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Sommaire

GIULIO CESARE IN EGITTO DE HAENDEL ........................................................................... 3

FICHE DE SYNTHESE POUR LES ELEVES ........................................................................ 3

L’ŒUVRE DANS SON CONTEXTE ....................................................................................... 7

L’ŒUVRE ET SA RECEPTION ............................................................................................. 7

SYNOPSIS ............................................................................................................................. 8

LES PISTES D'EXPLOITATION PEDAGOGIQUES ........................................................... 10

LES PISTES D’ECOUTES ................................................................................................... 14

LES MOTS DE L'OPERA ..................................................................................................... 24

POUR EN SAVOIR PLUS… ................................................................................................ 25

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE ...................................................................................... 25

GIULIO CESARE IN EGITTO A L’OPERA DE REIMS .......................................................... 26

DISTRIBUTION .................................................................................................................. 26

HAENDEL : L’HOMME ET SON ŒUVRE VUS PAR JEAN-CLAUDE MALGOIRE .......... 26

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GIULIO CESARE IN EGITTO DE

HAENDEL FICHE DE SYNTHESE POUR LES ELEVES

Giulio Cesare, opéra en trois actes, a été composé en 1723 par Georg Friedrich Haendel (1685-1754). Le livret est une adaptation par Nicola Francesco Haym du texte de Giacomo Francesco Bussani. L'opéra de Haendel, créé au King's théâtre Haymarket de Londres le 20 février 1724, connut le succès dès l'origine.

RESUME DE L’ACTION

L'action se déroule à Alexandrie en Égypte en 48 - 47 av. J.C.

Jules César a poursuivi jusqu'en Égypte son rival Pompée. Mais Ptolémée, roi des Égyptiens, pour s'attirer ses faveurs et croyant bien faire, tue Pompée dont il offre la tête à César. Celui-ci, sur le point de conclure la paix avec son rival, en est profondément choqué, jure, au nom de Cornélie et de Sextus, veuve et fils de Pompée, de le venger. D'un autre côté, Ptolémée tente d'éloigner du trône sa sœur Cléopâtre. Celle-ci va incognito chercher de l'aide auprès de César, elle le séduit par intérêt, mais finit par tomber amoureuse, sentiment bientôt réciproque. L'action décrit la course au pouvoir entre Cléopâtre et Ptolémée, le deuil de Cornélie et le désir de vengeance de Sextus, enfin la rivalité entre Ptolémée et Achillas, soupirants de Cornélie. L'opéra se termine par le triomphe de César et de Cléopâtre à Alexandrie, Achillas étant mort au combat et Ptolémée ayant été tué par Sextus. ROLES ET VOIX

PERSONNAGES RÔLES VOIX

LES ROMAINS

GIULIO CESARE (CESAR) Empereur de Rome Alto

CORNELIA (CORNELIE) Veuve de Pompée Contralto

SESTO (SEXTUS) Fils de Pompée et Cornelia Soprano

CURIO (CURION) Tribun de Rome Basse

LES EGYPTIENS

CLEOPATRA (CLEOPÂTRE) Reine d’Egypte Soprano

TOLOMEO (PTOLEMEE) Roi d’Egypte et frère de Cléopâtre

Alto

ACHILLA (ACHILLAS) Général et Conseiller de Ptolémée

Basse

NIRENO (NIRENUS) Confident de Cléopâtre Alto

LA COMPOSITION DE L’ORCHESTRE : cordes, hautbois, 4 cors (interventions limitées), flûte et basse continue.1

1 Voir la rubrique : "les mots de l'opéra".

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LE COMPOSITEUR : GEORG FRIEDRICH HAENDEL

Georg Friedrich Haendel est né à Halle le lundi 23 février 16852 dans une famille de bonne souche bourgeoise du XVIIème siècle. Son père, assez riche, barbier-chirurgien attaché au service des armées de Saxe, puis de Suède, fut enfin au service particulier du duc Auguste de Saxe. Malgré les dons précoces affirmés par son fils3, il le destine tout d’abord au droit car la musique, considérée alors comme un art d’agrément, n’est pas une profession sérieuse. Entendu par le duc lors d’un voyage à Weissenfels, cette haute personnalité réussit à convaincre le père de ne point contrecarrer la vocation de l’enfant. Bon gré mal gré, le père de Haendel, de retour à Halle, consent à faire donner à son fils une formation musicale. C’est Wilhelm Zachow, organiste et compositeur de renom qui va se charger de cette tâche.

PORTRAIT DE ZACHOW PAR MATTHESON4

« Il possédait autant de talent que de bienveillance…Haendel lui plut de telle sorte qu’il ne pensa jamais pouvoir lui témoigner assez d’amour et de bonté. Son effort tendit d’abord à lui faire connaître les fondements de l’harmonie. Puis il tourna ses pensées vers l’art de l’invention ; il lui apprit à donner aux idées musicales la forme la plus parfaite ; il affina son goût. Il possédait une remarquable collection de musique italienne et allemande. Il montra à Haendel les façons diverses d’écrire et de composer des différents peuples, en même temps que les qualités et les défauts de chaque compositeur. Et, afin que son éducation fût à la fois théorique et pratique, il lui donnait souvent des devoirs à faire (dans tel ou tel style)... »5. Cette formation musicale de haute qualité et d’une largeur d’esprit européenne permit au

jeune compositeur d’assimiler les richesses des différentes écoles musicales du temps passé et présent. Par ailleurs, à douze ans, Haendel jouait déjà parfaitement du hautbois, du violon et plus encore du clavier.

En 1697, son père meurt. Le principal obstacle à sa vocation de musicien venait de se lever. Pourtant, Haendel avait tant de respect pour la volonté de son père qu’il se fit inscrire à la faculté de droit de halle en 1702, soit cinq ans après son décès… Il y resta à peu près un an avant de devenir organiste

2 Le 21 mars 1685 naissait, à Eisenach, l’autre grand génie de la musique allemande baroque : Jean-Sébastien

Bach. 3 On trouve de nombreuses anecdotes sur ce sujet, notamment celle du jeune Haendel allant la nuit, en cachette,

jouer sur sa petite épinette… 4 Johann Mattheson est le premier biographe de Haendel. Le compositeur se liera d’amitié avec ce grand

théoricien de la musique à Hambourg en 1703. 5 cité par Romain Rolland, Haendel, Actes Sud, p. 22. Voir le chapitre "pour en savoir plus".

HAENDEL PAR BALTHASAR DENNER 1727

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de l'église à Moritzburg. En 1703, Haendel quitte ce poste pour accepter une place au sein des seconds violons de l'opéra de Hambourg.

