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Paris, 20-21 novembre 2020
RISQUE INFECTIEUX ET INTÉRÊT DE LA VACCINATION CHEZ LA PERSONNE
VIVANT AVEC UN DIABÈTE
par Ariane SULTAN et Bernard BAUDUCEAU (Montpellier et Saint-Mandé)
pour le groupe de Travail de la Société Francophone de Diabétologie « Vaccination chez la personne diabétique »
Au-delà du risque infectieux associé au diabète, il faut souligner la potentielle sévérité des infections chez les sujets diabétiques, de type 1 ou de type 2, en terme de risque de complications, de recours à une hospitalisation, voire de mortalité. Le poids médico-économique est important, lié aux traitements antibiotiques et aux hospitalisations. Ce risque est d’autant plus important que sont associés au diabète des comorbidités et l’âge. Certaines de ces infections sont accessibles à la prévention par la vaccination, avec une efficacité clinique comparable, que la personne présente un diabète ou non. Malgré cela, le taux de couverture vaccinale est nettement insuffisant chez la personne vivant avec un diabète, et de nombreux freins médicaux, para-médicaux et personnels subsistent. Ainsi, il est indispensable d’informer les professionnels. Au regard de l’enjeu de santé publique que représentent les infections chez les adultes atteints de maladies chroniques, dont le diabète, tous les soignants impliqués dans leur prise en charge doivent donc être informés, voire accompagnés, pour pouvoir s’engager dans une démarche de prévention vaccinale auprès de la personne vivant avec un diabète. C’est avec ces objectifs qu’a été rédigé le référentiel de la SFD sur la vaccination.
Mots-clés : infection, diabète, vaccination.
INTRODUCTION
Outre les états d’immunosuppression caractérisés, comme les transplantations d’organe ou les traitements par immunosuppresseurs, de nombreuses maladies chroniques exposent les malades qui en sont atteints, à un risque d’infections plus fréquentes et plus graves. Il s’agit principalement des personnes présentant un diabète (3,7 millions), une bronchopneumopathie chronique obstructive (3 à 3,5 millions), une maladie coronaire (1,5 million) ou une insuffisance rénale sévère (80 000) (1). Ces maladies se combinent fréquemment entre elles et se définissent alors comme des « comorbidités ». Ainsi, on estime que plus de 80 % des personnes vivant avec un diabète sont atteints d’au moins deux comorbidités (2).
Ce texte s’articulera autour de deux grandes parties : la première sera consacrée à la problématique du risque infectieux chez la personne vivant avec un diabète, la deuxième abordera la vaccination. Cette thématique a récemment fait l’objet d’un référentiel sous l’égide de la SFD (MMM2020).
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Mises au point cliniques d’Endocrinologie
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RISQUE D’INFECTION AU COURS DU DIABÈTE : MYTHE OU RÉALITÉ ?
Au cours du diabète, on observe un continuum clinique allant de sujets colonisés par des pathogènes à potentiel invasif (Candida, Staphylococcus, bactéries dans les voies urinaires, etc.) à des malades faisant des infections banales mais plus graves que les sujets sains (grippe, infections urinaires, infections cutanées, infections du site opératoire, etc.) ou d’authentiques infections opportunistes engageant le pronostic vital (mucormycose, otite maligne, etc.) (3). Ainsi, dans une étude de cohorte ayant inclus plus de 100 000 sujets porteurs d’un diabète de type 1 ou de type 2 et plus de 200 000 sujets contrôle non diabétiques appariés pour l’âge et le sexe, l’équipe de Carey et al. a montré que les personnes présentant un diabète avaient un taux significativement accru d’infection, avec un risque le plus important d’infections osseuses et articulaires, de sepsis, de cellulites, d’endocardites et de pneu monies (Figure 1) (4). Ce surrisque est particulièrement marqué dans le diabète de type 1 (risque d’infections osseuses multiplié par 22,3 contre 4,9 pour le diabète de type 2 et un risque de sepsis multiplié par 6,1 vs 2,25). Il faut aussi noter que le risque infectieux était très faible chez les sujets non diabétiques.
Ces données confirment les résultats préalablement obtenus dans l’étude Fremantle, étude également prospective au cours de laquelle 1 294 sujets diabétiques (âge 64,2 ans) et 5,156 sujets non diabétiques appariés ont été suivis pendant 12 ans. Au cours du suivi, plus de 20 % des sujets présentant un diabète ont été hospitalisés pour infection, soit le double que les sujets non diabétiques. Ainsi, le risque de pneumonie était multiplié par 1.86, par 2,45 pour les infections des tissus mous et par 2,08 pour les septicémies bactériémies (5).
Ces résultats sont confirmés par les données d’un registre canadien dont l’objectif était de déterminer le nombre de consultations en médecine générale pour un motif d’infection. 1 779 personnes diabétiques et 11,066 personnes non diabétiques appariées ont été suivies 4 ans. Les résultats montrent qu’après ajustement, notamment pour la présence de comorbidités, le diabète est associé à un surrisque significatif d’infection de 21 %. En fonction de
Figure 1. - Risque infectieux chez la personne diabétique, en fonction du site (ref 6).
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la localisation, le diabète est associé à une augmentation du risque d’infection pulmonaire de 35 %, d’infection gastrointestinale de 48 % et d’infection de la peau et des tissus mous de 94 % (Figure 2). L’analyse en fonction de l’âge met en évidence un risque d’infection pulmonaire et virale particulièrement marqué chez les sujets de plus de 65 ans, mais non significatif chez les sujets de moins de 65 ans. De façon très intéressante, les auteurs ont également analysé le risque de récidive d’infection. Le diabète, facteur de risque d’infection, est également un facteur de risque significatif de récurrence infectieuse, avec un risque de présenter plus de 2 infections multiplié par 1,3, et plus de 3 infections multiplié par 1,5. L’analyse en fonction du type de diabète n’a, en revanche, pas été effectuée (6).
