51
Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris & École Nationale du Génie Rural des Eaux et des Forêts Master 2 Sciences de l’Univers, Environnement, Ecologie Parcours Hydrologie-Hydrogéologie Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la gestion des risques liés au ruissellement érosif en Seine Maritime. Juliette Anglade Directeurs de recherche : Patrice Garin Véronique Souchère Olivier Barreteau INRA, UMR SAD-APT, GRIGNON CEMAGREF, UMR G-EAU MONTPELLIER 2011

Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

Universiteacute Pierre et Marie Curie Eacutecole des Mines de Paris amp Eacutecole Nationale du Geacutenie Rural des Eaux et des Forecircts

Master 2 Sciences de lrsquoUnivers Environnement Ecologie

Parcours Hydrologie-Hydrogeacuteologie

Ruisrsquoeau un outil drsquoaide agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement eacuterosif en Seine Maritime

Juliette Anglade

Directeurs de recherche Patrice Garin

Veacuteronique Souchegravere Olivier Barreteau

INRA UMR SAD-APT GRIGNON CEMAGREF UMR G-EAU

MONTPELLIER

2011

1

laquo Notre eacutegoiumlsme va si loin que nous croyons en temps drsquoorage qursquoil ne tonne que pour nous raquo

Jules Renard

ABSTRACT

The Pays de Caux (France) is frequently subject to flooding mud slides and problems of drinking

water supply linked to turbid water In order to protect people and property against the risk of

flooding while at the same time safeguarding the quality of drinking water we propose to

stakeholders a new system of management at the watershed scale based on hydrosolidarity

(between towndwellersrural population and upstreamdownstream)This requires an integrated

management which not only demands the mastering of the natural phenomenon involved but a

complex human involvement A participatory approach called companion modelling (ComMod) is

used to construct with stakeholders a tool to facilitate negotiations on the future management of

erosive runoff This tool takes the form of a role playing game (Ruisrsquoeau) which serves as a support

to the discussion between local people It includes a computer program to simulate erosive runoff

and its economic and social consequences The role playing game which is conceived as a basis for

social learning would permit a clear demonstration of the limits of management and the

reconstruction of some realities thanks to experiment dialogue and observation From this

transformation of the frames of reference there could result new forms of coordination between

stakeholders to reduce erosive runoff by sharing the efforts

2

Remerciements

Dans un ordre laquo chronologique raquo je remercie drsquoabord Olivier Barreteau drsquoavoir reacutepondu favorablement agrave ma demande

en me proposant ce sujet interdisciplinaire Jrsquoadresse ensuite naturellement mes remerciements agrave mes encadrants de stage Patrice Garin et Veacuteronique Souchegravere

pour la richesse de lrsquoexpeacuterience veacutecue tant dans sa dimension intellectuelle qursquohumaine Je tiens agrave leur dire merci pour

leur patience et leur soutien notamment en deacutebut de stage et drsquoavoir permis que celui-ci puisse se reacutealiser dans les

meilleures conditions Merci pour leur confiance et leur disponibiliteacute tout au long de ce stage ainsi que leurs apports

pour alimenter ma reacuteflexion Merci eacutegalement aux co-concepteurs en particulier Vincent Martin Jean Franccedilois Ouvry et Veacuteronique Lecomte

drsquoavoir partageacute leurs connaissances du territoire Mes remerciements vont aussi agrave Nicolas Massei et Matthieu Fournier pour mrsquoavoir guideacutee dans lrsquounivers du karst Haut

Normand et des beacutetoires

Sur le plan personnel merci agrave Patrice pour son accueil lors de mes seacutejours agrave Montpellier et agrave Veacuteronique pour avoir

partageacute son temps bien au-delagrave du cadre du stage Et bien sucircr merci aussi agrave Julien pour son grand soutien indispensable

Sommaire

ABSTRACT 1

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif 4

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute 4

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire 5

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif 6

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime 6

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec 8

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel 9

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement Eau potable Agriculture et Urbanisation) 12

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif 12

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion 12 2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant (morphomeacutetrie

occupation du sol) 14

3) Parameacutetrage des simulations 16

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale 16

311) Modegraveles pluie-deacutebit 17

312) STREAM 18

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo 18

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale 18

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif 19

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant 20

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute 20

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

22

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce 22

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante 23

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies 24

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute 26

1) Geacuteologie de la Haute Normandie 26

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie 27

3) Les meacutecanismes de transports particulaires 27

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau 29

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau 32

21) Les joueurs et actions 34

22) Les supports de jeu 36

3

23) Le deacuteroulement de la partie 40

IV) Mise en perspective de la deacutemarche 41

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques 41

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine 43

3) Discussion 45

Bibliographie 47

RESUME 50

Liste des figures

Figure 1 Manifestation du ruissellement concentreacute 6 Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie 8 Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie) 8 Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009) 9 Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010) 11 Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM 12 Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare 14 Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m) 15 Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement et de lrsquoeacuterosion pour une crue deacutecennale 20 Figure 10 Cartes de sensibiliteacute au ruissellement et lrsquoeacuterosion 21 Figure 11 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute 23 Figure 12 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif 25 Figure 13 Hydrogrammes (SOCOSE) de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin 25 Figure 14 Beacutetoires et marniegravere 27 Figure 15 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de transport souterrain 30 Figure 16 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb 33 Figure 17 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare 35 Figure 18 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu (photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs) 36 Figure 19 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau 37 Figure 20 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions 38 Figure 21 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees 39 Figure 22 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du synidcat 43 Figure 23 Utilisation des supports de jeu 44

Liste des tableaux

Tableau 1 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques et de lrsquooccupation du sol du bassin fictif 16 Tableau 2 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration Dr temps de monteacutee de lrsquohydrogramme SOCOSE 16 Tableau 3 Parameacutetrages des sceacutenario pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats 19 Tableau 4 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare 21 Tableau 5 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention 24 Tableau 6 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot 30 Tableau 7 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare 31

4

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute

Le projet SURGE (Solidariteacute Urbain Rural en Gestion de lrsquoEau) de lrsquoappel drsquooffre Eaux et Territoires est consacreacute agrave la compreacutehension des interdeacutependances entre monde urbain et monde rural en lien avec la gestion de lrsquoeau Il srsquoagit de proposer un accompagnement des processus de deacutecision collective dans la construction drsquoune relation entre monde urbain et monde rural sur trois eacutetudes de cas qui preacutesentent des questions speacutecifiques quant agrave la gestion de lrsquoeau i) le partage drsquoinfrastructures de gestion de lrsquoeau dans le Bas-Rhin ii) le partage de la ressource en eau dans le bassin de Thau iii) le ruissellement eacuterosif dans le Pays de Caux Lrsquoobjectif est drsquoidentifier des voies possibles de concertation via la mobilisation de diffeacuterentes formes de solidariteacute sur des terrains dont les composantes urbaines et rurales sont porteuses de compleacutementariteacutes potentielles La solidariteacute nrsquoest pas une relation sociale spontaneacutee mais reacutesulte drsquoun systegraveme drsquoeacutechanges et de conflits drsquoune multitude de flux qui donnent lieu des compleacutementariteacutes Il existe un veacuteritable dilemme entre choisir une apparente autonomie en favorisant son individualiteacute et choisir lrsquointeacutegration la coopeacuteration et la solidariteacute Le concept de solidariteacute est vaste et plusieurs formes de relations coexistent selon les situations et les enjeux collectifs (Paugam 2007 Bots 2007) Les crises ou catastrophes naturelles creacuteent des moments de tension et de prise de conscience des reacuteseaux complexes drsquointerdeacutependances et de relations de reacuteciprociteacute pouvant nourrir des actions de solidariteacute (Cartier 2007) Mais plus qursquoune solidariteacute de secours la reacuteduction des risques neacutecessite une solidariteacute de preacutevention qui repose sur la reacutepartition des contraintes entre activiteacutes sacrifices et compensations collectives On voit ici apparaicirctre des consideacuterations eacutethiques alors que les dispositifs de gestion actuels des bassins versants tout droit heacuteriteacutes drsquoune eacutepisteacutemologie instrumentaliste sont centreacutes sur la dimension technique Lrsquoinstrumentalisme srsquoinscrit dans le cadre des theacuteories positivistes (ou reacutealistes) de la connaissance Il est baseacute sur la connaissance preacutesumeacutee des relations pheacutenomeacutenales de causes agrave effets du monde naturel et social Il postule en effet lrsquoexistence drsquoune veacuteriteacute scientifique indeacutependante des valeurs humaines ou des pouvoirs politiques et precircte donc peu drsquointentions aux implications eacutethiques ou morales Cette raison instrumentale a conduit agrave leacutegitimer une culture drsquoexperts et accorder une toute confiance dans les sciences et technologies pour apporter les solutions aux situations probleacutematiques Seulement la multipliciteacute de visions drsquoexperts toujours plus speacutecialiseacutes tend diminuer leurs capaciteacutes preacutevoir toutes les conseacutequences de leurs deacutecisions (Giddens 1990) Et les limites de la penseacutee instrumentale se font ressentir lorsque les dimensions drsquoun problegraveme deviennent trop nombreuses pour que la penseacutee reacuteductionniste (complexiteacute reacuteduite agrave ses eacuteleacutements constitutifs) parvienne agrave maicirctriser totalement les relations non lineacuteaires de causes agrave effets les pheacutenomegravenes de reacutetroaction et agrave neacutegliger ou deacutevaluer certains aspects (notamment socieacutetaux) Pour pallier la faiblesse des dispositifs de gestion actuels qui conduisent agrave des simplifications et raccourcis souvent inapproprieacutes il est essentiel de se libeacuterer des meacutethodes positivistes de questionnements Une alternative consiste alors agrave adopter la position conceptuelle opposeacutee en envisageant des solutions de gestion baseacutees sur lrsquoeacutepisteacutemologie constructiviste Selon la position constructiviste la science se doit drsquoexpliquer et de comprendre ce que lrsquoexpeacuterience humaine perccediloit et non expliquer et comprendre une reacutealiteacute externe Elle se base sur lrsquoexpeacuterience humaine de la reacutealiteacute en lien avec un savoir conccedilu par les processus sociaux Le concept global drsquoapprentissage social (Argyris et Schon 1978 Leeuwis 2002 Keen 2005) constitue un cadre pour penser le processus de connaissance neacutecessaire pour que nos socieacuteteacutes puissent se saisir de probleacutematiques multifactorielles complexes et proposer des politiques guideacutees par lrsquoeacutethique Lrsquoapprentissage social repreacutesente ainsi la fois une approche et une philosophie centreacutee sur un processus participatif du changement social Le concept est

5

baseacute sur la croyance drsquoun potentiel de transformation social pouvant influencer le contexte politico-eacuteconomique Cela nous amegravene agrave nous questionner sur les structures sociales et les moyens de deacuteveloppement drsquoune approche holistique et inteacutegreacutee Lrsquointeacutegration de la dimension humaine neacutecessite de concevoir des plateformes pour lrsquoapprentissage social et la prise de deacutecisions Ce type drsquoapprentissage est intimement lieacute la participation dans des groupes drsquoapprentissages ougrave des normes et concepts sont collectivement eacutetablis en rendant les choses visibles en aidant les personnes agrave reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation des analyses partageacutees et de lrsquoobservation Le processus de reacuteflexion iteacuterative qui survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec drsquoautres donne accegraves deux modes drsquoapprentissage lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Keen 2006) et lrsquoapprentissage transformatif (Mezirow 1995 et 1996 et 2000) En amenant les acteurs agrave dialoguer autour drsquoune probleacutematique commune les intersubjectiviteacutes permettent drsquoeacutetablir une perspective partageacutee drsquoun problegraveme et par suite drsquoaboutir une compreacutehension du systegraveme et de la complexiteacute de ses dynamiques Le partage de points de vue permet un eacutelargissement de lrsquoesprit et une familiarisation avec les inteacuterecircts geacuteneacuteraux au-del de lrsquoimmeacutediateteacute des circonstances individuelles La participation aide agrave combattre les individualismes et agrave inteacutegrer les individus au sein drsquoune communauteacute Selon (Dagger 1997) ceux qui prennent une part active dans la vie drsquoun groupe ont tendance deacutevelopper un attachement envers celui-ci et agrave identifier par empathie et attention leurs inteacuterecircts agrave ceux du groupe Cette identification promeut la solidariteacute Le concept de solidariteacute auquel on se reacutefegravere nrsquoest donc pas limiteacute une solidariteacute organique essentiellement de type eacuteconomique mais comprend une dimension morale Les deacuteveloppements meacutethodologiques de la creacuteation de ces plateformes pour lrsquoapprentissage social commencent agrave vraiment eacutemerger Elles doivent ecirctre en mesure de reproduire des relations naturo-sociales guideacutees par plusieurs sortes de dynamiques complexes et avec des degreacutes varieacutes de deacutependance (theacuteorie de lrsquoaigle deux ailes de Woodhill et Roumlling 1998) Concernant la gestion de lrsquoeau nature et socieacuteteacute doivent ecirctre modeacuteliseacutees comme deux sous-systegravemes majeurs avec de nombreux liens interactifs dans lesquels lrsquoeau est un eacuteleacutement cleacute Le couplage du systegraveme humain et de lrsquoeacutecosystegraveme se conccediloit dans une perspective heuristique qui reacutesulte drsquoune interdisciplinariteacute inteacutegrant sciences de la nature philosophie sociale philosophie des sciences eacuteducation communication psychologie sociologie sciences politiques

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire

Ces derniegraveres anneacutees plusieurs approches pour tenter de reacutesoudre les conflits lieacutes agrave la gestion des ressources naturelles se sont tourneacutees vers la meacutediation lrsquoapprentissage et les approches participatives (Bousquet et al 1999) Lrsquoune drsquoentre-elles appeleacutee Modeacutelisation drsquoAccompagnement est porteacutee par un collectif de chercheurs (Collectif ComMod 2006) qui propose de srsquoappuyer sur divers outils de modeacutelisation comme la simulation multi-agents et les jeux de rocircles pour aider agrave mener une reacuteflexion collective Plusieurs expeacuteriences de terrain ont deacutejagrave montreacute lrsquoefficaciteacute de cette approche pour faciliter le dialogue le partage de connaissances la neacutegociation et la prise de deacutecision collective (Etienne et al 2003 Barreteau et al 2007 Bousquet et al 2007 Mathevet et al 2007 Becu et al 2008 Souchegravere et al 2009) Face au risque de ruissellement eacuterosif en Seine Maritime on choisit drsquoadopter cette deacutemarche pour nourrir le discours social drsquoalternatives fournir les outils pour une action sociale collective et creacuteer un cadre drsquoactions actif Lrsquoapproche de modeacutelisation drsquoaccompagnement est associeacutee lrsquoutilisation de deux sortes drsquoartefacts le jeu de rocircles et les simulations informatiques destineacutees lrsquoexploration des conseacutequences de strateacutegies drsquoactions afin de favoriser les discussions et de ce fait renforcer le processus drsquoapprentissage collectif Lrsquoapparition du jeu de rocircles formatif est le reacutesultat de lrsquoassociation des jeux de rocircles ludiques

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 2: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

1

laquo Notre eacutegoiumlsme va si loin que nous croyons en temps drsquoorage qursquoil ne tonne que pour nous raquo

Jules Renard

ABSTRACT

The Pays de Caux (France) is frequently subject to flooding mud slides and problems of drinking

water supply linked to turbid water In order to protect people and property against the risk of

flooding while at the same time safeguarding the quality of drinking water we propose to

stakeholders a new system of management at the watershed scale based on hydrosolidarity

(between towndwellersrural population and upstreamdownstream)This requires an integrated

management which not only demands the mastering of the natural phenomenon involved but a

complex human involvement A participatory approach called companion modelling (ComMod) is

used to construct with stakeholders a tool to facilitate negotiations on the future management of

erosive runoff This tool takes the form of a role playing game (Ruisrsquoeau) which serves as a support

to the discussion between local people It includes a computer program to simulate erosive runoff

and its economic and social consequences The role playing game which is conceived as a basis for

social learning would permit a clear demonstration of the limits of management and the

reconstruction of some realities thanks to experiment dialogue and observation From this

transformation of the frames of reference there could result new forms of coordination between

stakeholders to reduce erosive runoff by sharing the efforts

2

Remerciements

Dans un ordre laquo chronologique raquo je remercie drsquoabord Olivier Barreteau drsquoavoir reacutepondu favorablement agrave ma demande

en me proposant ce sujet interdisciplinaire Jrsquoadresse ensuite naturellement mes remerciements agrave mes encadrants de stage Patrice Garin et Veacuteronique Souchegravere

pour la richesse de lrsquoexpeacuterience veacutecue tant dans sa dimension intellectuelle qursquohumaine Je tiens agrave leur dire merci pour

leur patience et leur soutien notamment en deacutebut de stage et drsquoavoir permis que celui-ci puisse se reacutealiser dans les

meilleures conditions Merci pour leur confiance et leur disponibiliteacute tout au long de ce stage ainsi que leurs apports

pour alimenter ma reacuteflexion Merci eacutegalement aux co-concepteurs en particulier Vincent Martin Jean Franccedilois Ouvry et Veacuteronique Lecomte

drsquoavoir partageacute leurs connaissances du territoire Mes remerciements vont aussi agrave Nicolas Massei et Matthieu Fournier pour mrsquoavoir guideacutee dans lrsquounivers du karst Haut

Normand et des beacutetoires

Sur le plan personnel merci agrave Patrice pour son accueil lors de mes seacutejours agrave Montpellier et agrave Veacuteronique pour avoir

partageacute son temps bien au-delagrave du cadre du stage Et bien sucircr merci aussi agrave Julien pour son grand soutien indispensable

Sommaire

ABSTRACT 1

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif 4

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute 4

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire 5

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif 6

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime 6

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec 8

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel 9

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement Eau potable Agriculture et Urbanisation) 12

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif 12

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion 12 2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant (morphomeacutetrie

occupation du sol) 14

3) Parameacutetrage des simulations 16

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale 16

311) Modegraveles pluie-deacutebit 17

312) STREAM 18

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo 18

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale 18

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif 19

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant 20

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute 20

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

22

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce 22

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante 23

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies 24

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute 26

1) Geacuteologie de la Haute Normandie 26

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie 27

3) Les meacutecanismes de transports particulaires 27

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau 29

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau 32

21) Les joueurs et actions 34

22) Les supports de jeu 36

3

23) Le deacuteroulement de la partie 40

IV) Mise en perspective de la deacutemarche 41

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques 41

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine 43

3) Discussion 45

Bibliographie 47

RESUME 50

Liste des figures

Figure 1 Manifestation du ruissellement concentreacute 6 Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie 8 Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie) 8 Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009) 9 Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010) 11 Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM 12 Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare 14 Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m) 15 Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement et de lrsquoeacuterosion pour une crue deacutecennale 20 Figure 10 Cartes de sensibiliteacute au ruissellement et lrsquoeacuterosion 21 Figure 11 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute 23 Figure 12 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif 25 Figure 13 Hydrogrammes (SOCOSE) de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin 25 Figure 14 Beacutetoires et marniegravere 27 Figure 15 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de transport souterrain 30 Figure 16 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb 33 Figure 17 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare 35 Figure 18 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu (photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs) 36 Figure 19 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau 37 Figure 20 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions 38 Figure 21 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees 39 Figure 22 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du synidcat 43 Figure 23 Utilisation des supports de jeu 44

Liste des tableaux

Tableau 1 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques et de lrsquooccupation du sol du bassin fictif 16 Tableau 2 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration Dr temps de monteacutee de lrsquohydrogramme SOCOSE 16 Tableau 3 Parameacutetrages des sceacutenario pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats 19 Tableau 4 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare 21 Tableau 5 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention 24 Tableau 6 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot 30 Tableau 7 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare 31

4

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute

Le projet SURGE (Solidariteacute Urbain Rural en Gestion de lrsquoEau) de lrsquoappel drsquooffre Eaux et Territoires est consacreacute agrave la compreacutehension des interdeacutependances entre monde urbain et monde rural en lien avec la gestion de lrsquoeau Il srsquoagit de proposer un accompagnement des processus de deacutecision collective dans la construction drsquoune relation entre monde urbain et monde rural sur trois eacutetudes de cas qui preacutesentent des questions speacutecifiques quant agrave la gestion de lrsquoeau i) le partage drsquoinfrastructures de gestion de lrsquoeau dans le Bas-Rhin ii) le partage de la ressource en eau dans le bassin de Thau iii) le ruissellement eacuterosif dans le Pays de Caux Lrsquoobjectif est drsquoidentifier des voies possibles de concertation via la mobilisation de diffeacuterentes formes de solidariteacute sur des terrains dont les composantes urbaines et rurales sont porteuses de compleacutementariteacutes potentielles La solidariteacute nrsquoest pas une relation sociale spontaneacutee mais reacutesulte drsquoun systegraveme drsquoeacutechanges et de conflits drsquoune multitude de flux qui donnent lieu des compleacutementariteacutes Il existe un veacuteritable dilemme entre choisir une apparente autonomie en favorisant son individualiteacute et choisir lrsquointeacutegration la coopeacuteration et la solidariteacute Le concept de solidariteacute est vaste et plusieurs formes de relations coexistent selon les situations et les enjeux collectifs (Paugam 2007 Bots 2007) Les crises ou catastrophes naturelles creacuteent des moments de tension et de prise de conscience des reacuteseaux complexes drsquointerdeacutependances et de relations de reacuteciprociteacute pouvant nourrir des actions de solidariteacute (Cartier 2007) Mais plus qursquoune solidariteacute de secours la reacuteduction des risques neacutecessite une solidariteacute de preacutevention qui repose sur la reacutepartition des contraintes entre activiteacutes sacrifices et compensations collectives On voit ici apparaicirctre des consideacuterations eacutethiques alors que les dispositifs de gestion actuels des bassins versants tout droit heacuteriteacutes drsquoune eacutepisteacutemologie instrumentaliste sont centreacutes sur la dimension technique Lrsquoinstrumentalisme srsquoinscrit dans le cadre des theacuteories positivistes (ou reacutealistes) de la connaissance Il est baseacute sur la connaissance preacutesumeacutee des relations pheacutenomeacutenales de causes agrave effets du monde naturel et social Il postule en effet lrsquoexistence drsquoune veacuteriteacute scientifique indeacutependante des valeurs humaines ou des pouvoirs politiques et precircte donc peu drsquointentions aux implications eacutethiques ou morales Cette raison instrumentale a conduit agrave leacutegitimer une culture drsquoexperts et accorder une toute confiance dans les sciences et technologies pour apporter les solutions aux situations probleacutematiques Seulement la multipliciteacute de visions drsquoexperts toujours plus speacutecialiseacutes tend diminuer leurs capaciteacutes preacutevoir toutes les conseacutequences de leurs deacutecisions (Giddens 1990) Et les limites de la penseacutee instrumentale se font ressentir lorsque les dimensions drsquoun problegraveme deviennent trop nombreuses pour que la penseacutee reacuteductionniste (complexiteacute reacuteduite agrave ses eacuteleacutements constitutifs) parvienne agrave maicirctriser totalement les relations non lineacuteaires de causes agrave effets les pheacutenomegravenes de reacutetroaction et agrave neacutegliger ou deacutevaluer certains aspects (notamment socieacutetaux) Pour pallier la faiblesse des dispositifs de gestion actuels qui conduisent agrave des simplifications et raccourcis souvent inapproprieacutes il est essentiel de se libeacuterer des meacutethodes positivistes de questionnements Une alternative consiste alors agrave adopter la position conceptuelle opposeacutee en envisageant des solutions de gestion baseacutees sur lrsquoeacutepisteacutemologie constructiviste Selon la position constructiviste la science se doit drsquoexpliquer et de comprendre ce que lrsquoexpeacuterience humaine perccediloit et non expliquer et comprendre une reacutealiteacute externe Elle se base sur lrsquoexpeacuterience humaine de la reacutealiteacute en lien avec un savoir conccedilu par les processus sociaux Le concept global drsquoapprentissage social (Argyris et Schon 1978 Leeuwis 2002 Keen 2005) constitue un cadre pour penser le processus de connaissance neacutecessaire pour que nos socieacuteteacutes puissent se saisir de probleacutematiques multifactorielles complexes et proposer des politiques guideacutees par lrsquoeacutethique Lrsquoapprentissage social repreacutesente ainsi la fois une approche et une philosophie centreacutee sur un processus participatif du changement social Le concept est

5

baseacute sur la croyance drsquoun potentiel de transformation social pouvant influencer le contexte politico-eacuteconomique Cela nous amegravene agrave nous questionner sur les structures sociales et les moyens de deacuteveloppement drsquoune approche holistique et inteacutegreacutee Lrsquointeacutegration de la dimension humaine neacutecessite de concevoir des plateformes pour lrsquoapprentissage social et la prise de deacutecisions Ce type drsquoapprentissage est intimement lieacute la participation dans des groupes drsquoapprentissages ougrave des normes et concepts sont collectivement eacutetablis en rendant les choses visibles en aidant les personnes agrave reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation des analyses partageacutees et de lrsquoobservation Le processus de reacuteflexion iteacuterative qui survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec drsquoautres donne accegraves deux modes drsquoapprentissage lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Keen 2006) et lrsquoapprentissage transformatif (Mezirow 1995 et 1996 et 2000) En amenant les acteurs agrave dialoguer autour drsquoune probleacutematique commune les intersubjectiviteacutes permettent drsquoeacutetablir une perspective partageacutee drsquoun problegraveme et par suite drsquoaboutir une compreacutehension du systegraveme et de la complexiteacute de ses dynamiques Le partage de points de vue permet un eacutelargissement de lrsquoesprit et une familiarisation avec les inteacuterecircts geacuteneacuteraux au-del de lrsquoimmeacutediateteacute des circonstances individuelles La participation aide agrave combattre les individualismes et agrave inteacutegrer les individus au sein drsquoune communauteacute Selon (Dagger 1997) ceux qui prennent une part active dans la vie drsquoun groupe ont tendance deacutevelopper un attachement envers celui-ci et agrave identifier par empathie et attention leurs inteacuterecircts agrave ceux du groupe Cette identification promeut la solidariteacute Le concept de solidariteacute auquel on se reacutefegravere nrsquoest donc pas limiteacute une solidariteacute organique essentiellement de type eacuteconomique mais comprend une dimension morale Les deacuteveloppements meacutethodologiques de la creacuteation de ces plateformes pour lrsquoapprentissage social commencent agrave vraiment eacutemerger Elles doivent ecirctre en mesure de reproduire des relations naturo-sociales guideacutees par plusieurs sortes de dynamiques complexes et avec des degreacutes varieacutes de deacutependance (theacuteorie de lrsquoaigle deux ailes de Woodhill et Roumlling 1998) Concernant la gestion de lrsquoeau nature et socieacuteteacute doivent ecirctre modeacuteliseacutees comme deux sous-systegravemes majeurs avec de nombreux liens interactifs dans lesquels lrsquoeau est un eacuteleacutement cleacute Le couplage du systegraveme humain et de lrsquoeacutecosystegraveme se conccediloit dans une perspective heuristique qui reacutesulte drsquoune interdisciplinariteacute inteacutegrant sciences de la nature philosophie sociale philosophie des sciences eacuteducation communication psychologie sociologie sciences politiques

