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AFRIQUE Ruissellement, érosion et fertilité 6

érosion fertilité 2

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Page 1: érosion fertilité 2

AFRIQUE

Ruissellement,érosion

et fertilité 6

Page 2: érosion fertilité 2

Cette eau qui détruit la fertilitéde nos terres...

Où qu’on aille, en Afrique, on estfrappé par les phénomènes d’érosion:la terre est emportée par l’eau et parles vents, des villages sont menacéspar le développement des ravines,des champs sont emportés, des

arbres déracinés. L’eau dont on a tant besoin pour les

cultures agit souvent comme unegrande voleuse. Elle emporte au loin

de fines couches de sol fertile oud’énormes masses de terre.

D’une part, on constate dans leschamps la diminution de fertilité des

couches arables, d’autre part, degrandes quantités de terre vont

s’accumuler inutilement dansles bas-fonds.

Ce Carnet Écologique essaie dedécortiquer les processus de l’éro-sion. Il en distingue les principaux

aspects. Il met en évidence lesfacteurs qui la favorisent et indique

les lignes d’une lutte efficace.Érosion et perte de fertilité vont depair. Lutter contre la première, c’est

créer les conditions d’amélioration dela seconde.

Bonne lecture.

Texte et illustrations de Hugues Dupriez

S OMMA I R ES OMMA I R E ::L’érosion de la terreLe ruissellementObserver le terroirLa battance des pluiesPeut-on éviter la battance

dans les champs?

Matériaux en déplacement

Le vagabondage des éléments fertiles

Percolation et lessivage du sol

Que faire pour garderla fertilité chez soi?

357

11

19

19

2428

29

TERRES ET VIErue Laurent Delvaux, 13

1400 NivellesBelgique

tél. et fax : 32 - 67 - 21 71 49

AFRIQUE6

Page 3: érosion fertilité 2

L’érosion de la terreL’érosion de la terre, c’est le déplacement des matériaux qui la constituent:l’argile, le sable, les matières organiques comme les feuilles mortes, lesdéchets de bois, les excréments animaux et aussi les sels minéraux qui sontdes aliments pour les plantes.Ce sont l’air et l’eau quidéplacent ces matériaux,lorsqu’ils sont en mouve-ment et qu’ils acquièrentune certaine force.

Érosion par le ventSur la photo 1, nousvoyons un tourbillon:c’est une masse d’air enmouvement. Le vent estassez fort pour entraîneravec lui des particulesde sol et pour les dépla-cer. Lorsque le vent secalme, l’air se remet aurepos et il laisse tomberles particules qu’ilemportait.Ce qui se produit locale-ment en petits tour-billons, comme celui dela photo 1, peut aussi seproduire sur de trèsgrandes zones. On aalors des vents de sable.L’air est jauni par l’argilequ’il transporte. Il ledéplace sur de longuesdistances (photo 2), par-fois sur plusieurs cen-taines de kilomètres.

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Les vents locaux provoquent la formationde petits tourbillons ascendants.

Les vents régionaux ou continentaux sont ceux quicréent les grandes tempêtes de sable caractéristiques

des régions sahariennes et sahéliennes.

11

22

Ruissellement, érosionet fertilité des sols

Page 4: érosion fertilité 2

Dans les zones où le sol est dénudé, lesvents forts emmènent parfois de grandesquantités de sable et d’argile. Celles-cisont déposées dans les bas-fonds (photo3), ou s’accumulent sous forme de dunes(photo 4), dans les lieux où les vents per-dent un peu de force.L’érosion par le vent est souvent moinsspectaculaire que l’érosion par l’eau, maisses effets sont parfois tout aussi graves:déracinement des arbres (photo 5), rem-plissage des bas-fonds, formation dedunes sur les terres agricoles ou les pâtu-rages, entraînement des argiles fines fer-tiles à grande distance.

Érosion par l’eauVoici un torrent d’eau qui s’estconstitué après une forte pluie(photo 6). Si nous prélevons unpeu de cette eau dans une bassi-ne et que nous la laissons reposerdurant quelques minutes, nousverrons qu’elle contient de la terre.

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Le vent déracine parfois les arbres.55

Ensablement des bas-fonds et for-mation de dunes sont les effets lesplus visibles de l'érosion éolienne.

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44

Page 5: érosion fertilité 2

Celle-ci se déposeraau fond de la bassi-ne dans un ordredéterminé: d’abordles plus gros grains,puis les plus fins. Cesont ces grains quidonnent à l’eau sacouleur brune. Aprèsavoir reposé quel-ques heures, l’eauredeviendra trans-parente. Violente,l’eau emportait laterre, calme, elle ladépose au fond dubassin.L’air et l’eau sont les deux agents d’érosion de la terre. Mais ce Carnet estconsacré à la seule érosion par l’eau. On l’appelle aussi érosion hydrique. Unautre Carnet sera consacré à l’érosion par le vent, appelée érosion éolienne.L’érosion est un phénomène naturel. Elle a toujours existé et existera tou-jours. Mais elle a des conséquences graves sur les terres utilisées parl’homme pour cultiver ou pour résider. Là, il ne faut pas lui laisser faire cequ’elle veut. Il faut la domestiquer.

Le ruissellementLe mouvement de l’eau quicoule le long d’une pente estappelé ruissellement. Prenonsune bassine et remplissons-lad’eau. Retenue par les bordsdu récipient, l’eau est calme:rien ne bouge. Si nous pen-chons le bassin, l’eau débor-de et tombe verticalement surle sol, comme n’importe quelobjet. Lorsqu’elle atteint le sol,elle s’étale et cherche sonchemin (photo 7). Très vite,elle le trouve le long de laplus forte pente, à moinsqu’elle ne rencontre une bar-rière (figure 8).

5

Dans les rigoles et les ravines: une eau violentechargée de terre.

L’eau s’écoule toujours le longde la plus forte pente.

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77

Page 6: érosion fertilité 2

Dès que l’eau est en mouvement sur la surface du sol, on dit qu’il y a ruis-sellement. Celui-ci peut être très lent et donc peu violent ou, au contraire,très rapide et donc très agressif pour la terre. Pour connaître l’érosion du sol,on commence donc par observer le ruissellement de l’eau à sa surface, sondébit, sa vitesse et sa force.

6

f bassin

g

h

i

Développement de l'énergie érosive de l'eauFig. 8Fig. 8

énergie érosive nulleénergie érosive développéediffusion de l'énergie dans le sol

terrain en pente terrain plat

l'eau est enfermée dansun bassin

sol

sol

quand l'eau tombe sur le sol, elle y creuseune petite cavité et rebondit

puis elle s'étale en couchemince sur le sol plat

lorsqu'elle trouve des zones de pentes, elle choisitla pente la plus forte et prend de la vitesse; elle seregroupe dans des rigoles et y acquiert de la force.

chute

là où il y a de petites "marches", elle tombeet acquiert un peu plus de force érosive

si une barrière l'enferme, elle seremet en position horizontale

sol

sol

érosion enrigoles ou en

ravinesérosion ennappe

Page 7: érosion fertilité 2

Regardons cette plaine quireluit comme un miroir (photo9). L’eau de la pluie récentes’y est étalée. Elle s’écoulelentement en cou-che fine,un peu comme si on tiraitdoucement un pagne déposésur le sol. Ce type de ruis-sellement est appelé ruissel-lement en nappe.Mais voici que l’eau s’écou-lant en nappe se concentresur un sentier où la pentedevient plus forte. Il y amême une petite marche,après laquelle l’eau tombeverticalement en chute dequelques centimètres (photo10). Elle prend un peu deforce, puis elle suit un sen-tier qu'on appelle rigole. Lavitesse de l’eau dans la rigo-le (et donc sa force) estmoindre qu’à l’endroit de lachute, mais elle est plusgrande que sur la plaine deruissellement en nappe. Al’endroit de la chute, l’eaufrappe le sol et le creuse.

Observer le terroirLa photo 9 nous a montréune plaine de ruissellementen nappe. Si nous obser-vons le terroir après la pluie,lorsqu’il s’est desséché,voilà ce que nous voyons(photo 11): une plaine cou-verte de gravier rouge et desable. Certaines parties plusbasses sont recouvertes desables clairs et d’argiles.