ET DES INFECTIONS POTENTIELLEMENT PLUS SÉVÈRES…
Audelà du risque infectieux associé au diabète, il faut souligner la sévérité potentielle des infections chez les sujets diabétiques. Dans l’étude précédemment citée concernant les pneumonies (4), le risque d’hospitalisation pour infection est multiplié par 3,7 chez la personne présentant un DT1 et par 1,88 chez la personne présentant un DT2. Ce surrisque est d’autant plus marqué que les sujets sont jeunes. Des facteurs de risque d’infection et d’hospitalisation pour infection ont pu être identifiés, à savoir l’âge (supérieur à 70 ans), la présence d’une obésité sévère (IMC supérieur à 40), le tabagisme actif, une longue durée d’évolution du diabète (uniquement retrouvé pour le diabète de type 2), la présence de comorbidités et la précarité (domicile en zone défavorisée). Pire, le risque de décès de cause infectieuse est multiplié par 8 dans le diabète, avec un risque également supérieur au cours du diabète de type 1 par rapport au diabète de type 2 (risque multiplié par 2,2). Ainsi, les auteurs ont estimé que 6 % des hospitalisations pour infection et 12 % des décès de cause infectieuse étaient attribuables au diabète.
Dans l’étude Fremantle, les facteurs prédictifs indépendants associés au risque d’hospitalisation pour infection étaient un âge plus avancé, le sexe masculin, un antécédent récent d’hospitalisation, une obésité et une atteinte microvasculaire (5). De plus, Harding et al. ont très récemment montré, à partir de données de registres américains, qu’en 2015 le taux d’hospitalisation était au moins 4 fois plus important chez les sujets diabétiques, et pour certaines localisations infectieuses, ce risque est multiplié par plus de 15. Entre 2000 et
Figure 2. - Incidence des infections chez les personnes diabétiques. Analyse à partir de la prescription des antibiotiques (d’après ref 27).
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2015, le taux d’hospitalisation est passé de 63.1 à 68.7/1 000 personnes chez les sujets diabétiques vs 15.5 à 16.3/1 000 personnes chez les sujets non diabétiques. Alors que ce taux diminue de 7,9 % chez les sujets non diabétiques à partir de 2008, aucune baisse significative n’est constatée pour les personnes diabétiques. À l’inverse, et façon très inquiétante, le nombre d’hospitalisations pour plaie du pied, pneumonies et complications infectieuses postopératoires chez les jeunes personnes diabétiques ne cesse d’augmenter (7).
FOCUS SUR CERTAINES INFECTIONS ACCESSIBLES À LA PRÉVENTION PAR LA VACCINATION
Parmi les infections dont l’incidence est augmentée au cours du diabète, certaines sont accessibles à la prévention par la vaccination.
La grippeDébutant en général fin décembre, selon les années, l'épidémie dure de 4 à 12 semaines et
touche de 2 à 8 millions de personnes en France. L’incidence du virus grippal, responsable de la grippe saisonnière, semble diminuer légèrement depuis 1984, date à laquelle le réseau Sentinelles, en France, a commencé à étudier l’épidémiologie de la grippe. La contamination se fait par voie aérienne : inhalation de gouttelettes de salive, de postillons ou d'éternuements émis par une personne infectée. La sévérité du tableau clinique grippal est variable, de nombreuses personnes infectées pouvant rester asymptomatiques, jusqu'à 75 % des personnes ayant une grippe confirmée par PCR dans une importante cohorte de population en Angleterre (8). Les sujets asymptomatiques jouent un rôle probablement très important dans la transmission de la maladie (9), notamment s'il s'agit de personnel soignant. En effet, un soignant asymptomatique est susceptible de transmettre le virus à ses collègues mais également aux patients susceptibles de présenter des formes particulièrement sévères.
La grippe : Incidence et gravité au cours du diabète Une analyse portant sur les certificats de décès aux ÉtatsUnis a montré que quels que
soient l’origine ethnique, le sexe et le statut socioéconomique, le diabète augmentait d’un facteur 4 les risques de pneumonie et de grippe sur les certificats de décès des personnes âgées de 25 à 64 ans (10). De plus, la pré sence d’un diabète est associé à un risque plus élevé d'hospitalisation pour grippe saisonnière et à un risque plus élevé de mortalité liée à la grippe pandémique (9).
Les études s’intéressant plus spécifiquement aux patients de moins de 65 ans retrouvent également un risque accru de complications. Une étude de cohorte chez des patients diabétiques de moins de 65 ans met en évidence une augmentation significative de 6 % d'hospitalisation attribuable à la grippe par rapport à des patients non diabétiques appa riés (11). Dans une population de militaires américains dont l’âge médian était de 32 ans, la présence d’un diabète associé a été identifiée comme facteur de risque d'infection sévère par le virus de la grippe (12).
Les infections à pneumocoquesLes infections à pneumocoque se divisent de façon habituelle en 2 sousgroupes : les infections non invasives comportant les sinusites, les otites, les surinfections de
BPCO et la majorité des pneumonies (sans bactériémie, classique pneumonie franche lobaire aiguë) ;
les infections invasives à pneumocoque (IIP) comportant les méningites, les bactériémies isolées et les pneumonies avec bactériémie.
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Les infections à pneumocoque se manifestent de façon différente chez l’enfant et l’adulte. Ainsi, les pneumonies sont majoritaires chez l’adulte alors que les méningites et les bactériémies isolées sont beaucoup plus rares. Parmi les IIP de l’adulte, la majorité (95 %) est représentée par les pneumonies, le reste (5 %) par des méningites, des pleurésies et des bactériémies isolées.
Il faut de plus souligner qu’il existe une synergie entre la grippe et l'infection à pneumocoque. Le virus grippal « prépare le terrain » pour le pneumocoque. Il induit une altération de la muqueuse ciliaire entraînant une baisse de la clairance ciliaire, une activation de la réponse inflammatoire, limitant l’efficacité de la réponse immune innée et augmentant l’adhésion des pneumocoques. La surinfection à pneumocoque est donc fréquente après une grippe.
