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Risques incendie en cours de travaux Actes du colloque du 2 juillet 2014

Risques incendie en cours de travaux - groupe-sma.fr · Président - ASSELIN SAS Jean-Claude BOULAND Dirigeant - SARL BOULAND ... BSP de Paris Stéphane SPALACCI Responsable département

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Risques incendie en cours de travaux

Actes du colloque du 2 juillet 2014

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Premier assureur construction en France, la SMABTP dispose d’une expertise et d’un savoir-faire lui permettant de jouer un rôle spécifique pour accompagner tous les projets des entrepreneurs du BTP. Fidèle à sa vocation, la protection mutualiste des acteurs du BTP, elle les accompagne dans une démarche permanente de prévention des risques.

La création de la fondation EXCELLENCE SMA, en 1994, se situe dans le prolongement de cette action. Son objectif est de promouvoir la qualité et la sécurité sous toutes ses formes, notamment dans le domaine de la construction, auprès des professionnels mais aussi des jeunes en formation.

Concrètement, cela passe par :

• la sensibilisation du plus grand nombre de professionnels du BTP au coût de la non qualité ;

• l’encouragement à la généralisation de comportements de prévention des sinistres ;

• la meilleure compréhension des pathologies.

EXCELLENCE SMA rassemble de nombreuses compétences au sein de son conseil d’administration et est au cœur d’un réseau de partenaires reconnus pour leur professionnalisme dans le domaine d’activité de la fondation. Ce réseau couvre un large spectre des différents acteurs du monde de la construction.

Ses actions dans le domaine de la promotion de la qualité sont très variées et largement diffusées : recueil de fiches pathologies du bâtiment en partenariat avec AQC (Agence Qualité Construction), formations sur la prévention, édition, colloques, Rencontres de l’Excellence en régions…

Fabienne Tiercelin, Déléguée générale

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Sommaire

OUVERTURE ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� page 1

Gérard LAURENT Président - Fondation Excellence SMA

INTRODUCTION AUX ÉCHANGES �������������������������������������������������������������������������������������������������������� page 2

Colonel Michel TRUTTMANN Chargé de mission - Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris

TABLE RONDE ���������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� page 6

ANIMATION :Jean-Charles DU BELLAY Direction des Affaires techniques - Fédération Française du Bâtiment ( FFB )

Fabienne TIERCELIN Déléguée générale - Fondation Excellence SMA

INTERVENANTS :Jean-François DELHAY Chef du bureau de l’Ingénierie et de l’expertise technique - Ministère de la Culture

Philippe ROS Architecte - Cabinet BECHU

François ASSELIN Président - ASSELIN SAS

Jean-Claude BOULAND Dirigeant - SARL BOULAND

Dominique BAROUX Directeur technique produits IARD et risques spéciaux - SMABTP

Lieutenant-Colonel Bruno TURIN BSP de Paris

Stéphane SPALACCI Responsable département assurance et prévention entreprises - FFSA

ECHANGES AVEC LA SALLE ����������������������������������������������������������������������������������������������������������������� page 16

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OuvertureGérard LAURENTPrésident de la fondation Excellence SMA

Bienvenue à tous et merci d’être venu si nombreux pour célébrer les 20 ans de la fondation Excellence SMA. Depuis 20 ans, cette fondation travaille à la prévention des risques et à l’amélioration de la qualité dans la construction. À ce propos, je tiens à remercier tout particulièrement François Ausseur, premier délégué général de la Fondation, qui nous fait l’amitié d’être là. Il a œuvré pendant 15 ans pour faire de notre fondation ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

Pour cet anniversaire, nous avons innové en décentralisant notre colloque à la Fédération F rança i se du Bât iment Grand Par i s que je m’empresse de remercier. Et puis nous avons préparé un programme exceptionnel et inédit. Après avoir traité de la rénovation énergétique, des problèmes acoustiques dans les bâtiments et de la prévention des risques routiers, nous avons décidé de nous attaquer à la prévention des risques pendant les incendies en cours de chantier. Une problématique plutôt ignorée, mais pourtant lourde de conséquences potentielles.

À la fin des échanges, nous visiterons la Caserne Champerret, le prestigieux siège de l’état major et centre opérationnel de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Ce bâtiment a fait l’objet d’une rénovation de grande ampleur en 2012. Il a reçu d’ailleurs un prix spécial AMO 2012 (Architecture et Maîtres d’ouvrage) : « Lieu de travail, architecture, environnement ». À ce propos, je remercie le Colonel Michel Truttmann et le Lieutenant-Colonel Bruno Turin.

J’espère que vous conserverez un bon souvenir de l’anniversaire de notre fondation, dont la vocation après 20 ans est intacte : qualité, prévention et sécurité dans le BTP. Je vous demande enfin d’applaudir Fabienne Tiercelin, notre déléguée générale, pour son travail à la fondation.

« Après 20 ans, la vocation de la fondation Excellence SMA est intacte : qualité, prévention 

et sécurité dans le BTP. »

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 1

Gérard LAURENTPrésident

Fondation Excellence SMA

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Introduction aux échangesTypologie des incendies de chantiers et principes d’intervention des sapeurs-pompiers

— Jean-Charles DU BELLAYL’acte de construire présente un risque pour les trois grands acteurs de la filière : le maître d’ouvrage exposé au risque financier ; l’architecte exposé à un contentieux ; l’entrepreneur. Cet après-midi, nous traiterons du risque d’incendie de chantier, dont on n’entend peu parler. Pourtant, les chiffres de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris sont édifiants : un incendie de chantier se déclare tous les trois jours depuis janvier 2014. Colonel Michel Truttmann pouvez-vous nous dire quelles sont les grandes caractéristiques de ces feux de chantiers ?

