40
Réseaux et contenus : la révolution numérique DE L'ORGANISATION CONCURRENTIELLE DES RELATIONS VERTICALES ENTRE OPÉRATEURS DE CONTENUS ET DE RÉSEAUX Par Paul Champsaur, président de l'Autorité N° 63 - septembre / octobre 2008 G râce à la montée des débits, les contenus audiovisuels et une gamme de plus en plus large de services fournis par des sociétés spécialisées sont accessibles par l’intermé- diaire des réseaux de télécommunications. Sont ainsi mis en relation deux univers obéis- sant à des logiques différentes : d’un côté, les réseaux de télécommunications fonctionnent traditionnellement sur la base de l’interopéra- bilité, tout abonné à un opérateur ayant accès à tout autre abonné d’un autre opérateur et à tout service offert (par exemple : service de météo) ; de l’autre côté, au moins au stade initial de la création, ce sont les contrats d’exclusivité qui prédominent. Néanmoins, sous certaines conditions, ces deux logi- ques n’entrent pas en conflit. L’analogie du livre permet de le comprendre. Un éditeur paye chèrement l’exclusivité du dernier « Harry Potter ». Or, n’importe qui peut se procurer ce livre chez son libraire habituel comme chez n’importe quel autre libraire. L’éditeur détenteur de l’exclusivité a évidem- ment intérêt que son livre soit distribué par tous les libraires ou réseaux de distri- bution. RÉSEAUX ET ACCÈS AUX CONTENUS : UN ESPACE DE COMPLÉMENTARITÉ À DÉVELOPPER, UN POINT D’ÉQUILIBRE À RECHERCHER Longtemps annoncé comme une conséquence prévisible du développement des technologies numériques, souvent attendu avec intérêt par certains acteurs pleinement engagés dans les potentialités nouvelles offertes par l’essor de l’économie numérique, parfois redouté par d’autres comme une menace pour la pérennité de leur activité traditionnelle, le processus de convergence entre des secteurs historiquement et culturellement disjoints -les télécoms, l’informatique, les contenus- est devenu aujourd’hui une réalité. Le niveau d’équipement numérique des Français et sa large démocratisation (internet à haut débit accessible pour presque la moitié de la population), la multiplication des offres multiservices, le développement corrélatif des usages ainsi que l’évolution des modes de consommation des contenus contribuent à donner toute son ampleur au phénomène de la convergence. Ainsi, les contenus audiovisuels trouvent dans les supports numériques des champs nouveaux de diffusion, au- delà des modes classiques de diffusion hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques multimedia nouvelles dans lesquelles la non-linéarité, l’interactivité et la mobilité ont leur place. Le défi de la convergence des réseaux et des contenus paraît donc pouvoir s’inscrire dans une logique de progrès au bénéfice du consommateur en ce qu’il lui permettrait de disposer d’une Denis Rapone, Membre de l’Autorité D A N S C E N U M É R O ••• suite page 2 ••• suite p.2 Les uns ne peuvent rien sans les autres et leurs relations ont toujours été tumultueuses. Mais à l'heure de la numérisation et de la convergence, les acteurs des contenus et des tuyaux sont condamnés à travailler ensemble. Il en va non seulement de la conquête de nouveaux territoires d'expression mais aussi de la croissance économique des deux secteurs. Ce grand chambardement s'opère sous l'oeil attentif des autorités sectorielles et de concurrence qui veillent à ce que les pouvoirs de marché des uns et des autres ne s'exercent pas au détriment des acteurs de l'un et l'autre secteur et, en bout de chaîne, du client final. Ou bien que ces pouvoirs de marché n'entrainent pas des effets de levier à l'encontre d'acteurs appartenant à un même secteur. Une régulation économique compliquée... Explications dans ce dossier spécial.

Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Réseaux et contenus : la révolution numérique

DE L'ORGANISATION CONCURRENTIELLE

DES RELATIONS VERTICALES ENTRE OPÉRATEURS

DE CONTENUS ET DE RÉSEAUX

Par Paul Champsaur, président de l'Autorité

N° 63 - septembre / octobre 2008

Grâce à la montée des débits, lescontenus audiovisuels et unegamme de plus en plus large deservices fournis par des sociétés

spécialisées sont accessibles par l’intermé-diaire des réseaux de télécommunications.Sont ainsi mis en relation deux univers obéis-sant à des logiques différentes : d’un côté, lesréseaux de télécommunications fonctionnenttraditionnellement sur la base de l’interopéra-bilité, tout abonné à un opérateur ayant accèsà tout autre abonné d’un autre opérateur et àtout service offert (par exemple : service demétéo) ; de l’autre côté, au moins au stadeinitial de la création, ce sont les contrats d’exclusivité qui prédominent.

Néanmoins, sous certainesconditions, ces deux logi-ques n’entrent pas enconflit. L’analogiedu livrepermetde le

comprendre. Un éditeurpaye chèrement l’exclusivitédu dernier « Harry Potter ».Or, n’importe qui peut seprocurer ce livre chez sonlibraire habituel commechez n’importe quel autrelibraire. L’éditeur détenteur del’exclusivité a évidem-ment intérêt que son livresoit distribué par tous leslibraires ou réseaux de distri-bution.

RÉSEAUX ET ACCÈS

AUX CONTENUS : UN ESPACE

DE COMPLÉMENTARITÉ

À DÉVELOPPER, UN POINT

D’ÉQUILIBRE À RECHERCHER

Longtemps annoncé comme une

conséquence prévisible du

développement des technologies

numériques, souvent attendu avec

intérêt par certains acteurs pleinement

engagés dans les potentialités

nouvelles offertes par l’essor de

l’économie numérique, parfois redouté

par d’autres comme une menace pour

la pérennité de leur activité

traditionnelle, le processus de

convergence entre des secteurs

historiquement et culturellement

disjoints -les télécoms, l’informatique,

les contenus- est devenu aujourd’hui

une réalité.

Le niveau d’équipement numérique

des Français et sa large

démocratisation (internet à haut débit

accessible pour presque la moitié de la

population), la multiplication des offres

multiservices, le développement

corrélatif des usages ainsi que

l’évolution des modes de

consommation des contenus

contribuent à donner toute son

ampleur au phénomène de la

convergence.

Ainsi, les contenus audiovisuels

trouvent dans les supports numériques

des champs nouveaux de diffusion, au-

delà des modes classiques de diffusion

hertzienne, et des opportunités

d’élargir leurs conditions d’accès à des

publics attirés par des pratiques

multimedia nouvelles dans lesquelles

la non-linéarité, l’interactivité et la

mobilité ont leur place.

Le défi de la convergence des réseaux

et des contenus paraît donc pouvoir

s’inscrire dans une logique de progrès

au bénéfice du consommateur en ce

qu’il lui permettrait de disposer d’une

Denis Rapone,Membre de l’Autorité

D A N SC E

N U M É R O

••• suite page 2

••• suite p.2

Les uns ne peuvent rien sans les autres et leurs relations ont toujours été tumultueuses.Mais à l'heure de la numérisation et de la convergence, les acteurs des contenus et destuyaux sont condamnés à travailler ensemble. Il en va non seulement de la conquête de

nouveaux territoires d'expression mais aussi de la croissance économique des deuxsecteurs. Ce grand chambardement s'opère sous l'oeil attentif des autorités sectorielleset de concurrence qui veillent à ce que les pouvoirs de marché des uns et des autres nes'exercent pas au détriment des acteurs de l'un et l'autre secteur et, en bout de chaîne,du client final. Ou bien que ces pouvoirs de marché n'entrainent pas des effets de levier

à l'encontre d'acteurs appartenant à un même secteur. Une régulation économique compliquée...

Explications dans ce dossier spécial.

Page 2: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

••• suite de la p.1 Ceci résulte de ce que l’édi-teur n’a pas lui même d’activité de distribu-tion significative : il y a séparation verticaleentre édition et distribution.

Cependant l’analogie avec le livre est trom-peuse pour au moins deux raisons. La pre-mière est que le secteur des télécommunica-tions est concentré : au lieu d’un grandnombre de libraires, tout se passe dans ce secteur comme si n’existaient que quelquesréseaux de libraires, les plus grands disposantalors d’un pouvoir de marché. De plus, leclient final choisit un seul réseau avec lequelil passe contrat ;changer de réseauest une décisionlourde et d’exécu-tion relativementc o m p l i q u é e .Ainsi, le ou lesplus gros réseauxpeuvent jugerqu’il est de leurintérêt de possé-der l’exclusivité dela distribution decertains contenus,voire de catalo-gues de certainséditeurs, de façonà renforcer leurattractivité vis àvis des réseauxconcurrents. La deuxième rai-son est plus complexe : beaucoup de conte-nus audiovisuels ou de services ne s’achètentpas à la pièce mais après regroupement. Enaval des éditeurs, existent des assembleurs decatalogues et/ou de services. Ceci répond ausouhait des clients finaux d’accéder à unensemble préassemblé (par exemple bouquetde chaînes de télévision), quitte à conclureun contrat le liant pour un certain temps. Làencore, les principaux acteurs disposent d’unpouvoir de marché certain, d’autant plusgrand qu’ils maîtrisent la relation contrac-tuelle avec le client final.

Pouvoir de marché et effets de levier

Un fournisseur pur de contenus a intérêtà ce que ceux-ci soient accessibles sur le maxi-mum de réseaux techniquement adaptés pourautant que sa rémunération soit proportion-née à l’exposition que lui offrent les réseauxdistributeurs de ses contenus. Par ailleurs, lasynergie opérationnelle entre production decontenus et gestion de réseaux est vraisem-blablement très faible. Le projet de désinté-

2 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

gration verticale du groupe Time-Warner auxUSA en témoigne.

Sous l’hypothèse que prévaut une situa-tion raisonnablement concurrentielle danschaque secteur, il est naturel que s’établisseune séparation entre producteurs de conte-nus et opérateurs de réseaux. Alors, il n’y apas de raison pour qu’une autorité publiqueintervienne sur les relations entre producteursde contenus et opérateurs de réseaux. Mal-heureusement (comme suggéré auparavant)cette hypothèse n’est pas vérifiée. Certainsopérateurs de réseaux ont un pouvoir de mar-

ché significatif(par exempleOrange enFrance). Lesproducteursde contenus

passent sou-vent par desintermédiaires,

assembleurs decontenus (par exempleCanal + en France) qui

eux aussi bénéfi-cient d’unpouvoir dem a r c h ésignificatif.En outrecer ta insfournis-seurs dese r v i ce s

(par exemple Google) ont également un pou-voir de marché certain.

Les pouvoirs de marché dont il est ques-tion s’exercent d’une part au détriment desacteurs du même secteur, par exemple un grosopérateur de réseau à l’égard des autres opé-rateurs de réseau, et d’autre part au détrimentde l’ensemble des acteurs de l’autre secteur,par exemple un gros assembleur de contenusà l’égard des opérateurs de réseaux. La limi-tation du premier effet relève à la fois des auto-rités sectorielles et des autorités horizontalesde concurrence. Par contre, la limitation dudeuxième effet relève exclusivement des auto-rités horizontales de concurrence, plus parti-culièrement en France du Conseil de laconcurrence, car les autorités sectorielles n’ontaucun pouvoir en la matière.

Les instruments classiques dont disposeune autorité de concurrence horizontale(contrôle des concentrations, sanction desententes) sont adaptés à l’objectif de main-tien d’une concurrence raisonnable au seind’un même secteur, même si l’interactionentre taille du marché et économies d’échelle

offre de contenus plus riche et plus

diversifiée conforme à des besoins de

consommation plus personnalisés. De

même, les capacités d’amélioration de

l’exposition et de l’exploitation des

œuvres que permettent les nouveaux

modes de distribution des contenus

doivent constituer un atout propre à

relayer les attentes des auteurs et des

producteurs, au service de la création.

Enfin, le rendez-vous de la

convergence ne sera totalement

fructueux que s’il offre aux acteurs

économiques des deux secteurs, celui

des contenus et celui des réseaux, des

perspectives de croissance partagée.

Se fixer un tel objectif de

développement harmonieux des deux

secteurs ne semble nullement

irréaliste pour autant qu’on s’attache à

l’instauration d’un point d’équilibre.

Ce point d’équilibre est celui

permettant un accès équitable pour

les consommateurs aux contenus du

plus grand nombre de chaînes

payantes, notamment les plus

fortement attractives, quelle que soit

la plate-forme de diffusion (câble,

satellite, ADSL, Télévision Numérique

Terrestre, fibre optique, réseaux

mobiles) et quel que soit l’opérateur

sur cette plate-forme. A ce titre, la

mise en œuvre d’accords d’exclusivité

en matière de distribution mérite

d’être encadrée quant à la durée et

aux périmètres des exclusivités, mais

aussi quant aux garanties de non

discrimination entre plate-formes de

diffusion et quant aux risques de

distorsion de concurrence en

présence de toute plate-forme se

trouvant en position dominante.

La convergence pourra alors, une fois

assurée la relation d’équilibre entre

l’industrie des contenus et celle des

réseaux, se déployer dans le cadre

d’un nouvel espace de

complémentarité. D’une part, les

acteurs du secteur des contenus

seront à même, à travers les

nouveaux modes de distribution

numérique de leurs programmes, de

partir à la conquête d’un public plus

large et plus fidèle sur la base de

programmes à forte valeur ajoutée.

D’autre part, les opérateurs des

réseaux de communication

électronique verront s’ouvrir, grâce à

la diffusion de contenus abondants et

de qualité, des moyens propres à

valoriser les investissements

importants requis par l’évolution de

leurs réseaux.

••• suite de l’éditorial

Denis Rapone

« Si un gros assembleur de contenus esten mesure, soit d'accorder l'exclusivitédes contenus qu'il contrôle à un opérateurde réseau particulier, soit d'offrir un accèsouvert à tous les opérateurs de réseauxmais à des conditions déséquilibrées,alors sont compromis, soit uneconcurrence normale entreopérateurs de réseaux, soit lacapacité de ceux-ci à investir pouraméliorer les performances de leursréseaux. Il en est de même si un grosopérateur de réseau devient lui-même acheteur et assembleur decontenus pour son usage exclusif »

Page 3: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 3

peut conduire à des arbitrages délicats. Parcontre, ces instruments sont moins adaptés àla limitation des effets de leviers entresecteurs. Certes, les autorités horizontales deconcurrence peuvent obtenir des engagementsà l’occasion d’une fusion (exemple de la fusionCanal+ /TPS) mais cet instrument a une por-tée limitée.

Si un gros assembleur de contenus est enmesure, soit d’accorder l’exclusivité des conte-nus qu’il contrôle à un opérateur de réseau par-ticulier, soit d’offrir un accès ouvert à tous lesopérateurs de réseaux mais à des conditionsdéséquilibrées, alors sont compromis, soit uneconcurrence normale entre opérateurs deréseaux, soit la capacité de ceux-ci à investirpour améliorer les performances de leursréseaux. Il en est de même si un gros opérateurde réseau devient lui-même acheteur et assem-bleur de contenus pour son usage exclusif.

Pouvoir de marché et "net neutrality"

En l’absence d’une séparation verticaleentre fournisseurs de contenus (ausens large) et opérateurs de réseaux,la régulation économique de l’ensem-ble des deux secteurs est considéra-blement compliquée. Une telle sépa-ration verticale prévalait en Europe,à quelques exceptions notables près.Ce n’est pas le cas aux USA, notam-ment parce que les principaux câblo-opérateurs sont également des pro-ducteurs-assembleurs importants decontenus. Ceci explique, au moins enpartie, l’importance du débat outre-Atlantique concernant l’obligation de« net neutrality »(*) c’est-à-dire une sorted’obligation stricte de « must carry »imposée aux opérateurs de communicationsélectroniques. On peut craindre que l’impo-sition du principe de neutralité d’Internetne remédie à un symptôme plutôt qu’à lasource du problème. Si certains assembleursde contenus disposent d’un pouvoir de mar-ché significatif, alors l’imposition du prin-cipe de neutralité déséquilibre la relationentre fournisseurs de contenus et opérateursde réseaux au détriment de ces derniers quirisquent de ne plus avoir les moyens de finan-cer les investissements nécessités par l’évo-lution technologique (par exemple le trèshaut débit). En effet, le principe de neutra-lité de l’Internet met en question la capacitéà faire payer plus pour de meilleurs servicesqu’il s’agisse de priorités de trafic, de débitsplus élevés ou de limites plus élevées pourcertains usages. Inversement, si un grosopérateur de réseau devient un assembleur

de contenus au bénéfice exclusif de sonréseau, il peut obtenir les moyens d’investirdans son réseau, mais la vie de ses concur-rents, soit opérateurs de réseaux, soit assem-bleurs de contenus, deviendra plus difficile.

Relations verticales : une nécessaire

intervention publiqueOn sait combien il est délicat de justifier

ex post une intervention publique en matièrede relations verticales. L’analyse sur laquellerepose une intervention publique éventuelleest contrainte par l’organisation des autori-tés publiques, en l’occurrence, en France etdans beaucoup de pays européens, autoritéssectorielles distinctes et difficultés pour uneautorité de concurrence horizontale à lier sesanalyses et ses interventions dans deux marchés différents. Par ailleurs, si un rôleactif du niveau européen et une harmonisa-tion poussée des régulations nationales sontbien engagés et souhaitables dans le secteurdes réseaux de communications électroni-

ques, il n’en est pas de même dans le secteurde la production de contenus où les spécifi-cités nationales restent fortes avec notammentla présence d’acteurs publics et l’objectif d’exception culturelle. Autrementdit, face aux relations verticales entre les deuxsecteurs, les USA pourraient peut-être envi-sager une régulation unique de l’ensemble desdeux secteurs, avec concurrence entre un petitnombre de groupes verticalement intégrés, avec souvent une situation locale deduopole. Une telle option n’est pas ouverteen Europe.

Dans ces conditions et en l’absence desynergies opérationnelles avérées entre les deuxsecteurs, il apparaît préférable, en tout casprudent, que l’Europe conserve comme réfé-rence pour les relations entre le secteur descommunications électroniques et le secteurdes contenus (contenus audiovisuels et servi-

ces sur Internet) le type de relation qui pré-vaudrait dans une situation de séparation ver-ticale forte, juridique et capitalistique. L’ob-jectif est d’assurer que les clients finaux dechaque opérateur de réseaux puissent accé-der à l’essentiel des contenus et services. Cecisuppose à la fois l’interdiction aux gros opé-rateurs de réseaux d’intervenir activementdans le secteur des contenus et l’obligationaux gros assembleurs de contenus d’offrir unaccès ouvert et égal à tous les opérateurs deréseaux.

Construire un pôle européen audiovisuel analogue au GRE

Pour réussir, une telle politique supposeun accord de principe et une coopération entreniveau européen et niveaux nationaux. Celle-ci doit être organisée et suppose un certainnombre de progrès. Tout d’abord, chaque payseuropéen devrait mieux distinguer en les sépa-rant deux fonctions concernant le secteuraudiovisuel : d’une part, la surveillance voirela tutelle du secteur audiovisuel public avecles attributions concernant l’ensemble du sec-teur liés aux objectifs de pluralisme politique,

de protection des publics fragiles, et derespect de l’éthique dans une société

démocratique ; d’autre part, la régulationtechnico-économique du secteur de l’au-diovisuel. La première mission doit rester

éminemment nationale. La deuxième mis-sion prend de l’importance du fait de la numé-

risation et de la convergence. Le mélangedes deux missions fait courir le risque que

la deuxième soit mal assumée. Or, cesdeux missions ne sont pas contradictoi-

res notamment si la régulation technico-économique a vocation à favoriser laconcurrence dans l’intérêt général. Beau-

coup de services ayant pour but de faciliterl’échange de contenus de toutes natures sontdevenus transnationaux. Un minimum d’har-monisation européenne et d’échange d’expé-rience est donc utile pour l’exercice de cettedeuxième mission. Pour ce faire, il convien-drait de construire un pôle européen dans ledomaine audiovisuel analogue au GRE dansle domaine des communications électroni-ques. Ce pôle regroupant les responsables desrégulations nationales technico-économiquesdu secteur de l’audiovisuel aurait vocation àdévelopper une compréhension partagée, ausein de l’Union Européenne, des évolutionstechnologiques et du fonctionnement écono-mique du secteur des contenus, notammentaudiovisuels. �

* Cf. p. 24 et suivantes.Paul Champsaur,

Président de l’Autorité

« L’objectif est d’assurer que lesclients finaux de chaque opérateurde réseaux puissent accéder àl’essentiel des contenus et services. Ceci suppose à la fois l’interdiction auxgros opérateurs de réseaux d’interveniractivement dans le secteur des contenus,et l’obligation aux gros assembleurs decontenus d’offrir un accès ouvert et égal àtous les opérateurs de réseaux »

Page 4: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

La convergence numérique bouleverseles secteurs de l’audiovisuel et destélécommunications. Les réseauxjouent en effet un rôle croissant dans

la diffusion des contenus. En contrepartie, ledéveloppement et l’économie des réseauxdépendent de plus en plus des conditionsd’accès à des contenus attractifs. Il y a donc lieude rechercher les conditions d’un dynamismeconjoint pour ces deux secteurs, en particulierdans la perspective du déploiement des réseauxtrès haut débit.

De l’hertzien analogique à la fibreoptique : les plateformes

de télévision payanteSi, au début des années 1980, seule la diffu-

sion hertzienne analogique permettait auxfoyers français de recevoir la télévision, denombreuses autres plateformes de diffusionsont apparues, permettant notamment le déve-loppement des offres de télévision payante : lecâble et le satellite, puis l’ADSL et la TNT et,plus récemment, la fibre optique et les réseauxmobiles.

Si le câble a été la première plateforme histo-rique de télévision payante en France, suite àl’adoption du Plan Câble en 1982, il a été rapi-dement suivi par la création, en 1984, deCanal+, première et unique chaîne hertzienneanalogique payante, puis, à partir de 1996, parl’apparition des bouquets numériques par satel-lite (Canal Satellite, TPS, AB), devenus trèsrapidement les principaux vecteurs de diffusiondes offres de télévision payante multichaînes.

Le satellite constitue encore aujourd’hui leprincipal mode d’accès des foyers français à la

Dossier - Réseaux et contenus

Canal+ Le Bouquet ou CanalSat ;- des offres de vidéo à la demande ou de télévi-

sion de rattrapage.En comparaison, la TNT payante, lancée en

septembre 2005 avec 11 chaînes, connaît undéveloppement très relatif, sans communemesure avec celui de la TNT gratuite.

La télévision sur mobile est encore peu déve-loppée en France. Le lancement de la télévisionmobile personnelle (TMP) début 2009 pourrait changer la donne, grâce à sa diffusionen mode « broadcast ». Toutefois, si les 16chaînes concernées ont d’ores et déjà été sélec-tionnées par le CSA, des incertitudes demeu-rent sur le modèle économique et l’architecturedu réseau de diffusion.

A terme, le poids des réseaux fixes dans ladiffusion de la télévision payante pourrait s’accroître avec le déploiement des réseaux trèshaut débit sur fibre optique. Ces réseaux, quipermettront d’atteindre des débits symétriquesde l’ordre de 50 à 100 Mbit/s, sans communemesure avec la diffusion hertzienne terrestre ousatellitaire, ou encore avec l’ADSL (dont labande passante est limitée, notamment sur lavoie montante), devraient en effet offrir denouvelles perspectives dans la mise à dispositionde contenus : programmes en haute définition,diffusion simultanée de plusieurs canaux, télé-chargement de vidéo à la demande quasiinstantané, etc.

Télévision payante : une concurrence en pleine mutationDans ce contexte de coexistence de multi-

ples plateformes de distribution de télévisionpayante, Canal+ France apparaît comme unacteur majeur sur l’ensemble de la chaîne devaleur. Placée sous le contrôle exclusif deVivendi, cette entreprise résulte de la fusion,

télévision payante. Ce mode de diffusion anotamment bénéficié d’un faible coût de diffu-sion au regard du nombre de chaînes diffuséeset d’une couverture quasi-totale de la popula-tion. Sa pénétration est toutefois limitée par descontraintes d’urbanisme ou par le fonctionne-ment des copropriétés en zone urbaine. Enoutre, l’absence devoie de retour perma-nente ne permet pasla fourniture d’offresde vidéos à la demande,ce qui pourrait consti-tuer un frein à l’avenir.

Dans ce contexte,l’apparition en 2003des premières offres detélévision par ADSL via lesoffres « triple play » des FAI constitue uneévolution majeure. On dénombre aujourd’hui4,9 millions d’abonnés recevant la télévision parADSL. En flux, grâce à une couverture supé-rieure à 45 % de la population, l’ADSLconstitue désormais le principal vecteur decroissance de la télévision payante.

Cette pro-gression résultenotamment dudynamisme dumarché duhaut débit parADSL quicompte près de15,9 millionsd’abonnés au

30 juin 2008.En effet, depuisquelques années,les offres multi-services, propo-

sant Internet haut débit, téléphonie illimitée envoix sur large bande et services audiovisuels,sont devenues le standard du marché. Lesservices audiovisuels proposés par les FAIincluent notamment :- l'accès à un bouquet dit « de base » distribué

par le FAI, compris dans l’abonnement etregroupant plusieurs dizaines de chaînes ;

- l'accès à des options payantes de chaînes à lacarte, distribuées directement par le FAI ;

- l'accès à un ou plusieurs bouquets de télévi-sion payante distribués par des tiers, comme

Distribution des contenus : la Aujourd’hui l’ADSL, demain la fibre et les réseaux à très haut débit mobile… Le poids des réseaux de télécomm un accès de ces réseaux à une plus grande part de la valeur liée aux services audiovisuels permettrait d’accélérer audiovisuels bénéficiant aux distributeurs, aux ayants droit et au financement de la création. A condition sur les marchés du haut et du très haut débit, qu’elles affectent. Décryptage.

4 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

- Majors- Ligue de football- Sociétés de production- etc

- Chaînes premium(Canal+, Orange SportTV…)

- Chaînesthématiques(Eurosport,Canal J, RTL9…)

- Canal+/CanalSat- NC Numéricâble- SFR/Neuf Cegetel- Orange, Free, Alice…

« Il est souhaitable que les consommateurs puissentavoir accès, quelle que soit la plateforme de diffusion

et quel que soit l'opérateur sur cette plateforme,aux offres de contenus les plus riches, à destarifs abordables. Cet objectif passe par une

concurrence entre distributeurs de télévisionpayante, parmi lesquels les FAI »

Page 5: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

tion de sept chaînes éditées par Canal+ France,les FAI sont en mesure de distribuer eux-mêmes, généralement en option, des chaînescomme Sport+ ou TPS Star.

Sur le réseau câblé, Numéricâble dispose d’unesituation historiquement meilleure que les opé-rateurs DSL en matière d’accès aux chaînes deCanal+ France, dans la mesure où Numéricâble

distribue en propre l’ensemble des chaînes deCanal+ France (hors Canal+ Le Bouquet) et deses actionnaires minoritaires.

Depuis le début de l’année 2008, Orangecherche à intervenir, comme Canal+ France, surl’ensemble de la chaîne de valeur de la télévisionpayante. Orange édite désormais ses propreschaînes, notamment grâce à des programmesachetés en exclusivité, comme certaines sériesde HBO et des films produits par les studiosWarner. Orange a par ailleurs acquis trois lotsde la Ligue 1 de football, dont le lot« premium » du grand match du samedi soir, ladistribution en vidéo à la demande et la diffu-sion vers les téléphones mobiles. Enfin, Orangecoproduit un nombre croissant de films françaisà travers sa filiale Studio 37.

En outre, moins de 50 % de la populationfrançaise étant éligible à la télévision par ADSL,Orange a lancé durant l’été 2008 une offre detélévision par satellite afin d’étendre la couver-ture de ses offres triple play à l’ensemble de sesabonnés haut débit, soit plus de 98 % de lapopulation.

Mieux répartir la valeur pour favoriser les investissements

dans le FTTHDe manière générale, il est souhaitable que

les consommateurs puissent avoir accès,quelle que soit la plateforme de diffusion etquel que soit l’opérateur sur cette plateforme,aux offres de contenus les plus riches, à destarifs abordables. ••• suite p.10

début 2007, des deux bouquets CanalSat etTPS, après plusieurs années de forte concur-rence. Ses offres multichaînes « CanalSat » sontproposées sur l’ensemble des plateformesnumériques de diffusion.

En outre, Canal+ France édite la chaîneCanal+ (le cas échéant via sa version numérique« Canal+ Le Bouquet »). Elle bénéficie d’uneexclusivité d’autodistribution historique liéenotamment à son rôle dans le financement dela production cinématographique française,dont elle constitue la principale source.Proposant une programmation axée sur lecinéma et le sport, la chaîne Canal+ regroupe àce jour la majorité des contenus premium sur lemarché français. Canal+ France édite parailleurs en propre une vingtaine de chaînesthématiques dont les chaînes CinéCinéma,TPS Star, Sport+, i-Télé et Planète.

Canal+ France détient également denombreux droits sportifs. Elle a notammentobtenu auprès de la Ligue de FootballProfessionnelle (LFP) dix des douze lots consti-tuant l’appel à candidatures lancé à la fin del’année 2007 pour les droits de diffusion des

matchs du championnat français de football deLigue 1, pour 465 millions d’euros par an pourles saisons de 2008 à 2011. Canal+ Francedispose également des droits de diffusion rela-tifs aux principaux championnats de footballétrangers ainsi qu’aux championnats français derugby et de basket-ball.

En matière de droits cinématographiques,Canal+ France cofinance, via ses filiales, lamajorité des films français en échange des droitsde diffusion en première et seconde fenêtres detélévision payante, et détient une part prépon-dérante de ces mêmes droits pour les films denombreuses « majors » américaines.

