11
Banque de France • Revue de la stabilité financière • N° 14 – Produits dérivés – Innovation financière et stabilité • Juillet 2010 81 Produits dérivés de gré à gré et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire l’objet d’une compensation ? La crise financière de 2007-2009 a conduit les pouvoirs publics, des deux côtés de l’Atlantique, à proposer des lois imposant une compensation centrale pour la plupart des dérivés de gré à gré (OTC) « standardisés ». Cet article examine ces projets. Même si les dérivés OTC n’ont pas été directement à l’origine de la crise, ils facilitent cependant la spéculation et peuvent induire un risque systémique. S’ils sont adoptés, ces projets de loi auront pour principal mérite d’accroître la transparence des positions sur les dérivés standardisés. Cependant, la crise a révélé que ce sont souvent les positions prises par les établissements financiers sur des dérivés de gré à gré non standardisés qui subissent d’importantes pertes. L’une des solutions, présentée ici, consisterait à instaurer d’ici trois ans une compensation centrale pour tous les dérivés, standardisés et non standardisés. Cette mesure maximiserait les avantages de la compensation des positions tout en permettant aux régulateurs d’effectuer plus facilement des stress tests. Cet article propose un mode de compensation pour chacune des catégories de dérivés de gré à gré. JOHN HULL Maple Financial Professor of Derivatives and Risk Management Joseph L. Rotman School of Management Université de Toronto

Revue Stabilite Financiere de Juillet 2010 Etude 09 Produits Derives GRE a GRE Et Compensation Centrale

Embed Size (px)

DESCRIPTION

financeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee

Citation preview

  • Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010 81

    Produits drivs de gr gr et compensation centrale :

    toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    La crise fi nancire de 2007-2009 a conduit les pouvoirs publics, des deux cts de lAtlantique, proposer des lois imposant une compensation centrale pour la plupart des drivs de gr gr (OTC) standardiss . Cet article examine ces projets. Mme si les drivs OTC nont pas t directement lorigine de la crise, ils facilitent cependant la spculation et peuvent induire un risque systmique. Sils sont adopts, ces projets de loi auront pour principal mrite daccrotre la transparence des positions sur les drivs standardiss. Cependant, la crise a rvl que ce sont souvent les positions prises par les tablissements fi nanciers sur des drivs de gr gr non standardiss qui subissent dimportantes pertes. Lune des solutions, prsente ici, consisterait instaurer dici trois ans une compensation centrale pour tous les drivs, standardiss et non standardiss. Cette mesure maximiserait les avantages de la compensation des positions tout en permettant aux rgulateurs deffectuer plus facilement des stress tests. Cet article propose un mode de compensation pour chacune des catgories de drivs de gr gr.

    JOHN HULLMaple Financial Professor of Derivatives and Risk Management

    Joseph L. Rotman School of ManagementUniversit de Toronto

    RSF14_10_HULL.indd 81RSF14_10_HULL.indd 81 21/09/2010 16:28:4421/09/2010 16:28:44

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    82 Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010

    Si lon en juge par sa croissance sur les trente dernires annes, le march des drivs de gr gr (OTC) est un grand succs. Actuellement, lencours de son sous-jacent est environ dix fois suprieur celui des marchs organiss. En outre, contrairement ces derniers, le march de gr gr est en grande partie non rgul, situation qui devrait nanmoins bientt changer. Les normes pertes sur drivs subies par les tablissements fi nanciers pendant la crise de 2007-2009 ont conduit les pouvoirs publics, des deux cts de lAtlantique, proposer une nouvelle lgislation qui imposera le recours une chambre de compensation centrale pour certaines transactions sur drivs OTC.

    Ds lors quune transaction sur drivs de gr gr a t ngocie entre deux parties, A et B, elle peut tre compense en passant par une contrepartie centrale (CCP). Si celle-ci accepte cette transaction, elle devient la contrepartie la fois de A et de B.A et B peuvent chacune procder au netting (compensation des positions) avec dautres transactions auxquelles elles participent avec dautres contreparties, condition que ces transactions soient, elles aussi, compenses par la CCP. Cette dernire supporte le risque de crdit de A et de B. Elle gre ce risque en demandant un dpt de marge initial et en calculant des appels de marges quotidiens. La contrepartie centrale opre donc, dans une large mesure, comme le fait une chambre de compensation pour les produits ngociables sur un march organis, tels que les contrats terme (futures).

    On sattend ce que la nouvelle lgislation rende obligatoire, quelques exceptions prs, la compensation des drivs standardiss . Plusieurs questions nont cependant pas encore t tranches. Qui dterminera ce quest une transaction standardise ? Ce pourrait tre soit les rgulateurs soit les CCP elles-mmes. Les transactions faites pour le compte des utilisateurs finaux seront-elles exemptes dune compensation obligatoire par contrepartie centrale ? LUnion europenne y est favorable. Les contrats en devises le seront-ils eux aussi ? Cest ce qua souhait, un moment donn, le Congrs amricain. Quels actifs seront admissibles pour les appels de marge ? Les liquidits seront ligibles, bien videmment, tant pour le dpt de marge initial que pour les appels de marges.