— Colonel Michel TRUTTMANNJe suis en poste depuis 21 ans à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et réserviste depuis le 1er mai.

Je tiens à vous dire que les feux de chantiers que je vais vous présenter sont tout à fait caractéristiques. J’ajoute que la problématique est évolutive et que, sur les constructions jouxtant les chantiers, il est de plus en plus indispensable de prendre des mesures importantes de prévention.

« La problématique des feux de chantiers est évolutive. Ainsi, sur les constructions jouxtant les chantiers, il est de plus en plus 

indispensable de prendre des mesures importantes de prévention. »

2 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

Colonel Michel TRUTTMANN

Brigade de sapeurs-pompiers de Paris

Jean-Charles DU BELLAY

Direction des Affaires techniques FFB

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Feux d’étanchéité en terrasse : attention à l’explosion de bouteilles de gazL’un des cas majeurs auquel nous sommes confrontés réside dans les feux d’étanchéité en terrasse car ils sont violents et spectaculaires. Pour les maitriser, l’accès est malaisé puisqu’il faut monter sur une terrasse par des échelles. L’attaque du sinistre doit être massive, avec de l’eau, parfois de la mousse. L’extinction est longue et la protection du personnel exige des dispositions lourdes. Il doit notamment être protégé par un périmètre de sécurité, tout comme la population environnante.

En outre, les risques d’explosion sont permanents car il ne faut jamais l’oublier : le refroidissement des bouteilles de gaz prend beaucoup de temps et elles doivent être manipulées avec une très grande minutie. C’est ce que je vais vous montrer à travers trois exemples.

• Le 5 mai 2001, dans le 15e arrondissement de Paris, un incendie s’est déclaré sur une toiture-terrasse. Sept grosses lances à incendie ont été nécessaires pour l’éteindre. Pendant l’intervention, une bouteille de gaz a explosé. Elle a été projetée à 150 mètres et a heurté la paroi d’une station-service. Vous l’imaginez, les dégâts auraient pu être dramatiques.

• Le 16 juillet 2010, nous sommes intervenus sur un incendie rue de Verdun à Gennevilliers. Une bouteille de gaz a explosé. Elle a été projetée sur les habitants qui évacuaient les lieux. Deux personnes ont été grièvement blessées et six légèrement.

• Le 6 février 1990 à Montrouge, un très violent incendie de toiture-terrasse en cours de rénovation d’étanchéité s’est déclaré. Les secours ont été rapidement présents. Là encore, une bouteille de gaz a explosé et a été projetée à 150 mètres. Un des sapeurs-pompiers, le sapeur de 1ère classe Hideux est mort sur le coup. Chaque lundi, nous lui rendons hommage dans nos casernes ainsi qu’aux autres sapeurs-pompiers morts au feu.

« Dans les structures modulaires, les sources potentielles d’incendie sont légions. »

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 3

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Incendies de chantiers avec structures modulaires : une problématique évolutiveDe plus en plus, sur les chantiers importants, il y a des structures modulaires - des « Algeco » dans le langage courant - souvent empilées sur trois ou quatre niveaux, reposant sur des cadres métalliques de 5 mètres de haut et parfois accrochées aux échafaudages d’immeubles en cours de rénovation. Le plus souvent, elles servent de base-vie (vestiaires, réfectoires…) et de bureaux. Les sources potentielles d’incendie sont légions : installations électriques importantes ; branchements multiples et usagés ; surtensions ; risques de court-circuit ; matériel informatique ; éclairage défectueux ; sans oublier les véhicules garés (deux-roues et véhicules légers).

Lors d’incendies dans les structures empilées, des matériaux tranchants apparaissent. Les climatiseurs, accrochés aux façades, sont susceptibles de chuter. En outre, les parois transformées en véritables rasoirs peuvent s’écrouler sur les sapeurs-pompiers.

De plus, les risques de propagation aux locaux en cours de rénovation sont réels. Pour les intervenants, les chutes de matériaux, les affaissements d’échafaudages sont dangereux, sans compter la propagation de feu au sol à travers les mousses de polyuréthane.

Voici quelques exemples de feux de chantiers avec structures modulaires.

• Le 2 juin 2014, un feu s’est déclaré à la limite entre Saint-Ouen et Clichy. Huit grosses lances à incendie dont une sur échelle ont été nécessaires. Menacé par l’âcre fumée, le grutier a été extrait de sa cabine à l’aide d’une échelle automotrice. Ces panaches de fumée de 30 à 40 mètres de haut menacent directement les ouvriers travaillant sur les chantiers.

• Le 21 août 2013, un feu a pris au 41 boulevard des Invalides, à proximité de l’Hôtel de Bourbon-Condé classé Monument historique. Le feu avait pris sous un empilement d’Algeco, sous une structure de poteaux métalliques de 5 mètres de haut où se trouvaient un scooter et deux véhicules légers. À l’arrivée des secours, l’ensemble était largement embrasé. Il a fallu huit grosses lances à incendie dont une sur bras élévateur articulé, d’un débit de 3 000 litres/minute, pour venir à bout de l’incendie.

« L’un des cas majeurs auquel nous sommes confrontés réside dans les feux d’étanchéité en terrasse car ils sont 

violents et spectaculaires. »

4 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

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• Le 20 juillet 2012 et le 3 août 2013, la Brigade est intervenue à La Défense sur des chantiers avec 5 à 6 niveaux d’Algeco empilés pour servir de base vie pour la rénovation et la construction d’immeubles de grande hauteur.