Au total, Canal+ France dispose d'une base

d'environ 10,5 millions d'abonnements au 1erjanvier 2008, dont 5,3 millions à Canal+ /Canal+ Le Bouquet et 5,2 millions à CanalSat,soit une part de marché supérieure à 65 %.

En pratique, au vu de la position de Canal+France sur l’ensemble de la chaîne de valeur dela télévision payante, le groupe Vivendi a étéamené à prendre un certain nombre d’engage-ments afin que l’opération de concentrationGroupe Canal+ / TPS / CanalSat soitautorisée en août 2006 par le Ministre del’Economie des Finances et del’Industrie, au terme d’un processusauquel ont été associés l’ARCEP et leCSA, au travers d’avis rendus auConseil de la concurrence. Par lasuite, à l’occasion du rachat par SFRdes activités fixes de Tele2 (juillet 2007)puis de Neuf Cegetel (avril 2008), Vivendi etSFR ont été amenés à confirmer ou étendrecertains de ces engagements.

En particulier, Vivendi a pris des engage-ments portant sur l’obligation de non discrimi-nation entre plateformes pour l’autodistri-bution de Canal+ Le Bouquet – en clair,

Canal+ doit distribuer Canal+Le Bouquet en autodistri-bution sur tout supportqui en fait la demande -, lareprise des chaînes TF1 etM6 par des distributeurstiers, un encadrement desexclusivités accordées par

Canal+ à des chaînes tierces,ainsi que la formalisationd’une offre de mise à disposi-

tion de sept chaînes éditéespar Canal+ France (TPS Star,

Sport+…) pour les FAI.Les FAI se révèlent en effet aujourd’hui

comme les principaux concurrents potentiels deCanal+ France pour la distribution de télévisionpayante. Sur l’ADSL, les bouquets distribués enpropre par les FAI apparaissent toutefoislimités, dans la mesure où la plupart des princi-pales chaînes thématiques françaises(Eurosport, Canal J, Planète, etc) n’y figurentpas. En revanche, comme prévu par les engage-ments pris par Vivendi lors de l’acquisition deTPS, les FAI DSL peuvent tous transporter lesoffres auto-distribuées par Canal+ France. Parailleurs, en recourant à l’offre de mise à disposi-

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 5

nouvelle donne concurrentielleunications dans la diffusion de la télévision payante ne devrait pas cesser de s’accroitre. Dans ce contexte,les investissements des opérateurs dans le très haut débit et de favoriser l’émergence de nouveaux servicesd’éviter les distorsions concurrentielles, non seulement sur le marché de la télévision payante mais aussi

Nombre d’abonnements à un service de télévision sur xDSL (en millions)

BLOCCanal+/Canal+

Le BouquetCanalSat

Autres distributeurs

Télévision analogique

5,3

TNT payante

5,2

<0,01

Satellite <0,1

ADSL 4,5

Câble <2

Abonnements à la télévision payante fin 2007 (estimation en milions d’abonnés)

Source : ARCEP

Page 6: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

Economie et création culturelle :Qu’il s’agisse de la musique, du livre, du cinéma ou de l’audiovisuel, le modèle économique traditionnel deséchanges numériques. Une nouvelle économie de l’information se met en place, dans laquelle la gratuité oucontenus numérisés et d'un financement par la publicité, ne revêt aucun caractère dévalorisant pour la créationet souhaitable, la protection de la propriété intellectuelle doit s’affirmer sous une forme adaptée. L’enjeuque certains comportements des internautes ne dégradent de larges pans de la production culturelle et deéconomique avec Nicolas Curien, membre de l’Autorité.

es communi-cations élec-t ron ique srendent dés-

ormais possible la circu-lation et le stockage del’information sans recou-rir à aucun marqueurphysique. Il s’agit là del’étape ultime d’un mou-vement millénaire, qui n’a cessé de distendre lerapport du contenu aucontenant.

De Gutenberg à Gates :la dématérialisation

de l’informationAvant l’apparition de l’écriture,

l’information était indiscernable dela parole, qui seule pouvait la véhi-

culer. Avant l’invention de l’impri-merie, un texte était rigidement attaché

au support sur lequel il était inscrit et iln’était communicable que si l’original était

consulté en bibliothèque ou recopié à lamain sur un autre support. L’invention de

Gutenberg a permis la réplication des textes àcoût modéré, et donc leur diffusion élargie, enmaintenant toutefois un lien physique entrel’information et une marchandise support, lelivre composé. Il en va de même pour le disque,le CD puis le DVD, le lien devenant de plus enplus ténu à chacune de ces étapes technologi-ques de l’édition phonographique et audiovi-suelle, car la copie s’avère de plus en plus aiséeet de moins en moins coûteuse.

Aujourd’hui, sur les réseaux électroniques, laliaison entre contenant et contenu est totale-ment rompue : la numérisation a transformé

L’information : un « bien public » ?Dans la limite des effets d'encombrement

du réseau, de très nombreux internautespeuvent accéder simultanément et en totalitéà un même contenu numérisé. L’informationprésente ainsi le caractère fondamental de« non-rivalité » propre aux biens que l’analyseéconomique qualifie de biens publics : cesbiens qui, contrairement aux « biens priva-tifs », n’engendrent aucune restriction de leurconsommation par certains, du fait de leurconsommation par d’autres.

Même s’agissant de l’information encoreliée à des supports matériels, la non-rivalitéprévaut quasiment. En effet, la copie sansperte sensible de qualité est aujourd’huipossible, non seulement à un coût marginalnégligeable, mais encore à un coût moyen très

modeste : des particuliers peuvent photoco-pier un texte, scanner une image, reproduireune cassette, un CD ou un DVD, au moyend’équipements de moins en moins onéreux.

Dès lors, l’information est de la mêmenature qu’une idée : on ne la perd pas en lacommuniquant à autrui. Un agent qui cède àun autre un bien informationnel n’en est pasprivé pour autant, ou du moins consent-il uncoût très faible vis-à-vis de l’utilité qu’il trans-fère à l’acquéreur.

Il est vrai que la non-rivalité de l’informa-tion n’implique pas la non-exclusion, c’est-à-dire l’impossibilité d’exclure quiconque de laconsommation d’un bien, un apanage des bienspublics « purs » tels que la Défense nationale. Atravers le marquage, le filtrage, et autresmesures techniques de protection de lapropriété intellectuelle, la technologie rend

textes, sons et images en de purs minerais,dégagés de la gangue de tout contenant.L'information est devenue un bien autonomeau plan technologique. Si, au plan écono-mique, l’émancipation n'est pas achevée, onpeut toutefois juger de ses effets potentiels enobservant les secteurs les plus exposés, commecelui de l’édition musicale, dont le modèle d’affaires traditionnel, fondé sur la distributionde phonogrammes matérialisés, est remis enquestion par le foisonnement des échanges pairà pair de fichiers MP3. La « libération » de l’information engendre une mutation : à « l’ancienne économie de l’information », danslaquelle la valeur était renfermée dans desmarchandises support, se substitue une« nouvelle économie de l’information », danslaquelle la valeur réside dans l’accès à un corpusculturel dématérialisé.

La mise en partage de fichiersmusicaux entre micro-ordinateursconnectés est aujourd’huidénoncée comme « piraterie » etfait à ce titre l’objet devigoureuses actions correc-trices, telles que les disposi-tions figurant dans la loiDADVSI (1) de 2006 et celles prévuespar la future loi portant création del’HADOPI (2). Il importe de souligner que cesmesures, préventives ou répressives, ne s’atta-quent pas au partage de fichiers en tant que tel,car celui-ci est socialement désirable et écono-miquement efficace, mais à ses modalités, quientrent aujourd’hui en violent conflit avec lalégislation sur la propriété intellectuelle. Or,après une phase de prolifération « sauvage » des

réseaux pair à pair, le développe-ment d’une offre légale,

préconisé par lerapport Olivennes,

est parfaitementconcevable etsouhai table .

Nous y revien-drons plus loin,

après avoir précisé lespropriétés de l’information, vue entant que bien économique.

L

6 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

« La musique en ligne ne serait pas lepremier bien culturel dont la

facturation serait déliée du volume dela consommation. C’est le cas, depuis

plusieurs années, pour les films projetés en salle, avec le développement

des cartes illimitées »

Page 7: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 7

l’irrésistible ascension du numérique médias, fondé sur la distribution de biens matérialisés, est remis en question par le foisonnement desquasi gratuité de l’acte de consommation, s’accompagnant d'un paiement forfaitaire de l'accès auxartistique. Dans ce nouveau monde, où le développement d’une offre légale est parfaitement concevableest d’importance : il s’agit à la fois de promouvoir un patrimoine numérique de qualité, d’éviter préserver notre culture francophone sur la Toile. Les clefs pour comprendre ce nouveau modèle

La musique numériqueLa compréhension de la nature écono-

mique de l’information contribue à éclairerles débats sur le devenir de l’industrie de lamusique à l’ère numérique. Il ressort en effetdes développements précédents que les deuximpératifs suivants doivent être conciliés…sans oublier le second !• La création artistique, en amont de la

chaîne de valeur, doit être rémunérée enaval par la consommation, afin de préserverles incitations des artistes, favoriser l’émer-gence de nouveaux talents et ainsi garantirun degré de variété satisfaisant du répertoiremusical numérique.

• La consommation musicale doit être la pluslarge possible, puisque l’extension de cetteconsommation est génératrice d’effets declub et qu’elle peut s’opérer à un coûtmarginal négligeable.

Une conclusion s’impose alors immédiate-ment en matière de tarification : à l’optimuméconomique, le prix du téléchargement d’unmorceau de musique doit être fixé au plusprès du coût marginal de la distribution enligne, c’est-à-dire avoisiner zéro.

Les coûts de création et d’édition, qui sontindépendants des volumes (coûts fixes),doivent quant à eux être financés à l’aide deprélèvements forfaitaires, du type taxe ouabonnement, ou encore par la publicité.

••• suite p.8

effectivement possible d’interdire certains typesde consommations informationnelles, une telleexclusion visant à limiter les effets déstabilisa-teurs de la non-rivalité. Toutefois, il ne faut pasnégliger le coût de mise en œuvre de l’exclu-sion, ni le dommage indirect qu’elle peut porterà l’économie de l’information : elle diminue eneffet l’utilité des biens informationnels pourceux qui les consomment de manière licite, lesprotections nécessaires pour empêcher la copierendant l’usage de ces biens plus malaisé.

Coût et valeur La chaîne de valeur informationnelle

comporte trois maillons – production, distri-bution, consommation – et engendre donctrois types de coûts : en amont, ceux liés àl’élaboration de l’information ; au milieu,ceux liés à sa réplication et sa transmission ; enaval, ceux engendrés par son assimilation etson utilisation par les acteurs économiques. Laphase amont de constitution des bases decontenus, ainsi que la phase aval de concep-tion des outils logiciels permettant d’en tirerparti, engendrent des coûts fixes importants.Quant à la phase intermédiaire de circulationdes contenus, elle est caractérisée par des coûtsessentiellement variables, que les technologiesnumériques, notamment Internet, tendent àréduire considérablement. Regardée dans saglobalité, la « fonction de production » de l’in-formation présente ainsi un fort coût fixe etun faible coût marginal, une structure généra-trice d’économies d’échelle : le coût unitaires’abaisse lorsque le volume s’accroît.

La déformation de la fonction de produc-tion de l’information, dont l’ordonnée à l’ori-gine s’élève (augmentation des coûts fixes) etla pente s’abaisse (diminution des coûts varia-bles), prête parfois à des interprétations incor-rectes. En particulier, contrairement à ce quepourrait laisser hâtivement penser la seuleprise en considération de l’abaissement dras-tique des coûts de transmission sur les réseaux,l’économie numérique n’est pas une économieexempte de coûts d’information. Elle est toutau contraire une économie où la valeur se créeet s’accumule en amont et en aval des réseauxélectroniques, dans l’élaboration de contenus

et dans la transformation d’informationsbrutes en connaissances mobilisables, uneélaboration et une transformation qui sont desprocessus coûteux. Mais ces processus étantcollectifs, ils nécessitent une mise en réseauglobale des agents économiques… qui seraitirréalisable si Internet n’offrait précisémentune telle interconnexion à un coût variabletrès faible et avec une très grande flexibilité.

Effets de clubLes biens informationnels et, par extension,

les biens dont l’utilisation est liée à des réseaux,sont à l’origine « d’effets de club » : les consom-mations individuelles, loin de s’exclure mutuel-lement, en raison de la non-rivalité, se valorisenten outre les unes les autres, l’utilité de chaqueconsommateur étant renforcée du fait de laprésence des autres sur un même réseau. Parexemple, plus un site Internet de relations socia-les fédère un grand nombre d’adhérents, plusil se montre attractif pour chacun d’eux ; plusun système d’exploitation informatique estrépandu, meilleures sont ses performances etplus large est la palette des logiciels compatibles.

Souvent, les effets de club sont démultipliéspar l’existence d’un marché « biface », legestionnaire de la plate-forme informationnelleassurant alors la mise en relation de deuxgroupes distincts d’agents économiques. Parexemple, une plate-forme de musique en ligneou de vidéo-distribution met en rapport, d’uncôté, des éditeurs de contenus et, de l’autre, desamateurs de musique ou de cinéma. Dans cetexemple, un accroissement de l’audience sur la« face amateurs » stimule la variété des contenusdisponibles sur la « face éditeurs », et récipro-quement. De manière similaire, plus un portailInternet est fréquenté, plus il attire de nouveauxinternautes sur une des faces du marché et plusil séduit les annonceurs, sur l’autre face.

Les effets de club ne sont autres que des« économies d’échelle de consommation »qui, se cumulant aux économies d’échelle de production, favorisent l’émergence destandards dominants, voire de stratégies debarrières à l’entrée et de monopolisation, ainsiqu’on a pu par exemple l’observer pour leslogiciels Microsoft.

1 Droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information.

2 Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.

« Le fait que l’assiette de larémunération des artistes ne soit

plus indexée sur le volume global deconsommation n’exclut nullementque la part revenant à chacun soit proportionnelle au volume

de son audience propre »

Page 8: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

8 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

mise en forme, la collecte et le traitement d’in-formations documentaires ou journalistiques,autant d’aspects essentiels du modèle tradi-tionnel, ne doivent pas disparaître, mais bienau contraire s’affirmer, avec la numérisation.Toutefois, cette affirmation n’est pas synonymede statu quo : pour le livre, comme pour lesautres biens culturels, le processus éditorialintégrera inéluctablement un modèle« partagé » (de plusieurs vers plusieurs ou detous vers tous), complétant le modèle« diffusé » (de un ou de quelques uns vers tous)et s’y substituant en partie.

En vue d’assurer le financement équilibréde la production culturelle et la sélection decontenus enrichissant le patrimoine numé-rique collectif, plusieurs moyens alternatifssont envisageables et peuvent être combinés :certes le droit d’auteur, par exemple collectépar un micro-paiement accompagnant leséchanges en ligne ; mais aussi la publicité, laparafiscalité, comprenant notamment des taxessur les équipements électroniques de stockageet de restitution des contenus, des fonds desoutien, etc..

Une politique culturelle de transition vers lenumérique doit en définitive se donner deuxobjectifs : d’une part, donner une forte impul-sion publique dans les domaines, tels que la

mise en ligne d’éléments indiscutablementpatrimoniaux, où la numérisation ne rentre pasen conflit direct avec les modèles d’affaire exis-tants ; d’autre part, dans les domaines sensibles,mener des expérimentations en concertationavec les industries de contenus, afin de testersans a priori différentes formules innovantes.C’est dans cet esprit qu’il convient, à mon sens,de comprendre l’accord Olivennes et rédiger lafuture loi sur la diffusion des œuvres surInternet : le meilleur remède contre le piratage,c’est la promotion de pratiques efficaces etvertueuses, bien davantage que la répression.

L’enjeu est d’importance, car il s’agit tout àla fois de promouvoir un patrimoine numé-rique de qualité, d’éviter que certains compor-tements des internautes ne dégrade de largespans de la production culturelle, et depréserver une culture francophone qui risque-rait à terme d’être marginalisée sur un Web –pardon, sur une Toile ! – de plus en plusdominé(e) par la culture anglo-saxonne. �

Nicolas Curien, Membre de l’Autorité

personne ne comprendrait que des caisses nesoient pas installées à l’entrée, afin de facturerl’accès à une telle caverne d’Ali Baba ! En effet,ce que permet l’étonnante technologie de répli-cation physique, gratuite et automatique, c’estuniquement le renouvellement permanent ducontenu de la caverne, et non pas la constitu-tion préalable de ce contenu. Or, contrairementà sa réplication, la création du contenucomporte un coût et représente une valeuréconomique, que doit impérativement rému-nérer un droit d’entrée. Dans cet apologue, latechnologie providentielle n’est autre que lanumérisation, l’inépuisable trésor de la cavernen’est autre que la musique numérique et le droitd’entrée n’est autre que l’abonnement à uneplate-forme légale… ou la redevance associée àune licence globale sur Internet !

Si le montant collecté pour rétribuer lacréation musicale est assis sur le nombre desabonnés aux plates-formes de musique en ligne,ou sur le nombre des internautes prêts à s’ac-quitter de la licence globale, ou sur un budgetpublicitaire, le risque n’existe-t-il pas que soit

ainsi rompu le lien entre l’artiste qui crée etle public qui choisit, que l’offre musicalene puisse plus être guidée par lademande ? Non, car le fait que l’assiettede la rémunération des artistes ne soit

plus indexée sur le volume global deconsommation n’exclut nullement que

la part revenant à chacun soit proportion-nelle au volume de son audience propre. Ilest en effet techniquement possible demarquer numériquement les œuvres, afin demesurer statistiquement les flux de téléchar-gement et ainsi rémunérer les ayants droit àproportion de leur diffusion dans le mondenumérique. Ceci constituerait d’ailleurs unprogrès notable par rapport aux techniques desondage utilisées pour les diffusions à la radio,dont on sait qu’elles introduisent un biais audétriment des artistes de notoriété modeste.

Vers une politique culturelle du numérique

Qu’il s’agisse de la musique, du livre, ducinéma ou de l’audiovisuel, la protection de lapropriété intellectuelle ne saurait évidemmentêtre réduite à un pur instrument « défensif »,exclusivement destiné à préserver les intérêts de« l’ancienne économie de l’information ». Elles’inscrit plus positivement dans une démarcheproactive de constitution d’un patrimoineculturel numérique, dans laquelle la reconnais-sance sociale des œuvres et leur labellisationjouent un rôle primordial.

Prenant l’exemple de l’édition littéraire, lacommande et la sélection des manuscrits, lerepérage des auteurs, l’aide à la création et à la

••• suite de la p. 7La musique en ligne ne serait pas le premier

bien culturel dont la facturation serait déliée duvolume de la consommation. C’est le cas,depuis plus d’un demi-siècle, des programmesdiffusés par les chaînes de télévision financéespar la publicité. C’est également le cas, depuisplusieurs années, pour les films projetés en salle,avec le développement des cartes illimitées. Lagratuité ou la quasi-gratuité de « l’acte » deconsommation, s’accompagnant du paiementex ante d’un « droit » à consommer, ne revêtaucun caractère dénigrant ou dévalorisant àl’endroit de la création artistique. C’est là, bienau contraire, conférer à la musique numériquele caractère d’une « infrastructure immatérielleessentielle », à laquelle chacun doit pouvoiraccéder librement, après s’être dûment acquittéd’un montant forfaitaire abordable.

Pourquoi alors, objecteront certains, ne pasimposer également une subvention aux boulan-gers et une distribution gratuite de la baguettede pain ? Tout simplement parce que, contrai-rement au fichier numérique, la baguetteest un bien physique « rival », qui estdétruit lorsqu’il est consommé. En outre,les coûts de la

fabrication et de la distribution du pain,proportionnels au volume des unités produites,sont loin d’être négligeables : une tarification àl’unité est donc dans ce cas le modèle adapté.La différence essentielle de nature entre un bienphysique, comme le pain, et un bien numé-rique, comme la musique en ligne, permet decomprendre combien il est hâtif d’assimiler letéléchargement gratuit d’une œuvre musicale àun vol à l’étalage. Pour corriger cette imagetrompeuse, voici une image plus conforme,celle de la caverne d’Ali-Baba.

La caverne d’Ali-BabaSupposons qu’ait été inventée une techno-

logie « miracle » qui permette de remplacerphysiquement, immédiatement, à l’identiqueet sans aucun coût, tout CD retiré des bacsd’une surface de distribution. Il apparaîtraitalors impensable que des caisses soient dispo-sées en sortie de magasin afin de faire payer lesCD emportés par les « clients » : celui quiemporte cent ou mille CD « cause » en effetexactement le même coût que celui qui n’enprend aucun, c’est à dire zéro ! En revanche,

« Le meilleur remède contre lepiratage, c’est la promotion de

pratiques efficaces etvertueuses, bien davantage que

la répression »

Page 9: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 9

Depuis cinq ans, le secteur de ladistribution de la télévision aété marqué par plusieursévolutions majeures. Parmi les

plus structurantes figurent le développementdes premières offres de télévision par ADSLen décembre 2003, le lancement de la télévision numérique terrestre (TNT)gratuite, en mars 2005, puis payante, enmars 2006, ou encore l’apparition desoffres de télévision sur téléphone mobile.

Ces évolutions ont permis l’émergencede plusieurs distributeurs de services detélévision payante, l’augmentation sensibledu nombre des chaînes gratuites et le déve-loppement de la consommation de télévi-sion en mode non linéaire (services devidéo à la demande et de télévision derattrapage sur les réseaux filaires). Il sembled’ailleurs que les services non linéaires,appelés à être régulés par le Conseil supé-rieur de l’audiovisuel, constituent unfacteur de croissance important, en parti-culier pour les distributeurs nouveauxentrants.

Grâce à la technologie xDSL, les opéra-teurs de communications électroniquesont pu agréger des contenus audiovisuelset développer, à des degrés divers, uneactivité de distributeurs de services. Ainsi,les offres multiservices qui combinentl’accès Internet haut débit, la téléphonieillimitée et l’accès aux contenus audiovi-suels, rencontrent un succès certain auprèsdes consommateurs, qui sont aussi destéléspectateurs. Ces offres concurrencentdirectement les bouquets d’entrée degamme des opérateurs du câble et dusatellite.

Les acteurs de l’audiovisuel et des télécoms ont mis en œuvre des

stratégies d’adaptation différentesConfronté à l’émergence d’offres alterna-

tives, le groupe Canal+, principal opérateurde la télévision payante, s’est efforcé de main-tenir l’attractivité de ses offres premium etcinéma, dans le cadre des engagements sous-crits devant le ministre chargé de l’économielors de la fusion avec la société TPS.

Les évolutions technologiquesrécentes ont profondément bouleverséle secteur audiovisuel

Les opérateurstélécoms

entrent dansle champ de

compétence duCSA

L’arrivée de nou-veaux acteurs est denature à dynamiser laconcurrence sur lemarché de la télévisionpayante. Leurs activitésentrent dans le champ dela loi du 30 septembre1986 sur la liberté decommunication et relèvent

du régime juridiqueapplicable à la distri-

bution et à l’édi-tion de services.

Dans ce cadre, le Conseilest appelé à exercer un

contrôle sur ces opéra-teurs.

Les offres des nouveauxdistributeurs, et les chaînes

nouvellement créées, contri-buent à améliorer la qualité et la diver-sité de l’offre de programmes mise à ladisposition du public, dans l’intérêt destéléspectateurs.

Dans ce contexte, le Conseil entendgarantir également une juste rémunérationde la création audiovisuelle en veillant à ceque les chaînes éditées par les opérateursxDSL soient soumises à des obligationscomparables à celles des chaînes existantes.

Il veille également à l’établissement derelations objectives, équitables et nondiscriminatoires entre éditeurs et distribu-teurs. A ce titre, le Conseil a déjà été solli-cité par des opérateurs de communicationsélectroniques dans le cadre de sa compé-tence en matière de règlement des litiges.

Le Conseil veille ainsi à garder uneapproche équilibrée, combinant établisse-ment d’un cadre propice au succès desoffres innovantes et le respect des droits etdevoirs des différents acteurs. �

www.csa.fr

Dans ces circonstances, les distributeursxDSL ont aussi cherché à concurrencer legroupe Canal+ en retenant des stratégiesdifférentes.

La société Free a mis en place une poli-tique de partenariats privilégiés avec legroupe Canal+ pour la distribution des offresCanalSat et Canal+ Le Bouquet. Ainsi, l’opé-rateur a notamment proposé à ses nouveauxabonnés une offre d’accès à Canal+ LeBouquet pour 1 € la première année, réservéeaux 30 000 premiers abonnés.

De son côté, la société Orange / FranceTélécom a choisi de se positionner sur lessegments amont de la chaîne de la valeur enacquérant des droits de diffusion et en éditant

elle-même ses propres chaînes. En septembre2007, la société Orange a lancé sa proprechaîne d’information sportive, « OrangeSports TV », proposée en exclusivité dans sesoffres de télévision. Elle a également lancé, enaoût 2008, le service « Orange Foot » diffusantles droits de la Ligue 1 de football acquis parFrance Télécom. L’opérateur a égalementannoncé le lancement, avant la fin de l’année2008, d’une offre premium « Orange cinémaséries » constituée de six chaînes, disponiblespar abonnement pour tous les clientsd’Orange, sur l’écran de leurs choix (télévi-seurs, ordinateurs et terminaux mobiles).

Cette stratégie est toutefois fortementcontestée par le groupe Canal+ et les distribu-teurs xDSL concurrents, dans la mesure oùles contenus acquis par Orange sont à l’heureactuelle réservés en exclusivité à ses abonnés,contrairement aux offres CanalSat et Canal+Le Bouquet disponibles auprès de tous lesopérateurs xDSL.

par Marie Laure Denis, Conseiller au CSA

« Le Conseil entend garantir une justerémunération de la création audiovisuelleen veillant à ce que les chaîneséditées par les opérateurs xDSLsoient soumises à des obligationscomparables à celles des chaînesexistantes»

Page 10: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

10 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

••• suite de la p.5Cet objectif passe par une concurrence entre

distributeurs de télévision payante, parmi les-quels les FAI. Un accès inéquitable aux contenuspeut en effet induire une distorsion de concur-rence sur les marchés de télécommunications,notamment sur les marchés de détail du hautdébit et du très haut débit. Rendre accessible leplus grand nombre de chaînes à l’ensemble desabonnés des FAI, en particulier les plus attracti-ves, permet de réduire de manière significativele risque de préemption de nouveaux abonnésau haut débit et au très haut débit ou de chan-gement massif de fournisseur d’accès en faveurd’un éventuel distributeur exclusif.

En outre, la répartition de la valeur liée auxservices audiovisuels proposés sur les réseauxADSL et fibre optique n’apparaît pas favorableaux FAI. En effet, les abonnés aux offres de télé-vision distribuées en propre par les FAI le sontpour la plupart au simple bouquet de base inclusdans l’abonnement multiservices, ce qui engen-dre un faible revenu supplémentaire par abonné.En outre, les FAI interviennent comme simplestransporteurs des offres de Canal+ France. Larémunération qu’ils perçoivent à ce titre sembleconstituer une source de revenus limitée.

Dans un contexte où les réseaux fixes consti-tuent désormais la principale plateforme de crois-sance de la télévision payante, un accès à une plusgrande part de la valeur liée aux services audio-visuels (en tant que distributeurs ou transpor-teurs) est susceptible d’accélérer les investisse-ments des opérateurs dans le très haut débit, etpar suite, de permettre l’émergence de nouveauxservices audiovisuels. Ceci constituerait in fineun facteur de croissance du marché de la télévi-sion payante dans son ensemble, bénéficiant ainsiaux distributeurs, aux ayants-droits et au finan-cement de la création audiovisuelle française.

Encadrer le régime des exclusivités de distribution pour éviter

les distorsions de concurrence Une autre question essentielle concerne les

conditions dans lesquelles peuvent être conclusdes accords d’exclusivités. Il existe deux typesd’exclusivités en matière de télévision payante :d’une part, les exclusivités accordées par un ayant-droit à une chaîne pour un programme donné(seule cette chaîne peut alors diffuser le pro-gramme concerné) et d’autre part, les exclusivi-tés accordées par une chaîne donnée à un distri-buteur (pour accéder à cette chaîne, le client finalest alors contraint de souscrire au bouquet de cetunique distributeur).

Si le premier type d’exclusivités n’empêchepas une large diffusion des contenus correspon-dants sur différentes plateformes (satellite, TNT,ADSL, mobile…) puisqu’il n’impacte pas a priori

la distribution, les exclusivités de distribution,en revanche, restreignent potentiellement lechamp de la diffusion des contenus concernés.En effet, l’octroi de droits exclusifs de distribu-tion est susceptible de limiter l’équité dans l’accès aux contenus et d’affecter l’économie desréseaux de diffusion sous-jacents. Des exclusivi-tés portant sur plusieurs technologies de diffu-sion peuvent en effet limiter le jeu de la concur-rence sur les marchés de l’audiovisuel et destélécommunications situés en aval.

Il convient toutefois de souligner que les exclu-sivités de distribution constituentune pratique courante du sec-teur, permettant une différen-ciation des offres proposées auxconsommateurs, et sur laquelles’est appuyée historiquement laconcurrence entre Canal+ etTPS. De nombreuses chaînes font actuellementl’objet d’une distribution exclusive :- L’offre « premium » Canal+ Le Bouquet béné-

ficie historiquement, via sa convention signéeavec le CSA, d’une autodistribution exclusivepar Canal+ Distribution ;

- CanalSat distribue près de 60 chaînes théma-tiques en exclusivité, en particulier les princi-pales chaînes payantes éditées par le groupeCanal+ France, TF1 et Lagardère ;

- Orange distribue de manière exclusive ses chaînes Orange Sports TV, Orange Foot etOrange Cinéma Séries.