Comme mentionné précédemment, les infections respiratoires sont les infections qui ont l’incidence la plus élevée au cours du diabète. Mais l’âge des sujets est un facteur qui module le risque. Ainsi, pour la tranche d’âge 215 ans, le diabète multiplie par 3,8 le risque d’infections invasives à pneumocoque, avec une incidence annuelle faible de 15 cas pour 100 000 su jets. Pour la tranche d’âge 1664 ans, le diabète multiplie par 4,6 le risque d’infections invasives à pneumocoque, avec une incidence annuelle plus importante de 24 cas pour 100 000 sujets. Enfin pour les sujets de plus de 65 ans, le diabète multiplie par 2,3 le risque d’infections invasives à pneumocoque, avec une incidence annuelle majorée de 41 cas pour 100 000 sujets (13). De plus, la présence de polypathologies augmente considérablement le risque d’infections à pneumocoque. Ainsi, l'existence d'une maladie pulmonaire chronique associée à un diabète multiplie par 6 le risque de présenter une pneumonie à pneumocoque (14).
- Infections à pneumocoque : Incidence et gravité au cours du diabète. Le diabète est par ailleurs un facteur de risque de sévérité de la maladie en termes de : risque d’hospitalisation. En France, les données PMSI de 2013 montrent que parmi les
patients admis en hospitalisation pour bactériémie à pneumocoque, 18,9 % pré sentent un diabète non équilibré par régime seul. De plus, parmi les sujets hospitalisés pour pneumonie à pneumocoque, 23 % sont diabétiques non équilibrés par régime seul. À l’échelle internationale, des données de cohorte espagnole récemment publiée montre que la présence d’un diabète de type 2 multiplie le risque de pneumonie à pneumocoques par 1,6. Le risque d’hospitalisation est surtout majoré chez les sujets jeunes (15).
mortalité, qui est significativement majorée, comme en témoignent les données d’un registre danois, avec une mortalité à 30 et 90 jours postpneumonie respectivement de 19 et 27 % chez les personnes diabétiques vs 15 et 21 % chez les personnes non diabétiques, respectivement (16).
Le zonaLe zona est une éruption aiguë érythématovésiculeuse douloureuse au niveau d'un terri
toire métamérique (territoire nerveux radiculaire), accompagnée éventuellement de vé sicules à distance du métamère concerné (zona disséminé). Le zona est causé par la réactivation du virus varicellezona, qui survient principalement chez les personnes âgées, plus de 60 % des cas surviennent après l'âge de 45 ans. La phase éruptive peut être prolongée plus de quatre semaines si un traitement antiviral n'est pas instauré. Les recommandations actuelles reposent sur un diagnostic précoce associé au traitement antiviral dans les 72 premières heures. Ces mesures permettent une diminution de l’atteinte cutanée et de sa durée ainsi qu'une baisse de l’intensité douloureuse.
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En France, la survenue d’un zona intéresse environ une personne sur quatre au cours d’une vie entière, et 300 000 nouveaux cas sont répertoriés chaque année par le réseau Senti nelles. En raison du déficit immunitaire lié à l’âge, la population des seniors est particulièrement touchée par le zona et les névralgies postzostériennes. La gravité du zona tient à certaines de ses localisations et aux séquelles douloureuses représentées par les névralgies postzostériennes :
la localisation ophtalmique, qui constitue de 6 à 20 % des cas selon différentes sources, est potentiellement grave, et peut être à l’origine d’une atteinte de l’acuité visuelle et de douleurs intenses et prolongées, notamment chez les personnes âgées. La locali sation ophtalmique du zona constitue donc une menace supplémentaire pour la fonction visuelle des personnes vivant avec un diabète ;
les névralgies postzostériennes définies par des douleurs persistant audelà de 3 mois après l’éruption cutanée, souvent persistantes et rebelles au traitement, peuvent retentir sévèrement sur la qualité de vie.
Le zona : Incidence et gravité au cours du diabète. Dans une étude rétrospective menée à partir d’une base de données d’une assurance américaine entre 1997 et 2006, le risque de présenter un zona est augmenté de 30 % chez les personnes vivant avec un dia bète de type 2 âgées de plus de 65 ans (17). Ces données sont confirmées dans d’autres études. Ainsi, MunozQuiles et al. soulignent également un surrisque de zona augmenté de 20 % chez les personnes diabétiques de type 2 (incidence de 9,3 cas pour 1 000 person nes/année) (18). Quant aux personnes vivant avec un diabète un diabète de type 1, leur risque de développer un zona est multiplié par 2,3 par rapport à des sujets non diabétiques, risque d’autant plus important que le diabète est ancien et compliqué (19).
DIABÈTE ET RISQUE D’INFECTIONS POST-OPÉRATOIRES
Une étude rétrospective espagnole a comparé le risque de pneumonie postopératoire chez 117,665 sujets de plus de 40 ans hospitalisés pour intervention chirurgicale, en fonc tion de la présence d’un diabète. 17 % des sujets ayant présenté une pneumonie étaient diabétiques. Après ajustement, la présence d’un diabète de type 2 augmente significativement le risque de pneumonie postopératoire de 21 %. Dans cet article, la mortalité hospitalière n’était pas différente chez les sujets diabétiques (20). Une métaanalyse (94 articles) publiée récemment confirme également le lien entre diabète et infections postopératoires tous sites confondus, avec un risque augmenté de 53 % (21). Le risque le plus important est associé à la chirurgie cardiaque, au cours de laquelle la présence d’un diabète multiplie par 2 le risque d’infection. De plus, la présence d’une hyperglycémie pré et postopératoire est également associée au risque d’infection postopératoire. Après ajustement sur la glycémie, il est inté res sant de constater que la présence d’un diabète reste un facteur significativement associé au risque infectieux, même si le nombre d’études ayant analysé l’impact de la glycémie sur le risque infectieux est faible. Cette donnée renforce les résultats de Trussel et al. qui montrent qu’une prise en charge de la glycémie en périopératoire pour chirurgie cardiaque permet de réduire le risque d’infection postopératoire, mais ne l’élimine pas. La présence d’un diabète, même bien pris en charge en périopératoire reste un facteur de risque significatif d’infection postopératoire (22).