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire

Ces derniegraveres anneacutees plusieurs approches pour tenter de reacutesoudre les conflits lieacutes agrave la gestion des ressources naturelles se sont tourneacutees vers la meacutediation lrsquoapprentissage et les approches participatives (Bousquet et al 1999) Lrsquoune drsquoentre-elles appeleacutee Modeacutelisation drsquoAccompagnement est porteacutee par un collectif de chercheurs (Collectif ComMod 2006) qui propose de srsquoappuyer sur divers outils de modeacutelisation comme la simulation multi-agents et les jeux de rocircles pour aider agrave mener une reacuteflexion collective Plusieurs expeacuteriences de terrain ont deacutejagrave montreacute lrsquoefficaciteacute de cette approche pour faciliter le dialogue le partage de connaissances la neacutegociation et la prise de deacutecision collective (Etienne et al 2003 Barreteau et al 2007 Bousquet et al 2007 Mathevet et al 2007 Becu et al 2008 Souchegravere et al 2009) Face au risque de ruissellement eacuterosif en Seine Maritime on choisit drsquoadopter cette deacutemarche pour nourrir le discours social drsquoalternatives fournir les outils pour une action sociale collective et creacuteer un cadre drsquoactions actif Lrsquoapproche de modeacutelisation drsquoaccompagnement est associeacutee lrsquoutilisation de deux sortes drsquoartefacts le jeu de rocircles et les simulations informatiques destineacutees lrsquoexploration des conseacutequences de strateacutegies drsquoactions afin de favoriser les discussions et de ce fait renforcer le processus drsquoapprentissage collectif Lrsquoapparition du jeu de rocircles formatif est le reacutesultat de lrsquoassociation des jeux de rocircles ludiques

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 3: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

2

Remerciements

Dans un ordre laquo chronologique raquo je remercie drsquoabord Olivier Barreteau drsquoavoir reacutepondu favorablement agrave ma demande

en me proposant ce sujet interdisciplinaire Jrsquoadresse ensuite naturellement mes remerciements agrave mes encadrants de stage Patrice Garin et Veacuteronique Souchegravere

pour la richesse de lrsquoexpeacuterience veacutecue tant dans sa dimension intellectuelle qursquohumaine Je tiens agrave leur dire merci pour

leur patience et leur soutien notamment en deacutebut de stage et drsquoavoir permis que celui-ci puisse se reacutealiser dans les

meilleures conditions Merci pour leur confiance et leur disponibiliteacute tout au long de ce stage ainsi que leurs apports

pour alimenter ma reacuteflexion Merci eacutegalement aux co-concepteurs en particulier Vincent Martin Jean Franccedilois Ouvry et Veacuteronique Lecomte

drsquoavoir partageacute leurs connaissances du territoire Mes remerciements vont aussi agrave Nicolas Massei et Matthieu Fournier pour mrsquoavoir guideacutee dans lrsquounivers du karst Haut

Normand et des beacutetoires

Sur le plan personnel merci agrave Patrice pour son accueil lors de mes seacutejours agrave Montpellier et agrave Veacuteronique pour avoir

partageacute son temps bien au-delagrave du cadre du stage Et bien sucircr merci aussi agrave Julien pour son grand soutien indispensable

Sommaire

ABSTRACT 1

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif 4

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute 4

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire 5

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif 6

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime 6

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec 8

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel 9

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement Eau potable Agriculture et Urbanisation) 12

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif 12

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion 12 2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant (morphomeacutetrie

occupation du sol) 14

3) Parameacutetrage des simulations 16

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale 16

311) Modegraveles pluie-deacutebit 17

312) STREAM 18

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo 18

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale 18

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif 19

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant 20

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute 20

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

22

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce 22

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante 23

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies 24

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute 26

1) Geacuteologie de la Haute Normandie 26

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie 27

3) Les meacutecanismes de transports particulaires 27

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau 29

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau 32

21) Les joueurs et actions 34

22) Les supports de jeu 36

3

23) Le deacuteroulement de la partie 40

IV) Mise en perspective de la deacutemarche 41

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques 41

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine 43

3) Discussion 45

Bibliographie 47

RESUME 50

Liste des figures

Figure 1 Manifestation du ruissellement concentreacute 6 Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie 8 Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie) 8 Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009) 9 Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010) 11 Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM 12 Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare 14 Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m) 15 Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement et de lrsquoeacuterosion pour une crue deacutecennale 20 Figure 10 Cartes de sensibiliteacute au ruissellement et lrsquoeacuterosion 21 Figure 11 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute 23 Figure 12 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif 25 Figure 13 Hydrogrammes (SOCOSE) de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin 25 Figure 14 Beacutetoires et marniegravere 27 Figure 15 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de transport souterrain 30 Figure 16 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb 33 Figure 17 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare 35 Figure 18 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu (photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs) 36 Figure 19 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau 37 Figure 20 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions 38 Figure 21 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees 39 Figure 22 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du synidcat 43 Figure 23 Utilisation des supports de jeu 44

Liste des tableaux

Tableau 1 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques et de lrsquooccupation du sol du bassin fictif 16 Tableau 2 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration Dr temps de monteacutee de lrsquohydrogramme SOCOSE 16 Tableau 3 Parameacutetrages des sceacutenario pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats 19 Tableau 4 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare 21 Tableau 5 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention 24 Tableau 6 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot 30 Tableau 7 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare 31

4

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute

Le projet SURGE (Solidariteacute Urbain Rural en Gestion de lrsquoEau) de lrsquoappel drsquooffre Eaux et Territoires est consacreacute agrave la compreacutehension des interdeacutependances entre monde urbain et monde rural en lien avec la gestion de lrsquoeau Il srsquoagit de proposer un accompagnement des processus de deacutecision collective dans la construction drsquoune relation entre monde urbain et monde rural sur trois eacutetudes de cas qui preacutesentent des questions speacutecifiques quant agrave la gestion de lrsquoeau i) le partage drsquoinfrastructures de gestion de lrsquoeau dans le Bas-Rhin ii) le partage de la ressource en eau dans le bassin de Thau iii) le ruissellement eacuterosif dans le Pays de Caux Lrsquoobjectif est drsquoidentifier des voies possibles de concertation via la mobilisation de diffeacuterentes formes de solidariteacute sur des terrains dont les composantes urbaines et rurales sont porteuses de compleacutementariteacutes potentielles La solidariteacute nrsquoest pas une relation sociale spontaneacutee mais reacutesulte drsquoun systegraveme drsquoeacutechanges et de conflits drsquoune multitude de flux qui donnent lieu des compleacutementariteacutes Il existe un veacuteritable dilemme entre choisir une apparente autonomie en favorisant son individualiteacute et choisir lrsquointeacutegration la coopeacuteration et la solidariteacute Le concept de solidariteacute est vaste et plusieurs formes de relations coexistent selon les situations et les enjeux collectifs (Paugam 2007 Bots 2007) Les crises ou catastrophes naturelles creacuteent des moments de tension et de prise de conscience des reacuteseaux complexes drsquointerdeacutependances et de relations de reacuteciprociteacute pouvant nourrir des actions de solidariteacute (Cartier 2007) Mais plus qursquoune solidariteacute de secours la reacuteduction des risques neacutecessite une solidariteacute de preacutevention qui repose sur la reacutepartition des contraintes entre activiteacutes sacrifices et compensations collectives On voit ici apparaicirctre des consideacuterations eacutethiques alors que les dispositifs de gestion actuels des bassins versants tout droit heacuteriteacutes drsquoune eacutepisteacutemologie instrumentaliste sont centreacutes sur la dimension technique Lrsquoinstrumentalisme srsquoinscrit dans le cadre des theacuteories positivistes (ou reacutealistes) de la connaissance Il est baseacute sur la connaissance preacutesumeacutee des relations pheacutenomeacutenales de causes agrave effets du monde naturel et social Il postule en effet lrsquoexistence drsquoune veacuteriteacute scientifique indeacutependante des valeurs humaines ou des pouvoirs politiques et precircte donc peu drsquointentions aux implications eacutethiques ou morales Cette raison instrumentale a conduit agrave leacutegitimer une culture drsquoexperts et accorder une toute confiance dans les sciences et technologies pour apporter les solutions aux situations probleacutematiques Seulement la multipliciteacute de visions drsquoexperts toujours plus speacutecialiseacutes tend diminuer leurs capaciteacutes preacutevoir toutes les conseacutequences de leurs deacutecisions (Giddens 1990) Et les limites de la penseacutee instrumentale se font ressentir lorsque les dimensions drsquoun problegraveme deviennent trop nombreuses pour que la penseacutee reacuteductionniste (complexiteacute reacuteduite agrave ses eacuteleacutements constitutifs) parvienne agrave maicirctriser totalement les relations non lineacuteaires de causes agrave effets les pheacutenomegravenes de reacutetroaction et agrave neacutegliger ou deacutevaluer certains aspects (notamment socieacutetaux) Pour pallier la faiblesse des dispositifs de gestion actuels qui conduisent agrave des simplifications et raccourcis souvent inapproprieacutes il est essentiel de se libeacuterer des meacutethodes positivistes de questionnements Une alternative consiste alors agrave adopter la position conceptuelle opposeacutee en envisageant des solutions de gestion baseacutees sur lrsquoeacutepisteacutemologie constructiviste Selon la position constructiviste la science se doit drsquoexpliquer et de comprendre ce que lrsquoexpeacuterience humaine perccediloit et non expliquer et comprendre une reacutealiteacute externe Elle se base sur lrsquoexpeacuterience humaine de la reacutealiteacute en lien avec un savoir conccedilu par les processus sociaux Le concept global drsquoapprentissage social (Argyris et Schon 1978 Leeuwis 2002 Keen 2005) constitue un cadre pour penser le processus de connaissance neacutecessaire pour que nos socieacuteteacutes puissent se saisir de probleacutematiques multifactorielles complexes et proposer des politiques guideacutees par lrsquoeacutethique Lrsquoapprentissage social repreacutesente ainsi la fois une approche et une philosophie centreacutee sur un processus participatif du changement social Le concept est

5

baseacute sur la croyance drsquoun potentiel de transformation social pouvant influencer le contexte politico-eacuteconomique Cela nous amegravene agrave nous questionner sur les structures sociales et les moyens de deacuteveloppement drsquoune approche holistique et inteacutegreacutee Lrsquointeacutegration de la dimension humaine neacutecessite de concevoir des plateformes pour lrsquoapprentissage social et la prise de deacutecisions Ce type drsquoapprentissage est intimement lieacute la participation dans des groupes drsquoapprentissages ougrave des normes et concepts sont collectivement eacutetablis en rendant les choses visibles en aidant les personnes agrave reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation des analyses partageacutees et de lrsquoobservation Le processus de reacuteflexion iteacuterative qui survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec drsquoautres donne accegraves deux modes drsquoapprentissage lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Keen 2006) et lrsquoapprentissage transformatif (Mezirow 1995 et 1996 et 2000) En amenant les acteurs agrave dialoguer autour drsquoune probleacutematique commune les intersubjectiviteacutes permettent drsquoeacutetablir une perspective partageacutee drsquoun problegraveme et par suite drsquoaboutir une compreacutehension du systegraveme et de la complexiteacute de ses dynamiques Le partage de points de vue permet un eacutelargissement de lrsquoesprit et une familiarisation avec les inteacuterecircts geacuteneacuteraux au-del de lrsquoimmeacutediateteacute des circonstances individuelles La participation aide agrave combattre les individualismes et agrave inteacutegrer les individus au sein drsquoune communauteacute Selon (Dagger 1997) ceux qui prennent une part active dans la vie drsquoun groupe ont tendance deacutevelopper un attachement envers celui-ci et agrave identifier par empathie et attention leurs inteacuterecircts agrave ceux du groupe Cette identification promeut la solidariteacute Le concept de solidariteacute auquel on se reacutefegravere nrsquoest donc pas limiteacute une solidariteacute organique essentiellement de type eacuteconomique mais comprend une dimension morale Les deacuteveloppements meacutethodologiques de la creacuteation de ces plateformes pour lrsquoapprentissage social commencent agrave vraiment eacutemerger Elles doivent ecirctre en mesure de reproduire des relations naturo-sociales guideacutees par plusieurs sortes de dynamiques complexes et avec des degreacutes varieacutes de deacutependance (theacuteorie de lrsquoaigle deux ailes de Woodhill et Roumlling 1998) Concernant la gestion de lrsquoeau nature et socieacuteteacute doivent ecirctre modeacuteliseacutees comme deux sous-systegravemes majeurs avec de nombreux liens interactifs dans lesquels lrsquoeau est un eacuteleacutement cleacute Le couplage du systegraveme humain et de lrsquoeacutecosystegraveme se conccediloit dans une perspective heuristique qui reacutesulte drsquoune interdisciplinariteacute inteacutegrant sciences de la nature philosophie sociale philosophie des sciences eacuteducation communication psychologie sociologie sciences politiques

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire

Ces derniegraveres anneacutees plusieurs approches pour tenter de reacutesoudre les conflits lieacutes agrave la gestion des ressources naturelles se sont tourneacutees vers la meacutediation lrsquoapprentissage et les approches participatives (Bousquet et al 1999) Lrsquoune drsquoentre-elles appeleacutee Modeacutelisation drsquoAccompagnement est porteacutee par un collectif de chercheurs (Collectif ComMod 2006) qui propose de srsquoappuyer sur divers outils de modeacutelisation comme la simulation multi-agents et les jeux de rocircles pour aider agrave mener une reacuteflexion collective Plusieurs expeacuteriences de terrain ont deacutejagrave montreacute lrsquoefficaciteacute de cette approche pour faciliter le dialogue le partage de connaissances la neacutegociation et la prise de deacutecision collective (Etienne et al 2003 Barreteau et al 2007 Bousquet et al 2007 Mathevet et al 2007 Becu et al 2008 Souchegravere et al 2009) Face au risque de ruissellement eacuterosif en Seine Maritime on choisit drsquoadopter cette deacutemarche pour nourrir le discours social drsquoalternatives fournir les outils pour une action sociale collective et creacuteer un cadre drsquoactions actif Lrsquoapproche de modeacutelisation drsquoaccompagnement est associeacutee lrsquoutilisation de deux sortes drsquoartefacts le jeu de rocircles et les simulations informatiques destineacutees lrsquoexploration des conseacutequences de strateacutegies drsquoactions afin de favoriser les discussions et de ce fait renforcer le processus drsquoapprentissage collectif Lrsquoapparition du jeu de rocircles formatif est le reacutesultat de lrsquoassociation des jeux de rocircles ludiques

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 4: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

3

23) Le deacuteroulement de la partie 40

IV) Mise en perspective de la deacutemarche 41

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques 41

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine 43

3) Discussion 45

Bibliographie 47

RESUME 50

Liste des figures

Figure 1 Manifestation du ruissellement concentreacute 6 Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie 8 Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie) 8 Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009) 9 Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010) 11 Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM 12 Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare 14 Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m) 15 Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement et de lrsquoeacuterosion pour une crue deacutecennale 20 Figure 10 Cartes de sensibiliteacute au ruissellement et lrsquoeacuterosion 21 Figure 11 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute 23 Figure 12 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif 25 Figure 13 Hydrogrammes (SOCOSE) de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin 25 Figure 14 Beacutetoires et marniegravere 27 Figure 15 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de transport souterrain 30 Figure 16 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb 33 Figure 17 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare 35 Figure 18 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu (photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs) 36 Figure 19 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau 37 Figure 20 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions 38 Figure 21 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees 39 Figure 22 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du synidcat 43 Figure 23 Utilisation des supports de jeu 44

Liste des tableaux

Tableau 1 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques et de lrsquooccupation du sol du bassin fictif 16 Tableau 2 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration Dr temps de monteacutee de lrsquohydrogramme SOCOSE 16 Tableau 3 Parameacutetrages des sceacutenario pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats 19 Tableau 4 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare 21 Tableau 5 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention 24 Tableau 6 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot 30 Tableau 7 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare 31

4

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute

Le projet SURGE (Solidariteacute Urbain Rural en Gestion de lrsquoEau) de lrsquoappel drsquooffre Eaux et Territoires est consacreacute agrave la compreacutehension des interdeacutependances entre monde urbain et monde rural en lien avec la gestion de lrsquoeau Il srsquoagit de proposer un accompagnement des processus de deacutecision collective dans la construction drsquoune relation entre monde urbain et monde rural sur trois eacutetudes de cas qui preacutesentent des questions speacutecifiques quant agrave la gestion de lrsquoeau i) le partage drsquoinfrastructures de gestion de lrsquoeau dans le Bas-Rhin ii) le partage de la ressource en eau dans le bassin de Thau iii) le ruissellement eacuterosif dans le Pays de Caux Lrsquoobjectif est drsquoidentifier des voies possibles de concertation via la mobilisation de diffeacuterentes formes de solidariteacute sur des terrains dont les composantes urbaines et rurales sont porteuses de compleacutementariteacutes potentielles La solidariteacute nrsquoest pas une relation sociale spontaneacutee mais reacutesulte drsquoun systegraveme drsquoeacutechanges et de conflits drsquoune multitude de flux qui donnent lieu des compleacutementariteacutes Il existe un veacuteritable dilemme entre choisir une apparente autonomie en favorisant son individualiteacute et choisir lrsquointeacutegration la coopeacuteration et la solidariteacute Le concept de solidariteacute est vaste et plusieurs formes de relations coexistent selon les situations et les enjeux collectifs (Paugam 2007 Bots 2007) Les crises ou catastrophes naturelles creacuteent des moments de tension et de prise de conscience des reacuteseaux complexes drsquointerdeacutependances et de relations de reacuteciprociteacute pouvant nourrir des actions de solidariteacute (Cartier 2007) Mais plus qursquoune solidariteacute de secours la reacuteduction des risques neacutecessite une solidariteacute de preacutevention qui repose sur la reacutepartition des contraintes entre activiteacutes sacrifices et compensations collectives On voit ici apparaicirctre des consideacuterations eacutethiques alors que les dispositifs de gestion actuels des bassins versants tout droit heacuteriteacutes drsquoune eacutepisteacutemologie instrumentaliste sont centreacutes sur la dimension technique Lrsquoinstrumentalisme srsquoinscrit dans le cadre des theacuteories positivistes (ou reacutealistes) de la connaissance Il est baseacute sur la connaissance preacutesumeacutee des relations pheacutenomeacutenales de causes agrave effets du monde naturel et social Il postule en effet lrsquoexistence drsquoune veacuteriteacute scientifique indeacutependante des valeurs humaines ou des pouvoirs politiques et precircte donc peu drsquointentions aux implications eacutethiques ou morales Cette raison instrumentale a conduit agrave leacutegitimer une culture drsquoexperts et accorder une toute confiance dans les sciences et technologies pour apporter les solutions aux situations probleacutematiques Seulement la multipliciteacute de visions drsquoexperts toujours plus speacutecialiseacutes tend diminuer leurs capaciteacutes preacutevoir toutes les conseacutequences de leurs deacutecisions (Giddens 1990) Et les limites de la penseacutee instrumentale se font ressentir lorsque les dimensions drsquoun problegraveme deviennent trop nombreuses pour que la penseacutee reacuteductionniste (complexiteacute reacuteduite agrave ses eacuteleacutements constitutifs) parvienne agrave maicirctriser totalement les relations non lineacuteaires de causes agrave effets les pheacutenomegravenes de reacutetroaction et agrave neacutegliger ou deacutevaluer certains aspects (notamment socieacutetaux) Pour pallier la faiblesse des dispositifs de gestion actuels qui conduisent agrave des simplifications et raccourcis souvent inapproprieacutes il est essentiel de se libeacuterer des meacutethodes positivistes de questionnements Une alternative consiste alors agrave adopter la position conceptuelle opposeacutee en envisageant des solutions de gestion baseacutees sur lrsquoeacutepisteacutemologie constructiviste Selon la position constructiviste la science se doit drsquoexpliquer et de comprendre ce que lrsquoexpeacuterience humaine perccediloit et non expliquer et comprendre une reacutealiteacute externe Elle se base sur lrsquoexpeacuterience humaine de la reacutealiteacute en lien avec un savoir conccedilu par les processus sociaux Le concept global drsquoapprentissage social (Argyris et Schon 1978 Leeuwis 2002 Keen 2005) constitue un cadre pour penser le processus de connaissance neacutecessaire pour que nos socieacuteteacutes puissent se saisir de probleacutematiques multifactorielles complexes et proposer des politiques guideacutees par lrsquoeacutethique Lrsquoapprentissage social repreacutesente ainsi la fois une approche et une philosophie centreacutee sur un processus participatif du changement social Le concept est

5

baseacute sur la croyance drsquoun potentiel de transformation social pouvant influencer le contexte politico-eacuteconomique Cela nous amegravene agrave nous questionner sur les structures sociales et les moyens de deacuteveloppement drsquoune approche holistique et inteacutegreacutee Lrsquointeacutegration de la dimension humaine neacutecessite de concevoir des plateformes pour lrsquoapprentissage social et la prise de deacutecisions Ce type drsquoapprentissage est intimement lieacute la participation dans des groupes drsquoapprentissages ougrave des normes et concepts sont collectivement eacutetablis en rendant les choses visibles en aidant les personnes agrave reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation des analyses partageacutees et de lrsquoobservation Le processus de reacuteflexion iteacuterative qui survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec drsquoautres donne accegraves deux modes drsquoapprentissage lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Keen 2006) et lrsquoapprentissage transformatif (Mezirow 1995 et 1996 et 2000) En amenant les acteurs agrave dialoguer autour drsquoune probleacutematique commune les intersubjectiviteacutes permettent drsquoeacutetablir une perspective partageacutee drsquoun problegraveme et par suite drsquoaboutir une compreacutehension du systegraveme et de la complexiteacute de ses dynamiques Le partage de points de vue permet un eacutelargissement de lrsquoesprit et une familiarisation avec les inteacuterecircts geacuteneacuteraux au-del de lrsquoimmeacutediateteacute des circonstances individuelles La participation aide agrave combattre les individualismes et agrave inteacutegrer les individus au sein drsquoune communauteacute Selon (Dagger 1997) ceux qui prennent une part active dans la vie drsquoun groupe ont tendance deacutevelopper un attachement envers celui-ci et agrave identifier par empathie et attention leurs inteacuterecircts agrave ceux du groupe Cette identification promeut la solidariteacute Le concept de solidariteacute auquel on se reacutefegravere nrsquoest donc pas limiteacute une solidariteacute organique essentiellement de type eacuteconomique mais comprend une dimension morale Les deacuteveloppements meacutethodologiques de la creacuteation de ces plateformes pour lrsquoapprentissage social commencent agrave vraiment eacutemerger Elles doivent ecirctre en mesure de reproduire des relations naturo-sociales guideacutees par plusieurs sortes de dynamiques complexes et avec des degreacutes varieacutes de deacutependance (theacuteorie de lrsquoaigle deux ailes de Woodhill et Roumlling 1998) Concernant la gestion de lrsquoeau nature et socieacuteteacute doivent ecirctre modeacuteliseacutees comme deux sous-systegravemes majeurs avec de nombreux liens interactifs dans lesquels lrsquoeau est un eacuteleacutement cleacute Le couplage du systegraveme humain et de lrsquoeacutecosystegraveme se conccediloit dans une perspective heuristique qui reacutesulte drsquoune interdisciplinariteacute inteacutegrant sciences de la nature philosophie sociale philosophie des sciences eacuteducation communication psychologie sociologie sciences politiques

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire

Ces derniegraveres anneacutees plusieurs approches pour tenter de reacutesoudre les conflits lieacutes agrave la gestion des ressources naturelles se sont tourneacutees vers la meacutediation lrsquoapprentissage et les approches participatives (Bousquet et al 1999) Lrsquoune drsquoentre-elles appeleacutee Modeacutelisation drsquoAccompagnement est porteacutee par un collectif de chercheurs (Collectif ComMod 2006) qui propose de srsquoappuyer sur divers outils de modeacutelisation comme la simulation multi-agents et les jeux de rocircles pour aider agrave mener une reacuteflexion collective Plusieurs expeacuteriences de terrain ont deacutejagrave montreacute lrsquoefficaciteacute de cette approche pour faciliter le dialogue le partage de connaissances la neacutegociation et la prise de deacutecision collective (Etienne et al 2003 Barreteau et al 2007 Bousquet et al 2007 Mathevet et al 2007 Becu et al 2008 Souchegravere et al 2009) Face au risque de ruissellement eacuterosif en Seine Maritime on choisit drsquoadopter cette deacutemarche pour nourrir le discours social drsquoalternatives fournir les outils pour une action sociale collective et creacuteer un cadre drsquoactions actif Lrsquoapproche de modeacutelisation drsquoaccompagnement est associeacutee lrsquoutilisation de deux sortes drsquoartefacts le jeu de rocircles et les simulations informatiques destineacutees lrsquoexploration des conseacutequences de strateacutegies drsquoactions afin de favoriser les discussions et de ce fait renforcer le processus drsquoapprentissage collectif Lrsquoapparition du jeu de rocircles formatif est le reacutesultat de lrsquoassociation des jeux de rocircles ludiques

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 5: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

4

I) Introduction une gestion inteacutegreacutee du risque de ruissellement eacuterosif

1) Correspondance entre interfaces participatifs apprentissages et solidariteacute

Le projet SURGE (Solidariteacute Urbain Rural en Gestion de lrsquoEau) de lrsquoappel drsquooffre Eaux et Territoires est consacreacute agrave la compreacutehension des interdeacutependances entre monde urbain et monde rural en lien avec la gestion de lrsquoeau Il srsquoagit de proposer un accompagnement des processus de deacutecision collective dans la construction drsquoune relation entre monde urbain et monde rural sur trois eacutetudes de cas qui preacutesentent des questions speacutecifiques quant agrave la gestion de lrsquoeau i) le partage drsquoinfrastructures de gestion de lrsquoeau dans le Bas-Rhin ii) le partage de la ressource en eau dans le bassin de Thau iii) le ruissellement eacuterosif dans le Pays de Caux Lrsquoobjectif est drsquoidentifier des voies possibles de concertation via la mobilisation de diffeacuterentes formes de solidariteacute sur des terrains dont les composantes urbaines et rurales sont porteuses de compleacutementariteacutes potentielles La solidariteacute nrsquoest pas une relation sociale spontaneacutee mais reacutesulte drsquoun systegraveme drsquoeacutechanges et de conflits drsquoune multitude de flux qui donnent lieu des compleacutementariteacutes Il existe un veacuteritable dilemme entre choisir une apparente autonomie en favorisant son individualiteacute et choisir lrsquointeacutegration la coopeacuteration et la solidariteacute Le concept de solidariteacute est vaste et plusieurs formes de relations coexistent selon les situations et les enjeux collectifs (Paugam 2007 Bots 2007) Les crises ou catastrophes naturelles creacuteent des moments de tension et de prise de conscience des reacuteseaux complexes drsquointerdeacutependances et de relations de reacuteciprociteacute pouvant nourrir des actions de solidariteacute (Cartier 2007) Mais plus qursquoune solidariteacute de secours la reacuteduction des risques neacutecessite une solidariteacute de preacutevention qui repose sur la reacutepartition des contraintes entre activiteacutes sacrifices et compensations collectives On voit ici apparaicirctre des consideacuterations eacutethiques alors que les dispositifs de gestion actuels des bassins versants tout droit heacuteriteacutes drsquoune eacutepisteacutemologie instrumentaliste sont centreacutes sur la dimension technique Lrsquoinstrumentalisme srsquoinscrit dans le cadre des theacuteories positivistes (ou reacutealistes) de la connaissance Il est baseacute sur la connaissance preacutesumeacutee des relations pheacutenomeacutenales de causes agrave effets du monde naturel et social Il postule en effet lrsquoexistence drsquoune veacuteriteacute scientifique indeacutependante des valeurs humaines ou des pouvoirs politiques et precircte donc peu drsquointentions aux implications eacutethiques ou morales Cette raison instrumentale a conduit agrave leacutegitimer une culture drsquoexperts et accorder une toute confiance dans les sciences et technologies pour apporter les solutions aux situations probleacutematiques Seulement la multipliciteacute de visions drsquoexperts toujours plus speacutecialiseacutes tend diminuer leurs capaciteacutes preacutevoir toutes les conseacutequences de leurs deacutecisions (Giddens 1990) Et les limites de la penseacutee instrumentale se font ressentir lorsque les dimensions drsquoun problegraveme deviennent trop nombreuses pour que la penseacutee reacuteductionniste (complexiteacute reacuteduite agrave ses eacuteleacutements constitutifs) parvienne agrave maicirctriser totalement les relations non lineacuteaires de causes agrave effets les pheacutenomegravenes de reacutetroaction et agrave neacutegliger ou deacutevaluer certains aspects (notamment socieacutetaux) Pour pallier la faiblesse des dispositifs de gestion actuels qui conduisent agrave des simplifications et raccourcis souvent inapproprieacutes il est essentiel de se libeacuterer des meacutethodes positivistes de questionnements Une alternative consiste alors agrave adopter la position conceptuelle opposeacutee en envisageant des solutions de gestion baseacutees sur lrsquoeacutepisteacutemologie constructiviste Selon la position constructiviste la science se doit drsquoexpliquer et de comprendre ce que lrsquoexpeacuterience humaine perccediloit et non expliquer et comprendre une reacutealiteacute externe Elle se base sur lrsquoexpeacuterience humaine de la reacutealiteacute en lien avec un savoir conccedilu par les processus sociaux Le concept global drsquoapprentissage social (Argyris et Schon 1978 Leeuwis 2002 Keen 2005) constitue un cadre pour penser le processus de connaissance neacutecessaire pour que nos socieacuteteacutes puissent se saisir de probleacutematiques multifactorielles complexes et proposer des politiques guideacutees par lrsquoeacutethique Lrsquoapprentissage social repreacutesente ainsi la fois une approche et une philosophie centreacutee sur un processus participatif du changement social Le concept est