• L’Hôtel Lambert a pris feu le 10 juillet 2013. Il a fallu la mobilisation d’une lance-canon et de 11 grosses lances pour éteindre un feu de combles de propagation rapide et très violente, dans un immeuble ancien, en pleine nuit et en plein cœur de Paris. L’escalier principal s’est effondré, heureusement peu après l’évacuation de l’immeuble par les secours. Le bilan du sinistre aurait pu être très grave.

• Le 25 juillet 2005, rue de la Pépinière, un feu d’Algeco a nécessité que les secours prennent des mesures pour éviter des propagations le long de la façade. Plusieurs personnes ont été légèrement intoxiquées dont un sapeur-pompier.

Par ailleurs, les immeubles en construction avec puits de lumière posent un problème particulier. Ainsi, les joints en mousse peuvent être sources d’incendie, ces puits de lumière fonctionnant comme de véritables cheminées d’appel. Quant à la mousse, elle peut propager le feu aux étages supérieurs.

Des principes d’interventions diversEn réalité, les incendies dont je viens de parler sont traités comme des feux d’entrepôts. Donc pas question de pénétrer immédiatement dans la structure pour éteindre le feu étant donné le risque en présence. Au préalable, il est vérifié qu’il n’y a plus personne à l’intérieur. Si nécessaire, les sauvetages sont opérés, ainsi que des mises en sécurité. La prévention ou le traitement des propagations peuvent s’avérer nécessaires. De surcroît, une attaque massive du feu par lance-canon est prévue. L’accès à la zone est contrôlé. Il convient enfin, quand il s’agit d’un incendie « spectaculaire », de gérer les médias…

Le 5 mars 2002, un feu hors-norme a failli causer un drame sur un chantier de l’A86, avenue Bonaparte, à Rueil-Malmaison. La Socatop (Société de construction d’autoroutes de la traversée de l’ouest parisien) a vu 19 de ses compagnons coincés dans un tunnelier de 200 mètres de long, à 2 100 mètres de l’entrée du tunnel. Les ouvriers ont essayé d’éteindre le feu déclenché sur le train de roulement d’une bande d’approvisionnement en caoutchouc. Les secours étaient en limite de capacité. Ils ont dû enjamber des tôles, des madriers, des câbles pendants. Tous ont risqué leur vie. Deux sapeurs-pompiers ont été gravement blessés : le caporal Meriel et le sergent-chef Houillon, leurs appareils respiratoires ayant été endommagés par des matériaux tranchants. Ce sinistre s’est produit dans un lieu sans ventilation, sans éclairage, sans moyens de communication. Les 19 ouvriers ont été sauvés in extremis après 4,45 heures d’efforts. Enfin, la bande convoyeuse en caoutchouc a dû être découpée pour en finir avec l’incendie.

Après l’incendie, le coordinateur sécurité sur le chantier a déclaré : « Si les compagnons sont aujourd’hui sains et saufs, c’est précisément parce qu’ils ont respecté les consignes du plan de secours ».

« Souvent les feux de chantier sont traités comme des feux d’entrepôts. Il n’est donc pas question de pénétrer immédiatement dans la structure. »

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 5

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Table ronde — Jean-Charles DU BELLAY

Jean-François Delhay, pendant 3 ans en tant que chef du Bureau Ingenierie au Ministère de la Culture, vous avez réalisé une étude sur les chantiers des Monuments historiques. Vous avez identifié une douzaine d’incendies qui sont autant de catastrophes pour notre patrimoine qui part ainsi en fumée. Il y a 6 mois, vous avez contacté le groupement des entreprises de monuments historiques de la FFB pour organiser une opération commune. En quoi consiste-t-elle ?

— Jean-François DELHAYIl s’agissait de refaire un point sur, d’une part, ce qui avait pu conduire à ces incendies et les comparer aux situations auxquelles les assureurs sont confrontés et, d’autre part, d’analyser les méthodes et processus que nous mettons en œuvre.

Le recours aux professionnels de l’assurance, aux entreprises de restauration et aux services de secours a pour objectif de recenser les réflexions et actions fondamentales que doivent avoir un compagnon, un maître d’œuvre ou un maître d’ouvrage pour prévenir au mieux le déclenchement d’un incendie.

— Jean-Charles DU BELLAYPhilippe Ros, vous appartenez au cabinet d’architecture Bechu. Il y a une dizaine d’années en plein cœur de Paris, vous avez évité un drame sur une grosse opération…

— Philippe ROSLes liens contractuels que nous passons avec les maîtres d’ouvrage prévoient curieusement une présence hebdomadaire sur les chantiers limitée à un jour. Ce que nous ne respectons jamais puisque nous sommes présents cinq jours ouvrés par semaine sur les chantiers et y sommes constamment à pied d’œuvre. Et cette présence peut être très utile comme le montre cet exemple.

« Les missions de maîtrise d’œuvre 

sont assurées sur chantier 

selon des liens contractuels qui sont insuffisants au regard du premier principe de la prévention : 

limiter les risques. »Philippe Ros

6 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

Philippe ROSArchitecte

Cabinet BECHU

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Il y a quelques années, nous avons connu un départ de feu sur un chantier. Un compagnon était en train de démonter une cuve à eau en tôle revêtue de liège. Ce travail fait, il a quitté les lieux pensant que tout était en ordre. Mais le liège a pris feu. Heureusement, nous étions alors présents sur le chantier et avons appelé les pompiers. Nous n’avons rien fait d’extraordinaire, mais notre simple présence a permis de réagir.

Je pense que cela mérite réflexion. Les missions de maîtrise d’œuvre sont assurées sur chantier selon des liens contractuels qui sont à mon avis insuffisants au regard du premier principe de la prévention : limiter les risques.

— Jean-Charles DU BELLAYMais alors quel est le schéma d’organisation idéal pour le maître d’ouvrage en matière de prévention des incendies sur chantiers ?

