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    Revue du sys tme f inancier Juin 2008

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    Les interventions des banques centrales faceaux perturbations des marchs financiers

    Walter Engert, Jack Selody et Carolyn Wilkins1

    a turbulence qui a secou rcemment lesmarchs financiers a incit les banquescentrales de par le monde revoir leur rlede fournisseur de liquidit au systme

    financier. Pour les spcialistes, il existe plusieurstypes de liquidit : la liquidit de march, la liqui-dit de financement et la liquidit de banque cen-

    trale, procdant toutes dun concept diffrent. Lepremier, soit la liquidit de march, se rapporte un actif ou march particulier et permet dappr-hender lacapacitdunagent dacheter oudevendreune quantit apprciable dactifs sans relle inci-dence sur lesprixsous-jacents.Le deuxime concept, savoir la liquidit de financement, concerne lafacult de contreparties solvables de se procurersans dlaides moyens depaiement poursacquitterdobligations arrivant chance. Quant autroisime, il fait rfrence laccs aux liquiditsoffertes par la banque centrale.

    Au risque de simplifier lextrme, nous dirons

    que, de faon gnrale, on entend par liquidit la disponibilit dactifs qui ont une valeur prvi-sible dans le temps et qui peuvent tre transfrs,achets ou vendus moyennant de faibles cotsde transaction et sans que cela nait deffet sur leurvaleur de march.

    Les banques centrales se proccupent essentielle-ment de deux aspects de la liquidit du systmefinancier. Elles sintressent dabord au niveau deliquidit global cause de son rapport avec linfla-tion future. Ensuite, elles sassurent que la liqui-dit est adquatement rpartie au sein du systme,carcedernierpeutdevenirinefficient,voireinstable

    lorsque la liquidit nest pas dirige l o elle estle plus en demande.

    Dans le prsent article, nous examinons les inter-ventions de la banque centrale visant calmer lesperturbations des marchs en nous interrogeantplus prcisment sur les raisons et lopportunitde telles interventions ainsi que surla formequelles

    1. Les auteurs ont bnfici des commentaires de nom-breux collgues, quils tiennent remercier ici de leurcontribution.

    Lpourraient prendre. Nous dfinissons un cadrestratgique cet gard et signalons les outils qui,parmi la panoplie dont dispose la banque centrale,savrent les plus efficaces face une turbulenceextraordinaire, tout en soutenant les objectifs etfonctions de linstitution2.

    Pourquoi intervenir?

    Cration endogne de liquidit

    La banque centrale apporte de la liquidit ausystme financier au moyen doprations dopenmarket et de prt. Elle ne constitue toutefois pasla seule source de liquidit du systme, ni mmela principale. De nos jours, la liquidit est gnrede manire endogne, cest--dire lintrieurmme du systme du fait de linteraction normaledagents privs motivs par leurs propres intrts. loppos, on peut qualifier de source exognede liquidit le financement quoctroie la banquecentrale pour atteindre ses objectifs de politique.Do limportance particulire que revt le finan-cement accord par la banque centrale lorsquil ya entrave au processus de cration endogne deliquidit.

    Une analyse fortement stylise (thorique) de laquestion fait ressortir deux fonctions dterminantespour la formation endogne de liquidit : lactivitbancaire et la tenue de march. Les banques gn-rent de la liquidit en acceptant des dpts qui ontune valeur fixe (nominale) et que leurs propritairespeuvent retirer sur demande. Elles accroissent le

    niveau de la liquidit en utilisant ces dptscomme levier pour consentir de nouveaux prtsqui, leur tour, viendront peut-tre grossir len-cours des dpts. Une banque court de liquiditpeut, pour se renflouer, emprunter auprs desautres banques, vendre des actifs sur les marchsmontaires ou recourir aux facilits de finance-ment de la banque centrale. Les marchs, quant eux, crent de la liquidit en facilitant la vente

    2. Carney (2008) jette un autre clairage sur la question.

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    dactifs des prix refltant la valeur actualise desflux de revenus attendus de ces actifs. De leur ct,les institutions qui offrent des services de tenuede march procurent au systme de la liquidit enexploitant leffet de levier pour multiplier les tran-sactions dachat ou de vente des prix tenantcompte de la valeur fondamentale des actifs. Unteneur de march ayant besoin de liquidits addi-tionnelles peut emprunter auprs des banques oudes autres teneurs, ou encore vendre des actifs surles marchs montaires3.