5

baseacute sur la croyance drsquoun potentiel de transformation social pouvant influencer le contexte politico-eacuteconomique Cela nous amegravene agrave nous questionner sur les structures sociales et les moyens de deacuteveloppement drsquoune approche holistique et inteacutegreacutee Lrsquointeacutegration de la dimension humaine neacutecessite de concevoir des plateformes pour lrsquoapprentissage social et la prise de deacutecisions Ce type drsquoapprentissage est intimement lieacute la participation dans des groupes drsquoapprentissages ougrave des normes et concepts sont collectivement eacutetablis en rendant les choses visibles en aidant les personnes agrave reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation des analyses partageacutees et de lrsquoobservation Le processus de reacuteflexion iteacuterative qui survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec drsquoautres donne accegraves deux modes drsquoapprentissage lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Keen 2006) et lrsquoapprentissage transformatif (Mezirow 1995 et 1996 et 2000) En amenant les acteurs agrave dialoguer autour drsquoune probleacutematique commune les intersubjectiviteacutes permettent drsquoeacutetablir une perspective partageacutee drsquoun problegraveme et par suite drsquoaboutir une compreacutehension du systegraveme et de la complexiteacute de ses dynamiques Le partage de points de vue permet un eacutelargissement de lrsquoesprit et une familiarisation avec les inteacuterecircts geacuteneacuteraux au-del de lrsquoimmeacutediateteacute des circonstances individuelles La participation aide agrave combattre les individualismes et agrave inteacutegrer les individus au sein drsquoune communauteacute Selon (Dagger 1997) ceux qui prennent une part active dans la vie drsquoun groupe ont tendance deacutevelopper un attachement envers celui-ci et agrave identifier par empathie et attention leurs inteacuterecircts agrave ceux du groupe Cette identification promeut la solidariteacute Le concept de solidariteacute auquel on se reacutefegravere nrsquoest donc pas limiteacute une solidariteacute organique essentiellement de type eacuteconomique mais comprend une dimension morale Les deacuteveloppements meacutethodologiques de la creacuteation de ces plateformes pour lrsquoapprentissage social commencent agrave vraiment eacutemerger Elles doivent ecirctre en mesure de reproduire des relations naturo-sociales guideacutees par plusieurs sortes de dynamiques complexes et avec des degreacutes varieacutes de deacutependance (theacuteorie de lrsquoaigle deux ailes de Woodhill et Roumlling 1998) Concernant la gestion de lrsquoeau nature et socieacuteteacute doivent ecirctre modeacuteliseacutees comme deux sous-systegravemes majeurs avec de nombreux liens interactifs dans lesquels lrsquoeau est un eacuteleacutement cleacute Le couplage du systegraveme humain et de lrsquoeacutecosystegraveme se conccediloit dans une perspective heuristique qui reacutesulte drsquoune interdisciplinariteacute inteacutegrant sciences de la nature philosophie sociale philosophie des sciences eacuteducation communication psychologie sociologie sciences politiques

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire

Ces derniegraveres anneacutees plusieurs approches pour tenter de reacutesoudre les conflits lieacutes agrave la gestion des ressources naturelles se sont tourneacutees vers la meacutediation lrsquoapprentissage et les approches participatives (Bousquet et al 1999) Lrsquoune drsquoentre-elles appeleacutee Modeacutelisation drsquoAccompagnement est porteacutee par un collectif de chercheurs (Collectif ComMod 2006) qui propose de srsquoappuyer sur divers outils de modeacutelisation comme la simulation multi-agents et les jeux de rocircles pour aider agrave mener une reacuteflexion collective Plusieurs expeacuteriences de terrain ont deacutejagrave montreacute lrsquoefficaciteacute de cette approche pour faciliter le dialogue le partage de connaissances la neacutegociation et la prise de deacutecision collective (Etienne et al 2003 Barreteau et al 2007 Bousquet et al 2007 Mathevet et al 2007 Becu et al 2008 Souchegravere et al 2009) Face au risque de ruissellement eacuterosif en Seine Maritime on choisit drsquoadopter cette deacutemarche pour nourrir le discours social drsquoalternatives fournir les outils pour une action sociale collective et creacuteer un cadre drsquoactions actif Lrsquoapproche de modeacutelisation drsquoaccompagnement est associeacutee lrsquoutilisation de deux sortes drsquoartefacts le jeu de rocircles et les simulations informatiques destineacutees lrsquoexploration des conseacutequences de strateacutegies drsquoactions afin de favoriser les discussions et de ce fait renforcer le processus drsquoapprentissage collectif Lrsquoapparition du jeu de rocircles formatif est le reacutesultat de lrsquoassociation des jeux de rocircles ludiques

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 6: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

5

baseacute sur la croyance drsquoun potentiel de transformation social pouvant influencer le contexte politico-eacuteconomique Cela nous amegravene agrave nous questionner sur les structures sociales et les moyens de deacuteveloppement drsquoune approche holistique et inteacutegreacutee Lrsquointeacutegration de la dimension humaine neacutecessite de concevoir des plateformes pour lrsquoapprentissage social et la prise de deacutecisions Ce type drsquoapprentissage est intimement lieacute la participation dans des groupes drsquoapprentissages ougrave des normes et concepts sont collectivement eacutetablis en rendant les choses visibles en aidant les personnes agrave reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation des analyses partageacutees et de lrsquoobservation Le processus de reacuteflexion iteacuterative qui survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec drsquoautres donne accegraves deux modes drsquoapprentissage lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Keen 2006) et lrsquoapprentissage transformatif (Mezirow 1995 et 1996 et 2000) En amenant les acteurs agrave dialoguer autour drsquoune probleacutematique commune les intersubjectiviteacutes permettent drsquoeacutetablir une perspective partageacutee drsquoun problegraveme et par suite drsquoaboutir une compreacutehension du systegraveme et de la complexiteacute de ses dynamiques Le partage de points de vue permet un eacutelargissement de lrsquoesprit et une familiarisation avec les inteacuterecircts geacuteneacuteraux au-del de lrsquoimmeacutediateteacute des circonstances individuelles La participation aide agrave combattre les individualismes et agrave inteacutegrer les individus au sein drsquoune communauteacute Selon (Dagger 1997) ceux qui prennent une part active dans la vie drsquoun groupe ont tendance deacutevelopper un attachement envers celui-ci et agrave identifier par empathie et attention leurs inteacuterecircts agrave ceux du groupe Cette identification promeut la solidariteacute Le concept de solidariteacute auquel on se reacutefegravere nrsquoest donc pas limiteacute une solidariteacute organique essentiellement de type eacuteconomique mais comprend une dimension morale Les deacuteveloppements meacutethodologiques de la creacuteation de ces plateformes pour lrsquoapprentissage social commencent agrave vraiment eacutemerger Elles doivent ecirctre en mesure de reproduire des relations naturo-sociales guideacutees par plusieurs sortes de dynamiques complexes et avec des degreacutes varieacutes de deacutependance (theacuteorie de lrsquoaigle deux ailes de Woodhill et Roumlling 1998) Concernant la gestion de lrsquoeau nature et socieacuteteacute doivent ecirctre modeacuteliseacutees comme deux sous-systegravemes majeurs avec de nombreux liens interactifs dans lesquels lrsquoeau est un eacuteleacutement cleacute Le couplage du systegraveme humain et de lrsquoeacutecosystegraveme se conccediloit dans une perspective heuristique qui reacutesulte drsquoune interdisciplinariteacute inteacutegrant sciences de la nature philosophie sociale philosophie des sciences eacuteducation communication psychologie sociologie sciences politiques

2) La modeacutelisation drsquoaccompagnement un outil de gestion inteacutegreacutee et solidaire

Ces derniegraveres anneacutees plusieurs approches pour tenter de reacutesoudre les conflits lieacutes agrave la gestion des ressources naturelles se sont tourneacutees vers la meacutediation lrsquoapprentissage et les approches participatives (Bousquet et al 1999) Lrsquoune drsquoentre-elles appeleacutee Modeacutelisation drsquoAccompagnement est porteacutee par un collectif de chercheurs (Collectif ComMod 2006) qui propose de srsquoappuyer sur divers outils de modeacutelisation comme la simulation multi-agents et les jeux de rocircles pour aider agrave mener une reacuteflexion collective Plusieurs expeacuteriences de terrain ont deacutejagrave montreacute lrsquoefficaciteacute de cette approche pour faciliter le dialogue le partage de connaissances la neacutegociation et la prise de deacutecision collective (Etienne et al 2003 Barreteau et al 2007 Bousquet et al 2007 Mathevet et al 2007 Becu et al 2008 Souchegravere et al 2009) Face au risque de ruissellement eacuterosif en Seine Maritime on choisit drsquoadopter cette deacutemarche pour nourrir le discours social drsquoalternatives fournir les outils pour une action sociale collective et creacuteer un cadre drsquoactions actif Lrsquoapproche de modeacutelisation drsquoaccompagnement est associeacutee lrsquoutilisation de deux sortes drsquoartefacts le jeu de rocircles et les simulations informatiques destineacutees lrsquoexploration des conseacutequences de strateacutegies drsquoactions afin de favoriser les discussions et de ce fait renforcer le processus drsquoapprentissage collectif Lrsquoapparition du jeu de rocircles formatif est le reacutesultat de lrsquoassociation des jeux de rocircles ludiques

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 7: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

6

et de diffeacuterentes approches psychosociales (pratiques theacuterapeutiques et ludopeacutedagogiques) Le jeu de rocircles est utiliseacute comme un intermeacutediaire un meacutediateur pour exprimer des sentiments et creacuteer un nouveau monde dans lequel les discussions sont possibles et les tensions soutenables La pratique du jeu de rocircles en faisant appel aux divers modes de lrsquoapprentissage expeacuterientiel permet de proposer des initiatives de les mener agrave terme et de srsquoentraicircner prendre des deacutecisions collectivement et en assumer les conseacutequences Un autre eacuteleacutement fondamental du jeu de rocircles est qursquoil implique une autoformation la mise en coheacuterence du dire et du faire et agrave la remise en cause de ses pratiques en reacuteveacutelant la complexiteacute de la laquo reacutealiteacute raquo Il est important de preacuteciser que cette meacutethodologie ne vise pas directement agrave seacutelectionner laquola raquo bonne solution au problegraveme eacutetudieacute mais agrave stimuler lrsquoidentification conjointe drsquoalternatives la situation courante et la discussion pour faciliter le processus de deacutecision collective Lrsquoappropriation de cette deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement fait sens en Haute Normandie car la probleacutematique du ruissellement eacuterosif possegravede toutes les caracteacuteristiques qui motivent le recours agrave une gestion inteacutegreacutee lrsquoeacutechelle du bassin versant

3) Une probleacutematique immeacutediate et reacuteelle le ruissellement eacuterosif

Au cours des derniegraveres deacutecennies des deacutesordres hydrologiques (inondations couleacutees boueuses) reacutepeacutetitifs ont eacuteteacute enregistreacutes directement en lien avec les pheacutenomegravenes drsquoaccroissement du ruissellement depuis les plateaux agricoles En 1999 apregraves des inondations exceptionnelles ayant entraineacute des deacutecegraves le Preacutefet de Seine Maritime a mis en place une couverture complegravete du deacutepartement en syndicats de bassins versants ayant pour vocation exclusive de lutter contre les ruissellements lrsquoeacuterosion et les inondations De surcroicirct lrsquoensemble du deacutepartement a eacuteteacute classeacute par lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie (AESN) en zones drsquoaction renforceacutee (ZAR) pour la maicirctrise du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des zones cultiveacutees

31) Origines et conseacutequences du ruissellement eacuterosif en Seine-Maritime

Le ruissellement est en geacuteneacuteral peu abondant dans les bassins de la craie de Seine-Maritime agrave lrsquoeacutechelle drsquoun cycle hydrologique En revanche il peut devenir tregraves abondant voir catastrophique en cas drsquoorage violent pendant quelques heures avec des couleacutees de boue qui parviennent sur les routes et peuvent aussi parfois contribuer lrsquoeffondrement des bacirctiments et entraicircner le deacutecegraves de personnes Sur les terres agricoles suite lrsquoimpact des gouttes de pluie sur les limons sableux et faiblement argileux une couche impermeacuteable se forme en surface appeleacutee croucircte de battance sur laquelle lrsquoeau ruisselle abondamment Le ruissellement engendreacute prend alors deux formes ruissellement diffus (ou en nappe) et ruissellement concentreacute Le ruissellement en nappe se produit de faccedilon diffuse sur les parcelles et est associeacute agrave un pouvoir eacuterosif limiteacute En revanche le ruissellement concentreacute qui deacutepend de la pente et du microrelief des terrains se concentre et acquiert un pouvoir eacuterosif important capable de creacuteer des rigoles ou ravines (Figure 1)

Figure 1 Manifestations du ruissellement concentreacute

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 8: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

7

La quasi-totaliteacute du deacutepartement de Seine-Maritime est concerneacutee par un aleacutea eacuterosion fort agrave tregraves fort Et entre 1983 et 2003 toutes les communes du deacutepartement ont fait lrsquoobjet drsquoau moins un arrecircteacute de catastrophes naturelles laquo inondations raquo Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif reacutesulte de facteurs naturels deacutefavorables avec des conditions climatiques particuliegraveres (longues pluies drsquohiver ou orages drsquoeacuteteacute localiseacutes) lrsquoeacuterodabiliteacute des sols et des facteurs anthropiques aggravants lieacutes agrave un ensemble de modifications dans lrsquooccupation des sols et dans les pratiques En effet les pratiques culturales contribuent accroicirctre le potentiel de ruissellement en remplaccedilant les zones de pacircturages (agrave forte capaciteacute drsquoinfiltration) par des systegravemes de grandes cultures propices au ruissellement et lrsquoeacuterosion (pommes de terre lin bleacute hellip) Aussi lrsquoinstallation reacutesidentielle des populations en zones peacuteriurbaines augmente les surfaces impermeacuteabiliseacutees et favorise les inondations et couleacutees de boue en fonds de valleacutees Cette dynamique peacuteriurbaine accroit eacutegalement la vulneacuterabiliteacute au risque eacuterosif (atteinte aux biens et personnes) Sur les zones amont les deacutegacircts concernent essentiellement les terres agricoles soit parce que des cultures sont emporteacutees par le ruissellement avec les formations superficielles soit parce que la formation de ravines plus ou moins importantes peut gecircner le passage des engins agricoles De faccedilon indirecte les conseacutequences du ruissellement se traduisent par une perturbation et une deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau Les apports de matiegraveres en suspension par les eaux de ruissellement impactent la fois les eaux superficielles (limitation de lrsquoactiviteacute photosyntheacutetique envasement des frayegraveres) et les eaux souterraines La pollution des eaux souterraines est particuliegraverement preacuteoccupante puisqursquoelles constituent la ressource principale en eau potable Elles sont ainsi reacuteguliegraverement affecteacutees par de la turbiditeacute variable qui permet de caracteacuteriser le trouble de lrsquoeau Cette derniegravere est lieacutee agrave la concentration de matiegraveres en suspension (MES) quantifieacutee indirectement par une mesure optique (uniteacute de turbiditeacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU) La reacutefeacuterence de qualiteacute pour les eaux souterraines influenceacutees par les eaux superficielles est de 05 NFU En Haute Normandie un nombre important de captages pour lrsquoAEP exploite des eaux karstiques et la norme est freacutequemment deacutepasseacutee Ces deacutepassements sont principalement le reacutesultat de lrsquoengouffrement rapide dans le karst des eaux de ruissellement chargeacutees en argiles et limons qui couvrent la surface du sol La qualiteacute de lrsquoeau peut alors ecirctre affecteacutee tant du point de vue des paramegravetres organoleptiques (couleur goucirct odeur) que du point de vue du risque microbiologique lieacute agrave la fixation des bacteacuteries sur les particules Gracircce lrsquoadsorption des nutriments aux surfaces les bacteacuteries peuvent se multiplier plus efficacement que si elles eacutetaient en suspension libre Des biofilms ont la possibiliteacute de se former sur les flocs-organomineacuteraux limitant tregraves fortement lrsquoefficaciteacute des traitements deacutesinfectants Drsquoapregraves un modegravele conccedilu par LeChevallier et al 1981 dans httpdsp-psdpwgscgccaCollectionH48-10-1-83-1995Fpdf ) si la turbiditeacute passe de 1 10 NFU une dose constante de chlore lrsquoefficaciteacute diminue drsquoun facteur de huit Drsquoapregraves lrsquoARS en 2001 pregraves de 20 de la population en Haute Normandie srsquoest vue distribuer une eau non conforme vis-agrave-vis des normes pour la turbiditeacute A partir de la banque de donneacutees ADES (httpwwwadeseaufrancefr) qui permet drsquoacceacuteder la qualiteacute des eaux brutes souterraines on montre que sur les 4000 mesures disponibles pour le deacutepartement entre 1990 et 2010 seulement 40 sont conformes aux normes de potabiliteacute et peuvent donc ecirctre exploiteacutees sans traitement (Figure 2)

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 9: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

8

Figure 2 Qualiteacute de leau brute en Seine Normandie

32) Le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec

En lien avec lrsquoaggravation des pheacutenomegravenes drsquoinondations dans les communes des bassins versants du Cailly de lrsquoAubette et du Robec les eacutelus locaux ont souhaiteacute degraves 1996 la mise en place drsquoun Scheacutema drsquoAmeacutenagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui a eacuteteacute approuveacute par arrecircteacute preacutefectoral le 23122005 Lrsquoensemble du territoire (Figure 3) est diviseacute en 21 sous bassins-versants au sein desquels se cocirctoient des zones agrave vocation urbaine et industrielle souvent en fond de valleacutee et des zones amont essentiellement agricoles Il srsquoagit donc drsquoun espace ougrave se rencontrent contraintes rurales et urbaines

Figure 3 Territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec (Haute Normandie)

Le livret 2 du SAGE affiche deux grandes orientations en lien avec le pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences La premiegravere orientation concerne la seacutecurisation des biens et des personnes face aux risques drsquoinondation et de ruissellement La seconde aborde la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour lrsquoalimentation en eau potable Les plans drsquoactions deacutefinis au sein de ces orientations affichent une volonteacute de gestion du risque plus preacuteventive Jusqursquoagrave preacutesent la politique publique meneacutee srsquoappuyait plutocirct sur des mesures curatives structurelles (ex construction de bassins de reacutetention drsquousines drsquoultrafiltration) Adopter une strateacutegie preacuteventive signifie ecirctre en mesure de traiter les causes du ruissellement en amont de sa production notamment en reacutealisant des ameacutenagements drsquohydraulique douce (implantation de bandes enherbeacutees fascines haies etc) ou au travers de regraveglementations inscrites dans des documents drsquourbanisme (SCOT PLU PPRI) Crsquoest pourquoi le syndicat mixte qui regroupe lrsquoensemble des maicirctres drsquoouvrages dans

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 10: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

9

le domaine de lrsquoeau (16 au total) srsquoest montreacute tregraves favorable la mise en œuvre drsquoune eacutetude sur sont territoire pour reacutefleacutechir agrave une gestion inteacutegreacutee du problegraveme de ruissellement eacuterosif et de la qualiteacute de lrsquoeau La globaliteacute des interactions conduit agrave rechercher une gestion agrave lrsquoeacutechelle des problegravemes physiques Le choix de lrsquoanimatrice du SAGE srsquoest porteacute sur le sous bassin versant du Haut-Cailly Le secteur preacutesente conjointement des enjeux drsquoeacuterosion drsquoinondation de protection AEP (Alimentation en Eau Potable) et une urbanisation assez dynamique Situeacute aux portes de la CREA (Communauteacute drsquoAgglomeacuteration de Rouen Elbeuf Austreberthe) il srsquoeacutetend sur 16 000 hectares Le territoire historiquement rural appartient aujourdrsquohui lrsquoaire drsquoinfluence rouennaise Les communes rurales connaissent une pression deacutemographique lieacutee agrave la proximiteacute du bassin drsquoemplois de la CREA mais le territoire reste essentiellement agricole Il connaicirct eacutegalement de ce point de vue lagrave des mutations depuis une trentaine drsquoanneacutees avec le remplacement progressif des zones de pacircturages par lrsquoimplantation de systegravemes de grandes cultures qui favorisent lrsquoeacutemergence du ruissellement (Beacuteraud 2010) Concernant lrsquoenjeu eau potable afin drsquoalimenter la population et les industries de la communauteacute drsquoagglomeacuterations rouennaise les forages se sont multiplieacutes dans la valleacutee du Haut-Cailly La pression de preacutelegravevement induite eacuteleveacutee (environ 13 de la recharge moyenne) ne montre pas encore drsquoanomalie pieacutezomeacutetrique (ME 3 202) En revanche la qualiteacute de lrsquoeau souffre reacuteguliegraverement de crises turbides en lien avec le ruissellement eacuterosif sur les zones agricoles amont La preacutesence drsquoun karst rend particuliegraverement vulneacuterable un champ captant dans la valleacutee (BRGM 1998) notamment du fait des connexions entre la surface et la ressource souterraine via des points drsquoengouffrements appeleacutes laquo beacutetoires raquo Sur ce bassin lrsquoameacutenagement du territoire srsquoest reacutealiseacute dans le cadre drsquoune faible concertation entre les communes amont et aval geacuteneacuterant aujourdrsquohui des problegravemes de gestion des eaux et de seacutecuriteacute des biens et des personnes Pour essayer de reacuteinscrire localement la solidariteacute il faut rompre avec la solidariteacute providentielle eacutetatique (subventions dispositif CatNat) qui assume des coucircts forfaitaires anonymes sans inciter agrave une reacuteduction preacuteventive des responsabiliteacutes Et pour que de cette rupture eacutemerge une gestion communautaire du risque il faut parvenir agrave afficher les causes anthropiques des nuisances (fragilisation deacuteclenchement ou accentuation de lrsquoaleacutea) et des vulneacuterabiliteacutes individuelles et collectives Car afficher le risque crsquoest aussi afficher les responsabiliteacutes collectives

33) Co-construction drsquoun modegravele conceptuel

La modeacutelisation drsquoaccompagnement est un processus iteacuteratif (Figure 4) Un va-et-vient entre les eacutequipes scientifiques et les acteurs locaux permet drsquoaboutir agrave une repreacutesentation commune de lrsquoenvironnement sur laquelle bacirctir lrsquooutil de discussion

Figure 4 Etapes de la deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement (modifieacute drsquoapregraves Souchegravere 2009)

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 11: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

10

Degraves le deacutebut du projet en 2008 une pluraliteacute drsquoacteurs concerneacutes par le problegraveme du ruissellement eacuterosif srsquoest montreacutee favorable la mise en œuvre drsquoun outil qui leur permettrait drsquoinitier entre eux un processus de coopeacuteration On compte ainsi parmi les participants des institutions comme le syndicat mixte du SAGE lrsquoAgence de lrsquoEau Seine Normandie lrsquoAREAS (Agence Reacutegionale pour lrsquoEtude et lrsquoameacutelioration des Sols) la Chambre drsquoagriculture eacutelus agriculteurs exploitants drsquoeau potable la feacutedeacuteration de chasse des associations de consommateurs hellip) Les expeacuteriences locales des diffeacuterents acteurs permettent drsquoidentifier les enjeux du territoire et drsquoaboutir agrave la question suivante

Comment mettre en œuvre des ameacutenagements drsquohydraulique douce sur le territoire du Haut Cailly afin de limiter les problegravemes de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute des eaux aux captages (en compleacutements des travaux reacutealiseacutes par les collectiviteacutes)

A partir de cette question des ateliers participatifs baseacutes sur la meacutethode ARDI pour Acteurs Ressources Dynamiques Interactions (Etienne et al 2008) ont nourri la construction drsquoun modegravele conceptuel pour lrsquoimpleacutementation drsquoun jeu de rocircles informatiseacute Lrsquoobjectif poursuivit eacutetait drsquoidentifier collectivement les acteurs principaux concerneacutes par les probleacutematiques de ruissellement eacuterosif et de turbiditeacute leurs entiteacutes de gestion et les dynamiques et interactions principales En effet si lrsquoadoption drsquoune vision holistique est cruciale la compreacutehension du tout signifie eacutegalement ecirctre en mesure de comprendre toutes les parties et les relations entre elles Les discussions ont abouti agrave un diagramme drsquointeractions (Figure 5) qui vise agrave reacutecapituler et syntheacutetiser lrsquoensemble des eacuteleacutements ayant eacutemergeacute pendant les reacuteunions Le diagramme illustre que les acteurs ont conscience drsquoun enchevecirctrement des pheacutenomegravenes lieacutes aux processus drsquoeacuterosion et de ruissellement Il donne aussi agrave voir de quelles maniegraveres les diffeacuterents acteurs du territoire perccediloivent leur contribution au ou sont impacteacutes par le ruissellement eacuterosif Les points de vue divergents se cristallisent autour de trois points de tension

1) Lrsquoaccegraves au foncier pour lrsquourbanisation est contraint par la preacutesence de zones inondables et de peacuterimegravetres de protection des captages destineacutes lrsquoAEP

2) La disparition des prairies est causeacutee par lrsquoeacutevolution des activiteacutes humaines augmentation des grandes cultures ceacutereacutealiegraveres et industrielles au deacutetriment des prairies et augmentation des surfaces impermeacuteabiliseacutees (urbanisation routeshellip)