7

L'eau qui s'écoule en nappe finit par se rassemblerà certains endroits. Ce rassemblement està l'origine des rigoles qui, elles-mêmes,

peuvent évoluer en ravines.

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1010

Sur la plaine de ruissellement en nappe,une fine couche de terre est raclée à chaque

écoulement. Le gravier reste sur place.

1111

Page 8: érosion fertilité 2

En descendant le long de lapente, on trouve la “tête” d’unmarigot (photo 12). C’est là quel’érosion en rigoles prend del’ampleur. C’est là aussi quedémarre le ravinement. En effet,l’eau chargée de terre despetites rigoles se rassembledans des rigoles de plus en pluslarges, formant progressivementdes ravines telles que nous envoyons sur les photos 13, 14 et15. La violence de l’eau s’accroîten même temps que le débit.Elle est particulièrement des-tructrice partout où il y a soitdes chutes, soit des virages.

Les photos 13 et 14 sont très parlantes. Dès le prochain hivernage, l’arbre seraabattu par la base, à moins que le vent n’ait fait le travail avant. Quant à laravine de la photo 15, c’est de plus de cinq mètres qu’elle a fait reculer les 8

Quand l'eau s'est accumuléeet qu'elle ruisselle dans lesravines, il est très difficile

de l'arrêter.

C'est à sa "tête" qu'il est le plus efficacede lutter contre la formation de la ravine.

1212

1414

1515

1313

Page 9: érosion fertilité 2

limites du champ de mil. Rien ne l’arrêtera d’ailleurs, au prochain hivernage,dans son travail de sape.Dès à présent, nous pouvons distinguer deux grandes formes de ruissellementet d’érosion, facilement repérables sur le terrain:� le ruissellement en nappe: il a tendance à racler superficiellement le sol

et à le transformer, comme le ferait un balai;� le ruissellement en rigole ou en ravine dont la force concentrée est plu-

tôt comparable à celle d’une daba ou d’une charrue. Il a en effet tendanceà creuser le sol là où le flux d’eau est concentré.

Nous percevons aussiles différences de mou-vements.� Il y a les mouve-

ments lents del’eau étalée ennappe. Cette eaupeut emporter desparticules fines oulégères du sol, maispas les élémentsplus lourds et gros-siers. D’ailleurs, re-gardez les deuxplaines des photos16 et 17. Il y a peude rigoles sur la pre-mière. Les particulesfines du sol ont étéemportées par leruissellement ennappe et les caillouxrouges sont restéssur place. Sur l’autreplaine, le ruisselle-ment en nappe aprogressivementdéshabillé lespierres et lesrochers.Si vous placez des réglettes millimétrées aux endroits où se manifestel’érosion en nappe, vous pourrez peut-être mesurer l’importance du racla-ge annuel du sol. Il peut être de plusieurs millimètres ou centimètres.

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Ces deux plaines sont soumises au ruissellement ennappe. Les particules fines de sable et d'argile s'envont avec l'eau. Les cailloux et les rochers restentsur place. La pierre "pousse" d'année en année.

1717

1616

Page 10: érosion fertilité 2

Voyez, par exemple, le raclaged’une seule année dans unchamp du Burkina Faso, sur laphoto 18.L’eau qui ruisselle en nappe estcomme un voleur qui vous déro-be votre argent sans que vousne vous en rendiez compte.

� Il y a aussi les mouvementsdéchaînés de l’eau qui chuteou qui se précipite dans lesrigoles ou les ravines. Cette eauest agressive comme un brigandqui frappe. Ce qu’il faut faire

pour l’arrêter exige une forceplus grande que celle qu’ellecontient en se précipitant.Voyez cette ravine (photo 19).A l'arrière, l’eau est calme.Mais au moment où elletombe à l’endroit de la cas-sure du terrain, elle creusedes galeries (photo 20), ellefait s’effondrer la terre et ellel’emporte. Après le passagede l’eau, on peut voir que lacassure s’est déplacée versle haut de la pente. Il estpossible de mesurer ce reculen plaçant deux piquets àhauteur de la chute sur lebord de la ravine. Ce phéno-mène est appelé érosionrécurrente, c’est-à-dire: éro-sion qui fait reculer la tête dela ravine.

Remarquons que les grandesdestructions dues au ruisselle-ment sont observables là oùl’eau passe avec force et engrande quantité. Là où elle estdivisée et peu organisée, elleprésente moins de danger. 10

2020

1919

En une année, l'eau de ruissellement a racléprès de 10 centimètres de sol ameubli par

les travaux de culture.

1818

Partout où l’eau chute, il y a des dégâtsconsidérables.

Page 11: érosion fertilité 2

La battance des pluies

Qu’est-ce que la battance?Il n’y a pas que le ruissellement de l’eau qui déplace les matériaux du sol. Il ya aussi ce qu’on appelle le splash ou la battance, c’est-à-dire la rencontre bru-tale des gouttes de pluie avec le sol (photo 21).Dans la série des trois photos ci-contre, la première montre un solgrumeleux (photo 22) comprenantdu gravier, du sable, de l’argile etdes matières organiques. La pré-sence de cailloux est à peinevisible. La seconde montre l’im-pact d’un filet d’eau (photo 23). Onvoit l’eau qui rebondit sur le sol.La troisième photo (photo 24)montre ce qu’on observe quandl’eau s’est arrêtée de tomber:

� une petite butte circulaire;� des graviers mis à nu;� un peu d’argile fine accumulée

au fond du trou;� des colloïdes et de l’argile dis-

séminés autour du trou.

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2222

2121 2323

2424

butte

graviers

argile colloïdes

Le splash: un processus dedésagrégation du sol et de trides éléments qui le composent.

Page 12: érosion fertilité 2

Les colloïdes sont des matières très fines se présentant sous forme de mous-se, comme de la mousse de savon. Nous remarquons donc qu’en tombantsur le sol, l’eau a trié les matériaux. Le sol est transformé par le choc de l’eau.Revenons à la pluie. Chaque goutte d’eau qui tombe sur le sol agit comme notrejet tombant à terre: elle frappe, elle trie, elle aplanit, elle tente de s’écouler.L’effet d’une seule goutte est évidemment moins important que celui du jetmassif. Mais les gouttes de pluie sont très nombreuses et leurs effets s’addi-tionnent sur toute la superficie frappée par la pluie.

Nous allons voir plus en détail leseffets du splash. Retenons déjàque ses effets les plus gravessont de transformer le sol et dele préparer à être emporté parl’eau de ruissellement. Pour nousen convaincre d’ailleurs, faisonsl’expérience de la photo 25, sur unsol déjà battu par la pluie.Binons-le, comme dans la partiegauche de la photo. Le binageconsiste à rompre la couchesuperficielle du sol et à constituerdes mottes. Après quelquesfortes pluies, ces mottes serontdétruites et le sol sera à nouveauaplati et colmaté.

Il y a plusieurs effets directs et indirects de la battance. Certains se produisentà petite échelle, d’autres à grande échelle.

Les effets de la battance à petite échelleObservons un sol bien fumé. Toutes sortes d’éléments y sont mélangés: sable,argile, humus, déchets végétaux et animaux. Ce sol est comme un plat de milmélangé avec une sauce de légumes et de poissons finement hachés. Il formedes grumeaux .

La battance provoque le colmatage de la couche superficielle du solDans un sol grumeleux (photo 26), il y a de l’espace entre les grains assem-blés en mottes. L’air et l’eau peuvent y circuler facilement et, surtout, lesracines des plantes peuvent se faufiler sans peine, ce qui n’est pas le casdans un sol tassé.Mais, après la chute des innombrables gouttes de pluie, les grumeaux du solsont rompus. Les éléments qui les constituaient sont séparés. Ce sol estcomme aplati, surtout s'il contient beaucoup d'argile (photo 27).

12

Le binage est favorable à l'infiltrationde l'eau de pluie. Mais ses effets

sont rapidement contrariéspar la battance des pluies.