La généralisation de ces exclusivités répond àdes intérêts économiques et stratégiques, tant dupoint de vue des chaînes thématiques que de celuides distributeurs. En effet, du point de vue d’undistributeur, la multiplication d’accords d’exclu-sivités augmente la qualité de son offre et sonattractivité pour les téléspectateurs. D’un pointde vue concurrentiel, la théorie économique adémontré qu’un distributeur donné est généra-lement prêt à payer davantage une prime d’ex-clusivité à une chaîne pour exclure des distribu-teurs rivaux, que ces distributeurs rivaux ne sontprêts à payer dans leur ensemble à cette mêmechaîne pour ne pas être exclus de sa distribution.

Par ailleurs, dans un contexte où la plupartdes chaînes thématiques sont déficitaires ou à lalimite de la rentabilité, la maximisation de leursrecettes passe de manière prioritaire par la maxi-misation des reversements de leurs distributeurs,c’est-à-dire le plus souvent par une prime d’ex-clusivité de distribution.

Sans remettre en cause la légitimité des dis-tributeurs à conclure des accords de distributionexclusive avec des chaînes thématiques, la ques-tion de leur encadrement, notamment en termesde durée et de périmètre, se pose néanmoins afind’éviter les distorsions concurrentielles non seu-lement sur le marché de la télévision payante mais

aussi sur les marchés de communications élec-troniques qu’elles affectent, typiquement ceuxdu haut débit et du très haut débit.

En outre, en l’absence d’engagements de nondiscrimination et de mise à disposition de cer-taines chaînes, Canal+ France pourrait être enmesure d’utiliser sa position privilégiée en matièrede télévision payante pour distordre la concur-rence, soit en faveur de son bouquet satellite auxdépends notamment des réseaux fixes, soit enfaveur de sa filiale Neuf Cegetel sur le marché duhaut débit.

Par ailleurs, l’entrée d’Orange dans les conte-nus a soulevé de nouvelles préoccupations concur-rentielles du fait d’une part de la position pré-pondérante de France Télécom sur les marchésde communications électroniques, en particu-lier sur le haut débit, et d’autre part du mode dedistribution retenu par Orange pour ses propreschaînes. De manière générale, deux principauxmodèles de distribution exclusive coexistentaujourd’hui :- Canal+ France distribue ses offres Canal+ Le

Bouquet et CanalSat sur l’ensemble des plate-formes qui le souhaitent, dans des conditionscomparables, de manière équitable inter- etintra-plateformes ;

- Orange distribue à ce jour les chaînes qu’il éditeà ses seuls abonnés haut débit, très haut débitet mobile.

Ces deux modèles ne présentent pas le mêmeimpact sur la concurrence des marchés du hautdébit et du très haut débit. Si l’on prend l’exem-ple des matchs de football de la Ligue 1, celasignifie notamment qu’un abonné haut débitpeut, quel que soit son FAI (Orange, Free, NeufCegetel, Numéricâble, Darty....), sous réserved’éligibilité, souscrire à Canal+ Le Bouquet afinde pouvoir regarder les matchs qu’il diffuse. Enrevanche, un consommateur qui souhaiteraitpouvoir visionner le match diffusé chaquesemaine sur Orange Foot devra nécessairementêtre abonné à une offre haut débit, très haut débitou mobile d’Orange.

Plus généralement, les pouvoirs publicspourront être amenés à s’interroger sur lesconditions dans lesquelles certaines exclusivitésde distribution pourraient conduire à desdistorsions de concurrence résultant, par effetde levier d’un marché sur l’autre, des positionsprépondérantes de certains acteurs. �

« Rendre accessible le plus grand nombrede chaînes à l'ensemble des abonnés des

FAI permet de réduire de manière significative lerisque de préemption de nouveaux abonnés au

haut débit et au très haut débit »

Page 11: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

pour capter des clientsattirés par les contenusexclusifs, elle déséquilibrela concurrence, inquièteles rivaux et ouvre unezone de turbulencecontentieuse avec toutesles incertitudes qui y sontattachées.

Une réalité en demi-teinte

Il est hélas probable,ce qui ne réjouira certespas les régulateursconcernés, que la réalitésera en demi-teinte,les exclusivités quese réserveront lesopérateurs domi-nants sur certainscontenus ayant deseffets ambigus sur lesdifférents marchésconcernés. La sortie de lazone grise aura, en outre,d’autant plus de chance de sefaire attendre que le périmètre etl’attractivité de ces contenus exclu-sifs seront limités.

Le jeu est donc encore ouvert et lerestera probablement tant que, sur ce terraindes contenus, les duels entre les grandsopérateurs, chacun pouvant être dominantsur un des nombreux marchés connexes, selivreront à fleurets mouchetés. Il en ira toutautrement si la compétition se durcit, susci-tant des contentieux qui conduiraient lesautorités de concurrence à se prononcer aufond. �

www.conseil-concurrence.fr

Le marché de l’accès aux servicessur Internet a été depuis dix ansun secteur béni pour la concur-rence. La substituabilité des offres

des compétiteurs, élément cardinal de laconcurrence, y était, en effet, quasi totale.Cette particularité tient au fait que lescontenus auxquels les consommateurssouhaitent accéder (biens vendus en ligne,voyage et musique par exemple, consultationde sites d’information ou de recherche docu-mentaire, ou services de communication,principalement la messagerie et les forumsde discussion) sontdisponibles auprès detous les fournisseursd’accès, lesquels ne sedistinguent les uns desautres que par le prix etla qualité technique deleurs offres. De ce pointde vue, le mariage del’Internet et des télécomsa été une union naturelleet harmonieuse puisquel’obligation d’intercon-nexion fait que le télé-phone est également unsecteur économique oùla substituabilité desoffres est la règle : lescontenus sont apportés par les utilisateurseux-mêmes et ne peuvent perturber les choixeffectués par les consommateurs à partir decritères techniques et économiques.

Face à ce monde de la substituabilitéreine, le paysage de l’audiovisuel payant sesingularise par son goût pour l’exclusivité etla non substituabilité des offres. Le modèleéconomique de l’édition et de la distributionde la télévision payante est fondé sur le prin-cipe simple selon lequel le consommateurn’acceptera pas de payer pour un contenuqui peut être trouvé gratuitement ailleurs.

Réplicabilité totale et exclusivité

La rencontre de ces deux univers, télévi-sion payante et internet/téléphone, à traversles offres triple play, a donc, dès l’origine,suscité des interrogations. Comment marierl’eau et le feu, la réplicabilité totale et l’exclu-sivité ?

La solution la plus simple est que chacunse cantonne à son métier d’origine. Si lefournisseur d’accès n’est ni éditeur ni distri-buteur, il transportera spontanément tous lessignaux sans discrimination. Inversement, sitous les distributeurs acceptent d’offrir leursproduits à tous les transporteurs, le marchédu triple play restera soumis à la règle de lasubstituabilité totale. Le même résultat, unpeu dégradé, peut aussi être atteint si le four-nisseur d’accès est lui-même distributeurd’une offre propre mais accepte de trans-porter les offres distribuées par d’autres.

Dans ce cas, tous lescontenus restent

accessibles auprès detous les fournisseurs

d’accès, même si la réparti-tion de la marge commer-

ciale entre opérateurs dans lachaîne de distribution peutvarier. Ce modèle, dans lequel

l’exclusivité est cantonnéeaux étages de l’édition et

de la distribution maisépargne l’étage du transportet de la diffusion, a été etreste encore largement domi-nant.

Les problèmes appa-raissent lorsque l’exclusivité

« descend » jusqu’à l’étage du transport etapparaît comme un moyen de faire échec àla substituabilité des offres triple play. C’estle trop fameux « effet de levier » qui permetde gagner des clients, non pas sur ses méritespropres mais grâce au pouvoir tiré d’unesituation de monopole sur un bien connexeou lié. D’un usage tentant si l’on veutprofiter des avantages commerciaux réels ousupposés qu’on lui attribue, cet « effet delevier » a l’inconvénient majeur d’attirer l’at-tention des autorités de concurrence àproportion de son efficacité. Mieux ilmarche et plus il est suspect.

En reprenant le mot célèbre de Pascal surDescartes, on pourrait alors dire de l’exclusi-vité qu’elle est « inutile et incertaine ».Insuffisamment efficace pour amener unvolume d’affaire supplémentaire capable decouvrir les coûts d’investissement dans descontenus exclusifs, elle est inutile et sera àterme délaissée. Au contraire, assez efficace

Ces propos n’engagent ni lesmembres du collège, nil’instruction du Conseil de laconcurrence à l’égardd’éventuelles affairescontentieuses en cours ou àvenir.

Avertissement

Convergence contenants-contenus :l’exclusivité inutile et incertaine ?par Thierry Dahan, rapporteur général du Conseil de la concurrence

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 11

« Les problèmes apparaissentlorsque l’exclusivité“descend ” jusqu’à l’étage du transport (…) C’est letrop fameux “ effet delevier ” qui permet degagner des clients, non pas sur ses méritespropres mais grâce aupouvoir tiré d’unesituation de monopole »

Page 12: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

12 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Rechercher l’expositionla plus large possible

Ce modèle est, surtout, vertueux pour lesconsommateurs. Il garantit la continuité d’uneoffre de télévision pluraliste de grande qualitéet il permet à chacun, quel que soit le mode dediffusion qu’il a choisi, d’accéder à toutes lesoffres de Canal+.

Il se distingue radicalement, en cela, de lalogique qui paraît inspirer l’opérateur histo-rique du marché des télécoms, qui vient d’effectuer une entrée remarquée dans lemonde de l’édition et de l’agrégation decontenus. Orange met en effet en œuvre uneexclusivité à deux niveaux : l’exclusivité que cegroupe détient sur certains contenus etcertaines chaînes se double d’une distributionréservée exclusivement à ses seuls abonnés autéléphone et à l’internet haut débit. Pour lapremière fois, l’accès à des contenus (pourpartie premium) est conditionné au choixpréalable d’une technologie et d’un opérateurde réseau. Orange constitue de la sorte unécosystème clos, destiné à faire de l’abonné unclient captif.

Cette logique n’est pas celle d’un opérateurde télévision, qui a vocation à rechercher pourses offres la plus large exposition possible, defaçon à amortir les coûts importants qu’il doitassumer pour constituer une offre télévisuellede qualité. Elle est celle d’un fournisseurd’accès qui voit dans les contenus un produitd’appel destiné à accroître ses parts de marchédans la téléphonie et l’accès haut débit, et quipeut, dès lors, investir dans les contenus sansse préoccuper de les rentabiliser par la distri-bution de la seule télévision payante. Cettesituation suscite d’autant plus d’interrogationsque l’opérateur en cause jouit, du fait qu’il estpropriétaire des réseaux filaires, d’avantagesstructurels considérables sur ses concurrents.

Le recours aux exclusivités ainsi entenduesconstitue une réelle perversion du système, etil conduit à recréer une antinomie qui n’a paslieu d’être entre distribution de contenusexclusifs et développement des réseaux. Sansdoute appelle-t-il, dès lors, des mesures correc-trices. �

www.canal+.fr

(1) Qu’il s’agisse des 18 chaînes vraiment gratuites de la TNT enclair ou des 50 chaînes que les fournisseurs d’accès internetincluent, sans supplément de prix, dans leurs abonnementsmultiple play

Une idée fausseencombre depuisdeux ans le débatsur l’accès aux

contenus dans l’universnumérique : les exclusivitésdétenues par les opérateurs detélévision en matière d’éditionou de distribution de contenusnuiraient au développementdes offres multiservices etentraveraient le développe-ment des réseaux. Rappelons,

pour dissiper ce malentendu,quelques vérités d’évidence.

L’exclusivité ou la raisond’être du métier d’opérateur

de TV payanteLa détention d’exclusivités est le

fondement même du métier d’opérateurde télévision payante. La raison d’être d’un

groupe comme Canal+ est en effet d’offrir auxtéléspectateurs ce qu’ils ne sont pas susceptiblesde trouver ailleurs, c’est-à-dire précisément descontenus exclusifs soit premium (comme ceuxqui sont proposés au sein de Canal+ Le

Bouquet), soit organisés au seinde bouquets multi-chaînes

(comme ceux quedistribue CanalSat).

Canal+ joue, enla matière, unrôle d’éditeur etd’assembleur,

qui s’appuie surun important savoir-faire et qui génère,pour les consomma-

teurs, une évidentevaleur ajoutée : il s’agit de proposer

à l’abonné une offre cohérente, entriant et en ordonnant les meilleurs contenuspar thèmes, pour un prix optimisé.

La différenciation qui résulte de ce travaild’assemblage est indispensable dans le contexteactuel de vive concurrence entre opérateurs. Lamultiplication des voies d’accès aux contenus etla diversification des offres, en particuliergratuites (1), exigent plus que jamais d’un groupequi se consacre à l’édition, à l’agrégation et à ladistribution de contenus audiovisuels payantsqu’il affirme la singularité de ses produits.

Un modèle vertueux pour l’industrie des contenus

Le modèle qui en découle est vertueux pourl’industrie des contenus. L’exclusivité de distri-bution peut seule permettre aux ayants droit depercevoir une rémunération correcte et à bonnombre d’éditeurs d’assurer la survie de leurschaînes. Le montant versé par le distributeur àun éditeur de chaîne pour une distribution enexclusivité est généralement supérieur à lasomme des redevances et revenus publicitairesqu’il percevrait dans le cadre d’une distributionnon-exclusive. C’est spécialement vrai pour leschaînes qui doivent acquérir des droits rares etcoûteux (notamment dans le cinéma et le sport)et qui, pour couvrir ces coûts, doivent obtenir lameilleure valorisation possible de leur contenu.

Canal+ joue, par ailleurs, un rôle décisif dansle lancement de nouvelles chaînes, en assumantà leur place l’essentiel de la prise de risque finan-cier, en leur garantissant des revenus sur lespremières années, sur la foi d’un simple cahierdes charges, et en réalisant pour elles des effortspromotionnels substantiels, qui n’auraient paslieu d’être dans le cadre d’une distribution non-exclusive et que les chaînes elles-mêmes ne pour-raient pas assumer.

Un atout majeur pour la pénétrationdes offres multiple play

Favorable au développement de l’industriedes contenus, ce modèle l’est tout autant audéveloppement de l’ensemble des plateformesde distribution. Il n’entend, en effet, privilégieraucune voie d’accès aux contenus par rapportaux autres : Canal+ Le Bouquet et CanalSat sontdisponibles sur les plateformes de tous les distri-buteurs ; si certaines chaînes thématiques nesont distribuées qu’au sein du bouquetCanalSat, ce bouquet est, lui, présent sur toutesles plateformes.

Loin de freiner le développement des plate-formes des opérateurs d’accès, le modèle mis enœuvre par Canal+ en accompagne ainsi l’essorcontinu : les plateformes xDSL constituentdésormais le mode de distribution le plus dyna-mique et le principal vecteur de croissance dumarché de la télévision payante en France. Et lapossibilité offerte aux fournisseurs d’accès deproposer les produits du Groupe Canal+ à desconditions tarifaires attractives constitue unatout majeur pour la pénétration de leurs offresmultiple play.

Contenus exclusifs et accès :une opposition dénuée de sens

par Bertrand Méheut, président du directoire du groupe Canal+

« L’exclusivité dedistribution peut seulepermettre aux ayantsdroit de percevoir unerémunération correcteet à bon nombred’éditeurs d’assurerla survie de leurschaînes »

Page 13: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 13

de la création. Que ce soit laproduction de cinéma, lesopérateurs de télévision tradi-tionnels, les producteursd’œuvres audiovisuelles, lespartenaires comme les festi-vals de cinéma, tous trouventlà un relais de croissance. Etbien au delà des diverses obli-gations portées par le statutde nouvel entrant, la relationentre les télécoms et lemonde de la création estfondée sur la certitude quel’avenir passe par une unionaussi indispensable queprofitable.

De nouveauxterritoires d’expressionDans ce grand chambarde-

ment où les cartes se redistri-buent, l’arrivée de nouveauxacteurs est une chance pour lacréation. En amenant un savoirfaire unique en matière d’innova-tion, l’opérateur de télécommunica-tions permet à la production detrouver de nouveaux territoires d’ex-pression. Et parce que là aussi on assisteà la mondialisation des échanges decontenus dans un monde qui s’accélère, laprésence d’opérateurs de taille mondialepermet à la France de résister, de défendreson identité culturelle, son exception. Danscette démarche nouvelle se manifeste la puis-

sance protectrice des industriels rompus aurespect de la différence.

Dans ce contexte de développement denouveaux territoires d’expression, lespouvoirs publics doivent prendre conscienceque les opérateurs sont une chance pour lescontenus, et que ces nouveaux entrants dansle monde de la création représentent uneopportunité, un souffle, une originalité et unrelais de croissance. �

www.orange.fr

Faut-il s’étonner de voir un opérateurde télécommunications se préoc-cuper des contenus qu’il achemine ?Faudrait-il même s’en inquiéter ? La

mère de Graham Bell était sourde, c’est cequi poussa l’inventeur du téléphone à cher-cher et chercher encore à transformer la voixen onde électrique. Quand enfin il y parvint,il confia une première mission à son inven-tion : devenir un Théâtrophone capable detransmettre des pièces ou des concerts. C’estainsi que le téléphone naquit avec le contenudans son ADN.

L’évolution technologique a changé levisage d’une industrie centenaire et pourtant,sa fonction première reste identique : abolirla notion de distance entre l’émetteur et lerécepteur d’un message. La loi de Moore estpassée par là et avec elle une augmentationspectaculaire de la capacité de transmission.

La stratégie du « contenu partout »

Dans ce contexte, la stratégie s’est inscritedans la continuité. Il n’y a aucune rupturedans cette trajectoire qui vise à l’améliorationdu service, à la satisfaction d’un public renduplus exigeant par l’habitude de l’excellence.

La révolution numérique a introduit denouveaux paramètres. L’image et le son sesont évadés de leurs canaux de distributionoriginels. En franchissant la barrière de ladiffusion hertzienne, ils ont conquis le câble,le satellite, et avant que quelques pionniersne leur fassent l’honneur des réseaux télépho-niques, Internet changeait d’âme, l’ADSL serévélait un prodigieux vecteur pour accéder àune richesse inédite de services, de chaînes,accompagnés de ressources inconnues, d’in-novations, d’apports interactifs offrant uneexpérience nouvelle pour chacun. En ajou-tant les réseaux mobiles à l’ADSL se mit enplace la stratégie du « contenu partout ».

Les pièces du puzzle réunies, il fallait alorsles assembler en les dotant des images indis-

pensables. La politique de partenariat pritson essor. Chercher des contenus souventédités par d’autres et les rendre différentsgrâce à la technologie devient une règle.Acquérir des droits, y compris des droitsexclusifs, se révèle aujourd’hui incontour-nable. Dans un marché où l’offre se multi-plie, la ressource est rare. Toujours plusd’acteurs se disputent les événements, lesœuvres audiovisuelles, les films. Les acteursen place gardent jalousement leurs trésors,bloquant les stocks à double tour sans mêmeles utiliser.

Les pires reproches sont adressés auxnouveaux entrants. Même si la politiqued’achat est résolument prudente, le fantasmed’une puissance dévastatrice nourrie par lesressources préjugées illimitées de la télé-phonie hante les éditeurs et producteurshistoriques. Mais la prudence et l’humilitésont de mise dans l’univers des talents et de lacréation. Et les acteurs venus par le biais del’ADSL se plient évidemment aux règlesspécifiques du secteur.

Une expérience inédite pour chacun

Les télécoms célébrent le mariage de lacréation et de la technologie.

L’expérience proposée à chaqueabonné est inédite, il est en relation

permanente avec l’émetteur. Celien prend de multiples formesselon les goûts et les programmes

diffusés. Mais à chaque instant, il luiest possible d’en savoir plus, l’écran est

proposé sous de multiples formes,ouvrant des fenêtres sur unerichesse de services additionnels :statistiques pour le sport, infor-mations ou échanges de commentaires sur lecinéma, etc.

En apportant cette originalité aux acteursdu marché audiovisuel, les nouveaux entrantsouvrent de nouvelles perspectives de crois-sance. C’est une manière de répondre à lademande d’un public qui réclame plus d’of-fres, plus de liberté, plus de diversité. C’estaussi le moyen d’exposer davantage lesœuvres en leur conférant un pouvoir d’at-traction supplémentaire.

En élargissant l’éventail d’exposition descontenus, les opérateurs irriguent l’économie

Télécom et création : « une union aussi indispensable que profitable »

par Raoul Roverato, directeur des activités de croissance chez Orange

« Les opérateurs sont une chance pour les contenus. En élargissantl’éventail d’exposition des contenus,ils irriguent l’économie de la création »

« Acquérir des droits, y compris desdroits exclusifs, se révèle

aujourd’hui incontournable »

Page 14: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Nous développons avec les détenteurs dedroits un partenariat en leur offrant une plate-forme technique performante et un espacedédié où les éditeurs viennent poser leurmarque et éditorialiser leur service. Ce modèleest vertueux car il permet aux éditeurs depromouvoir leur marque et leurs contenus surun univers de distribution exclusivementdédié aux services audiovisuels en qualitébroadcast.

Néanmoins, pour assurer le développe-ment du marché de la télévision payante, ilconvient également que les plateformes dedistribution puissent avoir accès aux offres.

Le marché français est désormais caracté-risé par l’émergence de groupes verticalementintégrés. L’existence de droits exclusifs entreéditeurs et plateformes de distribution dumême groupe est très préjudiciable pour lesautres distributeurs en particulier s’agissantdes contenus les plus attractifs. L’impossibilitéd’accéder à ces contenus entraîne une perted’attractivité des offres.

Il est indispensable que les plateformes dedistribution aient accès à la totalité des offresdisponibles sur le marché ; c’est égalementprofitable aux éditeurs qui voient leur distri-bution s’élargir et leur modèle économique sepérenniser.

C’est à cette condition que la « délinéari-sation » pourra réellement monter en puis-sance. Les habitudes de consommation enseront profondément bouleversées. Si la télé-commande a créé le zapping, la délinéarisationrecollectivisera la consommation de contenus,puisqu’elle alliera la facilité et la personnalisa-tion d’Internet au caractère convivial et‘’communautaire’’ de la télévision. Elle mériteun cadre réglementaire à la hauteur de cesenjeux. �

www.numericable.fr

Dossier - Réseaux et contenus

Nous sommesà la veilled’une révolu-tion dans le

domaine de la consom-mation de contenus audio-visuels. On a longtempsannoncé l’avènement de la« convergence » entre lesmédias et entre les écrans.Mais la conséquence ultimede la convergence, c’est la déli-néarisation. En clair, comment

bénéficier de la fluidité d’Inter-net et du confort de la télévision ?

Enjeux techniques, certes, maiségalement réglementaires… et

sociétaux.Depuis plus de vingt ans, le

câble distribue en France de la télé-vision payante. Ce métier d’opéra-

teur de services de communicationaudiovisuelle l’a conduit à contribuer

fortement au développement du marchéde la télévision payante en participant à la

création de plusieurs chaînes thématiques,aujourd’hui emblématiques, et en assurant ladistribution de toutes les chaînes thématiquesdepuis la fin des années 80.

TV payante : un fort potentielL’activité de distribution de chaînes de télé-

vision de Numericable, devenu depuis le seulopérateur national, consiste à acquérir ducontenu auprès d’éditeurs de chaînes,regrouper ces contenus dans des bouquets et àcommercialiser ses offres directement à sesabonnés. Dans ce contexte, Numericable est ledeuxième distributeur de services de commu-nication audiovisuelle en France.Numericable possède deux grandes particula-rités dans le marché : - d’une part, c’est un opérateur investissant

dans ses propres infrastructures, offrant ainsi

aux chaînes une distribution en qualitébroadcast ;

- d’autre part, Numericable n’est pas intégréverticalement dans un marché de plus enplus concentré, où les groupes interviennentsur l’ensemble de la chaîne de valeur allantde la création de contenus à la distributionsur tout support.

Cette position originale nous conduit àproposer une offre de télévision riche et tota-lement indépendante des autres servicesde communications électroniques.

Notre expérience nous convainc que lemarché de la télévision payante a encore defortes possibilités de développement à deuxconditions : les offres à fort contenu attractifne peuvent être exclusives à une seule plate-forme de distribution et la mise à disposition,pour les éditeurs de programmes, de plate-formes techniques évoluées et performantes.

Grâce aux investissements réalisés dans lesinfrastructures et dans la rénovation desréseaux en fibre optique, Numericable disposed’une plateforme performante de distributionde services de chaînes de télévision tradition-nelles ou de services délinéarisés. Ces servicesde VoD, SVoD, catch-up TV, … sont enpleine expansion et sont de nature à garantir lapérennité du succès du marché de la télévision

payante. Le marché des éditeurs françaisne s’y est pas trompé ; la France est

aujourd’hui en tête des pays européens entermes d’offre de VoD et ses déclinaisons.

Des plateformes performanteset ouvertes

C’est dans cet esprit que Numericable adéployé sa propre plate-forme d’accueil pourles services à la demande, proposant ainsi à sesclients 16 boutiques VoD incluant plus de5000 programmes, dont une centaine enHaute Définition, et 2500 films. Numericablepropose donc aujourd’hui à ses clients : uneoffre de télévision riche de plus de 220chaînes avec 16 chaînes HD d’ici la fin del’année, diffusées en MPEG 4 à plus de 10Mbit/s (jusqu'à 18 Mbits/s selon la nécessitédu programme), l'accès à la VoD, à la SVoDet à la catch-up TV (sur les séries et les jour-naux télévisés).

14 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Des infrastructures solides et des offres de contenus partagées au service de la convergence et de la délinéarisation

par Pierre Danon, président directeur général de Numericâble

« Il est indispensable que lesplateformes de distribution aient accès à la totalité des offresdisponibles sur le marché »

Si la télécommande a créé le zapping, la délinéarisation recollectivisera

la consommation de contenus. Ellemérite un cadre réglementaire

à la hauteur des enjeux »

Page 15: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

distributeurs.• Q u a t r i è m e

principe : un traite-ment équitable detous les distributeurs.Le câble disposeaujourd’hui d’unrégime privilégié(contribution auCOSIP modeste, dis-tribution des chaînes àl’unité…) qui n’a pas defondement et créé unedistorsion de concur-rence.

• Cinquième principe :la lutte contre le piratagedoit être envisagée dans lerespect des libertés indivi-duelles. La protection dequelques « majors » dont lesprofits continuent de croître nejustifie pas le « flicage » de tous lesfrançais. La lutte contre le piratagedoit se faire sous le contrôle du jugeet doit être accompagnée du déve-loppement d’une offre légale digne de

ce nom. Et n’oublions pas que le secteur destélécoms contribue de manière considérableau financement de l’audiovisuel au traversdes taxes nombreuses qu’il supporte et deschaînes distribuées.

Si ces principes sont respectés par lesacteurs, si besoin est sous le contrôle des régu-lateurs, un développement harmonieux desdeux industries est assuré, dans le respect del’exception culturelle et plus encore dans lerespect des consommateurs. �

www.free.fr

Durant des décennies, les secteursdes télécoms et des médias se sontignorés. Quelques incursions desopérateurs historiques de télécom-

munication se sont terminées de manière peuglorieuse (Telefonica et Endemol, TelecomItalia et Stream ou encore France Télécom etTPS) ; les groupes médias, quant à eux, n’ontjamais vraiment trouvé de développementdans les télécoms depuis le Minitel.

Depuis deux ans, les deux secteurs sontrégulièrement mis en opposition. Du débatoffre légale/piratage au lobbying autour dudividende numérique en passant par les taxesdiverses (COSIP, copie privée, demain peutêtre financement du secteur public de l’au-diovisuel), l’audiovisuel et les télécoms sonttrop souvent présentés comme des secteursconcurrents alors qu’ils sont, avec l’évolutiondes réseaux et des modes de consommation,devenus très complémentaires.

Des évolutions constructivesLe temps de la rareté des moyens de dif-

fusion dont très longtemps les groupes médiasse sont plaints (souvenons-nous

de l’époque, où le câblefacturait le transport

sur ses meilleurscanaux) est

révolu. Avecl ’ I P T V,même lesmodestesc h a î n e sl o c a l e strouventune diffu-sion natio-

nale. A celas ’ a j o u -

tent l’interactivité parfaitement efficace desréseaux ADSL et FTTH, les fortes capacitésde stockage et l’intelligence des « boxes ».

Ces fonctionnalités des réseaux de télé-communications, maintenant accessibles àprés de 15 millions de foyers en France eten croissance constante, rendent leur libertéaux téléspectateurs qui sont de moins enmoins disposés à se plier aux grilles de pro-grammes des chaînes traditionnelles. Lesaudiences et le temps passé devant la télé-

vision, particulièrement chez les jeunes, s’enressentent.

Jamais la création n’a été aussi dynami-que et aussi bien financée ; jamais les réseauxn’ont été aussi performants et interactifs etjamais l’industrie des médias et l’industriedes télécoms n’ont autant eu besoin l’unede l’autre. En effet, les opérateurs de réseauxdoivent trouver les contenus propres à valo-riser les investissements considérables réa-lisés dans les « tuyaux » et les médias doi-vent impérativement faire évoluer ladistribution de leurs programmes pourconserver leurs téléspectateurs de moins enmoins fidèles.

Vers une complémentarité intelligente ?