— Philippe ROSIl devrait donner les moyens aux architectes, maîtres d’œuvre et bureaux d’études pour qu’ils soient formés, compétents et puisse ainsi s’intégrer au sein de la corporation des compagnons.

À ce sujet, je tiens à remercier le Colonel Truttmann pour la qualité de son exposé. Il devrait être fait obligatoirement dans toutes les écoles d’architecture et d’ingénieurs. Les images projetées étaient très fortes et pédagogiques. Ne jamais l’oublier : un incendie est toujours quelque chose de très traumatisant.

— Jean-Charles DU BELLAYJean François Delhay, vous avez été maître d’ouvrage exécutant pour des travaux de rénovation à l’Assemblée Nationale. Quelles mesures aviez-vous pris alors ?

— Jean-François DELHAYL’Assemblée Nationale avait mis des moyens adaptés. Il faut savoir qu’un détachement de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris réside in situ. À chaque opération de rénovation ou de restauration, nous étions en lien avec l’officier de cette brigade pour mettre au point les plans de prévention de l’ensemble des chantiers concernés. Nous nous assurions que chaque intervenant sur le chantier était informé des risques que son action faisait courir aux autres.

Lorsque nous avons établi le bilan des sinistres sur chantiers dans le cadre du ministère de la Culture, nous nous sommes rendus compte qu’il existe souvent un déficit de communication et une perte des savoirs. Les anciens prennent en charge la prévention mais n’enseignent pas aux nouveaux leur savoir, ni ne partagent avec eux leur sensibilité au risque incendie.

Dans la plupart des cas que nous avons connus en 2013, l’incendie était dû à des points chauds et à la mise en œuvre de matériaux dont les caractéristiques étaient mal connues de ceux qui les manipulaient - en particulier leur capacité à accumuler la chaleur et à déclencher un incendie quelques heures après leur mise en œuvre.

« Les maîtres d’ouvrage se focalisent sur le label écologique de tel ou tel matériau mais oublient

bien souvent de prendre suffisamment en compte 

le risque incendie qu’ils représentent. »

Jean-François Delhay

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 7

Jean-François DELHAYChef du bureau de l’Ingénierie

Ministère de la Culture

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En fait, les maîtres d’ouvrage se focalisent sur le label écologique de tel ou tel matériau mais oublient bien souvent de prendre suffisamment en compte le risque incendie qu’ils représentent.

Nous avons donc décidé d’effectuer un rappel qui ne serait pas limité aux maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre. Il convient d’informer également les compagnons et ouvriers intervenant sur les chantiers. Ainsi, le Groupement des entreprises de restauration des Monuments historiques (GMH) en lien avec les assureurs et la FFB a édité deux brochures rappelant les consignes pratiques pour éviter les incendies de chantier. L’une est destinée aux compagnons et est très illustrée. L’autre s’adresse aux maîtres d’œuvre et rappelle les textes réglementaires illustrés par des situations à risques, notamment pour montrer que les points chauds ne sont pas engendrés uniquement par des outils produisant des flammes, mais aussi par les outils à frottements (visseuses, perceuses…).

— Jean-Charles DU BELLAYPhilippe Ros, la nature du matériau peut être un facteur déterminant. Comment abordez-vous ce sujet avec les maîtres d’ouvrage ?

— Philippe ROSJ ’ a i vu de s pho tog raph i e s de l’incendie de la tour Mermoz à Roubaix le 16 mai 2012. Il se trouve que je suis fils et petit-fils d’architecte et que cette tour a été construite par mon grand-père. Elle n’avait jamais connu d’incendies auparavant. Autour de l’an 2000, sans doute, a-t-elle été réhabilitée par un confrère utilisant des matériaux dont il faut constater que leurs fiches techniques n’avaient pas été étudiées sous l’angle du risque d’incendie…

Ne jamais l’oublier : les maîtres d’œuvre engagent leur responsabilité sur la prescription. Ils doivent, à ce titre, analyser les fiches techniques des matériaux. Malheureusement, cela n’est pas toujours fait avec le sérieux nécessaire. Au cabinet Bechu, nous proposons les fiches sur les caractéristiques des principaux matériaux dans le permis de construire pour que le service de prévention puisse nous alerter sur le risque représenté par tel ou tel matériau à partir des statistiques dont il dispose sur les causes des incendies. Voilà un exemple de type d’actions à mettre en place pour prévenir les catastrophes.

— Jean-Charles DU BELLAYFrançois Asselin, vous êtes menuisier-charpentier reconnu bien au delà de nos frontières. Malgré toute votre grande expertise, vous avez subi deux incendies autour de deux Monuments historiques - sans que votre responsabilité soit engagée. Le premier s’est produit loin du monument, dans les baraques de cantonnement, et le second a affecté l’Hôtel Lambert…

« Au cabinet Bechu, nous proposons les fiches sur les caractéristiques des principaux matériaux 

dans le permis de construire

pour que le service de prévention puisse 

nous alerter sur le risque d’incendie de tel ou tel matériau. »

Philippe Ros

8 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

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— François ASSELINL’incendie de l’Hôtel Lambert fut un véritable traumatisme. Nous avions terminé nos différentes prestations ; elles n’étaient pas encore réceptionnées et tout est parti en fumée de façon impressionnante. Le matin même de l’incendie, alors que je passais devant le bâtiment, j’ai vu les pompiers en action. Ma peur a été très grande, d’abord par crainte que des compagnons soient restés sur le chantier. Heureusement, ce n’était pas le cas. Et puis nous avons été traumatisés par cet incendie, par son ampleur, mais aussi parce que, de ces magnifiques charpentes du XVIIe siècle que nous venions de restaurer avec tout notre savoir-faire, il ne restait rien.