2525

sol battu

sol biné

Page 13: érosion fertilité 2

Lorsque, avec force, l’eau a cassé les grumeaux de sol et trié les éléments,elle continue son travail. Elle cherche à s’infiltrer dans les interstices du sol.Mais là, elle est forcée de déposer les grains qu’elle entraîne. Les intersticeset les pores du sol se bouchent en fait comme un tuyau d’évacuation danslequel on veut faire passer de tropgros débris.On pourrait penser qu’au momentd’une pluie, l’eau pourra s’infiltrerdans les fentes. Mais, en fait, il n’enest rien: très vite, les fentes vont êtreremplies d’argile fine et seront com-plètement bouchées ou colmatées.En outre, l’argile va gonfler en absor-bant de l’eau et les fentes disparaî-tront totalement.La photo 28 nous montre le colmata-ge. Une couche d’argile de quelquesmillimètres d’épaisseur s’est forméesuite à la battance des pluies succes-sives. Elle a séché au soleil et, avecun couteau, nous l’avons soulevée.Lorsqu’il fait sec, c’est une croûtedure, mais elle colle aux doigts lors-qu’il fait humide. On l’appelle couchede battance ou pellicule de battanceparce qu’elle a été créée par la bat-tance de la pluie.

13

27272626 La structure d’un sol grumeleux est aérée et favorable à l'infiltration de l'eauet à la pénétration des racines (photo 26). Un sol argileux, battu par la pluie,

est rendu imperméable à l'air et à l'eau (photo 27).

Cette couche d'argile très fineforme une carapace imperméable

à la surface du sol.

2828

Page 14: érosion fertilité 2

La battance est à l'origine du ruissellementComme l’eau de pluie ne peut traverser facilement la couche de battance col-matée, elle se met à couler le long de la pente la plus forte en entraînant avecelle un peu d’argile qu’elle vient de détacher du sol.S’il s’agit d’un champ, on peut dire que l’eau qui ruisselle plutôt que de s’infil-trer est perdue pour le cultivateur et pour son sous-sol. La formation d'unecouche de battance est donc une cause de sécheresse. Mais ce n’est pas laseule perte due au colmatage. En ruisselant, l’eau entraîne avec elle des par-ticules très fines qui sont les plus riches du point de vue de l’alimentation desplantes. Outre la perte d’eau, il y a donc une perte de fertilité.Supposons qu’une bonne pluie, de 30 millimètres par exemple, s’abatte sur lasurface de la photo 27. Elle n’arrivera pas à percer rapidement la pellicule debattance et se mettra à ruisseler selon la pente. Une pluie de 30 millimètreséquivaut à 30 litres par mètre carré, soit près de 3 seaux d’eau de 10 litres.Sur un terrain d’un are, (10 mètres sur 10), ce sont 3.000 litres d’eau qui semettront à ruisseler: 15 barriques pleines! Quelle perte!

Les effets de la battance à grande échelleA grande échelle, regardons aussi ce que peut provoquer la battance despluies, par exemple sur la photo 29. A gauche, nous voyons la plaine battue etla photo 30 montre en détail comment se présente le sol dans cette partie: duret imperméable. Dans le haut de la plaine de ruissellement, la nappe d’eauétait assez mince, mais plus bas, elle s’épaissit avec l'accumulation de nouvellesgouttes de pluie. Son poids et sa vitesse croissants ont brusquement brisé lacouche imperméable. Une sorte de “marche” s’est créée qu’on peut voir sur lesphotos 29 et 30. A cet endroit, l’eau chute de quelques centimètres. Elle creu-se et elle fait reculer la marche par érosion récurrente.

14

Le ruissellement en nappe d'eau épaisse a brusquement brisé la surfacede la plaine d'érosion.

2929 3030

Page 15: érosion fertilité 2

L’eau fuit, le sol se dessècheUne autre conséquence de la battance et du colmatage des pores du sol estson dessèchement. Comme l’eau quitte la parcelle battue, elle ne va alimen-ter ni les racines, ni les puits.D’ailleurs, regardons les photos 31 et 32. Ce sont deux petites coupes verti-cales dans des terrains voisins mais différents. Elles ont été faites une demi-heure après une pluie. Laphoto 31 montre commentl’eau s’est infiltrée sous unpaillage. Celui-ci empêchele colmatage du sol etfavorise l’infiltration. L’eaua pénétré jusqu’à environ15 centimètres de profon-deur. On voit aussi que,plus bas, le sol a gardél’humidité des pluies pré-cédentes.Sur la coupe effectuéedans la parcelle battue(photo 32), on n’a pas dûcreuser beaucoup pourrencontrer le sol sec. 4 ou5 centimètres ont suffi.Dans cette couche sèche,il n’y a aucune réserved’humidité provenant despluies précédentes.Ce qui se passera aprèsla pluie est importantaussi. Les rayons du soleilvont frapper le sol nu.Très vite, le peu d’eau setrouvant dans la couchehumectée sera évaporée.C’est dire que la pluietombée peut être considé-rée comme entièrementperdue pour la couchearable.

15

Sous la paille, l'eau de pluie s'est infiltréerapidement.

Là où se trouve la couche de battance,l'eau a ruisselé plutôt que de s'infiltrer.

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3232

Page 16: érosion fertilité 2

16

p

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Fig. 33Fig. 33 La battance des pluiescrée des difficultéspour les semences

lorsqu’il pleutpar temps de pluie, le battagecolmate la fine couche superfi-cielle du sol

les semences aussi sont battues parles gouttes de pluie, et entraînéespar l'eau qui ruisselle

graines

infiltration faiblesol sec

sous la couche de battance, il y a peud'infiltration et le sol reste sec

sol battu

Sous la paille, par contre, lesrayons solaires ne frapperont pasle sol. L’évaporation y sera beau-coup moins importante et l’eaupourra continuer son chemin versles couches un peu plus pro-fondes.

Et les semences?Pour germer, les semences doi-vent pouvoir se fixer dans unendroit calme, trouver de l’eau etenfoncer leurs petites racines dansle sol. Certaines semences,comme celles du haricot ou del’arachide, doivent extraire leurscotylédons de la terre et lesdéplier à l’air libre.Sur les terrains battus par la pluieet le soleil, ce travail des semen-ces est très compromis.Si elles se trouvent déposées à lasurface du sol, les semences sontsoumises à la battance des pluies:elles sont projetées en tous sens,elles sont écrasées ou abîmées,elles sont déplacées par l’eau quiruisselle.Après la germination des semen-ces sous la couche de battancedurcie par le soleil, les jeunestiges vont épuiser leurs forces àessayer de la percer. Les jeunesracines, elles, ne rencontrent quedu sol sec (figure 33).

Retenons de ceci quesur un sol nu, pluie et soleils’entendent à merveille pour

transformer la couchesuperficielle du sol en croûteimperméable. Ce sont donc

les réserves d’eau du sol quisont compromises par

la battance.

lorsqu’il fait chaud et sec

soleil

le soleil et le vent dessèchent lacouche battue et la durcissent

sol battu

grainesgermantes

sol sec

les graines se trouvant sous lacouche de battance ont des difficul-tés à se développer car elles man-quent d'eau et elles n'ont pas assezde force en elles pour briser lacouche endurcie

Page 17: érosion fertilité 2

Un sol battu est donc toujours un milieu défavorable au développement dejeunes plantes. Si on veut y semer, il faut nécessairement le briser et le percerpar des moyens mécaniques ou biologiques. Les termites sont l’un de cesmoyens biologiques. Sur les photos 34 et 35, on voit le travail des termites quisont venus ronger la bouse de vache et les brins d’herbes déposés là. En des-sous de la bouse, on voit les galeries qu’ils ont creusées dans le sol. Ce sontautant de passages par lesquels l’eau s’infiltre plutôt que de ruisseler. Souvent,au travail des termites, succède celui des racines. Les plantes herbacées et lesarbres sont aussi des alliés très efficaces dans la lutte contre le ruissellementet l'érosion, et pour l'infiltration de l'eau (photo 36). Leurs racines percent le solet favorisent l'infiltration.

