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LE SANG MAUDIT
MADEMOISELLE JEM
LE S
ANG
MAU
DIT
15.02 493241
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (134x204)] NB Pages : 186 pages
- Tranche : 2 mm + nb pages x 0,07 mm) = 15.02----------------------------------------------------------------------------
Le sang maudit Samuel & Ally Mademoiselle Jem
MADEM
OIS
ELLE
JEM
SAMUEL & ALLY
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2 3
Sommaire
Sommaire .......................................................................... 3
Préface de Bernie Bonvoisin ............................................ 7
Chapitre premier Âge tendre et cœurs fanés
I Prélude .......................................................................... 11
II Sexe, soleil et souffrance ............................................ 29
III Révélation et soif de sang ......................................... 49
Chapitre deuxième Mutations & apprentissage
maléfique
IV Démon du rock et âme sensible................................ 69
V La bassesse d’une rose ou la faiblesse du
gentilhomme ? ................................................................. 83
VI Le poker du menteur .............................................. 105
Chapitre final Un bien pour un mal, une mort
pour une vie
VII Lorsque le grondement de la bête triomphe ....... 135
VIII Les reines de la nuit ............................................. 155
IX Le retour fatidique .................................................. 171
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Je remercie tout spécialement, Samira B. et Lamia B.
pour leur soutien et leur amour incommensurables,
ainsi qu’à ma plus fidèle et chère amie Hélène G.,
pour avoir toujours su me soutenir, et me donner
davantage confiance en moi. Merci également à
Bernie Bonvoisin, de m’avoir gracieusement offert
ma préface. Il était donc inévitable, que je leur dédie
à tous ce roman, et tout particulièrement, à ceux sans
qui, je ne serais pas… mes parents.
Mademoiselle Jem
2 6
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Préface de Bernie Bonvoisin
Mademoiselle Jem fait frissonner l’espace…
Fertile rencontre, elle peint nos jours, nos nuits à ses
couleurs, à ses humeurs.
Les mots coulent, tumultueux, fluides, sucrés,
volatiles comme de l’essence…
Douce sensation que d’être happé, page à page,
mot à mot…
Ténébreux, c’est un brasier ténébreux qui bien
après la dernière page retombée, le dernier mot
consumé, continuera de délicieusement vous brûler !
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Chapitre premier
Âge tendre et cœurs fanés
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I
Prélude
Ils étaient pris au piège d’un malaise incontrôlable,
que semblait provoquer ce fléau surnommé le Reich,
mené de front par un Allemand, étouffant toutes les
contrées de son entourage frontalier.
La vague sanglante semblait ravager tous les pays
de l’Est fragile. Les peuples… juif, tzigane ne
pouvaient ignorer la sentence.
Plus aucune marginalité, différence, liberté ne
pouvait être côtoyée. Ils sentaient déjà en 1937,
l’odeur des cendres et la mort, drapée d’une cape
obscurément noire, se profiler dans l’horizon de leurs
vies.
Beaucoup d’entre eux fuirent leur Pologne natale
pour l’Amérique, la belle, la grande… celle qui
pouvait offrir le renouveau, un pays soudé d’états
unis dans un symbole de liberté. La seule solution
était la fuite, ils le savaient tous. Par malheur, il y eut
quelques optimistes qui périrent faute de pessimisme.
Edmund Hoffmann gardait de bons souvenirs de
ses vacances d’enfance, chez des amis de ses parents,
dans ce magnifique pays qu’est la France.
2 12
Le chef de cette famille de confession catholique
faisait partie de la diplomatie française. Pour
Edmund, l’unique issue pour sauvegarder son cocon
familial, résidait entre les mains de cet homme. Il
avait les clefs d’une possible nouvelle identité, d’un
travail dans ses cordes.
Tous les mondains que côtoyait cette famille,
pouvaient avoir besoin de ses services de pianiste,
lors de dîners ou de réceptions. Dès qu’il prit contact
avec Monsieur Lafitte, il se rendit compte que la
solidarité n’était pas qu’une utopie. Une chaîne de
confiance et de soutien existait par-delà les frontières.
Ce fut dans l’assurance d’un eldorado qu’aussitôt
il emmena en France, sa femme et son jeune fils,
avant que l’hiver ne se fasse sentir.
En 1940, l’assemblée nationale donna les pleins
pouvoirs au maréchal Pétain qui prit le titre de chef
d’état à Vichy. En dehors de la zone dite libre, tout le
reste du territoire était occupé. L’Alsace et la
Lorraine avaient été annexées par le commandement
allemand de Bruxelles.