Après ce terrible évènement est venu le temps de l’analyse. Et de ce point de vue, il est vrai que nous mettons en œuvre de magnifiques matériaux aux caractéristiques écologiques vantées par tous, mais qui peuvent être dangereux en termes de risques incendie. Au sein de notre bureau d’études, nous appelons souvent la maîtrise d’œuvre si nous décelons dans le dossier un matériau qui nous inquiète. Par exemple, nous faisons très attention aux matériaux choisis pour l’isolation.

Par ailleurs, avec la FFB, nous travaillons sur la contrefaçon. Ce travail m’a ouvert les yeux : dans nos entreprises, nous utilisons à notre insu des équipements et matériaux contrefaits. Les fournisseurs eux-mêmes sont parfois trompés. Ainsi, nous nous sommes aperçus que nous utilisions des lampes d’éclairage de chantier contrefaites. Nous avons donc sensibilisé nos acheteurs de petit outillage.

Enfin, le plus important à mes yeux est la transmission des savoirs. Ceux qui ont connu le sinistre de l’Hôtel Lambert s’en rappelleront toute leur vie. Il faut qu’ils puissent transmettre leur expérience aux autres, aux nouveaux, à ceux qui prennent le relais.

— Fabienne TIERCELINCes malheureux évènements vous ont-ils conduit à revoir votre assurance ?

— François ASSELINNon, rassurez-vous je n’ai pas changé d’assureur... Plus sérieusement, il est évident qu’un sinistre sur des travaux non réceptionnés comme à l’Hôtel Lambert met en péril la vie de l’entreprise. C’est pourquoi une bonne couverture est très importante. Au moment de la mise en concurrence, au-delà de l’écart de prix, je conseille à mes confrères de prendre conseil pour mesurer réellement le contenu des clauses et s’assurer que la couverture est vraiment protectrice.

« Au sein de notre bureau d’études, nous appelons souvent la maîtrise d’œuvre si nous décelons un matériau qui nous

inquiète. Par exemple, nous faisons très attention aux matériaux choisis pour l’isolation. »

François Asselin

« Avoir une bonne assurance, y compris avant réception, peut sauver l’entreprise. »

François Asselin

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 9

François ASSELINPrésident

ASSELIN SAS

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Avoir une bonne assurance, y compris avant réception, peut sauver l’entreprise. Dans mon cas, il est certain qu’elle est plus onéreuse qu’il y a 10 ans. Mais après ce lourd sinistre de l’Hôtel Lambert, l’assureur s’est occupé de tous les aspects juridiques et m’a certifié immédiatement que mon entreprise s’en sortirait.

— Jean-Charles DU BELLAYJean-Claude Bouland vous êtes entrepreneur de couverture dans l’Orne. Vous avez subi un incendie de chantier dont on vous a accusé à tort. De plus, votre assureur vous a causé des difficultés considérables. C’est votre pugnacité, une pugnacité commune à tous les entrepreneurs du bâtiment, qui vous a sauvé. Mais vous avez failli tout perdre...

— Jean-Claude BOULANDEffectivement, le 31 août 2012, nous avons vécu un drame. À 20h30, j’ai été informé qu’un incendie s’était déclaré sur un chantier non encore réceptionné. 300 m2 de couverture et une charpente neuve ont été détruits en deux heures. Le lendemain matin, mes deux salariés présents sur le chantier ont été reçus par la gendarmerie et les experts. Et au final, les assureurs m’ont annoncé qu’en l’absence de réception des bâtiments et de permis de feu, je ne serai pas couvert. Il faut dire que l’expert judiciaire a fait fort. Son rapport ne contenait que des conclusions hâtives et des hypothèses fragiles. Ainsi, il suggérait qu’il était possible qu’un employé de l’entreprise ait fumé, que nous ayons soudé des gouttières avec des fers à souder électriques…

Mais, comme vous l’avez dit, dans le bâtiment, nous ne baissons jamais les bras. Nous nous somme battus. J’ai alerté la FFB. Elle m’a beaucoup aidé. Je ne peux que remercier l’équipe qui m’a accompagné puisque finalement l’assureur m’a couvert. Le maître d’ouvrage a été remboursé et continue à nous faire travailler. Même si, sur le fond, l’affaire n’est toujours pas jugée.

Pour moi, cela a été très dur à vivre. Jusqu’en mai 2013, je ne savais pas si je serai couvert. Le dépôt de bilan me menaçait, comme il menaçait mon personnel et ma famille. Je ne souhaite à personne de vivre cela.

« J’ai subi un incendie sur un chantier non réceptionné. Cela a bien failli me faire déposer le bilan. Je ne souhaite 

à personne de vivre un tel cauchemar. »Jean-Claude Bouland

10 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

Jean-Claude BOULAND

Entrepreneur de couverture dans l’Orne

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— Jean-Charles DU BELLAYNon seulement vous avez réussi à vous en sortir mais vos deux fils vous ont rejoint. Un bel exemple… À partir de ce drame, quel conseil donneriez-vous ?

— Jean-Claude BOULANDD’abord, s’efforcer de faire comprendre aux entreprises qu’il faut toujours se soutenir dans la difficulté. C’est malheureux à dire mais dans mon cas, de « gentils » confrères ont tenté de récupérer mon chantier…

Et puis, pour tout chantier de restauration, ne pas oublier de demander un permis de feu.

— Jean-Charles DU BELLAYJustement, les entrepreneurs rencontrent-ils des difficultés pour faire signer des permis de feu ?