Saisons et périodes de battanceLa battance des pluies se fait en hivernage, direz-vous. Vous n’avez pas tort!Mais il y a des moments où ses effets se font plus fortement sentir qu’à d’autres.Les premières tornades de la saison sont extrêmement dangereuses. Elless’attaquent à la terre avec brutalité. A cette période, les champs sont nus. Rienne recouvre le sol. Pus tard dans la saison, l’intensité des pluies diminue et lavégétation cultivée ou adventice offre une couverture protectrice.

17

Les termites sont des êtres fortutiles pour la lutte contre l’érosion(34, 35). Faites-les travailler àvotre avantage, de même que lesplantes herbacées, arbustives ou

arborescentes (36).

3434

3535

3636

Page 18: érosion fertilité 2

Une expériencedémonstrative

Oumar et Philémonfont ensemble uneexpérience, chacunmuni d’un arrosoir avecune “pomme” (photo37). Ils simulent lapluie. Le terrain deOumar est tout nu,comme celui de laphoto 29. Celui de Phi-lémon est couvert dedébris végétaux et ani-maux: feuilles mortes,branchettes, excré-ments. Chez Oumar,les gouttes frappentdirectement le sol, lecolmatent, et ruissellenten grande partie. ChezPhilémon, les gouttesfrappent la litière defeuilles et de paillespuis s’écoulent sansforce sur la surface duterrain. Elles trouvent às’infiltrer. Pratiquementaucune goutte ne quit-te le terrain de Philé-mon, alors qu’une rigo-le s’est formée à partirde celui de Oumar.La même expériencepeut être faite sous lecouvert des arbres, surun terrain brûlé ou surtout autre type de ter-rain. Dans chaque cas,les effets observéssont différents (photos38 et 39).

Sur un terrain laissé à nu par le feu,l'eau de ruissellement emporte très facilement

les cendres.

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Page 19: érosion fertilité 2

Peut-on éviter la battance dans les champs?Destruction des grumeaux du sol, colmatage et imperméabilisation des pre-miers millimètres, gêne importante pour les semences, assèchement du solet du sous-sol, voilà les effets de la battance de la pluie.Dans les champs, on ne peut pas éviter la battance, surtout lorsque les cul-tures exigent un sol bien nettoyé. Mais ce qui est important, c’est d’éviterqu’elle ne se manifeste sur des grandes surfaces. Il faut créer la discontinui-té. Veiller à ce que l’eau de pluie qui frappe à un endroit se trouve piégée rapi-dement dans un autre endroit proche. Éviter que l’eau ne trouve à la surfa-ce de la terre des chemins tout faits où elle peut prendre du volume et de lavitesse.Paillage, labour, buttage, semis en poquets, couvert arboré, bandes d’herbesou haies, fumures organiques, etc. sont autant de moyens d’éviter que leseffets de la battance prennent une dimension inquiétante.Organiser la végétation, c’est aussi un moyen très efficace pour lutter contreles effets de la battance: disposer des arbres dans les champs, ou encoreassocier des plantes complémentaires.

Matériaux en déplacementDans l’eau qui ruisselle le long d’une pente, il y a plusieurs types de maté-riaux. Certains sont visibles, d’autres ne le sont pas. Certains sont très finset légers, d’autres sont lourds. Il y en a qui s’allient intimement avec l’eau ous’y dissolvent, alors que d’autres flottent malgré leur grande dimension.

Les fractions du solChaque fraction du sol va êtreemportée différemment par l’eauqui ruisselle. C’est un point qui abeaucoup d’importance dans ladégradation de la fertilité par l’éro-sion hydrique.Nous savons que le sol estconstitué de plusieurs types d’élé-ments et que la battance desgouttes de pluie trie ces éléments.Nous pouvons aussi trier le sol,comme l’a fait cet homme (photo40). Dans une bouteille transpa-rente, il a mis quelques poignéesde terre, prélevée d’un champ,

19

Bien secouer l’échantillon de sol dans l'eau,afin d'en observer les éléments constitutifs.

4040

Page 20: érosion fertilité 2

20

jusqu’à la remplir au tiers de sa hauteur. Il a ajouté de l’eau claire presque jusqu’ausommet. Il a agité très fortement durant plusieurs minutes, en pensant à la dernièreforte pluie ayant battu son champ... En secouant, il provoque la destruction des gru-meaux de sol. Les différentes sortes de grains sont décollés. Le “ciment” qui les col-lait ensemble est dilué dans l’eau.Ensuite, il a laissé reposer la bouteille durant quelques heures. Les matériaux agitésdans l’eau et décollés les uns des autres se sont déposés en couches successives,

Tri des matériaux du sol dans la bouteilleTabl. 41Tabl. 41

grossiers

extrêmement fine,quasi impalpable,légèrementcollanteles particules sontextrêmement fines

les particules sonttrès finesparticules trèsfines

particules plusgrosses

grossiers

ultra fins etinvisibles

légers

légère

elles ontpresque lemême poidsque l’eauplus lourdesque l’eauplus lourdesque l’eau etl’argile

lourdes

lourds

ils flottent

elle flotte

elles sont“suspendues”dans l’eau

elles tombentlentementelles tombentplus vite quel’argile et moinsvite que lesableelles tombentrapidement aufond

ils tombent lespremiers aufondils se dissolventdans l’eau

quelques déchetsde feuilles, bois,fumier animalune mousse blan-châtre formée dematières appeléescolloïdesde l’argile trèsfine qui troublela transparencede l’eauun dépôt d’argilebruneune couched’humus noire

une couche desable et de limon

des graviers

des sels minéraux

genre dematériaux grosseur poids comportement

Page 21: érosion fertilité 2

les unes plus claires ou plus rouges, les autres plus foncées ou noires. L’eaun’est pas tout à fait claire, elle contient un peu d’argile très fine. C’est commel’air de la photo 2, après une tempête de sable: le vent s’est arrêté, mais leciel est jaunâtre, car lui aussi contient un peu d’argile très fine. L’air et l’eausont donc capables l’un et l’autre de “suspendre” des particules très fines dusol.Observons le mélange dans la bouteille. Au sommet, il y a deux matériaux par-ticuliers qui flottent: des petits déchets de feuilles ou de fumier animal pluslégers que l’eau et aussi une sorte de mousse blanchâtre. Les gens l’appellent“savon”, car cela ressemble à une mousse savonneuse. Nous disons que cesont des colloïdes. Ce sont des substances ressemblant un peu à de la colle.Le tableau 41 nous indique ce qu’on trouve dans la bouteille en allant du som-met vers le fond: des déchets flottants, des colloïdes, des argiles plus ou moinsfines, de l'humus, du sable, des graviers et des sels minéraux dissous.La proportion entre les éléments diffère d’un sol à l’autre. Certains sont plussableux, d’autres plus argileux. Le plus souvent, le sol est composé d’un mélan-ge intime de toutes sortes de matériaux non vivants et vivants.Chacun des éléments triés joue un rôle important dans la fertilité du sol, maisseuls ceux qui sont dissous dans l’eau, et qui sont donc invisibles, nourrissentles plantes.Voici les racines d’un oignon (photo 42). Sivous les fendez, vous n’y trouverez ni sable,ni argile, ni humus. Elles diffèrent donc tota-lement des vers de terre dont l’estomac estrempli de terre fine. Les racines de l’oignonn’ont pris dans le sol que les sels minérauxdissous dans l’eau et qui ont traversé leurpeau. Après transformation, ces sels ontservi à fabriquer le corps de l’oignon. Si cetoignon meurt et pourrit, les sels qu’il contientretourneront dans la terre.Le ver de terre, lui, avale la terre. Il la filtredans son intestin et la rejette ensuite. Sachair aussi est faite en bonne partie deminéraux et d'autres substances qui traver-sent la paroi de l’intestin. Lorsqu’il meurt, ilrend ces minéraux et ces substances au sol.C’est donc dire que la chair, qu’elle soitvégétale ou animale, ne se développe quesi elle peut capter des minéraux.Mais d’où sortent-ils ces sels minéraux?

21

Les racines se nourrissent de selsminéraux dissous dans l'eau du sol.