    Dans un systme financier moderne, la liquidittend tre gnre par des centres ou ples finan-ciers4. Un ple bancaire est un regroupement degrandes banques particulirement actives dansloctroi de prts entre elles ainsi qu dautres ins-titutions financires et des teneurs de march.Un ple de tenue de march rassemble des institu-tions quisoccupent tout spcialementdanimer lemarch, acquirent les actifs peu liquides dautresteneurs ou accordent ceux-ci des prts gags surde tels actifs. Bien quelles mnent des oprationsdestines servir leurs intrts propres, les institu-tions constituant ces ples crent de la liquiditqui profite lensemble des acteurs du systmefinancier. Par consquent, prises collectivement,elles jouent un rle important dans la stabilit etlefficience de ce systme.

    Les mcanismes de cration et de rpartition endo-gnes de la liquidit parviendront presque toujours gnrer une liquidit suffisante et la redistri-buer dans les segments appropris du systme.

    Il est aussi gnralement admis que les frictionset lasymtrie des incitations qui caractrisent lefonctionnement normal du systme ne sont pas, elles seules, de nature entraver ces mcanismes.On convient toutefois que le processus de crationendogne de liquidit peut exceptionnellementtre interrompu.

    Interruption de la crationendogne de liquidit

    Lorsque le processus de cration endogne de liqui-dit est bloqu, la banque centrale a le pouvoir desoutenir la stabilit du systmefinancieren injectant

    de la liquidit dans celui-ci. Prenons lexemple

    3. Bien sr, les services bancaires et de tenue de marchpeuvent tre fournis par la mme institution, et cestsouvent le cas au Canada.

    4. Chapman, Chiu et Molico (2008) analysent un systmede paiement comportant plusieurs ples ou niveauxdintermdiation. Leur document de travail est rsumaux pages 87 89 de la prsente livraison.

    dun petit choc subi par la demande de liquidit.Celui-ci peut finalement avoir sur une banque deseffets dmesurs du fait que les dpts tenus chezelle sont remboursables leur valeur nominalesans pravis. Lincertitude que le choc fait planersur la solvabilit de cette banque peut donnerlieu une rue des dposants craignant pour leurpargne. Et parce que la qualit de son crdit estentache dincertitude, la banque pourrait treincapable de se procurer des liquidits auprs desautres banques ou sur les marchs. Si la banquecentrale dispose de renseignements (transmis parlorganisme de rglementation, par exemple) luiindiquant que ltablissement en difficult est sol-vable, elle pourra contribuer rtablir la confianceen prtant ce dernier5.

    La stabilit et lefficience dun systme financiermoderne dpendent de la capacit gnrale desacteurs dacheter et de vendre des actifs, en parti-culier sur les marchs montaires, des prix corres-pondant leur valeur fondamentale. Nanmoins,le caractre incomplet des marchs financiers, dau fait que les oprateurs ne sont pas tous prsentssur lensemble des marchs, peut entraver la dis-ponibilit de linformation et le financement surles marchs. son tour, cette situation risquedengendrer des inefficiences dans le processusdtablissement des prix, y compris des primesde liquidit sur dimportants marchs. Les ineffi-ciences de ce type, qui ne constituent habituelle-ment quede petites frictions temporaires, peuventdevenir majeures dans certaines circonstances,comme un accroissement soudain et gnralis de

    lincertitude au sujet de la solvabilit dune contre-partie. Un tel phnomne peut dissuader des parti-cipantsdeseprterentreeuxetpousserdimportantsacteurs se retirer du march, rendant celui-ciencore plus incomplet. De plus, les inefficiencesde prix sont susceptibles dtre aggraves si uncomportement moutonnier se dveloppe, cest--dire si les participantsse mettent imiter les autresau lieu de faire confiance leur propre analyse.