1703 : HAMBOURG C’est dans cette ville, centre intellectuel des cultures germaniques, considérée comme la Venise de l’Allemagne, que le jeune Haendel, alors âgé de dix-huit ans, se familiarise avec l’opéra allemand. Reinhard Keiser, alors principal compositeur d’opéras en Allemagne et Kapellmeister de l’opéra de Hambourg connaît son heure de gloire. C’est aussi à Hambourg que Haendel se lie d’amitié fraternelle avec Mattheson qui lui fera les honneurs de la ville. Afin de parfaire sa formation, Haendel se rend à Lübeck pour entendre le plus célèbre organiste de son temps : Dietrich Buxtehude. De retour à Hambourg, il compose son premier opéra Almira. Le succès éclatant de l’ouvrage rendit Keiser fort jaloux... Dès lors, le directeur s'employa, par tous les moyens, à chasser son jeune rival hors de la ville. Sa gestion pitoyable de sa maison d’opéra conduit Haendel, en 1706, à prendre le chemin de l’Italie.

1706 : VOYAGE EN ITALIE

Florence, Rome, Venise, la métropole musicale de l’Italie, Naples, la ville où s’épanouit le bel canto. C’est le succès de son opéra Rodrigo obtenu à Rome qui va propulser le compositeur et lui permettre de rencontrer tout ce que l’Italie compte de plus noble et illustre : le cardinal Ottoboni, Corelli, Pasquini, Scarlatti (père et fils). Les Italiens ne tardèrent pas à l’acclamer : Viva il caro Sassone , « vive le cher Saxon ». LE CARDINAL OTTOBONI PAR FRABCESCO TREVISANI

LE SAVIEZ-VOUS ?

Au début de 1709, les admirateurs romains d’Haendel et de Domenico Scarlatti arrangèrent une compétition à l'orgue et au clavecin dans la demeure de l'employeur de Corelli, le cardinal Ottoboni. Les deux des plus grands claviéristes de tous les temps exhibèrent leurs pleins talents dans des exploits d'improvisation. À la fin, les lauriers pour le clavecin allèrent à Domenico Scarlatti alors que la couronne pour l'orgue alla à Haendel. Son seul rival potentiel en orgue aurait été Jean-Sébastien Bach mais ils ne se sont jamais rencontrés. On ne sait même pas si Haendel connaissait son existence.

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1710 : HANOVRE

Haendel a vingt-cinq ans. Il y rencontra Agostino Steffani, abbé, évêque, vicaire apostolique, conseiller intime et ambassadeur des princes, une personnalité extraordinaire qui exerça une influence capitale sur le compositeur. « Haendel lui dut son sens très fin du bel canto »6.

1711-1716 : ALLEMAGNE / ANGLETERRE Entre 1711 et 1716 le compositeur navigue entre l’Allemange, où il est Kapellmerister de Hanovre, et l’Angleterre, où il cherche à s’implanter. Il écrit notamment pour la couronne britannique « l’Ode pour l'anniversaire de naissance de la reine Anne » Birthday Ode for Queen Anne. La reine lui versa des honoraires dans le but de le garder dans son entourage comme compositeur à la cour.

L’ANGLETERRE

A partir de 1720 et jusqu’à sa mort : Haendel s’attèle à implanter l’opéra italien sur le sol anglais. Il se met à la tête d’un théâtre, rivalise de stratégies pour conquérir le public face à des rivaux de qualité tels Bononcini ou Porpora. Il dépense une énergie phénoménale, écrivant deux à trois opéras par an, s’épuise à diriger une troupe indisciplinée de virtuoses déments d’orgueil : la Faustina, la Cuzzoni. Toujours harcelé par les cabales et traqué par la faillite, fatigué et usé il est frappé d'apoplexie. Une cure à Aix-la-Chapelle le remet miraculeusement sur pieds. Il entame alors une nouvelle carrière et compose surtout des oratorios. La situation est toujours difficile pour lui, il quitte Londres pour l'Irlande de décembre 1741 à avril 1742, compose le Messie qui reçoit un accueil triomphal. Après un dernier voyage à Halle, Haendel retourne à Londres et écrit Jephta, le dernier de ses oratorios. Devenu complètement aveugle, il meurt le 14 avril 1759. Haendel composa plus de quarante opéras parmi lesquels :

1705 : Almira 1707 : Rodrigo 1709-10 : Agrippina 1711 : Rinaldo 1712 : Teseo 1713 : Silla 1723 : Ottone 1723 : Flavio 1724 : Giulio Cesare in Egitto 1724 : Tamerlano 1725 : Rodelinda 1726 : Scipione 1726 : Alessandro 1727 : Admeto 1727 : Riccardo Primo 1728 : Siroe 1728 : Tolomeo

1729 : Lotario 1730 : Partenope 1731 : Poro 1732 : Ezio 1732 : Sosarme 1733 : Orlando 1734 : Arianna 1735 : Ariodante 1735 : Alcina 1736 : Atalanta 1737 : Arminio 1737 : Giustino 1737 : Berenice 1738 : Faramondo 1738 : Serse 1739 : Giove in Argo 1740 : Imeneo

6 Romain Rolland, op. cité, p. 80.

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L’ŒUVRE DANS SON CONTEXTE

Giulio Cesare in Egitto est composé en 1723. Or, les années 1723-25 sont

particulièrement fécondes pour le compositeur. Dans le domaine de l’opéra, il a repris le terrain un instant perdu au profit de son rival Bononcini. Homme d’action et stratège avisé, Haendel veut profiter de la nouvelle saison 1723-1724 pour renverser définitivement la situation en sa faveur. Il reprend son Ottone (12 janvier 1723) qui fut le plus populaire de ses opéras. L’année 1724 commence chargée de promesses. Le 5 janvier, pour fêter le retour de George Ier au pays après un long voyage à Hambourg, Haendel crée devant toute la famille régnante une nouvelle partition sur le Psaume 103 et reprend l’Utrecht Te Deum and Jubilate écrit onze ans plus tôt. Heureux moment qui prélude à la création, quelques semaines plus tard de Giulio Cesare in Egitto : le 20 février 1724. Suivront alors deux autres chefs-d’œuvre : Tamerlano (le 31 octobre 1724) puis Rodelinda (le 13 févier 1725). Giulio Cesare in Egitto est le sixième opéra écrit à Londres par Haendel pour la Royal Academy of Music. Il fut créé au King’s Theatre in the Haymarket situé entre Pall Mall et Piccadilly Circus. Le bâtiment qu’a

connu Haendel a brûlé en 1789. Il fut rapidement reconstruit et existe toujours sous le nom de King’s Theatre in the Haymarket.

