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SAIGNONS SOUS LA PLUIE, UNE HISTOIRE DE PEURS SUR LA VILLE 1

SAIGNONS SOUS LA PLUIE, UNE HISTOIRE DE PEURS … · vous aux citoyens de la ville de D. pour les rencontrer. La police rappelle que tout message de ce genre peut faire l’objet

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SAIGNONS SOUS LA PLUIE, UNE HISTOIRE DE PEURS SUR LA VILLE

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SAIGNONS

SOUS LA PLUIE

ANTOINE LEFRANC

ISBN 978-2-36315-248-0

Une histoire du recueil

PEURS SUR LA VILLE

SAIGNONS SOUS LA PLUIE, UNE HISTOIRE DE PEURS SUR LA VILLE

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© Octobre 2013

StoryLab Editions

30 rue Lamarck, Paris

Les éditions StoryLab proposent des fictions

et des documents d’actualité à lire en moins d’une heure

sur smartphones, tablettes et liseuses.

Des formats courts et inédits pour

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Ce texte a été publié en partenariat avec WeLoveWords,

la première communauté d'auteurs-rédacteurs en ligne.

welovewords.com

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Affalé dans le canapé imitation cuir, Jean étale de la confiture sur une tartine en scandant pour la huitième fois au moins : « Promis, après celle-là, j’arrête ! ».

— De toute manière cette fois il va bien falloir, dis-je… le pot est presque vide !

Le bilan de notre journée n’est guère glorieux. Confinés dans notre appartement situé dans un quartier résidentiel au nord de la ville de D., nous avons passé la journée à nous abrutir mollement devant les jeux vidéo. Heureusement, nous avons pour excuse le temps pourri : depuis ce matin, la ville de D. est sous la flotte.

Jean mord dans la tartine, avant de parler la bouche pleine.

— Franchement, je suis sûr qu’un tueur en série, ça raisonne exactement de la même manière que moi : après avoir trucidé une victime, il se dit « après celui-là, j’arrête », mais en fait il y arrive pas !

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Très satisfait de son trait d’esprit, mon coloc’ éclate de rire, projetant des morceaux de tartine à des lieues à la ronde. Enfoncé dans le canapé à trente centimètres de lui, je me trouve malheureusement sous le feu des projectiles.

— Sauf que le tueur en série, il a au moins le mérite de se bouger de son canapé, lui !

— Certes, certes, d’ailleurs, le tueur aux baigneurs a encore frappé ! Allume donc la télé, c’est l’heure du JT. Peut-être que cette fois-ci les journalistes ont pu passer le cordon de sécurité et pourront enfin nous livrer des images sanglantes !

Paré à ingurgiter ma dose quotidienne d’images, je me saisis de la télécommande et allume la télé. Après une publicité vantant les mérites d’un biscuit pour chien, le journal commence.

— Mesdames, messieurs, bonsoir. C’est une nouvelle découverte macabre que vient de faire un agent d’entretien de la ville de D. au sein d’un centre commercial abandonné en périphérie…

D’une voix faussement apeurée, la présentatrice s’épand avec délectation sur le septième assassinat commis par celui qu’on surnomme « le tueur aux poupons ». Y’a pas à dire : pour un journaliste, un tueur en série, c’est un sujet autrement plus passionnant qu’un festival de la galette.

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— La victime, une jeune femme, est en cours d’identification. Les enquêteurs attestent que le mode opératoire est toujours le même, ce qui laisse penser que ce nouvel assassinat est l’œuvre du tueur psychopathe qui sévit depuis bientôt un mois. Comme lors des précédents crimes, la victime a été étranglée avant d’être dénudée puis décapitée. Sa tête reste introuvable… Point troublant, les inspecteurs ont noté la présence d’une température anormalement basse sur les lieux sans parvenir à en expliquer la provenance…

Le journaliste présent sur place apparaît à l’écran. « Tout à fait Christine. Lorsque je suis arrivé, de la buée sortait de ma bouche. Un phénomène inexplicable que l’on a déjà constaté sur les autres scènes de crime du tueur au poupon. On peut le dire, cela fait vraiment froid dans le dos. »

S’ensuit une interview du commissaire, qui exhorte tous les habitants de la ville de D. à la plus grande prudence.

— Ça pour un scoop, c’en est un ! Je pensais qu’il allait nous conseiller de nous balader de nuit dans les usines désaffectées, raille Jean, qui n’en rate jamais une pour plaisanter.

Il est comme ça Jean : il rit de tout, même quand le sujet ne s’y prête pas. À vrai dire, surtout quand le sujet ne s’y prête pas.