3) Le manque de foncier freine la reacutealisation des ameacutenagements drsquohydraulique douce Ces derniers ont une emprise au sol significative reacuteduisant le potentiel de rendement agricole des parcelles ameacutenageacutees et cette perte nrsquoest pas compenseacutee pour les agriculteurs

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 12: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

11

STH

Massifs boiseacutes

Cultures

Agriculteurs Polyculteurs

Eacuteleveurs

Syndicat BV

Eau potable

Preacutecipitations

Syndicat eau potable

nappe

Eau ruissellement

Habitants

Herbivores

IAA

beacutetoire

Captage

Peacuterimegravetres de protection des captages

Herbe strateacutegique

ETAT

Ouvrages

Communes Maires

Financeurs (AESN CG

Reacutegion Europe Eacutetat)

SAFER

Sols urbaniseacutes

Proprieacutetaire

Sols urbanisables

Voiries

Institutionneldev agricole (CA76)

CER

Eleacutements fixes (haie fascine etc)

Vendre

Vendre

Informer Q eau

Vendre eau

Solliciter aide

Emettre Avis

urbanisation

Conseiller

Eacuterosion

Exercer pression

Exercer pression

Recharger

Preacutelever

Deacutefinir Proteacuteger

Augmenter

Diminuer

Envaser

Ecrecircter

inonder

Geacuteneacuterer

Imposer creacuteation

Proteacuteger

Proteacuteger

Engouffrer

Polluer

Alimenter

Ralentir

Infiltrer

Infiltrer

seacutedimenter

Infiltrer

Proteacuteger

Produire

Brouter

ConsommerGeacuteneacuterer + -

Creacuteer

Entretenir

Surveiller

inonder

distribuer

Acqueacuterir

surveiller

Consommer

Exploiter

Demander changement

statut terre

Deviennent Vendre

Investir

Proteacuteger

faucher

Planifier via

doc urbanismes

eacuteroder

Conseiller Eacuterosion

Production

Aider

identifier

Identifier

proposer

Preacutelever

Redevance

Aide (PAC)

Oriente

Preacutelever impocircts

Informer actions Q eau

Eacutelever

Missionner pour

deacutegager foncier

Acheter

Exproprier

Reacuteguler

Conserver

Changer OTEX

Choisir

Ceacuteder

Enherber

Retourner

Contraindre

EA

Preacutelever

Redevance

Se concerter

Creacuteer

Entretenir

Valoriser bois

Autoriser

Financer

Controcircler

Valider

Reacuteglementer

SET

Imposer

(DUP)

Controcircler

Demander

terrain agrave bacirctir

Ameacuteliorer

cadre de vie

Planifier via

doc urbanismes

Proteacuteger

Geacuteneacuterer

inonder

Figure 5 Modegravele conceptuel issu des seacuteances de co-construction (Saubes 2010)

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 13: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

12

II) Modeacutelisation des processus physiques dans le modegravele Ruisrsquoeau (Ruissellement

Eau potable Agriculture et Urbanisation)

Pour construire le jeu de rocircles Ruisrsquoeau on propose agrave partir de la vision simplifieacutee des acteurs un modegravele qui srsquoarticule selon deux modules lrsquoun en lien avec les processus physiques (ruissellement eacuterosion turbiditeacute) et lrsquoautre avec les processus deacutecisionnels qui reacutesultent des conditions socio-eacuteconomiques Il existe des pheacutenomegravenes de reacutetroaction entre les deux compartiments du modegravele qursquoil faut parvenir agrave coupler

A) Modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

1) Structure du module de ruissellement et drsquoeacuterosion

Depuis quelques anneacutees les modegraveles de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion sont en mesure de

prendre en compte les eacutevolutions spatiales et temporelles des eacutetats de surface Crsquoest le cas (pour les

sols limoneux) du modegravele STREAM (Sealing and Transfer by Runoff and Erosion in relation with

Agricultural Management) deacuteveloppeacute par les eacutequipes de Sciences de sol de lrsquoINRA et de lrsquoUMR

SAD APT de Grignon Connu de plusieurs acteurs locaux et calibreacute dans la reacutegion crsquoest le modegravele

qui a eacuteteacute choisit Il srsquoagit drsquoun modegravele distribueacute deacutefini agrave lrsquoeacutechelle de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux et qui

permet de quantifier le ruissellement (de type Hortonien) et lrsquoeacuterosion en localisant les zones ougrave se

produisent ces pheacutenomegravenes Les reacutesultats des simulations sont aiseacutement visualisables puisque le

modegravele a eacuteteacute inteacutegreacute dans un SIG (sous lrsquointerface ArcGis) Il est cateacutegoriseacute comme un modegravele de

type expert En effet il se base sur des processus physiques connus (infiltration ruissellement)

desquels sont extraits des paramegravetres cleacutes dans la repreacutesentation des meacutecanismes et utiliseacutes ensuite

dans des regravegles de deacutecisions Lrsquohypothegravese de base du modegravele vient du constat selon lequel sur la

plupart des sols agrave texture limoneuse le ruissellement et lrsquoeacuterosion reacutesultent de la diminution de

lrsquoinfiltrabiliteacute en lien avec la deacutegradation structurale de la surface des sols sous lrsquoaction des

preacutecipitations (croucircte de battance) lrsquoinfluence de la rugositeacute (pratiques culturales) et le couvert

veacutegeacutetal

Figure 6 Scheacutema de fonctionnement global du modegravele STREAM

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 14: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

13

Quatre modules composent lrsquoarchitecture du modegravele (Figure 6) trois pour repreacutesenter la fonction de

production (ruissellement eacuterosion diffuse et eacuterosion lineacuteaire) et un pour repreacutesenter la fonction de

transfert (eacutecoulement ou reacuteseau de circulation)

Module infiltration (Cerdan et al 2002)

A lrsquoeacutechelle de la maille la hauteur drsquoeau ruisseleacutee ou infiltreacutee est calculeacutee par un simple bilan partir des caracteacuteristiques de lrsquoeacutepisode pluvieux (hauteur de pluie dureacutee efficace) de la pluie drsquoimbibition (hauteur de pluie neacutecessaire pour atteindre la saturation) et de la capaciteacute drsquoinfiltration

B = PC ndash PI ndash (CIxD)

B bilan en mm PC hauteur de pluie cumuleacutee sur 48 heures mm

PI pluie drsquoimbibition mm CI capaciteacute drsquoinfiltration mmh D dureacutee efficace h

Afin de calculer ce bilan infiltration-ruissellement chaque parcelle se voit allouer une capaciteacute drsquoinfiltration qui reacutesulte de la combinaison des paramegravetres drsquoeacutetat de surface (faciegraves rugositeacute et couverture veacutegeacutetale) qursquoil faut renseigner

Module eacutecoulement Le module eacutecoulement permet de calculer la direction des flux au niveau de chaque pixel et de transfeacuterer les lames drsquoeau accumuleacutees Les meacutethodes de calcul de ce transfert srsquoappuient sur des regravegles de deacutecisions qui integravegrent en sus de la topographie (obtenue par MNT) les conseacutequences des actions anthropiques qui influencent le trajet de lrsquoeau pratiques agricoles (sens de travail du sol traces de roues deacuterayures fourriegraveres) et eacuteleacutements du paysage canalisant lrsquoeacutecoulement (routes haies fosseacuteshellip) (Souchegravere 1995 Souchegravere 1998) En effet en perturbant la rugositeacute de surface le travail du sol peut forcer les directions drsquoeacutecoulement En cas de forte rugositeacute dans le sens perpendiculaire au travail du sol lrsquoeacutecoulement suit les sillons donc le sens du travail du sol Sinon les directions drsquoeacutecoulement sont deacutetermineacutees gracircce une fonction discriminante qui integravegre lrsquointensiteacute de la pente et lrsquoangle entre lrsquoorientation de la pente et celle du travail du sol Quant aux eacuteleacutements lineacuteaires du paysage ils creacuteent des chemins preacutefeacuterentiels de lrsquoeau Ainsi srsquoil existe une deacuterayure (sillon) le module drsquoeacutecoulement eacutetablit la direction de flux selon le sens et la pente de la deacuterayure

Module eacuterosion diffuse

Les eacutetats de surface la rugositeacute le couvert veacutegeacutetal ainsi que lrsquointensiteacute maximale de pluie ( 6 minutes) ont une influence sur la concentration potentielle en seacutediments du ruissellement (Cerdan 2002b) Selon diffeacuterentes combinaisons des preacuteceacutedents facteurs des classes de concentration potentielle des seacutediments sont regroupeacutees dans un tableau de deacutecision agrave entreacutees multiples Ce tableau reacutesulte de la formalisation de reacutesultats essentiellement qualitatifs obtenus pour la plupart en milieu naturel (Cerdan 2002a) agrave partir des mesures de concentrations seacutedimentaires sous diffeacuterentes conditions climatiques eacutetats de la surface du sol couvertures veacutegeacutetaleshellipCette concentration potentielle en seacutediments srsquoexprime lrsquoeacutechelle de la parcelle A lrsquoeacutechelle du bassin versant les seacutediments sont transporteacutes proportionnellement aux volumes ruisseleacutes et des processus de deacutepocircts sont pris en compte Ils surviennent lorsque la charge seacutedimentaire contenue dans le ruissellement excegravede sa capaciteacute de transport Cette derniegravere diminue en fonction des variations topographiques (convexiteacute verticale et intensiteacute de la pente) etou du couvert veacutegeacutetal Les seuils de concentration maximum en seacutediments ont eacuteteacute deacutetermineacutes expeacuterimentalement

Module eacuterosion concentreacutee (Souchegravere 2003)

Les facteurs preacutepondeacuterants retenus pour modeacuteliser lrsquoeacuterosion concentreacutee sont le volume ruisseleacute et la vitesse critique drsquoincision du sol qui combine un facteur de friction et un facteur de coheacutesion

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 15: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

14

De sorte que pour chaque pixel une sensibiliteacute lrsquoeacuterosion concentreacutee est calculeacutee selon la formule

Sensibiliteacute = Pente x volume drsquoeau ruisseleacute x facteur de friction x facteur de coheacutesion

2) Repreacutesentation de lrsquoenvironnement caracteacuteristiques du bassin versant

(morphomeacutetrie occupation du sol)

Des discussions de la phase drsquoeacutelaboration du modegravele conceptuel a eacutemergeacute un jeu drsquoeacutechelles imbriqueacutees pour la gestion du ruissellement eacuterosif la parcelle lrsquoexploitation agricole et le bassin versant (qui est lrsquoeacutechelle la plus approprieacutee pour visualiser les interdeacutependances) En raison de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de ruissellement eacuterosif et de la deacutegradation de la qualiteacute

de lrsquoeau la mise en discussion des solidariteacutes de bassin ne peut se faire qursquoagrave partir drsquoune

repreacutesentation laquo juste raquo ou du moins la plus reacutealiste possible des meacutecanismes laquo naturels raquo en jeu

En effet afin de faire comprendre les conseacutequences globales sur lrsquoenvironnement de deacutecisions

souvent individuelles il srsquoagit de parvenir agrave simuler techniquement les processus de ruissellement

eacuterosif pour geacuteneacuterer des ravines des risques drsquoinondations et des problegravemes de turbiditeacute

Le modegravele doit permettre drsquoorganiser plusieurs sessions de jeu sur le territoire du SAGE Cailly-Aubette-Robec au sein duquel les systegravemes de productions agricoles sont assez proches et les enjeux de protection de la ressource partageacutes (eacuterosion turbiditeacute) Il srsquoagit donc de recreacuteer un bassin versant laquo fictif raquo mais suffisamment reacutealiste pour que des enseignements pertinents pour lrsquoaction sur le terrain soient tireacutes du jeu

Figure 7 Carte drsquooccupation des sols du bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Le territoire a eacuteteacute creacuteeacute par SIG en reacutefeacuterence au territoire du Haut-Cailly mais sur un territoire plus petit pour limiter les contraintes de calcul Le groupe drsquoacteurs a discuteacute les positions des routes et villages le type drsquoagriculture ainsi que le pourcentage de terres arables de bois et de prairies (Figure 7) Les surfaces potentiellement ruisselantes repreacutesentent 65 du bassin ce qui fait des agriculteurs les principaux ameacutenageurs du territoire en termes de surface (Tableau 1)

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 16: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

15

Tableau 1 Occupation du sol du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Classiquement on considegravere que les caracteacuteristiques physiographiques drsquoun bassin influencent fortement sa reacuteponse hydrologique Ici (Figure 8) des caracteacuteristiques morphomeacutetriques similaires agrave celles du Haut Cailly (en particulier la forme du reacuteseau hydrographique) ont eacuteteacute reproduites agrave partir du traitement SIG du modegravele numeacuterique de terrain du bassin versant du Dun drsquoune surface de 244 kmsup2

Figure 8 Carte du relief du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare (MNT agrave 25 m)

Les eacutecoulements sont influenceacutes par le relief drsquoune part par la variation des paramegravetres hydromeacuteteacuteorologiques avec lrsquoaltitude et drsquoautre part du fait du lien entre vitesse drsquoeacutecoulement et pente La reacutepartition hypsomeacutetrique fournit une vue syntheacutetique du relief Elle rend compte de la superficie du bassin en fonction de son altitude Le deacuteniveleacute utile est de 47 megravetres (amplitude qui correspond agrave 90 de la surface en neacutegligeant les 5 les plus hauts et plus bas du bassin D = Z5-Z95) On peut alors acceacuteder agrave une repreacutesentation simplifieacutee du bassin sous la forme drsquoun rectangle dit laquo eacutequivalent raquo crsquoest-agrave-dire un rectangle qui possegravede la mecircme aire le mecircme peacuterimegravetre et la mecircme reacutepartition altitudinale que le bassin versant consideacutereacute Le rapport du deacuteniveleacute utile la longueur du rectangle eacutequivalent du bassin permet drsquoobtenir lrsquoindice global de pente Ig Une seconde repreacutesentation simplifieacutee de la forme du bassin consiste agrave calculer un indice de compaciteacute le coefficient de Gravelius (KG rapport du peacuterimegravetre du bassin agrave la circonfeacuterence du cercle de mecircme superficie) Il est ici eacutegal agrave 127 et teacutemoigne donc drsquoun bassin tregraves ramasseacute (Tableau 2)

Occupation du sol (ha)

Bois 2928

Prairies 5612

Terres cultiveacutees 150792

Voirie et zones urbaniseacutees 7808

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 17: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

16

Tableau 2 Synthegravese des caracteacuteristiques morphomeacutetriques

(KG coefficient de Gravelius A Aire P peacuterimegravetre Z deacuteniveleacute L longueur du rectangle eacutequivalent Ig Indice global de pente z95 5 egraveme centile z5 95 egraveme centile D deacuteniveleacute utile)

Un dernier eacuteleacutement deacuteterminant pour traduire le comportement du bassin lors des preacutecipitations est le temps de concentration Il correspond au temps mis par une goutte drsquoeau tombeacutee lrsquoextreacutemiteacute du bassin versant pour rejoindre lrsquoexutoire Le temps de concentration du bassin a eacuteteacute calculeacute agrave partir des caracteacuteristiques morphomeacutetriques (indice de compaciteacute indice de pente longueur du rectangle eacutequivalent superficie) du bassin deacutetermineacutees sous ArcGis et de plusieurs formules empiriques (Tableau 3) Les diffeacuterences entre ces formules rappellent qursquoon ne peut en principe pas accorder de valeur unique au temps de concentration qui varie notamment selon lrsquointensiteacute de la pluie

Tableau 3 Formules empiriques de deacutetermination du temps de concentration D temps de monteacutee de

lrsquohydrogramme SOCOSE

3) Parameacutetrage des simulations

31) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale

La Seine Maritime est soumise agrave un climat de type oceacuteanique doux et pluvieux toute lrsquoanneacutee Deux types drsquoeacuteveacutenements pluvieux en particulier sont geacuteneacuterateurs drsquoinondations les longues pluies drsquohiver et les orages violents drsquoeacuteteacute Crsquoest pourquoi initialement un pas de temps biannuel (deacutecembre et juin) avait eacuteteacute choisi avec les acteurs pour le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion Il srsquoagit de deux peacuteriodes de lrsquoanneacutee associeacutees un risque climatique important tandis que les conditions de surface du sol sont relativement stables avec peu de changement dus aux activiteacutes agricoles Neacuteanmoins suite un premier test de lrsquooutil avec une communauteacute de pratique (pour des raisons de simplification notamment du fait de la dureacutee des ateliers) seuls les violents orages drsquoeacuteteacute ont eacuteteacute retenus Cette deacutecision se justifie eacutegalement par le fait que les acteurs locaux nrsquoont pas souhaiteacute que le modegravele integravegre les deacutecisions drsquoassolement et le choix des itineacuteraires techniques Ruisrsquoeau est conccedilu pour simuler des problegravemes freacutequents pour lesquels un ameacutenagement concerteacute du bassin pourrait apporter des solutions En drsquoautres termes on ne traite pas des

Paramegravetres Formules empiriques Reacutesultats

KG 028

A

P

127

A (kmsup2) 2440

P (km) 2240

Z max 9800

L (km)

2121

11121 K

AK

811

Ig (mkm)

L

D

580

z95 (m) 200

z5 (m) 4900

D= Z5-Z95 4700

Formules empiriques Reacutesultats

Ventura (mn) 763

I

A 1563

Passini (mn)

648

I

AL 3

1

1451

D Cemagref (mn) Exp 7293ln3750 A 13800

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 18: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

17

crues de freacutequence exceptionnelle dont les conseacutequences relegravevent de la gestion de crise mais lrsquoon cherche repreacutesenter les conseacutequences drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale qui alternera avec des peacuteriodes sans deacutesordres hydrologiques Deux questions de modeacutelisation se posent alors

1) Qursquoelle est la crue de peacuteriode de retour dix ans sur notre bassin fictif 2) Quelles sont les caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux pouvant la geacuteneacuterer

Pour reacutepondre agrave ces questions on propose une analyse compareacutee des reacutesultats issus des modegraveles pluie-deacutebits classiques du modegravele distribueacute STREAM et des dire drsquoexperts reacutegionaux

311) Modegraveles pluie-deacutebit

En hydrologie lrsquoeacutevaluation drsquoune crue drsquooccurrence deacutecennale est un problegraveme classique Pour les bassins versants sans observation hydromeacutetriques deux meacutethodes sont plus particuliegraverement utiliseacutees en France CRUPEDIX et SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) La meacutethode CRUPEDIX possegravede lrsquoavantage drsquoecirctre simple drsquoutilisation Elle est applicable pour des bassins versants de surface comprise entre 10 et 2000 kmsup2 Lrsquohypothegravese principale est celle drsquoune correacutelation significative entre le deacutebit deacutecennal maximal instantaneacute la superficie et la pluie journaliegravere deacutecennale selon la formule suivante

2

80

80

PSRQIX

P pluie deacutecennale journaliegravere en mm S superficie du bassin versant en km R coefficient reacutegional

Les conditions locales renvoient agrave une pluie journaliegravere deacutecennale de 51 mm (httpwwwseine-maritimegouvfrIMGpdfplaquette_p13770pdf) et agrave un coefficient reacutegional de 2552 (communication AREAS)

Le deacutebit de pointe journalier (deacutebit maximal pour une preacutecipitation donneacutee ) srsquoexprime 800371 SPRQIX

SPR Surfaces potentiellement ruisselantes

Sur notre bassin le deacutebit de pointe deacutecennal obtenu srsquoeacutelegraveve 946 m3s Un des inconveacutenients de cette meacutethode est qursquoelle ne permet pas drsquoacceacuteder une dureacutee caracteacuteristique de crue et donc par conseacutequent agrave un hydrogramme de projet Pour acceacuteder agrave un volume de crue on a recours lrsquohydrogramme de SOCOSE (Ministegravere de lrsquoAgriculture Franccedilais 1980-1982) Lrsquohydrogramme unitaire de la meacutethode SOCOSE a eacuteteacute deacuteveloppeacute par le CEMAGREF pour lrsquoestimation des crues sur les petits bassins versants ruraux (2 agrave 200 kmsup2) Il permet de deacutefinir un temps caracteacuteristique afin drsquoeacutevaluer le volume de crue deacutecennal Le temps de monteacutee de lrsquohydrogramme tm = D repreacutesente la dureacutee pendant laquelle le deacutebit est supeacuterieur agrave la moitieacute du deacutebit de pointe de la crue deacutecennale

8

4

1

352)(

D

t

D

t

DtQ

7293ln3750exp SD

Q(t) Deacutebit lrsquoinstant t (m3s) S Surface (kmsup2)

Ici D = 138 mn On remarque que sur notre bassin de petite taille D est peu diffeacuterent des temps de concentration deacutetermineacute avec les formules empiriques La meacutethode SOCOSE nous permet de preacutevoir un volume ruisseleacute de 66 359 m3

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 19: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

18

312) STREAM

Une seconde meacutethode pour eacutevaluer le volume de crue deacutecennal consiste agrave utiliser le logiciel STREAM Pour renseigner les paramegravetres caracteacuteristiques de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on consulte les experts reacutegionaux (AREAS AESN SAGE) qui donnent une reacutefeacuterence locale de 31 mm en deux heures (soit une dureacutee proche du temps de concentration du bassin drsquoEstampeville-Bellemare) On veacuterifie cet ordre de grandeur avec les donneacutees statististiques Meacuteteacuteo France de la station Rouen-Boos Les coefficients de Montana associeacutes agrave une peacuteriode de retour 10 ans pour un temps de concentration de deux heures sont a = 12310 et b = 0811 La formule de Montana nous permet alors drsquoacceacuteder une hauteur de pluie deacutecennale reacutegionale en deux heures de

H = at1-b = 304 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Il faut eacutegalement renseigner lrsquointensiteacute maximale de pluie et les conditions drsquohumiditeacute anteacuterieure A nouveau drsquoapregraves lrsquoexpertise des acteurs locaux on fixe lrsquointensiteacute maximale 60 mm Enfin on considegravere arbitrairement une pluie anteacuteceacutedente de 0 mm (pluie nulle des 48 h preacuteceacutedentes) pour simuler les conseacutequences drsquoun orage drsquoeacuteteacute survenant sur sol sec

On simule alors sur notre bassin virtuel quatre anneacutees drsquooccupation du sol en recourant au loogiciel LandSFACTS (Landscape Scale Functional Allocation of Crops Temporally and Spatially) (Castellazzi et al 2010) pour tenir compte de la rotation des assolements On obtient lrsquoexutoire un volume de 64 493 m3 + - 874 m3

Remarque En parameacutetrant ainsi lrsquoeacuteveacutenement pluvieux on a fait la mecircme hypothegravese forte que pour les modegraveles pluie-deacutebit qui consiste consideacuterer qursquoune pluie deacutecennale est lrsquoorigine drsquoune crue deacutecennale

313) Confrontation du modegravele avec les laquo observations raquo

Les reacutesultats du modegravele STREAM et de la meacutethode SOCOSE sont tregraves proches avec un volume de crue agrave lrsquoexutoire de lrsquoordre de 65 000 m3 On cherche savoir si ce reacutesultat srsquoavegravere compatible avec les observations de terrain meneacutees par lrsquoAREAS Pour cela il est neacutecessaire de raisonner non plus en m3 mais en lame drsquoeau ruisseleacutee car cela permet de srsquoaffranchir des effets de surfaces En 2003 lrsquoAssociation Reacutegionale drsquoEtude et lrsquoameacutelioration des sols a produit un rapport (Helloco 2003) pour la mise en place drsquoun systegraveme drsquoanticipation des deacutesordres hydrologiques en Seine Maritime Il est baseacute sur la comparaison entre des moyennes climatiques sur la peacuteriode 1970-2000 la base drsquoeacuteveacutenements CatNat (qui recense les inondations et deacutegacircts lieacutes au ruissellement) ainsi que des coupures de presse Parmi les conclusions de ce rapport des deacutegacircts importants ont eacuteteacute observeacutes pour des lames drsquoeau ruisseleacutees supeacuterieures 3 mm Lors de la crue exceptionnelle de 1999 (de lrsquoordre de la cinquentennale) lrsquoexpert reacutegional de lrsquoAREAS rapporte une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 10 mm Ces reacutesultats nous fournissent les bornes drsquoun intervalle agrave ne pas deacutepasser pour simuler des deacutesordres hydrologiques drsquoune peacuteriode de retour de 10 ans coheacuterent avec les observations locales Sur notre bassin les surfaces potentiellement ruisselantes (hors bois et prairies) repreacutesentent 65 de lrsquooccupation du sol soit 1586 ha Avec un volume simuleacute de 65 000 m3 qui correspond une lame drsquoeau de 41 mm les choix de parameacutetrage du modegravele STREAM (couverture veacutegeacutetale rugositeacute faciegraves sens du travail du sol rugositeacute hauteur et dureacutee de la pluie humiditeacute anteacuterieure) fournissent un reacutesultat plausible

32) Deacutetermination des eacuteveacutenements drsquooccurrence biennale

La structure du jeu de rocircle fait alterner sur 8 anneacutees des seacutequences ougrave le ruissellement et lrsquoeacuterosion ne constituent pas de danger envers les biens et les personnes et drsquoautres qui sont repreacutesentatives des crues deacutecennales observeacutees dans la reacutegion Cette construction offre ainsi une alternance de phases de sensibilisation des acteurs (eacuteveacutenements climatiques laquo graves raquo)

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 20: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

19

de concertation et drsquoaction (sans eacuteveacutenement grave) et drsquoeacutevaluationreacuteaction (suite un nouvel eacuteveacutenement climatique grave) La justification de ce seacutequenccedilage sera deacutetailleacutee en chapitre III La reacutepeacutetition de 4 eacuteveacutenements drsquooccurrence deacutecennale en 8 ans sert les objectifs du jeu mais reste possible statistiquement (une crue de peacuteriode de retour 10 ans ayant chaque anneacutee une probabiliteacute drsquoapparition de 01) Le calibrage des eacuteveacutenements catastrophiques a eacuteteacute preacutesenteacute dans le paragraphe preacuteceacutedent De la mecircme faccedilon pour deacutefinir les caracteacuteristiques des eacuteveacutenements laquo standards raquo on se reacutefegravere dans un premier temps aux statistiques pluviomeacutetriques locales ainsi qursquoaux observations A la station de Boos-Rouen pour une peacuteriode de retour de deux ans et un temps de concentration de

deux heures les coefficients de Montana sont a = 6057 et b = 0757 La formule de Montana nous

permet drsquoacceacuteder agrave la lame drsquoeau preacutecipiteacutee on obtient

H = at1-b = 193 mm H Hauteur de pluie (mm) t pas de temps (mn) a et b coefficients de Montana

Pour cette pluie biennale sur sol sec et sur 4 anneacutees de simulation le modegravele STREAM renvoie un volume moyen de 8741 m3+- 258 m 3 Lrsquoeacutecart moyen reacutesulte du changement drsquooccupation des sols en lien avec la rotation des cultures Ce volume de 8741 m3 correspond agrave une lame drsquoeau geacuteneacuteraliseacutee de 055 mm sur les surfaces potentiellement ruisselantes On veacuterifie que cette valeur est bien infeacuterieure agrave la valeur seuil de 3 mm geacuteneacuteratrice de deacutesordres hydrologiques lrsquoorigine des deacuteclarations de catastrophes naturelles

4) Principaux reacutesultats de la modeacutelisation du ruissellement eacuterosif

On fournit ici un reacutecapitulatif des choix de parameacutetrages de la seacutequence drsquoeacuteveacutenements pluvieux qui servent rythmer le jeu et des reacutesultats du ruissellement et de lrsquoeacuterosion qui en reacutesultent (Tableau 4)