    Dans des cas extrmes, le manque dinformationfiabledans desmarchs incomplets peut entranerdimportantes inefficiences de prix et interromprela cration endogne de liquidit, exacerbant de cefait les inefficiences en question et le tarissementde la liquidit.Les banques peuvent alors se trouverdans une position o il leur est impossibledtendre leurs services dintermdiation du crdit

    5. La politique de la Banque du Canada en matire de prtde dernier ressort est expose dans Banque du Canada(2004) et dans Daniel, Engert et Maclean (2004-2005).

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    pour remdier au problme, soit parce quellesont elles-mmes un besoin accru de liquidit, soitparce quelles ne possdent pas dinformation cr-dible sur la qualit du crdit des institutions assu-mant la fonction de teneurs de march ni sur celledes autres participants.

    Ainsi, une hausse anticipe des taux de dfaillancepour une catgorie dactifs donne peut souleverdes inquitudes quant la solvabilit dun teneurdu march de ces actifs et handicaper la capacitde ce dernier dobtenir le financement quil luifaut (y compris au moyen de la vente dactifs)pour continuer animer le march, ce qui fausse-rait encore davantage le processusdtablissementdes prix. Les banques, galement touches par lechoc, pourraient choisir de conserver leurs liqui-dits pour combler leurs propres besoins au lieude financer les participants ce march. En outre,elles seraient peu enclines se procurer des fondsadditionnels auprs de la banque centrale si ellesne possdent pas les garanties ncessaires ou sielles veulent viter le discrdit quun tel empruntpourrait jeter sur elle (et ne pas attirer lattentiondes organismes de rglementation). De plus, ilest possible quelles ne disposent pas de suffisam-ment de capitalmobilisable (ousoient incapablesde le runir) pour remplacer celui quelles se procu-raient antrieurement par lmission de titres, cemarch ne fonctionnant plus. Rsultat, elles pour-raient ne pas parvenir rinstaurer un niveaudintermdiation du crdit qui rponde raisonna-blement aux besoins des participants branls parle choc, ce qui risquerait davoir des retombes

    nfastes sur les marchs dautres actifs6.Une banque centrale a le pouvoir daider stabi-liser le systme en injectant de la liquidit directe-ment sur les marchs. Dans le cas qui nous occupe,elle pourrait accepter, en garantie des fonds quelleaccorde et moyennant une dcote approprie, destitres qui se ngociaient sur le march devenu illi-quide, ce qui contribuerait aussi restaurer leffi-cience du processus dtablissement des prix.

    Allen et Gale (2007) tudient un autre exemple,portant sur leffondrement du prix dun actif. Unebanque qui dtiendrait une grande quantit de cet

    actif serait soumise des tensions dues au fait que

    6. On peut considrer quil sagit l dun scnario illustrantune forme de dfaillance du march , dans lequel lesdcisions dcoulant de la poursuite de ses intrts per-sonnels par chacun des participants peuvent entranerde pitres rsultats pour lensemble du groupe ou dusystme.

    la valeur dune bonne partie de ses passifs demeu-rerait fixe tandis que celle de ses actifs flchirait.Elle se verrait force de conserver ses liquiditspour rpondre ses propres besoins, restreignantdu mme coup le montant de celles mises la dis-position des autres participants. Elle devrait aussiliquider certains actifs, ce qui provoquerait unechute du prix de ces derniers dans des marchsilliquides, avec pour rsultat potentiel une dpr-ciation de ces actifs en de de leur valeur fonda-mentale et, partant, une rpartition inefficientedes ressources.

    Pour contrer une telle inefficience, la banque cen-tralepeut apporter de la liquidit aux marchs quien ont besoin de manire ce que les prix desactifs retrouvent leur valeur fondamentale, ouencore elle peut prter aux banques touchespour quelles alimentent elles-mmes la liquidit.