L’opposition systématique des deux sec-teurs est aujourd’hui plus le fait du lobbyculturel et de certains politiques que réelle-ment la pratique des acteurs industriels qui,au quotidien, travaillent ensemble.

Néanmoins le respect de quelques prin-cipes simples pourrait être imposé pour assu-rer dans la durée une relation équilibrée entrel’industrie des contenus et celle des télécoms.

• Premier principe : les réseaux de distri-bution doivent garantir un accès équitable etnon discriminatoire aux chaînes et servicesqui souhaitent trouver une distribution.

• Deuxième principe : les programmesdoivent être disponibles sur tous les réseaux,soit à l’unité, soit dans le cadre d’offrespackagées. Les téléspectateurs ne doiventpas être otages d’un distributeur. La démar-che de l’opérateur historique qui obligeaujourd’hui les français souhaitant avoiraccès au match de football de Ligue 1 dusamedi à souscrire à son offre triple play esttrès criticable. Est-il normal que seuls quel-ques milliers d’abonnés aient accès à un spec-tacle qui passionne 20 millions de français ?

Aujourd’hui un match, demain tout lechampionnat, le tout financé par les cashflow hérités du monopole ?

• Troisième principe : un juste partage dela valeur entre industriels du contenu et dis-tributeurs. Si un acteur se trouve en situationde quasi monopole, il ne doit abuser de saposition, ni par des prix de vente trop élevés,ni par un partage de la marge défavorable aux

Télécom/audiovisuel : de la rivalité à la complémentarité

par Maxime Lombardini, Directeur général d’Iliad

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 15

« Lesecteur des télécomscontribue de manière

considérable au financement de l’audiovisuel au travers

des taxes nombreuses qu’il supporte et des chaînes

distribuées »

« L’audiovisuelet les télécoms sonttrop souvent présentéscomme des secteursconcurrents alors qu’ilssont, avec l’évolution desréseaux et des modes deconsommation, devenustrès complémentaires »

Page 16: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

16 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Des ondes au Web 2.0

et de partage pour les communautés d’inté-rêts qui nous sont proches. A nous dedonner à voir, à partager, à échanger. Anous de proposer de nouveaux services.Cette vision globale et complémentaireentre les ressources d’Internet et celle del’antenne est une priorité de la chaîne.Fidèle à sa ligne de soutien à la création,ARTE investit logiquement dans ce nouvelespace créatif que représente le web.

Durant l’été 2008, grâce aux relationsprivilégiées qu’elle entretient depuis sa créa-tion avec les plus grands festivals culturelseuropéens, ARTE a considérablementenrichi la réactivité de son offre sur Interneten ouvrant un portail dédié au spectaclevivant. Parallèlement à la programmationde l’antenne, et bien au-delà de celle-ci,ARTE a couvert une quinzaine de festivalsd’été et proposé plus de 50 concerts endirect sur son site. D’Avignon à Aix-en-Provence, en passant par Calvi, Porque-rolles, Werchter, ou encore Arles ou Verbier,l’offre web d’ARTE a touché un largepublic, constitué de passionnés d’artlyrique, de rock, de théâtre, de musique dechambre, de jazz, d’électro… Ce sont prèsde 250 programmes spécifiques au web quiont été proposés.

La pérennisation de cet effort, tout aulong de l’année, débouchera sur une offre« spectacles » particulière, riche, proched’une « chaîne du net » pour le plus grandbien des œuvres et le plus grand bonheurdu public.

Au fil des expériences, le secteur s’estintéressé à nos initiatives tandis que latutelle, le Ministère de la culture et laDDM, nous félicitait pour la vitalité et lamodernité de la chaîne, avant de lui attri-buer un canal HD sur la TNT et un canalTMP.

Ainsi encouragée, portée par l’ambitioneuropéenne des partenaires français et alle-mands unis au sein du groupe, ARTE pour-suit résolument son développement global.Les contenus ont toujours été et restent aucœur de sa stratégie. Car les modes deconsommation de l’image changent vitemais la demande de programmes de qualitéest constante.

ARTE est le garant d’un savoir-fairecréatif inégalé et donc un acteur incontour-nable dans le nouveau monde numérique.�

www.arte.tv

Ta s s e m e n tdes recettesp u b l i c i -taires, baisse

de l’audience deschaînes généralistes,montée en puissance denouveaux acteurs, déve-loppement de nouveauxusages : les temps sontdurs pour les chaîneshistoriques… Pourtantelles ont de l’or entre lesmains : l’expérience dans

la production et la program-mation de contenu. C’est un

savoir-faire essentiel à l’heurede la surconsommation des

images et de la multiplicationdes canaux de diffusion, et un

atout formidable à condition debien penser la stratégie, pour la

mettre au service du public et duprogramme.

Internet, outil de démocratisation

En février 2006, ARTE a été précurseuren lançant son offre VOD payante surInternet. Elle met aujourd’hui plus de 1300programmes à disposition. En 2007, ARTEcréait une plateforme de blogs et lançait uneoffre de catch up TV gratuite : ARTE+7. Unan après le lancement, ses résultats sontexcellents avec 800 000 visionnages parmois. Après avoir longtemps accompagnéles programmes de l’antenne sur son sitearte.tv, ARTE décuple maintenant sa créati-vité dans ce nouvel univers en y déclinant saligne éditoriale avec des productions exclu-sives et inédites… en attendant de créer des« chaînes » dédiées au web.

Au départ, notre objectif était de donnerle plus de visibilité possible auxprogrammes et de toucher le plus de télé-spectateurs possible. C’est ainsi qu’ARTE aété présente sur les premières expérimenta-tions par ADSL, sur les offres triple play etla téléphonie 3G. Fin 2003, FranceTélécom lançait « Maligne TV », son offrede VOD payante, et Free, la première offretriple play en France. Dés le premier jour,nous étions sur l’offre VOD de la premièreet en flux, dans l’offre gratuite de laseconde.

Nous avons suivi avec beaucoup d’atten-tion le succès de nos programmes sur« MaligneTV » ainsi que leur circulationsur de nombreuses plateformes peer to peer.Dans le même temps nous nous préoccu-pions du vieillissement de notre public. Ilnous est rapidement apparu que le mode deconsommation des images – en particuliercelle des jeunes générations – était en trainde changer profondément, et que nosprogrammes étaient adaptés à une consom-mation différée du fait de leur pérennité etde leurs thématiques. Attentifs aux intérêtsdes auteurs et des producteurs, et en étroiteliaison avec eux, nous avons donc lancénotre propre offre VOD sur Internet puisARTE + 7.

Nous étionsface à unevraie révolu-tion quiallait nouspermettrede démo-cratiser lachaînevia Internet.Nous nepouvions pasêtre absents,nous noussommes mobi-lisés et nousavons surmontédes difficultés tech-niques, juridiques,financières. La suite vous la connaissez,ARTE VOD et ARTE + 7 sont des succèset nous avons rencontré d’autres publics quin’avaient pas l’habitude de venir sur lachaîne.

Le web, un espace complémentaire

L’étape suivante, celle que nous traver-sons, a été de comprendre qu’avec le web2.0, Internet ne cannibalise pas la télévi-sion, qu’il peut la nourrir, en devenant unenouvelle fenêtre de diffusion, en permettantd’approfondir le sujet, d’interagir, decommuniquer.

Internet doit devenir un lieu de diffusionpour des programmes qui méritent êtrevus, mais ne peuvent trouver leur place àl’antenne. Il doit devenir un lieu d’échange

par Jérôme Clément, Président d’ARTE France

« Avecle web 2.0, Internet

ne cannibalise pas latélévision, [...] il peut lanourrir, en devenantune nouvelle fenêtre

de diffusion, enpermettant

d’approfondir le sujet,

d’interagir, decommuniquer »

Page 17: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 17

Catch-up TV : le partenariat France Télévisions-Orange,

un accord gagnant-gagnant

de la chaîne deproduction, y compriset cela va de soi,auprès des créateurs.Quant à Orange, ellepropose un service quiva au-delà des obliga-tions de service public.Le consommateur, quin’est plus simplementun téléspectateur,achète la possibi-lité d’échapper auxcontraintes de laprogrammation télé-visée et de les visualisersur des réseaux (ADSL,téléphonie mobile) diffé-rents des réseaux dediffusion classique, hert-zien en premier lieu. Certes,Orange valorise ces droitsauprès de ses abonnés maisFrance Télévisions, quant à elle,valorise ses investissements. Sidemain, le groupe public étaitcontraint de céder l’ensemble de sesprogrammes à tous les opérateurs qui enferaient la demande, sans possibilité depasser le moindre accord privilégié, legroupe public verrait immédiatement sesinvestissements dévalorisés car cédés au plus

bas prix pour ne pas dire quasi gratuitement.En revanche, les opérateurs et les fournis-seurs d’accès à internet, détenteurs des plateformes de catch-up TV, verraientimmédiatement leur valeur capitalistiqueaugmenter grâce à la diffusion deprogrammes financés par le service public. �

www.francetelevisions.fr

L’accord passé entre FranceTélévisions et Orange que j’ai eul’honneur de négocier pour lecompte du groupe audiovisuel

public a fait couler beaucoup d’encre ;surtout, il est vrai, dans les cabinets delobbying chargés de le combattre.Aujourd’hui, alors que le Parlement s’ap-prête à discuter une nouvelle loi sur l’audio-visuel, il pourrait bien faire parler de lui à

nouveau. Cet accord dérange, il nourritmême certains phantasmes soigneusemententretenus. Ce partenariat entre la télévi-sion publique et le groupe Orange porteraitatteinte à la mission même de service publicen privant une partie des téléspectateurs del’accès aux contenus et aux programmes deFrance télévisions. Les images de la télévi-sion publique devraient être accessiblesgratuitement sur tous les réseaux car ellessont « publiques ». Cet argument défenduavec l’aplomb des sophistes n’a pas été jugéconvaincant par les membres de l’ARCEP,du CSA et enfin du Conseil de laConcurrence qui ont validé ce partenariat.

Poser concrétement la problématique

de l’accès aux contenusL’agitation qui a entouré et qui entoure

encore la signature de cet accord a au moinsune vertu : elle permet de poser clairementla problématique de l’accès aux contenus,qui fait l’objet de cette publication, à partird’un exemple concret.

De quoi s’agit-il exactement ? L’accordvise à distribuer simultanément sur tous lesréseaux d’Orange (site internet, ADSL,Mobile) une partie des images diffusées surles antennes du groupe France Télévisions.

Ainsi, chaque abonné peut voir ou revoirdes programmes qui ont été diffusés sur lesantennes du groupe entre 18h et 24h. Unepartie seulement de ces programmes dans lamesure où le sport, l’information, - par lanature même du contenu -, et les émissionsjeunesses peuvent être inclus dans l’offred’Orange mais ne peuvent, en aucun cas,faire l’objet d’une exclusivité. Ainsi, le sited’information qui vient d’être lancé par les

rédactions du groupe est-ild’ores et déjà accessible à

tous. Par ailleurs, France Télévisionss’est réservé le droit d’exploiter directe-

ment sur ses sites internet un service deVOD accessible à tous les téléspectateurs

et qui inclut la quasi-totalité desprogrammes objets de l’accord

avec Orange.

Anticiper les nouveaux modes de consommation de l’image

Ce service de « catch-up TV » ou de télé-vision de rattrapage, pour l’écrire en fran-çais, né de l’accord entre Orange et FranceTélévisions, offre un dispositif unique enson genre. Il est précurseur sur le plan tech-nique, anticipe la profonde mutation desmodes de consommation de l’image par lestéléspectateurs et offre une nouvelle sourcede revenus au groupe de télévision public àun moment ou son modèle économique esten pleine mutation. Il aurait dûrecueillir tous les suffrages ; or,comme souvent en France, il adéclenché la polémique. Certes, toutaccord privilégié crée la frustrationchez ceux qui en sont exclus, c’est laloi du marché, mais au-delà de cettesimple réaction d’intérêts particuliers, lasignature de ce partenariat pose unenouvelle fois la question de lacirculation des contenus de service publicdans un contexte technologique particulier,celui de la dématérialisation et de la conver-gence. Lorsque France Télévisions cède àOrange la possibilité de diffuser une partiede ses programmes, la télévision publiquecède des droits qu’elle a elle-même acquisauprès des différents acteurs économiques

par Camille Pascal, Secrétaire Général de France Télévisions

« La signature de ce partenariat posela question de la circulation descontenus de service public dans un contexte technologiqueparticulier, celui de la dématérialisationet de la convergence »

« Orange valorise certes auprès de sesabonnés les droits acquis par FranceTélévisions auprès des acteurs de la

chaîne économique, mais FranceTélévisions valorise ses

investissements »

Page 18: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

18 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

En finir avec la fable des gentils et des méchants au profit d’une réflexion économique

Les discussions de la mission Olivennesétaient utiles en rassemblant l’ensemble desacteurs pour chercher des solutions afin de dis-suader les utilisateurs de télécharger illégalement.Malheureusement, le projet de loi transposantces accords réveille les inquiétudes des opérateurscomme du public sans apporter l’équilibrenécessaire entre la protection des œuvres et leurpromotion dans le cadre d’un modèle économi-que et social viable.

Il eût mieux valu inciter à la recherche d’ac-cords collectifs permettant des offres légalesattractives, ainsi qu’un élargissement des catalo-gues d’œuvres, la révision de la chronologie desmédias, la fin des discriminations dans l’accès àces catalogues.

Ce débat qui paraîtra peut-être compliqué aulecteur habitué au discours restreint de la répres-sion des fraudeurs et de la responsabilité des FAI,est pourtant nécessaire.

Pour bâtir un nouveau modèle économiqueviable et partagé, seule issue à la panne de crois-sance, chacun devra prendre ses responsabilités:l’industrie audiovisuelle pour s’adapter aux oppor-tunités et pas seulement aux risques liés à la numé-risation des contenus, les ayants droit pour proté-ger leurs œuvres avec les meilleures techniques demarquage disponibles, les opérateurs pour finan-cer et protéger les contenus à l’aune d’une visionpartagée de leur valeur, la réglementation pourdécloisonner leur exploitation afin de favoriser ladiffusion la plus large des œuvres tout en proté-geant leur valeur économique et culturelle.

Refuser d’entreprendre cette réorganisationindustrielle et réglementaire, ce serait rater lesopportunités de croissance et de diversité cultu-relle qu’offrent la numérisation et les investisse-ments faits par les opérateurs dans les réseaux. �

(1) Cf. Rapport de la Commission Copé p. 10 : « Le monde desmédias va entrer dans l’ère de la télévision où je veux, quand jeveux, comme je veux » (2) Revenus auxquels devrait s’ajouter une très hypothétique aug-mentation des revenus publicitaires des chaînes privées sensées serépartir la manne publicitaire perdue pour France Télévisions.(3) Les FAI participent en effet au financement de la création etla production audiovisuelle en tant qu’éditeurs de services devidéo à la demande (VOD), par la taxe sur les ventes et les loca-tions de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public (en voied’être étendue aux smartphones) et en tant que distributeurs dechaînes, par la taxe sur les services de télévision en application dela loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 (COSIP).

www.afors.fr

Les secteurs des télé-communications, desmédias et des conte-nus sont des acteurs

majeurs de notre économie. Ilssont un facteur de bien-êtresocial et de croissance économi-que durable, peut-être lefameux point de croissance quinous manque plus que jamais.

En dépit de cette contribu-tion, les décisions appliquées

aux deux secteurs ne semblentpas toujours marquées par unepure logique économique, ce

qu’il faut peut-être expliquer parun héritage commun de gestion réga-

lienne, le premier au sein du ministère de l’infor-mation, le second sous l’égide de l’ancienne admi-nistration des postes et des télécommunications.

En effet, si un corpus économique du secteurexistait, nul ne songerait à instaurer une taxe surun secteur pour combler le déficit qu’on vient decréer chez un autre, sans évidence d’une politi-que industrielle sous-jacente.

Au même titre, il serait préférable que lesacteurs responsables de la protection d’un biens’accordent sur sa valeur et les moyens de lamaximiser plutôt que de s’affronter dans uncombat stérile de responsabilité.

Qui plus est, la convergence qui devrait rapprocher les deux secteurs éclaire au contraire,et brutalement, les différences de leur modèleéconomique :- Le monde des télécommunications, dédié à

l’origine à la correspondance privée, repose surdes principes d’échanges et d’interopérabilitéuniversels où chacun doit pouvoir communi-quer librement. Il était jusqu’à présent très lar-gement neutre et ouvert vis-à-vis des contenus ;

-A l’inverse, les médias se sont bâtis sur un accèsfortement discriminé permettant de financer lacréation des œuvres diffusées et dont la valeurréside largement dans des exclusivités de distri-bution ; la réglementation y a par ailleurs favo-risé les pratiques de restrictions verticales cloi-sonnant l’exploitation des œuvres dans le tempset selon leur support de diffusion (i.e. : la chro-nologie des médias).

Ces pratiques ne sont plus adaptées aux nou-

veaux usages qui émergent : personnalisation etdélinéarisation de l’offre (catch-up TV; VOD,bientôt télévision mobile personnelle…), noma-disation des modes de consommation quideviennent indépendants des terminaux et desplates-formes (1).

Dans ce contexte, on ne peut que regretterd’assister à un jeu de rôles entre les acteurs où lesuns crient à la spoliation par les autres au lieud’entreprendre une réflexion commune sur laréorganisation industrielle et réglementaireconduisant au meilleur équilibre économique etsocial. A titre d’exemple :

Le financement de l’audiovisuel publicLe gouvernement supprime la publicité sur

les chaînes publiques, ce que nous n’avons pas àjuger ici. Sans que la logique en ait été explicitée,une ponction sur les revenus des opérateurs télé-coms (0,9 % de leur CA) est alors retenuecomme principal moyen de financement (2) dumanque à gagner ainsi créé.

Or, s’il serait légitime que les opérateurs télé-coms participent financièrement à la productiondes images au fur à mesure qu’ils en tireraient desrevenus, on comprend mal le principe d’une taxesur la totalité de leurs revenus.

De surcroît, il faut rappeler que les opérateurstélécoms participent déjà au financement de lacréation, lorsqu’ils exercent une activité audiovi-suelle (taxe COSIP, etc (3). ), ce qui est normal.

Enfin, taxer un secteur pour en financer unautre parce que le premier pèse plus lourd que lesecond et génère - pour l’instant – plus de crois-sance, c’est prendre le risque de ralentir le dyna-misme d’une profession qui tire la croissance etde compromettre les investissements nécessairesà sa poursuite, ce qui serait in fine dommageableà tous. C’est aussi contribuer à un climat d’af-frontement entre des acteurs dont l’intérêt seraitde coopérer.

La protection des œuvres Il fut peut-être un temps où les FAI furent

plus soucieux de constituer leur parc de clientsque de protéger et valoriser les œuvres auxquel-les ils donnaient accès. Mais ce temps est révoluet les opérateurs comme l’industrie des médiasont besoin de trouver de nouveaux modèles éco-nomiques pérennes.

par Richard Lalande, délégué général de l'AFORS Télécom

Page 19: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

« anciens programmes » surles nouveaux modes de distri-bution. Ce qui est impor-tant, c’est que lesprogrammes et le public serencontrent. Pour atteindrecet objectif, il n’y a pas pourles producteurs de meilleureréponse que la mise enconcurrence de leurs clients.Cette mise en concurrencedoit être distincte pourchaque mode d’exploitation,faute de quoi il est inévitableque la position dominantedes diffuseurs sur le marchédes droits de télédiffusion (posi-tion qui n’est pas illégitime par elle-même) conduira à l’accaparement de tousles droits d’exploitation.

Il faut donc, par une intervention réglemen-taire, dissocier les droits sur les nouveauxsupports des droits de télédiffusion tradition-nelle, interdire aux télédiffuseurs d’acquérir cesdroits sous forme de « paquets » avec les droitsdont ils ont besoin pour leur usage propre.

Il ne faut pas, en revanche, leur interdirel’accès aux nouveaux modes d’exploitation,dont rien ne dit qu’ils ne seront pas de bonsutilisateurs. Cependant, cet accès doit être orga-nisé pour empêcher tout gel des droits.Plusieurs moyens sont à la disposition dupouvoir réglementaire ou du régulateur compé-tent, comme la limitation de la durée des droitsexclusifs, ou l’obligation d’exploiter effective-ment les droits acquis (avec restitution auproducteur en cas de défaillance).

Dans les prochaines années, la capacité àproduire des contenus audiovisuels abondantset de qualité sera l’un des critères de la mesuredu poids et de l’influence d’une nation. C’est àcet objectif qu’il faut juger de l’opportunité oude l’efficacité de l’intervention publique. Lesrelations entre producteurs et distributeurs decontenus audiovisuels doivent être encadrées demanière à drainer vers la production lesressources nécessaires, ce qui suppose quesoient soutenus les distributeurs qui y contri-buent, ou qui y contribueront, le mieux. �

www.uspa.fr

Tout distributeur de contenus audio-visuels se voit proposer, pour« nourrir » son offre, deux modalités d’approvisionnement :

le marché « primaire » – c’est-à-dire lacommande, à des producteurs de contenusaudiovisuels, de programmes qui lui soientspécifiquement destinés –, ou le marché« secondaire » – c’est-à-dire l’achat de droitsd’usage sur des contenus préexistants. Ses choixse fondent sur de multiples facteurs, dont troisau moins sont en rapport avec la question poséeici : la disponibilité effective de contenus sur lemarché secondaire, le coût d’approvisionne-ment, l’attente du public (ou plus précisémentl’idée qu’il se fait de l’attente spécifique de sonpublic).

Des inconnues à dissiperLe nouvel intervenant sur un mode de

distribution déjà en activité voit ses choixéclairés par le comportement de ses prédéces-seurs. Mais celui qui se lance dans l’exploitationde nouveaux « tuyaux » doit inventer sonmodèle économique, alors que la relation dupublic avec les contenus, via ces nouveauxtuyaux, est inconnue. Or les marchés qui nousintéressent ici, ceux de la distribution decontenus audiovisuels à la demande et/ou surles récepteurs mobiles, vont s’organiser, pour les nouveaux intervenants, en tenant comptedu comportement non seulement des distributeurs « traditionnels », mais aussi decelui des consommateurs et des producteurs de contenus.

S’agissant de ces nouveaux marchés, deuxquestions essentielles n’ont pas encore leurréponse :• les nouveaux modes de distribution serviront-

ils d’abord à élargir les modalités d’accès auxcontenus existants (selon le modèle classiquedu cinéma, celui de la « chronologie desmedias »), ou plutôt à générer une demandede contenus nouveaux, adaptés à leur naturespécifique ? Dans la réalité, les deux fonc-tions se combineront très probablement, maisdans quelle proportion ?

• dans le premier cas, il s’agit de savoir qui serale mieux à même de dialoguer avec les utilisa-teurs : de nouveaux opérateurs, liés à la nature

du nouveau média (en l’espèce les opérateursdu téléphone), ou les anciens, liés à la naturedu contenu ?

A ces éléments d’analyse s’ajoutent les ques-tions de coût : pour les programmes les pluschers (et en particulier pour la fiction), il estpresque exclu que les ressources générées par lesnouveaux modes d’exploitation permettent definancer des volumes significatifs de produc-tion. Pour ces programmes, c’est donc nécessai-rement un régime d’exploitations successivesqu’il va falloir mettre en place. Le passé montreque cela n’est possible que dans le cadre d’unmarché encadré par une réglementationadaptée.

Dans ce contexte, les producteurs ont untriple objectif :• comprendre la demande nouvelle, et y

répondre, pour ce qui est des éventuelsnouveaux contenus. Par exemple, faut-ilconcevoir et produire des formats courts dansle domaine du documentaire, pour répondreà un mode de consommation spécifique desimages sur les récepteurs mobiles ?

• maximiser la collecte de ressources généréespar l’exploitation des contenus sur l’ensembledes supports où ils peuvent être distribués.

• en leur nom, et plus encore au nom des créateurs qu’ils représentent, maximiser l’exposition elle-même, et assurer à chaqueprogramme l’accès à tout le public qu’il estsusceptible d’intéresser.

Réglementer les droits de diffusionLes producteurs de contenus audiovisuels

ont donc besoin d’un dialogue direct avec lesopérateurs de nouveaux modes de distribution.Compte tenu de leur dépendance à l’égard desopérateurs de télédiffusion traditionnelle, cedialogue ne peut s’installer que dans le cadred’une réglementation de ce marché. Ces opéra-teurs n’ont en effet aucun intérêt à faciliterl’essor de leurs concurrents, ni même l’essor demodes de distribution qui contribuent à accélérer l’obsolescence de leur propre modèleéconomique.

Cependant, compte tenu des objectifsexposés ci-dessus, il n’est pas évident que cedialogue conduise in fine à privilégier denouveaux acteurs pour l’exploitation des

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 19

Réglementer l’accès aux contenus audiovisuels pour soutenir la concurrencepar Jacques Peskine, Délégué général de l’Union syndicale de la Production audiovisuelle (USPA)

Page 20: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

20 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Moderniser le cadre réglementaire audiovisuel sans nuire à la création

Favoriser la « circulation » des œuvresL’enjeu est bien là : loin de dénoncer l’exclu-

sivité des droits et de promouvoir une « inter-opérabilité » totale, nous devons collectivementtrouver les conditions d’un équilibre juste entrel’existence légitime d’exclusivités et des impéra-tifs indiscutables de circulation des œuvres.

Avec, par exemple, 23% des fictions primo-diffusées par les chaînes hertziennes qui ne sontpas rediffusées, la situation n’est évidemmentpas satisfaisante. Tant le CSA que l’observatoirede la production indépendante a pointé dudoigt l’incapacité des décrets « Tasca » à attein-dre l’objectif qu’ils s’étaient fixés d’améliorer lacirculation des œuvres. Privés de parts copro-ducteur (pour les œuvres audiovisuelles) ou detout intéressement, les diffuseurs n’ont pasmanifesté une farouche volonté d’assurer

l’exploitation des œuvres surd’autres supports que celuiqu’ils proposaient. Si le soucid’éviter l’exploitation des droitsd’une série qu’elle a largement

contribué à financer par un autre diffuseur se comprend auregard de la valeur identitaireque cette série peut avoir pour

une chaîne, en revanche, le blo-cage de la circulation d’uncertain nombre d’œuvresunitaires est dommageablepour tous.

Pour autant, si la réponsen’est pas simple, il serait sans doute

envisageable, comme l’avait esquissé le CSAd’ailleurs, d’entreprendre un travail de réflexionet de toilettage des contrats entre producteurs etdiffuseurs afin de limiter les clauses de nature àfavoriser le gel des droits, de repenser le systèmedes mandats de commercialisation et enfin deprévoir des clauses de déchéance des droits encas de non-exploitation des œuvres.

La réforme des décrets « Tasca » offre cettepossibilité d’améliorer la circulation des œuvresdans un monde qui, de surcroît, n’est plus uni-quement linéaire. Gageons qu’elle y parvienne,sans sacrifier le soutien à la création, pierreangulaire de notre système ! Car pour que lesœuvres circulent, il faut préalablement qu’ellesaient été créées. �

www.sacd.fr

Il y a encore 10ans, la questionde l’accès desacteurs aux conte-

nus audiovisuels etcinématographiques nesoulevait pour autre dif-ficulté que de trouver lepoint d’appui entre lesorganisations d’auteurset de producteurs et quatre groupes publics etprivés qui se partageaientl’audience télévisuelle.Autant dire que nouspouvons ranger ces épiso-

des de négociation dans lesarchives de la politique audio-

visuelle et que nous devons savoiranalyser avec précision et appréhender

avec justesse les mutations qui ont tra-versé le paysage audiovisuel et qui vont

continuer à en modifier l’économie générale.Il ne faut pas en douter, la fragmentation

des audiences que connaissent les chaînes his-toriques, sous l’effet de l’apparition des nou-

veaux acteurs de la TNT mais aussi d’Internetqui sont de sérieux concurrents dans la capta-tion de l’audience comme des ressources publi-citaires, constitue un phénomène qui va perdurer. Face à cette recomposition plus rapidequ’elle n’était envisagée, il est évident que l’accèsaux contenus audiovisuels et cinématographi-ques constitue un enjeu fort. Un enjeu pour lesopérateurs audiovisuels à la recherche, dans ununivers de plus en plus concurrentiel, de pro-grammes à valeur ajoutée et d’exclusivités àmême d’attirer un public large et fidèle. Unenjeu également pour les auteurs et la créationqui peuvent y voir une chance supplémentairede voir leurs œuvres être exploitées et circuler.

Toiletter le cadre réglementaireC’est aussi dans ce contexte que la redéfini-

tion actuelle des décrets « Tasca » prend place.S’ils ont posé en 2001, non seulement les règlesdu soutien à la création en prévoyant unecontribution des éditeurs de service de télévi-sion au financement des œuvres audiovisuelleset cinématographiques, mais aussi les condi-tions d’exploitation des œuvres dans le cadre de

relations encadrées entre producteurs et diffu-seurs, ils n’ont évidemment pas pu prévoir lamultiplication du nombre d’acteurs audiovi-suels, pas plus que le développement rapide denouveaux modes d’exploitation des œuvres.

Un toilettage se justifie donc pour adapter laréglementation à un paysage audiovisuel quis’est considérablement diversifié et qui permetdes consommations individualisées des pro-grammes audiovisuels. Toutefois, cette moder-nisation ne saurait négliger les impératifs d’unepolitique audiovisuelle qui doit garder au cœurde sa logique le développement de la créationoriginale française. Au contraire, elle devraits’accompagner d’une généralisation des engage-ments d’investissement dans la création pourl’ensemble des opérateurs audiovisuels plutôtque d’un nivellement par le bas qui saperait lesbases d’une politiquefavorable à l’expressionde la diversité culturelle.