Tableau 4 Parameacutetrages des sceacutenarios pluviomeacutetriques du modegravele Ruisrsquoeau et principaux reacutesultats

Le volume drsquoeau associeacute agrave une pluie laquo catastrophique raquo de peacuteriode de retour dix ans est environ

sept fois plus eacuteleveacute que le volume geacuteneacutereacute par une pluie laquo standard raquo drsquooccurrence biennale

Lrsquoeacuterosion (diffuse et concentreacutee) eacutetant fonction du volume drsquoeau ruisseleacute la masse de terre agrave

lrsquoexutoire augmente dans le mecircme sens que le volume ruisseleacute Quantitativement lrsquoeacuterosion diffuse

ne repreacutesente que 3 de lrsquoeacuterosion totale mais spatialement lrsquoeacutecoulement en nappe est geacuteneacuteraliseacutee

sur toutes les portions ruisselantes du bassin alors que lrsquoeacuterosion lineacuteaire se concentre dans des

ravines drsquoau plus quelques megravetres de large (Figure 9) On note par ailleurs que pour les eacuteteacutes

catastrophiques lrsquoeacutecart moyen entre les 4 scenarios drsquoassolement eacutelaboreacutes sous LandsFact est

infeacuterieur agrave 1 On pourrait penser que cela signifie que le changement drsquooccupation du sol ducirc

uniquement aux rotations culturales influe peu sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion car les types

drsquoagriculture sont peu varieacutes Mais ce reacutesultat pourrait aussi provenir drsquoun effet de lissage en lien

avec un ruissellement geacuteneacuteraliseacute du bassin par deacutepassement des capaciteacutes drsquoinfiltration de toutes

les cultures

Eteacutes laquo Standards raquo

Eteacutes laquo catastrophiques raquo

Pluviomeacutetrie Hauteur (mm) 193 31

Dureacutee (h) 2 2

Anteacuteceacutedent (mm) 0 0

Intensiteacute agrave 6 min (mm) 60 60

Ruissellement Volume moyen (m3) 8741 64493

Ecart moyen () 10 04

Lame Ruisseleacutee (SPR) (mm) 055 41

Coef ruissellement () 19 85

Erosion Erosion totale moyenne (T) 447 9124

Ecart moyen () 10 09

Erosion totale (Tha) 018 37

Erosion diffuse moyenne (T) 119 276

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 21: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

20

Figure 9 Cartes de concentration du ruissellement a) et de lrsquoeacuterosion b) pour une crue deacutecennale

Ces reacutesultats auraient pu ecirctre obtenus avec des nombreuses autres combinaisons de paramegravetres comme en diminuant la hauteur preacutecipiteacutee et en augmentant lrsquohumiditeacute du sol ou en changeant les eacutetats de surface La pluraliteacute des meacutethodes employeacutees pour obtenir le calibrage des sceacutenarios de pluie ne doit pas disqualifier le modegravele dans la mesure ougrave au contraire elle est lrsquoacceptation du principe drsquoeacutequifinaliteacute preacutesent dans tous les modegraveles distribueacutes en hydrologie (Beven 2001 Beven et al 2001) Et bien que les modegraveles distribueacutes aient une vocation descriptive des pheacutenomegravenes les simplifications neacutecessaires au processus de modeacutelisation eacuteloignent drsquoune repreacutesentation laquo vraie raquo des pheacutenomegravenes Crsquoest pourquoi on accepte de srsquoeacutecarter des approches reacutealistes et des critegraveres de veacuteriteacute pour se rapprocher drsquoune posture relativiste (Feyerabend 1975) et drsquoun critegravere de feacuteconditeacute Car finalement ce qui est mis en discussion avec les acteurs ce sont les reacutesultats du modegravele On notera tout de mecircme que dans une volonteacute de concilier preacutedictiviteacute et descriptiviteacute on ne recherche pas un optimum parameacutetrique matheacutematique mais un optimum parameacutetrique laquo physique raquo crsquoest-agrave-dire compatible avec les observations

5) Pistes de reacuteflexion et eacuteleacutements de modeacutelisation pour lrsquoameacutenagement du bassin versant

51) Identification des zones agrave risque aleacutea et vulneacuterabiliteacute

Lrsquoidentification des zones dites risque est un eacuteleacutement cleacute dans la gestion inteacutegreacutee du bassin Un risque est eacuteleveacute lorsque le produit de lrsquoaleacutea et de la vulneacuterabiliteacute est eacuteleveacute Lrsquoaleacutea ruissellement eacuterosif est principalement lieacute lrsquooccupation des sols (majoritairement agricoles) et aux caracteacuteristiques peacutedologiques (sensibiliteacute agrave la battance) La vulneacuterabiliteacute est associeacutee aux enjeux humains et mateacuteriels qui peuvent se trouver sur les axes de concentration du ruissellement ou qui deacutependent de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine pour lrsquoalimentation en eau potable Dans un contexte drsquoaccroissement deacutemographique la diminution de la vulneacuterabiliteacute lieacutee aux inondations et couleacutees boueuses est complexe il est principalement question de parvenir ne pas augmenter cette vulneacuterabiliteacute aux travers de documents drsquourbanisme (PLU et SCOT) Pour la vulneacuterabiliteacute associeacutee aux enjeux drsquoeau potable les solutions comme lrsquointerconnexion des reacuteseaux ou la construction drsquousines drsquoultrafiltration sont eacutegalement

a) b)

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 22: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

21

difficiles agrave mettre en place pour des petites et moyennes communes rurales Crsquoest pourquoi une grande partie des efforts est concentreacutee sur la maicirctrise de lrsquoaleacutea Les caracteacuteristiques peacutedologiques et les conditions climatiques eacutetant des facteurs naturels inchangeables crsquoest lrsquooccupation agricole du sol qui est mise en discussion dans cette partie Chaque culture preacutesente une sensibiliteacute au ruissellement diffeacuterente ce qui se traduit par des capaciteacutes drsquoinfiltration variables (Tableau 5)

Tableau 5 Capaciteacutes drsquoinfiltration des cultures drsquoeacuteteacute sur le bassin drsquoEstampeville-Bellemare

Il nrsquoest pas possible drsquoacceacuteder directement une vision syntheacutetique des principales zones qui favorisent le ruissellement partir des capaciteacutes drsquoinfiltration en raison de la rotation culturale En revanche selon les types drsquoexploitations agricoles les cultures et rotations diffegraverent et lrsquoon peut donc imaginer attribuer certaines parcelles des proprieacuteteacutes plus ou moins ruisselantes en fonction du type drsquoagriculture qui y est pratiqueacute Ainsi on eacutelabore un indice de sensibiliteacute au ruissellement qui syntheacutetise par parcelle les rotations culturales sur 8 ans Lrsquoindice construit est base de points Une capaciteacute drsquoinfiltration seuil de 5 mmh a eacuteteacute fixeacutee au dessous de laquelle une culture est consideacutereacutee comme ayant un risque de ruissellement trop important un point est alors attribueacute La somme des points sur huit anneacutees rend compte du degreacute de sensibiliteacute au ruissellement (Figure 10)

Figure 10 Cartes de sensibiliteacute agrave lrsquoeacuterosion a) et au ruissellement b)

Cultures Bleacute Orge

Escourgeon Colza Lin Maiumls

Pomme de terre

CI (mmh) 10 20 5 5 2

b a) b)

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 23: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

22

Ce zonage permis par lrsquoindicateur est reacuteveacutelateur du fait qursquoun travail drsquoanimation doit eacutegalement porter sur les zones amont du bassin dans des exploitations peu toucheacutees par les deacutegacircts (ravines) lieacutes au ruissellement eacuterosif (Figure 10) ougrave le ruissellement nrsquoest pas directement visible (pas de talweg) et qui pourtant y contribuent largement Et crsquoest l lrsquoun des objectifs majeur de lrsquooutil Ruisrsquoeau rendre visible et responsabiliser tous les acteurs afin drsquoinitier les voies possibles de la neacutegociation En pratique les moyens de cette neacutegociation sont lrsquoimplantation drsquoameacutenagements hydrauliques etou la reacuteorganisation du parcellaire (eacutechanges fonciers remise en herbe)

52) Effets de lrsquoameacutenagement du bassin versant sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion dans Ruisrsquoeau

521) Ameacutenagements drsquohydraulique douce

Les acteurs ont la possibiliteacute de modifier la quantiteacute drsquoeau ruisseleacutee et la masse de terre eacuterodeacutee via la mise en place drsquoameacutenagements Dans le modegravele trois types drsquoouvrages couramment utiliseacutes sont mobilisables

- Zones enherbeacutees

Les bandes enherbeacutees en bordure de parcelles et les chenaux enherbeacutes en fond de talweg sont des surfaces couvertes par un enherbement peacuterenne couramment utiliseacutees pour impacter sur le ruissellement et lrsquoeacuterosion Elles sont consideacutereacutees comme la solution la plus efficace pour limiter les ravines car dans les fonds de vallons (zones les plus sensibles lrsquoeacuterosion lineacuteaire) elles permettent de proteacuteger le sol de lrsquoincision lieacutee au ruissellement Dans lrsquoherbe les eacutecoulements sont ralentis et par effet laquo peigne raquo la terre transporteacutee est deacuteposeacutee La capaciteacute drsquoinfiltration drsquoune zone enherbeacutee peut atteindre 200 mmh mais celle-ci est fortement reacuteduite en cas de compaction lieacutee au travail agricole ou mecircme au pieacutetinement des animaux qui pacircturent On notera par ailleurs que ces ameacutenagements ont une action beacuteneacutefique sur les pollutions diffuses en ralentissant le transfert des produits phytosanitaires et en acceacuteleacuterant leur deacutegradation (Gouy 2000)

- Haies

La haie constitue un obstacle permeacuteable au ruissellement Le ruissellement est ralenti par les tiges ce qui favorise lrsquoinfiltration et la seacutedimentation des particules En effet au voisinage de la haie lrsquoinfiltration est favoriseacutee du fait de la forte permeacuteabiliteacute du sol en lien avec la teneur en matiegravere organique et la preacutesence de racines Cet ameacutenagement peut ecirctre positionneacute dans lrsquoamont du bassin versant avant que les ruissellements ne se concentrent mais il peut eacutegalement ecirctre installeacute en fond de vallon ougrave lrsquoeau srsquoeacutetale

- Fascines

Une fascine forme un eacutecran de banchage (5 agrave 10 m) par la constitution de fagots positionneacutes entre des pieux ou des arbres (fascine vivante) Elle se place en travers du ruissellement et permet de les freiner et de provoquer la seacutedimentation (en filtrant les sables et limons transporteacutes) De surcroicirct en reacuteduisant la vitesse de lrsquoeau lrsquoameacutenagement permet de limiter lrsquoeacuterosion sur plusieurs dizaines de megravetres en aval

La question de la quantification de lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements est deacutelicate et relativement peu traiteacutee LrsquoAREAS megravene actuellement des expeacuterimentations de terrain et de laboratoire afin de deacuteterminer empiriquement les capaciteacutes drsquoinfiltration de diffeacuterents ameacutenagements haies fascines bandes enherbeacutees bois fosseacutes mares tampons et leurs effets sur la reacutetention des matiegraveres en suspension (MES) En se basant sur ces travaux (httpwwwareasassofrcontentcategory5272) compleacuteteacutes par un entretien avec Jean Franccedilois Ouvry preacutesident de lrsquoAREAS) on retient pour les trois types drsquoameacutenagements les valeurs suivantes (Figure 11)

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 24: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

23

Figure 11 Efficaciteacute des ameacutenagements drsquohydraulique douce dans Ruisrsquoeau

Du point de vue informatique dans Ruisrsquoeau chaque pixel de 625 msup2 se voit attribuer une nouvelle capaciteacute drsquoinfiltration qui tient compte de lrsquoemprise surfacique de lrsquoameacutenagement et de la surface laisseacutee en culture On procegravede de mecircme faccedilon pour la capaciteacute de reacutetention des MES avec une zone du pixel sans ameacutenagement sur laquelle on applique les regravegles de transfert et de deacutepocirct du module eacuterosion diffuse de STREAM et une zone avec ameacutenagement ougrave les deacutepocircts sont deacutefinis par le ratio de seacutedimentation de lrsquoameacutenagement simuleacute

522) Ameacutenagement drsquohydraulique structurante

Lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur les parcelles agricoles est freineacutee par i) la perte de SAU geacuteneacutereacutee par les ameacutenagements ii) la faiblesse de lrsquoestimation par les agriculteurs des pertes de revenus agricole imputables lrsquoeacuterosion iii) la faiblesse des gecircnes occasionneacutes par lrsquoeacuterosion dans la conduite des cultures iv) des coucircts et temps drsquoentretien v) un scepticisme des agriculteurs sur les effets beacuteneacutefiques des ameacutenagements sur leur parcelle (EPICES 2008)

Tregraves geacuteneacuteralement les communes optent pour la construction de bassins de reacutetention enherbeacutes juste en amont des zones urbaniseacutees afin de proteacuteger directement les biens et personnes des inondations et couleacutees boueuses

Figure 12 Bassins de reacutetention en fonctionnement et bassin de reacutetention colmateacute

Dans le modegravele selon lrsquoemprise surfacique et la hauteur de lrsquoouvrage implanteacute on attribue une capaciteacute volumique de reacutetention On exprime le volume occupeacute par lrsquoaccumulation des seacutediments issus de lrsquoeacuterosion comme le rapport de la masse eacuterodeacutee (en T) par la densiteacute apparente du sol (prise eacutegale 13) Lorsqursquoun bassin ne possegravede plus que les deux tiers de sa capaciteacute volumique de reacutetention il est impeacuteratif de proceacuteder agrave son curage Selon les sceacutenarios

Seacutedimentation 75 des MES Infiltration

460 mmh (par megravetre)

Fascine

Seacutedimentation 50 des MES Infiltration

700 mmh (par megravetre)

Haie

Zone enherbeacutee

Seacutedimentation 70 des MES

Infiltration

Bande enherbeacutee en talweg 200 mmh (375 msup2)

Bande enherbeacutee en fourriegravere 20 mmh (375 msup2)

Crues successives = accumulation de

seacutediments

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 25: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

24

de crues deacutecennales deacutefinis preacutealablement un bassin de reacutetention drsquoenviron 20 000 m3 qui permettrait de proteacuteger des inondations le village situeacute lrsquoexutoire serait combleacute aux deux tiers au bout de seulement 4 anneacutees Une fois le volume total occupeacute par des seacutediments le bassin devient complegravetement inefficace dans sa fonction de laminage des volumes de crue (eau et seacutediments) ccedila serait ici le cas degraves la sixiegraveme anneacutee (Tableau 6)

Anneacutees simuleacutees

Masse eacuterodeacutee (T) Densiteacute apparente du

sol Volume de seacutediments

produit (m3)

Volume stockeacute dans le bassin

(m3) 1 ~ 200 13 154 154 2 ~ 9000 13 6923 7077 3 ~ 200 13 154 7231 4 ~ 9000 13 6923 14154 5 ~ 9000 13 6923 20000

Tableau 6 Sceacutenario de remplissage seacutedimentaire drsquoun bassin de reacutetention

Apregraves une politique de subventionnements qui a longtemps favoriseacute les solutions curatives le problegraveme du curage des bassins de reacutetention est devenu une question centrale en Seine-Maritime (Figure 12) Son coucirct est extrecircmement eacuteleveacute (environ 10 du coucirct drsquoinstallation du bassin) et entiegraverement agrave la charge des maicirctres drsquoouvrages (collectiviteacutes ou syndicats de bassins versants) Afin de limiter lrsquoenvasement des bassins de reacutetention les eacuteleacutements drsquohydraulique douce se reacutevegravelent nouveau tregraves utiles

523) Sceacutenario de conversion de terres cultiveacutees en prairies

Aussi bien pour la protection de la qualiteacute de lrsquoeau que pour la limitation du ruissellement et de lrsquoeacuterosion des sols les surfaces enherbeacutees constituent un eacuteleacutement cleacute de lrsquoameacutenagement du bassin Lrsquoeffet de ces zones enherbeacutees (et des bois) sur lrsquoinfiltration deacutepend non seulement de leur superficie mais aussi de leur positionnement dans le paysage Le jeu doit pouvoir faire deacutebattre des possibiliteacutes de preacuteservation des praires ou de mise en herbe de parcelles en position strateacutegique dans le bassin versant Il peut srsquoagir drsquoaccord lrsquoamiable (via des eacutechanges fonciers) ou des mesures contractuelles (mesures agro-environnementale (MAE) laquo remise en herbe raquo baux environnementauxhellip) ou encore des servitudes imposeacutees par le syndicat drsquoeau potable sur le peacuterimegravetre de protection rapprocheacute (et rapprocheacute satellite) du captage pour lrsquoAEP En utilisant le logiciel STREAM on propose de quantifier lrsquoefficaciteacute du laquo bon raquo positionnement de prairies sur le ruissellement Pour cela on change lrsquooccupation du sol de chaque parcelle seacutelectionneacutee en attribuant aux pixels des parcelles pacirctureacutees une capaciteacute drsquoinfiltration de 50 mmh et aux parcelles des peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes une capaciteacute de 200 mh (efficaciteacute maximale drsquoune prairie drsquoinfiltration inexploiteacutee) Lrsquointensiteacute de lrsquoeacuteveacutenement pluvieux qui a eacuteteacute fixeacutee afin drsquoengendrer une crue deacutecennale sur le bassin (31 mm en 2 heures) est infeacuterieure la capaciteacute drsquoinfiltration des prairies qui sont donc ameneacutees agrave agir comme des zones tampon efficaces La reacuteduction du ruissellement est drsquoautant plus importante que les zones de reacuteinfiltration sont situeacutees sur les axes drsquoeacutecoulement crsquoest pourquoi la plupart des parcelles seacutelectionneacutees pour la simulation ont eacuteteacute positionneacutees dans cette configuration On choisit eacutegalement de mettre en place des prairies sur les zones amont du bassin qui contribuent au ruissellement Au total on propose de convertir 105 ha de terres arables en prairies soit 43 de la surface totale du bassin versant (Figure 13) En comparaison du fait du recul de lrsquoeacutelevage et donc de la transformation de surfaces toujours en herbe en terres cultiveacutees la superficie en prairie a diminueacute de 235 entre 1988 et 2000 dans la zone du SAGE (Saubes 2010)

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 26: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

25

Figure 13 Reacuteorganisation du parcellaire pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

Les modifications de lrsquooccupation du sol drsquoun tel sceacutenario affecteraient peu le reacuteseau drsquoeacutecoulement mais elles impliqueraient une variation des volumes ruisseleacutes en tout point De sorte qursquo lrsquoexutoire pregraves de 30 du volume de crue deacutecennal serait lamineacute (Figure 14)

Figure 14 Hydrogrammes de crues deacutecennales avant et apregraves le sceacutenario de remise enherbe du bassin

On rappelle que le volume seuil agrave partir duquel des inondations et couleacutees boueuses importantes sont susceptibles de se produire agrave eacuteteacute fixeacute agrave 47 000m3 (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 1586 ha)

De la mecircme faccedilon pour le village de Bosc-la-Garenne le sceacutenario proposeacute de remise en herbe du bassin permettrait de laminer efficacement le volume de crue deacutecennal en atteignant un volume ruisseleacute de 9083 m3 en dessous du seuil de deacutegacircts (lame drsquoeau de 3 mm sur une surface potentiellement ruisselante de 303 ha soit 9090 m3) En conseacutequence une faible augmentation des zones en prairies de 23 initialement agrave 273 de la SAU totale du bassin permettrait de reacuteduire efficacement le ruissellement eacuterosif et de

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 27: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

26

proteacuteger les zones porteuses drsquoenjeux sociaux et mateacuteriels des inondations et couleacutees boueuses Enfin en agissant sur les causes du ruissellement eacuterosif on ameacuteliorerait consideacuterablement la qualiteacute de lrsquoeau et notamment de lrsquoeau souterraine destineacutee lrsquoalimentation en eau potable En effet on peut noter sur la Figure 13 qursquoun captage destineacute lrsquoalimentation en eau potable est positionneacute et que lrsquoon a deacutelimiteacute deux peacuterimegravetres de protection rapprocheacutes de ce captage (dont un laquo satellite raquo) partir de lrsquoeacutetude du reacuteseau des mailles laquo contributives raquo sur le logiciel Stream et en srsquoappuyant sur le cadastre deacutefini En milieu karstique la prise en compte drsquoobjectifs trop larges de protection de la ressource (inteacutegrant la reacuteduction des pollutions diffuses) pour deacuteterminer les peacuterimegravetres conduit souvent agrave des zonages surdimensionneacutes difficilement acceptables sur le plan socio-eacuteconomique Crsquoest pourquoi on opte pour la deacutelimitation drsquoun peacuterimegravetre de protection satellite institueacute par la reacuteglementation pour proteacuteger les zones de forte vulneacuterabiliteacute Ici crsquoest une beacutetoire qui constitue la source de vulneacuterabiliteacute car elle peut entraicircner des eacutepisodes turbides de lrsquoeau souterraine et en conseacutequence affecter la qualiteacute des paramegravetres organoleptiques et bacteacuteriologiques de la ressource destineacutee lrsquoalimentation en eau potable

B) Modeacutelisation de la turbiditeacute

Lrsquoexercice de modeacutelisation de la turbiditeacute est relativement complexe dans la mesure ougrave il est question de simuler des eacuteveacutenements turbides dans les eaux de captage en reacuteponse agrave diffeacuterents volumes de crue mais aussi en reacuteponse aux deacutecisions drsquoameacutenagements des participants Cela signifie qursquoil nrsquoest pas possible de construire un modegravele purement preacutedictif de type boite noire qui reacutesulterait drsquoun calage entre des donneacutees drsquoentreacutee de pluie et une reacuteponse en terme de turbiditeacute Aussi doit-on neacutecessairement inteacutegrer une dimension descriptive Cela se traduit dans la deacutemarche de modeacutelisation par une premiegravere eacutetape drsquoeacutetude du milieu baseacutee sur un bilan de litteacuterature afin drsquoappreacutehender les meacutecanismes en jeu Il srsquoensuit un travail drsquointerpreacutetation qui conduit agrave une conception drsquoun modegravele simplifieacute qui puisse ecirctre inteacutegreacute au bassin versant drsquoeacutetude puis valideacute apregraves une phase de calage

1) Geacuteologie de la Haute Normandie

La probleacutematique de la turbiditeacute en Haute Normandie et ses conseacutequences sociales est intrinsegravequement lieacutee agrave la probleacutematique scientifique complexe lieacutee agrave la nature karstique de lrsquoaquifegravere de Haute-Normandie La reacutegion est en effet constitueacutee drsquoune table de craie drsquoune eacutepaisseur de 100 agrave 200 m qui couvre une superficie de 2588 kmsup2 (ME 3 202) On peut identifier trois grands ensembles lithologiques qui jouent un rocircle fondamental dans le transfert de lrsquoeau la craie les formations superficielles et les alluvions de la Seine Les alluvions de la Seine sont constitueacutees au sommet de mateacuteriaux fins (sables fins argileux silts tourbeshellip) qui correspondent lrsquoextension des plus grandes crues dans la plaine alluviale reacutecente Elles reposent sur des mateacuteriaux grossiers constitueacutes par les cailloutis du Weischseacutelien (Massei 2001) Les formations superficielles sont caracteacuteriseacutees par un meacutelange de reacutesidus drsquoalteacuterations de la craie (~ 10 m) et de mateacuteriels seacutedimentaires allochtones quaternaires 3-5 m (limons loess et sables) La craie de Haute Normandie peut ecirctre subdiviseacutee en plusieurs parties (Massei 2011) le Ceacutenomanien moyen et supeacuterieur le Turonien le Seacutenonien le Coniacien le Santonien et enfin le Campanien A la base des formations crayeuses se trouve lrsquoAlbien constitueacute par des argiles grises de faciegraves Gault Constitueacutee 98 drsquoune fraction calcitique la craie est tregraves friable et poreuse (30 40 ) mais la porositeacute efficace nrsquoest que drsquoenviron 05 Parmi les trois ensembles lithologiques preacutesenteacutes la nappe de la craie et la nappe des alluvions sont des systegravemes aquifegraveres (parfois en relation) et les formations superficielles peuvent avoir un rocircle de stockage transitoire des eaux infiltreacutees dans les sols limoneux et donc constituer un aquifegravere superficiel Drsquoun point de vue hydrodynamique la porositeacute de la craie assure sa fonction capacitive tandis que la

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 28: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

27

fonction transmissive relegraveve de la triple permeacuteabiliteacute du milieu En effet on peut associer au caractegravere tregraves karstifieacute de la craie une permeacuteabiliteacute de conduits de lrsquoordre de 10-1 agrave 10-3 ms soit des vitesses de transfert de lrsquoordre de 100 mh-1 Alors que pour des transferts plus lents le milieu est caracteacuteriseacute par deux autres types de permeacuteabiliteacute qui sont la permeacuteabiliteacute primaire matricielle (~ 10-8 ms) et une permeacuteabiliteacute secondaire de fracture de lrsquoordre de 10-

4 agrave 10-6 ms La permeacuteabiliteacute primaire permet drsquoassurer une recharge pluriannuelle (BRGM 1998) A lrsquoeacutechelle saisonniegravere crsquoest la permeacuteabiliteacute de fracture qui controcircle la recharge

2) Genegravese et fonctionnement du karst de la Craie

Dans la craie de Haute Normandie srsquoest deacuteveloppeacute un systegraveme karstique Lrsquohistoire des karsts de la basse valleacutee de la Seine a eacuteteacute conditionneacutee par lrsquoeacutepirogenegravese de la reacutegion normande pendant le Quaternaire et les variations eustatiques (Rodet 1991) En effet lrsquoimportance de lrsquoeacuteleacutevation du plateau du Pays de Caux par rapport agrave la Seine et la nature crayeuse et fissureacutee du substratum ont conduit agrave la mise en place de pheacutenomegravenes karstiques Les variations du niveau de base dues aux cycles quaternaires de transgression-reacutegression ont forceacute les systegravemes karstiques agrave adapter leurs exutoires agrave ces diffeacuterents niveaux de base La preacutesence drsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacutes de surface (variation spatiale de lrsquoeacutepaisseur) et la permeacuteabiliteacute des formations superficielles influent sur le fonctionnement du karst drsquointroduction (Rodet 1993) De sorte qursquoen certains endroits les eaux de ruissellement sont concentreacutees et une dissolution diffeacuterentielle de la craie se met en place Il en reacutesulte des entonnoirs recoupant le champ de fracturation qui controcircle alors lrsquoeacutecoulement appeleacutees laquo beacutetoires raquo (ou laquo bois tout raquo en cauchois) qui sont agrave rapprocher des dolines avec embuts Ces racines du manteau drsquoalteacuteration issues des entonnoirs de dissolution font partie du modeleacute speacutecifique du Pays de Caux On notera que certains points drsquoengouffrements sont drsquoorigine anthropique comme les puisards ou les vestiges de marniegraveres (Figure 15) Il srsquoagit drsquoanciens puits drsquoextraction de craie creuseacutes pour la plupart entre 1840 et 1930 puis abandonneacutes Il est parfois difficile de distinguer les entreacutees des marniegraveres (implantation plus ou moins aleacuteatoire) et des beacutetoires naturelles (reacuteparties dans certains cas sur des axes tectoniques majeurs)