    Importance grandissantede la liquidit de march

    Lvolution des marchs depuis les vnementsdaot 2007 a renforc la prise de conscience lgard de limportance que revtent une offre suf-fisantede liquidit et sa rpartition adquate dansles marchs pour la stabilit et le fonctionnementefficient du systme financier.

    Bien que la thorie conomique fasse tat du rlejou par la rpartition de la liquidit dans le bonfonctionnement du systme financier, peu de pra-ticiens avaient compris, jusqu tout rcemment,la ncessit dun apport direct de liquidit par labanque centrale aux divers marchs ( ce sujet,voir entre autres Banque de France, 2008). Onconsidrait en effet quil suffisait la banque cen-trale, pour maintenir la liquidit dans les marchset lensemble du systme, de modifier le niveau deliquidit laide de la politique montaire, ou ausein des principaux systmes de paiement, ou derpartir autrement la liquidit entre banques.

    Cette opinion a chang dans la foule des vne-mentsdaot 2007 et de la crise du crdit hypoth-caire risque. Il est maintenant plus gnralementadmis que le systme financier sera plus stableet que les effets des mesures de politique mon-taire seront plus prvisibles si la banque centralesoutient directement, dans certains cas exception-nels, la liquidit du march.

    Ce revirement tient au fait que lon reconnataujourdhui la plus grande dpendancedu systmefinancier envers la liquidit du march. Une desraisons de cette dpendance accrue est le recours

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    plus frquent la titrisation pour convertir descrances non ngociables (telles que des prts hy-pothcaires) en titresngociables (commedestitresadosss des crances hypothcaires), laquelle rendles institutions financires plus tributaires de laliquidit du march pour le financement de leursoprations.

    Un autre facteur est la prpondrance grandissantedelacomptabilitfondesur les valeursdemarch,qui fait que les chocs de prix dactifs se rpercutentrapidement sur les valeurs inscrites au bilan. Ilimporte donc encore plus quauparavant que lesmarchs soient suffisamment liquides pour va-luer correctement les actifs afin que les prix quilsleur attribuent refltent la juste valeur conomiquede ces derniers. Lorsquun titre nest pas suffisam-ment standardis pour se ngocier sur un march,son prix nest pas une vritable valeur de march;il correspond plutt la valeur donne par unmodle, ce qui amplifie lincertitude son sujetdurant les pisodes de tensions financires. Ilsensuit que les institutions financires sont plusenclines thsauriser la liquidit pour tre enmesure de restructurer leurs bilans en cas de sou-daines variations dans la valeur de leurs actifs. Etpour prserver le niveau de leurs liquidits, ellesaccordent moins de prts et sont moins activessur les marchs.

    Intervenir sur les marchs cadreavec les objectifs de la banquecentrale

    La fourniture de liquidit par la banque centraleest rgie par diverses politiques poursuivant unbut commun. Ces politiques recherchent toutesune attnuation des perturbations potentiellesdu systme financier que seul lapport exognede liquidit par la banque centrale peut permettrede raliser.

    La politique montairevise stabiliser linflation.Dans une conomie financire moderne, le tauxdinflation est dtermin par la trajectoire que labanque centrale tablit pour le taux dintrt sansrisque (soit le taux directeur). Cela implique quela banque centrale se tienne dispose prter aux

    agents de compensation dans le systme de paie-ment et conclure des oprations dopen marketdans des limites prvues pour que le taux cible soitatteint7. Le niveau de liquidit global dans le sys-

    7. Pour unexpos dtaillsurla mise en uvre de la poli-tique montaire par la Banque du Canada, consulterBanque du Canada (2007) et Engert, Gravelle et Howard(2008).

    tme financier est fonction de la trajectoire de cetaux. Lorsque la banque centrale intervient pourcorriger la rpartition de la liquidit (comme onle verra plus loin), il se peut quelle doive aussiprendre des mesures compensatoires pour que letaux directeur ne dvie pas de la cible vise, ce quilui vitera davoir modifier sa politique montaire.