    Les titres ngociables sont, eux, habituellement accepts dans le cas daccords bilatraux de collatralisation OTC, mais pas dans le cadre dune CCP.

    Mme si le recours une contrepartie centrale nest pas encore obligatoire pour tous les drivs de gr gr, certains swaps (credit default swaps ou CDS et swaps de taux d'intrt) sont actuellement compenss par des contreparties centrales, telles que ICE Trust ou LCH.Clearnet. Les marchs des drivs tant des marchs mondiaux, il faut videmment une harmonisation des lois des diffrents pays. Cette harmonisation acquise, les volumes transitant par les CCP devraient saccrotre rapidement. Il est par ailleurs quasiment certain que le Comit de Ble imposera des fonds propres bien suprieurs pour les transactions compenses bilatralement celles exiges pour la compensation centrale. Les oprateurs sur drivs seront donc beaucoup moins incits quaujourdhui rendre leurs contrats lgrement non standards pour viter une compensation centrale.

    Le projet de compensation centrale pour les transactions sur drivs OTC a deux principaux objectifs. Il sagit, premirement, de rduire le risque de contrepartie, et, deuximement, damliorer la transparence afi n que les rgulateurs puissent plus facilement quantifi er les positions constitues et procder aux simulations de crise (stress tests). Cet article dfend lide quil est essentiel que les nouvelles rgles sappliquent tous les drivs OTC. Ce sont les drivs de crdit qui ont occup le devant de la scne pendant la dernire crise et sur lesquels lattention des autorits sest focalise. Cependant, moins dune surveillance troite, il est tout fait possible que dimportantes positions, potentiellement dstabilisatrices soient prises, dans le futur, sur des types de drivs non encore connus. Selon Acharya et al. (2009), il faut imposer une compensation centrale pour les drivs de gr gr activement ngocis, et surveiller les autres drivs grce un registre central de donnes. Pour notre part, nous estimons quil serait plus simple, et ralisable, de gnraliser la compensation centrale, et le faire de telle sorte que les rgulateurs puissent surveiller assez facilement les expositions et effectuer des stress tests. Cet article dfi nit quatre catgories de drivs de gr gr et propose un mode de compensation pour chacune.

    RSF14_10_HULL.indd 82RSF14_10_HULL.indd 82 21/09/2010 16:28:4721/09/2010 16:28:47

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010 83

    1| LE CONTEXTELes marchs des drivs de gr gr ont t dvelopps pour permettre aux utilisateurs fi naux de grer leurs expositions plus effi cacement que sur les marchs organiss. Sur un march de gr gr, on peut effectivement adapter une transaction de manire rpondre aux besoins spcifi ques dun utilisateur fi nal. Ainsi, un total return swap sera utilis par le grant de fonds qui dtient un portefeuille dactions japonaises, mais qui pense que les actions amricaines vont offrir de meilleures opportunits sur les six prochains mois. Une option panier peut, quant elle, constituer un instrument de couverture intressant pour une entreprise expose cinq taux de change diffrents.

    Les utilisateurs fi naux de drivs OTC ont clairement indiqu au lgislateur quils taient satisfaits de la situation actuelle. Ils ne souhaitent pas tre obligs deffectuer des dpts de marge initiale, qui risqueraient dentraner des problmes de liquidit. Ils ne souhaitent pas non plus une standardisation des contrats sur drivs, car ces contrats perdraient alors de leur utilit pour les oprations de couverture et ne pourraient plus tre comptabiliss (en fait, il est peu probable que les drivs non standardiss soient proscrits. Si ces produits ne donnent pas lieu une compensation, les exigences de fonds propres applicables aux transactions non standards seront probablement renforces. Dans ce cas, les utilisateurs fi naux risquent dobtenir des conditions contractuelles un peu moins intressantes. Mais ce nest mme pas certain, tant donn que le niveau des fonds propres conomiques ncessaires la ralisation des transactions devrait rester inchang).

    Bien sr, les transactions sur drivs OTC ne peuvent pas toutes tre considres comme socialement utiles . Certaines supposent un arbitrage rglementaire (diminution du niveau des fonds propres quune banque doit dtenir sans rduire ses expositions) ; dautres sont concernes par la rvision des rgles de traitement fi scal ou comptable dun produit, et il arrive quun oprateur labore un driv OTC de manire le rendre plus attrayant quil

    ne lest en ralit aux yeux des utilisateurs fi naux imprudents 1.

    Il ne fait aucun doute que les rgulateurs et les responsables politiques souhaiteraient que seules les utilisations socialement utiles des drivs de gr gr soient maintenues et que les autres soient interdites. Ce ne sera probablement pas possible. Cette section se penche sur quelques-uns des objectifs que la rgulation de ces produits pourrait permettre datteindre.

    1|1 Les drivs OTC et la criseUne premire remarque : ce ne sont pas les drivs OTC qui ont provoqu la crise fi nancire de 2007-2009 (ni les crises fi nancires antrieures). Les causes de cette crise sont complexes et on aurait tort de penser que la rgulation des marchs de gr gr empchera les crises. La crise fi nancire rcente a rsult dune conjonction dvnements macroconomiques, de politiques publiques, de lassouplissement des critres de prt par les tablissements fi nanciers et de lacunes dans la rgulation fi nancire 2. Si les marchs de drivs OTC n'avaient pas exist, une grave rcession mondiale se serait quand mme produite.

