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Rousseau, L’Emile, Livre III, 1762 Support : Extrait du livre III, L’Emile, Rousseau, 1762

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Rousseau, L’Emile, Livre III, 1762

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Introduction : Jean-Jacques Rousseau naît en 1712 à Genève. Il perd sa mère à sa naissance et il vit avec son père, artisan. Il reçoit une éducation à travers ses lectures personnelles (histoires anciennes et romans). Il va ensuite chez le pasteur Lambercier entre 1722-1724, qu’il pense comme « paradis de l’enfance ». Il entre en apprentissage comme graveur, mais, étant maltraité, il s’enfuit et se convertit au catholicisme pour survivre. Il se réfugie en France, chez Mme de Warens, à Annecy. Il est très proche de Diderot, il rédige des articles sur la musique pour l’Encyclopédie avant de se brouiller avec les encyclopédistes. En 1761, il publie La Nouvelle Héloïse, roman sentimental et épistolaire sur la vertu. En 1762, Rousseau publie Le Contrat Social et L’Emile, essai sur l’éducation. Rousseau s’illustre en répondant à des sujets de concours avec des textes comme Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes qui soutient une thèse opposée à Voltaire : sa thèse est que l’homme doit son malheur à la civilisation, qui l’a corrompu. A la fin de sa vie, il s’exile en Angleterre. Ses derniers livres, Les Confessions et Les Rêveries du Promeneur Solitaire où s’exprime une sensibilité préromantique, marque la naissance du genre autobiographique. Le texte à étudier est tiré du livre III de L’Emile (1762) qui est un traité sur l’éducation en cinq livres. Emile est un élève fictif ayant pour précepteur Rousseau, muni de tous les droits. Emile est conduit de la naissance (livre I), au mariage (livre V). L’extrait tiré du livre III est consacré à l’éducation technique et intellectuelle d’Emile qui a entre 12 et 15 ans. L’observation de la nature, seul précepteur capable de recréer « l’homme naturel », y occupe une place très importante. Problématique : Qu’a de romantique le programme d’éducation proposé par Rousseau ? Axes de lecture : 1. Un précepteur qui n’enseigne pas 2. De la poésie à la foi en la nature

I- Un précepteur qui n’enseigne pas 1) Conseils et interdictions au précepteur

Texte encadré par des impératifs à la deuxième personne du pluriel. Il alterne des injonctions très fermes « rendez » (l. 1), « mettez » (l. 4), « laissez » (l. 4) et « continuez » (l. 49) et des interdictions formelles « ne vous pressez jamais » (l. 3) et « ne tenez point » (l. 46) ainsi que des subjonctifs à valeur d’ordre ou de défense « Qu’il ne sache rien », « Qu’il n’apprenne pas la science », « qu’il l’invente » (l. 7). La première phrase du texte résume le rôle du précepteur et l’importance de la nature dans l’éducation d’Emile. Le maître n’est là que pour éveiller la curiosité de son élève, stimulée par le spectacle de la nature.

2) Les recommandations pédagogiques de Rousseau L’élève est libre de résoudre la question à son rythme, le précepteur ajuste les questions à son élève mais ne lui donne en aucun cas la réponse. Rousseau pose son grand principe qui rappelle celui de Montaigne : les connaissances de l’élève doivent vraiment être les siennes. Même méfiance que Montaigne à l’égard de l’autorité. Rousseau va plus loin que Montaigne avec l’emploi du verbe « inventer » puisque l’élève est à l’origine de ses connaissances. Les observations et les connaissances sont les siennes, la réflexion aussi. Critique de l’ancienne manière d’enseigner la géographie. Rousseau s’emporte contre la méthode traditionnelle d’enseignement de cette matière : deux phrases nominales, phrases exclamatives et interrogatives, termes péjoratifs, énumération. Rousseau prescrit impatiemment au précepteur sa propre méthode : « que ne commencez-vous par lui montrer l’objet même » (l. 13-14).

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3) L’observation de la nature Rousseau fonde son enseignement sur la promenade, des leçons sur le vif, la contemplation du lever de soleil. Toute la nature contribue à l’éducation d’Emile. Le maître ne doit se montrer ni bavard, ni grandiloquent. Emile est totalement libre puisqu’il ne subit aucun enseignement théorique. « il croit » (l. 38) est un modalisateur. Reprise du verbe « émouvoir » qui encadre la phrase. A chaque individu, il y a une manière personne d’appréhender « le spectacle de la nature ». « Pour le voir, il faut le sentir, il ne faut pas parler. « Pure bêtise ! » montre l’erreur du précepteur. Anaphore : « il faut », « il ne peut » et également de « point de » (l. 47-48) en quatre éléments ; phrase nominale. Le précepteur, au rôle restreint, ne doit pas ressentir et parler à la place de son élève.