    La politique en matire de paiement, de compensationet de rglementprotge le systme de paiementcontre les effets dstabilisants du blocage qui peutsurvenir lorsquune banqueparticipante nedisposepas de suffisamment de liquidits pour sacquitterde ses obligations. Les banques voluant au seindune conomie montaire sont lies entre ellespar un systme qui utilise la monnaie mise parla banque centrale pour le rglement de leurs posi-tions respectives, et lesagentsde compensation duprincipal ple bancaire ont accs des facilits decrdit permanentes offertes par la banquecentrale lappui du rglement des paiements.

    La politique relative aux prts de dernier ressort(ou, enclair, loctroi dune aide durgence) a pour objetde stabiliser la situation des banques confrontes un choc de liquidit susceptible de dclencherune rue des dposants, les dpts valeur fixetenus chez elles tant remboursables sans pravis.Laide durgence nest octroye que lorsquunebanque solvable ne peut se procurer de liquiditscres de manire endogne et que la banque cen-trale devient son ultime recours.

    La politique sur lesmesuresdinterventionexceptionnellesvise contrecarrer les perturbations qui peuvent

    dcouler des distorsions touchant la liquiditdes marchs montaires. Elle prcise quelle hau-teur la banque centrale consentira des prts auxmarchs et par quels moyens se fera lapport deliquidit, y compris lchance des instrumentschoisis et lventail des garantieset des contrepartiesadmissibles8.

    Quand intervenir

    Lorsquelle envisagedintervenir durant un pisodede turbulence financire, la banque centrale doittenterde rpondre trois questions fondamentales,

    que nous examinons ci-aprs.

    8. La politique rgissant le rle dagent financiercompltecelles numres ci-dessus. Elle contribue la stabilitet lefficience du systme financier en veillant ce queles prix des obligations dtat soient fixs de manireefficiente, ceux-ci servant de rfrence dans ltablisse-ment des prix de nombreux autres instruments financiers.

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    Les instruments de la banquecentrale seront-ils efficaces?

    Envaluantlefficacitprobabledeses instruments,la banque centrale doit chercher dfinir la naturede la dfaillance du march qui est lorigine duproblme, puis dterminer si les instruments dont

    elle dispose sont approprisdans les circonstances.Il se peut aussi que, dans certains cas, on juge plusappropri de recourir un changement lgislatifou rglementaire ou une modification des rglesde surveillance ou des pratiques du march pourcrer lincitation ncessaire la correction delinefficience de prix.

    Les instruments de la banque centrale ne serontefficaces que si lintervention des autorits mon-taires encourage les acteurs du march accrotreleur activit, soit en leur donnant lassurance queles prix futurs seront plus prvisibles et reflterontune baisse des primes de liquidit, soit en rdui-

    sant la quantit dun actif illiquide dtenu par lesecteur priv.

    Quels sont les avantagespotentiels dune intervention?

    La banque centrale est une institution publiquequi participe la rgulation de lconomie dansson ensemble et qui, par consquent, doit consi-drer uniquement les avantages qui ressortent auniveau macroconomique. En valuant les avan-tages potentiels dune intervention, les autoritsmontaires devraient prendre en compte les

    points suivants : lintrt dviter une aggravation du dysfonc-tionnement du systme financier pouvantrsulter de linaction;

    lintrt dviter la vente dactifs en catastrophe,qui pourrait entraner des faillites et des pertessches pour lconomie;

    lintrt dviter une perte de confiance dansle systme financier. Par exemple, si un paysdevait connatre une crise bancaire majeure,les investisseurs trangers pourraient exigerune prime de risque, laquelle constituerait un

    frein la croissance nationale; plus lactivit conomique est lie au marchtouch par la crise, plus les avantages delintervention seront importants.

    Quels sont les cots potentielsdune intervention?

    Lorsquelle value les cots potentiels dune inter-vention, la banque centrale doit constammentsefforcer de ne pas perdre de vue sa responsabilit

    premire, savoir le maintien dun taux dinflationbas et stable. Elle doit aussi attnuer les risquesfinanciers auxquels elle sexpose par ses inter-ventions. Un autre cot potentiel est de susciter,par une intervention injustifie, un sentiment decrise en labsence de crise vritable (un faux signalngatif).

