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SOINS MÉDICAUX EN ACTION : Points saillants du travail vital de MSF dans le monde. INNOVATION HUMANITAIRE : Développer les outils qu’il nous faut pour répondre aux nouvelles urgences. CANADIENS EN MISSION : Aider MSF à dispenser des soins en République démocratique du Congo. medecinssansfrontieres.ca Santé des femmes en zones de crise Les urgences humanitaires engendrent des besoins médicaux uniques pour les femmes — comment MSF doit-elle intervenir? MAGAZINE DE MSF CANADA Volume 23 Numéro 1 Printemps 2019 DEPECHES AUSSI DANS CE NUMÉRO :

Santé des femmes en zones de crise

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Page 1: Santé des femmes en zones de crise

SOINS MÉDICAUX EN ACTION : Points saillants du travail vital de MSF dans le monde. INNOVATION HUMANITAIRE : Développer les outils qu’il nous faut pour répondre aux nouvelles urgences. CANADIENS EN MISSION : Aider MSF à dispenser des soins en République démocratique du Congo.

medecinssansfrontieres.ca

Santé des femmes en zones de criseLes urgences humanitaires engendrent des besoins médicaux uniques pour les femmes — comment MSF doit-elle intervenir?

MAGAZINE DE MSF CANADA Volume 23 Numéro 1 Printemps 2019

DEPECHES

AUSSI DANS CE NUMÉRO :

Page 2: Santé des femmes en zones de crise

Dans le village de Pulka, dans le nord-est du Nigéria, Médecins Sans Frontières (MSF) prodigue des soins à des milliers

de personnes déplacées par le conflit qui fait rage entre les forces gouvernementales et des groupes armés.

La population non armée fuyant la violence brutale du conflit a trouvé refuge dans les camps de déplacés de plus en plus surpeuplés à Pulka. Les médecins, infirmiers, psychologues et autres spécialistes de MSF présents sur place s’efforcent de fournir des soins essentiels à ceux qui arrivent trop souvent dans un état cri-tique : certains malnutris et beaucoup d’autres traumatisés par leurs expériences récentes.

En plus de leurs activités médicales, nos équipes de Pulka fournissent aussi une autre ressource importante : des briquettes combustibles. Un service de MSF dédié à l’innovation a inventé un type de carburant alternatif qui peut être utilisé dans les camps pour faire cuire la nourriture. En transformant des ressources disponibles lo-calement, comme la fibre de canne à sucre, en briquettes, les résidents du camp peuvent ainsi faire du feu sans utiliser de bois.

Mais pourquoi une organisation de secours médical comme MSF devrait-elle consacrer du temps et des ressources précieuses pour offrir aux ménages affectés par une crise humanitaire une alternative aux combustibles de cuisine?

La plupart des gens qui vivent dans les camps de déplacés de Pulka sont des femmes et des enfants en bas âge. Ces femmes sont sou-vent le seul soutien de famille dans leur foyer. Les denrées alimentaires distribuées par les agences d’aide humanitaire ne peuvent être consommées sans être cuites, et les femmes doivent donc collecter du bois pour le feu. Le seul endroit où elles peuvent s’en procurer se trouve en dehors des limites gardées du camp. Et c’est lorsqu’elles cherchent du bois en dehors du camp que les femmes sont les plus exposées aux agressions sexuelles.

« MSF prend en charge un grand nombre de patients, des femmes et des enfants surtout, qui ont été violés, agressés sexuellement ou

attaqués pendant leurs sorties [pour collecter du bois] », explique un rapport de MSF sur le projet des briquettes. « Ces problèmes existent aussi dans bien d’autres crises humanitaires. »

À Pulka, comme dans de nombreuses zones d’intervention de MSF, les besoins sont élevés et tous les groupes démographiques sont concer-nés. Toutefois, là encore, comme dans de nom-breuses zones d’intervention de MSF, les risques auxquels les femmes sont exposées sont bien spécifiques et particulièrement troublants.

EXTRÊMEMENT VULNÉRABLES « La plupart des personnes qui vivent dans les camps sont des femmes », explique Altine, la sage-femme en chef de l’hôpital de MSF à Pulka. « La majorité de nos patientes, âgées entre 12 et 18 ans, présentent des compli-cations gynécologiques. Elles nous disent qu’elles ont été enlevées, mariées de force, agressées sexuellement ou qu’elles ont subi différentes formes de violence. En plus, elles doivent souvent porter le poids d’un trauma-tisme psychologique, sans parler des mala-dies transmises sexuellement que nous pre-nons aussi en charge. »

Depuis des années, la population du nord du Nigéria endure les épreuves et la violence, en plus d’être exposée aux épidémies et privée d’accès aux services de santé. Entre 2010 et 2012, j’étais responsable des opérations de MSF dans ce secteur, et j’ai vu comment cette violence cyclique fragilise au plus haut point les gens, surtout les femmes et les enfants.

MSF est une organisation médicale humani-taire. Notre rôle est de fournir des soins mé-dicaux là où ils sont requis de toute urgence à travers le monde. L’impartialité fait partie de nos principes fondamentaux, ce qui veut dire que nous soignons ceux qui ont le plus besoin de notre aide, indépendamment de leur âge, de leur religion, de leur origine eth-nique, de leur genre ou de toute autre carac-téristique identitaire. Cependant, comme le montre ce récit du Nigéria, en temps de crise humanitaire, ce sont souvent les femmes qui portent le fardeau le plus lourd en termes de

souffrance. Dans de telles circonstances, une intervention médicale axée sur les femmes ne viole en aucun cas nos principes, mais traduit plutôt ce qu’est l’impartialité.