À l’intérieur de la zone occupée, existait une autre
limite isolée, le long des côtes et des frontières, une
région dite interdite.
Les plus influents des politiciens luttèrent quelques
années, puis se résignèrent à rendre les armes ou à
changer de camp.
Le 19 avril 1942, le maréchal Pétain, sous
l’influence des Allemands passa le flambeau des
pleins pouvoirs à Laval.
Le nouveau chef du gouvernement français rêvait
de victoire pour le nazisme. Alors, il commença son
alliance, épaulé par le général Haïder, missionnaire
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du Reich, envoyé d’Allemagne afin de lui faciliter le
règne, en suivant soi-disant les ordres de l’unique
Hitler, en personne.
La première directive de leur mission était de
s’occuper de la relève. La relève consistait à satisfaire
le besoin en main-d’œuvre d’Hitler, à rendre un
prisonnier pour trois volontaires pour l’Allemagne.
En somme de l’esclavagisme au profit d’une
collaboration sans pitié.
Dans la banlieue parisienne, une petite ville en
bordure de Seine, au doux méli-mélo architectural,
possédait un merveilleux parc, celui de Bécon, qui
avait la chance de bien s’adapter aux saisons.
Chacune d’elle savait faire ressortir et enrichissait
toutes les beautés de ce vaste domaine.
Dans cet endroit, la vie semblait douce et
prometteuse. À jamais, le tourbillon d’émois que ce
lieu suscitait… restait gravé dans la mémoire. Les
pieds devenaient évasifs, incontrôlables.
Bien sûr, les yeux avaient un quelconque intérêt là-
dedans, tous les sens dirigeaient le corps et l’âme
dans une promenade amoureuse. Même la solitude ne
pouvait en aucune façon interférer avec la sérénité,
dans ce lieu magique.
Il aidait à se retrouver, à se reconquérir, à se
ressaisir… en divulguant des lumières, des reflets qui
transportaient dans l’infini notre moi, qui ne
s’élèverait pas éternellement… Toutes les balades se
métamorphosaient en flirts avec sa conscience
morale. Toutes les émotions n’avaient qu’une et
identique résolution, la spiritualité, l’émerveillement
de soi qui permet également d’élever l’attention
portée aux autres.
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Non loin du parc de Bécon, il y avait « La
Lanterne », le petit cinéma de la commune de
Courbevoie, fermé depuis l’occupation allemande.
Samuel connaissait parfaitement ce lieu pour y
avoir régulièrement vu de magnifiques films, en
compagnie de ses parents.
Edmond était toujours autant inquiet pour l’avenir
de sa famille qui s’était agrandie avec la venue en
1938 d’une petite fille répondant au doux prénom
d’Ally. Ils étaient quatre, à ce jour, à potentiellement
être en danger.
Tout le monde l’était mais personne ne voulait
s’arrêter de vivre. La rue Jules Verne avait été,
quelques années avant cette fichue guerre, le quartier
de prédilection de tous les jeunes gens qui résidaient à
Courbevoie, grâce à ses commerces, ses troquets et son
fameux petit cinéma.
Près du temple du septième art, il avait une grande
demeure avec sa cour intérieure. La petite famille
Hoffmann y habitait depuis à présent presque six ans.
Une résidence sans prestige cela dit, on ne pouvait dire
qu’elle était modeste et qui avait vu la naissance de la
petite Ally. La fête n’accompagnait plus cette rue, on
ne pouvait plus y voir tous les jeunes flirter, jouer et
parfois même se battre pour une quelconque jeune
fille. Dans la ville régnait l’incertitude de revoir les
jours heureux. Le temps était révolu où Samuel qui
aimait tellement se réveiller en pleine nuit, se tenait à
la fenêtre de sa chambre. En fin observateur, il jubilait
devant les semblants d’exploits des jeunes garçons en
pleine émulation, devant des jeunes filles qui parfois
souriaient, séduites et flattées, mais pouvaient être
aussi bien dubitatives face à de tels duels. Les filles de
cette époque n’étaient pas toutes dupes et ingénues, de
2 15
plus les conditions de cette guerre avaient fait évoluer
leurs consciences et tempéraments. Il ne faut pas
oublier que ce sont les femmes qui pendant les guerres
soutiennent leurs pays.
Le dimanche 8 août 1943, au soleil couchant, cela
faisait presque dix minutes qu’Ally avait emprunté
discrètement la fenêtre de la cuisine qui donnait sur la
cour. Elle avait pour habitude de fausser compagnie à
sa famille pour jouer seule dans la cour. C’était une
petite fille solitaire, emplie de vie, espiègle et qui
adorait créer un univers où elle était la seule à pénétrer.