Ce maintien d’uneambition culturelle fortenous paraît d’autant plusindispensable qu’au-jourd’hui se retrouventface à face des chaîneshistoriques qui sontsoumises à des obliga-tions fortes – et légiti-mes – dans la création etdes acteurs, en particu-lier de la TNT etd’Internet, qui ne sont pas,ou peu, soumis à des disposi-tions d’investissement dans les œuvres audiovi-suelles et cinématographiques. Une récenteétude du CNC montrait que les nouvelles chaî-nes de la TNT n’avaient contribué en 2007,malgré une montée en charge beaucoup plusrapide qu’envisagée au démarrage de la TNT,qu’à hauteur de 0,09 % du financement de lafiction.

Le remodelage de la réglementation ne doitdonc avoir pour objet ni le « détricotage » d’uneréglementation qui doit éviter le règne la loi duplus fort qui conduirait inévitablement à la« congélation » des droits ni à une ouverture tousazimuts des conditions de circulation des œuvresqui ne tiendrait plus compte des niveaux definancement et d’investissement des opérateurs.

par Pascal Rogard,Directeur général de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD)

« Aujourd’hui se retrouventface à face des chaînes

historiquessoumises à des

obligations fortes dansla création, et des

acteurs (TNT, Internet),qui ne sont pas ou peu

soumis à de tellesdispositions. »

Page 21: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

des médias, afin d’offriraux œuvres un cadre dediffusion légale adaptéaux spécificités desréseaux de communica-tion en ligne et à lademande des consom-mateurs.

Ce nouveau contexteéconomique de diffusiondes biens culturels soulèvesurtout la problématiquede la rémunération desayants droit et plus parti-culièrement de celle desartistes-interprètes àlaquelle aucun dispo-sitif n’a apporté jusqu’àprésent de réponse satis-faisante. De nouveauxmodèles économiques,balbutiants ou confirmés, necessent de se multiplier sur lesréseaux en ligne sans que lesartistes, une fois encore, ne partici-pent à la croissance de ces revenus dont leséchanges d’œuvres sont la principale cause.

Ignorer cette question d’une juste rému-nération des artistes comme des auteursconduirait à priver la création de sesressources et de toute possibilité de dévelop-pement des contenus.

Les différents acteurs de la diffusion descontenus doivent donc se concentrer sur denouvelles manières de rémunérer équitable-ment les ayants droit. �

www.adami.fr

Jusqu’à une période récente, la circula-tion des biens culturels était condi-tionnée par leur reproduction sur dessupports matériels. Les délais et les

coûts nécessaires à la mise en œuvre de cesreproductions et les contraintes structurellesde leur distribution contenaient la circula-tion de ces biens et limitaient la contrefaçon.

Avec le développement de standardsnumériques et de réseaux de communicationen ligne, la reproduction des œuvres est

devenue presqueparfaite et s’est simplifiée

à moindre coût, facilitant ainsi leur diffusion. Cette évolution des modèles de diffusion

des œuvres amène plusieurs constats.

Tenir compte des ayants droit

Tout d’abord, cette croissance impor-tante des flux semble inéluctable. Toutes lestentatives passées visant à opposer un frein àces flux ont échoué et rien semble-t-il n’estparvenu, à ce jour, à ralentir la croissance dutrafic des données sur Internet.

Cette croissance des transferts d’œuvres alaissé pour compte les artistes interprètesdont la rémunération est dérisoire pour cequi est des exploitations licites de leurs enre-gistrements et inexistante en ce quiconcerne les œuvres échangées en toute illé-galité.

Pour que cette expansion de la diffusiondes œuvres bénéficie à tous, tant auxconsommateurs qu’aux acteurs de la diffu-sion de biens culturels, ceux-ci devraientmener ensemble une réflexion globale surl’accès aux contenus.

Cette concertation doit notamment s’in-téresser aux problématiques de la circulationdes œuvres sur les réseaux de communica-tion en ligne et de la rémunération desayants droit pour l’utilisation de leursœuvres.

L’écueil de la répressionAvec la loi DADVSI, adoptée le 1er août

2006, puis le projet de loi « Création etInternet » qui sera présenté prochainementau Parlement, les pouvoirs publics et certainsayants droit adoptent une démarche répres-sive qui vise à endiguer la circulation illicitedes œuvres.

Si la lutte contre la contrefaçon est néces-saire, le mécanisme de la riposte graduée nesemble toutefois pas proportionné aux

atteintes en ce qu’il autorisel’adoption de sanctions par uneautorité autre que judiciaire et

parce qu’il organise sans garantiela collecte et l’accès à des donnéespersonnelles par cette autorité et

par les fournisseurs d’accès à Internet.Cette initiative très controversée à

l’échelle européenne, notamment sur le plande l’atteinte aux libertés individuelles,semble sérieusement remise en cause à l’oc-casion de l’examen par le ParlementEuropéen des directives du « paquettélécom » (cf. encadré).

S’adapter pourmieux rémunérer la création

L’ensemble des ayants droit aurait aucontraire un plus grand intérêt à favoriser unemeilleure appréhension des contenus en circu-lation et à encourager une plus grande diver-sité et une meilleure accessibilité des œuvres,notamment en développant des plateformesindépendantes et universelles d’échange, enexigeant l’interopérabilité des technologiesproposées et en redéfinissant la chronologie

Une juste rémunérationpour l’accès aux contenus

par Bruno Boutleux, Directeur général-Gérant de société

civile pour l'Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes (ADAMI)

A l'occasion de l'examen en première lecture du "paquet télécom", le 24septembre dernier, le Parlement européen a adopté l'amendement n° 138suivant : « applying the principle that no restriction may be imposed on thefundamental rights and freedoms of end-users without a prior ruling of thejudicial authorities, notably in accordance with Article 11 of the Charter ofFundamental Rights of the European Union on freedom of expression andinformation, save when public security is threatened, in which case the rulingmay be subsequent. »

La version officielle en français de ce texte n'était pas disponible à la date d'édition de La Lettre

Le modèle répressif remis en cause par le Parlement européen ?

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 21

« Le mécanisme de la riposte graduéene semble pas proportionné auxatteintes en ce qu’il autorise l’adoption de sanctions par une autorité autre que judiciaire »

Page 22: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

22 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Les terminaux au cœur de la chaîne de valeur des contenus

de terminaux comme Apple ou HP, fabri-cants de téléphones mobiles comme LG ouNokia, vendeurs de logiciels commeMicrosoft et demain fournisseurs de servicesse rémunérant par la publicité commeGoogle à travers Android.

Pour un groupe média, l’irruption dulogiciel dans la distribution du contenuimpose de repenser en profondeur la stra-tégie d’approche de la distribution decontenus. Tout d’abord, il doit recruter denouvelles compé-tences métierspour s’assu-rer unedistribu-tion decontenus àtravers des logiciels spécifiques(widgets ou « on device portals ») quis’intègrent dans les différentes suites logi-cielles ou systèmes d’exploitation nomadesqui deviennent critiques dans toute stratégiede distribution numérique.

Ensuite, les groupes médias doivent s’in-terdire de penser local dans ce nouvel espacemédiatique. Discuter avec Nokia ouMicrosoft d’un partenariat autour d’unservice ou d’un terminal ne peut avoir desens qu’autour d’une marque globale, quecette marque s’appelle « Elle » ou« Madonna ».

Enfin, et c’est peut être le plus important,le poids des terminaux dans la nouvellechaîne de distribution des contenus imposeaux groupes médias une nouvelle approchede leur stratégie concurrentielle.Traditionnellement en effet, les groupesmédias ont défendu leurs intérêts auprès desdifférentes autorités pour obtenir une distri-bution non discriminatoire des contenusauprès des distributeurs de services, opéra-teurs de télévision ou de téléphonie. Lenouveau champ de bataille se déplace dans ladistribution des contenus des réseaux vers lesterminaux. Les nouveaux concurrents ne sontplus Canal + ou Sky, mais Google, Microsoft,Apple ou Nokia. Nouveaux acteurs, nouvellerégulation de la distribution des contenus. Le« dégroupage » des terminaux est à coup sûrle sujet concurrentiel de demain. �

www.lagardere.com

Le bouleverse-ment que vitl’ industriedes contenus

aujourd’hui trouve sesracines dans l’apparitiondes premiers terminauxnomades dans les années1980-90 : premiers Walk-man (à cassettes audio),premiers postes FM minia-turisés, et pour quelquesprivilégiés, téléphones devoitures ou récepteurs deradiomessagerie, Eurosi-

gnal ou Radiocom2000.Enfin, c’est en 1992 que la

norme GSM est lancée enEurope.

Evidemment, le monde d’au-jourd’hui a bien changé à travers

l’explosion des terminaux numéri-ques nomades. En 2008, plus de 55

millions de téléphones mobiles sontactifs en France et plus de 7 millions

de baladeurs MP3 audio et vidéo vontêtre vendus. A fin décembre 2007,

Nintendo a vendu plus de 4,4 millions deconsoles de jeu portables. Et demain s’an-

nonce encore plus novateur. Nouveauxterminaux permettant la réception de latélévision mobile, nouveaux récepteurs de

r a d i on u m é -rique ou

« e-book »qui à leur tourenvahiront nospoches ou nossacs à mains

pour nous proposer toujours plus deconsommation personnelle et nomade oùque nous soyons.

Le terminal : maillon fortL’explosion de ces terminaux crée les

conditions d’une révolution sans précédentdans l’univers des médias en révolutionnantdurablement l’accès au contenu. En effet, leterminal devient absolument central dans lachaîne de distribution des contenus et c’estsans doute la principale révolution de ce

nouveau monde médiatique. La brècheouverte par Intel et Microsoft a permisl’émergence d’une industrie formidable desloisirs qui s’exprime à travers une profusionde terminaux nomades : téléphones mobiles,ordinateurs portables ou ultra portables,PDA, terminaux GPS, consoles de jeux, bala-deurs MP3.

De plus, cette évolution est allée de pairavec l’extraordinaire développement desréseaux de communication mobile et l’amé-lioration exponentielle des capacités destockage. L’impact sur les usages a été consi-dérable : tout consommateur peut porter surlui dans son ipod par exemple la totalité de savie numérique : musique, films, photos etbientôt livres et rester connecté au mondeentier via son téléphone mobile.

Le marché de l’électronique est ainsidevenu en une décennie un marché de massequi a graduellement éduqué les consomma-teurs partout dans le monde aux nouveauxusages médiatiques nomades.

Au cœur de cette révolution, le monde dulogiciel est contrôlé par quelques acteurs clés :Microsoft, Google, Apple, Nokia. Et dans cemonde nomade, celui qui contrôle le logicielqui pilote les terminaux contrôle l’accès auxcontenus numériques. C’est un point fonda-mental de la révolution du nomadisme : lavaleur de contrôle du contenu se déplace duréseau vers le terminal d’accès. Le logiciel duterminal permet en effet de tout contrôler :l’accès aux services en ligne (portails desopérateurs mobiles, bouquet de chaînes detélé IP, services VOD), l’utilisation de lamémoire embarquée (I-Tunes sur i-pod),mais aussi les accès directs aux contenus surl’interface opérateur (YouTube sur Apple TV,Yahoo ! Bourse sur l’IPhone….). Dans lachaîne de valeur de la distribution descontenus, l’accès au terminal et à ses logicielsd’exploitation devient un élément critiquepour les groupes de contenus.

« Dégrouper » les terminauxPour la première fois, le monde du

contenu et le monde du logiciel se rencon-trent et se confrontent. Or, la bataille estdéséquilibrée : le logiciel des terminaux estde plus en plus maîtrisée par des groupes quiopèrent à l’échelle mondiale : constructeurs

par Julien Billot, Directeur général Numérique et New Business de Lagardère Active

« La valeur de contrôle ducontenu se déplace du réseau vers leterminal d’accès »

« Le “dégroupage” desterminaux est à coup sûr le sujet concurrentiel

de demain »

Page 23: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 23

Les opérateurs deplateforme penserontsans doute le contraire,mais l’intérêt de la créa-tion et du développementculturel ne se confondentpas avec une approche quireviendrait à faire de l’au-diovisuel un produit d’ap-pel au profit d’une stratégieplus globale.

La question de l’accès auxcontenus est donc fondamen-talement politique. Commentéviter le retour à l’oligopole de quel-ques plateformes, lesquelles détermi-neraient de manière absolue, lecontenu, le format et le prix des pro-grammes pour l’usager ? On compren-drait bien que ces plateformes en contre-partie puissent contribuer au financementcollectif de la création ; mais cela ne suffiraitpas, car elles auraient trop vite fait d’accaparerla totalité des revenus.

Il faut donc penser à fixer un cahier des char-ges, qui tout en respectant le nécessaire droit depriorité d’usage au profit de ceux qui ont copro-duit tel ou tel contenu, interdirait tout retourprogressif à une situation de monopole de dif-fusion.

Pour une diffusion diversifiéeEn conclusion, le traditionnel round de négo-

ciations entre producteurs et diffuseurs, organiséet supervisé par les pouvoirs publics, auquel noussommes habitués, doit laisser la place à un enca-drement plus global permettant une libre circu-lation des œuvres sur toutes les plateformes, unéquilibre des obligations et des droits au profitde ceux qui financent les programmes, des dis-positions visant à éviter tout gel des droit pen-dant certaines fenêtres d’exploitation et un corpsde doctrine facilitant l’accès de tous au marché.

Ce ne sera pas facile, mais c’est le prix à payerpour éviter de passer de l’oligopole existant dûau nombre réduit de diffuseurs, voire au mono-pole sur la télévision payante, à un nouvel oli-gopole, celui des opérateurs de réseau, alors mêmeque les supports se multiplient et la volonté dediversité se manifeste chaque jour plus dans lescomportements des utilisateurs. �

www.netgem.com

La multiplication des plateformes dediffusion et les nouveaux modes d’ex-ploitation des programmes modifienten profondeur les conditions d’accès

aux contenus audiovisuels (films, séries, docu-mentaires mais aussi jeux, informations et sportstélévisuels).

Chacun peut l’observer : de nouvelles exclu-sivités ont vu le jour récemment (sur Orangenotamment) ; certaines chaînes de télévision nesont plus accessibles que sur telle ou telle plate-forme (contrats Canal Satellite avec certainesthématiques) ; l’usage se répand d’imposer denouvelles obligations contractuelles sous formede minima garantis pas toujours proportionnésà la capacité réelle du diffuseur intéressé et doncuniquement accessibles aux plus puissants d’en-tre eux (discussions en cours sur les catch-up etreplay-TV).

De plus, la montée en puissance des modesd’exploitation à la demande crée une nouvelleconcurrence pour les télévisions dites « tradition-nelles », lesquelles tendent à se protéger en négo-ciant des périodes d’exclusivité de diffusion deplus en plus larges, alors que jusqu’à présent, ellestoléraient la poursuite des autres modes d’exploi-tation, tel que le DVD ou le Pay per view, mêmependant leur propre « fenêtre » de diffusion.

Une nouvelle donneCes évolutions sont bien connues. Elles don-

nent lieu naturellement à polémiques. Mais n’ou-blions pas que la question de l’accès aux conte-nus n’est pas nouvelle. Elle a également suscitédans le passé de nombreuses controverses. Lelégislateur est souvent intervenu pour réguler cesecteur et fixer le cadre des négociations. Maisjamais, le changement n’a été aussi brutal, aupoint que nombre d’acteurs réputés dominants,tels que les diffuseurs hertziens, sont aujourd’huisur la défensive.

Pour les ayant droits, éditeurs ou produc-teurs, la question est aussi délicate, tant les pres-sions sont fortes, les propositions financières allé-chantes, mais les risques à terme tout aussi élevés.

Prenons un exemple. Céder le droit de dif-fusion d’un film en mode VoD sous forme gra-tuite dès la fin du délai de protection de l’exploi-tation en salle, soit six mois, peut relever de labonne affaire si la plateforme concernée s’en-gage à acquitter un prix forfaitaire élevé. Maisc’est aussi détruire la chaîne de valeur laborieu-

sement établie, puisqu’on voit mal des modesd’exploitation payants se développer postérieu-rement à cette diffusion gratuite. Or, c’est unfait que certains y songent et que même un « dis-counter » a anticipé le changement. Pour lecinéma, comme pour nombre d’œuvres audio-visuelles, une telle diffusion gratuite serait cer-tainement contraire aux intérêts des producteurset ayant droits.

Encadrer les droits d’exclusivitéComment aborder cette question en com-

binant aussi habilement que possible la libertéde négociation, les règles de la concurrence etl’intérêt collectif des secteurs visés ? En bref,trouver de nouvelles recettes qui viendraient sesubstituer à celles qui avaient fait leur preuvedans le passé ?

Personne n’a intérêt à une concentrationexcessive des plateformes de diffusion, même sicelles-ci s’engagent à apporter des financementssignificatifs à la production. Personne non plusne peut renoncer aux règles d’exclusivité conte-nues dans les contrats, sans entraîner, pour denombreux contenus, une baisse significative deleur valorisation. Alors, que faire ?

D’abord, limiter le recours à l’exclusivité pourtoute plateforme se trouvant en situation domi-nante, sauf à s’inscrire dans un cadre réglemen-taire fixant des contreparties rigoureuses à cetteexclusivité.

Ensuite, favoriser toute mesure permettantl’exploitation du même contenu de manièreséquentielle sur des supports différents (chro-nologie des médias).

Enfin, veiller à ce que les règles en questionne privent pas nombre de téléspectateurs de l’ac-cès aux œuvres pour un motif connexe à l’ex-ploitation des programmes eux-mêmes. Concrè-tement ne pas réserver ces mêmes contenus àdes consommateurs ayant souscrit un abonne-ment à une plateforme dont l’objet principalserait distinct de l’exploitation d’œuvres audio-visuelles (typiquement, les opérateurs de réseauxADSL).

Cette dernière question est controversée ;mais il faut bien voir que les exemples du passéplaident pour éviter toutes formes de segmen-tation du marché du numérique au profit de telou tel sous-ensemble et pour retenir plutôtl’exemple ouvert auquel nous ont accoutumé lesdiffusions hertziennes ou Internet.

Garantir la diversité des modes de diffusion

par Marc Tessier, Directeur général de Glowria, Administrateur de NetGem

Page 24: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

Etats-Unis : la Net Neutrality fait débat

abonnés, et que ces pratiques ne constituent pasune « gestion raisonnable » du réseau.

… à la régulation implicitePlusieurs mois plus tard, Comcast et

BitTorrent acceptent de collaborer pour tenterde résoudre les problèmes de congestion deréseau en gérant celui-ci de façon neutre dupoint de vue des protocoles. Le 20 août 2008, laFCC statue sur cette plainte. Dans son ordon-nance, elle estime que Comcast viole les prin-cipes de gouvernance d’Internet et rejette ladéfense du câblo-opérateur qui allègue que samanière de gérer le réseau est « raisonnable ».

Les Etats-Unis vien-nent de faire un pasvers la régulation dela « Net Neutrality ».

La FCC a en effet récemmentconsidéré qu’en limitant letrafic peer-to-peer, le câblo-opérateur Comcast avait violéles principes de gouvernanced’Internet qu’elle avait adoptésen 2005.

Cette décision a été lepoint culminant de dix ans detentatives : c’est en 1998,lorsque la FCC a examinél’acquisition par AT&T du

câblo-opérateur TCI, qu’appa-raît la première demande visant à ce que les FAIaient un « accès ouvert » au câble sur le marchéde gros. Le régulateur avait alors rejeté cettedemande, mais la question a rapidement refaitsurface à l’occasion d’une procédure visant àdéterminer à quelle classification réglementairedevait être rattaché Internet par le câble. Devait-ilêtre soumis aux obligations des opérateurs de télé-communications, à celles des câblo-opérateurs, ouconsidéré comme un « service d’information »,alors non régulé par la FCC ?

De la non-intervention ….En 2002, la FCC définit Internet par le câble

comme un « service d’information », le dispen-sant de ce fait des obligations imposées aux opéra-teurs télécoms(2). La décision est confirmée par laCour Suprême(3). Par la suite, les partisans d’un« accès ouvert » concentrent leurs efforts sur l’éla-boration de règles garantissant le droit desconsommateurs à la neutralité du réseau plutôtqu’à défendre l’accès des FAI au marché de gros.

En 2005, la FCC étend sa définition du« service d’information » à la fourniture deservices Internet haut débit fixes, libérant ainsiles opérateurs de téléphonie de leurs obligationspour ces services. Ces décisions étaient le refletd’une politique visant à encourager le déploie-ment des infrastructures.

Dans le même temps, la FCC publie unedéclaration de principe (4) qui permet aux inter-nautes de 1/ accéder librement aux contenus deleur choix (sous réserve qu’ils soient licites) ; 2/utiliser les applications et services de leur choix ;3/ connecter les appareils de leur choix sur leréseau (tant qu’ils ne l’endommagent pas) ; 4/bénéficier d’une concurrence entre les fournis-seurs de réseaux, d’applications et de contenus.Ce texte affirme explicitement que la FCC

n’adopte pas de règles contraignantes, les prin-cipes appliqués relevant d’une gestion « raison-nable » du réseau.

Par la suite, la FCC déclare qu’elle est prête àrecevoir les plaintes concernant les violations deces principes, et début 2007, elle ouvre une« enquête (5) » sur les pratiques des opérateurs hautdébit, recherche des informations sur la manièredont sont gérés les réseaux et s’interroge poursavoir si elle doit imposer des règles. Fin 2007,une plainte est déposée aux motifs que Comcastaurait violé la déclaration de principe de la FCCen « dégradant secrètement » le trafic deBitTorrent, contrevenant ainsi aux droits de ses

24 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

par Barbara Esbin(1), Directrice du Centre pour la politique des communications et de la concurr

Les faits dans l’affaire Comcast sontbien connus. Comcast a coupé ouralenti les transmissions des abonnésqui utilisaient des applications peer-

to-peer telles que BitTorrent. Comcast a d’abordnié les faits et a ensuite prétendu qu’il s’agissaitd’une mesure de bonne gestion du réseau. LaFCC a conclu qu’il s’agissait en réalité d’unediscrimination illicite destinée à pousser lesabonnés de Comcast à utiliser les services VODde Comcast. L’autorité de régulation a ordonnéà Comcast de changer ses pratiques de gestion deréseau, afin de les rendre plus objectives, transpa-rentes et non discriminatoires. Comcast a faitappel de cette décision en soulevant l’argumentque la FCC manquait de base juridique pourordonner une telle mesure.

Le concept de common carriageQue peut-on apprendre de l’affaire Comcast

par rapport au débat européen sur la net neutra-lity ? Elle nous oblige à examiner les concepts decommon carriage, de non-discrimination et denet neutrality, et à s’interroger sur leur pertinencedans le contexte des nouveaux réseaux IP.Derrière le concept de common carriage et soncousin, le concept de net neutrality, se cachent enréalité deux sujets qu’il ne faut pas confondre : lepremier concerne la protection des consomma-teurs contre toute pratique d’un opérateur quienfreindrait des libertés fondamentales de l’utili-sateur telles que le respect de la vie privée oul’accès à tout contenu légal disponible sur le net.Le deuxième sujet relève de l’exploitationabusive, par un opérateur, d’une situation de

puissance économique. Le premier sujet peutfaire l’objet d’une régulation symétrique, ledeuxième d’une régulation asymétrique. Dansla décision Comcast, la FCC s’est surtoutpenchée sur le premier sujet, susceptible de fairel’objet d’une régulation symétrique.

Le président de la FCC a comparé l’action deComcast à celle d’un postier qui ouvrirait leslettres pour décider s’il a envie ou non de leslivrer. L’analogie du postier est également utiliséeen Europe par les opérateurs de réseau qui nesouhaitent pas entrer dans une logique de filtragedes contenus illicites. L’idée qu’un opérateur doitimpérativement transporter tout contenu sansouvrir les colis qu’il transporte provient duconcept de « common carriage » né au 17ème siècleen Angleterre. Les common carriers étaientchargés d’une mission de service public et avaientdes obligations de non-discrimination et de tari-fication non-excessive. Ces obligations s’appli-quaient quelle que soit la puissance économiquede l’acteur.

Aux Etats-Unis, à la fin du 19ème siècle, leconcept de « common carriage » a été utilisé dansles concessions accordées par l’Etat aux opéra-teurs privés. On retrouve les mêmes obligationsdans le cahier des charges des opérateurs télécomshistoriques européens au moment de leur priva-tisation. Les directives de 2002 ont scindé larégulation en deux grandes familles : une régula-tion asymétrique réservée aux opérateurs puis-sants et une régulation symétrique applicable àtous les opérateurs. Dans les directives de 2002,les obligations de non-discrimination étaientsurtout réservées aux opérateurs puissants.

par Winston Maxwell et David Sieradzki *,Affaire Comcast aux Etats-

Page 25: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

La FCC juge que Comcast : 1/ crée unediscrimination entre les applications et protocolesInternet au-lieu de les traiter tous de manièreégale ; 2/ bloque effectivement le trafic Internet ;3/ présente des risques significatifs d’abus anticon-currentiels ; 4/ use de pratiques non cohérentesavec « un Internet ouvert et accessible ». Elleestime aussi qu’en ne révélant pas ses pratiques,Comcast a accentué le problème. En effet, pourdécongestionner le réseau, d’autres moyensétaient possibles, qui avaient reçu l’aval de laFCC : la limitation à l’usage (« metered usage ») etla dégradation des vitesses de connexion des utili-sateurs excessifs.

L’ordonnance de la FCC a eu pour effet d’éta-blir un cinquième principe de « non-discrimina-tion » en matière de gouvernance d’Internet, misen œuvre par voie jurisprudentielle et non par desrègles définies ex ante. Ainsi, 10 ans plus tard, etsans le reconnaître explicitement, la FCC a de faitabandonné son approche non-interventionnisteet a finalement imposé aux FAI la même régula-tion que celle des opérateurs télécoms.

Mais l’histoire ne s’arrêtera pas là ! Comcast afait appel de la décision de la FCC, en contestantle fondement sur lequel le régulateur s’est appuyépour juger qu’il avait violé la politique fédérale.Dans le même temps, plusieurs opérateurs télé-

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 25

ence de la Progress & Freedom Foundation.

avocats associés, Hogan & Hartson

Contenus légaux et illicitesAux Etats-Unis, la FCC a déclaré que les four-

nisseurs d’accès à Internet n’étaient pas soumisaux contraintes du chapitre 2 de la loi américaineapplicable au « common carriage ». D’où l’objec-tion de Comcast à propos de la base juridique dela décision de la FCC. Mais au-delà de cet argu-ment, on peut s’interroger sur la légitimité d’unerègle de non discrimination dans un monde deréseaux IP. La FCC a bien précisé qu’un FAI estfondé à bloquer des contenus illicites, tels que lesimages pédopornographiques ou des fichierséchangés en violation du droit d’auteur. EnEurope, cette question est au cœur du débatautour de l’accord Olivennes, les FAI prétendantqu’ils n’ont pas le droit de regarder le contenuqu’ils transportent pour détecter d’éventuelscontenus illicites. Aux Etats-Unis, ils ont ce droità condition d’informer les utilisateurs.

La FCC a condamné en partie les pratiquesde Comcast parce que son système de détectionbloquait tout échange de contenus, y comprisdes contenus parfaitement légaux. En outre, leblocage s’opérait quelque soit l’heure et quelquesoit la taille du fichier. Puisqu’il bloquait descontenus légaux, le système était dispropor-tionné en regard des objectifs de lutte contre letéléchargement illicite, et interférait avec le droitde chaque individu d’avoir accès à tout contenulégal de son choix sur Internet. En outre, lesystème n’était pas transparent. Comcast n’ex-pliquait pas au consommateur la nature de ladétection qui s’opérait.

On peut extraire de la décision de la FCC unerègle de proportionnalité, d’objectivité et de trans-

parence : aux yeux du régulateur, une mesure dediscrimination serait licite si (i) elle visait unobjectif de « gestion raisonnable du réseau » (lalutte contre les contenus illicites étant comprisdans ce concept) ; si (ii) elle était proportionnée àl’atteinte de cet objectif, et si (iii) elle était claire-ment expliquée aux consommateurs.

Le concept de net neutralityLa décision de la FCC n’aborde pas le

deuxième volet du débat sur la net neutrality, àsavoir l’exploitation abusive, par l’opérateur, de sapuissance économique. Une des caractéristiquesdes nouveaux réseaux IP est la possibilité de créerdes qualités de service différentes. Pour utiliserl’analogie routière, il est possible de créer au seind’une même infrastructure une autoroute pourcertaines applications prioritaires, et une routenationale pour les autres applications. Cette formede discrimination est déjà utilisée dans les réseauxd’entreprises et ne soulève aucune difficulté.

La question clé est de savoir si l’opérateur est endroit de limiter l’accès de son autoroute à certainesapplications de son choix et d’obliger les applica-tions d’autres fournisseurs de service (Google parexemple) à emprunter la voie normale, moinsrapide. On est ici au cœur d’un souci de régulationéconomique destiné à éviter une exploitationabusive de puissance économique du type« vertical leveraging » visé par le droit de la concur-rence et surtout par l’article 10 de la directiveAccès. Dès lors, on peut imaginer que ce type dediscrimination serait condamnable pour unopérateur qui serait déclaré puissant, mais que ladiscrimination serait tolérée pour tout autre opéra-

teur. Dans le cas de Comcast,la FCC n’a fait aucune allusionà l’éventuelle puissance écono-mique du câblo-opérateur, etlaisse entière la question desavoir si une discrimination de cetype serait possible.