L’ŒUVRE ET SA RECEPTION La distribution comprenait, dans le rôle de César, le castrat alto – Senesino, la soprano Francesca Cuzzoni dans le rôle de Cléopâtre, l’alto Anastasia Robinson dans le rôle de Cornelia, la soprano Margherita Durastanti dans le rôle de Pompée, le castrat alto Gaetano Berenstadt dans le rôle de Tolomeo. L’opéra fit un grand effet en raison de sa partition somptueuse et de sa richesse mélodique. Il donna aussi à Senesino et à Cuzzoni l’occasion d’exploiter pleinement leur talent dramatique et lyrique. Il y eut treize représentations lors de sa première saison en février, mars et avril 1724. Dix nouvelles représentations se donneront dans une version revue et corrigée en janvier et février 1725. Dans cette version, Haendel supprime le rôle de Curio et le rôle de Nireno devient muet. La partie de Sextus, enrichie de trois airs, est transposée du registre de soprano à celui de ténor. Ptolémée reçoit également un nouvel air.

Onze autres représentations suivront encore en janvier, février et mars 1730. Cette fois-ci, Haendel adapte la partition à sa distribution : deux nouveaux airs sont écrits pour Anna Maria Strada del Pô, titulaire du rôle de Cléopâtre. Les dernières retouches à la partition datent de la reprise de 1732 où Haendel transforme certains arias da capo en cavatine. À l’exception de Rinaldo, Giulio Cesare in Egitto est l’opéra de Haendel le plus joué en Europe

au XVIIIe siècle : il est monté à Brunswick, Hambourg et Paris entre 1725 et 1737.

FRANCESCA CUZZONI 1696-1778

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SYNOPSIS

ACTE 1

Une grande plaine au bord du Nil. Un vieux pont enjambe le fleuve, Giulio Cesare, vainqueur

de l’Egypte, passe le pont, acclamé par l’assistance. Cornelia, épouse de Pompeo, son rival

vaincu, implore sa clémence. Cesare consent à condition que Pompeo dépose les armes. Mais

Achilla, général en chef des armées égyptiennes et conseiller de Tolomeo, annonce que ce

dernier, afin de marquer son allégeance à Cesare, a fait mettre à mort Pompeo et en a fait

apporter la tête dans un vase. Cornelia et son fils Sesto sont atterrés, et Cesare lui-même est

indigné par cet acte lâche et cruel. Tandis que Curio, un tribun romain, essaie maladroitement

de déclarer son amour à Cornelia, celle-ci pleure, et Sesto jure de venger son père.

Cleopatra, sœur de Tolomeo, arrive, suivie de ses serviteurs. Elle ambitionne d’être reine

d’Egypte. Son confident Nireno lui apprend le meurtre de Pompeo par Tolomeo qui espère

grâce à cela accéder au pouvoir. Mais Cleopatra est certaine que par sa beauté elle obtiendra

de Cesare tout ce qu’elle voudra. Lorsque Tolomeo arrive, elle lui fait comprendre qu’il n’a

aucune chance contre elle. Achilla promet alors à Tolomeo d’assassiner Cesare à condition

d’obtenir Cornelia en échange.

Dans le camp romain, Cesare rend hommage aux cendres de Pompeo. Une jeune fille qui dit

s’appeler Lydia et avoir été dépouillée de ses biens par Tolomeo, lui demande assistance.

C’est Cleopatra, déguisée. Cesare s’éprend aussitôt d’elle. Curio, de son côté, éprouve les

mêmes sentiments et se dit prêt à renoncer à Cornelia pour Lydia. Cleopatra et Nireno

constatent avec satisfaction que le subterfuge a pris. Arrivent Cornelia et Sesto, qui viennent

récupérer l’urne avec les cendres de Pompeo, et méditent le meurtre de Tolomeo, Cleopatra et

Nireno se proposent de les conduire auprès de lui.

Au palais de Tolomeo, la première rencontre entre lui et Cesare se passe dans une hypocrisie

réciproque. Lorsque Cornelia et Sesto surviennent et accusent Tolomeo, il les fait garder

captifs. Achilla propose à Cornelia de la libérer si elle accepte de l’épouser, mais se heurte à

un refus. Cornelia et Sesto sont séparés et se font leurs adieux.

ACTE II

Un bosquet de cèdres à côté du Parnasse et du palais de la Vertu. Cleopatra prépare, avec

l’assistance de Nireno, une mise en scène allégorique qui achèvera de subjuguer Cesare. Elle

lui apparaît sous l’aspect de la Vertu, entourée des neuf muses, aux sons d’une musique

céleste. Cesare est de plus en plus charmé et amoureux.

Dans le jardin du sérail de Tolomeo, Cornelia se désespère, et repousse les avances d’Achilla.

Tolomeo, qui la convoite aussi, promet faussement à Achilla de la lui donner s’il tue Cesare.

A son tour, il essaie de séduire la fière Romaine, avec aussi peu de succès. Cornelia est prête à

se suicider, mais Sesto réapparaît. Il a été conduit jusqu’à elle par Nireno. Tous deux vont se

cacher à l’intérieur du sérail en attendant le moment propice pour accomplir leur vengeance.

Dans un jardin, Cesare retrouve Cleopatra-Lydia. Mais Curio arrive, avertissant Cesare qu’un

complot se trame contre lui. Cesare s’apprête à partir, mais Cleopatra veut le suivre, et dans

son émotion elle se trahit. Ils se déclarent leur amour, et elle l’engage à fuir, tandis qu’elle-

même restera. Il disparaît juste avant que les conjurés ne fassent irruption en clamant “Mort à

Cesare”. Cleopatra supplie les dieux de le protéger.

Au palais, Tolomeo s’apprête à emmener Cornelia dans son harem. Sesto croit avoir trouvé le

moment pour le tuer mais il est intercepté par l’arrivée d’Achilla. Celui-ci révèle à Tolomeo

qu’à l’issue d’un combat Curio et Cesare ont trouvé la mort (ce qui s’avérera faux), mais que

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Cleopatra a rassemblé ses troupes pour venger Cesare. Tolomeo et Achilla partent au combat,

Cornelia et Sesto voient la vengeance leur échapper.