DIABÈTE ET COVID-19
2020 a été marquée par le Covid 19. La prévalence du diabète parmi les patients qui ont été pris en charge pour covid varie de 8 à 58 % selon les pays. Cependant, on sait aujourd’hui qu’il s’agissait de l’une des comorbidités les plus fréquemment associées au Covid19 (23).
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Si le Covid19 est dans 80 % une maladie bénigne, 15 % des formes sont sévères et 5 % ont nécessité une intubation. Les données chinoises ont très tôt suggéré qu'audelà de l'âge, facteur de risque le plus lourd, l'HTA, les maladies cardiovasculaires et le diabète constituaient des facteurs de risque d'aggravation. En moyenne, un diabète était retrouvé chez 1020 % des sujets hospitalisés, chez 2025 % de ceux nécessitant une réanimation et chez 30 à 40 % des personnes décédées en Chine (24, 25). L’étude multicentrique française CORO NADO, récemment publiée, avait quant à elle pour objectif de décrire le phénotype clinicobiologique des sujets hospitalisés pour covid et de déterminer les facteurs associés au risque de décès ou d’intubation trachéale à J7 post admission chez les personnes ayant un diabète. Ainsi, 90 % des sujets présentaient un diabète de type 2, l’âge moyen était de 70 ans avec une forte représentation masculine (65 %). 47 % présentaient des complications microvasculaires. 29 % des sujets diabétiques ayant présenté une covid ont présenté un évènement du critère de jugement, avec un taux de mortalité de 10,6 %. Les facteurs significativement associés au décès étaient l’âge, la présence de complications microvasculaires et/ou macrovasculaires ainsi que la présence d’un syndrome d’apnées du sommeil. De plus, la présence d’une dyspnée, le taux de clairance de la créatinine, de TGO ainsi que la valeur de CRP à l’admission étaient également associés au pronostic. Le taux de plaquettes était quant à lui négativement corrélé au pronostic. Ainsi, le diabète, et plus particulièrement le diabète compliqué est associé à un pronostic défavorable (26).
PRESCRIPTION D’ANTIBIOTIQUES DANS LE DIABÈTE
Une autre façon d’évaluer le risque infectieux au cours du diabète est d’analyser la pres cription des antibiotiques. À partir de données de cohorte (155 158 personnes diabétiques et 774 017 personnes non diabétiques appariées sur l’âge, le sexe et le lieu de rési dence), Mor et al. montrent que le nombre de personnes traitées par antibiotiques en ambulatoire était respectivement de 364/1 000 chez les sujets diabétiques vs 275/1000 chez les sujets sans diabète, après un suivi médian de 1.1 ans. La même analyse a été effectuée pour les prescriptions en milieu hospitalier, avec un taux de prescription de 58/1 000 per sonnesannées chez les sujets diabétiques vs 39/1 000 personnesannées chez les sujets non diabétiques, après un suivi médian de 2,8 ans. En d’autres termes, la présence d’un diabète est associée à une augmentation significative du taux de prescription d’antibiothérapie de 24 % en ambulatoire et de 49 % en hospitalisation. Chez les sujets diabétiques, il s’agit essentiellement d’une antibiothérapie ciblant les infections pulmonaires, urinaires, cutanées, la tuberculose, les infections à staphylocoque et à myobactéries (27) (Figure 2).
DONNÉES MÉDICO-ÉCONOMIQUES
Les infections entraînent des surcoûts économiques importants chez les personnes atteintes de diabète. Une étude menée en Californie du Nord a estimé la proportion des coûts consa crés au traitement des complications associées à tous les types de diabète dans différents groupes d’âge (19 à 65 ans). Les coûts ont été classés en trois catégories : soins hos pi taliers, soins ambulatoires (soins primaires, soins spécialisés, soins d'urgence, soins non médicaux), pharmacie et arrêt de travail. Le surcout lié aux infections chez les personnes dia bétiques dépasse les 5 millions de dollars par an par rapport aux personnes sans diabète (28).
IMPACT DU CONTRÔLE GLYCÉMIQUE SUR LE RISQUE INFECTIEUX
La question est essentielle... Les infections sontelles associées au niveau d’hyperglycémie dans le diabète ? On sait que certains germes se développent avec une plus grande virulence
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dans un environnement riche en glucose et adhérent plus aisément à certains récepteurs cellulaires. Ce fait explique en particulier la fréquence des infections urinaires ou des mycoses génitales en cas de glycosurie importante.
À partir d’une cohorte anglaise (The Royal College of General Practitioners Research and Surveillance Centre database), Hine et al. ont évalué non seulement l’effet du diabète de type 2 sur le risque infectieux, mais également l’effet du noncontrôle glycémique sur la localisation de l’infection. Les personnes diabétiques ont été stratifiées en fonction du résultat de leur dernière HbA1c : (i) bon équilibre glycémique (HbA1c < 7 %), (ii) équilibre glycémique qualifié de moyen (HbA1c 78.5 %) et (iii) mauvais équilibre glycémique (HbA1c > 8.5 %). Ont été inclus dans la cohorte 34 278 sujets diabétiques de type 2 et 613 052 sujets sans diabète. Les résultats confirment l’augmentation du risque infectieux chez les sujets diabétiques de type 2. Quant à l’impact du déséquilibre glycémique, les auteurs montrent que les sujets avec mauvais équilibre glycémique ont une augmentation de l’incidence des infections respiratoires, cutanées, urinaires et génitales, sans effet sur le risque d’infections ORL, digestives ou virales, syndrome grippal ou infection herpétique (29). L’étude réalisée par Critchley et al. montre également que le risque d’infection est associé au taux d’HbA1c. Ainsi, les sujets diabétiques ayant une HbA1c entre 67 % ont un risque d’hospitalisation pour infection multiplié par 1,41 alors que ceux dont l’HbA1c est supérieure à 11 % ont un risque d’infection multiplié par 4,7. Ce risque est même plus élevé chez les sujets avec diabète de type 1. Ce risque est particulièrement marqué pour les infections osseuses et ostéoarticulaires (46 %), les endocardites (26 %) et la tuberculose (24 %) entre autres. Ces résultats émanent aussi d’une cohorte anglaise ayant inclus des sujets en soins primaires ou hospitalisés en 20082009 (85 312 sujets diabétiques âgés de 40 à 89 ans et 153 341 sujets non diabétiques appariés pour l’âge et le sexe) (30).