— Jean-François DELHAYIl appartient au maître d’ouvrage de rappeler aux entreprises l’importance du permis de feu. Il est vrai que certaines administrations restent frileuses. Ce document fait peur, car personne n’en explique la réelle portée juridique. Conséquence : cette portée juridique est donc exagérée dans l’esprit des signataires.

— Fabienne TIERCELINDominique Baroux, vous êtes directeur « Technique produits IARD et risques spéciaux » à la SMABTP. Vous avez étudié ces problématiques depuis de nombreuses années. Et ce en lien avec les maîtres d’ouvrage, les concepteurs et les constructeurs. Comment un maître d’ouvrage peut-il se prémunir contre un risque de destruction par incendie ?

— Dominique BAROUXOutre la souscription de contrats spécifiques, le maître d’ouvrage doit avoir conscience de l’importance de l’organisation d’un chantier pour permettre aux intervenants de travailler en toute sécurité.

Je vise en particulier les bases-vie. C’est un sujet important à plusieurs égards. D’abord parce qu’il favorise la concentration d’appareils électriques qui peuvent être à la source de départs de feux. En outre, il est souvent impossible d’installer ces zones à distance suffisante des chantiers. En zone urbaine, très dense, le compartimentage de la base-vie reste très théorique. Dans ce cas, nous préconisons la mise en place de moyens de protection incendie.

« Il faut s’efforcer de faire comprendre aux entreprises qu’il faut toujours se soutenir dans la difficulté. C’est malheureux à dire, mais dans mon cas 

de « gentils » confrères ont tenté de récupérer mon chantier… »Jean-Claude Bouland

« Le maître d’ouvrage doit rappeler aux entreprises l’importance du permis de feu. Il est vrai

que certaines administrations restent frileuses. Ce document fait peur, car personne n’en explique 

la réelle portée juridique. »Jean-François Delhay

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 11

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Le permis de feu est par ailleurs un élément fort de la prévention. Il permet d’identifier les risques, de recenser les moyens d’alerte, d’examiner les dangers liés aux travaux engagés… Bref, on ne peut en faire fi.

Enfin, la ronde préconisée par le permis de feu deux heures après l’arrêt des travaux du chantier est une disposition essentielle.

Il est vrai que certains contrats dommages ou de responsabilité ont des clauses contraignantes

du point de vue du permis de feu. J’invite chaque personne concernée à interroger son assureur à ce sujet, sachant que toutes les compagnies n’ont pas la même politique en la matière.

Par ailleurs, le maître d’ouvrage peut se prémunir en souscrivant une assurance de dommages. Dans ce cadre, on peut citer la police « tous risques chantier » (TRC) qui vise les travaux neufs et le contrat de dommages incendie qui concerne, lui, les bâtiments préexistants aux travaux. Dans ce dernier cas, il importe de signaler formellement à son assureur qui couvre les risques incendie l’existence des travaux prévus, en précisant leur nature et leur durée. En effet, cette déclaration préalable est importante pour se prémunir en cas de sinistre.

— Fabienne TIERCELINPouvez-vous nous dresser le tableau des responsabilités engagées par les entreprises en cas de s in i s t re dû à un incendie ?

— Dominique BAROUXLes dommages peuvent être matériels (bâtiment, a p p r o v i s i o n n e m e n t s du chantier…), mais aussi immatériels (pertes de loyer, d’exploitation pour les bâtiments industriels…) et corporels lorsqu’ils frappent des tiers ou des salariés de l’entreprise. Quant à la notion de désordre, elle s’applique aux propres travaux de l’entreprise ou à des travaux tiers si les prestations d’autres intervenants sont dégradées. Les dommages concernent aussi l’existant, c’est-à-dire la partie de l’ouvrage préexistante aux travaux neufs. Enfin, la propagation de l’incendie fait courir le risque d’un dommage aux voisins (tiers).

Jusqu’à la réception des travaux, l’entrepreneur conserve la garde du chantier. Il en est donc responsable. C’est seulement après réception que sa responsabilité est transférée au maître d’ouvrage. En conséquence : l’entrepreneur devra réparer toute dégradation portée à ses travaux avant réception. Cependant, l’origine de l’incendie peut provenir de la faute d’un tiers - elle devra être bien entendu prouvée. À ce titre, citons les incendies d’origine criminelle - malheureusement fréquents et dont la responsabilité n’est pas toujours aisée à établir. Ces incendies criminels peuvent être combattus par le contrôle d’accès ou le gardiennage.

« Le permis de feu permet d’identifier les risques, 

de recenser les moyens d’alerte, d’examiner les dangers liés 

aux travaux engagés… Bref, on ne peut en faire fi. »

Dominique Baroux

« Pour les entrepreneurs, il importe d’identifier 

les profils types des chantiers où ils interviennent

pour, en lien avec leur assureur, adapter leurs polices d’assurance. »

Dominique Baroux

12 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

Dominique BAROUX

Directeur Technique produits IARD et risques spéciaux

SMABTP

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— Fabienne TIERCELINDes solutions assurantielles peuvent-elles être mises en place ?

— Dominique BAROUXIl faut distinguer les assurances de dommages pouvant être souscrites par le maître d’ouvrage et les assurances de responsabilité.

Pour les assurances de dommages, la TRC vise à couvrir tous les risques possibles d’un chantier jusqu’à sa réception. Elle est facultative, ce que l’on peut regretter. La TRC est souscrite avec ou sans recours. Dans le cas d’une assurance de dommages comme la TRC, il n’y a pas lieu de rechercher des responsabilités pour indemniser. Le but est justement d’indemniser rapidement, sans perdre de temps dans cette recherche, pour que l’ensemble des travaux de réparation puisse être vite entrepris.