4242

Page 22: érosion fertilité 2

Argile, sable et matières organiques:réserves de sels minéraux nutritifs

Dans le sol, les plantes se nourrissent principalement de sels minéraux dis-sous dans l’eau. Un sol est fertile s’il est capable de fournir lui-même à l’eauqui y circule des sels minéraux utiles aux plantes cultivées. Ce sont les maté-riaux constituant le sol qui peuvent “céder” ces sels à l’eau. Mais tous nepeuvent pas le faire de la même façon. La photo 43 nous montre comment seprésentent les matériaux: le sable qui s’écoule entre les doigts, l’argile qui ycolle, et la matière organique. On voit aussi, dans le coin en haut à droite, unsol mélangé.

Les grains de sable retien-nent mal l’eau et lui cèdentpeu de sels nutritifs. Unepoignée de sable est légè-re. L’argile, par contre, peutabsorber beaucoup d’eau etde sels. Une poignée d’argi-le humide est lourde. Ellepeut céder beaucoup deminéraux aux racines desplantes. Les débris végé-taux et animaux sont égale-ment capables de retenir del’eau et des sels, surtoutlorsqu'ils ont commencé àpourrir. Ils en retiennentmoins que l’argile, et plusque le sable. Ils sont légers.

Procédons à un petite comparaison. Prenons deux filtres. Nous remplissonsle premier avec un mélange de grains entiers de sorgho, de maïs, de mil, deharicot, de pois ou d’autres. Le second est rempli de farine de manioc, demaïs, de froment ou d’une autre farine. Disposons les filtres sur des cale-basses.Prenons aussi une bouteille remplie d’eau et ajoutons-y un peu de sel qui vas’y diluer. Versons l’eau sur le filtre rempli de grains. La quantité recueilliesous le filtre sera presque équivalente à la quantité versée.Remplissons à nouveau notre bouteille avec de l’eau salée et versons-la surla farine. Ce sera lent, car la farine va absorber l’eau en elle. Peut-être quela bouteille sera vide avant que du liquide n’ait coulé sous le filtre. La farinea donc une forte capacité de retenir l’eau en elle, ce qui n’est pas le cas desgrains. Mais en même temps qu’elle a retenu l’eau, elle a gardé le sel qui yétait dissous.

22

Différentes compositions du sol

4343

sable sol mélangé

argile matière organique

Page 23: érosion fertilité 2

23

La même expérience peut être faite avec les matériaux du sol: gravier, sable,argile, fumier végétal ou animal ou des mélanges de tout cela (figure 44).Chaque matériau a sa capacité propre de retenir l’eau avec les sels minérauxqui y sont dissous et aussi chaque mélange de matériaux. Chacun a aussisa capacité de fixer les sels à sa surface.Un sol fertile est d’abord un sol qui contient des minéraux nourrissant lesplantes. Il est donc normal qu’un sol argileux soit souvent plus riche qu’un solsableux. Du moins en règle générale, car il y a des exceptions.Nous pouvons d’ailleurs poursuivre la comparaison. La farine, elle, peutabsorber beaucoup d’eau et de sel, contrairement aux grains. Mais le mélan-ge des deux types d’éléments (farine et grains) aurait un comportementdifférent. Sa capacité de retenir l’eau serait inférieure à celle de la farine pure,mais supérieure à celle des grains.Nous-mêmes, nous apprécions plus un plat composé d’un mélange de fari-ne, de grains entiers et pilés, de légumes, de viande et de sauce, qu’uneboule composée uniquement de farine.Les plantes sont pareilles. Le plus souvent, elles apprécient plus les solscomposés d’un mélange de matériaux que les sols dont la composition estlimitée à un seul de ces matériaux.

p p

Fig. 44Fig. 44 Le sable et l'argile n'absorbent pas l'eaude la même façon

l'argile absorbebeaucoup d'eauet la retient

eau depercolation récipients recueillant l’eau

qui traverse le filtre

filtre remplid'argile

filtre remplide sable

le sable laissepasser l'eau;il en retient peudans sa masse.

eau

les grains d'argile sontconstitués de lamellescomparables aux feuillesd'un livre; l'eau s'infiltreentre les feuillets.

les grains de sable sontcompacts comme descailloux; l'eau se colle àleur surface mais elle n'ypénètre pas.

Page 24: érosion fertilité 2

Le vagabondage des éléments fertilesNous avons vu comment les éléments fertiles sont arrachés au sol battu par lapluie et comment l’eau s’écoule en nappe, en rigoles ou en ravines. En suivantl’eau sur son chemin, il n’est pas bien difficile de voir où elle va et où elle dépo-se les matériaux qu’elle transporte. Constatons deux extrêmes:� l’eau qui coule vite et violemment arrache la terre, la trie et l’emporte au

loin;� l’eau qui stagne n’a plus aucune énergie pour transporter des matériaux;

elle les laisse se déposer.� Les sels minéraux dissous dans l’eau qui ruisselle partent avec elle. On

les retrouve dans les rivières, les fleuves et la mer. C’est d’ailleurs pourcela que l’eau des océans est salée.

� Les sels qui sont contenus dans les grains d’argile voyagent dans cesgrains. Ils sont emportés au gré de l’eau jusqu’à ce que l’argile trouveun endroit où se déposer. Ceci se passe généralement dans les bas-fonds, là où l’eau de ruissellement se calme. C’est cela qui expliqueque les sols des bas-fonds soient souvent plus fertiles que les sols deplateaux.

� Il en va de même pour les débris végétaux et animaux ou les colloïdes(mousses). Les sels qu’ils contiennent s’immobilisent là où les maté-riaux sont déposés.

Le voyage des minérauxTous les matériaux composant le sol contiennent en eux des minéraux qui peu-vent être dissous dans l’eau. Certains en contiennent cependant beaucoup plusque d’autres: les argiles et les déchets de la matière vivante en contiennentplus que le sable et les graviers.Quand le sol est sec, les minéraux sont fixés àla surface ou à l’intérieur des grains. Mais dèsqu’il y a de l’eau, elle dissout une partie de cesminéraux. Cette dissolution a deux consé-quences:� les sels dissous se mettent à voyager avec

l’eau, à la surface du sol ou vers sescouches profondes;

� ils peuvent être puisés par les racines des plantes.Revenons à la bouteille (photo 40). En secouant dans l'eau la poignée de solqui s'y trouve, notre homme a aussi fait un tri selon la fertilité: les graviers etle sable peu fertiles sont au fond; les déchets organiques et les colloïdes flot-tent; les argiles très fines sont suspendues dans l’eau et des sels sont dissous.

24

Retenons que le voyagedes minéraux commenceau moment même où lapluie frappe le sol. C’està ce moment précis que

l’érosion commence àdégrader la fertilité

de la terre.

Page 25: érosion fertilité 2

25

Si maintenant, il penche la bouteille, le contenu va se déverser. Les premierséléments qui sortent, outre l’eau contenant les sels minéraux, sont les débrisde feuilles et les colloïdes mousseux qui flottent. Ensuite ce sont les argilesfines restées suspendues dans l’eau. Les éléments les plus fertiles ont donc

quitté la bouteille penchée en pre-mier lieu, suivis des argiles pluslourdes et de l’humus noirâtre. Lesable et les cailloux restent au fond.C’est la même chose qui se passe àl’endroit où les gouttes de pluie frap-pent violemment le sol:� le sol a été secoué par l’eau;� ses grumeaux ont été détruits;� les éléments se sont décollés;� ils se sont ensuite déposés en

commençant par les plus gros etles plus lourds. Certains sontrestés en suspension dans l’eau,d’autres ont flotté;

� puis ils se sont mis à voyageravec le flux d’eau et se sontéloignés. Par exemple, on voitsur la photo 45 de l’argile entrain de voyager avec l’eaud’une rigole. Voilà donc unepartie fertile du sol qui s’en va.