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Mon bruyant colocataire peste contre l’absence de sang lorsqu’on diffuse les images du lieu du crime : on y voit une portion de parking sur lequel est inscrit le contour à la craie de la victime. Juste à côté, une poupée-baigneur en plastique, sagement assis fixe l’objectif de ses yeux de verre. Je réprime un frisson. La présence d’un baigneur constitue la signature du tueur, qui en laisse un sur chaque lieu de crime, ce qui lui a valu son surnom.

— Ah ça, c’est habile, tu vois. Tu l’as senti le regard menaçant du poupon ? Ça, j’aime bien. Enfin un peu d’art dans ce monde de brutes !

Jean n’est pas un psychopathe. Du moins pas totalement. Il est juste étudiant en cinéma, et peine tout autant à se séparer de son caméscope qu’à cesser de commenter les angles de vues et la réalisation de tout reportage.

Il se lève, et se saisit justement de son instrument fétiche, véritable prolongement de sa main.

— Une réaction à chaud de monsieur Nicolas ? Que vous inspire ces images, que d’aucuns qualifieraient de choquantes ?

— Tu peux me dire à quoi ça te sert de filmer ça ? Tu uses ta batterie pour rien !

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— On sait jamais, rétorque mon ami. Imagine, si jamais c’était toi le tueur, cet interview vaudrait des millions une fois que tu auras été attrapé !

— J’ai bien du mal à imaginer, figure-toi. Je suis incapable de découper proprement une côte d’agneau, alors un corps… Et puis j’ai passé la journée ici, je te rappelle.

— Ahh, c’est pas avec toi que je vais accéder à la gloire, soupire Jean en arrêtant de filmer. Tu pourrais faire un effort !

— Pour devenir célèbre, t’as qu’à découper des gens, c’est un bon moyen de passer au JT. Un peu risqué certes…

— Et mais c’est une idée ça ! réagit Jean qui brandit fièrement le couteau imbibé de confiture et tente de prendre un air menaçant. Il ressemble à une gargouille. Une gargouille constipée. Hé, mais attends, écoute ! s’écrie-t-il en pointant la présentatrice à l’aide de son ustensile.

— En parallèle de cette série de meurtres sanglants, un plaisantin a par ailleurs posté un message sur un réseau social du web. Sous le pseudonyme « le tueur aux poupons », il donne rendez-vous aux citoyens de la ville de D. pour les rencontrer. La police rappelle que tout message de ce genre peut faire l’objet de poursuites pour entrave à l’enquê…

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Jean et moi n’écoutons plus. Nous nous sommes déjà rués sur nos ordinateurs respectifs et pianotons avec frénésie.

— Là, j’ai trouvé ! s’écrie Jean. « Désireux de faire taire les calomnies qui courent sur mon compte, je vous invite à me rencontrer ce soir, 12 rue des Abattoirs. Votre dévoué, Le tueur aux poupons. »

— La rue des Abattoirs ? C’est vraiment d’un niveau très bas. Ça n’existe pas comme rue…

— Dis plutôt que ça n’existe plus ! La rue des Abattoirs a bel et bien existé, il s’agit de l’ancien nom de la rue des Capitaines, dans le nord de la ville ! C’est terriblement excitant !

Jean paraît vraiment surexcité. On dirait qu’il a un plan derrière la tête. Je n’aime pas ça.

— Mets ton manteau, me lance-t-il, on sort !

Je n’aime vraiment pas ça.

— Mais où veux-tu aller ?

— Au 12, rue des Abattoirs, bien sûr ! Tu n’as jamais rêvé de rencontrer un tueur en série ?

Jean, déjà prêt pour affronter la pluie qui sévit dehors, s’empare de son précieux caméscope et en vérifie la batterie.

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— Ben bizarrement, non. Et puis tu penses vraiment que le tueur aux poupons se serait amusé à poster ça ?

— Je pense que si c’est effectivement lui, ce serait trop dommage de manquer ça ! Et puis on risque pas grand-chose : il ne s’attaque qu’aux jeunes filles. Tu n’es pas une fillette, je crois ? Enfin, sauf si tu refuses de m’accompagner… ricane-t-il en recommençant à filmer.

Mon ami ne m’a pas convaincu, mais je baisse les bras. Je ne peux pas le laisser y aller seul avec son caméscope hors de prix : la rue des Capitaines est située dans le quartier des anciennes usines d’équarrissage, l’un des endroits qui craint le plus de la ville, et qui regorge de junkies.

J’enfile mon duffle-coat, éteins la télé et claque la porte. Jean me tend alors le caméscope. Dubitatif, je m’en saisis.

— Que veux-tu que j’en fasse ?

— Que tu filmes, pardi ! Pas que tu te rases avec !

— Mais c’est toi le pro du cinéma ! Je sais à peine m’en servir !

— Une fois dans l’abattoir, tu préfères être celui qui s’aventure dans l’obscurité ou celui qui l’éclaire ?

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Parfois, Jean sait avoir une puissance de conviction hors du commun. Soupirant, j’allume le foutu engin.