La perte d’exploitation anticipée (PEA), associée à la TRC, est également une garantie intéressante couvrant les pertes financières dues à un retard du chantier consécutif à un sinistre couvert par la TRC.

Enfin, pour une rénovation ou extension, le maître d’ouvrage peut souscrire une garantie incendie garantissant son bien existant.

Concernant les assurances de responsabilités, les entreprises, en fonction de la teneur de leurs contrats, vont s’appuyer sur les assurances de responsabilité civile ou multirisques entreprises.

Pour les entrepreneurs, il importe d’identifier les profils types des chantiers où ils interviennent pour, en lien avec leur assureur, adapter leurs polices d’assurance. En cas de chantier exceptionnel, l’entreprise peut obtenir l’aménagement nécessaire de ses garanties et agir par voie d’avenant à son contrat.

— Fabienne TIERCELINStéphane Spalacci, vous êtes responsable du département « Assurance prévention entreprises » à la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA). En ce qui concerne les incendies sur chantiers quelle est la position des autres pays européens ?

— Stéphane SPALACCITous les pays européens font le constat qu’un bâtiment en cours de chantier fonctionne en mode dégradé (arrêt des sprinklers…), ce qui accentue le risque induit par les travaux.

Il y a deux grandes catégories de pays en Europe : ceux ayant adopté une démarche similaire à la France (Allemagne, Autriche, Espagne...) et les pays du nord de l’Europe, dont le cas particulier de la Finlande.

« Tous les pays européens font le constat qu’un bâtiment en cours de chantier fonctionne en mode dégradé (arrêt des sprinklers…), 

ce qui accentue le risque induit par les travaux. »Stephane Spalacci

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 13

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Dans ce second groupe, face au constat qu’entre un à deux tiers des incendies de chantiers sont dus à des points chauds, on estime que les sinistres résultent d’un déficit de sensibilité de l’opérateur à ce risque. Ainsi, ces pays estiment nécessaire de ne pas s’en remettre seulement aux procédures habituelles qui ne sont pas adaptées à un fonctionnement du bâtiment en mode dégradé.

C’est pourquoi, dès 1988, les assureurs finlandais ont élaboré un guide sur les travaux par points chauds d’ailleurs similaire à celui qui existe maintenant en France. Puis ils ont approfondi cette démarche en Scandinavie, en demandant que la compétence de l’opérateur soit reconnue par une qualification. La Finlande a donc élaboré une procédure de qualification des opérateurs réalisant des travaux par points chauds, avec une formation d’une journée visant à les sensibiliser sur les risques d’incendie.

Cette qualification permet d’obtenir une carte professionnelle valable cinq ans et leur donnant la possibilité de travailler dans toute la Scandinavie. Le maître d’ouvrage et le superviseur des travaux doivent également obtenir la qualification. L’obligation ne s’applique pas aux travaux légers, tel le décapage à air chaud.

— Fabienne TIERCELINCette expérience démontre l’intérêt de la sensibilisation. En France, quelles initiatives sont conduites ?

— Stéphane SPALACCICette table ronde est un parfait exemple des initiatives qui peuvent être prises pour sensibiliser les acteurs. Au-delà des problématiques financières ou assurantielles, il est clair que les sinistres affectent les maîtres d’ouvrage, mais aussi les intervenants, au premier rang desquels figurent les sapeurs-pompiers. L’assureur n’intervient que sur le volet patrimonial du sinistre, non pas sur les aspects humains ou périphériques.

Au cours de cette table ronde, il apparaît clairement que l’opérateur, le maître d’œuvre et l’assureur doivent échanger en permanence pour vérifier que les garanties du contrat d’assurance sont adaptées, sachant, je le répète, que les travaux se font dans un bâtiment qui fonctionne en mode dégradé.

À la différence des polices pour les particuliers, les contrats d’entreprises doivent couvrir des situations particulières, des sinistres de nature extrême. Généralement, ces contrats servent peu, mais leur couverture doit être complète.

Je le rappelle, la FFSA n’intervient pas directement auprès des assurés mais s’inscrit dans une démarche de sensibilisation de ces derniers, en complément des dispositions réglementaires. Ainsi, la société civile a vocation à établir des normes, ce à quoi la Fédération contribue à travers divers groupes de travail. Dans le cadre de nos travaux avec les ministères de l’Intérieur et de l’Ecologie, par exemple, nous participons à l’élaboration de réglementations sur les immeubles recevant du public ou sur les installations classées.

« La Finlande a élaboré une procédure de qualification des opérateurs réalisant des travaux par points chauds, avec une formation d’une journée visant à les sensibiliser sur les risques d’incendie. »

Stephane Spalacci

14 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

Stéphane SPALACCI

Responsable Assurance et prévention entreprises

FFSA

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C’est l’occasion pour nous de sensibiliser les acteurs sur la question des travaux sur points chauds.

Nous alertons également les Pouvoirs publics sur les matériaux « biosourcés ». Ces matériaux étant perçus par eux-mêmes comme performants, la conscience du risque d’incendie associé au matériau diminue. En tant qu’assureurs, nous cherchons à ce que ce risque reste pourtant bien présent dans l’esprit de chacun, notamment pour éviter les drames comme l’incendie de la tour Mermoz dont parlait Philippe Ros.

— Jean-Claude BOULANDLes fournisseurs sont toujours prêts à proposer des matériaux. Pourtant, en réalité, personne n’accompagne réellement l’opérateur de travaux sur la question des risques incendie afférents à tel ou tel matériau. Dans notre cas, nous avons connu un problème avec un isolant mince réflecteur dont je tairai le nom. Suite à ce problème, ni le fournisseur, ni le fabricant ne nous sont venus en aide.