Le déséquilibre glycémique est, de plus, un facteur pronostique de l’infection. Ainsi, le risque d’hospitalisation est significativement augmenté de 60 % chez les sujets ayant une pneumonie et une hémoglobine glyquée ≥ 9 %. Le risque de décès à 3 mois postpneumonie est multiplié par un facteur 2 chez les sujets ayant une glycémie ≥ 14 mmol/ (31). De même, l’impact du déséquilibre glycémique sur la sévérité de la grippe est également démontré. Ainsi, dans une étude prospective sur plus de 19 000 personnes vivant avec un diabète, le contrôle sousoptimal des taux de glycémie a presque doublé le risque de mortalité lié à l’infection par le virus de la grippe et ce indépendamment de l’âge (32).
IMPACT DU VIEILLISSEMENT ET DES COMORBIDITÉS DANS LE RISQUE INFECTIEUX
Vieilissement. L’âge n’est habituellement pas considéré comme une comorbidité à part entière mais il participe à assombrir le pronostic des maladies infectieuses. On rappellera que le quart des personnes vivant avec un diabète en France est âgé de plus de 75 ans. Ainsi, le vieillissement s’accompagne d’une majoration régulière de la mortalité infectieuse après un nadir dans la période de la vie située entre 5 et 14 ans quel que soit le sexe. Ce fait s’explique par l’apparition de facteurs de vulnérabilité, telles que les maladies chroniques et/ou des complications gériatriques, mais également par une altération de l’immunité (33). Alors que la réponse immunitaire innée et non spécifique est peu impactée par le vieillissement, la réponse immunitaire spécifique est altérée dans le cadre de ce qui est dénommé l’immunosénescence. Elle est notamment caractérisée par une forte baisse des lymphocytes T naïfs, exposant la personne à une réponse immunitaire primaire contre un nouvel antigène moins efficace. Cet état d’immunosénescence n’est pas encore quantifiable en
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routine mais ses effets sont bien mesurables dans les études épidémiologiques. Ainsi, après l’âge de 65 ans, le risque de pneumopathie infectieuse est multiplié par un facteur 4 en présence de 2 comorbidités et par un facteur 9 en présence de plus de 3 comorbidités (34).
Comorbidités. Il a été bien démontré que l’association de comorbidités (maladie cardiovasculaire, BPCO, ou défaillance rénale chronique) multipliait les risques d’infection en particulier de pneumonies (34). Ces associations sont aujourd’hui considérées avec beau coup d’attention car elles interviennent également dans le pronostic des infections communautaires qui peuvent de leur côté déstabiliser une affection chronique jusqu’alors bien stabilisée. En effet, les études épidémiologiques ont montré que les comorbidités pouvaient s’aggraver ou se décompenser à l’occasion d’une infection et concourir ainsi à une détresse respiratoire aiguë, nécessiter le recours à l’insuline ou entraîner un infarctus du myocarde, une poussée d’insuffisance cardiaque ou conduire à une aggravation de l’insuffisance rénale. En retour, la multiplication des comorbidités majore les risques de survenue des infections graves nécessitant une hospitalisation. Ces faits rendent compte de la majoration de la morbidité et de la mortalité de ces infections chez les patients présentant des comorbidités (34).
RISQUE INFECTIEUX AU COURS DU DIABÈTE : QUELS MÉCANISMES ?
Plusieurs altérations du système immunitaire ont été décrites au cours du diabète, altération des neutrophiles (défaut de migration, altération des capacités phagocytaires, altération du chimiotactisme) et altération de l’immunité cellulaire (liée à une diminution des lymphocytes NK) (35). On soulignera également l’aptitude de certains germes à développer une plus grande virulence dans un environnement riche en glucose et à mieux adhérer aux cellules du fait de la composition des récepteurs cellulaires en carbohydrates (36). Les compli cations chroniques du diabète contribuent également au surrisque infectieux, no tamment via des altérations de la microcirculation locale pouvant retarder la réponse à l'infection et retarder notamment la cicatrisation des plaies. La présence d’une neuropathie végétative est également impliquée, entrainant notamment une colonisation urinaire par des microorganismes qui associée à une hyperglycémie favorise la croissance de certains microorganismes.
Ainsi, en synthèse de cette première partie, on soulignera, d’une part le lien entre risque d’infection et présence d’un diabète (de type 1 ou de type 2), d’autre part, la sévérité de l’infection associée au diabète en terme de risque de complication, de recours à l’hospitalisation, voire de mortalité. Ainsi, le poids médicoéconomique est important, lié aux trai tements antibiotiques et aux hospitalisations. Ce risque est d’autant plus important que sont associés au diabète des comorbidités et le vieillissement. Pourtant, les complications infectieuses ne figurent toujours pas dans la liste des complications attribuables au diabète.
LES PRINCIPES DE LA VACCINATION
Les vaccins se divisent en deux grands groupes : les vaccins « vivants » (ou inertes) et les vaccins « tués » (ou inactivés) :
Les vaccins vivants atténués sont composés d'agents infectieux ayant perdu tout ou partie de leur virulence, mais qui conservent la capacité de se multiplier chez l'hôte et d’y induire une réponse immunitaire de longue durée. Le risque infectieux de ces vaccins n’est pas nul. De ce fait, ils ne doivent pas être administrés à des personnes présentant un déficit immunitaire ou aux femmes enceintes.
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Les vaccins tués ou inactivés ou inertes sont constitués de l’agent infectieux entier tué par la chaleur ou des traitements chimiques. Ces vaccins ne présentent donc aucun risque infectieux, car le germe a perdu toute virulence.