Dehors, la pluie ne cesse de tomber. Mais il en faut plus pour ternir l’enthousiasme de Jean, qui marche d’un pas énergique. On s’enfonce dans une bouche de métro. Le trajet est silencieux, Jean me fixe avec un sourire malsain alors que je me familiarise avec l’appareil.

— Pas besoin de filtre, il fera assez sombre. Tâche de te tenir un peu en retrait pour pas que je te percute si jamais on doit fuir ! ricane-t-il.

C’est bien, il a l’air de s’amuser pour deux. Le terminus arrive trop vite : j’aurais bien passé plus de temps au sec. La rue des Capitaines est à vingt minutes à pied de là où nous sommes. Sous cette pluie battante, je redoute plus une sévère pneumonie qu’un coup de couteau.

Les trottoirs deviennent de plus en plus défoncés, les véhicules de moins en moins nombreux. On pénètre dans un enfer de béton gris. Usines à l’abandon et terrains vagues remplis de carcasses de voitures désossées agrémentent ce charmant paysage. Les lampadaires ont cessé de fonctionner, symbole de l’abandon définitif de tout projet de réhabilitation.

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Enfin nous arrivons devant un vieil entrepôt. Le nombre 12 apparaît aux côtés d’un portail tout rouillé. Je frémis. Le fait qu’il soit rouillé ne m’impressionne guère. En revanche, le voir ouvert me laisse perplexe. Et frissonnant. Grand seigneur, Jean passe en premier. Caméra au poing, j’enclenche la fonction lumière de l’appareil et pénètre à sa suite.

Je prie pour que l’on ne trouve pas d’accès à l’intérieur du bâtiment et que l’on rebrousse chemin, afin de retourner végéter bien au chaud dans l’appartement. Je ne prie visiblement pas assez fort : après avoir effectué un tour du bâtiment, Jean trouve une porte à la serrure brisée, qui s’entrouvre en protestant. Je regarde le niveau de batterie : il reste encore une heure d’autonomie. Je ne sais si je redoute le moment où elle s’éteindra, où si je l’attends avec impatience, signe qu’il sera temps de partir.

L’ancien abattoir où nous pénétrons est plongé dans l’obscurité. Il a fermé ses portes il y a un peu plus de vingt ans, il y a donc peu de chances qu’on croise une carcasse de bovin. Cela dit, voir les crochets suspendus au plafond me donne de sacrées envies de devenir végétarien. Je zoome dessus quelques instants puis règle le réticule pour les rendre bien nets. Ils se balancent lentement, comme animés d’une volonté propre.

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Je m’applique pour trouver l’angle de vue qui les rendra le plus effrayants possible. Me concentrer sur le côté artistique me permet d’oublier la peur qui squatte mes entrailles.

— Ohé y’a quelqu’un ? hurle Jean.

— Arrête imbécile, tu vas l’attirer !

— C’est justement ce que je cherche à faire ! Je sens qu’on est proche d’un scoop !

— Je ne remets pas en cause les moyens de parvenir à tes fins, je remets en cause tes fins ! rétorqué-je en balayant le sol avec le faisceau réduit mais puissant de la caméra.

Je mets immédiatement fin à ma diatribe. Ce que je vois me glace le sang. Sur le sol un poupon me fixe, immobile. Je pousse un hurlement. Je continue à filmer cependant, espérant naïvement que l’objectif constituera une protection efficace contre… contre je ne sais trop quoi.

— Jean, regarde, là ! Il est ici !

— Ahhhh tu vois que j’avais raison ! Filme, filme, mais évite de trembler, sinon ça va être flou ! s’enthousiasme-t-il.

— Oui, bravo, super, chapeau bas ! Promis, je t’adresserai toutes les louanges que tu désires, mais pour l’heure, fichons le camp d’ici !

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Joignant le geste à la parole, je me dirige vers la sortie d’un pas décidé quand j’entends un cri derrière moi. Paniqué, je me retourne et aperçoit Jean, couché sur le dos, qui semble se tordre de douleur.

Sans réfléchir, je me précipite à son secours. Il se tient la gorge de sa main. Je garde le bras levé pour maintenir la caméra bien haut afin de distinguer quelque chose. Jean a le cou maculé de sang.

— Il m’a eu… Sauve-toi… Nicolas… halète-t-il en grimaçant.

— Il est où ? Il est où ? lui demandé-je en hurlant.

Je me relève soudainement et balaye la salle avec ma caméra. Personne, aucun bruit, si ce n’est les râles de Jean.

— Il t’a touché où ?

— À la gorge… j’lai pas vu venir.