ACTE III

Dans une forêt près d’Alexandrie. Achilla, ayant compris qu’il n’avait aucune chance

d’obtenir Cornelia et qu’il a été trompé par Tolomeo, décide de passer dans le camp de

Cleopatra. Mais il fait un mauvais choix. La bataille entre les deux armées tourne à l’avantage

de Tolomeo, et Cleopatra est capturée. Tolomeo savoure d’avance les humiliations qu’il fera

subir à sa rivale déchue, laquelle pour la première fois semble avoir perdu tout espoir.

Mais Cesare n’était pas mort au combat, et il reparaît, fortement éprouvé, inquiet du sort de

son armée et plus encore de celui de Cleopatra. Sesto et Nireno surviennent en même temps.

Non loin de là, sur le rivage, Achilla gît, blessé à mort. Ils recueillent ses derniers aveux, et il

leur transmet un sceau auquel se rallieront tous ses guerriers. C’est Cesare qui s’en empare.

Sesto et lui se reconnaissent alors. Cesare est décidé à libérer Cleopatra et Cornelia. Sesto se

rallie à lui, retrouvant l’espoir de se venger de Tolomeo.

Au palais, Cleopatra fait ses adieux à ses suivantes, persuadée que sa fin est proche, lorsque

Cesare intervient et la délivre. Tolomeo, de son côté se croit enfin maître de Cornelia. Mais

Sesto arrive, l’épée à la main, le provoque au combat et le tue.

La scène finale unit les fêtes de la conquête de l’Egypte et consacre l’amour victorieux de

Cesare et de Cleopatra.

ANDRE LISCHKE (Avant-Scène Opéra, 1992, Paris)

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LES PISTES D'EXPLOITATION PEDAGOGIQUES

HISTOIRE DES ARTS

LA REPRESENTAION DE CESAR ET CLEOPATRE DANS LES ARTS

Pierre de Cortone 1596-1669 - César remet Cléopâtre sur le

trône d'Egypte huile su toile, vers 1637

Cléopâtre et César par Jean-Léon Gérôme, 1866

EDUCATION MUSICALE

L'OPERA SERIA

C'est un drame mis en musique, intégralement chanté, accompagné par un orchestre, représenté avec décors et costumes, destiné à magnifier le triomphe de la vertu sur le vice. Il tire ses sujets de la mythologie ou de l'histoire. - Son action se divise en trois actes : l'exposition, la péripétie, la catastrophe qui respecte le code du lieto fine (fin heureuse). - Ses personnages, peu nombreux (sept ou huit) permettent de resserrer l' action. - Les épisodes comiques sont absents et laissés au profit de l'opéra buffa.

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- Il repose sur l'alternance de récitatifs et d'airs qui obéissent à la forme de l'aria da capo7. Parmi les plus illustres représentants de l'opéra seria, on peut citer Scarlatti, Porpora, Haendel qui, de 1771 à 1741 crée, à Londres, plus de trente opere serie ou Mozart.

LE BEL CANTO

Le bel canto , littéralement "beau chant", a pour objectif de créer l'émerveillement, la fascination du public, par la virtuosité vocale dont il fait preuve. Pour cela, il use abondamment de l'ornementation improvisée. GUILLIO CACCINI (1550-1618), considéré comme "le père du bel canto"(ou "Buon Canto"), fixe au début du XVIIème siècle les règles d'exécution des traits, des broderies, des sons filés et du gruppo (trille). Sous l'influence de cantatrices vedettes, "prima donna" et surtout des castrats capables de performances vertigineuses, le bel canto s'impose progressivement à tous les compositeurs européens.

7 Voir pour le vocabulaire souligné la rubrique "les mots de l'opéra".

"Ce bel canto auquel Haendel "succomba" n'a que fort peu à voir avec ce que l'on a pris l'habitude de mettre sous le mot, depuis que nous fut restituée, dans les années soixante, l'une de ses formes ultimes, presque un avatar, à savoir le bel canto romantique. Celui de cette première moitié du XVIIIème siècle obéit à tout autres critères et valeurs, relève d'une tout autre esthétique musicale et scénique que ceux qui commanderont les œuvre de Rossini, Bellini et Donizetti. Ce bel canto baroque n'a pour souci ni la caractérisation (psychologique ou dramatique) des personnages ni la révélation d'un monde imaginaire ou symbolique. De telles investigations sont étrangères à cette époque. La scène, son espace de représentation, le jeu immédiat des illusions, simulacres et dissimulations sont des impératifs catégoriques. L'ère baroque est un ère de la séduction voulue pour elle-même et se suffisant à elle-même. Le trompe-l'œil y prime sur l'évocation des l'arrière-fonds. [...] Tout est conçu pour préparer, servir, accompagner les caprices des interprètes. (Haendel, comme tous ses pairs, n'hésita jamais à remanier l'un de ses ouvrages en fonction des moyens d'un chanteur, à lui réécrire les airs ou à lui en écrire d'autres ; et ceux-ci amenaient avec eux leurs "spécialités" propres : ornement "individuels", cadences, airs-valises...)." L'aria da capo constitue son terrain de prédilection. Elle "joue de la répétition certes, mais de la répétition obviée, qui ne répète pas le même mais y insinue la différence. Un mouvement en spirale ne rapporte les propositions que pour les fausser et les dévier. Da capo : on recommence certes, mais dans l'altérité, laquelle grève le mouvement de ressassement, suspend momentanément le cours du temps pour laisser libre cours à la prolifération de reflets, de réfractions, d'infinis écarts. "

"Haendel et le bel canto" par Alain Arnaud, Avant Scène Opéra n° 97 Jules

César.