    La crise a t la consquence du faible niveau des taux dintrt et de lassouplissement des conditions doctroi des prts par les banques oprant sur le march du crdit hypothcaire rsidentiel amricain. Lhistoire est dsormais bien connue : lassouplissement des critres de prt a stimul la demande dimmobilier rsidentiel, provoquant une envole des prix entre 2000 et 2006. Lorsque certains emprunteurs ont compris quils ne pourraient pas rembourser leur prt, leurs biens ont t saisis, loffre dimmobilier sest mise gonfl er et les prix ont commenc baisser ; une spirale baissire sest amorce : ces baisses de prix ont entran une multiplication des saisies, et, partant, de nouvelles baisses de prix. Les drivs OTC ont transfr (parfois de manire assez spectaculaire) les pertes sur dfaut dune entit conomique une autre, mais ils nont pas t lorigine de ces pertes.

    1 Certains incluent la spculation dans cette liste dutilisations non socialement utiles des drivs OTC. En outre, plusieurs grandes transactions synthtiques recourant au march des prts hypothcaires subprime ont t vivement critiques parce quelles ne permettaient pas de rachat. Quoi quil en soit, les spculateurs constituent une importante source de liquidit sur de nombreux marchs de drivs.

    2 Ainsi, selon Jagannathan et al. (2009), la cause fondamentale de la crise est un choc sur la main-duvre : dans les pays en dveloppement, un grand nombre de travailleurs se sont aperus quils pouvaient faire concurrence aux Occidentaux sans avoir besoin de sexpatrier. De mme, Obstfeld et Rogoff (2009) affi rment que laggravation des dsquilibres commerciaux mondiaux a jou un rle important.

    RSF14_10_HULL.indd 83RSF14_10_HULL.indd 83 21/09/2010 16:28:4721/09/2010 16:28:47

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    84 Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010

    Pourquoi les banques amricaines ont-elles assoupli leurs conditions de prt ? Certains affi rment quelles ne lauraient pas fait si un march OTC de la titrisation et de la re-titrisation des crdits hypothcaires subprime ne stait pas dvelopp. Cependant, il ne sagit l, tout au plus, que dune petite partie de lhistoire. Nombre des tranches constitues partir de ces crdits subprime ont t rintgres dans les comptes des banques. Il semble peu probable que celles-ci aient dlibrment accord un important volume de prts douteux, quelles les aient titriss, puis quelles aient achet ces produits titriss 3.

    1|2 Les drivs de gr gr et le risque systmique

    La plupart des grands tablissements fi nanciers dtiennent dnormes portefeuilles de drivs et, pour nombre de leurs transactions sur drivs OTC, ils ont pour contreparties dautres grands tablissements fi nanciers. Les grands tablissements ne recourent pas aux marchs uniquement pour parier les uns avec les autres sur la future direction de diffrentes variables. Lorsquun oprateur sur drivs effectue une transaction avec un utilisateur final, il cde gnralement son risque via des transactions avec dautres oprateurs. Cest ce qui motive la plupart des transactions entre dealers.

    Le march des drivs de gr gr constitue une source potentielle de risque systmique car la

    dfaillance dun grand tablissement fi nancier peut entraner des pertes et le dfaut dautres grands tablissements fi nanciers. Une telle situation peut, son tour, provoquer des pertes encore plus massives pour dautres tablissements, et fi nir en catastrophe systmique. Les rgulateurs sinquitent, juste titre, de la probabilit de survenance dun tel scnario. Lors de la faillite du fonds LTCM, en 1998, et plusieurs fois au cours de la crise de 2007-2009, ils ont montr quils taient prts agir rapidement pour viter tout prix quil ne se produise.

    Heureusement peut-tre, nous navons jamais laiss se dvelopper une situation dans laquelle nous pourrions observer et mesurer lampleur des pertes imputables au risque systmique induit par les drivs OTC. Il est rassurant de constater que le systme fi nancier a survcu sans problmes graves des faillites telles que celles de Drexel Burnham Lambert ou de Lehman Brothers. Il faut galement souligner que les tablissements fi nanciers se proccupent du risque systmique. De fait, ils consacrent des moyens considrables la gestion du risque de contrepartie, et en particulier de celui induit par les transactions sur drivs quils effectuent avec dautres grands tablissements 4. Bien que les accords bilatraux de netting ou de collatralisation ne soient pas obligatoires, ils sont ainsi devenus la norme pour ces transactions, et ont permis de rduire trs largement le risque systmique. Le tableau 1 montre que le netting a ramen de 25 400 3 700 milliards de dollars les expositions agrges des oprateurs sur drivs (juin 2009). Ces 3 700 milliards sont pour lessentiel collatraliss, ce qui rduit encore le risque de contrepartie.

    Si les contreparties centrales (CCP) sont soutenues par les rgulateurs et les politiques, cest notamment parce quelles permettent de renforcer les effets positifs du netting et de la collatralisation et, par consquent, de rduire le risque de contrepartie, ainsi que la probabilit que le risque systmique entrane leffondrement de tout le systme fi nancier. Comme nous le verrons plus loin, les CCP peuvent galement accrotre la transparence et la rgulation des drivs de gr gr.