Figure 15 Beacutetoires et marniegravere

3) Les meacutecanismes de transports particulaires

La turbiditeacute est un produit de lrsquoeacuterosion des sols induite par les eaux meacuteteacuteoriques Elle est lrsquoexpression drsquoune charge particulaire en suspension transporteacutee dans le reacuteseau de surface mais aussi dans les eaux souterraines karstiques partir de cocircnes drsquoengouffrement qui font la connexion entre surface et souterrain Le meacutecanisme de transport des seacutediments dans le reacuteseau karstique est complexe Compte tenu du temps disponible et du degreacute de simplification des autres eacuteleacutements du modegravele il ne srsquoagit pas drsquoaboutir une repreacutesentation fine du milieu souterrain mais plutocirct drsquoen extraire les composantes principales Pour cela on srsquoappuie sur deux travaux de thegraveses drsquohydrogeacuteologie karstique reacutealiseacutes sur le systegraveme du Hannetocirct en Seine Maritime (constitueacute de la perte du Beacutebec drsquoune source vauclusienne et drsquoun forage) qui traitent de lrsquoorigine et des modaliteacutes de transport du mateacuteriel seacutedimentaire dans les conduits karstiques En 2001 Massei suit ainsi plusieurs crues turbides et enregistre des paramegravetres bio-physico-chimiques en entreacutee et sortie du systegraveme afin drsquoidentifier la fois lrsquoorigine de la turbiditeacute en sortie du systegraveme et les processus en jeu dans

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 29: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

28

les drains karstiques (Massei 2001) En 2006 Fournier analyse agrave nouveau les mecircmes donneacutees du systegraveme du Hannetocirct pour preacuteciser les modaliteacutes de transport (notamment agrave lrsquoeacutechelle saisonniegravere) gracircce de nouveaux outils statistiques (partitionnement univarieacute agreacutegeacute analyse en ondelettes simples et croiseacuteeshellip) Des eacutetudes sur le fonctionnement hydrogeacuteologique de lrsquoaquifegravere de Caumont et lrsquoincidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras (Eure) viennent eacutetoffer les connaissances sur la contamination des eaux souterraines en lien avec le ruissellement eacuterosif (Fournier 2007 et 2008) Enfin pour compleacuteter ce bilan de litteacuterature Nicolas Massei et Matthieu Fournier ont eacuteteacute entretenus teacuteleacutephoniquement

La source du Hannetocirct sur le bassin versant du Beacutebec constitue un site pilote particuliegraverement bien contraint Il a donc permis aux auteurs de croiser de nombreuses meacutethodes Ils ont pu ainsi mener des expeacuteriences de traccedilage (artificiel particulaires) deacutecomposer des hydrogrammes (donneacutees chimiques courbes drsquohysteacutereacutesis turbiditeacute conductiviteacute deacutebit) ou encore effectuer des analyses statistiques des donneacutees (seacuteries chronologiques analyses correlatoires analyses factorielles hellip) La multitude de ces approches traduit la complexiteacute du pheacutenomegravene eacutetudieacute et les difficulteacutes agrave deacutegager avec clarteacute les processus en jeu Il ne srsquoagit pas ici drsquoexpliciter chacune des meacutethodes utiliseacutees mais drsquoidentifier des processus dominants On rapporte ici les eacuteleacutements conclusifs qui serviront de base au modegravele conceptuel Les seacutediments contenus dans les eaux souterraines ont une double origine une source allochtone par rapport au karst (seacutediments eacuterodeacutes sur les plateaux) et une source de seacutediments autochtones deacutej preacutesents dans lrsquoaquifegravere (soit provenant des plateaux et stockeacutes soit issus de lrsquoalteacuteration de la Craie) On notera cependant que les reacutesidus drsquoalteacuteration de la Craie sont en proportion minoritaire (~4 ) La turbiditeacute observeacutee aux exutoires karstiques a eacutegalement une double origine le transport direct depuis lrsquointroduction par les beacutetoires et la remise en suspension des deacutepocircts intra-karstiques sous lrsquoeffet des transferts de pression dans le reacuteseau En effet bien que les eacutecoulements karstiques soient rapides des pheacutenomegravenes de stockage dans les drains karstiques ont lieu lors de chaque eacutepisode de crue (preacutefeacuterentiellement en phase de deacutecrue) Inversement en monteacutee de crue le transfert de pression qui preacutecegravede le transfert de masse permet la remise en suspension des seacutediments deacuteposeacutes Ainsi si on assimile la reacuteserve de lrsquoaquifegravere un cylindre de section remplie drsquoeau et le drain karstique principal a un conduit cylindrique horizontal par lequel la reacuteserve se vide et qursquoun deacutebit est injecteacute via une beacutetoire la pression augmente dans la partie amont du conduit horizontal et induit une acceacuteleacuteration de vitesse Cette acceacuteleacuteration creacutee un reacutegime transitoire drsquoaugmentation du deacutebit lrsquoexutoire par transfert de pression Puis les eaux de surface arrivent par un transfert de masse ce qui se traduit par lrsquoaugmentation de la charge hydraulique et donc des niveaux pieacutezomeacutetriques

Une des meacutethodes largement utiliseacutee pour observer les meacutecanismes de transports particulaires consiste eacutetudier les pheacutenomegravenes drsquohysteacutereacutesis entre la conductiviteacute (marqueur du flux de surface faiblement mineacuteraliseacute) la turbiditeacute (traceur particulaire) et le deacutebit On peut ainsi distinguer trois cas

1) La turbiditeacute et la conductiviteacute diminuent agrave la mecircme vitesse transport direct des eaux de surface

2) La turbiditeacute augmente avant que la conductiviteacute diminue remise en suspension de seacutediments intra karstiques

3) La conductiviteacute diminue avant que la turbiditeacute augmente deacutepocircts de seacutediments

Lrsquoeacutetude de ces relations conductiviteacute-turbiditeacute-deacutebit est eacutegalement possible lrsquoeacutechelle du cycle hydrologique (partitionnement univarieacute agreacutegeacute) Il semblerait que les deacutepocircts et les remises en suspension aient preacutefeacuterentiellement lieu respectivement au printemps et en eacuteteacute

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 30: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

29

(Massei 2001) En volume annuel les pheacutenomegravenes de remise en suspension concerneraient 154 des eaux de la source alors que 237 des eaux de la source seraient contamineacutes par le transfert direct drsquoeau de surface Mais le fait que les pheacutenomegravenes de remise en suspension ne soient pas toujours directement associeacutes agrave des eacuteveacutenements pluvieux les rend relativement impreacutevisibles En effet ce sont parfois les conditions aux limites du systegraveme qui conduisent agrave modifier les proprieacuteteacutes hydrodynamiques de la nappe agrave mecircme de mobiliser les seacutediments deacuteposeacutes dans les drains En conseacutequence la turbiditeacute nrsquoest pas un traceur conservatif et le bilan massique ne peut pas ecirctre utiliseacute pour eacutevaluer le taux de restitution des particules engouffreacutees via les beacutetoires De la mecircme faccedilon si lrsquoon cherche eacutetablir partir du suivi de la turbiditeacute un simple taux de dilution des eaux de ruissellements dans les eaux souterraines karstiques il ne srsquoagira que drsquoun taux de dilution laquo apparent raquo Lrsquoidentification des diffeacuterentes composantes du transport des eacuteleacutements particulaires demeure donc qualitative La part de chacune de ces composantes est extrecircmement variable tant agrave lrsquoeacutechelle de la crue que de la saison Il nrsquoest pas encore possible de construire un modegravele deacuteterministe de preacutevision de la turbiditeacute partir drsquoune description de chacun des processus Drsquoautant plus qursquoun certain nombre drsquoautres pheacutenomegravenes peuvent venir perturber le transport comme une connexion avec un autre reacuteseau karstique ou encore la preacutesence drsquoune zone de transition anisotrope lrsquointerface Craie-Alluvions qui modifierait les proprieacuteteacutes de transport en proceacutedant agrave un tri granulomeacutetrique (Massei 2001) On preacutecisera de surcroicirct que mecircme le pheacutenomegravene drsquoengouffrement des eaux de surfaces dans les beacutetoires ne reacutesulte pas drsquoun processus lineacuteaire simple mais est geacutereacute par une fonction seuil Au-delagrave de ce seuil la beacutetoire deacuteborde En reacutesumeacute la construction drsquoun outil de preacutevision de la turbiditeacute agrave partir de la dynamique de surface ne pourra dans notre cas reacutesulter que drsquoune approche systeacutemique

4) Proposition drsquoun modegravele conceptuel agrave inteacutegrer agrave Ruisrsquoeau

On propose ici une modeacutelisation conceptuelle drsquoune connexion beacutetoirecaptage qui fournit une reacuteponse turbide agrave une quantiteacute de matiegraveres en suspension contenue dans les eaux de ruissellement Lrsquohypothegravese de reproduction drsquoun milieu karstique souterrain a tregraves vite eacuteteacute eacutecarteacutee apregraves discussion avec les acteurs de terrain compte tenu des enjeux du territoire mis en discussion dans lesquels la gestion quantitative de la ressource nrsquointervient pas On propose donc une analyse systeacutemique tregraves simple qui permet de se figurer lrsquoeffet au premier ordre drsquoune beacutetoire situeacutee sur un plateau crayeux sur les eaux brutes drsquoun captage en fond de valleacutee (Figure 16)Du fait de la complexiteacute des pheacutenomegravenes de transport particulaire agrave lrsquoeacutechelle de la crue on ne modeacutelisera pas les pheacutenomegravenes de deacutepocircts et de remobilisation des seacutediments intra karstiques mais lrsquoon propose une fonction de transfert qui integravegre indistinctement ces deux meacutecanismes de transport On ne repreacutesente donc qursquoun taux de restitution laquo apparent raquo du maximum de turbiditeacute lrsquoengouffrement

On a donc en entreacutee du systegraveme une charge particulaire issue du ruissellement amont qui srsquoengouffre dans la beacutetoire puis une fonction de transfert qui permet drsquoengendrer une reacuteponse turbide au captage

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 31: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

30

Figure 16 Modegravele conceptuel de transfert du ruissellement de surface via une beacutetoire et meacutecanismes de

transport souterrain

Remarque Pour aboutir agrave un tel modegravele nous avons du poser de nombreuses hypothegraveses de simplification

1) Transfert de masse et transfert de pression sont assimileacutes agrave un seul processus de transfert laquo apparent raquo

2) Drsquoune crue sur lrsquoautre on ne tient pas compte de la masse deacutecanteacutee dans la beacutetoire 3) On associe agrave un eacuteveacutenement pluvieux un seul pic turbide 4) On neacuteglige lrsquoinfluence des conditions aux limites sur le transport de matiegravere variations

tidales deacutebit de pompage hellip Neacuteanmoins on leacutegitime ces hypothegraveses car il est ressorti des entretiens avec les experts locaux que ces derniegraveres semblent avoir tregraves peu drsquoinfluence sur la repreacutesentation du pheacutenomegravene au premier ordre

Pour calibrer notre modegravele (paramegravetre Y) on se reacutefegravere au taux de dilution apparents observeacutes au forage du Hannetot (Massei 2001)

Tableau 7 Taux de dilution apparents observeacutes entre la perte du Beacutebec et la source du Hannetot

Sur notre bassin la tregraves forte charge seacutedimentaire transporteacutee par le ruissellement abondant drsquoune crue deacutecennale et qui srsquoeacutecoule jusqursquo la beacutetoire geacutenegravere au captage des pics turbides trop importants (environ un ordre de grandeur) pour que les actions de neacutegociations meneacutees dans le jeu pour reacuteduire le ruissellement eacuterosif puissent ecirctre efficaces Crsquoest pourquoi nous introduisons deux eacuteleacutements qui viennent leacutegegraverement complexifier la repreacutesentation conceptuelle du modegravele (extraits des entretiens avec Nicolas Massei et Matthieu Fournier)

1) Une fonction seuil (S) lieacutee une capaciteacute drsquoinfiltration maximum de la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 50 ls (soit 180 m3h) comme la source du Beacutebec (Massei 2001) Informatiquement cela se traduit par un changement de la capaciteacute drsquoinfiltration du pixel sur lequel se situe la beacutetoire que lrsquoon fixe agrave 288 mmh Lorsque le seuil est deacutepasseacute le flux est transfeacutereacute au pixel aval

Eveacutenements deacutec-99 12-avr-00 14-avr-00 15-avr-00 22-nov-00 24-deacutec-00

Dilution apparent 30 40 42 33 20 28

Eau souterraine 70 60 58 67 80 78

X (mgl)

Si Ω lt S X=Ω

Sinon X=S

Ψ (mgl)

Si Ω lt S Ψ = 0 Sinon

Ψ = Ω - X

Y (mgl)

Y= (σX) 100

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 32: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

31

2) Un positionnement du captage une interface craiealluvion (comme crsquoest freacutequemment le cas pour limiter la vulneacuterabiliteacute du captage par rapport agrave une interception directe drsquoun conduit karstique) Un tri granulomeacutetrique srsquoopegravere lrsquointerface de sorte que le taux de restitution observeacute se situe seulement entre 1 et 10 de la charge initialement engouffreacutee

En sortie de ce systegraveme on accegravede agrave une concentration en matiegravere en suspension MES contenue dans lrsquoeau souterraine qursquoil faut parvenir convertir en uniteacute neacutepheacutelomeacutetrique NFU afin de comparer le reacutesultat aux normes de potabiliteacute Il srsquoagit donc de passer drsquoune mesure massique de la charge particulaire (fonction de la densiteacute du mateacuteriel transporteacute) agrave une mesure optique du trouble de lrsquoeau En peacuteriode de crue le mateacuteriel transporteacute est de nature disparate (agreacutegats peacutedologiques flocs organo-mineacuteraux hellip) (Fournier 2008) et il existe alors par effet masque une relation lineacuteaire du type

[MES] = A x NFU 1ltAlt5

A=5 correspond de fortes crues Crsquoest donc la valeur que lrsquoon choisit pour eacutevaluer la turbiditeacute lorsque lrsquoon simule des crues deacutecennales Le paramegravetre σ de la Figure 16 est fixeacute agrave 1

Cette valeur de 1 a eacuteteacute obtenue par calibrage apregraves avoir testeacute plusieurs actions possibles des

joueurs pour lrsquoameacutenagement du bassin qui soient en mesure drsquoecirctre efficaces Ainsi par exemple le sceacutenario de remise en herbe proposeacute agrave la partie 0 permet drsquoeacuteliminer une large partie de la pollution particulaire

Pour les 4 crues deacutecennales geacuteneacutereacutees dans le modegravele partir de lrsquooccupation initiale du sol (sans aucun ameacutenagement) on obtient les reacutesultats suivants

Anneacutees 2 4 5 8

Turbiditeacute eaux brutes du captage

(NFU) 14 22 15 18

Tableau 8 Simulations de pics turbides au captage AEP drsquoEstampeville-Bellemare

Les deacutepassements freacutequents des normes de potabiliteacute sont geacuteneacutereacutes par de la turbiditeacute des eaux brutes en lien avec le ruissellement eacuterosif mais aussi le reacutesultat de la qualiteacute des installations de traitement Car en effet lorsque la captation des eaux brutes est associeacutee agrave un simple traitement par sable (comme crsquoest le cas pour la plupart des installations de Seine Maritime) la reacutefeacuterence (05 NFU) de qualiteacute et la limite de qualiteacute (1 NFU) ne peuvent ecirctre obtenues que si les eaux brutes en entreacutee de lrsquoeacutetape de filtration ne deacutepassent pas respectivement 3 et 6 NFU On notera par ailleurs qursquo partir de 5 NFU la turbiditeacute commence ecirctre perceptible lrsquoœil nu ce qui gecircne fortement les consommateurs en plus des problegravemes de goucircts et drsquoodeur lieacutes aux deacutebris drsquoalgues et la reacuteaction du chlore avec les liaisons insatureacutees les groupes pheacutenoliques et les groupes azoteacutes des matiegraveres organiques Au-delagrave de 20 NFU les filtres se colmatent ce qui entraicircne la fermeture des stations afin de reacutetablir la qualiteacute des filtres et distribuer une eau sans danger pour la santeacute humaine

Les communes rurales ou syndicats desservant moins de 5000 abonneacutes nrsquoont pas les moyens financiers de recourir agrave des dispositifs de traitement plus eacutevolueacutes comme les technologies membranaires et sont donc extrecircmement deacutependantes de lrsquoimplantation drsquoameacutenagements drsquohydraulique douce sur le bassin

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 33: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

32

III) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau

Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau est conccedilu afin de rendre perceptible le risque de ruissellement eacuterosif et de

responsabiliser les acteurs sur lrsquoameacutenagement du territoire en pointant les eacuteleacutements cleacutes des

deacutecisions agrave prendre Il srsquoagit eacutegalement drsquoobserver dans qursquoelle mesure des solidariteacutes peuvent

ecirctre initieacutees au sein drsquoun bassin en insistant sur les formes drsquointerdeacutependance (amontaval

urbainrural)

1) Le jeu de rocircles Ruisrsquoeau une plate-forme drsquoapprentissages

Ruisrsquoeau est un dispositif concret qui permet lrsquoexpression de la relation dialectique entre

mouvements sociaux ruraux et politiques publiques par la confrontation de logiques diverses

et donc la constitution drsquoapprentissages sociaux Drsquoapregraves Argyris et Schoumln

(1978) lrsquoapprentissage peut se deacutevelopper selon deux degreacutes Le premier degreacute est un

apprentissage opeacuterationnel dit en simple boucle Il permet de corriger les erreurs de routine

et donne des outils pour la reacutesolution de problegravemes speacutecifiques en identifiant des strateacutegies

alternatives Le second est un apprentissage en double boucle qui eacutebranle les valeurs de sorte

agrave pouvoir modifier sa strateacutegie mais aussi ses objectifs On peut consideacuterer que ces boucles

correspondent aux niveaux drsquoapprentissages deacutecrits par Bateson (1977) Cependant celui-ci

fait reacutefeacuterence agrave un troisiegraveme niveau caracteacuteriseacute par une reacuteorganisation complegravete des

repreacutesentations et qui permettrait la conception de normes de gouvernance

Le recours au jeu de rocircle emprunte aux preacutesupposeacutes de la theacuteorie de lrsquoapprentissage social

(Bandura 1997) lrsquoadoption drsquoun nouveau comportement serait favoriseacute si le sujet deacuteveloppe

une capaciteacute de reacutetention (en se souvenant ce qursquoil a observeacute) de reproduction (capaciteacute agrave

reproduire le comportement) et une motivation agrave changer (bonnes raisons) Les jeux de rocircles

peuvent agir sur ces trois eacuteleacutements dans des contextes drsquoincidences complexes de

comportements individuels et collectifs Cependant lrsquoapprentissage social nrsquoest pas une sortie

automatique des processus participatifs Un certain nombre de preacutecautions sont prises dans

lrsquoeacutelaboration du jeu de rocircles afin de fournir un environnement drsquoapprentissage propice

lrsquoadoption de pratiques adaptatives et collaboratives Pour cela on se reacutefegravere aux eacuteclairages

theacuteoriques de la litteacuterature sur les apprentissages La dimension meacutethodologique de

lrsquoapprentissage social commence vraiment eacutemerger mecircme srsquoil reste sur ce point de

nombreux efforts accomplir On ne traite plus du transfert et de lrsquoutilisation de

connaissances scientifiques mais de la facilitation de lrsquoapprentissage en rendant les choses

visibles en aidant les personnes reconstruire des reacutealiteacutes au travers de lrsquoexpeacuterimentation

du discours et de lrsquoobservation On cherche montrer qursquoen expeacuterimentant les individus

peuvent ameacuteliorer leurs connaissances et accroitre leurs motivations srsquoengager Le

processus de reacuteflexion iteacuterative survient lors du partage drsquoexpeacuteriences et drsquoideacutees avec

drsquoautres selon deux modes lrsquoapprentissage transformatif (eacutequivalent un apprentissage en

double boucle) (Mezirow 1995 1996 et 2009) et lrsquoapprentissage expeacuterientiel (eacutequivalent

une simple boucle) (Kolb 1984 Keen 2005 et 2006) Lrsquoapprentissage transformatif est une

alteacuteration des perceptions et de la conscience individuelle par un processus de reacuteflexion et

drsquoengagement critique Cette forme drsquoapprentissage inclus lrsquoapprentissage instrumental

(orienteacute vers une tacircche) et lrsquoapprentissage communicatif (capaciteacute examiner et

reacuteinterpreacuteter les significations intentions et valeurs associeacutees aux actions) Lrsquoapprentissage

expeacuterientiel (laquo learning-by-doing raquo) est issu des theacuteories constructivistes selon lesquelles les

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 34: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

33

connaissances se construisent agrave partir du veacutecu Il est dans la ligneacutee de la cognition sociale

conccedilue par Vygotskyrsquos (1978) pour lrsquoeacutelaboration drsquoun savoir social dans lequel lrsquoapprentissage

se rapporte agrave une transaction entre la personne et lrsquoenvironnement social La theacuteorie de

lrsquoapprentissage expeacuterientiel (Experiential Learning Theory) a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par Kolb en

1984 Il y deacutecrit lrsquoapprentissage comme laquo le processus selon lequel la connaissance se creacutee

par la transformation de lrsquoexpeacuterience raquo LrsquoELT est un processus qui permet de construire un

savoir par la mise en tension de quatre modes drsquoapprentissage expeacuterimenter reacutefleacutechir

penser agir (Figure 17) Structurellement ces quatre modes constituent les eacutetapes

successives drsquoun cycle qui se reacutefegravere aux processus par lesquels les individus eacutequipes et

organisations reacutealisent et comprennent leurs expeacuteriences et modifient leurs comportements

Lrsquoexpeacuterience concregravete (expeacuterimenter) constitue la phase drsquoimmersion du sujet dans la

reacutealisation de sa tacircche Lors de cette phase habituellement il ne reacutefleacutechit pas sur la tacircche

Ensuite lors de la phase drsquoobservation reacutefleacutechie (reacutefleacutechir) le sujet reacutefleacutechi sur ce qui a eacuteteacute fait

et veacutecu Ce qui est compris par le sujet ou ce qursquoil rapporte deacutepend alors de ses aptitudes dans

le domaine de lrsquoobservation et de la communication Les valeurs et attitudes du sujet peuvent

ici avoir une influence sur les eacuteleacutements remarqueacutes La phase suivante est consacreacutee agrave la

conceptualisation abstraite (penser) qui consiste agrave interpreacuteter les eacutevegravenements remarqueacutes et

essayer de les inteacutegrer dans un systegraveme theacuteorique Enfin lrsquoexpeacuterimentation active (agir) est

la mise en application drsquoune nouvelle compreacutehension pour essayer de preacutedire ce qui pourrait

subvenir agrave la lueur de la theacuteorie nouvellement eacutelaboreacutee Plus qursquoun cycle il srsquoagit en fait drsquoune

spirale Lorsqursquoune expeacuterience concregravete est enrichie par la reacuteflexion prend sens par la penseacutee

et est transformeacutee par lrsquoaction la nouvelle expeacuterience engendreacutee devient plus riche plus

eacutetendue et plus profonde Ideacutealement lrsquoapprenant engageacute dans un cycle drsquoapprentissage passe

par chacun des modes

Figure 17 Scheacutematisation du cycle drsquoapprentissage de Kolb

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 35: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

34

Les dimensions transformative et expeacuterientiel de lrsquoapprentissage servent de cadre conceptuel au jeu de rocircles Ruisrsquoeau Ainsi les eacuteleacutements de Ruisrsquoeau sont conccedilus pour creacuteer et stimuler les conditions drsquoapprentissages qui permettront aux apprenants de deacutevelopper en situation leurs propres modegraveles afin de pouvoir geacuterer des situations drsquoincertitudes et de changements Pour cela on srsquoefforce de creacuteer un espace objectif drsquoapprentissage ougrave srsquoeacutequilibrent les temps entre action reacuteflexion expeacuterimentation et conceptualisation Pour que lrsquoapprenant srsquoengage de faccedilon entiegravere dans le cycle lrsquoespace fourni doit ecirctre hospitalier ce qui signifie caracteacuteriseacute par le respect de tous Il se doit drsquoecirctre seacutecurisant et encourageant mais aussi porteur de deacutefis Il doit laisser les apprenants ecirctre maicirctres de leur propre apprentissage Pour cela on adopte une posture dialogique Lrsquoapproche dialogique garantie une neutraliteacute vis-agrave-vis des rapports de force pour ne pas entraver la leacutegitimiteacute du processus et fait du dialogue son levier drsquoaction Elle exclut donc a priori un modegravele trop technique qui risquerait drsquoimposer une vision drsquoexperts et par l mecircme freiner lrsquoimplication des participants et donc le processus drsquoapprentissage Concregravetement on favorise la mise en place des apprentissages par lrsquoutilisation drsquoindicateurs pour rendre les problegravemes visibles des reacutesultats eacuteconomiques transparents des situations drsquoobservations permettant drsquoeacutetablir des infeacuterences et des situations drsquoeacutechange drsquoinformations et drsquoexpeacuterience entre les apprenants Le recours agrave des arguments drsquoautoriteacute est limiteacute mais les avis drsquoexperts peuvent ecirctre mobiliseacutes pour assister les expeacuteriences et lrsquoanalyse des reacutesultats

2) Preacutesentation et analyse des eacuteleacutements de Ruisrsquoeau

Lrsquoobjectif du jeu de rocircles est de parvenir agrave une gestion concerteacutee du territoire afin de maicirctriser les inondations et couleacutees boueuses dans les zones urbaines supprimer les ravines sur les terres agricoles et ameacuteliorer la qualiteacute de lrsquoeau potable Une partie du jeu est informatiseacutee et comprend trois modegraveles un modegravele de calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion un modegravele pour la qualiteacute de lrsquoeau et un modegravele deacutecisionnel qui permet de modeacuteliser les effets physiques et sociaux des deacutecisions des joueurs Les joueurs doivent planifier de concert lrsquoameacutenagement du territoire sur huit anneacutees

21) Les joueurs et actions

Pendant les sessions on a choisi de reproduire un tissu social complexe en faisant intervenir 13 joueurs 8 agriculteurs 1 maire-agriculteur 1 maire-preacutesident de syndicat de bassin versant 1 maire-preacutesident de syndicat drsquoeau 1 animateur de syndicat de bassin versant et 1 animateur de syndicat drsquoeau Le jeu est conccedilu pour 13 joueurs mais peut ecirctre eacuteventuellement joueacute 10 joueurs en preacutevoyant lrsquoabsence de 3 agriculteurs Avec moins de joueurs le jeu ne permettrait pas de reacuteveacuteler toute la complexiteacute des interactions en jeu sur un bassin versant Les actions de chaque joueur peuvent influencer ou ecirctre influenceacutees par le risque de ruissellement eacuterosif Si pour des raisons pratiques de jouabiliteacute du jeu seulement 9 agriculteurs sont physiquement preacutesents lors de la partie le bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare comprend 22 exploitations agricoles (Figure 18) Pour les 13 agriculteurs restant on parle drsquoagriculteurs robots crsquoest-agrave-dire que leurs deacutecisions sont laquo joueacutees raquo par lrsquoordinateur selon des regravegles de deacutecisions automatiseacutees

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 36: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

35

Figure 18 Exploitations agricoles des 9 joueurs actifs du bassin versant drsquoEstampeville-Bellemare

