ont pas répondu), 37% ont affirmé que l’idée que „la bonne personne au bon endroit” n’est pas valable pour cette localité-là (12% n’ont pas répondu); à la question „Qui empêche les spécialistes de l’APL de bien planifier le développement de la localité?”, 19% ont indiqué „l’incompétence”, 22% „l’ignorance des méthodes et des outils de planification”, 30% des répondants ne croient pas que l’APL est capable de résoudre les problèmes communautaires.

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Donc, l’opinion des membres de l’APL et de la population ordinaire conduit à la conclusion qu’environ 30-40% de l’APL n’ont pas de spécialistes bien formés pour le développement durable de la localité (ou ceux-ci ne sont pas impliqués dans ce processus). En même temps, tant les membres de l’APL que les gens ordinaires se rendent compte de la priorité des problèmes à résoudre de la communauté et aussi des méthodes et des outils par lesquels cet objectif peut être atteint.

Les données quantitatives recueillies nous permettent de conclure que l’APL a acquis une certaine expérience dans le développement et la mise en œuvre des projets. Le fait que 54% des répondants ont affirmé que dans leur communauté ont été mis en œuvre des projets visant à résoudre certains problèmes (84% les membres de l’APL) et les objectifs proposés, en grande partie, ont été atteints (63% confirme le succès). Cependant, sans le support de l’APL ces projets ne pouvaient pas être mis en œuvre.

Afin d’améliorer les technologies de planification, d’attirer et de gérer les ressources pour les besoins des communautés, on va, premièrement, augmenter le processus de diffusion de l’information sur les donneurs potentiels. En même temps, il est important que dans le cadre de l’APL soit au moins une personne ayant les compétences nécessaires pour l’élaboration des projets (connaissance de l’anglais, connaissance du processus de rédaction des projets: l’expérience de la Roumanie a démontré que 76% de la valeur totale du financement des projets approuvés pour les hôtels de ville, a été obtenue par les autorités locales qui ont un personnel spécialisé)258.

L’approche synthétique du matériel empirique recueilli dans le processus de notre enquête nous permet de conclure que les moyens les plus pertinents d’amélioration du processus d’élaboration et d’implémentation des projets visant à résoudre les problèmes de la communauté, sont les suivants:

• Engager par concours et motiver les spécialistes pour accroître les résultats de leur activité;

• Réaliser régulièrement des formations adéquates dans le domaine; • Assurer une plus grande transparence de l’administration locale aux citoyens, aux agents économiques, aux ONG, aux média et éveiller leurs intérêts en ce qui concerne les mesures de planification et d’attraction des investissements;

• Renforcer la collaboration avec les institutions financières et avec les donneurs; • Démontrer aux potentiels investisseurs les moyens d’utilisation des investissements antérieurs et accroître la transparence dans la gestion des projets;

• Décentraliser les processus visant à résoudre les problèmes de la communauté par l’autogestion financière.

258 Toth, A., Dărăşteanu,C.,Tarnovschi, D. AutorităŃile locale faŃă în faŃă cu fondurile europene. Bucureşti: FundaŃia Soros-România, 2010, p.37, apud, Bordeianu, Mircea, Cruc, Olesea,Osoian, Ion. Evaluarea atitudinilor, capacităŃilor şi nevoilor autorităŃilor Republicii Moldova în contextul proceselor de integrare europeană. Chişinău,2011//http://www.viitorul.org.

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Bibliographie: 1. Bordeianu, Mircea, Cruc, Olesea, Osoian, Ion. Evaluarea atitudinilor, capacităŃilor şi

nevoilor autorităŃilor Republicii Moldova în contextul proceselor de integrare europeană. Chişinău, 2011 //http://www.viitorul.org.

2. Bostan, Galina. Sinteza studiului Noi perspective pentru intercomunatate în Republica Moldova, august 2011, p. 22

3. Bourdieu, Pierre & Wacquant, Lois. An Invitation to Reflexive Sociology, Chicago: Chicago University Press, 1992

4. Petrovici, Norbert. Capital social. Comunitatea înŃeleasă ca resursă//web.adatbank.transindex.ro/.../web6-7_07_...

5. Sandu, Dumitru. SpaŃiul social al tranziŃiei. Iaşi: Editura Polirom, 1999, p. 218 6. Toth, A., Dărăşteanu, C., Tarnovschi, D. AutorităŃile locale faŃă în faŃă cu fondurile

europene. Bucureşti: FundaŃia Soros-România, 2010, p. 37