    3 Cest principalement une rduction des exigences de fonds propres qui a incit les banques titriser des actifs hypothcaires, puis acheter les produits titriss. 4 Cf. notamment Gregory (2010) et Hull (2010)

    Tableau 1Expositions des dealers avant et aprs netting

    Catgories dactifs Exposition (en milliards de dollars)Change 2 470Taux dintrt 15 478Titres indexs sur valeurs boursires 879 Matires premires 689 Swaps de dfaut (CDS) 2 987Actifs non spcifi s 2 868Total 25 372Total aprs netting 3 744

    Source : BRI, juin 2009

    RSF14_10_HULL.indd 84RSF14_10_HULL.indd 84 21/09/2010 16:28:4721/09/2010 16:28:47

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010 85

    1|3 Les drivs de gr gr et la spculation

    Avec les drivs de gr gr, les tablissements financiers peuvent plus facilement prendre dnormes risques. Cest ce quont fait nombre dentre eux, dont Bear Stearns, Merrill Lynch, Citigroup et AIG Financial Products, dans la premire dcennie du XXIe sicle. AIG constitue un cas extrme. Cet oprateur vendait, sous la forme de credit default swaps, de la protection contre les pertes sur les produits titriss issus de prts hypothcaires subprime. Lorsque sa note de crdit a t abaisse en dessous de AA, il na pas pu apporter le volume considrable de collatral demand par ses contreparties. Les autorits amricaines ont d injecter 85 milliards de dollars pour viter la faillite dAIG.

    La lgislation actuellement envisage, qui rendrait obligatoire la compensation par contrepartie centrale, aurait-elle empch la banqueroute dAIG ? Probablement pas, car elle ne vise imposer une compensation que pour les CDS standardiss. Or, en 2006 par exemple, la liste des drivs standardiss compenser aurait vraisemblablement inclus des CDS mono-metteur (single-name) offrant une protection contre la dfaillance dune entreprise ou dun metteur souverain. Les CDS sur indices standardiss (contrats iTraxx Europe et CDX NA IG, notamment) y auraient galement fi gur. linverse, les transactions AIG, elles, ntaient pas standardises. Elles concernaient les pertes sur les tranches constitues partir de certains portefeuilles hypothcaires (et de tranches de ces tranches). Si elle avait t adopte il y a cinq ans, la lgislation actuellement envisage naurait donc pas concern ces produits.

    Empiriquement, on observe facilement, que, lorsque des tablissements fi nanciers prennent dimportantes positions spculatives, cest gnralement sur des drivs de gr gr non standardiss 5. Les rgulateurs doivent donc prter davantage attention ces instruments.

    Nous verrons plus loin que le recours des CCP pour tous les drivs de gr gr ne constitue pas un objectif draisonnable. Il faudrait nanmoins, au minimum, que la nouvelle rglementation impose que les drivs de gr gr non standardiss qui sont ngocis entre des tablissements fi nanciers dimportance systmique saccompagnent daccords bilatraux de collatralisation sans aucun seuil 6. Les seuils de dgradation de notation qui dclenchent un appel en collatral, tels que ceux qui avaient t utiliss par les contreparties dAIG, ne devraient pas tre autoriss, car ils ont tendance exacerber le risque systmique.

    Il faut souligner ici un point essentiel : la collatralisation des drivs de gr gr non standardiss ptit trop souvent des diffrends portant sur la valeur de march de ces produits. Si A demande B de lui apporter du collatral parce que la valeur nette de lencours de leurs transactions a volu en faveur de A, il se peut que B conteste cette valorisation et que le rglement de ce diffrend prenne du temps. Si les accords bilatraux restent une caractristique du march des drivs de gr gr, il faudrait imprativement (du moins lorsque lune des parties est un tablissement fi nancier dimportance systmique) que, pour chaque transaction, a) un tiers soit dsign pour calculer la valeur de march quotidienne ou que b) le mode de calcul de cette valeur soit spcifi dans le document CSA (Credit Support Annex) qui rglemente la gestion du collatral.

    1|4 Les drivs de gr gr et la transparence

    Parmi les avantages en faveur de ladoption de CCP, on cite frquemment le fait quelles permettront daccrotre la transparence du march de gr gr. Il y a transparence lorsque lon connat, premirement, le prix de march des instruments changs de gr gr et, deuximement, les positions prises par les tablissements fi nanciers qui oprent sur ce march.

    5 Il existe des exceptions. Une partie des pertes substantielles dclares (par exemple, la perte subie par Allied Irish Bank en 2002) a t cause par des oprateurs qui cherchaient dissimuler les expositions rsultant de transactions OTC standardises. Cependant, en gnral, les expositions lies aux drivs OTC standardiss sont bien connues et, par consquent, moins susceptibles dtre acceptes.

    6 Chaque partie doit apporter lautre une sret dun montant quivalant zro ou la valeur de lencours net de ses transactions vis--vis de lautre partie, si cette valeur est suprieure zro.