Les exploitations agricoles sont repreacutesentatives des 4 grands types de systegravemes de cultures ou de production du Haut-Cailly polyculteurs-eacuteleveurs (lait et lait+viande) eacuteleveurs (lait et lait+viande) ceacutereacutealiers cultures industrielles Aucun systegraveme nrsquoest lrsquoabri des enjeux eacuterosifs lrsquoensemble des exploitations est concerneacute mecircme si certaines cultures sont consideacutereacutees comme davantage agrave laquo risque raquo Les agriculteurs des trois communes du bassin sont inciteacutes agrave installer sur leurs parcelles des ameacutenagements afin drsquoatteacutenuer les deacutegacircts drsquoeacuterosion mais ils peuvent eacutegalement profiter des opportuniteacutes de vente fonciegravere lors de la creacuteation et de la reacutevision des plans locaux drsquourbanisme

Pour planifier et neacutegocier la mise en place drsquoameacutenagements drsquohydraulique (douce ou structurante) lrsquoeacutechelle du territoire un rocircle drsquoanimateur de bassin versant a eacuteteacute creacuteeacute Ce dernier eacutelabore ses strateacutegies avec le preacutesident du syndicat qui a eacutegalement le rocircle de maire de la commune drsquoEstampeville-Bellemare situeacutee lrsquoexutoire du bassin Lrsquoefficaciteacute de lrsquoaction du syndicat deacutepend de sa capaciteacute agrave mobiliser et agrave sensibiliser les exploitants en proposant des outils techniques et eacuteconomiques adapteacutes et en se saisissant des synergies possibles avec le contexte local (eacutevolution du contexte reacuteglementaire et incitatif scheacutema de substitution des terres avec la SAFER hellip)

Lrsquoaccegraves une eau brute et distribueacutee de qualiteacute constitue le mandat de lrsquoanimateur du syndicat drsquoeau Il doit veiller drsquoune part limiter la turbiditeacute en neacutegociant des ameacutenagements autour de la beacutetoire et drsquoautre part proteacuteger le captage des inondations en menant une strateacutegie drsquoameacutenagement sur les peacuterimegravetres de protection du captage Il megravene ses actions en collaboration avec le maire-preacutesident du syndicat drsquoeau

Les maires ont agrave geacuterer les secours et les deacutegacircts sur les routes et bacirctiments publics en cas de couleacutees de boue et sont garants de la salubriteacute publique en matiegravere drsquoeau potable Ils sont eacutegalement responsables de la deacutefinition des Plans Locaux drsquoUrbanisme (PLU) afin de satisfaire les demandes de terrains agrave bacirctir en lien avec les dynamiques deacutemographiques identifieacutees

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 37: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

36

22) Les supports de jeu

Lrsquoenvironnement de jeu est senseacute ecirctre similaire au territoire dans lequel eacutevoluent les agriculteurs

mais il ne srsquoagit pas de la repreacutesentation exacte drsquoun site particulier Lrsquoobjectif est de saisir les

processus dominants et le plateau est censeacute ecirctre utiliseacute sur drsquoautres bassins versants du SAGETous

les joueurs disposent de cartes du territoire avec les informations qui leur sont utiles cadastre pour

le maire eacutetude hydraulique pour le syndicat de bassin versant limites des peacuterimegravetres de protection

pour le syndicat drsquoeau positionnement des parcelles et du corps de ferme de chaque agriculteur hellip

En plus de ces cartes la preacutesence drsquoune maquette du bassin permet drsquoacceacuteder agrave une repreacutesentation

tridimensionnelle de lrsquoenvironnement Lrsquoattention porteacutee agrave lrsquoenvironnement est particuliegravere car lrsquoon

cherche agrave deacutevelopper un sentiment drsquoappartenance (Measham 2006) En connectant les joueurs au

territoire on espegravere creacuteer un contexte drsquoapprentissage qui permette une mise en lumiegravere des liens

entre systegravemes eacutecologiques et sociaux Dans la salle ougrave se deacuteroule la session de jeu on srsquoefforce de

reproduire tant que faire se peut les conditions drsquointeractions reacuteelles des diffeacuterents acteurs Ainsi on

dispose drsquoune table centrale pour les reacuteunions collectives et de 14 postes individuels 3 communes

syndicat drsquoeau et syndicat de bassin versant et 8 agriculteurs situeacutes agrave proximiteacute de la commune sur

laquelle se trouve leur siegravege drsquoexploitation (Figure 19)

Figure 19 Organisation theacuteorique de lrsquoespace pour les sessions de jeu

(photos prises lors du test avec du jeu avec des chercheurs)

Les espaces de neacutegociation peuvent ainsi ecirctre collectifs ou individuels selon les strateacutegies des uns et

des autres

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 38: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

37

La facilitation des processus de neacutegociation est permise par de larges possibiliteacutes drsquoactions pour les

diffeacuterents joueurs On peut positionner ces moyens drsquoaction dans un espace agrave 4 dimensions et

envisager de possibles synergies (Figure 20)

Figure 20 Diagramme drsquoactions et moyens dans Ruisrsquoeau

Rose Agriculteurs Vert Syndicat de bassin versant Bleu Syndicat drsquoeau Jaune Maires MAE Mesure Agro Environnementale PLU plan local drsquourbanisme ZSCE Zone Soumise agrave Contrainte Environnementale DPU Droit de

Preacuteemption Urbain DIG Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral PPR Peacuterimegravetre de Protection Rapprocheacute AEP Alimentation en Eau potable

Ce scheacutema met en eacutevidence le fait que lrsquoon cherche agrave axer lrsquooutil de concertation sur le volet

preacuteventif (incitatif et reacuteglementaire) Les agriculteurs peuvent reacutealiser des ameacutenagements de leur

propre initiative sans concertation ou incitation Mais la mise en place de mesures agricoles

incitatives neacutecessite la compreacutehension de leur bien fondeacute et leur acceptation par les agriculteurs ce

qui demande un travail drsquoanimation speacutecifique qui peut ecirctre multilateacuteral (cercles concentriques)

Cependant la reacutegulation preacuteventive des comportements est de plus en plus confronteacutee aux logiques

eacuteconomiques de court terme des individus et lorsque la mobilisation des exploitants agricoles sur

les mesures drsquohydrauliques douce est trop probleacutematique il devient neacutecessaire drsquoenvisager le

recours agrave la maicirctrise fonciegravere (DPU prescriptions) ou agrave lrsquooutil regraveglementaire sur certaines zones

prioritaires (ZSCE utilisation de la Deacuteclaration drsquoInteacuterecirct Geacuteneacuteral dans certains cas de blocage hellip)

Pour rendre lrsquoaction plus efficace on attribue au syndicat de bassin versant une compeacutetence eacutetendue

agrave lrsquointerface de multiples dimensions (curatif-preacuteventif incitatif-reacuteglementaire) Avec lrsquoextension

des compeacutetences du syndicat lrsquoaction des communes est limiteacutee agrave la communication drsquoinformations

(qualiteacute de lrsquoeau notamment) et agrave une conception attentive dans les plans locaux drsquourbanisme du

risque drsquoinondations et couleacutees boueuses (bien que le syndicat de bassin versant intervienne

eacutegalement ici en eacutemettant un avis sur lrsquourbanisme reacuteglementaire) Pour faciliter le processus de

neacutegociations et la mise en place de relations contractuelles les animateurs disposent de cartes

imageacutees (Figure 21)

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 39: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

38

Figure 21 Cartes imagineacutees pour la neacutegociation et la prise de deacutecisions

La multitude drsquooutils est un eacuteleacutement de complexiteacute dans le jeu mais qui paraicirct neacutecessaire pour

fournir une vision transversale sur le cumul des outils mobiliseacutes dans la reacutealiteacute agrave lrsquoeacutechelle du bassin

versant Mecircme srsquoil srsquoagit drsquoun territoire fictif ces outils de gestion sont reacuteels et une difficulteacute agrave les

manipuler pourrait ecirctre reacuteveacutelatrice du manque de connaissances sur certains aspects techniques

organisationnels ou leacutegislatifs En pratique pour le moment les principaux moyens drsquoaction utiliseacutes

font appel agrave un civisme providentiel eacutetatique qui deacutebloque des subventions ou des fonds

drsquoindemnisations en cas de catastrophes naturelles

Des feuilles de deacutecisions (parcelle concerneacutee la mesure prise lrsquoemprise au sol) servent agrave consigner

les accords Lrsquoaccegraves aux informations techniques utiles pour la prise de deacutecision se fait par un

certain nombre de fac-simileacutes contenus dans les fiches de poste de chacun des joueurs reacutesumeacutes

drsquoeacutetudes hydrauliques et hydrogeacuteologiques fiches techniques sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements

drsquohydraulique doucehellip) Les autres donneacutees qui entrent en compte dans les processus deacutelibeacuteratifs

de nature sociologique eacuteconomique ou encore cyneacutegeacutetique sont communiqueacutees au travers

drsquoindicateurs Ils permettent de rendre les problegravemes visibles

Gracircce au modegravele informatique on est en mesure de fournir des indicateurs de reacutesultats (proportion

de prairies de la SAU reacutealisation physique drsquoameacutenagements taux drsquoaccueil des nouveaux

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 40: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

39

habitants) et des indicateurs drsquoeffets (eacutevolution du nombre de ravines eacutevolution deacutegacircts

drsquoinondations et couleacutees boueuses de qualiteacute de lrsquoeau) La plupart des indicateurs sont distribueacutes

sous forme imageacutee (Figure 22)

Figure 22 Indicateurs sous la forme de cartes imageacutees

Le jeu est volontairement construit autour drsquoune dimension eacuteconomique forte (identifieacutee comme le principal frein lrsquoeacutemergence des solidariteacutes) Les coucircts et revenus des diffeacuterentes activiteacutes sont calibreacutes afin de respecter les proportions rencontreacutees dans la reacutealiteacute

- Les agriculteurs doivent seacutecuriser leur revenu et les joueurs institutionnels eacutequilibrer leurs deacutepenses budgeacutetaires Les revenus des agriculteurs (EBE Exceacutedent Brut drsquoExploitation) sont calculeacutes en fonction du type drsquoexploitation (produit brut animal produit brut veacutegeacutetal aides PAC charges de structures charges de fonctionnement annuiteacutes hellip) Ces revenus varient selon les assolements mais aussi selon la taille des ravines creacutees par lrsquoeacuterosion concentreacutee lrsquoemprise fonciegravere des ameacutenagements drsquohydraulique douce le versement de servitudes lieacutees lrsquoexpropriation ou encore selon les transactions fonciegraveres reacutealiseacutees

- Les syndicats drsquoeau et de bassin versant ne disposent pas drsquoun budget illimiteacute pour reacutealiser leurs ameacutenagements et sont ameneacutes agrave effectuer des choix prioritaires Pour le

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 41: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

40

syndicat drsquoeau lrsquoendettement se traduit par une augmentation du prix de lrsquoeau Toutes les opeacuterations techniques ont un coucirct qui varie en fonction du type drsquoameacutenagement et du type de convention passeacutee avec lrsquoagriculteur (MAE DIG hellip)

- Le budget des communes est impacteacute par les deacutegacircts lieacutes aux inondations En cas de deacuteficit les maires peuvent soit taxer des plus-values fonciegraveres lors de la vente de terrains soit augmenter les impocircts locaux

La dimension eacuteconomique doit permettre de relativiser le manque agrave gagner et de deacutecentraliser lrsquoargumentaire sur les contraintes technico-eacuteconomiques Ces derniegraveres peuvent en partie ecirctre leveacutees par les dispositifs incitatifs et compensatoires mais tout ameacutenagement geacuteneacuterera cependant des toujours des contraintes justifiant un refus dans le cadre drsquoune deacutemarche uniquement volontaire Lrsquoaspect financier permet eacutegalement que chaque partie soit veacuteritablement consciente de ses propres inteacuterecircts Il srsquoagit drsquoune condition neacutecessaire lorsque lrsquoon associe la neacutegociation deacutelibeacuterative une notion de justice Tous les acteurs doivent ecirctre en mesure de communiquer aux autres leurs inteacuterecircts incluant les plus eacutetroits et mateacuteriels Car crsquoest seulement une fois que ces consideacuterations auront eacuteteacute mises en lumiegravere que les participants seront ameneacutes ne pas seacutelectionner lrsquooption qui pourtant servirait au mieux leurs inteacuterecircts individuels immeacutediats

23) Le deacuteroulement de la partie

En srsquoinspirant du cycle drsquoapprentissage de Kolb le seacutequenccedilage du jeu a eacuteteacute penseacute afin de rythmer les alternances entre des actions individuelles la visualisation de leurs effets sur la gestion de la ressource et une reacuteflexion collective En particulier on deacuteveloppe les capaciteacutes de reacuteflexiviteacute en proposant des temps de reacuteunion collectifs qui permettent le partage de points de vue et lrsquoeacutechange drsquoinformations en cours de jeu et un deacutebriefing collectif apregraves le jeu La derniegravere phase du cycle lrsquoagir ou expeacuterimentation active est renforceacutee par la creacuteation de cycles drsquoobjectifs associeacutes agrave des simulations pour suivre la performance de la reacutealisation Une partie se deacuteroule sur environ trois heures dont une phase de prise en main du jeu 8 anneacutees de simulation et une phase de deacutebriefing Pendant la phase drsquoinitialisation les regravegles du jeu sont eacutenonceacutees par le maicirctre du jeu et les rocircles sont distribueacutes Chaque joueur dispose de fiches de poste pour prendre connaissance des caracteacuteristiques principales du rocircle qursquoil aura agrave mener statut social objectifs et moyens Une anneacutee repreacutesente un tour de jeu Il y a donc au total 8 tours de jeu ce qui laisse du temps aux apprenants pour la pratique reacutepeacutetitive et pour deacutevelopper ainsi une certaine expertise Chaque anneacutee les assolements drsquoeacuteteacute sont automatiquement calculeacutes par lrsquoordinateur et la fin de lrsquoanneacutee est marqueacutee par un eacuteveacutenement pluvieux plus ou moins fort En anneacutees 2 4 5 et 8 on provoque des crues deacutecennales Le jeu est seacutequenceacute en deux peacuteriodes Pendant les 4 premiegraveres anneacutees les animateurs initient des neacutegociations drsquoameacutenagements principalement sur la base du volontariat des agriculteurs En seconde peacuteriode la neacutegociation cegravede le pas agrave un cadre reacuteglementaire plus strict qui permet notamment aux syndicats de recourir au droit de preacuteemption urbain lorsqursquoune parcelle est en vente ou encore agrave des DIG A chaque tour les joueurs disposent drsquoun intervalle de temps pour prendre des deacutecisions individuelles ou interagir Les phases drsquointeractions sont aussi proches que possible de la reacutealiteacute neacutegociations entre les animateurs de bassins versants et les agriculteurs reacuteunion drsquoinformation ou de concertation en mairie ouverture drsquoune enquecircte publique lors de la reacutealisation des plans locaux drsquourbanisme hellip A la fin drsquoun tour les deacutecisions des joueurs sont impleacutementeacutees dans le modegravele et le calcul du ruissellement et de lrsquoeacuterosion est effectueacute nouveau Les dommages engendreacutes (inondations ravines turbiditeacute) sont communiqueacutes aux joueurs concerneacutes via divers indicateurs comme la qualiteacute de lrsquoeau du captage la preacutesence de ravines dans les parcelles des agriculteurs des avertissements en lien avec les inondations hellip A la fin de chaque anneacutee les informations

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 42: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

41

eacuteconomiques sont eacutegalement restitueacutees les budgets et revenus sont actualiseacutes en lien avec les actions ou non actions des joueurs deacutegacircts relatifs au ruissellement perte de revenu lieacute agrave lrsquoimplantation drsquoameacutenagements vente de parcelles plus values fonciegraveres hellip En fin de partie une phase de deacutebriefing met en discussion les choix de gestion des diffeacuterents acteurs Drsquoapregraves les theacuteories de Kolb lrsquoapprentissage est drsquoautant plus efficace lorsqursquoil est fondeacute sur lrsquoexpeacuterience personnelle et surtout qursquoil est suivi drsquoune reacuteflexion sur cette expeacuterience On pourrait dire que la collaboration est renforceacutee par la compreacutehension et soutenue par lrsquoexplication Dans cette ultime eacutetape du jeu lrsquoutilisation drsquoindicateurs de graphiques ou encore de cartes met en perspective des reacutepercutions globales de choix individuels ou concerteacutes Cela permet au processus participatif de ne pas rester simplement au niveau de lrsquoaction plurielle mais de devenir un laquo agir ensemble raquo par une visualisation conjugueacutee des actions individuelles Il srsquoagit notamment drsquoidentifier les arguments qui ont pu limiter les deacutecisions collectives ou individuelles Lrsquoeacutevaluation des reacutesultats obtenus se produit alors principalement sur deux plans 1) questionnements autour des logiques individuelles des systegravemes des valeurs et des comportements relativement aux autres joueurs 2) analyse collective des reacutesultats de la conscience et de la compreacutehension des processus en jeu (perception de la dynamique de groupe des neacutegociations mises en place hellip) Lrsquoapproche consiste ne pas reacutepondre aux questions sur la base de lrsquoexpertise drsquoun seul mais drsquoutiliser les questions comme des opportuniteacutes de deacutecouverte et de creacuteation de ses propres reacuteponses On pourrait assimiler cette eacutetape de deacutebriefing une phase drsquoexpeacuterimentation adaptative ougrave lrsquoenregistrement informatique des actions de jeu permet de controcircler les simulations et donc leur reacuteplicabiliteacute pour insister sur lrsquoidentification des chaicircnes causales Cela doit favoriser le passage drsquoun savoir deacuteclaratif (savoir que) un savoir proceacutedural (savoir comment) voir structural (savoir pourquoi)

IV) Mise en perspective de la deacutemarche

La phase drsquoeacutevaluation de lrsquooutil de cogestion est primordiale dans la mesure ougrave il est neacutecessaire drsquoidentifier quelles sont les meacutethodes qui fonctionnent reacuteellement afin de construire des modegraveles utiles (notamment en termes drsquoinnovations futures pour la gouvernance) Evaluer consiste porter un jugement sur les qualiteacutes drsquoun programme ou drsquoune opeacuteration la pertinence la coheacuterence lrsquoefficaciteacute lrsquoefficience On juge de ces qualiteacutes par rapport des eacutevolutions du contexte en essayant de deacuteterminer la part drsquoinfluence de lrsquoaction meneacutee On srsquoefforce dans cette partie de proposer un cadre et des moyens drsquoeacutevaluation centreacutes sur les apprentissages sociaux permis par le processus deacutelibeacuteratif Car l ougrave il y a les preuves drsquoun apprentissage social alors il y a des chances pour qursquoun capital social soit produit (Armitage 2010)

1) Protocole drsquoeacutevaluation de la deacutemarche aspects theacuteoriques et pratiques

Le protocole agrave mettre en place pour suivre les innombrables interactions ayant lieu pendant une session neacutecessite des filtres drsquoobservation Les pistes drsquoobservation et drsquoanalyse du processus participatif que lrsquoon propose reposent principalement sur lrsquoidentification de la nature des apprentissages et de leurs conseacutequences sur la co-ordination entre les acteurs Concregravetement pour analyser les sessions de jeu il est preacutevu de mettre en place un systegraveme drsquoenregistrement drsquoinformations baseacute sur des enregistrements videacuteo et des enregistreurs audio attacheacutes agrave chaque joueur A ces dispositifs mateacuteriels srsquoajoute la preacutesence drsquoobservateurs utiles dans lrsquoidentification des comportements et le releveacute des actions non formelles Toutes les actions formelles (deacutefinition des PLU ventes fonciegraveres implantations drsquoameacutenagements) sont conserveacutees en meacutemoire du dispositif informatique et eacutegalement en version papier sur des feuilles de deacutecisions Le deacutebriefing fait eacutegalement partie des meacutethodes qualitatives drsquoanalyse pour cerner certains aspects des discussions qui ont pu avoir lieu Lrsquoanimation est deacutecentreacutee de lrsquoindividu afin drsquoeacuteviter une mise en retrait des enjeux et objectifs

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 43: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

42

collectifs ce qui risque de peacutenaliser les agriculteurs dans la perception de leur contribution au projet global Le deacutebriefing doit permettre une eacutevaluation des apprentissages en trois eacutetapes La premiegravere partie est consacreacutee lrsquoidentification individuelle de la logique et du comportement drsquoun joueur vis-agrave-vis des autres joueurs Puis il srsquoagit drsquoeacutevaluer collectivement les reacutesultats les eacutemotions et la compreacutehension des processus en jeu Srsquoensuit une discussion sur drsquoeacuteventuelles incompreacutehensions des processus naturels des donneacutees techniques des dynamiques sociales et eacuteconomiques du territoire et drsquoune appreacuteciation de lrsquointeacuterecirct et des limites de la concertation et des neacutegociations On pourra eacuteventuellement effectuer une comparaison des reacutesultats avec ceux obtenus au cours drsquoautres parties Enfin pour essayer de cibler le plus objectivement possible les apprentissages lieacutes au processus deacutelibeacuteratif on eacutelabore un questionnaire que les participants doivent compleacuteter agrave la fois en deacutebut et fin de session En effet drsquoapregraves Bateson (1977) lrsquoapprentissage se deacutefinit et se reacutevegravele par une reacuteponse de lrsquoapprenant qui est diffeacuterente de celle donneacutee dans une situation anteacuterieure Le questionnaire de deacutebut sert ainsi de reacutefeacuterence Dans ce questionnaire on choisit drsquoaborder 3 grands thegravemes 1) la perception des enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute 2) les actions conduites en matiegravere de lutte 3) la connaissance et les perceptions des actions des diffeacuterents acteurs du territoire Les perceptions sur les enjeux eacuterosion ruissellement turbiditeacute couvrent agrave nouveau trois eacuteleacutements 1) la conscience du problegraveme (visibiliteacute et caracteacuterisation du problegraveme) 2) la deacutependance au problegraveme (impacts de lrsquoeacuterosion ou du ruissellement) 3) la responsabiliteacute individuelle (sentiment de responsabiliteacute individuelle et de sensibilisation au problegraveme volonteacute drsquoameacuteliorer la situation par un engagement personnel) Les diffeacuterents points abordeacutes renvoient diffeacuterentes eacutechelles drsquoanalyse (parcelle exploitation agricole commune bassin versant) afin drsquoidentifier les repreacutesentations que se font les acteurs du pheacutenomegravene de ruissellement eacuterosif en matiegraveres de cause de lieux drsquoorigine et de lieux de manifestation En reacutesumeacute les 7 questions du questionnaire devraient permettre drsquoaborder les connaissances sur les aspects techniques (moyens de lutte) sur les processus et sur les aspects plus strateacutegiques de gestion du territoire Il doit ecirctre tregraves court pour ne pas peacutenaliser la phase de jeu deacutejagrave longue

1) Selon vous avec quelle graviteacute le ruissellement eacuterosif affecte-t-il les secteurs suivants dans votre reacutegion

(entourez le niveau de graviteacute)

i Exploitations agricoles pas du tout peu fort Ne sait pas

ii Les services communaux pas du tout peu fort Ne sait pas

iii Les services drsquoeau potable pas du tout peu fort Ne sait pas

iv Les communes amont des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

v Les communes agrave lrsquoaval des bassins pas du tout peu fort Ne sait pas

2) Y a ndasht- il selon vous un lien entre le ruissellement eacuterosif et la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la

consommation Si oui expliciter ce lien

3) Selon vous lrsquourbanisation des terres agricoles est-elle (entourez)

i Un facteur aggravant les causes du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

ii Un facteur aggravant les deacutegacircts du ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

iii Une opportuniteacute de dialogue entre agriculteurs et non agriculteurs pour agir collectivement

contre le ruissellement eacuterosif Oui Non Ne sait pas

4) Quelles solutions connaissez-vous pour lutter contre le ruissellement eacuterosif

5) Quelles sont celles qui vous semblent les plus adapteacutees agrave votre zone (classez par ordre deacutecroissant) et

pourquoi

6) Quelles sont les principales contraintes agrave la mise en place drsquoune gestion du ruissellement eacuterosif

7) Quelles sont les solutions que vous avez mises en œuvre ou envisagez de mettre en œuvre sur votre zone et

pourquoi

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 44: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

43

En compleacutement de ce questionnaire des entretiens sociologiques individuels (plus conventionnels) apregraves les sessions de jeu sont neacutecessaires pour confirmer certaines hypothegraveses drsquointerpreacutetation On srsquoefforcera alors de tester une eacuteventuelle transformation personnelle en enquecirctant les participants sur la conception qursquoils avaient avant et apregraves la deacutelibeacuteration de leurs propres inteacuterecircts de lrsquointeacuterecirct de leur groupe local de lrsquointeacuterecirct drsquoautres groupes de lrsquointeacuterecirct des communes et des diffeacuterents modes drsquointeractions de tous ces inteacuterecircts On srsquoattend ce que lrsquoune des transformations majeure reacuteside dans lrsquoeacutelargissement des points de vue (reacuteduction des distances cognitives) et qursquoideacutealement le processus de deacutelibeacuteration ait permis de changer le laquo Je raquo en laquo Nous raquo

2) Session test la communauteacute de pratique montpellieacuteraine

Afin de mesurer et drsquoajuster la jouabiliteacute du jeu en calibrant les eacutetapes successives et en veacuterifiant les effets des regravegles et le temps drsquoune session le jeu a eacuteteacute testeacute avec une communauteacute de pratique la laquo Communauteacute Montpellieacuteraine de la Participation raquo La communauteacute rassemble des chercheurs et des praticiens sur les thegravemes des deacutemarches participatives et de la concertation territoriale sur la base drsquoune implication volontaire Les objectifs sont multiples avec comme motivation principale lrsquoameacutelioration des processus drsquointeractions complexes Il est ainsi question drsquoaccompagner les projets et de deacutevelopper des capaciteacutes pratiques pour faciliter ces travaux de groupes afin de les rendre efficaces et satisfaisants La communauteacute de pratique offre donc un espace pour tester le jeu de rocircles deacuteveloppeacute dans une optique de co-ingeacutenieacuterie (crsquoest-agrave-dire focaliseacutee sur la pratique et non le deacutebat acadeacutemique) La devise de la communauteacute est laquo pratiquer ce qursquoon precircche raquo La validation de la jouabiliteacute du jeu a eacuteteacute peacutenaliseacutee par les deacutefauts du modegravele informatique qui nrsquoa pu simuler lrsquoimpact des deacutecisions des joueurs sur le ruissellement et les indicateurs eacuteconomiques Cependant la session srsquoest reacuteveacuteleacutee efficace dans la stimulation des discussions et des eacutechanges de point de vue entre les joueurs (Figure 23)

Figure 23 Reacuteunion entre les maires des trois communes du bassin et lrsquoanimateur du syndicat

Ainsi certaines interactions non preacutevues dans le seacutequenccedilage du jeu ont eu lieu comme une reacuteunion

entre lrsquoanimateur du syndicat de bassin versant et le maire de la commune avale (Estampeville-

Bellemare) pour eacutetablir le co-financement drsquoun bassin de reacutetention sur la parcelle drsquoun agriculteur

Tous les joueurs ont exprimeacute une opinion positive sur le plateau de jeu les cartes agrave jouer et les

nombreuses informations contenues dans les fiches de poste (Figure 24) faisant de Ruisrsquoeau un jeu

extrecircmement reacutealiste peut-ecirctre un peu trop En effet lrsquoappropriation des rocircles srsquoest faite avec

difficulteacutes surtout pour les rocircles drsquoanimateurs de syndicat drsquoeau et de syndicat de bassin versant qui

neacutecessitent un grand nombre de connaissances preacutealables (notamment baseacutees sur lrsquoexpeacuterience)

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 45: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