La fuite des colloïdesSur cette maquette qui représenteun champ labouré, on a simulé lapluie au moyen d’un arrosoir (photo46). L’eau s’est accumulée dans lafosse, au bas de la petite parcelle.Nous voyons qu’elle a entraînéavec elle un peu de colloïdes for-mant de la mousse blanche. Lasurface de la parcelle soumise à lapluie a donc été appauvrie en col-loïdes qui sont des éléments ferti-lisants importants. Regardez sur laphoto 47 l’importance que cela peutprendre à l’échelle d’un terroir.

Dès qu’ils sont en suspension dans l’eau deruissellement, les argiles fines sont capables

de voyager très loin.

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4646

4747

Page 26: érosion fertilité 2

Beaucoup de colloïdes ont quitté les terreshautes, en même temps que des matièresorganiques, pour s’accumuler dans le bas-fond.

Le ruissellement et les semencesIci, nous voyons des semences de graminéesfourragères déposées sur le sol (photo 48).Elles peuvent flotter ou être poussées par levent. C’est de cette façon que la nature les afabriquées.Si l’eau se met à ruisseler à cet endroit, elleemportera ces semences qui iront s’accumulerdans un bas-fond. Le terrain restera nu.

Les facteurs qui renforcentl’érosion par l’eauLe feu et l’érosion

Les plantes puisent des sels minéraux dansle sol et elles les incluent dans leur corps.Lorsqu’on brûle les plantes, ces sels seretrouvent à la surface du sol sous forme decendres. On connaît la valeur fertilisante descendres. On l’observe par exemple dans lechamp de la photo 49. La croissance de l’ara-chide est nettement meilleure à l’endroit où ona brûlé des branchages.

Mais les cendres sont légères.Elles sont facilement empor-tées par le vent et par l’eau.Une forte pluie tombant surune parcelle brulée peut êtreune très mauvaise affaire pourla fertilité du sol. Tous lesminéraux accumulés dans lapartie aérienne des plantes

26

Le feu a libéré les selsminéraux contenus dans un

arbre. Ceux-ci nourrissent lesplants d’arachide. Mais après?

4949

Après le feu, la terre devient très sensibleà l'érosion.

Le ruissellement de l'eau de pluieentraînera ces semences, surtout

si elles ne trouvent pasà s’accrocher au sol battu.

4848

5050

Page 27: érosion fertilité 2

durant une ou plusieurs années peuvent être entraînés à distance de la parcellebrûlée en quelques heures (photo 50).

Pâturage et érosionLes animaux d’élevage provoquent-ils l’érosion? La réponse à cette question sus-cite souvent des disputes entre les éleveurs et les défenseurs de l’environnement.Il est vrai qu’une certaine façon de pratiquer l’élevage engendre l’érosion.Voyons la photo 51. Le surpâturage par les chèvres et les moutons a créé uneplaine d’érosion très vaste sur laquelle presque plus rien ne pousse. Seulsquelques buissons épineux subsistent (photo 52). Si on observe la petite butte deterre présente à leurs pieds, on peut estimer l’épaisseur de la couche de sol dis-parue à cause de l’érosion. Si nous nous rappelons l’importance de la couverture

27

Les effets du surpâturage: un sol dénudé soumis à toutes les attaques du climat.Au pied des épineux surbroutés, on constate que le niveau du sol s’est abaissé

de près de 20 centimètres.

Il ne suffit pas d’attacher la chèvre pourqu’elle cesse de détruire la végétation!

5353

52525151

Les sentiers du bétail sont aussiles sentiers suivis par l’eau qui ruisselle.

5454

Page 28: érosion fertilité 2

végétale pour la protection des sols érodables, on doit admettre que d’atta-cher les animaux aux rares buissons qui subsistent encore sur une plainen’est pas la meilleure des actions, même s’il s’agit de lutter contre la divagation!(photo 53).Regardons ces sentiers en pente légère créés par le passage régulier des trou-peaux qui vont s’abreuver dans la mare (photo 54). La terre y est ameubliepar les sabots des animaux. Lorsqu’il pleut, l’eau emprunte les mêmes sen-tiers et entraîne avec elle, vers la mare, la terre ameublie. Des ravines peu-vent remplacer les sentiers, comme on le voit à droite de la photo.Mal conduits, les troupeauxpeuvent être une grande caused’érosion. Mais on peut penserqu’une gestion des troupeauxbien conduite pourrait se faireau bénéfice de l’environne-ment.Les effets de la battance, dusurpâturage, du piétinement,des feux et des labours seconjugent donc pour créer lesvastes plaines d’érosion tellesque celle de photo 55.

Percolation et lessivage du solLe ruissellement de l'eau n’est pas le seul à emporter les minéraux hors dela couche arable des champs. Il y a aussi la percolation. Percoler, cela veutdire couler à travers quelque chose.Quand nous avons versé l’eau salée de la bouteille sur le filtre contenant desgrains de sable (figure 44), nous l’avons vue percoler et s’écouler dans lacalebasse à travers les espaces vides se trouvant entre les grains accumu-lés. C’est cela la percolation.L’eau qui percole entraîne avec elle ce qu’elle peut, qu’il s’agisse des selsminéraux, des colloïdes ou des grains d’argile très fins. On dit qu’elle laveou qu’elle lessive la couche de sol traversée. Le lessivage appauvrit lescouches supérieures du sol et enrichit les couches profondes.L’eau infiltrée qui percole finit par déposer les grains d’argile, les minéraux etles colloïdes à quelques centimètres ou mètres de profondeur. Les puisatierspeuvent le confirmer puisque, en creusant, ils rencontrent des couches deplus en plus argileuses. Parfois même, ils trouvent que l’eau est salée aufond du trou.

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5555Naissance d'une clairière et d'une plaine

d'érosion en nappe.

Page 29: érosion fertilité 2

Sur la photo 56, nous voyonsl’argile jaune disposée autourdu puits. Elle a été prise àquelques mètres de profon-deur. Le puisatier a ramenéà la surface l’argile que l’eaude percolation a entraînéeen profondeur au cours desmillénaires. Cette argile estriche en eau et en sels.Mais regardons cette coupedans le sol (photo 57). Nouspouvons y distinguer plu-sieurs couches. Tout au-des-sus, c’est la couche occupée

par les racines du maïs; elle est de cou-leur rouge. En dessous, on voit unecouche noire. La couleur noire provient dematières telles que les cendres ou l’humusqui ont été transportées de haut en baspar l’eau de percolation. Sous la couchenoire, on trouve encore un autre type desol, très argileux.L’observation du sol en coupe est intéres-sante car elle permet de se rendre comp-te des couches superficielles ou profondesdans lesquelles s’accumulent les minérauxarrachés par l’eau dans les couchesarables.Ici, nous voyons que la couche noirâtre,plus riche, est accessible aux racines dumaïs. Mais parfois, l’accumulation desminéraux lessivés se fait beaucoup plusbas. Seuls les arbres ou les plantes ayantdes racines très longues peuvent alorsexploiter la fertilité du sous-sol.

Que faire pour garder la fertilité chez soi?C’est l’observation de la nature qui peut nous renseigner sur ce qu’il faut fairepour lutter contre l’érosion. Et c’est la pratique qui renseigne sur la bonnefaçon de faire.

29

En creusant le puits, le puisatier a rencontréle dépôt d'argile fine accumulée en profondeur

par l'eau de percolation.

Sels minéraux, cendres fines ethumus se sont accumulés à environ

1,2 mètre de profondeur.

5656

5757

Page 30: érosion fertilité 2

Les techniques de lutte antiérosive sont nombreuses et doivent être adaptéesà chaque terrain et à chaque climat. Nous n’allons pas les détailler ici, mais ily a quelques grands principes que nous pouvons apprendre de la nature. Énu-mérons-les:� éviter que la pluie ne frappe directement le sol, c’est-à-dire, éviter la bat-

tance sur les sols nus, en particulier durant les périodes où les pluies sontles plus violentes;

� éviter que l’eau ne prenne de la vitesse dans les rigoles et les ravines;� aider l’eau à s’accumuler par endroit et à s’infiltrer;� filtrer l’eau qui ruisselle par toutes sortes de moyens mécaniques ou végé-

taux à petite et à grande échelle;� entretenir correctement les sols mis en culture, en particulier en les fumant

avec des matières organiques végétales ou animales;� favoriser la porosité du sol par toutes sortes de moyens, surtout là où les

pluies sont peu abondantes;� piéger l'eau en créant toutes sortes d'aspérités à la surface du sol.Tous ces principes ne peuvent pas être appliqués en même temps à chaqueendroit. L’agriculteur doit en effet pouvoir dégager la terre pour la culture. Maisils peuvent s’appliquer tous, sur chaque champ, sur chaque terroir, sur chaquebassin versant. La lutte contre l’érosion exige souvent une organisation col-lective. Il n’est pas rare, en effet, que la réalisation de certains travaux antiérosifssur un champ augmente l’érosion sur le champ voisin. Il est donc nécessaireque les propriétaires ou utilisateurs des terres se concertent pour la lutte.