    RSF14_10_HULL.indd 85RSF14_10_HULL.indd 85 21/09/2010 16:28:4821/09/2010 16:28:48

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    86 Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010

    Certains dcrivent le march de gr gr comme un march obscur (dark market). Cest peut-tre un peu excessif. Il convient de noter que les intervenants de march, tels que les dealers, les grants de fonds et les trsoriers dentreprises, ne semblent pas faire partie de ceux qui se plaignent du manque de transparence des prix. Les services dinformation en ligne, par exemple Bloomberg et Reuters, communiquent les prix proposs par les dealers. Certes, la cotation indique par un dealer pour un driv de gr gr classique peut dpendre, pour une petite partie, de la taille de lopration, du stock et de la liquidit du dealer, de la note de crdit de la contrepartie et dautres transactions en cours avec celle-ci. Ce nest gure surprenant. Mais il ne faut pas prsupposer que les intermdiaires cachent dlibrment leurs clients des informations essentielles. Les transactions trs structures, telles que les CDO (collateralised debt obligations) synthtiques, peuvent voir leur prix varier plus fortement dun dealer lautre. Nanmoins, cette variation est tout fait prvisible et les rgulateurs ne devraient pas sen proccuper.

    Pour que les rgulateurs connaissent les positions spculatives importantes et quils puissent surveiller le risque systmique, il importe quils sachent quelles transactions sont ralises par les tablissements fi nanciers 7. Il faut aussi que les positions puissent tre comptabilises et agrges dune manire utile aux rgulateurs. Les CCP ont ici un rle jouer, comme nous le verrons plus loin. Il est bien sr essentiel que les rgulateurs soient mme de dterminer les variations quotidiennes de la valeur des transactions non standardises, tout comme celles de la valeur des transactions standardises. En effet, ainsi que nous lavons dj soulign, la plupart des grosses positions spculatives portent sur des instruments non standardiss.

    2| LES AVANTAGES DE LA COMPENSATION CENTRALE

    Duffi e et Zhu (2009) font valoir un point important, savoir que la compensation par contrepartie centrale namliore pas toujours lefficience du netting.

    Leffi cience de la compensation centrale dpend du nombre de CCP et de la proportion des drivs de gr gr qui font lobjet dune compensation. La compensation centrale accrot dans tous les cas leffi cience du netting lorsquune seule CCP intervient pour tous les drivs OTC. Si la lgislation actuelle conduit ce que, par exemple, 60 % des oprations de gr gr soient compenses par dix CCP diffrentes, il nest pas certain que le chiffre de lexposition totale agrge indiqu au tableau 1 (3 744 milliards de dollars) samliorera. Il pourrait mme se dgrader.

    Un exemple simple permet de le comprendre. Supposons trois oprateurs sur drivs (A, B et C) et deux catgories de produits, dont une seule donne lieu une compensation (cette catgorie pourrait regrouper tous les drivs de gr gr standardiss, et lautre catgorie se composer de tous les drivs de gr gr non standardiss). Les fl ches dans la partie gauche du graphique 1, qui prsume une compensation bilatrale pour toutes les transactions, indiquent la valorisation des positions leur valeur de march. Ainsi, les transactions entre A et B valent 100 pour A dans le cas des produits non compenss, et + 50 pour A en ce qui concerne les produits compenss. Avec une compensation bilatrale, les expositions nettes de A, B et C sont, respectivement, de 0, 100 et 20. La partie droite du graphique 1 montre comment cette situation volue lorsquune CCP entre en jeu pour les produits compenss : les expositions nettes de A, B et C, y compris les expositions la CCP, sont alors nettement suprieures : elles atteignent, respectivement, 120, 120 et 90. Mme lorsque les expositions la CCP ne sont pas prises en compte, la moyenne des trois expositions est 75 % plus leve que sans la CCP.

    En extrapolant partir de cet exemple, on constate que lefficience du netting saccrot mesure quaugmente la proportion des oprations de gr gr qui font lobjet dune compensation. Cette effi cience est susceptible de dcrotre en prsence de plusieurs CCP. On peut toutefois penser quil y aura probablement, terme, une concentration des CCP et un dveloppement des accords de netting entre CCP. Ainsi, dans le cas o un oprateur reoit 15 dune CCP en une sance et doit payer 25 une autre CCP, un accord pourrait lui permettre de payer 10 cette dernire. Les 15 restants seraient automatiquement transfrs par la premire CCP 8.

    7 Ces informations ne sont pas forcment utiles dautres. Si lon considre que, dans lintrt du public, il faut les communiquer des intervenants autres que les rgulateurs, mieux vaudrait viter de les actualiser avant de les communiquer. Il ne faudrait cependant pas que les positions en cours dun tablissement fi nancier soient divulgues ses concurrents. En effet, si les contreparties potentielles savent quelles oprations de couverture il doit procder, cet tablissement sera moins susceptible dobtenir des cotations intressantes.

    8 tant donn que les actifs utiliss pour les marges de variation demandes par les CCP sont susceptibles dtre soit des liquidits soit des titres trs liquides, cette forme de rutilisation du collatral (rhypothcation) peut induire bien moins de problmes quavec des accords bilatraux de collatralisation.