Quelles leçons pour l’Europe ?

L’une des leçons de l’affaireComcast est qu’il faut bien iden-tifier le fondement d’unemesure réglementaire du typenet neutrality avant d’agir. S’agit-il d’une action destinée à protégercertains droits fondamentaux desconsommateurs ou bien d’une action destinéeà empêcher l’exploitation abusive d’une puissancesur le marché ? Les deux sujets peuvent être liés,surtout lorsque l’on parle d’interopérabilité.

La décision de la FCC montre une tendancecroissante à privilégier la régulation symétriquelorsque la régulation asymétrique ne permet pasd’atteindre les résultats recherchés. Cependant, larégulation symétrique doit être utilisée avec réserve,afin d’éviter que des mesures de régulation écono-mique du type opérateur puissant ne s’y introduiseinsidieusement. Car il ne faut pas perdre de vue laphilosophie partagée tant aux Etats-Unis qu’enEurope : la régulation économique sectorielle doits’effacer progressivement pour faire place unique-ment au droit commun de la concurrence. �

www.hhlaw.com* ancien chef de service de la FCC

coms ont annoncé qu’ils plafonnaient la bandepassante ou avaient l’intention de le faire. Parailleurs, certains demandent que la FCC établissedes règles ex ante et que soit adoptée une loi accor-dant à la FCC une autorité explicite sur les câblo-opérateurs. En bref, le débat juridique et politiquesur la « Net Neutrality » se poursuit. �

(1) Le point de vue exprimé dans cet article ne reflète que laposition de Barbara Esbin et n’engage pas la PFF.(2)telles que la fourniture du service à la demande, sans discri-mination en matière de tarifs et de modalités de service(3)affaire NCTA v. Brand X(4) « Policy Statement »(5)“inquiry”

Unis : quelles leçons pour l’Europe ?

Page 26: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

mes qu’elles empêcheraient les opérateurs d'of-frir une qualité de service différenciée pour n'im-porte quel trafic. Ou qu’elles interdiraient à unréseau d’offrir un service à un site web, à moinsqu’il ne soit prêt à le fournir gratuitement à tousles autres sites. Franchement, de telles idées nepeuvent avoir pour résultat que d’étouffer l’in-novation et l’investissement dans les réseaux,les deux seuls éléments qui sont vraiment néces-saires à l’Internet pour continuer à croitre ettenir ses promesses.

Garantir un Internet à prix raisonnable

Ces idées verrouilleraient les opérateurs surle plan règlementaire, et à la place de réseauxintelligents, elles imposeraient des « tuyauxbêtes ». Cela obèrerait fortement notre capa-cité à investir de façon responsable dans unréseau intelligent, pour créer des technologiesnouvelles et novatrices conçues pour achemi-ner le trafic Internet de façon rapide et efficace.Alors que ces réseaux intelligents sont précisé-ment ce dont nous avons besoin pour transpor-ter la charge croissante et le trafic à haut débit,pour le faire d’une manière efficace et pourgarantir un prix raisonnable pour les consom-mateurs.

Les réseaux intelligents pourraient aussi nouspermettre d’offrir de nouveaux services « à valeur ajoutée » qui amortiraient les coûtsdu réseau et diminueraient les frais fixes à répar-tir sur les autres consommateurs. C’est cela quinous paraît équitable ! Tous les utilisateurs quibénéficient d’Internet devraient payer une quote-part justement répartie de ses coûts. Autrement,ceux-ci seront supportés uniquement par lesconsommateurs d’accès Internet, (accès aux per-formances certainement dégradées), et les moinsargentés n’auront plus les moyens de se l’offrir.

Les législateurs peuvent atteindre leurs objec-tifs légitimes sans imposer des restrictions auxingénieurs et aux hommes d’affaires sur lamanière de gérer leurs réseaux ; sans découra-ger non plus le développement de nouveauxservices ou de nouvelles fonctions qui étalentle coût des réseaux et réduisent la charge finan-cière pour les consommateurs. Agir autrementse traduirait par un Internet plus cher et demoins bonne qualité pour l'utilisateur moyen– et un Internet futur moins prometteur pournous tous. �

www.att.com/emea

consomment de plus en plus de bande passanteet mettent à dure épreuve la capacité de l'infra-structure. YouTube consomme aujourd'huiautant de bande passante que tout l’Internet enl'an 2000. Le téléchargement d’un seul filmhaute définition consomme plus de capacitéque la visualisation de 35 000 pages Web.

Avec tout ce trafic, nous devons assurer à nosclients la qualité de service et le débit qu’ils sonten droit d’attendre. Ceci ne va pas simplementexiger plus de bande passante, mais une bandepassante « intelligente ». Nous avons besoinde réseaux capables de répondre de manièreoptimale à des exigences de performance extrê-mement variées pour des applications aussidiverses que des diagnostics en temps réel detélémédecine, des communications d’urgence,des films vidéo en ligne, des emails tradition-nels. La gestion de réseau devra être flexible etinnovante pour satisfaire une demande aussimultiforme.

Non à une réglementationdogmatique

Ces réseaux nécessiteront un investissementcontinuel. C’est pour ces raisons et pour tantd’autres qu’AT&T s’est opposé à une réglemen-tation dogmatique « de neutralité de réseau ».En un sens, nous avons le sentiment que la neu-tralité de réseau est un combat d’arrière-garde,presqu’un refus de la modernité. AT&T et laplupart des opérateurs ont déjà accepté de seconformer à tout un ensemble de règles en faveurdes consommateurs, tel que l’interdiction de

bloquer l’accès à un site ou de toutautre acte qui viserait à ralentir oudégrader le trafic licite sur Internet.Tout le monde est d'accord sur leprincipe de prévention de tels actesillicites ou anticoncurrentiels et nous

avons, avec d’autres opérateurs,renouvelé cet engagement à main-

tes reprises. Bien plus, personne n’a rapporté àce jour d’abus qui pourrait justifier une nou-velle réglementation bien malvenue.

Malheureusement, certains partisans de laneutralité de réseau n’ont pas été dissuadés parl’absence de problème sérieux pour presser lesgouvernements d’intervenir. Au contraire, ilsont imaginé les dommages potentiels – et cha-cun sait que les hypothèses sont plus dures àcontredire que les faits avérés. Cela a conduit àdes propositions de neutralité de réseau si extrê-

26 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

La « net neutrality » :un combat d’arrière garde

par James W. Cicconi, Senior Executive Vice President - External and Legislative Affairs d’ATT

Le 21ème siècle acommencédepuis moinsde 10 ans et

déjà, nous pouvonsremarquer que les paysdéveloppés et les paysémergents ont fait progresser considérable-ment leurs infrastructu-res de télécommuni-cation au profit du commerce, de l’éduca-tion, de l’information oude la communicationentre proches. Récem-ment, l’ONU déclaraitque l’accès à un Internet à

haut débit était aussi vitalque l’eau et l’électricité pour

la réussite au 21ème siècle.Contempler l’évolution de ce

monde en ligne est passionnant.Ce monde est prêt à nous apporter la

Télé Haute Définition pour tous, la photo àencore plus haute résolution, des moyens sophis-tiqués pour relier entre eux les peuples et les cul-tures, et probablement d’autres applications etservices que nous pouvons à peine imagineraujourd'hui. Mais il y a des défis importants àrelever pour profiter au maximum de l’Inter-net. L'objectif commun est d'accroitre le nom-bre de personnes connectées aux services « hautdébit ». C’est une de nos priorités au sein

d’AT&T et nous investissons lourdement pourla tenir. Les bénéfices attendus dans les domai-nes éducatifs, économiques et sociaux sont telsque personne ne devrait en être exclu.

Supporter la croissance du traficUn enjeu tout aussi important est de s’assu-

rer que les réseaux haut débit pourront suppor-ter la croissance exponentielle de ce trafic. Lesclips vidéo et les fichiers de musique en ligne

« Les législateurs peuvent atteindre leursobjectifs légitimes sans imposer desrestrictions aux ingénieurs et auxhommes d’affaires sur la manière de gérer leurs réseaux »

Page 27: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Dossier - Réseaux et contenus

Protégerles

consommateursSous les feux de

l'actualité, un cas dediscrimination auxEtats-Unis peut illus-trer comment de telsprincipes peuventfonctionner. Le moisdernier, la FCC aenjoint l'opérateurComcast de mettre finau blocage de l'utilisa-tion du protocoleBitTorrent sur sonréseau. L'action deComcast était problé-matique parce quebloquant non seule-ment des usageslégaux de BitTorrent,mais aussi parce que lebridage d'une applica-tion spécifique menacele choix du consom-mateur, la concur-rence et l'innovationplus largement.

Nous pensonsque la décision dela FCC contri-buera à garantirque les réseauxhaut débit restentdes plateformesouvertes.

En parallèle,Google appréciela manière dontComcast a prouvésa disponibilité àdiscuter, débattre etajuster sa politique degestion du trafic Internet. Lesleçons tirées de cette affaire peuventéclairer le développement de cadres régle-mentaires adaptés et équilibrés dans l'optiquede protéger les droits des consommateurs etde permettre l'innovation. �

www.google.fr

Depuis ses premiers jours, Interneta fonctionné sur le principe queles opérateurs ne bloquent ou nediscriminent pas entre les

contenus, services ou applications. Lesréseaux de nouvelle génération sont essen-tiels pour soutenir le potentiel innovant del'Internet et apporter de réelles avancéespour les consommateurs, les entreprises etles économies à travers le monde. Mais cesavancées ne seront possibles que si lesfondements de l'Internet sont non seule-ment robustes, mais reposent toujours surun modèle ouvert.

Pour une innovation libre et novatrice

La puissance d'innovation attachée à lanature fondamentalement ouverte et nondiscriminatoire de la Toile est au cœur del'histoire de Google. Quand Google est nédu projet commun de deux amis à l'univer-sité de Stanford, ceux-ci n'ont pas eu àdemander la permission des opérateurs deréseaux pour lancer un moteur de recherchesur Internet. En fait, ils ont été en mesurede mettre en œuvre leur idée novatrice eux-mêmes et de la rendre accessible aux utilisa-teurs.

Maintenir un Internet ouvert, c'estpenser au prochain Google, YouTube,Dailymotion, eBay ou PriceMinister - enpermettant une innovation libre et enpréservant un écosystème où les idées nova-trices peuvent réussir et les nouveauxmodèles économiques peuvent fleurir surleurs propres mérites. A l'heure où les légis-lateurs européens conçoivent un cadre régle-mentaire pour les acteurs européens del'économie numérique, la capacité desjeunes pousses Internet européennes àémerger et croître sur la scène mondialerepose sur un accès à l'Internet robuste,ouvert et non discriminatoire.

De tels principes bénéficient à tous lesacteurs. L'innovation en termes d'applica-tions et de contenus sur Internet tire lademande des utilisateurs en termes debande passante ; cette demande accruesignifie davantage de revenus pour lesopérateurs de réseaux et répond donc au

risque perçu d'investir dans une nouvelleinfrastructure ; un très haut débit conduiraà davantage encore d'innovation au niveauapplicatif. Ce cercle vertueux nous a menésau taux de pénétration actuel, et il n'y a pasd'argumentation crédible pour modifier cetéquilibre.

Laisser de la flexibilitéaux opérateurs

Aujourd'hui, il est critique de définir lesmécanismes appropriés pour soutenir lacroissance numérique. Le défi réside icidans le faible degré de concurrence auniveau infrastructure dont souffrent généra-lement les marchés de télécommunications.

Dans l'Union européenne, la régulationdes télécommunications a rendu le marchérelativement concurrentiel dans un certainnombre d'Etats membres, et il est crucialque le cadre des communications électroni-ques actuellement en cours de révisionrenforce une véritable concurrence auniveau des services sur le haut débit etpermette un accès équitable aux réseauxd'accès de nouvelle génération.

En parallèle, le cadre européen descommunications électroniques doit aussicomporter des garde-fous quant aux droitsdes utilisateurs et garantir que les pratiquesde gestion des réseaux sont raisonnables etnon discriminatoires, tout en laissant auxopérateurs la flexibilité nécessaire. Parexemple, un fournisseur d'accès haut débitpeut être autorisé à « prioritiser » les paquetsIP qui requièrent une latence faible, maisune telle « prioritisation » doit s'appliquerde la même manière pour tous les traficsnécessitant une faible latence, pas seulementpour ceux de fournisseurs d'applicationsparticulières.

Il nous semble également souhaitableque les fournisseurs de services de la sociétéde l'information soient en mesure derecourir aux régulateurs nationaux (ARN)en cas de différend avec les opérateurs deréseaux sur l'accès aux utilisateurs finaux, etque les ARN se voient confier le pouvoird'obtenir les informations relatives à lagestion du trafic afin de vérifier le respectdes principes évoqués ci-dessus.

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 27

Maintenir un Internet ouvert pour le prochain Google

par Richard Whitt, Senior Policy Counsel, Derek Slater, Policy Analyst,

Sebastian Mueller, European Policy Manager, et Olivier Esper, Relations Institutionnelles

Page 28: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

La loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008 (1) vise à renforcer l’attractivité économique de la France. Elle des logements en fibre optique, soutenir les efforts des collectivités territoriales, compléter la couverture mobile…

La loi de modernisation de l’écon

Faciliter le raccordement des logementsen fibre optique tout en préservant lesdroits des propriétaires et l’exerciced’une concurrence loyale, tel est l’un

des objectifs assignés au titre III de la loi demodernisation de l’économie. Pour favoriser leraccordement des logements en réseaux très hautdébit en fibre optique, le nouveau cadre législatifs’articule autour de quatre axes :- l’instauration d’une faculté d’accès à la fibre

(modification de l’article 1er de la loi n° 66 457du 2 juillet 1966 relative à l’installation d’an-tennes réceptrices de radiodiffusion sur le droità l’antenne) ;

- le principe d’une mutualisation entre opéra-teurs des réseaux en fibre optique déployésdans les immeubles (nouvel article L. 34-8-3du code des postes et des communicationsélectroniques - CPCE) ;

- un encadrement conventionnel obligatoire dela relation entre les propriétaires (ou les bail-leurs) et les opérateurs (nouvel article L. 33-6du CPCE) ;

- le pré-équipement des immeubles neufs(modification de l’article L. 111-5-1 du codede la construction et de l’habitation).

La combinaison de la première mesuredestinée à faciliter l’entrée des opérateurs dansles immeubles et du principe de mutualisationdes réseaux entre les opérateurs est un élémentclef de ce dispositif.

Le droit à la fibreUn propriétaire ne peut s'opposer au raccor-

dement des immeubles au réseau très haut débit,sauf « motif sérieux et légitime ».

Dans les immeubles neufs, le précâblage enfibre optique sera obligatoire, et ce, à partir de2010 pour les immeubles de plus de 25 loge-ments et en 2011 pour les autres (2). Dans lesimmeubles anciens, l’installation de la fibreoptique par les opérateurs est faci-litée par le fait que, désormais,toute proposition d’uno p é r a t e u rp o u rinstaller à sesfrais laf i b r e

dans les parties communes d’un immeuble pourle desservir par un réseau de télécommunica-tions est inscrite de droit par le syndic à l’ordredu jour de la prochaine assemblée générale descopropriétaires. La décision d’accepter est prise àla majorité des voix exprimées des coproprié-taires présents ou représentés (3).

Le propriétaire d’un immeuble ne peut pass’opposer à ce qu’un occupant soit raccordé à unréseau très haut débit, sauf pour motif « sérieuxet légitime ». Constituent des motifs sérieux etlégitimes, le fait que l’immeuble soit déjàraccordé au très haut débit en fibre optique(dans ce cas le propriétaire peut demander que leraccordement soit fait au moyen des diteslignes), ainsi que la décision du propriétaired’installer lui-même la fibre dans les six moissuivant la demande des locataires ou occupantsde bonne foi.

Toutefois, l’inscription des propositions decâblage à l’ordre du jour des assemblées decopropriété est une garantie pour les copro-priétés de pouvoir contrôler la qualité desdemandes d’autorisation de travaux qui sont à lacharge des opérateurs. En outre, une conventionpassée entre les propriétaires (ou syndicat depropriétaires) et l’opérateur installateur de fibreoptique détermine les conditions d’installationainsi que la gestion, l’entretien et le remplace-ment des lignes (4). Les travaux menés parl’Autorité avec l’ensemble des acteurs concernésdepuis plus d’un an ont permis l’élaborationd’une convention type.

L’obligation de mutualisation de la partie terminale des réseaux

en fibre optiquePour limiter les travaux et nuisances et pour

garantir une concurrence dans les immeubles, laloi prévoit la mutualisation entre les opérateursde la partie terminale des réseaux en fibre

optique.

Un opérateur qui aura déjà « fibré » unimmeuble devra partager son infrastructure avecles opérateurs concurrents qui lui en font lademande. Le passage à la fibre optique devraitêtre ainsi plus rapide, plus économique et engen-drer moins de travaux et de nuisances.

En effet, le nouvel article L. 34-8-3 duCPCE oblige toute personne ayant établi dansun immeuble (ou exploitant) un réseau en fibreoptique de faire droit aux demandes d’accèsraisonnables d’autres opérateurs. Cet accès estfourni dans des conditions transparentes et nondiscriminatoires, permettant un raccordementeffectif à des conditions économiques, techni-ques et d’accessibilité « raisonnables ». Uneconvention détermine les conditions techniqueset financières d’accès entre les personnes concer-nées. Tout refus d’accès doit être motivé. La loirenvoie à l’ARCEP le soin de trancher tout diffé-rend et de préciser les conditions techniques ettarifaires de cet accès par une décision soumise àhomologation du ministre.

Ainsi, la loi a posé les premières pierres del’édifice du déploiement du très haut débit et arenforcé les prérogatives de l’ARCEP.

L’Autorité devra publier, deux ans après lapromulgation de la loi, c'est-à-dire avant le moisd’août 2010, un rapport sur le déploiement dutrès haut débit et son ouverture à la concurrence,tout en faisant des propositions pour la montéeen débit dans les zones rurales. �

(1) Loi n° 2008-776, publiée au JO du 5 août 2008(2) Article L. 111-5-1 du nouveau du code de la construction.(3)Article 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le

statut de la copropriété des immeubles bâtis.(4)Un décret en Conseil d’État fixant les modalités d’application

de l’article L. 33-6 du CPCE viendra préciser les clauses de laconvention, notamment le suivi et la réception des travaux, lesmodalités d’accès aux parties communes de l’immeuble, la ges-tion de l’installation et les modalités d’information, par l’opé-rateur, du propriétaire ou du syndicat de copropriétaires et desautres opérateurs.

Un cadre juridique sécurisé pour déployer la fibre dans les immeubles

28 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Page 29: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 29

présente plusieurs dispositions relatives au secteur des télécommunications : faciliter le raccordement Explications de texte.

omie et les télécommunications

d’une procédure contradictoire. L’ARCEPpeut être saisie en règlement des différendsportant sur les conditions techniques et tari-faires de la mise en œuvre de cette utilisationpartagée (3).

• L'ARCEP doit remettre au Parlement etau Gouvernement, avant la fin de l'année2008, un rapport présentant un premier bilandes interventions des collectivités territorialesen application de l’article L.1425-1 duCGCT. Des propositions doivent être faitespour favoriser l'accès de tous au haut débit etenvisager son financement (4).

Compléter la couverture mobile

• Les opérateurs 2G doivent publierchaque année les zones couvertes au cours del’année et communiquer à l'ARCEP leursprojets de couverture pour l’année à venir.L'ARCEP doit établir dans les 12 mois quisuivent l’adoption de la loi un bilan global dela couverture portant notamment sur les pers-pectives de résorption des zones noncouvertes par tous les opérateurs (1).

• Ils doivent également fournir une offrede tarifs sociaux, dont les conditions serontfixées par une convention avec L’Etat (5).

• Dans les six mois suivant l’adoption dela loi, l'ARCEP détermine, après consultationpublique, la mesure dans laquelle sera mis enœuvre, en métropole, un partage des installa-tions de réseaux mobiles 3G, et notamment leseuil de couverture de la population au-delàduquel ce partage sera mis en œuvre (6).

Dégrouper la sous-boucle locale

• Les opérateurs puissants sur le marchéde la sous-boucle locale doivent proposer uneoffre d'accès à ce segment de réseau à un tarifraisonnable. L'offre technique et tarifaire

doit contenir les dispositions nécessairespour que les abonnés puissent bénéficier deservices haut et très haut débit (7).

Compétences de l’ARCEP

• L'ARCEP doit publier dans les deuxans suivant l’adoption de la loi un rapportsur le déploiement effectif du très haut débit,qui doit également faire des propositionspour favoriser de déploiement du très hautdébit en zone rurale(1).

• L'article L. 36-11 du CPCE a étémodifié pour permettre à l'ARCEP d'im-poser des sanctions mieux proportionnées encas de non respect par les titulaires deressources rares (notamment les fréquences)de leurs obligations de couverture (possibilitéd’assortir la mise en demeure d'étapes inter-médiaires accordées au titulaire pourrespecter ses obligations ; retrait partiel d'uneautorisation, dans l’espace ou dans le temps ;sanction financière tenant compte de lapopulation ou du territoire non couvert parle titulaire) (8).

Des fréquences aux enchères

• La loi prévoit désormais explicitementla possibilité de recourir à une procédured’enchères pour attribuer des ressources enfréquences lors d’un appel à candidatures,c’est-à-dire en cas de rareté des fréquences (9).

Encadrer l’usage des numéros surtaxés

• La loi prévoit une interdiction derecourir à des numéros surtaxés pour accéderaux hotlines des entreprises, dès lors qu’ellessont destinées à recueillir l'appel d'unconsommateur en vue d'obtenir la bonneexécution du contrat ou le traitement d'uneréclamation, et ce pour l’ensemble dessecteurs d'activité. �

(1) Art. 109 de la loi.(2) Loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la moderni-

sation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision dufutur.

(3) Art. 113.(4) Art. 118.(5) Art. 111.(6) Art. 119.(7) Art. 110.(8) Art. 112.(9) Art. 114.

Outre la mise en place du dispositifvisant à favoriser la mutualisationde la partie terminale des réseauxen fibre optique, la LME a

consacré plusieurs autres dispositions auxtélécommunications.

Plus de pouvoirs pour les collectivités territoriales

• Les gestionnaires d’infrastructures et lesopérateurs de télécommunications doiventcommuniquer gratuitement aux collectivitésterritoriales, à leurs groupements et à l’Etat lesinformations relatives à l’implantation et audéploiement de leurs infrastructures et deleurs réseaux sur leur territoire. Un décretd'application précise les modalités d'applica-tion, notamment au regard des règles relativesà la sécurité publique et à la sécurité natio-nale (1).

• Les autorités organisatrices de la distri-bution d'eau et d'électricité peuvent poser desfourreaux pour favoriser le déploiement de lafibre lors des travaux qu'elles réalisent. Uneconvention est signée avec la collectivitécompétente au titre de l’article L.1425–1 ducode général des collectivités territoriales(CGCT) sur le territoire concerné pour éviterles conflits de compétence (1).

• Des précisions ont été apportées sur lesmodalités de mise en œuvre par lescommunes et leurs groupements du principed'utilisation partagée des infrastructurespubliques de génie civil des réseaux câblés,prévu par la loi du 5 mars 2007 (2). Les collec-tivités concernées peuvent organiser cepartage par simple décision. En cas de refusdu câblo-opérateur, la collectivité peutreprendre la pleine jouissance de ces infra-structures moyennant une indemnisationlimitée, après mise en demeure dans le respect

Les autres dispositions de la loi

Page 30: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

L ’objectif du gouvernement est decouvrir 100% de la population enhaut débit fixe et mobile en2012 » a indiqué Luc Rousseau,

directeur général des entreprises auMINEFE dans son discours d’ouverture. Ila rappelé à cette occasion le bilan très satis-faisant de l’action des collectivités avec plusde 85 projets majeurs engagés, couvrantchacun plus de 60 000 habitants pour uninvestissement public total de plus de 1,4milliard d€.

Zones blanches, fibre : la solutionpasse par les collectivités

Cette année, les débats du CRIP se sontstructurés autour de deux tables rondes. Lapremière, consacrée à la couverture du terri-toire en haut débit et présidée par DenisRapone, membre de l’Autorité, a permis derappeler que les zones blanches représententencore environ 500 000 lignes (soit moinsde 2 % de la population). Les débats ontmontré que la question de la résorption deszones blanches se faisait d’autant mieuxqu’elle s’inscrivait dans une démarched’aménagement globale du territoire. A cetégard, Paul Champsaur a insisté sur l’im-portance du déploiement des réseaux decollecte.

Aucune technologie ne permet à elleseule de répondre à toutes les attentes desterritoires. A ce titre, les participants ontsouligné l’utilité de combiner les technolo-gies mobilisables : réaménagement de laboucle locale – avec la mise en œuvre de lasolution NRA ZO, pour laquelle l’Autoritéa obtenu la publication d’une offre de grospar France Télécom le 15 septembre dernier,permettant ainsi à tous les opérateurs deproposer cette solution lors des appels d’of-fres des collectivités – ou encore des techno-logies hertziennes comme le Wimax.

Par ailleurs, le président de l’ARCEP aindiqué que « le service universel ne constituepas nécessairement un outil adapté pour l’ex-tension du haut débit », estimant qu’ « ilserait préférable d’accompagner les initiativeslocales pour couvrir les zones blanches […]dans un souci d’efficacité et de cohérence del’investissement public. »

La seconde table ronde, dédiée auxnouveaux réseaux très haut débit et animéepar Gabrielle Gauthey, membre del’Autorité, a tout d’abord permis aux opéra-

teurs présents de faire le point sur leursprojets de déploiements et leurs intentionsd’investissement. De leur côté, les collecti-vités ont présenté leurs interventions en

faveur du déploiement de la fibre : recueild’informations de terrain, autorisation dugénie civil allégé, mise à disposition d’infra-structures de génie civil aux opérateurs et

Aménagement numérique du territoire : La quatrième réunion plénière du Comité des réseaux d’initiative publique (CRIP), qui s’est tenue le 17 septembre structurante dans l’aménagement numérique du territoire (1).

30 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Paul Champsaur, président de

l’ARCEP : « Le service universel neconstitue pas nécessairement un outiladapté pour l’extension du haut débit. »

Alain Rousset, Président du Conseil

régional d'Aquitaine, Président de

l'Association des Régions de France :

« La pure logique de marché a créél'essentiel de la fracture numérique ; les seules logiques concurrentielles nepeuvent résoudre un objectifd'aménagement du territoire. »

Jean-François Le Grand, Sénateur

de la Manche, président du Conseil

général : « Le très haut débit dans lespetites villes est possible ; il n'y a pas defatalité à la fracture territoriale. »

Thierry Solère, Premier adjoint au

maire de Boulogne-Billancourt,

Vice-Président du Conseil général des

Hauts-de-Seine : « L’enjeu, pour nous, cesont les services. C'est aussi que notre

territoire, poumon économique du pays,rivalise à armes égales avec ses voisinseuropéens. »

Christian Paul, député de la Nièvre,

Vice-président du Conseil régional

de Bourgogne : « Le très haut débit nousforce à nous poser deux questions : lemarché peut-il tout à lui tout seul ou bienfaut-il de l'intervention publique ?Comment l'intervention des collectivitéspeut-elle être efficace ? »

Bruno Retailleau, Sénateur de la

Vendée, Président de la commission

du dividende numérique : « Le dividendenumérique doit être mis au service de laréduction de la fracture numérique" (…) Ilse matérialisera en 2012, date à laquelle99 % de la population pourra avoir desdébits moyens de 10 Mbits, dans desusages mobiles ou nomades. »

Gabrielle Gauthey, membre de

l’ARCEP : « La clef du développement

1.

2.

3.

4.

5.

6.

7.

8. 9. 10.

VE

RB

AT

IM3. 4.1. 2.

Page 31: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

pose de fourreaux de réserve à l’occasion detous travaux de voirie, déploiement d’unréseau public en complément de l’initiativeprivée.

Un bilan de l’action des collectivités avant la fin de l’année

Paul Champsaur a conclu le comité enprésentant les prochains dossiers du CRIP.

S’agissant de lacouverture des zonesblanches du hautdébit, les moda-lités d’intervention descollectivités sur les points hautsseront étudiées. En matière de très hautdébit, les travaux entamés sur le génie civilse prolongeront, avec l’élaboration d’uneconvention type de mise à disposition.

Enfin, la loi de modernisation de l’éco-nomie (LME) du 4 août 2008 (2) a confié àl’ARCEP la mission d’établir un rapportdressant un premier bilan de l’interventiondes collectivités territoriales, qui doit êtreremis au Parlement et au gouvernementavant le 31 décembre 2008. Un séminaireassociant les acteurs du CRIP sera organiséà l’automne pour préparer ce bilan.

Enfin, Paul Champsaur a égalementrappelé que, conformément aux disposi-tions de la loi, un projet de décret portantsur la publication des informations sur lacouverture du territoire par les services decommunications électroniques est égale-ment en cours de préparation au sein duComité pour la couverture numérique duterritoire. �

(1) Retrouvez les interventions des conférenciers duCRIP en vidéo sur le site Internet de l’ARCEP :http://www.arcep.fr/index.php?id=9773#14414.

(2) Les dispositions de la LME qui concernent lescollectivités territoriales sont détaillées pages 28 et 29 de ce numéro de La Lettre.

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 31

les collectivités en première ligne 2008, a permis de constater que l’implication des collectivités devenait de plus en plus

Créé par l’Autorité fin 2004, le CRIP est un

espace d’échanges, qui rassemble les

collectivités territoriales, les opérateurs et

les acteurs concernés par l’aménagement

numérique du territoire. La séance plénière

du CRIP est l’occasion pour les élus qui le

souhaitent et l’Autorité de dresser le bilan

des travaux réalisés et de fixer le

programme de travail de l'année à venir.