La composition des vaccins
Audelà des éléments relatifs à l’agent infectieux, les vaccins contiennent des excipients : (i) les stabilisateurs, le plus souvent : sucres, acides aminés, ou protéines, garantissent le
maintien de la qualité du vaccin après sa production, empêchant la dégradation de l’agent pathogène ou de ses fragments ;
(ii) les conservateurs permettent d’éviter toute prolifération bactérienne ou fongique ;(iii) le diluant est le plus souvent une solution saline stérile ;(iv) l’adjuvant, quant à lui, est utilisé pour amplifier la réponse immunitaire.
Les vaccins vivants sont très immunogènes et ne nécessitent donc pas d’adjuvant à la différence des vaccins inactivés, qui ne provoquent pas de réponse innée suffisante. De plus, un adjuvant peut permettre de limiter les doses d’antigènes à administrer, de réduire le nombre d’injections nécessaires pour une bonne immunisation. Les adjuvants les plus utilisés, compte tenu de nombreuses données en faveur de leur sécurité, sont les sels d’aluminium.
État des lieux de la couverture vaccinale chez la personne diabétique en France
Actuellement, il n’existe pas de dispositif de routine permettant d’évaluer la couverture vaccinale dans la population des personnes diabétiques, et de suivre l’impact des recommandations. Les objectifs de couverture vaccinale fixés par la loi de Santé Publique au moins 95 % pour toutes les vaccinations et 75 % pour la grippe ne sont que très rarement atteints.
Les freins à la vaccination
Les freins à la vaccination sont multiples et de diverses origines. Ainsi, on peut isoler des freins médicaux, des freins paramédicaux, notamment de la part des infirmier(e)s, ainsi que des freins émanant de la personne diabétique et/ou de son entourage.
Freins médicaux. Les travaux de Verger et al. auprès des médecins généralistes soulignent plusieurs types de freins médicaux à la vaccination : défaut de conviction dans l’intérêt de la vaccination, manque de confiance dans les informations émanant de sources officielles et notamment du ministère de la santé, méconnaissance et craintes de potentiels effets secondaires, manque de connaissance limitant leur capacité à expliquer la vaccination aux per sonnes qu’ils prennent en charge. Enfin, l’un des freins majeurs est le recours à d’autres moyens de prévention des infections et notamment l’homéopathie (37).
Freins para-médicaux. Les taux de couverture vaccinale antigrippale chez les infirmier(e)s sont de 40 % pour les IDE libérales et de 20 % pour les IDE hospitaliers. Certes, il ne s’agit pas de données françaises, mais les chiffres parlent d’euxmêmes. Et pourtant, la grippe est considérée comme une maladie grave par 80 % des IDE interrogés... Les freins évoqués sont une efficacité seulement partielle de la vaccination, le risque d’effets secondaires considérés comme sérieux, la possibilité d’utiliser d’autres moyens de prévention des
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137Risque infectieux et intérêt de la vaccination chez le diabétique
infections. Enfin, seuls 45 % considèrent que se faire vacciner relève de leur responsabilité professionnelle (38). On imagine aisément que les freins à se faire vacciner vont de pair avec des freins à encourager la vaccination chez leurs patients.
Freins des personnes présentant un diabète et de leur entourage. Les arguments des personnes qui ne souhaitent pas être vaccinées sont qu’elles ne pensent pas être à risque d’infection grippale, mais en revanche le risque d’effets secondaires, l’absence d’efficacité du vaccin et le risque de grippe même après vaccination. Les freins émanant de l’entourage sont quasiment identiques, si ce n’est le critère de potentielle gravité souvent méconnu. À noter que dans cette étude, les arguments des personnes vaccinés ont également été analysés et comprennent l’efficacité, la sécurité, un antécédent de vaccination ayant été efficace et bien toléré et enfin la recommandation médicale (39).
LA VACCINATION GRIPPALE
Les vaccins grippaux disponibles en France sont des vaccins inactivés composés de quatre souches. Tous les ans, les vaccins sont adaptés aux données de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de surveillance des virus de la grippe en circulation dans le monde. Les vaccins contre la grippe saisonnière sont sans adjuvant en France.
Données d’efficacité chez le sujet diabétique
Les études ayant évalué l’efficacité clinique du vaccin grippal chez les personnes présentant un diabète sont les plus intéressantes pour notre pratique quotidienne. On soulignera l’absence d’étude randomisée ayant évalué le bénéfice clinique de la vacci nation grippale chez la personne vivant avec un diabète. Les études disponibles, études castémoins (40, 41) ou cohorte prospective (42) montrent toutes un bénéfice de la vaccination grippale chez la personne diabétique, en termes de réduction significative de l’incidence de la grippe/pneumonie, mais également de mortalité toute cause et d’événements cardiovasculaires. De façon intéressante, une cohorte rétrospective récente de 124 503 personnes vivant avec un diabète de type 2 suivies sur une période de 7 ans, four nit des données comparant les périodes avec et sans grippes. La vaccination contre la grippe était associée à une réduction des hospitalisations pour AVC (IRR 0.70, 95 % CI 0.530.91), insuffisance cardiaque (IRR 0.78, 95 % CI 0.650.92) et pneumonie ou grippe (IRR 0.85, 95 % CI 0.740.99), ainsi qu'à une baisse de la mortalité toute cause (IRR 0.76, 95 % CI 0.650.83) (41).
Taux de couverture vaccinale
Le taux de couverture vaccinale contre la grippe saisonnière chez les personnes vivant avec un diabète varie de 32 % à 85 % selon le pays, le groupe d'âge, et la saison (43, 44). En France, il est autour de 30 % pour les sujets de moins de 65 ans, taux stable entre 2008 et 2011. Chez les sujets de plus de 65 ans, il plafonne entre 60 % et 70 % (37).
Prise en chargeCes vaccins sont pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie pour les personnes
présentant un diabète. Les personnes bénéficiant d'une prise en charge au titre de l’affection de longue durée (ALD)diabète (ALD8) reçoivent de l'Assurance Maladie un coupon de prise en charge. Pour les personnes présentant un diabète mais non en ALD, la prise en charge peut être demandée via l'imprimé Cerfa adapté.