    Enfin, l ala moral est un aspect important.Ce concept dsigne la possibilit quune partie labri du risque ait un comportement diffrent decelui quelle aurait si elle tait expose entirementau risque, et quelle se proccupe donc moins desconsquences de ses actes, convaincue quunetierce partie supportera lesdites consquences.

    Si la banque centrale nintervient que dans devraies crises de liquidit, lala moral se limitera la distorsion de lincitation une gestion efficientede la liquidit. Or, on confond souvent le risquede liquidit et le risque de solvabilit, ce qui rend

    difficile en pratique de dterminer quel momentintervenir. Cela soulve aussi la possibilit quuneintervention de la banque centrale dissuade lesacteurs des marchs financiers de grer convenable-ment le risque de contrepartie (ou de crdit), avecles consquences ngatives que cela suppose pourle fonctionnement du systme financier. Enfin, ily a le risque que les interventions de la banquecentrale incitent les institutions crer des condi-tions propices une intervention des autoritsmontaires, et ce, afin den tirer profit9.

    En somme, toute formedintervention de la banquecentrale entrane des cots et cre un risque dala

    moral. Dans la mesure o les agents conomiquesprivs sattendent ce que la banque centrale injectede la liquidit lorsque les marchs financiers sonten difficult, ils seront moins attentifs la gestiondes risques de liquidit et de contrepartie, ce quipourrait nuire au bonfonctionnementdesmarchsdans lavenir.

    Attnuer lala moral

    Une faon de limiter les effets de lala moral estdintervenir uniquement dans des circonstancestrs dfavorables. La banque centrale pourraitutiliser ses instruments de manire si slective que

    les agents conomiques privs auraient peu de

    9. Les tentatives dexplication des crises financires invoquentsouvent lala moral, en particulier la prise excessive derisques quencouragent des filets de scurit mal conus;de mme, daprs la littrature conomique, les systmesfinanciers qui ont un cadre rglementaire plus strictseraient mieux mme de rsister aux crises (Benston etKaufman, 1997; Caprio, 1998; Dziobek et Pazarbasioglu,1997; et Furlong et Kwan, 2006).

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    chances de voir dans son intervention une raisonde modifier leur comportement habituel.

    ce propos, il serait utile de recourir un testpour dterminer quel moment une interventionest justifie. Le questionnaire ci-dessous, qui sesitue dans la ligne des questions formules dans

    la section prcdente, ainsi que ceux proposs parSummers (2007) et Buiter (2007) pourraient servir clairer la dcision dintervenir ou non.

    Sommes-nous enprsencedun important choccommun, deffets de contagion non ngligeablesou de retombes ngatives, avec la possibilitde rpercussions graves sur lconomie relle?

    Est-ce avant tout un problme de liquidit dontla solution a de fortes chances de contribuer la stabilit du systme? ( linverse, sil sagitplutt dun problme de solvabilit, linterven-tion de la banque centrale aura peu de chancesdatteindre son but.)

    Est-il raisonnable de penser que linterventiondes autorits montaires najoutera pas aufardeau fiscal?

    Lintervention a-t-elle peu de chances davoir uneffet dterminant sur la probabilit et le degrde gravit de futures crises financires? (Cettequestion suppose que lon prenne en consid-ration la nature du mcanisme dintervention.)

    Cette mesure procurera-t-elle un avantagesocial net?

    Si lon rpond toutes ces questions par laffir-

    mative, la banque centrale aura de bonnes raisonsdintervenir. Fait important, ce test donne penserque les interventions seraient peu frquentes etimpliqueraient des pertes financires pour lesacteurs du march, ce qui introduirait un lmentde coassurance de nature limiter lala moral.