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LES CASTRATS Un peu de biologie Un castrat est un chanteur adulte de sexe masculin qui, suite à une opération chirurgicale au tout début de la puberté (ablation des testicules ou castration),(ou dans des cas très rares, à cause d’un problème endocrinologique), chante avec une voix artificiellement élevée, ressemblant aux voix féminines de soprano, mezzo-soprano ou de contralto. La castration empêche le larynx d’un jeune garçon de s'agrandir pendant la puberté (la mue). Le castrat conserve donc en grande partie la tessiture vocale commune aux deux sexes d'avant la mue et sa voix d’adulte se développe d’une manière tout à fait unique. L’absence des testicules cause un manque de testostérone pendant la croissance, les extrémités des os longs (épiphyses) du castrat ne durcissent pas normalement. Les bras et les jambes des castrats étaient donc anormalement longs, ainsi que les os de la cage thoracique. Cette particularité, doublée d’une formation musicale intense, donnait aux castrats une capacité de souffle hors du commun. Leurs cordes vocales, restées petites et flexibles comme celles d’un enfant, produisaient un son différent des voix de femme ou des plus aiguës parmi les voix d’hommes non castrés. La castration dans l’histoire La castration des hommes, comme moyen d’asservissement, d’esclavage ou de punition remonte à des temps très anciens. Les eunuques, serviteurs royaux castrés, faisaient partie des cours antiques de Sumer, de la Perse et de l’Empire byzantin. À Constantinople, une chorale d’eunuques était responsable de la musique liturgique de la cathédrale Sainte-Sophie. Les conquérants musulmans de l’Espagne, au Moyen-Age, utilisaient les eunuques pour garder leurs harems: il devait bien s’en trouver dans le nombre qui avaient des talents musicaux appréciables! Au XVIème siècle, en Italie, les premiers castrats connus font leur apparition: souvent ils ont des patronymes espagnols. La chorale de la Chapelle Sixtine, musique personnelle du pape, admet des castrats officiellement en 1562. L'Église trouvait ainsi le moyen de faire figurer des voix « féminines » dans sa musique, tout en contournant la règle imposée par l’apôtre Paul « Que la femme se taise dans l'Église ». (I Corinthiens, XIV, 34) La castration à l’opéra

Les castrats ont tenu des rôles dès les débuts de l’opéra : on pense que le rôle d’Eurydice dans l’Orfeo de Monteverdi (1607) était tenu par un castrat travesti en femme. Dès 1680, les castrats avaient supplanté les voix masculines « naturelles » et pour plus d’un siècle, ils ont tenu les rôles de primo uomo. À cause de la grande popularité de l’opéra italien dans l’Europe du XVIIIème siècle, des chanteurs comme Farinelli, Pacchierotti et Senesino sont devenus les premières « stars » de l’art lyrique, exigeant des cachets démesurés, et adulés par un public hystérique. Dans le monde très codifié de l’opéra baroque, leurs voix pures et aiguës symbolisaient les vertus héroïques de leurs personnages, bien qu’il aient aussi été souvent tournés en dérision à cause de leur apparence physique étrange et de leur mauvaises prestations d’acteur. La castration n’était pourtant pas permise par le droit ecclésiastique : il s’agissait d’une mutilation, punissable par

l’excommunication. Les opérations étaient donc pratiquées dans la clandestinité et de nombreux garçons sont morts des suites d’une

castration ratée. Pour ceux qui y survivaient, la formation musicale était longue et difficile et la célébrité était loin d’être garantie. Entre 1720 et 1730, la furie des castrats atteignait son paroxysme : pendant cette décennie on estime qu’on castrait en Europe plus de 4 000 garçons par année, au nom de la musique. Beaucoup de ces jeunes venaient de familles pauvres. Ils étaient plus ou moins

FARINELLE D'APRES

CORRADO GIAQUINTO

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vendus par leur famille à l'Église ou à un maître-à-chanter, dans l’espoir que leur enfant ferait une brillante et lucrative carrière à l'opéra. C’était le cas des plus doués. Les « viennentensuite» finissaient dans les maîtrises des cathédrales, ou au théâtre parlé et même, comme le remarquait Casanova, dans l’exercice de la prostitution. Le déclin des castrats A la fin du XVIIIème siècle, les goûts musicaux et les attitudes sociales ayant évolué sous l’effet des Lumières, la vogue des castrats commença à s’estomper. Il en restait suffisamment dans les maisons d’opéra au début du XIXème siècle pour charmer Napoléon, et le dernier grand rôle pour un castrat fut écrit par Giacomo Meyerbeer en 1824. Après cela, les voix « naturelles » de ténor héroïques reprirent les rôles de primo uomo aux castrats et c’est ainsi que naquit la lignée des « grands ténors » comme Enrico Caruso, Luciano Pavarotti, Roberto Alagna, etc. Après l'unification de l’Italie en 1870, la castration fut officiellement interdite par le droit pénal (sur le modèle du droit français qui interdisait les mutilations). En 1878, le pape Léon XIII interdit d’engager de nouveaux castrats dans la musique du Vatican. On a conservé des enregistrements du dernier castrat de la Chapelle Sixtine, Alessandro Moreschi (mort en 1922). Le 22 novembre 1903, fête de la Sainte-Cécile, patronne des musiciens, le pape Pie X recommande « lorsqu’il est nécessaire d’utiliser les voix de soprano et de contralto dans la musique liturgique, de n’employer que des voix de jeunes garçons, selon l’usage très ancien de l'Église. » C’est la fin officielle de l’ère des castrats.

Ci-dessus (de très haute taille) le castrat alto Senesino (1686-1758) qui créa le rôle de César

dans Giulio Cesare in Egitto avec, en petit, la soprano Cuzzoni qui créa le rôle de Cléopâtre dans ce même opéra.

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LES PISTES D’ECOUTES

Les écoutes sont tirées de la version du Giulio Cesare in Egitto de Jean-Claude Malgoire

enregistrée en 1995 :

Giulio Cesare: James Bowman Cleopatra: Lynne Dawson Tolomeo: Dominique Visse Cornelia: Guillemette Laurens Sesto: Eirian James Achilla: Nicolas Rivenq Curio, Nireno: Jean-Louis Comoretto La Grande Écurie et la Chambre du Roy Jean-Claude Malgoire Astrée Auvidis E8558 (3 CDs)

L'OUVERTURE, CD PLAGE 1

L’ouverture est une pièce instrumentale faisant office d’introduction aux opéras, ballets, musiques de scène, comédies-ballets…. Il existe divers types d’ouvertures, selon les époques. Cette ouverture de Haendel s'inspire du plan d'une ouverture à la française qui se limite ici à deux parties :

A. Cette première partie, de tempo lent, possède un caractère solennel et majestueux, une noblesse

de ton qui sied parfaitement à l'opéra séria grâce à la présence de rythmes pointés :

croches pointée double :

noire pointée croche :

Ces pistes d’écoutes ne forment en aucun cas une anthologie des meilleures pages de

Giulio Cesare in Egitto. Offrant un choix d’éclairages multiples et variés sur l’opéra,

elles doivent permettre aux professeurs d’établir, avec plus de facilités, différentes

connexions en fonction de leurs disciplines, projets pédagogiques et compétences

visées. Plus largement, ces différentes écoutes se proposent de faire découvrir les

différents rôles et voix.