Mises au point cliniques d’Endocrinologie
138 Ariane SULTAN et Bernard BAUDUCEAU
Qui peut vacciner ? Le décret du 25 septembre 2018 autorise les infirmières (IDE) à administrer le vaccin
grippal, y compris lors de la première injection. Les sagesfemmes peuvent prescrire et administrer le vaccin aux femmes enceintes, mais également à leur entourage, ainsi que celui de l'enfant. Enfin, la possibilité de vaccination par le pharmacien est désormais applicable dans tout le territoire.
Modalités de vaccinationLa vaccination grippale ne comporte qu’une seule injection, par voie intramus culaire, à
effectuer à chaque début de saison. On considère que la personne est protégée 2 semaines après l'injection.
Profil de sécurité d’emploi des vaccins grippaux Il n’existe pas, dans la littérature, de données spécifiques sur l’innocuité des vaccins
grippaux dans la population diabétique. Dans la population générale, l’injection peut être à l’origine de réactions indésirables, bénignes et transitoires, dont les plus fréquentes concernent des douleurs et des érythèmes au site d’injection (10 à 40 % des cas) et des réactions systémiques de type syndrome pseudogrippal (5 à 10 % des cas). Enfin, les vaccins contre la grippe saisonnière peuvent être à l’origine de syndrome de GuillainBarré, risque estimé à 1 cas par million de personnes vaccinées (45). Par principe de pré caution, il est cependant prudent d’éviter de vacciner contre la grippe les personnes ayant déjà présenté un syndrome de GuillainBarré.
Contre-indicationLa seule contreindication est l’allergie à l’un des composants du vaccin. L’allergie à
l’oval bumine n’est plus une contreindication.
Les recommandations nationales et internationalesLa vaccination grippale est recommandée chez la personne diabétique par l’OMS, la
Haute Autorité de santé (HAS) en France, et l’American Diabetes Association (ADA) (46).
LA VACCINATION ANTIPNEUMOCOCCIQUE
Deux vaccins sont aujourd’hui autorisés pour la vaccination des adultes sans limite d’âge : le vaccin polyosidique nonconjugué comportant les antigènes de 23 sérotypes de
pneumocoque (VPP23) ; le vaccin comportant les antigènes de 13 sérotypes de pneumocoque conjugués à une
protéine porteuse (VPC13).
Données d’efficacité chez le sujet diabétiqueL’analyse posthoc de l’étude CAPITA (Community-Acquired Pneumonia Immunization
Trial in Adults) portant sur l’analyse du sousgroupe de personnes diabétiques a montré une meilleure efficacité clinique vaccinale du VPC13 dans cette population (réduction de 89,5 % des pneumonies) que chez les sujets non diabétiques (réduction de 24,7 %) (47). Il s’agissait d’une étude randomisée contre placebo chez des sujets de plus de 65 ans. Quant à
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139Risque infectieux et intérêt de la vaccination chez le diabétique
l’intérêt du VPP23, il a été notamment évalué dans une étude rétrospective ayant inclus plus de 60 000 sujets âgés de plus de 75 ans, qui montre une réduction significative des infections invasives à pneumocoques, et une réduction significative des décompensations respiratoires (48).
Couverture vaccinale
Il n’existe que quelques données sur la couverture vaccinale antipneumococcique des patients diabétiques. Les estimations de couverture vaccinale sont variables d’une étude à l’autre, mais se situent en moyenne entre 20 % et 30 %.
Prise en charge
Les vaccins sont pris en charge à 65 % par l'Assurance Maladie.
Modalités de vaccination
Le protocole comporte une primovaccination par le VPC13, suivie de l’injection de VPP23, 8 semaines plus tard.
Profil de sécurité des vaccins antipneumococciques
Les principaux effets secondaires décrits sont des effets secondaires locaux au site d’injection.
Recommandations nationales et internationales
La vaccination antipneumococcique est recommandée chez la personne diabétique par le HCSP [39] et par l’ADA [31].
LA VACCINATION CONTRE LE ZONA
Un vaccin contre le zona (Zostavax®) est disponible sur le marché français depuis juin 2015. Il s'agit d'un vaccin vivant atténué, contenant la même souche virale que le vaccin contre la varicelle mais à un dosage 14 fois plus élevé, avec un schéma vaccinal comportant une seule dose. Ce vaccin ne comporte ni adjuvant, ni aluminium, mais il est contreindiqué chez les personnes immunodéprimées. L’efficacité de ce vaccin a été dé montrée dans la Shingles Prevention Study (SPS), étude randomisée du vaccin (Zostavax®) contre placebo chez plus de 38 000 sujets de plus de 60 ans (49). Zostavax® a réduit significa tivement l’incidence du zona de 63,9 % chez les sujets âgés de 60 à 69 ans, et de 37,6 % chez les sujets âgés de plus de 70 ans. L’efficacité dans la prévention des névralgies postzostériennes était également significative (réduction d’environ 66,5 % pour toutes les catégories d’âge).
Plus spécifiquement, dans l’étude SPS citée cidessus, l’analyse préspécifiée de sousgroupes montre que les personnes diabétiques vaccinées ont une réduction significative de l’incidence du zona (de 51 %), comparable à celle obtenue sur l’ensemble de la cohorte. De plus, l’incidence du zona ophtalmique est réduite de 63 %, ainsi que les hospitalisations en lien avec le zona (de moins 65 %), chez les personnes vaccinées (50).
Mises au point cliniques d’Endocrinologie
140 Ariane SULTAN et Bernard BAUDUCEAU
Couverture vaccinale
Il n’existe pas de données précises en France, mais elle est certainement très faible comparativement à d’autres pays.
Prise en charge
Le Zostavax® est remboursé à 30 % par l'Assurance Maladie chez les adultes âgés de 65 à 74 ans, quels que soient les antécédents de zona du patient.
Modalités de vaccination
Le vaccin est administré en une seule dose par injection souscutanée ou intramusculaire. Il peut être administré 6 mois après un épisode de zona.