Lutter contre le ruissellement et l’érosionVoici quelques images delutte antiérosive. Ellessont des exemples del’application des principesénoncés.� Créer des aspérités:

une simple diguetteest capable d’arrêterles éléments fertilesentraînés par l’eau deruissellement (photo58). Une banded’herbe a le mêmeeffet. L’installation debandes herbeuses

30

5858Une simple diguette en terre retient les éléments du

sol emportés par l’eau de ruissellement.

Page 31: érosion fertilité 2

dans les champs d’arachiden’empêche pas la battancede la pluie sur le sol, maisévite que les éléments fer-tiles quittent les parcelles(photos 59 et 61). Les haiesd’arbustes serrés ont lemême effet (photo 60).

� L’utilisation de branchages et des paillesest efficace pour freiner le ruissellement etl’érosion, tant sur les terres en pente quedans les bas-fonds (photos 62 et 63).

31

5959

Pour être efficace, la haie doitêtre très dense à sa base.

6060

Les barrières végétales d’herbes oud’arbustres sont ce qu’il y a de plus efficace.

Utiliser des branchages pourlutter contre le ruissellement

dans les bas-fonds.

6262

Accumuler les pailles lors de l'entretiendes champs.

6363

6161

Page 32: érosion fertilité 2

Sur la photo 62, nous voyons une ligne de branchages accumulés dans unbas-fond, formant une sorte de barrage filtrant. A la photo 63, nous voyons uneligne de pailles accumulées en courbe de niveau sur une parcelle en fortepente. Ce sont les pailles arrachées dans le champ lors des labours et desentretiens. Dans l’un et l’autre cas, les barrières créent des zones d’infiltrationde l’eau. Sous les pailles sèches ou les branchages, les semences herbagèresgerment facilement. Les barrières "mortes" évoluent alors en bandes d’herbesvivantes, filtrant et ralentissant l’eau qui ruisselle et l’érosion. Si on veut, onpeut semer soi-même les espèces les plus intéressantes.

� La culture sur billons, placésen courbes de niveau, estune autre technique. On voitsur la photo 64 l’une de sesapplications: un billon sépa-re en deux parties un champde maïs. Il est ensemencépar de la patate douce.Celle-ci recouvre bien lebillon et le protège contrel’agression des pluies.

Les techniques que nous venonsde voir sont fondées sur l’utilisa-tion de plantes et de matérielvégétal. D’autres techniquessont liées à l’utilisation depierres ou de terre.� Voici des cordons pierreux établis en courbes de niveau (photo 65). Leur effet

pourrait être renforcé par la végétalisation, c’est-à-dire la plantation d’arbres,d’arbustes ou d’herbes le long des cordons, comme on le voit sur la photo 66.

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L'aménagement de cordons pierreux disposés en courbes de niveauest efficace (65). Leur végétalisation renforce cette efficacité (66).

6666

La création de billons cloisonnés ou circulairesest aussi particulièrement efficace.

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6565

Page 33: érosion fertilité 2

33

� Regardons ce paysage du Cap Vert entiè-rement parcouru de murettes de pierres(photo 67).

� Dans les bas-fonds, il est possible deconstruire des microbarrages en gabions.On en voit un sur la photo 68. Le micro-barrage a arrêté l’argile et le sable empor-tés sur les pentes qu’on voit à gauche.Une petite parcelle de terre a été récupé-rée sur laquelle on a pu cultiver du sorgho.

Il faut dire cependant quela parcelle récupérée pourla culture est bien réduitepar rapport aux superfi-cies érodées se trouvanttout autour.

� On voit un autre exemplede cette disproportion surla photo 69. Un barrageen pierre a été construitdans la vallée. Mais qu’a-t-on récupéré pour l’agri-culture? Presque rien.L’effet du barrage est sur-tout de calmer la violencedu torrent dans la vallée.

� La technique des fossésantiérosifs est fréquem-ment utilisée. Voici troisexemples.

Au milieu d'une zone désertique abandonnéepar l'agriculture, un microbarrage en gabionsa permis de reconstituer une parcelle propre

à la culture du sorgho.

Ce barrage permet de calmer le torrent, maispas de gagner de grandes surfaces de culture.

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6868

6767Aménagement collectifaux Iles du Cap Vert.

Page 34: érosion fertilité 2

Sur la photo 70, on voitune pente forte parcou-rue par des fossés creu-sés le long de courbesde niveau. L’eau quidévale les pentess’accumule dans les fos-sés. Là, elle s’infiltre etdépose sa charge desable et d’argile. Pourque le travail soitdurable, il faut respectertrois règles:� creuser les fossés

en courbes de ni-veau et les cloison-ner pour que l’eaune puisse se dépla-cer latéralement;

� les creuser profondset nombreux afinqu’ils captent la tota-lité des eaux de ruis-sellement et qu’ils nedébordent pas;

� les vider régulière-ment de la terre quis’y accumule.

Si les fossés débordent,le risque est grand devoir se creuser une ravi-ne, à partir des pointsde débordement.

� La photo 71 montre com-ment les fossés peuvents’intégrer dans uneexploitation multiétagée.

� Sur les plaines érodées,on peut aussi creuserdes fosses “demi-lunes”,comme on en voit sur laphoto 72. Ces fosses

34

Plus la pente est forte, plus les fossésdoivent être rapprochés.

7070

7272

7171

Fosse "demi-lune" établie en vue de planterun jeune arbre.

Les luttes mécaniques et biologiques contrel’érosion sont complémentaires. Ici, les fosses,

les bandes herbeuses et l’agriculture multiétagéese renforcent mutuellement.

position dujeune arbre

écoulement del’eau

Page 35: érosion fertilité 2

sont disposées de façon à capter l’eau de ruissellement et à la concentrerau bénéfice d’un arbre. On les place en quinconce sur la plaine afin de cap-ter un maximum d’eau.

Des pratiques agricoles adéquates

Les pratiques agricoles peu-vent être érosives ou anti-érosives.La façon dont les planchesde culture de la photo 73 ontété établies illustre bien lesdangers de certaines pra-tiques. L’eau d’arrosage aentraîné le fumier et desargiles vers le bas desplanches. Le haut s’est doncappauvri, le bas s’est enri-chi. Le développement desplantes est donc irrégulier.

Cette irrégularité a été provoquée de lafaçon suivante: on a aplani la terre sans parvenir à

la disposer horizontalement; l'eau adonc tendance à ruisseler en nappevers la partie la plus basse;

on a supprimé les aspérités du sol;l'eau n'est donc pas piégée ni for-cée à s'infiltrer;

la surface des planches est soumi-se à la battance des pluies, ce quila colmate et gêne l'infiltration.

La technique rencontrée ici est donc très érosive. Imaginez ce que ce seraitsur une grande superficie.Voici une autre pratique qui est celle du zaï. La culture se fait en poquets rem-plis de fumier. L’eau de pluie est piégée dans chaque poquet avec la terrequ’elle a prise aux bords des poquets (photo 74). L’eau est piégée à double titre.

35

Cultiver en poquets enrichis de fumier. 7474

Le planage est une opération délicate. S’il est malfait, l’eau peut emporter les éléments fertiles

vers le bas de la planche.

7373

Retenons: une seule technique de lutte suffit rarement à elle seule. Mieuxvaut en combiner plusieurs sur un même lieu.