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B. La seconde partie est un allegro fugué8 adapté de l'ouverture de l'opéra Ottone de Haendel. Elle

comprend trois entrées successives et imitatives sur un sujet énergique et pétillant par ses notes répétées suivies d'intervalles allant en augmentant. Ce sujet est exposé tout d'abord à la dominante aux violons (I et II) et hautbois, puis à la tonique aux violons (III) et altos et enfin à dominante pour les basses (basse continue, cordes graves et basson) :

EN CLASSE

- Qu'est-ce qu'une ouverture ?

- Quelle est sa fonction à l'opéra ?

- Combien de parties distinguez-vous dans cette ouverture ?

- Quels sont les éléments musicaux qui permettent de les différencier (tempo, caractère...)?

8 Voir la rubrique : "les mots de l'opéra".

SUJET

PREMIERE

ENTREE

SUJET

SECONDE

ENTREE

SUJET

TROISIEME

ENTREE

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ACTE I : AIR DE CESARE "EMPIO, DIRO, TU SEI", CD PLAGE 2

SITUATION DE CETTE ARIA DANS L'OPERA

Achillas, le général et conseiller de Ptolémée arrive avec des cadeaux et la tête coupée de

Pompée. Choqué et horrifié par tant de barbarie, la colère de César éclate.

CESARE

A

Empio, diro, tu sei,

Togliti a gli acchi miei,

Sei tutto crudeltà.

B

Non è da Rè quel cor,

Che donasi al rigor,

Che in sen non ha pietà.

A'

Empio, diro, tu sei,

Togliti a gli acchi miei,

Sei tutto crudeltà.

CESAR

A

Je dis que tu es infâme,

Ote-moi de ma vue,

Tu es un monstre sanguinaire.

B

Il n'est pas d'un roi, ce coeur

Qui s'abandonne à la cruauté,

Qui ne renferme aucune pitié.

A'

Empio, diro, tu sei,

Togliti a gli acchi miei,

Sei tutto crudeltà.

La tonalité générale de cet air, en ut mineur, est à elle seule révélatrice de la tension qui sous-

tend tout le discours musical.

La volubilité, l'agitation, la véhémence des lignes mélodiques avec ses fusées rapides, ses

rythmes incisifs et vigoureux, ses gammes descendantes traduit la fureur de César :

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La cruauté ("crudeltà") de Ptolémée est soulignée par une longue vocalise très serrée :

EN CLASSE :

On pourra montrer avec profit l'émission réalisée par Jean-françois Zygel

consacrée à l'opéra dans le coffret "la boîte à musique". Cet air très célèbre de

César y est interprété par Robert Expert, grand contreténor récemment invité à

l'opéra de Reims.

ACTE I : AIR DE CORNELIA "PRIVA SON", CD PLAGE 3

SITUATION DE CETTE ARIA DANS L'OPERA

Cornelia vient de perdre son mari. Elle exprime dans cette aria, tout à la fois douloureuse et

tendre, son désespoir et sa détresse.

Les sentiments de l'épouse du défunt Pompée, sont parfaitement illustrés musicalement par

Haendel qui agit en fin psychologue :

- La douleur est évoquée par une cellule mélodico-rythmique descendante présente dès la

première mesure à la flûte dont il faut ici souligner la présence, contribuant à donner à cette

aria toute sa douceur :

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Nous retrouverons cette cellule dans le chant, peu après, sur les mots "speme " et "morire",

"espoir" de "mourir"...

- La présence fréquente de silences sur le premier temps marque la volonté du compositeur de

traduire le trouble de Cornelia qui, sous l'emprise d'un terrible chagrin, a des difficultés pour

trouver ses mots et probablement sanglotte...

CORNELIA

A

Priva son d'ogni conforto,

E pur speme di morire

Per me misera non v'è.

B

Il mio cor, da pene assorto,

E già stanco di soffrire,

E morir si niega a me.

A'

Priva son d'ogni conforto,

E pur speme di morire

Per me misera non v'è

CORNELIE

A

Je n'ai plus aucun soutien,

Et jusqu'à l'espoir de mourir

Qui m'est interdit, malheureuse que je suis.

B

Mon cœur, accablé de douleurs,

Est déjà las de souffrir,

Et l'on ne me laisse pas mourir.

A'

Je n'ai plus aucun soutien,

Et jusqu'à l'espoir de mourir

Qui m'est interdit, malheureuse que je suis.

EN CLASSE

On peut étudier les liens texte/musique et précisément analyser comment la douleur, le

chagrin sont évoqués musicalement.

Quelques choix d'écoutes périphériques :

- Bach, Passion selon Saint Mathieu, aria n°12 "Blute nur du liebes Herz".

- Monteverdi, Lamento d'Ariana.

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ACTE II, SCENE 2, CLEOPATRA, "V'ADORO, PUPILLE", CD PLAGE 4

SITUATION DE CETTE ARIA DANS L'OPERA

Afin d'assoir son pouvoir de séduction sur César, Cléopâtre use d'un subterfuge : elle lui apparaît sous les traits de la Vertu, entourée de neuf Muses. Cet air est tout à fait remarquable par l'utilisation qu'il fait d'un double orchestre, l'un dans la fosse, l'autre sur la scène, ajoutant aux instruments traditionnels des timbres évocateurs d'une dimension céleste, presque féérique avec la présence d'une harpe, d'un théorbe et d'une viole de gambe qui habillent le chant de la séductrice d'une douceur extrême. Dans la première partie de l'air (A ), les deux orchestres soutiennent la partie vocale alors que dans la seconde (B), seul le trio placé sur scène accompagne le chant. Une réplique, en style récitatif9, de César conquis et sous le charme d'une si belle apparition précède le da capo (A').

CLEOPATRA

A

V'adoro, pupille,

Saette d'amore,

Le vostre faville

Son grate nel sen.

B

Pietose vi brama

Il mestro mio core,

Ch'ogn'ora vi chiama

L'amato suo ben.

CESARE (récitativo)

Non ha in cielo il tonante melodia, che pareggi un si

bel canto.

A' CLEOPATRA

V'adoro, pupille,

Saette d'amore,

Le vostre faville

Son grate nel sen.

CLEOPÂTRE

A

Je vous adore, prunelles,

Flèches de l'amour ;

Vos étincelles

Pénètrent agréablement mon sein.

B

Mon triste cœur

Vous supplie d'être charitables,

Car sans cesse il vous appelle

Son trésor chéri.

CESAR

Jupiter n'a pas dans les cieux une mélodie qui

égale un si beau chant.

A' CLEOPATRE

Je vous adore, prunelles,

Flèches de l'amour ;

Vos étincelles

Pénètrent agréablement mon sein.