    Deplus, dans cescirconstances, la banque centralepourrait appliquer aux fonds quelle avance certaines institutions un taux dissuasif qui seraitlaiss sa discrtion10. Enfin, la banque centraledevrait promouvoir une surveillance rigoureusedu risque de liquidit et des risques connexes etpourrait exercer un certain contrle sur la gestion

    du risque de liquidit par les emprunteurs ven-tuels, afin de rduire les cots et les risques lis lintervention.

    10. On entend ici par taux dissuasif le taux directeur de labanque centrale augment dune prime. (Au Canada, letaux directeur correspond au taux cible du financement un jour, et le taux minimal de prt de la Banque duCanada est le taux officiel descompte, cest--dire le tauxcible du financement un jour augment de 25 pointsde base.)

    Comment intervenir

    Principes

    La banque centrale ne devrait intervenir que lors-quil y a dfaillance du march et quelle est enmesure de prvenir ou de contrer une grave insta-

    bilit financire sans fausser la prime de risque decrdit. Lanalyse prcdente fait ressortir cinqprincipes qui devraient guider llaboration etlapplication des mesures dintervention de labanque centrale11.

    1) Interventions cibles :La banque centrale doitseulement tenter de parer aux dfaillances du mar-ch(distorsionsde liquidit) quisont denverguresystmique, qui ont des consquences macroco-nomiques et quelle est mme de corriger. Ceprincipe reconnat que la banque centrale ne peutrsoudre tous les problmes. Il implique aussiquelle intervienne uniquement lorsque la d-faillance risque davoir des retombes importantessur lensemble de lconomie et que son action ade bonnes chances dy remdier.

    2) Interventions gradues :Lampleur des interven-tions doit tre dose en fonction de la gravit duproblme. Ce principe reconnat quune interven-tion excessive de la banque centrale a un cot; ilfaut donc envisager une rponse mesure en rap-port avec la gravit du problme, de manire vi-ter une raction exagre de la banque centrale.

    3) Outils dintervention bien penss : La banquecentrale doit utiliser des instruments adapts la

    situation. Les problmes de liquidit de marchdoivent tre rgls au moyen doprations sur lemarch faisant appel un mcanisme dadjudi-cation, tandis que les pnuries de liquidit dontsouffrent des institutions particulires doivent trepallies par loctroi de prts.

    4) Interventions efficientes nengendrant pas de dis-torsions : La banque centrale doit effectuer ses tran-sactions aux prix fixs par le march, afin de rduireau maximum les distorsions. Ses interventions nedoivent surtout pas fausser les carts de crdit, carcela crerait des problmes additionnels.

    5) Attnuation de lala moral :Il faut porter uneattention particulire aux risques associs lacration dincitations contre-productives suscep-tibles de nuire la longue au bon fonctionnementdu systme financier, et il faut trouver des moyensde limiter ces risques. Au nombre de ces moyens

    11. Toute forme dintervention de la Banque du Canada doittre en conformit avec les dispositions des lois perti-nentes, dont, au premier chef, la Loi sur la Banque duCanada.

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    figurent une intervention limite et slective,lintroduction dun lmentde coassurance, lappli-cation de taux dissuasifs selon le cas ainsi que lapromotion dune surveillance rigoureuse de lagestion des risques de liquidit.

    Mcanismes dadjudication

    La meilleure faon pour les banques centrales din-tervenir sur les marchs (par opposition loctroide prts aux institutions dans le cadre de facilitspermanentes de prt) est vraisemblablement defaire appel un mcanisme dadjudication aumoment quelles jugent opportun. La formule deladjudication comporte plusieurs avantages.

    Comme les prix sont fixs de manire concur-rentielle, lactif mis en adjudication est, defaon gnrale, valu de faon efficiente12.

    Le discrdit associ lobtention de prts

    auprs de la banque centrale peut tre attnuou vit, car ladjudication est une oprationcollective laquelle participent simultan-ment plusieurs emprunteurs.

    Ladjudicationpeut fournir la banque centraledes informations sur la conjoncture du marchqui lui permettront de mieux faire face lasituation.

    Ladjudication permet de moduler les princi-paux paramtres dune transaction (soitlchance, les contreparties admissibles etles titres admissibles) selon les besoins de lasituation.