    RSF14_10_HULL.indd 86RSF14_10_HULL.indd 86 21/09/2010 16:28:4821/09/2010 16:28:48

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010 87

    Leffi cience du netting nest pas lunique intrt de la compensation centrale (ni peut-tre mme lintrt principal). La compensation centrale renforcera la transparence en amliorant la visibilit des positions des diffrents dealers. Elle permettra un apport de collatral plus substantiel, de sorte que, en cas de dfaut dun oprateur, les pertes seront moins importantes. De surcrot, ces pertes seront alors rparties entre les membres de la chambre de compensation. Avec une compensation bilatrale, les pertes massives doivent, en gnral, tre absorbes par un petit nombre de contreparties.

    Autre grand avantage potentiel des CCP : elles pourraient dans une large mesure viter que des rumeurs infondes nentranent la faillite dun oprateur. Lorsque le march estime quun oprateur est en diffi cult, il arrive que les autres oprateurs cessent dapporter du collatral, refusent de ngocier avec lui, ou ralisent des oprations destines rduire leur exposition vis--vis de cet oprateur.

    Il peut en dcouler des problmes de trsorerie pour ce dernier, ce qui acclre sa disparition. Une telle situation est moins susceptible de se produire si les oprations de trading passent par des CCP. En effet, une CCP ne devrait pas tenir compte des rumeurs quand elle calcule et applique les marges de variation.

    Bien sr, le risque de dfaillance dune CCP ne peut tre totalement exclu. Cependant, en gnral, les chambres de compensation des drivs ngocis sur un march organis sont bien gres, et les problmes rares (Ble II assigne une pondration de zro au risque li au trading faisant intervenir une chambre de compensation). La faillite dune CCP qui traite des drivs de gr gr pourrait avoir des consquences encore plus dsastreuses que celle dun dealer important. Nanmoins, une CCP est une structure bien moins complexe quun grand tablissement. Elle devrait tre rgule comme un service public et ne pas tre autorise effectuer des oprations pour compte propre.

    Graphique 1

    A B

    C

    100

    50

    70 302090

    A B

    C

    100

    100

    20120

    CCP

    2090

    Exemple de situation dans laquelle le recours une CCP accrot les expositions aprs netting. La ligne en pointills reprsente les expositions qui sont compenses, et la ligne pleine celles qui ne le sont pas. Les expositions aprs netting bilatral sont compares aux expositions qui rsultent de lintervention de la contrepartie centrale.

    Dealer Exposition aprs netting bilatral

    A 0B 100C 20

    Moyenne 40

    Dealer Exposition aprs netting avec une CCP

    Exposition aprs netting sans CCP

    A 120 0B 120 120C 90 90

    Moyenne 110 70

    RSF14_10_HULL.indd 87RSF14_10_HULL.indd 87 21/09/2010 16:28:4821/09/2010 16:28:48

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    88 Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010

    3| DANS QUELLES PROPORTIONS LE MARCH DES DRIVS PEUT-IL FAIRE LOBJET DUNE COMPENSATION CENTRALE ?

    Il existe de nombreuses raisons de souhaiter une compensation centrale pour autant de drivs de gr gr que possible, car ce type de dispositif maximise les avantages du netting et minimise le risque de contrepartie. Il permet galement aux rgulateurs de mieux matriser les risques pris par les dealers.

    La condition essentielle pour la compensation centrale dune transaction est la possibilit de valoriser celle-ci quotidiennement afi n de calculer des marges de variation quotidiennes. Nous avons vu limportance dun accord de collatralisation dans le cas dune transaction non compense entre des contreparties dimportance systmique. Ces parties devraient galement sentendre sur une mthode permettant de calculer la valeur des transactions dans le cadre de ces accords, faute de quoi ceux-ci risquent dtre ineffi caces en cas de diffrend sur les montants dus par une partie lautre. De l affi rmer que, pour accomplir sa mission, la CCP devrait videmment avoir connaissance de la mthode de valorisation employe, il ny a quun pas. De plus, si la contrepartie centrale peut tre informe de cette mthode, les rgulateurs peuvent ltre, eux aussi, pour les besoins des stress tests et des autres analyses quils peuvent souhaiter effectuer.

    Pour dterminer la facilit avec laquelle des transactions sur drivs de gr gr peuvent tre compenses, il est utile de dfi nir quatre catgories de produits :

    1. Les drivs classiques (plain vanilla) date dchance standard.

    2. Les drivs classiques (plain vanilla) date dchance non standard.

    3. Les drivs non standardiss pour lesquels on dispose de modles de pricing bien tablis.

    4. Les oprations trs structures.

    La premire catgorie regroupe les drivs que les CCP sont susceptibles de traiter avec le plus de facilit et qui sont ngociables sur un march organis. La valeur actualise de ces produits est, souvent, observable directement sur le march. Si elle ne lest pas, le fait que les taux dintrt, les spreads et des variables de march analogues ne soient requis que pour les chances standard (lesquelles sont, en gnral, celles du march montaire international) facilite les choses.