Tandis que César court vers Cléopâtre, le

Parnasse se referme et la scène reprend son

aspect primitif.

9 Voir la rubrique "les mots de l'opéra".

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ACTE II, SCENE 2, CESARE "SE IN FIORITO AMENO PRATO", CD PLAGE 5

SITUATION DE CETTE ARIA DANS L'OPERA

Cette aria est la réponse de César au beau chant que vient d'exécuter Cléopâtre (voir analyse

ci-dessus). Il le compare à celui des oiseaux.

Après une courte introduction de caractère champêtre avec sa basse immobile (pédale de

tonique) imitant un bourdon de vièle ou de musette, ses rythmes alertes et son phrasé incisif

alternant legato/staccato10

, notes liées et piquées :

10

Voir la rubrique "les mots de l'opéra".

L'ANALYSE DE JONATHAN KEATES...

"Elle (Cléopâtre) lui présente alors un tableau érotique soigneusement mis en

scène, où elle figure sous les traits de la Vertu "assistée des neufs Muses",

sur le Parnasse. L'orchestration de ce passage, sur une mélodie de sarabande

lente, est d'un charme incomparable : l'orchestre de scène est formé d'un

hautbois, de bassons de cordes (dont une viole de gambe arpeggiando), d'une

harpe et d'un théorbe, tandis que, dans la fosse, l'orchestre ordinaire se livre

au plus doux des commentaires, à l'instant où, dans "V'adoro, pupille",

Cléopa^tre reprend le thème, avec l'accompagnement au grand complet,

d'une sensualité qui n'a rien à envier à tout ce que Mahler ou Strauss ont pu

inventer. Au moment où César se précipite pour l'enlacer, la scène se referme

et disparaît."

KEATES, Jonathan, Haendel, Fayard, p.143.

21

c'est au violon solo qu'il revient d'évoquer le gracieux ramage des oiseaux dans un babillage

volubile et aérien :

La partie vocale, par ses vocalises serrées, ses trilles, contribue elle aussi à un délicieux jeu

d'imitations des chantres ailés de la forêt :

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CESARE

A

Se in fiorito ameno prato

L'augellin tra fiori e fronde

Si nasconde,

Fa più grato

Il suo cantar.

B

Se cosi Lidia vezzosa

Spiega ancor notti canore,

Più graziosa

Fa ogni core

Innamorar.

A'

Se in fiorito ameno prato

L'augellin tra fiori e fronde

Si nasconde,

Fa più grato

Il suo cantar.

CESAR

A

Si, dans la riante campagne,

L'oiseau se cache

Parmi les fleurs et les feuillages,

Il rend son chant

plus agréable.

B

De même si la ravissante Lydie

Fait entendre dans la nuit sa voix mélodieuse,

Plus délicieuse encore,

Elle inspire de l'amour

A tous les cœurs.

A'

Si, dans la riante campagne,

L'oiseau se cache

Parmi les fleurs et les feuillages,

Il rend son chant

plus agréable.

EN CLASSE

- Quels sont les moyens employés par le compositeur pour évoquer le chant d'un oiseau ?

- Comparaisons possibles de cette aria avec :

l'air de Dorinda "quando spieghi" dans Orlando de Haendel

l'ariette du rossignol dans Hyppolite et Aricie de Rameau

- Les divers chants d'oiseaux présents dans la musique : Janequin, Couperin, Vivaldi, Ravel,

Messiaen...

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ACTE III, RECIT DE GIULIO CESARE "DALL’ONDOSO PERIGLIO", CD

PLAGE 6

Haendel témoigne d’une grande souplesse et liberté formelle. Il s’agit d’une véritable fresque musicale qui embrasse un prélude orchestral, un récitatif accompagné, deux parties de l’air sur l’accompagnement de la symphonique du début, puis un second récitatif et, enfin, le da capo. Tout s’y enchaîne formant d’un bout à l’autre une même coulée.

ACTE III, CHŒUR FINAL, CD PLAGE 7

L’emploi des chœurs est réduit dans l’opéra italien du XVIIIème siècle, contrairement à l’opéra (tragédie lyrique) de la même époque en France. On trouve pourtant de très belles pages dans les opéras de Haendel, notamment ici, avec ce chœur final qui clôture donc l’œuvre, en miroir de sa première intervention préludant à l’opéra : chœur d’acclamation Viva, viva il nostro Alcide !(« Vive, vive notre Alcide ! »). Ce chœur final salue la sérénité et la joie retrouvée. Il a la particularité d’enchâsser un duo entre César et Cléopâtre. On retrouve la forme ABA’ dans ce tryptique : chœur / duo / chœur.

CHŒUR (A) Que la joie et le plaisir Reviennent désormais dans nos cœurs. Notre âme est délivrée de toute douleur ; Que chacun retrouve à présent la liesse. CLEOPÂTRE ET CESAR (B) Déjà mon cœur se réjouit A l’idée que tu me seras toujours fidèle ; Ainsi l’amertume des tourments a quitté mon cœur] Et seuls y demeurent amour, fidélité et confiance.] CHŒUR (A’) Que la joie et le plaisir …

CORO (A) Ritorni omai nel nostro core La bella gioja ed il piacer. Sgombrato è il sen d’ogni dolore, Ciascun ritorni ora a goder. CLEOPATRA E CESARE (B) Un bel contento il sen già si prepara, Se tu sarai costante ognor per me ; Cosi sotti dal cor la doglia amara, E sol vi resta amor, costanza e fé. CORO (A’) Ritorni omai nel nostro core…

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LES MOTS DE L'OPERA

AIR/ARIA

C’est un type de chant plus ample, plus mélodique que le récitatif. Il met la voix en valeur. Il

est souvent le lieu de brillantes vocalises.

ALLEGRO

Indication de tempo rapide.

ARIA DA CAPO

Forme d'air qui apparaît au milieu du XVIIème siècle et s'impose vers 1680. Elle est tripartite

: A (première période) B (seconde période nettement différenciée de la première), A' (reprise

de la première période mais avec ajouts d'ornements librement improvisés), da capo signifiant

en italien "au début".

BASSE CONTINUE

Il s’agit d’un accompagnement effectué par un instrument à clavier dont la ligne de basse peut

être doublée par des cordes graves. Cet accompagnement réalise des accords qui soutiennent

l’ensemble du discours musical. Il est, en partie, improvisé. La basse continue est présente à

l’époque baroque 1600-1750.

FUGATO

Episode de composition en style fugué c'est-à-dire d'écriture polyphonique d'ordre

contrapuntique dérivant du canon avec de nombreuses imitations.