Page 36: érosion fertilité 2

Elle tombe nécessairement dans les poquets et s’infiltre dans le sol. Mais lefumier qui se trouve au fond du poquet reste humide beaucoup plus longtempsque le sable des alentours, et cela profite aux semences.Toutes les pratiques agricoles qui créent des aspérités à la surface du sol oufavorisent l’infiltration sont antiérosives. A chacun de les combiner au mieux:labour en lignes de niveau, buttage, billonnage, culture en poquets, etc.

Tout ce qui protège le sol contrela battance des gouttes de pluieest intéressant pour la lutte anti-érosive: des pailles (photo 75),des feuilles sèches (photo 76),des plantes couvrantes (photo 77),la cime des arbres, même untapis de cailloux.

Les apports de fumier végétal et animal sont favorables eux aussi, car lesdéchets brisent la continuité de la couche superficielle du sol. Comparez lesphotos 78 et 79. La première surface est entièrement colmatée par la battanceet le ruissellement. La seconde, également battue par la pluie, reste poreusegrâce à la présence du fumier. Sur la première surface, une bonne partie del’eau ruisselle; sur la seconde, elle s’infiltre.

36

Utiliser les litières de feuilles mortes.

7676Associer des plantes couvrantes aux

cultures principales.

7777

Pailler les planches de culture.7575

Page 37: érosion fertilité 2

Lutter contre le lessivage dusol arable

L’eau qui percole à travers lacouche arable du sol emporte dessels minéraux vers le sous-sol. C’estle lessivage qui, comme nousl’avons dit plus haut, appauvrit lacouche arable.Il n’y a qu’une seule façon de rame-ner les sels minéraux en surfacepour qu’ils soient remis à la disposi-tion des cultures. Cette façon, c’estde semer et d’entretenir des planteset des arbres capables d’enfoncerleurs racines à grande profondeur.Les sels seront transportés vers les

La fumure organique est un bonmoyen de lutter contre l'érosion et

pour l'infiltration de l'eau dans le sol.

7979

37

7878

Quelques éléments à retenirpour le travail d’observation

sur le terrainPour ceux qui n’y penseraient pas:ne craignez pas de courir sousla pluie si vous voulez observerl’érosion!Observer l’eau� les gouttes qui tombent,� l’eau qui s’écoule en nappe,� l’eau qui accélère et se

concentre dans les rigoles,� l'eau qui chute à la tête des

rigoles et des ravines,� l’eau brutale qui se précipite

dans les ravines.Observer le sol� sa composition et sa structure,� sa surface, plane ou rugueuse,

lisse ou trouée,� les facteurs qui ont modifié le

sol: le feu, le surpâturage, leslabours, le piétinement,

� le raclage de la couche super-ficielle,

� les pentes.Observer les éléments fertiles� l’argile dans l’eau qui ruisselle,� de même que le fumier végétal

ou animal dans l’eau de ruis-sellement,

� là où l’eau racle le sol,� là où s’accumulent les argiles

ou les fumiers,� là où les sels minéraux s’accu-

mulent à la surface de la terre,ou dans le sous-sol.

Page 38: érosion fertilité 2

tiges et les feuilles. Ils se retrouveront donc à la surface du sol dès que cesorganes végétaux tomberont (figure 80).Il n’est pas possible d’empêcher le lessivage, mais une bonne organisationdes plantes à enracinement profond peut donc ramener en surface unepartie de la fertilité perdue.Remarquons toutefois ce qui suit. Lorsque la terre est salée, les cultivateurscherchent parfois à provoquer le lessivage de la couche arable. Mais cela, c’estune autre pratique qui n’entre pas dans le cadre de la lutte contre l’érosionet la perte de fertilité qui en est la conséquence.

38

Fig. 80Fig. 80 Les êtres vivants retiennent activementles minéraux nutritifs

pluie

Les sels minéraux sont retenus près de la surface du sol, dans lesdéchets végétaux et dans le corps des êtres vivants qui s'en nourrissent.

Ceux-ci retiennent activement les minéraux que l'eau de percolationa tendance à entraîner vers le sous-sol.

sous- sol

percolationet lessivage

absorbtionde l’eau et

des minérauxpar lesracines

l’eau et lesminéraux

montent dansles tiges

litière de déchetsoccupée par denombreux êtres

vivants

chute des déchetsvégétaux et desminéraux qu'ils

contiennent

racinessol

les mouvementsde l’eaudes matières végétales

des minéraux

Page 39: érosion fertilité 2

39

Quelques définitions:� battance � capacité du sol

à retenir l’eau � colloïdes � colmatage � énergie érosive � érosion � érosion en nappe � érosion en rigoles

� érosion récurrente� fractions du sol � lessivage � pellicule de battance� percolation

� ravinement � ruissellement � sels minéraux

p. 11

p. 24p. 21 et 25p. 12p. 6p. 3p. 7 p. 7

p. 10p. 19 et 20p. 28 et 37p. 13p. 28 etfig. 44p. 8 et 9p. 5p. 22

Au fil des pages de ce Carnet Écologique,nous pouvons répondre aux questions suivantes:

questions

Qu’est-ce que l’érosion de la terre?

Qu’est-ce quele ruissellement de l’eau et son énergie érosive?

Commentobserver les effets de l’érosion sur les terroirs?

Qu’est-ce quela battance de la pluie? Quels sont ses effets à petiteet à grande échelle? Peut-on l’éviter?

Quels sont les matériaux fertiles qui se déplacent lorsqu’il y a érosion?

Quelles sontles facteurs qui accentuent les effets de l’érosion?

Qu’est-ce quele lessivage du sol?

Que peut-onfaire pour garder la fertilité chez soi?

réponses

pages 3 à 5

pages 5 à 7figure 8

pages 7 à 10

pages 11 à 19figure 33

pages 19 à 26figure 44

pages 26 à 28

pages 28 et 29

pages 29 à 37figure 80

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Les Carnets Écologiques suivantssont disponibles:

n°1n°1 Maladies et parasites des plantescultivées

n°2n°2 L’arbre blessén°3n°3 L’agriculture multiétagéen°4n°4 Sable, sel et feu dans les rizièresn°5n°5 À la découverte d’un écosystèmen°6n°6 Ruissellement, érosion et fertilité n°7n°7 Questions autour d’un barragen°8n°8 L’érosion éolienne

Petite bibliographie� Le Sahel en lutte contre la désertifica-

tion, leçons d’expériences, 592 p., 1989.ISBN 3-8236-1171-2, CILSS. EditionJosef Margraf, Mühlstrasse, 9. D-6992Weikenshein, Allemagne.

� Introduction à la gestion conservatoirede l’eau, de la biomasse et de la ferti-lité des sols, Roose E., Bulletin pédolo-gique de la FAO, 70, 1994, via Terme diCaracalla, Rome, Italie, ISBN 92-5-203451-X (Ouvrage très complet doté demultiples références bibliographiques concer-nant de nombreuses régions d’Afrique et dumonde).

� Eau et terres en fuite, J. L. Chleq etH. Dupriez, Terres et Vie, 1984;

� Les chemins de l'eau, H. Dupriez etPh. De Leener, Terres et Vie, 1990;

Pour des informations scientifiques et tech-niques développées, adressez-vous auRéseau Erosion, B.P. 5045, F-34032 Mont-pellier CEDEX 1, France.

collection de vulgarisa-tion scientifique et tech-nique destinée au milieurural africain. Elle estanimée par Terres etVie sous la direction deHugues Dupriez.

Avec la collaboration dePatrick Dupriez, Françoise Jadoul,

Zalugurha B.Tonton et Michelle Favart.

Les Carnets Écologiques bénéficient del'appui de la Commission Européenne(DGVIII) et de l’ASBL Chemin Pays.

Composition et mise en page:Terres et Vie.

Photographie: Terres et VieImprimerie Bietlot, Gilly, Belgique

ISBN: 9782871050139

Numéro 6, mai 1996

Les Carnets Écologiques peuvent être traduits enlangues nationales moyennant une autorisationécrite de l’éditeur. Des matrices en couleurs com-prenant uniquement les photographies peuventêtre obtenues pour l’impression de ces traductions.