Ce misérable soir, elle jouait avec sa petite balle rouge,
la faisant rebondir contre tous les murs. La cour
devenait son antre à chaque fois qu’elle en foulait le
sol. Elle en connaissait chaque recoin. Ally pouvait s’y
cacher des heures, sans que jamais personne ne puisse
la retrouver. C’était ainsi qu’elle arrivait parfois à
échapper à la surveillance de ses parents, qui la
cherchaient partout afin de la remettre aux bras de
Morphée. Pendant ce temps, dans sa chambre de jeune
garçon, doté d’un intellect délicat et précieux, Samuel
s’adonnait à l’unique distraction qu’il lui restait, la
lecture. Dans cette pièce à son image, l’on pouvait voir
au mur, des étagères servant à ranger et étaler sa seule
richesse, des livres d’auteurs prestigieux comme
Alfred de Vigny, ce romantique, moraliste qui était de
loin son auteur favori pour ses recueils Poèmes
antiques et modernes et Les Destinées. Il détenait aussi
la pièce de théâtre Chatterton, un drame pessimiste. Ce
qu’il aimait aussi chez Jean-Baptiste Poquelin, qui
avait pris le nom de Molière dès le début de sa carrière
d’auteur et de comédien, c’étaient la fantaisie, le
fantasque et le burlesque qui se dégageaient de ces
œuvres. Ses pièces bouffonnes serraient de plus près la
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vie réelle. L’étourdi, Les fourberies de Scapin, Le
médecin malgré lui : une façon pour Samuel de
relativiser ses tracas de tous les jours. La Fontaine
était l’auteur qui lui avait donné l’éveil du sens
poétique, dès son plus jeune âge, grâce aux narrations
auxquelles il avait droit tous les soirs, de son cher et
tendre père Edmund, parfois relayé par sa mère,
lorsque son paternel devait aller travailler. Des
ouvrages de Chateaubriand, il n’avait de lui que les
deux seules œuvres qu’il aimait : L’Itinéraire de
Paris à Jérusalem, récit d’un voyage fait par
l’écrivain en Grèce et en Terre Sainte, ainsi que
Les Mémoires d’Outre-tombe, vaste et orgueilleux
récit de la vie de l’auteur. Samuel était assis sur son
lit, adossé au mur de sa chambre. Près de sa jambe
gauche, étaient posés quelques livres de sa
magnifique collection, prêts à la lecture. Il préparait
son esprit à l’ouverture, à la réception de nombreuses
informations relatives à la compréhension de
l’existence. Il commença tout d’abord en lisant un
extrait Des Orientales, un des premiers recueils de
poèmes, parmi les plus remarquables d’un de ses
auteurs préférés, le poète et philosophe Victor Hugo,
un romantique et satirique dans toute sa splendeur. Il
dévorait les mots, les rimes si riches, si diversifiées et
si expressives. Samuel appréciait prendre quelques
livres, afin de relire les passages qui le bouleversaient
le plus. Il était presque hypnotisé par la description
pittoresque et brillante de paysages, de costumes, de
ciels, de continents orientaux, de toutes ces choses qui
lui étaient inconnues. Il appréciait également la poésie
de Chelby Hone, une poétesse torturée, sombre mais
entière, dont peu de gens connaissaient l’identité
réelle. Aux yeux de tous, elle restait mystérieuse.
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Sauf ses fidèles lecteurs semblaient indubitablement
la connaître, aux travers de ses écrits. Apparemment,
cette artiste savait se livrer totalement et
implicitement dans toute sa poésie. Quelques minutes
plus tard, Samuel vit son âme envahie par la poésie et
la philosophie des théories de l’idéalisme, du
positivisme d’Ernest Renan : « La plus humble
comme la plus sublime intelligence a eu sa façon de
concevoir le monde, chaque tête pensante a été à sa
guise le miroir de l’univers. Chaque être vivant a eu
son rêve qui l’a charmé, élevé, consolé. Grandiose ou
mesquin, plat ou sublime, ce rêve a été sa
philosophie. » Lisant cette phrase mélodieuse du
livre L’avenir de la science, Samuel se mit à
fantasmer un lendemain de paix : il s’imaginait dans
la rue avec des jeunes garçons et filles de son âge. Les
garçons taquinaient les filles qui jouaient à la marelle,
en marchant sur les cases numérotées, les gênant dans
leurs lancers de cailloux. Dans ses rêveries, Samuel
entendait une musique, émise du salon. Ses parents
avaient mis en marche le phonographe, en
sélectionnant la musique qui entraînait constamment
la fougue de leur passion ; ils dansaient sur La
symphonie fantastique opus quatorze d’Hector
Berlioz. Les parents d’Ally et Samuel se laissèrent
aller, dans une vague de tendresse sur leur sofa en
velours imprimé de jolis tournesols.