LEGATO

Jouer legato ("lié" en italien), c'est jouer sans détacher les notes et sans interruption entre les

sons. Ce terme fait son apparition vers la fin du XVIIIème siècle et s'oppose au jeu non legato

et au jeu staccato ("piqué", "détaché").

LE RECITATIF

C’est une forme de chant proche du parlé. Son rythme est souple, libre et ses inflexions

mélodiques tentent le plus possible d’épouser ceux du langage. Il y a donc peu de vocalises. Il

est essentiellement syllabique. On distingue 2 types de récitatifs :

A. Le recitativo secco soutenue par la basse continue à l’époque baroque

B. Le recitativo accompagnato soutenu par l’orchestre.

Le récitatif permet de véhiculer beaucoup de texte et a donc pour fonction de faire

avancer l’action, le drame, l’histoire.

Trilles

Ornement qui consiste à faire entendre un battement entre deux notes conjointes.

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POUR EN SAVOIR PLUS…

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

ALEXANDRE-DEBRAY, Janine, Haendel, Ramsay, 1980. BLANCHARD, Roger et DE CANDÉ, Roland, Dieux et divas de l'opéra, Fayard, 2004. BRUCE, Robert J., "Giulio Cesare in Egitto" in HONEGGER, Marc et PREVOST, Paul, Dictionnaire des œuvres de l'art vocal. G-O, Bordas, 1991. GALLOIS, Jean, Haendel, Collection Microcosme Solfèges, Seuil, 1980. ROLLAND, Romain, Haendel, Collection Classica, Actes Sud, 2005. KAMINSKI, Piotr, "Giulio Cesare in Egitto" in Mille et un opéras, Fayard, 2003. KEATES, Jonathan, Georg Friedrich Haendel, traduit de l'anglais par Odile Demange, Fayard, 1995. LABIE, Jean-François, George Frederic Haendel, Collection Diapason, Robert Laffont, 1980. MALINA, Janos, “Giulio Cesare in Egitto” in BATTA, András, Opera, Compositeurs – Oeuvre – Interprètes, traduit de l’allemand par Sophie Vieillard, Könemann, 2000. MARTINOTY, Jean-Louis, Voyages à l'intérieur de l'opéra baroque : de Monteverdi à Mozart, Fayard, 1990. POGUE, David et SPECK, Scott, « Giulio Cesare » in L’opéra pour les nuls, adaptation française de Claire

Delamarche, First Éditions, 2006. TRANCHEFORT, François-René, « Jules César » in L’opéra, 1. D’Orfeo à Tristan, Collection "Point", Seuil, 1978. Jules César, L'Avant-scène Opéra n°97, 1992.

CONFERENCE

"Giulio Cesare in Egitto" par FRANCIS ALBOU :

- Jeudi 28 avril, 1ère partie

- Vendredi 29 avril, 2ème partie

De 18h à 19h30 à la Caisse d'Epargne de Champagne-Ardenne, 12 rue Carnot, 51100

Reims.

TARIF : 5 euros.

En partenariat avec le Rectorat de Reims, la Caisse d'Epargne Champagne-Ardenne, les Amis de l'Opéra de Reims.

DISCOGRAPHIE

Voir la version proposée pour les pistes d'écoutes.

WEBOGRAPHIE

Télécharger gratuitement la partition de Giulio Cesare in Egitto sur :

http://www.freescores.com/partitions_telecharger.php?partition=35

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GIULIO CESARE IN EGITTO

A L’OPERA DE REIMS

DISTRIBUTION

Direction musicale : JEAN CLAUDE MALGOIRE

Mise en scène : CHRISTIAN SCHIARETTI Assistant à la mise en scène : GREGORY VOILLEMET Costumes : THIBAULT WELCHLIN Lumières : JULIA GRAND

Giulio Cesare : CHRISTOPHE DUMAUX Cleopatra : SONYA YONCHEVA Cornelia : MARINA DE LISO Sesto : LINA MARKEBY Nireno : VALERIE YENG SENG Tolomeo : DOMINIQUE VISSE Achilla : UGO GUAGLIARDO

LA GRANDE ECURIE ET LA CHAMBRE DU ROY MEMBRES DE L’ORCHESTRE DE L’OPERA DE REIMS

COPRODUCTION ATELIER LYRIQUE DE TOURCOING, OPERA DE REIMS.

Durée approximative du spectacle : 3h20 (avec entracte)

HAENDEL : L’HOMME ET SON ŒUVRE VUS PAR JEAN-

CLAUDE MALGOIRE

« Haendel est le plus européen des musiciens de son temps, ce qui est une particularité. Il est l’archétype du voyageur musical, parcourant toute l’Europe, mais aussi les œuvres de ses contemporains. Il maîtrisait parfaitement l’ouverture à la française et d’autres procédés du même type, mais on ne peut pas faire abstraction des contextes vénitiens et napolitains qu’il a connus, pas plus que des souches allemandes. Partout où il va, il apporte, il laisse et emporte quelque chose, comme une abeille qui féconde en butinant. Il incarne une synthèse de l’opéra seria pratiqué en Europe sauf en France, mais en y introduisant quand même des éléments français. » Une écriture vocale très particulière Le plus frappant dans cet opéra est la précision qui préside à l’attribution des airs en fonction des personnages. On sort du schéma “prima donna-primo uomo”, tout en y restant. En effet,

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apparemment, les règles sont respectées, airs de bravoure, à vocalises, ironiques, tendres, graves, dramatiques, ponctués de récitatifs accompagnés. Mais il n’hésite pas à briser les formes. Quand César se retrouve avec l’urne des cendres de Pompée, “l’accompagnato” n’aboutit pas sur un air. Il est isolé au milieu d’un récitatif. Au milieu du récitatif sec suivant, on trouve un petit arioso. A la fin, quand Cléopâtre croit César mort, on a une petite symphonie en fa mineur de sept ou huit mesures et une alternance de récitatif sec et de récitatif accompagné du plus bel effet dramatique mais qui ne débouchent pas non plus sur un air. Ce comportement est très moderne. Tout comme l’attribution des airs selon la rhétorique profonde des personnages, leur sensibilité, leur rôle social. On va vers la caractérisation de chaque personnage contrairement à la pratique de l’époque, où les airs étaient quasiment interchangeables, même d’un opéra à l’autre. Ici, c’est totalement impossible. On franchit un grand pas vers les données de l’opéra romantique. Jean Claude Malgoire (propos recueillis par Gérard Mannoni. 1995)