    Pour la deuxime catgorie de drivs, le march recourt des procdures standard pour linterpolation des variables (taux dintrt, spreads de crdit, prix terme des actifs, volatilit) afi n que la valeur observable de ces variables puisse permettre de calculer les valeurs requises. Ainsi, pour une chance donne, on peut estimer le spread de crdit partir des spreads de crdit observs pour des chances voisines ; de mme, pour estimer la volatilit qui servira valoriser une option ayant un certain prix dexercice et une certaine chance rsiduelle, on peut se fonder sur la volatilit observable des options dont le prix dexercice et les chances rsiduelles sont voisins.

    Ce qui fait la spcifi cit des drivs des deux premires catgories, cest quils sont valoriss par rfrence aux prix de march dautres drivs semblables. Par exemple, les CDS sont valoriss par rfrence dautres CDS, et les options sur un taux de change le sont par rfrence dautres options sur ce taux de change. Cest ce que lon appelle le calibrage . Les drivs des deux premires catgories sont donc calibrs par rfrence des drivs de mme type.

    La troisime catgorie de drivs diffre des deux premires, car elle englobe des produits qui ne reprsentent pas un volume de ngociation suffi sant pour tre calibrs et valoriss par rfrence des drivs analogues. La palette est large : options asiatiques, options barrire, options composes, options sur panier, swaps principal notionnel croissant (accrual swaps)... En gnral, ces produits doivent tre calibrs par rfrence dautres drivs plus simple, et, parfois, il faut sappuyer sur des donnes empiriques. Ainsi, le prix dune option asiatique se fonde habituellement sur les prix des options classiques sur le mme actif ; celui dune option sur panier se fonde sur les prix des options

    RSF14_10_HULL.indd 88RSF14_10_HULL.indd 88 21/09/2010 16:28:4921/09/2010 16:28:49

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010 89

    classiques sur les actifs composant le panier, et les corrlations entre les prix des actifs sont estimes partir de donnes empiriques ; le prix dun accrual swap se fonde sur les prix des swaps de taux standard et sur les taux plafond, etc.

    On ne peut gure sattendre ce quune CCP dveloppe la technologie permettant de calculer le prix de tous les drivs de gr gr de cette troisime catgorie. En revanche, il est raisonnable de demander que les intervenants de march fournissent la CCP le logiciel de valorisation lorsque ces produits sont ngocis. Ce logiciel satisferait aux critres dfi nis par la CCP pour les donnes dentre et de sortie. Dans la plupart des cas, il sagirait dun programme de calcul sappuyant sur un ensemble de donnes dentre (taux dintrt, cours de change, prix terme des actifs, volatilit...). Afi n de procder aux interpolations ncessaires lobtention de ces donnes dentre, les CCP pourraient utiliser les programmes quelles ont conus pour la deuxime catgorie de drivs. Les modles de valorisation des drivs de la troisime catgorie font partie du domaine public, mais certains oprateurs laborent leurs propres modles, auquel cas ils pourraient ne pas tre tenus de les communiquer la CCP. Il conviendrait de leur demander de fournir le modle standard qui se trouve dans le domaine public, condition que ce modle rende compte des principales caractristiques de la transaction concerne.

    Les drivs de la quatrime catgorie posent davantage de problmes. En effet, ils sont gnralement complexes, et les modles qui permettent de les valoriser sont moins facilement disponibles. Il importe nanmoins de trouver un moyen de les traiter. Comme indiqu plus haut, cest souvent ce type de drivs qui donne lieu de volumineuses positions spculatives et qui est susceptible daccrotre le risque systmique. Les intervenants de march devraient pouvoir dcider soit de fournir la CCP le logiciel utiliser (aprs accord des deux parties), soit de dsigner un tiers qui communiquera la CCP les valorisations quotidiennes.

    Les logiciels utiliss par les CCP seraient mis la disposition des rgulateurs pour les stress tests et pour dautres analyses. Si les valorisations manent

    dun tiers, celui-ci devrait tre tenu danalyser les transactions pour les rgulateurs, leur demande. Ces propositions visent permettre la compensation de tous les drivs OTC, mais aussi faire en sorte que les autorits comprennent et analysent plus facilement ce qui se passe sur ce march. Il serait raisonnable de pouvoir mettre en uvre un tel dispositif dans un dlai dun an pour tous les drivs des deux premires catgories, et dans un dlai de trois ans pour les autres catgories. Par ailleurs, il faut dterminer soigneusement lapplicabilit de ces propositions aux transactions en cours ainsi quaux nouvelles transactions.

    Une question se pose cependant : dans le cas dune opration entre un intermdiaire et un utilisateur fi nal, pour que lintermdiaire puisse raliser un bnfi ce immdiat ( day one profi t ), il se peut quil demande demble lutilisateur fi nal une marge de variation. Avec des produits trs structurs, le day one profi t semble souvent trs lev, mais il se justifi e par la diffi cult couvrir ce type dinstruments, ainsi que par les autres facteurs dincertitude que lintermdiaire doit grer. Il faudrait par consquent que les modles communiqus aux CCP (ou utiliss par des tiers) puissent amortir ce bnfi ce immdiat sur toute la dure de la transaction. Cest dailleurs ce que font de nombreux tablissements fi nanciers.