II- De la poésie à la foi en la nature 1) Le thème romantique de la nature

Thème du paragraphe 3 (≃ moitié de l’extrait) : le lever de soleil. Le long paragraphe est écrit au présent. On dirait que le soleil se lève sous nos yeux. Hypotypose : figure de style qui désigne tous les procédés tendant à créer une image dans l’esprit des lecteurs/spectateurs ; par exemple, abondance des verbes de vision. Au paragraphe 3, Rousseau s’adresse au précepteur avec le pronom indéfini « on » : changement par rapport au deuxième paragraphe. Il représente Emile et son précepteur ; Rousseau et son lecteur, mais également tout homme sensible au spectacle de la nature. Il est présent 7 fois en 9 lignes. Vers la fin du paragraphe, « on » est remplacé par « homme » (l.35). Cette observation doit se faire dans des conditions idéales : « belle soirée », « lieu favorable », « à plein », « bien découvert ». Elle va solliciter la vue : « laisse voir » (l. 16), « observe » (l. 17), reconnaissable » (l. 17). La véritable rencontre avec la nature a lieu « le lendemain » (l. 18). Nombreux compléments circonstanciels : « avant que le soleil se lève » (l. 19), « le lendemain » (l. 19). On suit étape par étape le lever du soleil, d’où cette abondance des compléments circonstanciels de temps : « on attend » (l. 21), « longtemps », « à chaque instant », « enfin », « aussitôt », « le jour naissant », « les premiers rayons », « en ce moment ». Ici, Rousseau propose une description poétique et non scientifique. Il se montre lyrique (attachement aux sentiments personnels : nature, amour, foi en Dieu). C’est un véritable poème en prose. L’écriture transcrit un évènement banal, qui se passe tous les jours. Pour cela, Rousseau utilise les couleurs : la nuit est désignée par un « voile des ténèbres » (métaphore), qui « s’efface et tombe » (l. 24). Métaphore filée avec « traits de feu », « incendie », « tout en flammes », qui reflètent le rougeoiement du ciel. La couleur verte est également présente « la verdure », ainsi que le doré « dorent » et la lumière « brillant », « réfléchit » (l. 28-29), « lumière ». « Brillant réseau de rosée qui réfléchit » : allitération en r. La vue n’est pas le seul sens sollicité, l’ouïe aussi : « gazouillement » (l. 30) de plus en plus fort, « concert » (l. 29). Harmonie simultanée (couleurs, lumière, sons) qui frappent les sens mais également l’âme : « le concours de tous ces objets porte aux sens une impression de fraicheur qui semble pénétrer jusqu’à l’âme » (l. 32-34). Rousseau emploie le terme « enchantement » (l. 35) qui relève de la magie. Anaphore de « si », adverbe intensif sur les adjectifs « grand », « beau », « délicieux » qui développe le terme d’enchantement. Rythme ternaire. Personne ne peut rester indifférent à cette explosion de sentiments qui pénètre jusqu’à l’âme : « nul homme », « n’en laisse aucun ». Phrases longues, ton plus apaisé que dans le deuxième paragraphe, il n’y a plus de points d’exclamation.

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2) La foi selon Rousseau La lever du soleil : on désigne le soleil par « le Père de la vie » (périphrase et métaphore, ainsi que personnification). Le soleil est assimilé à Dieu, d’où la censure de L’Emile. Le soleil exalte le cœur de l’homme. Gradation dans la manière de désigner le soleil : « soleil », « astre », « Père de la vie ». Le soleil est divinisé et est le fondement de la religion naturelle. Le soleil levant doit amener l’enfant à une sorte de révélation qui doit lui procurer la foi en la nature, et cela en dehors de tout raisonnement. Le spectacle se suffit à lui-même, bien que l’enfant manque d’expérience pour réaliser ce qu’il voit, conceptualiser cette allégorie. Conclusion : L’évocation et les sensations qu’elle procure, l’exaltation et l’enthousiasme de l’auteur devant le spectacle du soleil levant auquel il attribue un sens supérieur donne à ce passage un caractère romantique. Il reflète également la philosophie de Rousseau qui préconise un retour à la nature en développant chez Emile une intelligence fondée sur la nature uniquement, c’est-à-dire une intelligence pratique. Rousseau lui permet d’accéder à une certaine indépendance de jugement qui le met à l’abri des vices de la société. L’éducation d’Emile est donc bien conforme à la philosophie de Rousseau.