— Lieutenant-Colonel Bruno TURINPour ce qui concerne l’instabilité des bâtiments eu égard au risque d’incendie, je pense qu’il faut s’inspirer de la démarche adoptée pour l’étanchéité. Ainsi, les structures des bâtiments sont construites pour avoir une étanchéité provisoire le temps des travaux. Il faut agir de même pour prendre en compte le risque d’incendie. En cas de construction d’un IGH (immeuble de grande hauteur), la réglementation oblige à mettre en place des sécurités de niveau croissant au fur et à mesure de la finition.

À mon avis, cette logique est des plus vertueuses. L’ensemble des phases transitoires doit être étudié sous l’angle du risque d’incendie pour qu’il soit maîtrisé à chaque tranche de travaux, ce qui garantirait la stabilité du bâtiment.

2 juillet 2014 - 15

Lieutenant-Colonel Bruno TURIN

Brigade de sapeurs-pompiers de Paris

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Echanges avec la salle — De la salle

Je suis expert construction pour la SMABTP, expert judiciaire, et je dirige une société d’ingénierie et de R&D qui a mis au point un outil d’analyse de mode de défaillance, des effets de celle-ci et de leur criticité appliqués au process industriel, aux équipements et aux produits.

Cet outil d’analyse, cette méthodologie AMDEC que j’ai développée pour des clients du BTP, peut être généralisée et je suis à votre disposition pour vous les expliquer.

— Didier DURANDPrésident du GMH - FFB (Groupement des entreprises de restauration de Monuments historiques)Souvent, les problèmes d’incendie sont liés aux compagnons travaillant sur le site. Par exemple, ils peuvent être amenés à percer un trou dans un mur sans savoir que ce mur recèle un matériau source de feu. Il est donc important de sensibiliser les maîtres d’œuvre. Les diagnostics sur le plomb et l’amiante sont légion, mais les matériaux utilisés il y a 20 ou 30 ans ne sont pas parfaitement maîtrisés. Ne jamais oublier qu’in fine les compagnons, sur le terrain, sont amenés à réaliser des opérations susceptibles de créer un risque d’incendie. Les compagnons peuvent être potentiellement les responsables, à leur insu, des incendies et les premières victimes de ces sinistres.

— Jean-François DELHAYL’une des solutions consiste à utiliser des caméras thermiques mesurant la diffusion des points chauds dans le matériau à l’occasion de la ronde effectuée deux heures après l’arrêt des travaux. Les pompiers procèdent à de tels contrôles lors de feux de joints de dilatation. De plus, les caméras thermiques sont devenues financièrement plus accessibles.

« Ne jamais oublier qu’in fine les compagnons, sur le terrain, sont amenés à réaliser des opérations 

susceptibles de créer un risque d’incendie. »Didier Durand

16 - Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014

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— De la salleJe suis coordonnateur SPS. Aujourd’hui, le permis de feu est mal utlilisé et mal rempli. Les entreprises travaillant des points chauds ne présentent que rarement un permis de feu, lorsqu’elles savent réellement de quoi il s’agit. Je rappelle que le permis de feu est accordé opération par opération.

— De la salleLe problème est que le permis de feu est vécu comme une énième formalité alors qu’il est une pièce majeure dans la prévention du risque incendie et que son objectif est réellement d’éviter les sinistres.

— François ASSELINL’entrepreneur est confronté à la question suivante : comment encore arriver à faire simple ? Ces dernières années, nous avons connu une inflation de règlementations (travail en hauteur, plomb, amiante, utilisation de chariots élévateurs…). En définitive, il est presque impossible pour l’entrepreneur de se conformer à toutes ces normes et réglementations. Il doit donc gérer des priorités. Et malheureusement, le risque incendie, à la fois majeur et évident, est de moins en moins pris en compte. Il régresse par rapport au risque individuel du salarié, qu’il faut évidemment traiter, mais qui aujourd’hui, est abordé via le « maelström » règlementaire. En fait, la formation au feu devrait figurer dans les formations obligatoires initiales.

J’ai calculé que pour dispenser à mes salariés l’ensemble des formations obligatoires sur tous les risques, il faudrait que j’arrête mon entreprise pendant trois semaines et demi, sachant que certaines formations sont renouvelables tous les trois ans…

— Fabienne TIERCELINMerci à tous pour votre participation au débat. Je vous informe que la fondation Excellence SMA travaille, avec la SMABTP, à la rédaction de documents de prévention. Ils seront mis en ligne et largement diffusés auprès de nos sociétaires, maîtres d’ouvrage et entreprises dans les prochains mois.

« L’une des solutions consiste à utiliser des caméras thermiques mesurant la diffusion des points chauds dans le matériau à l’occasion 

de la ronde effectuée deux heures après l’arrêt des travaux. »Jean-François DELHAY

« Il est presque impossible pour l’entrepreneur 

de se conformer à toutes les normes et réglementations. Il doit donc gérer des priorités. Et malheureusement, le risque 

incendie, à la fois majeur et évident, est de moins

en moins pris en compte. »François Asselin

« Le permis de feu est vécu comme une énième formalité alors qu’il est une pièce majeure dans la prévention du risque d’incendie. »

Fabienne TIERCELIN

Actes du colloque de la Fondation Excellence SMA - 2 juillet 2014 - 17

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Actes rédigés avec la collaboration de Michel Levron

Document transcrit par : UBIQUS (www.ubiqus.fr)

Photos : Dominique Eskenazi

Maquette et mise en page : Christophe Jacquemin, Laure Arquembourg, direction de la communication SMA

Avec la participation de Fatiha Bousebha, Fondation Excellence SMA

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www.groupe-sma.fr114, avenue Emile Zola - 75739 Paris cedex 15