    En outre, il y aura forcment des drogations lobligation de compensation centrale. Par exemple, les utilisateurs fi naux du secteur font valoir leur droit une exemption, car, actuellement, leurs contreparties ne leur demandent gnralement pas de collatral 9. On peut considrer les exemptions comme des oprations marge zro . Elles devraient cependant tre enregistres auprs dune CCP et valorises quotidiennement, comme les transactions qui font lobjet dune compensation, mais on ne devrait exiger aucun dpt de marge initial, ni aucune marge de variation, et la CCP ninterviendrait pas comme contrepartie. Ce dispositif permettrait aux rgulateurs de tenir facilement compte de ces exemptions dans leurs analyses.

    Un certain nombre de dtails doivent encore tre rgls, notamment la faon dont le montant du dpt de marge initial sera fi x pour un portefeuille diversifi de drivs de gr gr. Ce calcul ncessite

    9 La ncessit dune telle drogation fait dbat. En ralit, un intermdiaire qui ne demande pas de srets accorde implicitement lutilisateur fi nal une ligne de crdit fl exible, qui couvre les futures valeurs potentielles de la transaction. Cet intermdiaire doit donc aussi tre dispos conclure un accord par lequel il prte lutilisateur fi nal des fonds suffi sants pour le dpt de marge demand par la CCP.

    RSF14_10_HULL.indd 89RSF14_10_HULL.indd 89 21/09/2010 16:28:4921/09/2010 16:28:49

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    90 Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010

    un examen statistique de lampleur des variations potentielles de la valeur du portefeuille sur un ou deux jours. Les chambres de compensation ont acquis une exprience considrable dans ce domaine. Il pourrait toutefois tre ncessaire de bien valuer la contribution de certaines transactions, telles que les CDS single-name ou les options barrire (dont la valeur intra-journalire peut varier considrablement) au montant du dpt de marge initial.

    Les propositions prsentes ici dans leurs grandes lignes ont pour principal intrt de rduire le risque de contrepartie et daccrotre la transparence pour les rgulateurs. Nanmoins, ces derniers et les dcideurs politiques sont susceptibles de les apprcier aussi

    pour dautres raisons. Par exemple, un modle de valorisation pourrait permettre aux contreparties moins sophistiques de mieux cerner les risques quelles prennent. Il pourrait aussi faire diminuer le nombre de transactions trs complexes.

    Il est vident que certains dealers sopposeront ces propositions, surtout sils ont le sentiment que la nouvelle lgislation leur permettra moins facilement de ngocier des oprations complexes en dgageant un bnfi ce immdiat lev. Mais ce projet est prfrable une rglementation qui roderait progressivement la capacit des tablissements financiers innover et ngocier des drivs de gr gr.

    La centralisation de la compensation pour les drivs de gr gr comporte de nombreux avantages, qui deviennent encore plus manifestes mesure quaugmente la proportion des drivs de gr gr faisant lobjet dune compensation. Cet article soutient lide que la surveillance des expositions dun tablissement fi nancier aux drivs non standardiss a autant dimportance, voire davantage, que celle de ses expositions aux drivs standardiss. Il est tentant de se concentrer sur les drivs de crdit, puisque ce sont eux qui ont suscit le plus de proccupations lors de la crise de 2007-2009. Cependant, la prochaine crise systmique pourrait rsulter de la dcision de certains dealers de prendre des positions volumineuses sur des drivs de gr gr trs diffrents de ces drivs de crdit, par exemple sur des produits qui nont pas encore t invents. La rgulation des drivs OTC doit permettre une surveillance aussi complte que possible du march. cette fi n, l'article a propos plusieurs pistes envisageables.

    RSF14_10_HULL.indd 90RSF14_10_HULL.indd 90 21/09/2010 16:28:5021/09/2010 16:28:50

  • TUDESJohn Hull : Produits drivs de gr gr et compensation centrale : toutes les transactions peuvent-elles faire lobjet dune compensation ?

    Banque de France Revue de la stabilit fi nancire N 14 Produits drivs Innovation fi nancire et stabilit Juillet 2010 91

    BIBLIOGRAPHIE

    Acharya (V.V.), Engle (R.F.), Figlewski (S.), Lynch (A.W.), et Subrahmanyam (M. G.) (2009)Centralized clearing for credit derivatives, chapitre 11 dans Financial Markets, Institutions and Instruments, New York University Salomon Center et Wiley Periodicals

    Darrell (D.) et Zhu (H.)(2009)Does a central clearing counterparty reduce counterparty risk? Working Paper 46, Rock Center for Corporate Governance at Stanford University

    Gregory (J.) (2010)Counterparty credit risk: the new challenge for global fi nancial markets, Chichester, Royaume-uni : Wiley Finance

    Hull (J.) (2010)Risk management and fi nancial institutions, Upper Saddle River, New Jersey: Pearson

    Jagannathan (R.), Kapoor (M.), et Schaumburg (M.) (2009)Are we in a recession? The fi nancial crisis is the symtom not the disease!, NBER Working Paper 15 404

    Obstfeld (M.) and Rogoff (K.) (2009)Global imbalances and fi nancial crisis: products of common causes, Article prpar pour la Federal Reserve Bank of San Francisco Asia Economic Policy Conference, Santa Barbara

    RSF14_10_HULL.indd 91RSF14_10_HULL.indd 91 21/09/2010 16:28:5021/09/2010 16:28:50