Mon instinct me hurle de déguerpir, mais je m’efforce de garder mon calme. On n’abandonne pas un ami dans le besoin. Clairement, Jean est dans le besoin. Tout en continuant à filmer, je m’agenouille et sors un mouchoir de ma poche. Si Jean se dit touché à la gorge mais qu’il peut encore parler, ça signifie qu’il n’est peut-être atteint qu’à l’épaule. Ça se passe généralement comme ça dans

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les films qui se terminent bien. D’un geste autoritaire, je le force à retirer sa main de son cou pour examiner la blessure à la lumière de la caméra. Son sang est étrangement poisseux. Et sent le sucre.

— Mais c’est de la confiture !

Sur l’instant, je ne comprends pas ce qui m’arrive. C’est en constatant le sourire gêné de Jean, dont le visage a perdu toute trace de douleur, que je commence à réaliser la supercherie.

— T’es vraiment qu’un abruti ! Tu m’as foutu la trouille de ma vie !

Je m’emporte, l’objectif toujours braqué sur lui.

— Rassure-moi, tu as bien continué de filmer ? Je me suis quand même pas donné tout ce mal pour rien ! me réplique Jean en se relevant.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Ben, le message que j’ai posté sur Internet, le poupon que je suis allé placer hier…

— Attends mais tout ça c’était toi ? Mais t’es malade !

— Je préfère le terme « méticuleux ». J’avais bien besoin de tout ça pour réaliser le film du siècle ! Tu as été parfait ! Imagine-toi le concept révolutionnaire que je viens d’inventer :

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un film où le cameraman est l’acteur principal du film… sans en être conscient ! Du coup tu as été plus vrai que nature ! À nous la gloire, vieux !

Il s’est donc joué de moi depuis le début… Je me retiens de balancer à terre ce foutu caméscope, ne serait-ce que pour faire disparaître ce sourire malicieux de son visage.

— Allez, fais pas la tête, je te paie un bon resto pour compenser… et je repasserai moi-même tes fringues mouillées !

Jean me donne une franche accolade. J’ai de multiples défauts, mais je ne suis pas rancunier. Et puis j’ai bien envie d’un resto gratuit. Bon joueur, je lui rends son sourire.

— Mais tu n’as pas peur d’attirer du monde ici ? Je veux dire, la rue des Capitaines, tu n’es tout de même pas le seul à savoir qu’avant elle se nommait rue des Abattoirs !

— Penses-tu, me répond Jean. Il y en a peut-être d’autres qui savent ça, mais je peux te garantir que nous sommes bien les seuls à oser sortir par un tel temps ! Les flics ont un tueur en série sur les bras, ils vont pas s’amuser à aller traquer un « plaisantin » dans des quartiers où ils n’osent même pas patrouiller par beau temps !

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Bras dessus, bras dessous, nous nous dirigeons vers la sortie. Les crochets suspendus ont l’air tout d’un coup bien moins menaçant, même dans la pénombre. Une fois attablé au restaurant, je jetterai mon dévolu sur un steak bien saignant. Un bruit de verre brisé retentit alors non loin de nous, comme si on venait de casser une vitre. Nous nous figeons un instant, puis éclatons de concert d’un franc éclat de rire.

— Attends, attends, faut que j’aille récupérer mon poupon, me souffle Jean. C’est quand même un accessoire du film ! Reste ici, je reviens !

Jean disparaît alors dans l’obscurité. J’attends une minute, puis deux, mais il ne revient pas. Un froid soudain s’empare de moi. Le vent qui s’est engouffré dans l’abattoir est vraiment glacial.

— Jean ! hurlé-je, le comique de répétition, ça fait longtemps que c’est ringard !

Seul le silence me répond. Furieux, je décide alors de me diriger vers la sortie. J’ai assez donné pour aujourd’hui. Je repère alors des éclats de verre au sol. C’est ici que la vitre a été brisée. Je rallume le caméscope pour ne pas piétiner les bris de verre. J’aperçois alors quelque chose d’anormal : au milieu des éclats, un poupon me fixe. C’est le moment que choisit la caméra pour émettre un bip agonisant, signe que la batterie rend l’âme. Me voici dans le noir complet. Je me prends à claquer des dents :

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pas tant par peur qu’en raison de la chute brutale de température. Mes doigts sont gelés. « C’est le vent, ce n’est rien que le vent… », me répété-je tout en tentant de maîtriser l’élan de panique qui toque à la porte de mon cerveau. C’est alors que quelqu’un derrière moi m’agrippe et m’immobilise. J’ai beau me débattre, je ne peux même pas hurler : une main gantée s’abat sur ma bouche.

— Bonsoir, chuchote une voix à mon oreille. Vous avez, je crois, récemment posté un message sur un réseau social en vous faisant passer pour moi. Savez-vous que l’usurpation d’identité numérique est un délit ? Je vous livrerai bien à la police, mais vous avez raison : ils ne se déplacent pas quand il pleut. Il va falloir que je vous sanctionne moi-même…

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