    Si elle est bien pense, ladjudication peut favo-riser une meilleure dtermination des prix surle march et contribuer relancer un marchen difficult.

    Des facilits adaptes chaque situation

    Outre les instrumentsclassiques leur disposition,comme ceux lis au rle de prteur de dernierressort, les banques centrales ont vraisemblable-ment besoin dun ventail de mcanismes pourapprovisionner le systme financier en liquidits.

    Chacun de ces mcanismes doit possder des carac-tristiques distinctes qui conviennent diffrentessituations.

    12. Ladjudication peut ne pas rvler le juste prix de lactifvendu (aux fins de lefficience allocative) sil existe unetrs grande incertitude au sujet de la valeur de marchfutur de lactif. Nanmoins, comparativement aux autresmcanismes, ladjudication semble tre un mode daffec-tation des ressources assez robuste et efficient(Chapman, McAdams et Paarsch, 2007).

    Les prises en pension plus dun jourse prtentsurtout linjection de liquidits sur les marchsmontaires, car elles peuvent treproposes toutacteur de march ayant des titres ngociables offrir. Ce type dopration est des plus utile lorsqueles primesde liquidit sont fausses sur lesmarchsmontaires en raison de problmes de liquiditgnraliss touchant une catgorie dactifs oudchances.

    Les prts de titres plus dun jourpermettentdaugmenter loffre de titres de grande qualitqui peuvent servir de sret dans les priodes oles garanties de cette nature se font rares. Ce typedopration permet aussi dchanger directementdes titres moins liquides contre des titres plus li-quides, rduisant ainsi lincitation thsauriserla liquidit par mesure de prcaution.

    Lesfacilits de prt plus dun joursavrent parti-culirement utiles dans les cas o les primes de

    liquidit sont fausses sur les marchs montairesparce que certaines institutions financires prou-vent des problmes de liquidit. Ce type dopra-tion pourrait tre men par voie dadjudication(moyennant un taux dintrt minimal) lorsquaumoins deux institutions admissibles prouvent degraves problmes de liquidit, mais nen seraientpas encore rendues au point de recourir laidedurgence de la banque centrale13.

    Conclusions

    Nos conclusions peuvent se rsumer comme suit.

    Premirement, les banques centrales devraientfournir de la liquidit aux marchs financiersdans descirconstances exceptionnelles parce que :1) les marchs ont besoin de liquidit pour assurerune dtermination efficiente des prix; 2) lilli-quidit peut contribuer linstabilit du systmefinancieret avoir desconsquencessur lconomierelle; et 3) lesbanques centralespossdent descarac-tristiques uniques qui les rendent parfaitementaptes jouer le rle de fournisseur ultime de liqui-dit au systme financier.

    Deuximement, les banques centrales ne devraientintervenir pour calmer lagitation des marchs

    financiers que lorsquil y a une importante dfail-lance des marchs et quelles sont en mesure deprvenir ou dattnuer une grave instabilit finan-cire et les consquences macroconomiquesqui en dcoulent.

    13. Selon les dispositions de la Loi sur la Banque du Canada,la Banque ne peut prter quaux membres de lAssocia-tion canadienne des paiements.

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    Lvolution des poli t iques et de linfrastructure

    Troisimement, le prix des liquidits quelesbanquescentrales apportent auxmarchs financiers devraittre dtermin de faon concurrentielle, par voiedadjudication.

    Quatrimement, les banques centrales devraientdisposer dun ventail de mcanismes pour ali-

    menter la liquidit des marchs financiers, afinde mieux cibler leur intervention en fonction desbesoins : prise en pension plus dun jour, prt detitres plus dun jour, facilit de prt plus dunjour, etc.

    Cinquimement, lapport de liquidit aux marchsfinanciers devrait tre guid par les principessuivants :

    interventions cibles;

    interventions gradues;

    outils dintervention bien penss;

    interventions efficientes nengendrant pasde distorsions;

    attnuation de lala moral.

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