Trois soldats hitlériens marchaient dans la rue
Jules Verne, escortés de deux collaborateurs, une
femme et un homme. Ils s’arrêtèrent brusquement
devant la grande porte cochère verte donnant sur la
cour, là où jouait Ally. Cependant ce fut la petite
porte qu’empruntèrent avec brutalité, les trois nazis et
la collaboratrice. Ils firent irruption dans la demeure,
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surprenant les parents dans leurs ébats amoureux.
L’autre collaborateur, vêtu d’un imperméable de cuir
noir, inscrivit entre les deux portes, l’étoile de David
à l’aide d’une craie. L’homme brave qu’avait été
Edmund ne put se sauver, ni même sauver sa femme
des griffes de ces pourris. Il se débattit sans relâche
sous le regard perdu de son épouse :
– Non ! Non ! Non ! Pitié ! Laissez-nous ! Laissez-
nous tranquilles ! Nous n’avons rien fait ! cria-t-elle
craintive, pleurant de tout son être, retranchée debout
sur le sofa.
Ces mots furent les derniers, car la collaboratrice
se jeta sur elle, lui mordant à pleines dents le cou,
jusqu’à ce que mort s’en suive. Les soldats
massacrèrent Edmund à coups de couteaux. Il
succomba aux coups qu’ils lui portèrent. Il côtoya
l’agonie en chutant à leurs pieds. Les bourreaux
contemplèrent ce pauvre père de famille, gisant sur le
tapis perse, se vidant de tout son sang.
Le deuxième collaborateur français, aux allures de
jeune bourgeois, rentra dans le salon. Sa présence
déversa une arrogance puante dans l’atmosphère et
rajouta une touche de plus à ce qui ressemblait déjà
aux méandres de l’horreur. Il observa le mur et la porte
de l’angle nord-ouest, recouverts du sang de l’agressé.
Le collabo se retourna sauvagement, en un demi-tour
impulsif puis il se dirigea, possédé d’une amertume
belliqueuse, vers le phonographe qui jouait Roméo et
Juliette opus dix-sept de Berlioz. Le collabo renversa
d’un grand coup de pied l’harmonieuse usine magique
d’émotions pures. Au même moment, la blonde
buveuse de sang saisit le corps du père, le tira sur le
sofa. Edmund fut dépecé et se fit dévorer par toutes ses
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meurtrissures par la collaboratrice vampirique.
Quelques instants auparavant, un homme se
dégourdissait les jambes dans la rue Jules Verne.
Coiffé d’un képi de général et camouflé d’une cape de
cuir noir, à la stature longiligne d’un mètre quatre-
vingt-dix, il se rapprochait à grands pas du massacre et
de la maison violée. Cet homme possédait tout de
même des épaules larges, cela étant, il avait des
hanches minces. Le général s’arrêta devant la porte
cochère. Le visage convaincu et d’un pas autoritaire, il
pénétra dans la cour sans un bruit, en toute discrétion.
Lorsqu’il aperçut la fillette agenouillée, il l’observa un
temps. Elle cherchait à récupérer la petite balle tombée
dans un trou d’évacuation d’eau. La fillette souleva
une fine grille d’égout puis la déplaça un peu sur le
côté, juste assez pour y glisser son bras. Elle se pencha,
essayant de glisser son main dans le trou afin d’attraper
sa petite balle qui se trouvait au fond. Le général
hitlérien se trouvait derrière elle, il s’approcha sans
qu’elle entende ses pas. Il attrapa la fillette dans ses
bras, mettant l’une de ses mains sur la bouche de celle-
ci, l’empêchant d’ameuter le voisinage :
– Silence ! Princesse ! Je suis ton sauveur ! lui
murmura-t-il avec tendresse au creux de l’oreille.
Ally eut suffisamment peur pour se taire. La petite
fille espiègle était également surprise par l’arrêt brutal
du phonographe. Ally regarda avec stupeur la fenêtre
de la cuisine. Le général leva la tête, serrant dans ses
bras la fillette, puis ils s’envolèrent dans les airs.
Samuel demeurait affolé sur son lit, entendant de
sa chambre tous ces bruits d’une telle violence. Il
entendit se produire le massacre de ses parents. Ces
sons macabres pétrifièrent de peur tous ses membres.
Son visage d’ange semblait meurtri de douleur.