A l’occasion du CRIP, l’Autorité a publié deux

documents qui peuvent être téléchargés sur

www.arcep.fr/collectivites :

- le compte rendu des travaux du CRIP en

2007-2008 ;

- une étude d’Emmanuel Glaser, Conseiller

d’Etat, sur la mise en œuvre du principe

d’utilisation partagée des infrastructures

publiques de génie civil.

Le CRIP, c’est quoi ?

du très haut débit dans les zones blanches,ce sont les réseaux de collecte. »

René Souchon, Président du Conseil

régional d'Auvergne : « 99,6% de lapopulation auvergnate accèdera au haut débità Noël (...). Il n'y aura aucun exclu du hautdébit en Auvergne, même une maison isolée.»

Yves Rome, Président du Conseil

général de l'Oise : « Notre départementa atteint 99,3 % de lignes éligibles ADSL. AvecNRA ZO, NRA zones grises et le dégroupage,les 100 % sont à notre portée. »

Philippe Leroy, Sénateur de la

Moselle, Président du Conseil

général : «Il n'est pas facile de piloter unmarché qui n'est pas mature aux planstechnique et juridique.»

Eric Doligé, Sénateur du Loiret,

Président du Conseil général :

« Je demande à l'Etat et à l'ARCEP de nousaider pour rendre accessibles les

informations qui nous paraissentindispensables à la connaissance duréseau. Nous avons bien du mal à lesobtenir. »

Michel Chanel, Vice-président du

syndicat intercommunal

d'électricité de l'Ain : « Les fourreauxinstallés avant 1996 nous posentproblème : il convient de confirmer pour lescommunes un droit d'usage sur cesfourreaux. De même, le déploiement de lafibre jusqu'à l'abonné n’est envisageableque si les collectivités gèrent les fourreauxsur le domaine public.»

Denis Rapone, membre de l'ARCEP :

« Les élus sont confrontés à desinégalités de couverture qui suscitentd’autant plus d’exaspération qu’elless’inscrivent dans un contexte où les usagesnécessitent des débits importants, inégalitésvécues avec d’autant plus d’incompréhensionque les zones blanches tendent à se raréfier,accroissant ainsi le sentiment d’injustice. »

8.

9.

10.

11.

12.

13.

11. 12. 13.

5. 6.

Actualités

7.

Page 32: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

L’ARCEP a conduit au cours del’été 2008 le contrôle des obliga-tions de déploiement des réseauxde boucle locale radio dans la

bande 3,5 GHz conformément aux autorisa-tions délivrées en juillet 2006. Des auditionsmenées en parallèle à ce contrôle ont permisd’apprécier les circonstances qui affectent ledéveloppement des projets et d’établir unevision actualisée du marché.

Des déploiements inférieurs aux engagements

Le premier constat établi par l’Autorité estun déploiement effectif de la boucle locale

radio avec plus de 500 sites opérationnels,la disponibilité d’of-fres commerciales etquelques milliersde clients particu-liers et profession-nels. Cependant,ces déploiementsvarient fortementselon les titu-laires et les zonesgéographiqueset sont globale-ment modestes

et, en tout état decause, inférieursaux engagementsdes titulaires.

Cette situa-tion s’expliqueen partie par le

retard industriel et le défaut de maturité deséquipements à la norme 802.16e verslaquelle, suivant une tendance mondiale, sesont majoritairement orientés les acteursnationaux. Selon les opérateurs, les perfor-mances des équipements actuellement dispo-nibles sont en effet inférieures, de 10 à 20 %en ce qui concerne la couverture, aux prévi-sions. L’autre frein majeur souligné par lesacteurs est le manque d’interopérabilité desterminaux avec les stations de base pour unusage fixe et a fortiori nomade.

Des modèles économiques très différents

Le second constat a trait à la persistance dedeux modèles économiques très différents :un modèle de FAI national visant à offrir desservices hauts débits nomades comme l’illustre le rachat par Bolloré Télécom de 8des 11 autorisations de HDRR France, et unmodèle orienté spécifiquement vers l’aména-gement numérique du territoire dans le cadrede réseaux d’initiative publique. Ce modèleest toutefois nuancé par le retrait de HDRRFrance qui n’a pas su trouver d’équilibreéconomique dans son projet de couverturemultirégional visant exclusivement les zonesblanches de l’ADSL, en raison, notamment,de la concurrence de la solution NRA-ZO(Nœud de raccordement d’abonnés - Zoned’ombre). En effet, un NRA-ZO installé dansces zones capte environ 25% des lignes dumarché adressable sans par ailleurs réduire lenombre d’équipements Wimax (en particu-lier stations de base) à installer pour assurer la

couverture des zones résiduelles. Sur la base des résultats du contrôle et de

ces éléments d’analyse, l’Autorité a décidé demettre le marché de la boucle radio soussurveillance. Les titulaires lui transmettronttous les six mois l’état d’avancement de leursdéploiements. Ces informations actualiséesseront publiées sur le site de l’Autorité. Cetencadrement se poursuivra jusqu’à laprochaine échéance d’obligations de déploie-ment prévue par les autorisations endécembre 2010.

Un rôle clef pour les collectivités locales

Au chapitre des perspectives, il ressort quele modèle d’un FAI sans fil visant à offrir desservices hauts débits nomades avec unecouverture nationale est toujours d’actualité.Pour réussir, un tel modèle économique devratoutefois trouver sa place entre les offresd’accès fixe à haut débit et les offres d’accèsmobile à haut débit.

En outre, les technologies Wimax dans labande 3,5 GHz pourraient apporter leurscontributions aux projets d’aménagementnumérique du territoire en tant que compo-sante d’une combinaison de technologies. Sil’équilibre économique d’un projet Wimaxspécifique sur de telles zones parait difficile endehors d’une prise en compte au sein desRéseaux d’Initiative Publique, il convient eneffet de souligner que les seuls endroits où lesobjectifs de déploiement ont été tenus sontceux où les collectivités locales avaientdéployé des réseaux de collecte. �

BLR-Wimax : l’Autorité met le marché sous surveillance

L’ARCEP a conduit au cours de l’été 2008 le contrôle des obligations de déploiement des réseaux de boucle localeradio dans la bande 3,5 GHz. Résultats, état des lieux et perspectives.

L’ARCEP reçoit le président de NTTLe 19 septembre, Paul Champsaur, président de l’ARCEP, et Joëlle Toledano,membre du Collège, ont présenté les principaux enjeux de la régulation enFrance à une délégation de l’opérateur japonais NTT, menée par KaoruKanazawa, vice-président du Groupe. Les échanges ont essentiellementporté sur les perspectives d’évolution de la régulation, et en particulier en cequi concerne les NGA (fibre optique).

La 3G en France : échanges avec la NTC (Thaïlande)Le 24 septembre, une délégation du régulateur thaïlandais (NTC) emmenéepar le professeur Sudharma Yoonaidharma, commissaire du board, a été accueillie par Patrick Raude, membre du Collège de l’Autorité. Leséchanges ont principalement porté sur le mode d’attribution des licences 3G, la réutilisation des fréquences et le passage à la 4G.

Kaoru Kanazawa, vice-présidentdu Groupe NTT

INTERNATIONALES

BR

ÈV

ES

32 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Page 33: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

Bien qu’initialement conçus comme desservices accessoires à la voix, lesservices de SMS et d’échange dedonnées mobiles représentent désor-

mais une part importante de l’activité desopérateurs, mais aussi une part croissante de lafacture téléphonique mobile. Pourtant, ilsemblerait que la concurrence ne joue pas plei-nement sur les prix, notamment lorsque cesservices ne sont pas inclus dans les forfaits. Latarification de ces services apparaît alors commeun enjeu crucial pour leur développement, maisaussi pour le consommateur, tant en terme deprix que de capacité à maitriser sa dépense.

Les gros consommateursde SMS favorisés

Premier constat de l’étude réalisée parl’Autorité : même si l’utilisation du SMS aexplosé, son prix vendu à l’unité n’a pas évoluédepuis 2005 chez les opérateurs de réseau, quece soit hors-forfait ou au sein des forfaitsbloqués et des cartes prépayées : 13 c€ chezOrange, 15 c€ chez SFR et 12 c€ chezBouygues Telecom. Seuls les MVNO ontpratiqué une tarification de rupture dès leurlancement, en proposant des tarifs à l’unité infé-rieurs de 25 % à 30 % à ceux pratiqués par lesopérateurs.

Si les prix à l’unité n’ont pas évolué, lemarché des SMS n’en a pas moins subi une évolution majeure avec le développementd’offres d’abondance à destination de tous lesréseaux. Conduisant à un accroissement signifi-catif des volumes échangés, tendance quidevrait se poursuivre. L’évolution du marchéprofite donc sans surcoût aux gros consomma-teurs en volume de SMS, notamment auxjeunes, et non à ceux qui les achètent à l’unité.

Le maintien de prix élevés à l’unité, en dépitde la diminution des charges de terminaisond’appel SMS, montre que la diffusion de ceservice participe d’une concurrence davantagecentrée sur les quantités offertes que sur les prix,en tout état de cause, seul un accroissement dela concurrence sur les marchés de détail pourraitpermettre aux tarifs à l’unité de baisser. Cettesituation peut être obtenue par une améliora-tion des conditions faites aux MVNO et par unrenforcement de la concurrence par les infra-structures.

SMS en itinérance : vers une intervention de la Commission Selon les données du Groupe des régulateurs

européens, le prix moyen du SMS facturé auclient final en itinérance au sein de l’Union parles opérateurs européens est d’environ29 c€ HT. Les opérateurs français facturent ceSMS au prix moyen de 23 c€, ce qui donne destarifs TTC grand public de 28 c€ pour OrangeFrance et 30 c€ pour SFR et BouyguesTelecom.

Ce niveau élevé – et stable – des tarifs desprix de détail et de gros n’est pas satisfaisant etle jeu concurrentiel n’est pas en mesure deremettre en cause cette situation de fait. Enconséquence, une intervention réglementaireest fortement envisagée par la Commissioneuropéenne qui a annoncé un règlement visantà réduire, d'ici au 1er juillet 2009, de 70 % enmoyenne le tarif des SMS envoyés d'un autrepays de l'Union.

Une articulation entre régulation des tarifsde gros et de détail devrait alors être mise enplace, car si ces tarifs sont effectivement près dedeux fois supérieurs aux tarifs nationaux, ilssont fortement conditionnés par le prix desprestations inter-opérateurs dont le tarif moyenest de 16-17 c€.

Offres data en national : une transparence à améliorer

Les opérateurs pratiquent une segmenta-tion tarifaire entre les prestations destinées auxconsommateurs occasionnels, acheteurs depetits forfaits ou d’offres au compteur, et lesoffres d’abondance, apparues récemment etamenées à se développer. Ces offres d’abon-dance contribuent à une diffusion plusmassive des usages.

Cependant, leur succès sera conditionnépar le respect par les opérateurs de conditionsde transparence et de simplicité, ainsi que parune moindre restriction des possibilités denavigation offertes. Or cela ne semble pastoujours être le cas aujourd’hui. Ainsi, leconsommateur n’est pas (ou peu) en mesure dequantifier les volumes effectivementconsommés et n’est pas toujours pleinementconscient du caractère conditionnel decertaines offres dites « illimitées ». Par ailleurs,les opérateurs mobiles peuvent imposer des

restrictions d’usageen verrouillant parexemple certains para-mètres de configuration des terminaux et desportails (I–mode, Orange World ou VodafoneLive !). Dans le monde du fixe, la fin de cesrestrictions avait permis le fort décollage de lanavigation internet. Pour l’Autorité, il seradonc nécessaire de veiller à une meilleureinformation des clients et de leur donner lesmoyens de maîtriser leurs dépenses.

Offres data en itinérance : phénomènes de « bill shock »

En situation d’itinérance, les servicesd’échange de données reposent encore pourl’essentiel sur des tarifications au compteur, àun prix facial élevé (de l'ordre de 4 € parMegabit en moyenne) bien que légèrement enbaisse. L’hétérogénéité des pratiques commer-ciales nationales et en situation d’itinéranceengendre une mauvaise lisibilité des tarifs,notamment dans le contexte national de déve-loppement des offres illimitées.

Comme au plan national, le client ne béné-ficie que d’une transparence très réduite dusuivi de ses consommations. Par ailleurs, dessessions d’échange de données en itinérance(notamment sur les écrans tactiles) peuventavoir lieu sans même qu’il les ait initiées volon-tairement. Une telle absence de maîtrise estd’autant plus dommageable que les tarifs enitinérance sont très élevés. La presse s’est d’ail-leurs fait l’écho de nombreux témoignages de« bill shock », c’est-à-dire de factures portantsur des montants très élevés (plusieurscentaines voire plusieurs milliers d’euros) et entout état de cause en disproportion flagrantepar rapport à la perception qu’avait le consom-mateur des montants qui lui seraient facturésdu fait de sa consommation.

Une telle situation appelle une meilleurecohérence des politiques tarifaires nationales etinternationales des opérateurs, ainsi qu’unetransparence accrue afin de préserver le clientfinal d’une facturation non-voulue ou mani-festement hors de proportion. En revanche,pour l’Autorité, une intervention tarifaireserait dommageable pour un marché encoreimmature, en développement rapide et dansun contexte de baisse régulière des prix. �

SMS et données mobiles :l’ARCEP rend sa copie

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 33

Le 3 juillet dernier, l’Autorité a remis au secrétaire d’Etat à l’Industrie et à laConsommation, une étude sur l’évolution des tarifs et des conditions commerciales desoffres de SMS et d’échange de données mobiles. Résumé.

Page 34: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

L’Autorité a engagé en 2007 sonsecond cycle d’analyse de marchéde la terminaison d’appel vocalemobile pour les années 2008 à

2010. Dans la continuité de l’exercice précé-dent, elle a alors imposé à Orange France,SFR, Bouygues Télécom, SRR et OrangeCaraïbe une obligation d’orientation vers lescoûts, assortie d’un encadrement tarifaire decette prestation. Elle a par ailleurs imposé uneobligation de non excessivité à OrangeRéunion, Outremer Télécom, Digicel,Dauphin Télécom, UTS Caraïbe et SPMTélécom. L’encadrement fixé par l’Autoritécourt jusqu’au 1er juillet 2009 pour les troisopérateurs métropolitains et jusqu’au 1erjanvier 2010 pour les deux opérateurs d’outre-mer. L’Autorité doit donc désormais prendredes décisions concernant les encadrementstarifaires des opérateurs mobiles pour la fin ducycle d’analyse de marché.

Les références pertinentes de coûtsAfin de préparer ses futurs projets de déci-

sion, l’Autorité a engagé des travaux afin de

définir l’encadrement tarifaire que devrontrespecter les opérateurs mobiles métropolitainspour la période allant du 1er juillet 2009 au 31décembre 2010 et les opérateurs mobilesd’outre-mer pour la période allant du 1erjanvier au 31 décembre 2010. Dans un soucide transparence, l’Autorité a lancé le 4septembre dernier une consultation publiquesur les éléments pertinents pouvant servir deréférence à la tarification du service de termi-naison d’appel vocal des opérateurs mobiles,en s’appuyant sur le niveau de coûts d’unopérateur générique efficace. Dans sa consulta-tion, l’Autorité propose de se référer à l’analysecomparative des tarifs de terminaison d’appelmobile au niveau européen du GRE (Groupedes régulateurs européens) et aux deux réfé-rences de coûts que constituent les états decomptabilisation des coûts réglementaires desopérateurs et les modélisations technico-économiques calibrées des coûts de réseau d’unopérateur mobile.

Le modèle métropolitain, qui a étéconstruit en 2007 et a déjà fait l’objet d’uneconsultation publique, a permis d’affiner le

calibrage des données d’entrée du modèle del’opérateur générique efficace. Le modèleoutre-mer a été développé cette année, enconcertation avec les acteurs concernés. Il s’ap-puie sur la structure du modèle métropolitainet y intégre les spécificités de l’outre-mer, enspécifiant deux zones : Antilles-Guyane d’uncôté, Réunion-Mayotte de l’autre.

Vers un changement d’ approche ?Dans sa consultation publique, l’Autorité

s’interroge également sur un changement deconcepts de coûts de référence qui permet deprendre en compte, dans un souci pro-concur-rentiel, les coûts variables avec le trafic determinaison d’appel (approche dite incrémen-tale). A l’appui de l’ensemble de ces éléments,l’Autorité donne quelques éléments chiffrésmettant en relief son propos. Ainsi, en 2008, etsuivant la méthode actuelle, les coûts d’unopérateur générique efficace sont comprisentre 2,4 et 2,9 centimes d’euros par minute.Avec l’approche incrémentale, ces coûts sontplutôt dans une fourchette de 1 à 2 centimesd’euros par minute. �

Terminaison d’appel mobile : l’Autorité consulte les acteurs

L'Autorité a lancé ses travaux pour fixer les nouveaux tarifs de terminaison d'appel vocal mobile, qui doivents'adapter aux nouvelles problématiques concurrentielles.

BR

ÈV

ES

34 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Rapport sur les Etats-UnisCaractéristiques et tendancesdes marchés du fixe, téléphonieet haut débit,, 2G, 3G, télévisionmobile, Wimax, 4G, politique duspectre, relations opérateurs de réseaux-fournisseurs de contenus, dégroupage de l’offre audiovisuelle, offrelégale et net neutrality… JoëlleToledano et Nicolas Curien,membres de l’Autorité, se sontrendus fin 2007 aux Etats-Unisafin d’y étudier tous ces sujetset de rencontrer les acteurs dusecteur. Leur rapport de missionbilingue est en ligne sur notre site.

Offres de référenceConformément aux décisionsd'analyse de marché de l'Autorité,France Télécom a publié le 15septembre les offres de référencesd'accès à la boucle locale[dégroupage], d'accès et de collecteDSL [bitstream] et d'accès auxinstallations de génie civil [fourreaux]ainsi que les offres commercialesLFO de raccordement desrépartiteurs distants et NRA ZO deréaménagement de la boucle localeincluant la liste des sous-répartiteurs

éligibles. Un lien vers ces offres esten ligne sur le site de l’Autorité.

GSM dans les avionsLe 7 avril dernier, la CommissionEuropéenne a adopté unerecommandation (2008/295/CE) etune décision (2008/294/CE) quivisent à harmoniser les conditionsdans lesquelles les services GSMpourront être offerts à bord desavions en vol dans l'espace aériende l'Union Européenne. Afin detransposer ces textes au plannational, l'Autorité a lancé uneconsultation publique sur ces deuxprojets de décisions.

Service universelPar un arrêt en date du 30 juillet2008, le Conseil d’Etat a rejeté lesrequêtes de Bouygues Telecom etTélé 2 France, tendant à l’annulationdu décret n° 2007-563 du 16 avril2007 relatif aux modalitésd’évaluation, de compensation etde partage des coûts nets définitifsdu service universel destélécommunications pour lesannées 1997, 1998, 1999 et 2000.Le Conseil d’Etat a rejeté lesrequêtes, notamment au motif quela rétroactivité du décret attaqué sejustifie par un motif d’intérêtgénéral suffisant, caractérisé par lanécessité d’assurer la continuité duservice universel. Le décret du 16avril 2007 permet ainsi auxautorités compétentes dedéterminer les contributionsdemeurées exigibles desopérateurs pour le financement duservice universel au titre desannées 1998 à 2000.

Zones blanches mobilesEntouré des opérateurs, del'ARCEP et de représentants del'AMF et de l'ADF, le secrétaired'Etat à l'aménagement du

territoire a annoncé le 10septembre que le programme decouverture des zones blanches detéléphonie mobile sera achevé en2011. Le programme a été complétépar 364 communessupplémentaires, qui n'avaient pasété identifiées en 2003 et quiseront couvertes à 80 % d'ici fin2010 et à 100 % d'ici fin 2011.

Fréquences et aéromodélismeLes décisions n° 08-0516 attribuantdes fréquences aux systèmes deradiocommandes de modèlesréduits et n° 08-0517 fixant lesconditions techniques d'utilisationde ces fréquences sont parues auJournal Officiel le 16 septembre.Elles autorisent l'utilisation desdeux premiers canaux de 10 MHzcentrés sur 35,000 et 35,010 MHz àl'intérieur de la bande 34,995-35,225 identifiée par la décisionERC/DEC(01)11 pour ce typed'usage. Ces deux décisions, trèsattendues par les aéromodélistes,sont un premier pas vers lareconquête des fréquences à 35MHz que l’ARCEP tente derécupérer auprès du ministère del'équipement depuis 2001.

Page 35: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Actualités

Le Conseil de la concurrence aexaminé le positionnementactuel des opérateurs mobilesvirtuels sur le marché de détail

de la téléphonie mobile. Il constate que lesMVNO améliorent la diversité de l’offre ens’adressant à des segments de clientèledélaissés tels les primo-accédants (clientssouscrivant pour la première fois à uneoffre de téléphonie mobile), les utilisateursqui consomment peu de services mobiles,ou encore les régions à faibles taux de péné-tration. Néanmoins, il relève que laconcurrence entre les MVNO et les opéra-teurs de réseaux n’est pas frontale, d’autantque les offres de ces opérateurs virtuels s’in-sèrent dans les créneaux de marchédélaissés par les opérateurs de réseaux.

En valeur et en volume, les parts demarché des MVNO sont très limitées(4,67 % en volume fin juin 2008). Auquatrième trimestre 2007, leurs offres nereprésentaient que 2,4 % du total duchiffre d’affaires de la téléphonie mobile et1,4 % du trafic.

Conditions d’hébergement contraignantes

Le Conseil met aussi en cause les rela-tions contractuelles entre opérateurs deréseau et opérateurs virtuels sur le marchéde gros. En effet, les faibles performancesdes MVNO s’expliqueraient largement parles conditions d’hébergement proposéespar les opérateurs de réseau.

Notamment, les liens contractuels d’ex-clusivité entre les opérateurs virtuels etleurs opérateurs hôtes respectifs pèsentdirectement, selon le Conseil, sur le déve-loppement des MVNO présents sur lemarché dans la mesure où ils rendent trèsdifficiles la mise en concurrence des opéra-teurs hôtes et la renégociation des condi-tions initiales. Cette situation est parailleurs de nature à renforcer les barrières àl’entrée sur le marché pour un quatrièmeopérateur de réseau dont le développementpourrait pourtant être accéléré par l’accueilde MVNO.

En outre, les clauses d’intuitu personaeou portant sur la cession des bases clients

des opérateurs rendent l’activité de MVNOpeu attractive pour les investisseurs. Eneffet, la base clients représente le principalactif d’un opérateur mobile virtuel mais lescontraintes imposées à la cession de cettebase pèsent sur sa valorisation et donc surcelle des sociétés concernées et sur la renta-bilité des investissements dans cette branched’activité. Ceci est aussi un frein à l’amélio-ration du pouvoir de négociation desMVNO vis-à-vis de leurs opérateurs hôtes.

Stratégie commerciale bridée

Le Conseil souligne également quetoutes les conditions techniques et tarifairesdes contrats conclus depuis 2004 avecOrange et SFR contraignent les MVNOdans la conception de leurs offres. Lesopérateurs hébergés ne maîtrisent aucunélément de réseau, ce qui bride leur capacitéd’innovation, les contraint à transmettre desinformations stratégiques à leurs opérateurshôtes et offre à ces derniers une maîtrisetotale du calendrier de lancement des offrescorrespondantes.

Sur le plan tarifaire, le Conseil relèveenfin que les taux de réduction négociéspermettent aux opérateurs hôtes de ciblerles clientèles qu’ils dédient aux MVNO etde cantonner de ce fait les MVNO au seulrôle de partenaire complémentaire.

Pour une 4e licence 3GDans ce contexte, le

Conseil indique qu’il est impératifde créer de nouvelles incitations concurren-tielles pour améliorer les conditions danslesquelles les MVNO peuvent être hébergéspar leurs opérateurs hôtes afin que ceux-cianiment réellement la concurrence sur lemarché de détail de la téléphonie fixe. Par-delà les évolutions qui pourraient venir dumarché lui-même, le Conseil relève quel’attribution d’une quatrième licence peutcréer une dynamique positive en faveur desMVNO, à condition là encore qu’elle s’ac-compagne d’un « déverrouillage » des condi-tions techniques, tarifaires et contractuellesfaites aux opérateurs virtuels.

Saisi uniquement pour avis et non dansle cadre d’une saisine contentieuse, leConseil ne se prononce pas sur la licéité descontrats au regard des règles de concurrenceapplicables. Il recommande néanmoinsd’emblée un allègement significatif de ladurée des contrats et des clausesd’exclusivité ainsi qu’un encadrement, voireune suppression, des clauses de préemptionet de préférence portant sur la cession desactifs des MVNO. �

L'avis du Conseil de la concurrence est disponible sur :www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/08a16.pdfL'ARCEP avait rendu un avis sur saisine du Conseil. Il estconsultable sur : www.arcep.fr/uploads/tx_gsavis/08-0702.pdf

La ministre de l’Economie a saisi le Conseil de la concurrence pour connaître les raisons du développement relativement limité des opérateurs mobiles virtuels (MVNO) en France. Le Conseil a publié son avis le 31 juillet. Fiche de lecture.

Le Conseil de la concurrence au chevet des MVNO

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 35

A la différence des opérateurs

mobiles de réseau (Bouygues

Télécom, Orange et SFR), les

MVNO ne disposent pas de

ressources en fréquences.

Pour fournir le service mobile

au client final, ils utilisent

donc le réseau radio d’un

opérateur mobile de réseau,

dit opérateur « hôte ».

Au 1er septembre 2008,

12 MVNO indépendants

(c’est-à-dire ni contrôlés

ni détenus par leur opérateur

hôte) sont présents sur

le marché français des

télécommunications :

Afone, Altitude Telecom,

A-Mobile, Breizh Mobile,

Carrefour Mobile,

Coriolis Mobile, Mobisud,

Noos-Numéricable,

NRJ Mobile, Tele2 Mobile,

Transatel, Virgin Mobile.

Les MVNO en France

31/12/2005 31/12/2006 31/12/2007 30/06/2008 *

Parc MVNO agrégé 0,60 % 2,79 % 4,88 % 4,67 %

Source : ARCEP* le chiffre au 30/06/2008 n’est pas pro forma, les MVNO Ten, Débitel et Neuf Mobile étant considérés comme dépendants

commercialement des opérateurs les contrôlant désormais.

Evolution des parts de marchés des MVNO depuis 2005

Page 36: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Plus d’un milliard de journaux ont été portés en 2007, contre 1,7 milliard distribués par voie postale.Comme en 2005 et 2006, le portage de presse gagne du terrain : désormais, 37 % des journaux etmagazines vendus sur abonnement sont portés à domicile, et même 44 % pour la PQR. Zoom sur lesderniers chiffres de l’Observatoire postal de l’ARCEP.

Envois de presse :le portage gagne du terrain

Secteur postal

Avec 2,7 milliards d’envois en Franceen 2007, la presse par abonnementdistribuée tant par voie postale quepar portage est en très légère hausse

(+ 0,5 %) par rapport à 2006. Cette évolutions’inscrit dans un contexte de résistance de la pressegrand public qui s’infléchit de seulement 0,3 %selon l’OJD, l’organisme qui certifie la diffusiondes journaux et périodiques. La presse grand publicreprésente près de 98% des ventes de pressepayante en France. Les ventes en kiosque, en pro-gression de 0,7% entre 2006 et 2007, restent lepremier canal de diffusion de la presse payanteavec 50 % environ des volumes distribués.

Un circuit postal moins utilisé en envoi urgent

Dans cet ensemble, le volume de presse diffu-sée par voie postale baisse de 0,5 % en 2007. Cettediminution est toutefois moins forte qu’en 2006(-5,4 %) et 2005 (-3,1 %). Le chiffre d’affaires dela distribution d’envois de presse par voie postaleatteint 483 millions d’euros en 2007, la baisse des

volumes s’accompagnant d’une très légère baissedes revenus associés : - 0,2 % en 2007, après unfléchissement de 1,7 % en 2006. L’impact de lahausse des tarifs de distribution de la presse sur lerevenu est faible.

En 2007, plus de la moitié de la presse diffu-sée par le circuit postal est distribuée au tarif urgent,c’est-à-dire en J+1 ou en J+2. La Poste propose,depuis 2004, troistypes de tarifspour les envois depresse, chacun liéà un

délai de distribution :l’urgent (J+1), le nonurgent (J+4) et l’éco-nomique (J+7). L’in-troduction du tariféconomique a impactéla structure du traficdès 2005. La part del’urgent a perdu prèsde treize points, auprofit du non urgentet de l’économique,qui gagnent respecti-vement trois et dix points.

Encadrée par les accords pluriannuels Etat-Presse-Poste, la contribution de l’Etat à l’ache-minement des envois de presse par La Poste s’estélevée à 242 millions d’euros en 2007. Le dernier accord Etat-Presse-Poste signé(cf. page 37) prévoit que l’Etat continuera desoutenir la Poste dans sa mission de transport dela presse, à hauteur de 242 millions jusqu'en2011, puis 232 millions en 2012 pour parvenir

à 180 millions en 2015.L'augmentation des tarifsde distribution, prévu parcet accord, sera progressivesur sept ans. Pour la pressed'information politique etgénérale, elle sera légère-ment inférieure à 25 %

entre 2009 et 2015. Pour le reste de la presse, ellesera proche de 34 % entre 2009 et 2015.

