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Comparer Thomas Römer à d’autres biblistes

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Comparer Thomas Römer à d’autres biblistes

"Peu à peu (…) on a commencé à étudier les faits par une méthode historique et à les grouper en ordre chronologique. Alors ont été constituées les histoires spéciales de l'écriture, de la langue, de l'Église, de la religion, du droit, des littératures, de l'architecture, de la sculpture, des institutions, des moeurs, etc. Chacune de ces histoires spéciales reste une partie intégrante de l'histoire totale ; mais elle devient une branche autonome, constituée avec son personnel de travailleurs spéciaux et ses traditions spéciales. Comme les historiens avaient gardé l'habitude de s'occuper à peine des faits de cette espèce, c'est en dehors d'eux que se sont créées ces histoires spéciales. Elles ont pris l'allure de sciences indépendantes. A cause de l'énorme quantité des faits spéciaux, il est devenu pratiquement impossible de les étudier de front avec l'histoire non spécialisée (…) A mesure que ces branches se sont séparées, le terrain de l'histoire non spécialisée s'est rétréci (…) Alors, la conception de l'histoire proprement dite non spécialisée a traversé une crise… (… ) »

Seignobos Charles, La méthode historique appliquée aux sciences sociales , Paris 1901

"La méthode historique est la méthode employée pour constituer l'histoire ; elle sert à déterminer scientifiquement les faits historiques, puis à les grouper en un système scientifique. Il semble donc au premier abord, tant qu'on reste dans la logique formelle, qu'il existe une science spéciale, l'histoire, que cette science étudie une certaine catégorie de faits, les faits historiques, et qu'elle les étudie par une méthode appropriée à la nature de ces faits. "

Charles Seignobos (1854-1942 et les « histoires spéciales »

Mario LIVERANI (1939-……….), professeur à l’Université romaine LA SAPIENZA

« Ce n’est pas ici le lieu de reprendre tout le parcours de l’historiographie qui s’est développée au siècle dernier autour de l’ancienne histoire d’Israël (…) D’un côté, l’approche traditionaliste refuse de considérer la réélaboration historique effectuée par L’élite intellectuelle judéenne avant et après l’exil (…) : elle finit ainsi par nier la substance même de l’approche critique moderne même si elle en retient les détails techniques (…) D’un autre côté l’approche critique la plus récente (…) refuse de façon drastique D’accepter les réélaborations tardives comme des sources authentiques (…) Mais cette position ne semble pas tenir compte d’un point important : les rétrospections tardives vers le passé revêtent généralement d’une idéologie moderne un matériau ancien. Même si l’on donne pour acquis qu’elles servent (…) les idéologies de leurs auteurs, il n’en reste pas moins, pour l’historien, la tâche d’enquêter pour savoir si elles ont conservé, et dans quelle mesure, des informations anciennes, et par quelles voies, avec quelles déformations, ces Informations ont été transmises et réélaborée (… ) Il se peut que, dans certains cas, voire même souvent, l’enquête donne un résultat négatif et montre que l’événement en question n’a jamais eu lieu, qu’il s’agit de pure invention ou qu’il est tellement déformé qu’on peut le considérer en substance comme une équivoque. Mais dans d’autres cas, il reste possible de trouver le lien, de parvenir à lire, comme dans un palimpseste l’événement antique sous celui qui a été recréé, et l’idéologie originelle sous celle du rédacteur final. Cette opération difficile mais nécessaire fait partie du métier de l’historien (…) » La Bible et l'invention de l'histoire : Histoire ancienne d'Israël Bayard 2008, (p. 505) (…)

Thomas Römer : LA BIBLE, QUELLES HISTOIRES – « La Bible est un document tellement ouvert qu’on peut lui faire dire tout et N’importe quoi (…) La Bible oblige à faire un travail d’interprétation (pp. 67-69) La Bible, quelles histoires ! Bayard 2014

Q. Vous pensez donc que l’histoire de Moïse telle qu’on la trouve dans la Bible n’est pas authentiquement historique ? R. Non, et aucun historien ne le pense plus sérieusement, aujourd’hui. Les gens sont souvent obsédés par cette question de l’historicité. Elle revient sans arrêt dans les conférences ou dans les médias. A croire que c’est la seule chose qui soit intéressante dans la Bible ! Mais franchement, c’est un faux problème. Personne ne peut affirmer que Moïse, ou Abraham ou d’autres personnages de la Bible ont existé ou pas. En tous cas, moi, je ne peux pas le dire. La Bible, quand elle évoque des origines, ne nous donne accès qu’à des des figures littéraires. Nous ne savons pas si un personnage authentique se Cache derrière elles, et encore moins qui. Quand j’étais jeune, à l’école, on nous disait que les légendes étaient à ce point

de tel ou tel héros, c’était qu’il devait bien y avoir, derrière, une figure historique à l’origine de sa légende. Comme si tous les héros légendaires avaient un enracinement historique. C’est peut-être vrai pour pour certains, mais certainement pas pour Tous. Je vous ai déjà parlé de Guillaume Tell : voilà un héros tout droit sorti de l’imagination d’un poète ! Pour moi, cette quête du Moïse historique est totalement vaine. Et quand bien même on arriverait à l’identifier, qu’est-ce que cela nous apporterait ? Qu’est-ce que cela changerait à l’histoire du texte et à sa réception ? Les gens oublient complètement que ce n’est pas le Moïse historique qui est à l’origine du judaïsme, mais le texte biblique, dont il est le personnage principal.

Q. L’exode non plus n’a pas de fondement historique, à votre avis ? R. S’il y a eu un exode de populations sémitiques fuyant l’Egypte, il ne s’est pas produit de la façon dont la Bible le rapporte.

La Bible, quelles histoires ! pp 164-165

Mario Liverani (suite)

« D’un côté l’approche traditionaliste refuse de considérer la réélaboration historique effectuée par l’élite intellectuelle judéenne Avant et après l’Exil comme une clé de lecture faisant partie intégrante et incontournable des événements historiques d’avant l’Exil : elle finit ainsi par nier la substance même de l’approche critique moderne – même si elle en retient les détails techniques. (…) D’un autre côté, l’approche critique la plus récente, après avoir dévoilé le caractère d’utopie rétrospective du royaume Uni, refuse de façon drastique d’accepter les réélaborations tardives comme des sources authentiques (…) Dans ces conditions, l’analyse historique ne peut que déboucher sur une double reconstruction, comme le montre la division de cet ouvrage en deux parties : l’ « histoire normale « et » ‘l’ «histoire inventée ». L’erreur, Rosi j’ose dire, des traditionalistes est de vouloir déjà charger L’ « histoire normale » de toutes les valeurs idéologiues qui se rapportent en réalité à la réélaboration postérieure, et de la rendre ce faisant plutôt anormale , anachronique et « unique ». Inversement, l’erreur ou la limité des innovateurs consiste à négliger le fait que la réélaboration postérieure plonge profondément ses racines dans le passé : ils rendent ainsi la réélaboration Inattendue, et le passé insignifiant. « L ‘ « histoire normale » n’est pas dépourvue de valeurs idéologiques tout comme l’ « histoire Inventée n’est pas dépourvue d’événements réels et de références authentiques ».

La Bible et l’invention de l’histoire pp. 503-506