Profil de sécurité d’emploi
Sont rapportées uniquement des douleurs au niveau du point d'injection.
Contre-indication
Comme il s'agit d'un vaccin vivant, il est contreindiqué chez les patients immunodéprimés.
Les recommandations nationales et internationales
Le HCSP recommande cette vaccination chez les adultes âgés de 65 à 74 ans avec un schéma vaccinal d’une seule dose.
VACCINATION DE L’ENTOURAGE D’UNE PERSONNE PRÉSENTANT UN DIABÈTE
L’entourage d’un malade (parents, fratrie, enfants, y compris adolescents et jeunes adultes) est une source potentielle de transmission d’agents infectieux. Il est donc très important de mettre à jour les vaccinations de l’entourage d’une personne à risque d’infection, en particulier les immunodéprimés, quelle que soit la nature de l’immunodépression, y compris chez les personnes en attente de greffe ou en posttransplantation. Les personnes vivant avec un sujet diabétique, s’ils ne sont pas immunodéprimés, peuvent recevoir tous les vaccins, dont les vaccins vivants atténués, la vaccination la plus importante et indispensable est celle contre la grippe saisonnière.
Quelles vaccinations pour l’entourage et le personnel soignant travaillant dans les services de diabétologie ?
Les professionnels de santé (médecins, infirmiers, aidessoignants, etc.) doivent, selon leur mode d’exercice, se soumettre aux vaccinations fixées par le ministre chargé de la Santé, selon l’article L. 31111 du code de la Santé Publique. Les personnels de santé travaillant dans les services de diabétologie sont exposés à certaines infections à prévention vaccinale qu’ils peuvent acquérir durant leur exercice professionnel ou qu’ils peuvent transmettre à leurs malades. Outre les vaccinations réalisées en population générale, les professionnels
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141Risque infectieux et intérêt de la vaccination chez le diabétique
de santé doivent obligatoirement être immunisés contre quatre maladies transmissibles : la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, et l’hépatite B.
Les autres vaccinations font l’objet de recommandations chez les professionnels de santé :
• La vaccination contre la rougeole, les oreillons, la rubéole, et la varicelle pour ceux qui ne sont pas naturellement immunisés.
• La vaccination contre la coqueluche qui est recommandée à chaque rappel vaccinal de diphtérietétanospoliomyélitecoqueluche (dTPCoq). L’infection coquelucheuse immunise les sujets malades pour une période d’une dizaine d’années, un rappel est donc conseillé audelà de cette période.
• La vaccination contre la grippe est recommandée chaque automne chez tous les professionnels de santé.
LES CONCLUSIONS DU RÉFÉRENTIEL VACCINATION DE LA SFD :
La vaccination doit être intégrée dans le suivi de la personne vivant avec un diabète. Il existe certes des freins, craintes, voire parfois méconnaissances, médicales, paramédicales, et de la personne elle-même. La Société Francophone du Diabète (SFD) a souhaité prendre position en faveur de la vaccination chez la personne diabétique. Ainsi, à l’issue de cette analyse basée sur les données de la littérature, nous recommandons la vaccination grippale, pneumococcique et contre le zona après l’âge de 65 ans chez la personne diabétique. Pour les autres vaccinations, nous préco-nisons un suivi du calendrier vaccinal. On soulignera également l’importance de la vaccination grippale pour le personnel médical et paramédical.
Ainsi, au regard de l’enjeu de santé publique que représentent les infections chez les adultes atteints de maladies chroniques, dont le diabète, tous les soignants impliqués dans leur prise en charge doivent donc s’engager dans une démarche de prévention vaccinale, et ce d’autant plus que la plupart des vaccins ont démontré leur intérêt, y compris dans la population diabétique. Dernier élément, la mortalité de cause cardiovasculaire et par cancer diminue avec le temps chez les personnes vivant avec un diabète (Figure 3). Force est de constater que la mortalité d’autres causes reste stable (autour de 45 %) (51). L’optimisation
Figure 3. - Évolution des causes de mortalité chez les personnes diabétiques (d’après ref 51).
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142 Ariane SULTAN et Bernard BAUDUCEAU
de la couverture vaccinale chez les sujets diabétiques pourrait être un élément majeur de la réduction de ce taux de mortalité.
Professeur Ariane Sultan, Equipe Nutrition-Diabète, CHU Lapeyronie, Montpellier [email protected]
Professeur Bernard Bauduceau, Hôpital Begin, 69 Avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé [email protected]
Adresse pour la correspondance : Professeur Ariane Sultan, Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition, CHU Lapeyronie, 371 avenue Doyen Giraud, Montpellier.
RISK OF INFECTIONS AND THE VALUE OF VACCINATIONS IN THE PERSONS WHO HAVE DIABETES
by Ariane SULTAN and Bernard BAUDUCEAU (Montpellier et Saint Mandé - France) pour le groupe de Travail de la SFD
« Vaccination chez la personne diabétique »
ABSTRACTBeyond the infectious risk associated with diabetes, the potential severity of infections in
diabetic subjects must be emphasized in terms of risk of complications, necessity of hospitali-zation or even mortality. The medico-economical burden is important, linked to antibiotic treatments and hospitalizations. This risk is even greater when diabetes, comorbidities and aging are combined. Some of these infections may be prevented through vaccination, with comparable clinical efficacy whether the person has diabetes or not. Despite this, the vacci-nation coverage rate is clearly insufficient in the person living with diabetes, and many medical, paramedical and personal obstacles remain. It is therefore essential to inform professionals. In view of the public health challenge posed by infections in adults with chronic diseases, including diabetes, all caregivers involved in their care must therefore be informed or even supported in order to be able to engage in a preventive vaccination approach for people living with diabetes. It is with these objectives that the SFD (French Speaking Diabetes Society) standard on vaccination was drawn up.
Key-words : infection, diabetes, vaccination.
B I B L I O G R A P H I E
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Mises au point cliniques d’Endocrinologie
144 Ariane SULTAN et Bernard BAUDUCEAU
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