Le portage à domicile progresse A l’inverse de la distribution postale, le

portage se développe de plus en plus depuis 2004.En 2007, les porteurs de presse ont passé le capdu milliard de journaux ou de magazines distri-

bués aux abonnés, suivant une progres-sion de 2,3 % entre 2006 et 2007.Depuis 2004, la croissance annuelle desvolumes de presse portés s’accélère : elleétait de 1,1% en 2005 et de 2 % en

2006. En 2007, le portage de

presse concerne 37 % desjournaux et magazines dis-tribués sur abonnement.La presse quotidienne

départementale et régionale est la presse la plusportée avec 44 % des volumes distribués, en aug-mentation de près de quatre points depuis 2004.La presse quotidienne du dimanche est ledeuxième type de presse le plus porté (27 %)avec des volumes stables depuis 2004. Loin der-rière, la presse magazine et la presse quotidiennenationale sont peu portées (respectivement 9 %et 8 %), ces parts n’évoluant que faiblementdepuis 2004.

Les éditeurs de presse reçoivent aussi unesubvention de l’Etat au titre d’aide au portagede presse. Distribuée par le fonds d'aide au por-tage, elle se monte à 8,25 millions d’euros en2007 et est réservée aux quotidiens d'informa-tion politique et générale. �

Revenus 2004 2005 2006 2007Evolution

2006-2007

Chiffre d’affaires « Presse » 486 492 484 483 - 0,2 %

Contribution de l’Etat 290 242 242 242 0,0 %

Total 758 734 726 725 -0,1 %

Plusieurs acteurs se partagent le marché de la diffusionde la presse payante en France.

La Poste offre une prestation de distribution au titre du« service public de transport et de distribution depresse ». Deux acteurs sont actifs sur ce marché :La Poste et Press’Tissimo.

Face au postage (la voie postale), le portage vise ladistribution à domicile des journaux et périodiquesavant 8 heures du matin. Contrairement à la distributionpar voie postale où une adresse est apposée sur lejournal et où le facteur le distribue comme un courrieradressé, le portage de presse est réalisé à partir d’uneliste de destinataires et d’une pile de journauxindifférenciés. Aussi, n’est-il pas une activité postale ausens de la directive E97/67/CE qui suppose dedistribuer des objets adressés. Il existe environ 250porteurs de presse en France (certains éditeurs ayantcréé leur propre réseau de distribution).

Enfin, la vente au numéro en kiosque, qui représente50 % des volumes distribués, reste le premier canal dediffusion de la presse payante en France.

Postage, portage et kiosqueSources : Observatoire statistique des activités postales 2007 et Observatoire de la presse de l’OJD –Portage de presse payante grand public

Distribution de la presse par abonnement

Sources : Observatoire statistique des activités postales 2007 et Observatoire de la presse de l’OJD –Portage de presse payante grand public

2004 2004 2005 2006 20072005 2006 2007

36 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES36 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Page 37: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 37

Les accords Etat-Poste-Presse ont un objectif simple : réduire le déficit de La Poste lié au transport de laPresse sans nuire à l’activité. Entretien avec Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour desComptes, qui a mené les négociations.

De nouveaux tarifs postaux pour la presse

Secteur postal

Un livre sur l’économie postaledes pays en développementC’est parce que la réflexionéconomique sur les sujets postauxest essentiellement cantonnée auxpays industriels que JoëlleToledano, membre de l’ARCEP,vient de publier, avec José Ansón,un livre intitulé : « Economiepostale dans les pays endéveloppement, Les postes,infrastructure du XXIe siècle ? ».Chapitre après chapitre, les auteurstentent de faire émerger uneéconomie postale des pays endéveloppement ou émergents.

Ils tirent aussi les leçons desréformes menées dans ces paysdans les autres industries deréseaux et y ajoutent lesenseignements que l’on peut tirerdes réformes postales entreprisesdans les pays industriels. Unouvrage publié aux éditions del’Union Postale Universelle.

Second Comité desconsommateurs consacré au postalL’Autorité a mis en place un Comitédes consommateurs pour les sujetspostaux dont la seconde réunion

s’est tenue le 29 septembre. Lesquestions soulevées par lesconsommateurs sur les conditionsgénérales de vente de La Poste ontété abordées. Du point de vue del’Autorité, il s’agit de s’assurer queles conditions d’usage de l’offre duservice universel ne sont pasmodifiées. Egalement au menu decette réunion : l’envoi de petitsobjets au tarif lettre, les conditionsd’utilisation des produits du serviceuniversel dans les points de contactgérés en partenariat et le point surle tableau de bord du serviceuniversel.

BR

ÈV

ES

PO

ST

AL

ES

Les nouveaux tarifs de lapresse issus de l’accordEtat-presse-Poste vont-ildonner un signaléconomique efficace, auregard notamment duservice universel ?Les tarifs pratiqués par LaPoste pour le transport dela presse sont fixés par

l’Etat car ils relèvent d’un service public. Ils couvrentactuellement moins de 50% des coûts engagés parLa Poste pour la distribution de la presse, ces coûtsétant audités et validés par l’ARCEP tous les ans.L’Etat contribue, par une subvention budgétaire, àcombler cet écart, mais il reste un déficit significatifdans les comptes de l’opérateur postal.L’accord signé entre l’Etat, La Poste, et toutes lesorganisations professionnelles de la presse le 23juillet 2008 prévoit des efforts symétriques destrois parties : l’Etat maintient son aide au servicepublic de transport postal de la presse, La Postes’engage à réaliser des gains de productivité et leséditeurs acceptent de leur côté une revalorisationdes tarifs postaux.La combinaison de ces trois efforts parallèlesdevrait effectivement permettre de rétablir une plusgrande vérité des prix, qui vont se rapprocher descoûts. Cela était nécessaire dans la perspective del’ouverture totale à la concurrence du marchépostal en 2011, et en raison des contraintesjuridiques qui s’imposent. Ce dispositif estcomplété par la création d’un tarif de serviceuniversel, qui sera fixé comme tous les autres tarifsrégulés par l’ARCEP, et selon ses prescriptions.

Permettront-ils de distinguer clairement ce quirelève de l’aide au pluralisme de l’information (la

presse) de ce qui relève de la mission de serviceuniversel de La Poste ?Absolument. D’un côté, La Poste fixera des tarifsde service universel répondant à ses obligations,telles qu’elles sont définies par les textescommunautaires, c'est-à-dire abordables etorientés vers les coûts. Leur champ d’interventionsera limité, au moins au début, puisque les titresde presse relèvent aujourd’hui dans la quasi-totalité du champ des tarifs de service public.Par ailleurs, l’Etat continuera de fixer, pour les titresrelevant du champ de la commission paritaire despublications de presse, des tarifs de service public,qui resteront inférieurs aux tarifs de serviceuniversel. Et il subventionnera cette activité, au titrede la mission de service public.Enfin, on distinguera, au sein de ces tarifs deservice public, la presse d’information politique etgénérale, qui continuera à bénéficier de tarifs« super-réduits ». Il faut savoir que, pour cettecatégorie de presse, le prix payé est actuellementde 22 centimes en moyenne pour un quotidien (de170g) et de 28 centimes pour un magazine de240g, à comparer au prix du timbre : 55 centimespour une lettre de 20g.

Peut-on espérer voir se dessiner un paysageconcurrentiel transparent et équitable entre lesdifférents canaux de distribution de la presse(portage…) ?La diffusion de la presse française se répartit àparts égales entre la vente au numéro (dans leskiosques, les points presse, les marchands dejournaux), et les abonnements, qui sont eux-mêmes distribués par La Poste (30% des ventes)ou portés à domicile (20% des ventes).Cette structure de diffusion est particulière à notrepays. A l’étranger, on trouve soit des pays où la

vente au numéro domine trèslargement (Royaume-Uni,Italie), soit des pays oùl’abonnement est lemode de diffusionmajoritaire. Le portageà domicile représenteune part plusimportante : lesquotidiens sontportés àhauteur de70% dans lesgrands paysétrangers,contre 30%seulement enFrance. Celase comprendaisément. Leportagepermet derecevoirson journaltrès tôt lematin, cequi estunenécessitépour lesquotidiens ; alors que la tournée du facteur, quidistribue en même temps le courrier et les journaux,arrive plus tard dans la matinée.Il est donc important de créer, en France, lesconditions d’un développement harmonieux duportage de la presse. Ce sera l’un des enjeux desEtats généraux de la presse, qui se dérouleront enoctobre et novembre. �

Page 38: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Juridique

Etant donné les dérapages français notoires en matière de subventions à l’opérateur historique(1), de fixation du prix deslicences UMTS(2), mais surtout à l’occasion du déploiement de réseaux d’initiative publique, la politique communautairede contrôle des aides d’Etat prend une acuité particulière dans le secteur des télécommunications. Explications.

Contrairement à ce que semblentparfois suggérer certaines accusa-tions dont les institutions euro-péennes font l’objet, le traité CE

ne prescrit pas le « laissez-faire » complet. Iln’interdit pas aux Etats membres de pratiquerune politique économique active. Toutefois, siles mesures économiques générales – commeles aides accordées à une catégorie d’entre-prises identifiée par référence à un critèresectoriel – sont permises (3), l’article 87.1 CEénonce une interdiction de principe des aidesindividualisées aux entreprises (4). Le critère dequalification déterminant le jeu de l’interdic-tion est purement concurrentiel. Une mesureest une aide d’État si elle favorise une entre-prise particulière aux dépens de ses concur-rentes et qu’elle n’aurait vraisemblablementpas été accordée par un opérateur privéopérant sur un marché concurrentiel.

L’exception au principe concurrentiel setraduit par un mécanisme de rachat contrôlépar la Commission et, à titre subsidiaire, par leConseil. Les critères (article 87.3 a à d) sur lefondement desquels la Commission – laquelledispose d’un large pouvoir d’appréciation rela-tivement à leur concrétisation – peut autoriserune aide « contraire au marché commun » sontvariés : cohésion économique et sociale (effetfavorable de l’aide sur le niveau de l’emploi oule niveau de vie dans les régions défavorisées) ;promotion de projets importants d’intérêteuropéen ; nécessité de remédier à une pertur-bation grave de l’économie d’un Étatmembre ; développement d’une activitééconomique particulière et promotion de laculture ou conservation du patrimoine. LeConseil, statuant à la majorité qualifiée et surproposition de la Commission (article 87.3 e),peut, en outre, décider d’allonger la liste descritères en passant des règlements d’exemptionpar catégorie. Le Conseil a également la faculté(article 88.2 al. 3) de déclarer une aide, insti-tuée ou à instituer, compatible avec le marchécommun. Mais l’exigence d’unanimité privecette disposition de portée pratique.

Une appréciation restrictive de la Commission

La Commission, faisant usage de sonpouvoir d’appréciation, a dégagé quelques

principes auxquels elle subordonne l’accepta-tion des projets d’aide d’Etat qui lui sontnotifiés. La Commission refuse ainsi systé-matiquement les aides permanentes auxentreprises en difficulté. Elle n’autorise queles aides temporaires visant à les restructurerou à les sauver, dans la perspective d’un retouraux conditions normales de concurrence (5).En résumé, à moyen ou long terme, le fonc-tionnement d’une entreprise ne doit pasdépendre de l’aide publique. C’est en confor-mité avec ce principe que la Commission acondamné l’Etat français le 2 août 2004 pourl’octroi d’une ligne de crédit de 9 milliardsd’euros à France Télécom qui connaissait une situation financière dégradée (6). LaCommission considérait que cette aidepublique risquait d’entraîner une dépendancedurable aux deniers publics et que les prêts àlong terme étaient assimilables à des aidespermanentes.

Si la Commission se montre vigilante pourempêcher les entraves au libre jeu de laconcurrence, elle reconnaît aussi la nécessitéd’une intervention publique, par exempledans l’aménagement numérique du terri-toire (7). Une collectivité prendra d’autantmoins de risque au regard du droit des aidesd’Etat que son projet aura pour objet dedéployer un réseau dans une zone où il estpeu crédible que des opérateurs déploient letrès haut débit à court ou moyen terme (8).

Toujours est-il que la pratique de l’institu-tion bruxelloise, dans le secteur des commu-nications électroniques comme dans lesautres, reste fidèle à l’idée du primat de l’éva-luation concurrentielle des opérations. Elleest même plus restrictive à l’égard des critèresextra-concurrentiels que ne l’exige le droitcommunautaire primaire. Les opérateurspeuvent, le cas échéant, faire valoir les avan-tages économiques (progrès techniquenotamment (9)), sociaux ou territoriauxsusceptibles de découler de leurs opérationsqui menacent la liberté concurrentielle. Maisles chances de succès de moyens fondés surune telle argumentation sont de lege lata rela-tivement minces. �

(1) La Commission a condamné France Télécom le 2 août2004 à payer à l’administration fiscale française entre 800

millions et 1,1 milliards d’euros hors intérêts au titre duremboursement d’une aide d’Etat illégale octroyée sous laforme d’un régime dérogatoire de taxe professionnelle(2005/709/CE).(2) Bouygues Telecom n’avait pas participé aux enchères ini-tiales pour l’octroi de ces licences en 2000, jugeant le prixd’alors – 4,95 milliards d’euros pour quinze ans – trop élevé.L’opérateur avait obtenu une licence en 2002 après une révi-sion à la baisse du prix par le Gouvernement, qui avait revusa copie en 2001 et porté à vingt ans la durée des licences,tout en ramenant leur prix à 619 millions d’euros, aug-menté d’un pourcentage du chiffre d’affaires généré par l’uti-lisation de la licence. La France avait ensuite décidé d’appli-quer rétrospectivement les nouvelles conditions et le nouveauprix aux licences emportées par France Télécom et SFR, ceque Bouygues avait jugé déloyal et constitutif d’une aided’Etat illégale. La Commission a rejeté sa plainte, une déci-sion confortée le 4 juillet 2007 par le Tribunal de premièreinstance des Communautés européennes (T-475/04).(3) Les entreprises structurellement non rentables peuvent êtresubventionnées si : 1) l’entreprise bénéficiaire a été effective-ment chargée de l’exécution d’obligations de service publicqui ont été clairement définies ; 2) les paramètres sur la basedesquels est calculée la compensation ont préalablement étéétablis de façon objective et transparente ; 3) la compensa-tion ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout oupartie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations deservice public ; 4) lorsque le choix de l’entreprise en chargede l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectuédans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau decompensation nécessaire a été déterminée sur la base d’uneanalyse des coûts qu’une entreprise moyenne bien gérée etadéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigen-ces de service public, aurait encouru pour exécuter ces obli-gations (CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans Gmbh,C-280/00).(4) Le texte indique que « sont incompatibles avec le mar-ché commun dans la mesure où elles affectent les échan-ges entre Etats membres, les aides accordées par les Etatsou au moyen de ressources d’Etat sous quelques formesque se soient qui faussent ou menacent de fausser laconcurrence en favorisant certaines entreprises ou certai-nes productions ». Une mesure constitue une aide d’Etat ausens du traité si elle satisfait à quatre conditions cumulati-ves. Elle doit : avoir une origine étatique, entraîner unavantage pour l’entreprise bénéficiaire, revêtir un caractèresélectif, et produire un effet sur le commerce entre Etatsmembres.(5) Communication sur les lignes directrices pour les aidesd’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises endifficulté, JOCE, C 283, 19/09/97.(6) C(2004) 3060.(7) Par ex. la Commission a approuvé le 11 décembre 2007l’investissement effectué par la ville d’Amsterdam et d’autresinvestisseurs dans un réseau en fibre optique (C 53/2006).(8) ARCEP, Points de repère sur l’intervention des collecti-vités dans le déploiement du très haut débit, 2008.(9) Communication sur l’encadrement communautaire desaides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innova-tion (2006/C 323/01). Voir aussi le plan d’action dans ledomaine des aides d’Etat 2005-2009 publiée par laCommission en 2005.

38 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

Aides d’Etat dans les télécoms : le jeu restreint des exceptions

Page 39: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Guillaume MeheutAncien élève de l’Ecole Polytechniqueet de Télécom Paris Tech, GuillaumeMeheut est ingénieur du Corps desTélécoms. Depuis le 1er septembre, iltravaille sur la terminaison d'appelmobile et les modèles de coûts au seinde l’unité « mobile » de l’Autorité.

Auparavant, il a effectué un stage à l'INRIA sur la capacitédes réseaux sans-fil ad hoc, puis un autre au sein de laRegulatory Technology Division de la banque GoldmanSachs, à Londres, comme analyste-développeurinformatique.

Emmanuel RouxEmmanuel Roux est le nouveau chef del’unité « contrôle tarifaire et comptable »du service de la régulation postale del’ARCEP. Diplômé du DESS « stratégie,planification, contrôle » de l’universitéParis IX Dauphine, il a débuté sa carrièrecomme contrôleur de gestion au sein du

Groupe Hachette Filipacchi. Il a ensuite rejoint le HRGardens France (Havas) en tant que directeur financier avantd’assurer la fonction de directeur du contrôle de gestion pourla filiale française du Groupe SCH UK. Il a pris ses nouvellesfonctions à l’Autorité le 1er septembre.

Loïc TanniouDiplômé de Telecom Bretagne et de l’IEPde Rennes, Loïc Tanniou a débuté sacarrière d’ingénieur chez Alcatel où il atravaillé sur les offres de services à valeurajoutée de la téléphonie mobile. Il s’estensuite spécialisé dans la régulation desmarchés des télécommunications, en

particulier en matière d’analyses économiques et financières,au sein du cabinet de conseil ICEA. Depuis septembre, il estchargé des questions liées à l’Internet mobile et auxinfrastructures 3G au sein de l’unité « opérateurs mobiles » del’Autorité.

Barbara FeledziakBarbara Feledziak est diplômée deTélécom Lille 1 et du Master rechercheen économie numérique de Paris X.Après avoir conseillé les collectivitésterritoriales en matière detélécommunications et d’aménagementdu territoire pour le cabinet Comptoir

des Signaux, elle a rejoint le laboratoire de recherche enéconomie de Paris X où elle s’est notamment intéressée auxmodèles d’affaires émergeants dans la musique en ligne. Elletravaille sur la mutualisation et le marché des services decapacités dans l’unité « infrastructures haut débit et très hautdébit » de l’ARCEP depuis septembre.

Rémy JacquierIngénieur et économiste de formation,Rémy Jacquier est diplômé de TélécomBretagne, de l’University College Londonet de Sciences Po Paris. Il a travaillécomme consultant pour le cabinet deconseil Accenture dans le secteur destélécommunications, puis a participé à

l’élaboration de projets de rationalisation des processusadministratifs à la Direction générale de la modernisation del’Etat. Depuis juillet, il est notamment chargé de l'analyse descoûts, de l'impact des NGN sur la régulation et de la VGAST ausein de l’unité « marché fixe » de l’Autorité.

Lionel JaninEconomiste, diplômé de l'Ecole normalesupérieure et de l’ENSAE, Lionel Janin estadministrateur de l’INSEE. Il a travaillésur l'évaluation de l'impact concurrentieldes concentrations au laboratoired'économie industrielle du centre derecherche en économie et statistique

(CREST), avant d’être chargé de l'analyse économique dessecteurs des télécoms et des postes à la Direction générale duTrésor et de la politique économique. En septembre, il a rejointl’unité « mobile » de l’ARCEP où il s’intéresse notamment auxMVNO et à l’itinérance internationale.

NO

MIN

AT

ION

S

S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 39

L ’article L. 130 du code des postes et descommunications électroniques disposeque le président de l’Autorité de régula-tion des communications électroniques

et des postes est nommé par décret. La loi du 5 mars2007 relative à la télévision du futur a modifié cetarticle : désormais, la nomination du président del’Autorité intervient après avis des commissions duParlement compétentes en matière de postes et decommunications électroniques.

Pouvoir de veto En l’espèce, les commissions concernées sont

les deux commissions des affaires économiques, lacommission des affaires culturelles du Sénat, ainsi

que la commission des affaires culturelles, fami-liales et sociétales de l’Assemblée Nationale. La loiconstitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008,qui entrera en vigueur dès l’intervention des loisorganiques nécessaires à son application, prévoitégalement que : « Une loi organique détermine lesemplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison deleur importance pour la garantie des droits et libertésou la vie économique et sociale de la Nation, lepouvoir de nomination du Président de laRépublique s'exerce après avis public de la commis-sion permanente compétente de chaque assemblée. LePrésident de la République ne peut procéder à unenomination lorsque l'addition des votes négatifs danschaque commission représente au moins trois

cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deuxcommissions (…) ».

Ainsi, si la loi organique mentionnée désigne laprésidence de l’Autorité comme l’une des fonctionssoumises à la procédure précitée, le Parlementdisposera d’un pouvoir de veto sur le choix duprésident. Il est toutefois peu probable que cette loiorganique intervienne avant janvier 2009, date dela prochaine nomination. Le président del’Autorité, Paul Champsaur, a en effet été nommépar décret du Président de la République en datedu 3 janvier 2003. Les membres de l’Autorité étantnommés pour un mandat de 6 ans, non renouve-lable, un nouveau président doit entrer en fonctionle 4 janvier 2009. �

Nomination du président de l’Autorité : de nouvelles règles

La loi du 5 mars 2007 relative à la télévision du futur a modifié le mode de nomination du président de l’ARCEP.

Vie de l’Autorité

Page 40: Réseaux et contenus : la révolution numérique · 2008. 10. 6. · hertzienne, et des opportunités d’élargir leurs conditions d’accès à des publics attirés par des pratiques

Ala demande du Gouvernement,l’Autorité a publié le 22septembre une synthèse ainsi quel’ensemble des contributions à la

consultation publique sur l’attribution delicences 3G dans la bande 2,1 GHz enFrance métropolitaine. Cette consultations’inscrivait dans le prolongement du dernierappel à candidatures de 2007, qui n’avaitpas permis d’attribuer les fréquences rési-duelles de la bande 2,1GHz.

La consultation publique, qui s’estclôturée mi-juillet, a permis de recueillir denombreuses contributions – 23 au total –faisant apparaître l’existence de marquesd’intérêt pour ces fréquences, tant de la partde candidats nouveaux entrants que d’opé-rateurs existants. Ces marques d’intérêtconfirment la nécessité d’un appel à candi-datures, dont l’ensemble des contributeurss’accordent à reconnaître l’urgence.

Stimuler la concurrence

L’entrée rapide d’un quatrième opérateurde réseau apparaît pour de nombreux contri-buteurs – à l’exception principalement desopérateurs de réseaux mobiles – comme lelevier privilégié pour stimuler la concurrenceau bénéfice du consommateur. Elle serait denature à produire des effets positifs sur lemarché de détail, en particulier en termesd’attractivité tarifaire, d’innovation dans lesservices, mais également sur le marché degros via une stimulation au profit desMVNO (amélioration de leurs conditions

d’accueil notam-ment).

De leur côté, les opérateurs de réseauxmobiles existants jugent que le marché estsuffisamment dynamique et concurren-tiel, et considèrent qu’ils feraient unusage plus efficace des fréquences encoredisponibles dans la bande 2,1 GHzqu’un opérateur nouvel entrant.

Réserver une place à un nouvel entrant

Parmi les types de procédure soumisaux commentaires des contributeurs,le schéma d’attribution en plusieurslots ouvert à tout opérateur – c’est-à-dire sans réservation de fréquences àun nouvel entrant – a été unanime-ment rejeté. Les procédures conser-vant une priorité sur tout ou partie desfréquences à un nouvel entrant, selondes modalités analogues aux précé-dents appels à candidatures, sontpréférées par les contributeurs.

Réviser les conditions financières

Toutefois, une large majorité d’entreeux juge qu’une révision significativedes conditions de redevances est indis-pensable pour permettre l’entrée effec-tive d’un quatrième opérateur. Au-delàde ce critère déterminant, la quantité defréquences à réserver au nouvel entrantest également un sujet majeur car elleconditionne le potentiel de développe-ment offert à ce nouvel acteur.

L’Autorité pourra proposer rapide-ment l’engagement de la procédured’appel à candidatures dans la bande2,1GHz, dès que les modalités financières

en auront été définies par le Gouver-nement, après le débat parle-

mentaire prévu par la loipour le développement

de la concurrenceau service des

consomma-teurs. �

AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES

7, square Max Hymans - 75730 Paris Cedex 15

Web:www.arcep.fr - Mél : [email protected] Tél. : 0140477000 - Fax: 0140477198

Responsable de la publication : Paul Champsaur.Directeur de la rédaction: Philippe Distler.

Rédaction: Ingrid Appenzeller, Jean-François Hernandez,Gwenaël Regnier (mission communication).

Ont contribué à ce numéro : Santie-Valérie Adelbert,Carole Armoët, Franck Bertrand, Renaud Chapelle,Fabien Fontaine, Ghislain Heude, Edouard Lemoalle,

Stéphane Lhermitte, Cécile Moreno,Julien Mourlon, Igor Primault.

Crédits photos : Dominique Simon (pages 30-31)

Maquette : E. Chastel.

Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau.

Abonnement : [email protected].

ISSN : 1290-290X

SUR L’AGENDA DU COLLÈGE

Septembre� 10 septembre : Paul Champsaur est auditionné par MichelHerbillon, député, vice-président de la commission chargée des affaireseuropéennes, sur la révision du cadre réglementaire européen destélécommunications, à l’Assemblée nationale.� 10 septembre : Paul Champsaur s’exprime à la conférence depresse organisée par Hubert Falco, le secrétaire d'Etat à l'Aménagement duterritoire, sur la couverture des zones blanches de la téléphonie mobile.� 16 septembre : Paul Champsaur et le Collège de l’ARCEP remettentle rapport d’activité 2007 de l’Autorité à Hubert Falco.� 17 septembre : Paul Champsaur, Gabrielle Gauthey et Denis Raponepilotent la réunion plénière du Comité des réseaux d'initiative publique (CRIP) surla couverture haut débit du territoire et les nouveaux réseaux à très haut débit.� 18 septembre : Paul Champsaur et les Membres de l’Autorité remettentle rapport annuel de l‘institution au président du Sénat.� 19 septembre : Paul Champsaur et Joëlle Toledano reçoivent unedélégation du groupe japonais NTT, menée par Kaoru Kanazawa, vice-présidentdu Groupe.� 22 septembre : Gabrielle Gauthey intervient à la conférence EURIMInformation Society Alliance, organisée par Malcolm Harbour, Membre duParlement Européen, sur le thème « Delivering High Capacity Broadband », à Paris.� 23 septembre : Gabrielle Gauthey prononce un discours lors del’inauguration du Grenelle du Très Haut Débit, à Paris.� 24 septembre : Nicolas Curien donne une conférence sur « l'Analyse descoûts », lors de la séance inaugurale du séminaire Antoine-Augustin Cournot, àl'Ecole des Mines de Paris.� 24 septembre : Gabrielle Gauthey est auditionnée par le Conseiléconomique et social sur les enjeux de la politique numérique.� 26 septembre - 3 octobre : Paul Champsaur rencontre son homologueindien de la TRAI lors d’un voyage d’étude à New Dehli.

Octobre� 1er octobre : Nicolas Curien intervient à l'IFRI sur la «Dynamique de larégulation » dans le cadre d'une séance consacrée à « L'avenir de lacommunication électronique ».� 1er - 3 octobre : Joëlle Toledano est à Lima pour intervenir au XIe forumlatino-européen des régulateurs de télécommunications puis au VIIe sommet desrégulateurs européens et latino-américains.� 3 octobre : Nicolas Curien préside la session « Mutation des filières et desmarchés » lors des 3e journées d'Economie de la Culture.� 7 octobre : Paul Champsaur et le Collège de l’Autorité se rendent àl’Elysée pour remettre le rapport d’activité 2008 de l’ARCEP.� 9 octobre : Paul Champsaur et les Membres de l’Autorité remettent lerapport annuel 2008 de l’ARCEP à Matignon.� 9-10 octobre : Gabrielle Gauthey se rend à Dublin pour participer à laréunion plénière du GRI/GRE.� 13 octobre : 12e Entretiens de l’Autorité sur le thème « investissement,innovation et concurrence : en route vers le très haut débit ».� 14 octobre : Paul Champsaur et les Membres de l’ARCEP remettent lerapport d’activité de l’institution à Eric Besson, secrétaire d’Etat audéveloppement de l’économie numérique.� 15-17 octobre : Joëlle Toledano et Nicolas Curien interviennent à la6e réunion annuelle de Réseau francophone de la régulation destélécommunications (FRATEL) organisée à Tunis.� 16 octobre : Gabrielle Gauthey s’exprime à la réunion-débat sur « le dividende numérique : quelle rationalité pour les pouvoirs publics, quelsenjeux pour les acteurs en présence ? » organisée par l’IREST, à Paris.� 17 octobre : Gabrielle Gauthey intervient à la conférence organiséepar l’European University Institute sur le thème « Relation between publicand private regulation », à Florence.� 21-22 octobre : Gabrielle Gauthey s’exprime à la table ronde«Regulation and Governance Initiatives » du Global Forum 2008.� 22 octobre : Paul Champsaur intervient lors du colloque organisépar l’IFRI à Bruxelles sur le thème «l’avenir de la communicationélectronique».� 23 octobre : Paul Champsaur et le Collège de l’ARCEP remettentle rapport annuel de l’Autorité à Bernard Accoyer, président del’Assemblée nationale.� 31 octobre : Gabrielle Gauthey est invitée au 25e anniversairedu Columbia Institute for Tele-information (CITI), à New-York.

40 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � S E P T E M B R E / O C T O B R E 2 0 0 8

L’ARCEP a publié les résultats de sa consultation publique sur l’attributionde licences 3G dans la bande 2,1 GHz et se tient prête à engager rapide-ment une procédure d’appel à candidatures.

4 e licence 3G : dernière ligne droite

Actualités