44

Figure 24 Utilisation des supports de jeu

La deacutemarche drsquoeacutevaluation de lrsquooutil avec la Communauteacute de Pratique a eacuteteacute compleacuteteacutee par un test du

questionnaire conccedilu pour eacutevaluer les apprentissages On analyse les reacuteponses au questionnaire avec

beaucoup de preacutecautions car les participants contrairement aux acteurs locaux nrsquoavaient qursquoune

connaissance tregraves partielle de la probleacutematique locale (apregraves un bref exposeacute en deacutebut de seacuteance) Or

drsquoapregraves Barreteau (2003) les participants drsquoun jeu de rocircles interagissent en utilisant leur expeacuterience

de la reacutealiteacute et non en suivant simplement les regravegles Cependant on relegraveve plusieurs eacuteleacutements

qualitatifs qui nous fournissent des amorces de discussion sur lrsquoeffet du modegravele Il semble que le jeu

se soit reacuteveacuteleacute efficace dans la mise en lumiegravere des tensions de gestion en lien avec les diffeacuterentes

activiteacutes sur le bassin et les inteacuterecircts divergents des joueurs On note en effet un certain nombre de

propos de mecircme nature chez 9 des 13 participants dans lrsquoeacutevocation des principales contraintes de

gestion du bassin (question 6) Cette compreacutehension accrue des pheacutenomegravenes de gestion reacutesulte

principalement de la prise de conscience des interdeacutependances et des problegravemes organisationnels de

partage des compeacutetences entre les deux syndicats et entre les syndicats et les communes Ainsi le

maire drsquoEstampeville-Bellemare apregraves avoir incrimineacute exclusivement dans le questionnaire initial

(Q6) la mauvaise volonteacute des agriculteurs et des communes amont reconnaicirct que les problegravemes

sont lieacutes agrave une gestion deacutesordonneacutee des contraintes des uns et des autres A cette mecircme question

lrsquoagriculteur Jacques reacutepond en fin de partie difficulteacutes rencontreacutees sont lieacutees agrave la capaciteacute des

diffeacuterents acteurs agrave laquo agir ensemble raquo Les reacuteponses des agriculteurs se rejoignent autour de la

lourdeur des proceacutedures administratives et une fois encore les courts-circuits dus agrave

lrsquoenchevecirctrement des compeacutetences des uns et des autres Ainsi pour Thomas laquo Les choses ne sont

pas claires Le Syndicat drsquoEau raconte certaines choses et propose des MAE les maires proposent

drsquoautres choses raquo

Ensuite sur les solutions envisageacutees (Q7) le maire drsquoEstampeville-Bellemare adopte initialement

une position de victime en exprimant une impuissance face aux pheacutenomegravenes qui se produisent dans

sa commune alors qursquoil perccediloit les communes amont et les agriculteurs comme responsables En fin

de session il se sent precirct agrave agir et agrave adopter nrsquoimporte qursquoelle solution et agrave nrsquoimporte quel prix

laquo pourvu qursquoil puisse urbaniser raquo Cette attitude reacutevegravele lrsquoefficaciteacute du jeu agrave reproduire les tensions

lieacutees agrave la dynamique drsquourbanisation La position du syndicat sur lrsquourbanisme reacuteglementaire

(validation des PLU) met en porte-agrave-faux les eacutelus des trois communes qui perccediloivent qursquoils ne

peuvent pas prendre totalement en main leur politique fonciegravere En lien avec cette pression urbaine

on voit eacutemerger les aspects lieacutes agrave la concurrence drsquousage des parcelles agrave la fois dans les reacuteponses

aux questionnaires et dans les interactions de jeu ougrave le foncier est au cœur des processus de

neacutegociation

Concernant la perception du pheacutenomegravene du ruissellement eacuterosif et de ses conseacutequences sur la

qualiteacute de lrsquoeau (Q1 Q2) la reacuteponse de Thomas montre aussi des apprentissages En effet

initialement il deacuteclarait ne pas savoir si les services drsquoeau potable de la commune pouvaient ecirctre

toucheacutes puis modifiait en fin de session sa reacuteponse pour un service fortement affecteacute Quant au

processus de deacutegradation de la qualiteacute de lrsquoeau souterraine destineacutee agrave la consommation il passe

drsquoune position drsquoignorance agrave une connaissance tacite mais non explicite laquo lrsquoexpert hydrogeacuteologue

lrsquoa dit raquo

Les questions plus laquo techniques raquo relatives aux solutions drsquoameacutenagements drsquohydraulique preacutesentent

peu drsquoeacutevolutions Deux cas se preacutesentent soit certains joueurs connaissaient deacutejagrave un nombre

important de solutions techniques et ne semblent pas avoir acquis de nouvelles connaissances soit

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 46: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

45

aucune solution nrsquoeacutetait connue et il semblerait que la session nrsquoait pas permis drsquoaugmenter le degreacute

de connaissances Concernant ce second cas on peut avancer plusieurs hypothegraveses drsquoexplications

en lien avec les conditions de mise en œuvre du test avec la communauteacute de pratique la dureacutee de la

partie srsquoest limiteacutee agrave quatre tours les animateurs ont eu des difficulteacutes agrave diffuser de lrsquoinformation

qursquoils nrsquoont pas lrsquohabitude de manipuler et enfin des problegravemes informatiques qui ont entraicircneacute une

absence de retour sur lrsquoefficaciteacute des ameacutenagements On preacutevoit neacuteanmoins drsquoaccroicirctre pour les

sessions reacuteelles la transmission drsquoinformations drsquoordre physico-techniques avec notamment une

reacuteunion initiale entre les agriculteurs et lrsquoanimateur de bassin versant sur les effets des

ameacutenagements drsquohydraulique douce sur lrsquoeacuterosion et le ruissellement ainsi qursquoun support papier

contenant ces informations

En conclusion de la phase drsquoeacutevaluation de Ruisrsquoeau avec la Communauteacute de Pratique la

modification de la conscience discursive des participants au cours de cette session test nous permet

drsquoespeacuterer en cas reacuteel des effets secondaires positifs sur les relations sociales Mecircme avec des

participants eacuteloigneacutes de la probleacutematique locale les reacuteponses au questionnaire et les comportements

dans le jeu sont reacuteveacutelatrices drsquoun processus drsquoapprentissage Il est apparu par la mise en lumiegravere des

interdeacutependances des inteacuterecircts multiples et la modification des perceptions de lrsquoorganisation de

lrsquoespace entre responsables et victimes en rendant visibles les lieux drsquoorigine et de manifestations

des problegravemes Les communes et agriculteurs situeacutes sur les lieux sources ont a priori peu drsquointeacuterecirct agrave

agir puisqursquoils ne sont pas mateacuteriellement toucheacutes Crsquoest ce qursquoil srsquoest effectivement passeacute pendant

la session les proprieacutetaires terriens preacutefegraverent exploiter les terres agricoles ou les proposer agrave

lrsquourbanisation Mais lrsquoon peut srsquoattendre avec les acteurs locaux agrave lrsquoeacutemergence drsquoune certaine forme

de solidariteacute motiveacutee par la pression et les normes sociales car ils ont agrave faire face agrave un problegraveme

reacuteel En effet drsquoapregraves Chenard et Parkins (2010) les normes sociales jouent un rocircle dans le

processus de prise de deacutecision en influenccedilant les reacuteponses co-opeacuteratives Il peut srsquoagir de normes

collectives marqueacutees par une sanction de la part des autres ou de normes perccedilues ou subjectives

qui sont une interpreacutetation des normes collectives de la pression sociale renforceacutee par des eacutemotions

personnelles comme la honte la culpabiliteacute ou la fierteacute La reconnaissance des pairs et de la

communauteacute constitue une incitation puissante

3) Discussion

La deacutemarche de modeacutelisation drsquoaccompagnement neacutecessite une implication de diffeacuterentes classes

drsquoacteurs agriculteurs associations gestionnaires du service drsquoeau potable eacutelus chercheurs

Lrsquoassociation de ces personnes dans un jeu de rocircles repreacutesente un veacuteritable deacutefi Une fois le deacutefi

releveacute le jeu se reacutevegravele tregraves utile pour observer les interactions repreacutesenter la reacutealiteacute rassembler des

donneacutees partager des connaissances afin drsquoaboutir agrave une compreacutehension accrue de la gestion drsquoun

bassin versant Le travail de modeacutelisation conceptuelle et drsquoimpleacutementation informatique reacutealiseacute a

permis de consideacuterer de multiples facteurs en lien avec le ruissellement eacuterosif agrave de multiples

eacutechelles Lrsquoutilisation de Ruisrsquoeau devrait donc permettre drsquoeacutetendre les cadres de reacutefeacuterence

individuels vers celui du bassin versant et renforcer le processus de cogestion mis en place par le

SAGE Cependant il srsquoagit drsquoune deacutemarche coucircteuse qui requiegravere une grande preacuteparation la

disponibiliteacute drsquoune eacutequipe de recherche interdisciplinaire et un dispositif pour enregistrer ce qui

srsquoest deacuterouleacute afin de mener une analyse deacutetailleacutee de chaque session de jeux (observateurs

enregistreurs cameacutera) Il srsquoensuit neacutecessairement des entretiens pour confirmer les strateacutegies de jeu

releveacutees pour obtenir plus drsquoexplications sur les reacutesultats et accroicirctre la compreacutehension du

systegraveme A cela srsquoajoute le manque de temps agrave la fois pour analyser et mettre en place des

conditions favorables pour le processus drsquoapprentissage (individuel ou de groupe) qui est un

processus lent Tous ces facteurs rendent les formes deacutelibeacuteratives de participation drsquoapplicabiliteacute

limiteacutee et contraignent fortement lrsquoextension de cette pratique Et lorsqursquoun processus deacutelibeacuteratif

existe comment juger que celui-ci a eacuteteacute laquo bon raquo Lrsquoobservation et la theacuteorie de la deacutelibeacuteration en

sont encore agrave un stade de balbutiement Pour Mansbridge (2003) le jugement devrait porter sur le

degreacute de respect mutuel et de reconnaissance parmi les participants la consistance de leurs

arguments leur volonteacute drsquoeacutecouter leur parcimonie dans les deacutesaccords leur capaciteacute agrave deacutecouvrir ou

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 47: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

46

agrave forger des inteacuterecircts communs Drsquoun point de vue normatif il faudrait juger seacutepareacutement la qualiteacute

de la deacutelibeacuteration et la qualiteacute du reacutesultat (issu drsquoun standard indeacutependant de la proceacutedure

deacutelibeacuterative) Une bonne deacutelibeacuteration devrait permettre de clarifier agrave la fois les conflits et les points

communs mecircme si la deacutecision finale conduit agrave lrsquoaffrontement La deacutelibeacuteration doit eacuteviter les effets

de la polarisation Le pheacutenomegravene de penseacutee de groupe peut conduire les membres drsquoun groupe agrave

parvenir agrave un accord qursquoils perccediloivent comme un consensus de groupe alors mecircme que chacun

drsquoeux porte des doutes inexprimeacutes sur la sagesse et le bien fondeacute de ce consensus Dans Ruisrsquoeau

lrsquoaction est dirigeacutee vers la recherche drsquoune entente mutuelle gracircce au renforcement des capaciteacutes

personnelles (augmentation de la confiance en soi compreacutehension des enjeux maicirctrise technique)

et des capaciteacutes collectives (apprentissage drsquoun groupe de personne agrave coopeacuterer) Cet

laquo empowerment raquo annule les enjeux de pouvoir (Rowlands1995) et permet donc de mettre en

application la theacuteorie de lrsquoagir communicationnel drsquoHabermas(1984) pour produire des effets sur le

champ social Lrsquoagir communicationnel deacutejagrave preacutesent dans les phases de co-conception de Ruisrsquoeau

devrait conduire dans le jeu les acteurs locaux agrave srsquoentendre de faccedilon agrave interpreacuteter ensemble la

situation et agrave saccorder mutuellement sur la conduite agrave tenir

Lrsquoemploi du conditionnel nous amegravene agrave porter certaines nuances sur lrsquoexamen des effets des

politiques participatives sur la solidariteacute sociale On peut se demander si les arguments en faveur du

deacuteveloppement de telles politiques nrsquoont pas finalement que le statut drsquohypothegraveses qui reposent sur

une compreacutehension de comment ideacutealement les citoyens devraient se comporter La croyance dans

la vertu des effets de la participation nrsquoest-elle pas trop optimiste Pour Shlomi (2005) les efforts

pour cultiver la solidariteacute sociale devraient se concentrer ailleurs car la participation dans processus

participatifs est pour la plupart un aspect peacuteripheacuterique de nos vies dont les effets sur nos

dispositions restent limiteacutes De surcroicirct la participation ne va pas de soi et ne se deacutecregravete pas La

qualiteacute eacuteducative drsquoune participation est plus facilement associeacutee au gain drsquoune compeacutetence qursquoagrave

des dispositions solidaires Ce que lrsquoon laquo apprend raquo en participant nrsquoest-il pas plus une compeacutetence

qursquoune disposition Cultiver des compeacutetences nrsquoest pas la mecircme chose que cultiver des

dispositions (Dahl 1992) Si pour initier un changement les acteurs doivent comprendre le

problegraveme et ecirctre conscients des enjeux agrave lrsquoinverse une bonne perception et connaissance du

problegraveme ne signifie pas se sentir precirct agrave agir et encore moins srsquoengager dans lrsquoaction concregravete Il

existe en effet deux cateacutegories drsquoapprentissages les apprentissages qui amegravenent les gens agrave reacutefleacutechir

et les apprentissages qui reacutesultent en de veacuteritables transformations Il est tregraves difficile de mesurer

lrsquohypothegravese drsquoune transformation personnelle (vers une attitude plus solidaire par exemple) Or

pour instaurer de faccedilon efficace et durable une laquo hydro-solidariteacute raquo le travail sur la transformation

des mentaliteacutes est primordial Dans le cas ougrave lrsquoaregravene participative ait permis lrsquoeacutemergence drsquoune

eacuteventuelle empathie et un certain sens des responsabiliteacutes on peut se demander srsquoils perdurent au-

delagrave de lrsquoespace et du temps de discussions Selon le type drsquoacteurs convoqueacutes et la place sociale

qursquoils occupent (membres drsquoune co-opeacuterative preacutesident drsquoune socieacuteteacute de chasse eacutelu du conseil

municipal eacutelu syndicalhellip) on peut espeacuterer une diffusion des connaissances acquises et donc un

eacutelargissement des apprentissages en dehors du processus participatif La participation de ces

laquo gatekeeper raquo (Bull 2008) ou connecteurs potentiels pourrait influencer la communauteacute et servir

de conduit agrave lrsquoinformation vers une ameacutelioration durable

Et bien que lrsquoefficience du processus en reste agrave un stade hypotheacutetique on continue de croire agrave

lrsquoexpression romanceacutee laquoWhere there is a will there is a way raquo

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 48: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

47

Bibliographie Argyris C Schoumln D 1978 Organizational Learning A theory of action perspective Reading MA Addison-Wesley)

ArmitageD Plummer R 2010 Adaptative capacity and environmental governance Springer Heidelberg Dordrecht

London New York

Bandura A 1977 Social Learning Theory Englewood Cliffs NJ Prentice Hall

Barreteau et al 2003 A role-playing game in irrigated system negotiation between play and reality Journal of

Artificial Societies and Social Simulation vol 6 no3

Barreteau et al 2007 Contribution of simulation and gaming to natural resource managment issues an introduction Simulation Gaming 38 (2) 185-194

Barreteau et al 2010 SURGE Solidariteacute Urbain Rural et Gestion de lrsquoEau Rapport intermeacutediaire drsquoactiviteacute

programme Eaux et territories

Bateson G 1977 Vers une eacutecologie de lrsquoesprit Tome 1 Paris Le Seuil

Becu et al 2008 Participatory computer simulation to support collective decision-making potential and limits of

stakeholder involvement Land Use Policy 25 (4) 498-509

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territoires alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de leau INRA CEMAGREF ENGEES

Beven K 2001 Tribune Libre Lrsquouniciteacute de lieu drsquoaction et de temps Rev Sci Eau 14 (4) 525-533

Beven K 2001 How far can we go in distributed hydrological modelling Hydrology amp Earth System Sciences Vol

51-12

Beacuteraud AL 2010 Analyse du deacuteveloppement des territories alsacien et normand et des relations entre la gestion du

territoire et la gestion de lrsquoeau SURGE

Bots et al 2007 Simulation of solidarity in a resource sharing situation In F Amblard (Ed) Interdisciplinary

approaches to the simulation of social phenomena 17-32 Proceedings of the 4th conference of the European Social

Simulation Association Toulouse France

Bousquet et al 2003 Multi-agent systems and roles games collective learning processes for ecosystem management

In Janssen M editor Complexity and ecosystem management the theory and practices of multi-agent approaches

Cheltenham (UK) Edward Elgar Publishers

Bousquet et al 2007 Using multi-agent system in a companion modelling approach for agro-ecosystem managment in south-east Asia Outlook on Agriculture 36 (1) 57-62

Bousquet et al 1999 An environmental modelling approach the use of multi-agent simulations In Blasco F Weill

A (Eds) Advances in Environmental Modelling Elsevier pp113-122

BRGM 1998 Valleacutee du Haut Cailly (Seine-Maritime) Relations napperiviegravere DRIRE Haute Normandie

Bull et al 2008 Social learning from public engagement dreaming the impossible Journal of Environmental

Planning and Management Vol 51 No 5 701-716

Cartier S 2007 Solidariteacute rechercheacute tiers absent Solidariteacute et assurances les socieacuteteacutes europeacuteennes face aux

catastrophes R Favier (eds) MSH Alpes 189-202

Castellazzia et al 2010 Simulation scenarios of spatio-temporal arrangement of crops at the landscape

scaleEnvironmental modelling and software Volume 25 Issue 12 1181-1889

Cerdan et al 2002 Incorporating soil surface crusting processes in an expert-based runoff model Sealing and Transfer

by Runoff and Erosion related to Agricultural Management Catena 46 189ndash205

Cerdan et al 2002a Modelling interrill erosion in small cultivated catchments Hydrological Processes 16 (16) 3215-

3226

Cerdan et al 2002b Sediment concentration in interrill flow interactions between soil surface conditions vegetation

and rainfall Earth Surface Processes andLandforms 27 (2) 193-205

Chenard C Parkins J 2010 Social norms and wetland drainage on Farmland in Western Canada A literature review

and research prospectus Linking Environment amp Agriculture Research Network (LEARN)

Collectif ComMod 2006 Modeacutelisation drsquoaccompagnementIn Amblard F Phan D (Eds) Modeacutelisation et

simulation multi-agents applications aux sciences de lrsquohomme et de la socieacuteteacuteHermegraves Sciences Londres pp 217-228

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 49: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

48

Dagger R 1997 Civic virtues Rights Citizenship and Republican Liberalism Oxford Oxford University Press

Dahl R 1992 The problem of civic competence Journal of Democracy 3 (4) 45-59

Etienne et al 2003 A step-by-step approach to building land managment scenarios based on multiple viewpoints on

multi-agent system simulations Journal of Artificial Societies amp Social Simulations 6 (2)

Etienne et al 2008 ARDI A co-construction method for participatory modelling in natural resources managment In

Sanchez-Marre M Bejar J Comas J Rizzoli A Guariso G (Eds) International Congress on Environmental

Modelling Software Integrating Sciences and Information Technology for Environmental Assesment and Decision

Making Vol 2 866-873 Barcelone

EPICES 2008 Analyse des freins et moteurs agrave la mise en place de pratiques anti-eacuterosives sur le Bassin Versant de

lrsquoYegraveres

Falkenmark M Folk C 2002 The ethics of socio-ecohydrological catchment management towards hydrosolidarity

Hydrology amp Earth System Sciences 6(1) 1-9

Feyerabend P 1975 Against method Outline of an anarchist theory of knowledge New Left Books London UK

Fournier M 2006 Identification des modaliteacutes de transport et de vulneacuterabiliteacute du karst de la craie Application de

nouveaux outils statistiques danalyse des donneacutees au systegraveme Hannetot (Seine-Maritime France)

Fournier et al 2007 Use of univariate clustering to identify transport modalities in karst aquifers CR Geoscience

339622-631

Fournier M 2008 Fonctionnement hydrogeacuteologique de laquifegravere de Caumont et incidence des ameacutenagements de bassin versant sur la qualiteacute des eaux du forage des Varras AESN SERSAEPDeacutepartement de lEure

Giddens A 1990 The Consequences of modernity Pp31-45 Cambridge Polity

Gilbert C 1998 Le sens cacheacute des risques collectifs lrsquoimpact drsquoun risque deacutepend de la faccedilon dont la socieacuteteacute se

lrsquoapproprie La Recherche 307 110-113

Habermas J 1984 The theory of communicative action Vol 2 Lifeworld and system A critique of finctionalist

reason Boston Beacon Press

Helloco 2003 Systegraveme danticipation des eacuteveacutenements pluvieux hivernaux geacuteneacuterateurs de deacutesordres hydrologiques CG

Seine Maritime

Keen et al 2005 Social learning in environmental management Towards a sustainable future Earthscan London

Keen M Mahanty S 2006 Learning in sustainable natural resource management challenges and opportunities in the

Pacific Society and Natural Resources 19497ndash513

Kolb D 1984 Experiential learning Experience as a source of learning and development Upper Saddle River NJ

Prentice Hall

Kolb A et al 2009 The Learning Way Meta-cognitive Aspects of Experiential Learning Simulation amp Gaming

Vol40 297-327

LeChevallier et al 1981 Effect of turbidity on chlorination efficiency and bacterial persistence in drinking water

ApplEnvironMicrobiol42-159

Leeuwis C and Pyburn R 2002 Social learning for rural resource management In C Leeuwis and R Pyburn

(Editors) Wheelbarrows full of frogs Social learning in rural resource management1-23 Koninklijke Van Gorcum

Aasen

Mansbridge J 2003 Practice-Thought-Practice in A Fung and E OUlin Wright (eds) Deepening Democracy

Institutional Innovations in Empowered Participatory Gouvernance London Verso 175-199

Massei N 2001 Transport de particules en suspension dans laquifegravere crayeux karstique et agrave linterface craiealluvions

Thegravese de doctorat Rouen

Mathevet et al 2007 BUTORSTAR a role-playing game for collective awarness of wise reedbed use Simulation

Gaming 38 (2) 233-262

Measham T 2006 Learning about Environments The Signifiance of Primal Landscapes Environmental Management

Vol 38 No 3 426-434

Mezirow J 1995 Transformation theory of adult learning In MWelton (Ed) In Defense of the Lifeworld Critical

Perspectives on Adult Learning State University of New York Press New York

Mezirow J 1996 Contemporary Paradigms of Learning Adult Education Quarterly 46 (3)

158ndash172

Mezirow J 2009 Transformative learning theory In J Mezirow J amp E W Taylor(Eds)Transformative learning in

practice (p 18-32) San Francisco Jossey Bass

Ministegravere de lrsquoAgriculture 1980-1982 Synthegravese Nationale sur les crues des petits bassins versants Fascicule 2 la

meacutethode SOCOSE Fascicule 3 la meacutethode CRUPEDIX

Mucchielli A 1983 Les jeux de rocircles Que sais-je PUF Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 50: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

49

Nooteboom B 2000 Learnind by Interaction Absorptive Capacity Cognitive Distance and Gouvernance Journal of

Management and Gouvernance 4 69-92 2000

Paugam S 2007 Repenser la solidariteacute lrsquoapport des sciences sociales PUF Paris 192 p

Rodet J 1991 Les karsts de la craie eacutetude comparativeUniversiteacute Paris IV-La Sorbonne Paris

Rodet J 1993 Le rocircle des formations quaternaires dans le drainage karstique lrsquoexemple des craies du bassin de Paris

Quaternaire 4(2-3) 97-102

Rowlands J 1995 Empowerment examinedDevelopment in Practice 5 (2) Oxfam Oxford

Saubes N 2010 Construction dun outil dappui agrave la concertation pour la gestion des risques lieacutes au ruissellement

eacuterosif Initiation dune deacutemarche de modeacutelisation daccompagnement sur le bassin versant du Haut-Cailly en Seine-

Maritime (76) Meacutemoire de master Universiteacute Paris 8

Shlomi S 2005 Political Participation as an Engine of Social Solidarity A Sceptical View Political Studies 2005

VOL 53 362-378

Souchere V 1995 Modeacutelisation spatiale du ruissellementagrave des fins drsquoameacutenagement contre lrsquoeacuterosion de talweg Thegravese INA P-G Paris

Souchere et al 1998 Effect of tillage on runoff directions consequences on runoff contributing area within agricultural

catchments Journal of Hydrology 206 256-267

Souchegravere et al 2003 Modelling ephemeral gullyerosion in small cultivated catchments Catena 50 (2-4) 489-505

Souchegravere et al 2009 Co-constructing with stakeholders a role-playing game to initiate collective management of

erosive runoff risks at the watershed scale

Suphanchaimart et al 2005 Role playing games to understand farmersrsquo land use decisions in the context of cash crop

price reduction in upper northeast Thailand 121-139 Companion Modeling and Multi Agent Systems for Integrated

Natural Resource Management in Asia (Bousquet F Treacutebuil G HardyB eds)

USDA-SCS 1972 National Engineering Handbook Section 4 Hydrology USDA-SCS Washington DC USA

Vygotsky LS 1978 Mind in society The development of higher psychological processes MCole V John-Steiner

S Scribner amp E Souberman Eds) Cambridge MA Harvard University Press

Woodhill JRoumlling N 1998 The second wing of the eagle the humain dimension in learning our way to more

sustainable futures In Facilitation Sustainable Agriculture Participatory learning and adaptive management in times of

environmental uncertainty (Roumlling N G Wagemakers MAE eds)

Fiche de caracteacuterisation initiale de la ME 3 202 2005 Craie alteacutereacutee de lrsquoestuaire de la Seine

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts

Page 51: Ruis’eau : un outil d’aide à la concertation pour la …m2hh.metis.upmc.fr/wp-content/uploads/arch/memoires2011/...Université Pierre et Marie Curie, École des Mines de Paris

50

RESUME

Le deacutepartement de la Seine Maritime (76) est freacutequemment toucheacute par des inondations des couleacutees

boueuses et des problegravemes drsquoalimentation en eau potable lieacutes agrave la turbiditeacute Afin de seacutecuriser les

biens et les personnes face au risque inondation mais aussi de preacuteserver la qualiteacute de lrsquoeau potable

on propose aux acteurs locaux une nouvelle forme de gestion des bassins versants baseacutee sur

laquo lrsquohydrosolidariteacute raquo (entre urbainsruraux et amontaval) Il srsquoagit drsquoune gestion inteacutegreacutee qui en sus

drsquoune maicirctrise des processus physiques inclus une dimension humaine complexe Une deacutemarche de

modeacutelisation drsquoaccompagnement est utiliseacutee pour co-construire avec les acteurs locaux un outil de

concertation afin de reacuteduire les problegravemes de ruissellement et drsquoeacuterosion Lrsquooutil prend la forme drsquoun

jeu de rocircles (Ruisrsquoeau) servant de support agrave la discussion entre les acteurs Il comprend un module

informatique pour simuler le ruissellement eacuterosif et ses conseacutequences eacuteconomico-sociales Le jeu de

rocircles conccedilu comme une plateforme drsquoapprentissage social devrait permettre de rendre visible les

contraintes de gestion drsquoun bassin versant et de reconstruire des reacutealiteacutes au travers de

lrsquoexpeacuterimentation du dialogue et de lrsquoobservation De la transformation des reacutefeacuterentiels pourrait

alors eacutemerger de nouvelles formes de coordination des acteurs au niveau local afin de reacuteduire

durablement les problegravemes les problegravemes de ruissellement eacuterosif en partageant les efforts