Dans ce numéro de Dépêches, nous nous pen-chons sur les multiples manières dont les inter-ventions de MSF doivent prendre en compte les besoins médicaux réels des femmes en première ligne des crises humanitaires dans le monde : qu’il s’agisse des complications liées à la maternité, de la violence sexuelle ou des pro-blèmes de santé mentale qui leur sont propres. En tant qu’organisation humanitaire, le but de MSF est d’alléger la souffrance des personnes affectées par un conflit, une catastrophe na-turelle, la maladie et la négligence. Trop sou-vent, les répercussions de ces crises touchent les femmes et les enfants de façon dispropor-tionnée. C’est pourquoi nous continuerons à cibler notre réponse médicale afin de répondre à leurs besoins.

Merci de prendre part à notre travail huma-nitaire. Sans vous, nous ne pourrions porter assistance à ceux qui en ont le plus besoin. Grâce à votre appui, nous restons engagés en permanence à trouver des façons d’offrir es-poir, dignité et aide médicale aux personnes les plus vulnérables de la planète, qui qu’elles soient et où qu’elles se trouvent.

Joseph BelliveauDirecteur général de MSF Canada02

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MESSAGE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

DES RISQUES ACCRUSUN NOMBRE DISPROPORTIONNÉ DE PATIENTS REÇUS PAR MSF SONT DES FEMMES – TROP SOUVENT, CE SONT ELLES QUI SOUFFRENT LE PLUS DANS LES ZONES DE CONFLIT.

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DANS CE NUMÉRO...ARTICLE DE COUVERTURE : SANTÉ DES FEMMES Comment MSF répond-elle aux besoins de son plus grand groupe de patients .................. p. 04

Soins de maternité : Accouchements difficiles dans un camp de réfugiés rohingyas; traitement de la fistule obstétricale au Nigéria; une sage-femme canadienne en République démocratique du Congo ................................................. p. 06

Santé mentale : Soutien aux victimes de traumatismes au Honduras ....................... p. 09

Violences sexuelles : Conflits et besoins urgents en République centrafricaine ..................... p. 09

Accès aux soins : Donner aux femmes nigériennes un espace sûr pour consulter ........................................... p. 10

SOUTIEN EN ACTION Foire aux questions : Dons mensuels ..........p. 12

INNOVATION HUMANITAIRE MSF investit pour transformer sa façon de fournir des soins médicaux.....................................p. 13

CANADIENS EN MISSION Une comptable montréalaise voit l’impact de MSF en République démocratique du Congo .................................................. p. 14

www.medecinssansfrontieres.ca

Médecins Sans Frontières (MSF) 551 rue Adelaide Ouest Toronto, Ontario, M5V 0N8 Tél: 416-964-0619 Téléc: 416-963-8707 Sans frais: 1-800-982-7903 Courriel: [email protected]

Relations avec les donateurs : [email protected]; 1-800-928-8685

Photo en page couverture : Um Kalsoum, réfugiée rohingya, avec son fils Abdul, dans une clinique de MSF à Cox’s Bazar au Bangladesh. ©Mohammad Ghannam/MSF

Tirage : 150 000 exemplaires Graphisme : Tenzing Communications Inc. Impression : Warren’s Waterless Printing Printemps 2019

ISSN 1484-9372

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Depuis début 2019, l’escalade de la vio-lence dans le nord du Burkina Faso a fait des dizaines de morts et entraîné le dépla-cement interne de milliers de personnes ayant besoin d’une aide urgente. Les gens ont fui leur domicile sans pouvoir emporter quoi que ce soit avec eux. Beaucoup d’entre eux se sont dirigés vers les villages voisins de Foubé, Barsalogho, Arbinda, Kelbo et Déou. Dans le camp de Barsalogho, les familles vivent dans des tentes et peinent à obtenir de l’eau potable. Médecins Sans Frontières (MSF) s’efforce de minimiser le risque d’épi-démie dans la région; plus de 2 100 enfants ont été vaccinés contre la rougeole à Foubé lors de la première journée d’une campagne visant à vacciner 7 000 enfants. Six cents autres enfants ont été vaccinés à Barsalogho. Toutefois, les besoins restent importants, se-lon Idrissa Compaoré, coordonnatrice médi-cale de MSF au Burkina Faso, qui déplore le manque d’accès à l’eau potable.

Les équipes de MSF en Libye ont ob-servé une forte augmentation du nombre de personnes envoyées en centres de dé-tention après une série de débarquements sur les côtes libyennes. Réfugiés, migrants et demandeurs d’asile vulnérables ont été interceptés en mer et ramenés en Libye, ce qui constitue une violation du droit interna-tional. Les équipes de MSF ont organisé des transferts médicaux vers un hôpital à proxi-mité. Parmi les personnes récemment dé-barquées, certaines souffrent de malnutri-tion, d’hypothermie ou de diarrhée aiguë.

Certaines d’entre elles rapportent qu’avant de tenter de traverser la mer Méditerranée, elles ont été retenues captives par des pas-seurs pendant des semaines, parfois des mois, et systématiquement maltraitées et torturées. Les migrants détenus en Libye ne peuvent pratiquement pas bouger, et leur accès à de l’eau potable et à de la nourriture est extrêmement limité, situation particuliè-rement préoccupante chez les personnes souffrant de graves problèmes de santé, ainsi que chez les enfants en bas âge et les femmes enceintes.

MSF est consternée devant plusieurs conclusions de l’équipe nommée par la Coalition saoudienne et émiratie pour en-quêter sur le bombardement d’un centre de traitement du choléra de MSF au Yémen en 2018. Nous exigeons que les résultats de l’enquête soient revus, et que les fausses allégations contre MSF soient retirées. Alors que le rapport reconnaît la Coalition comme étant en partie responsable du bombardement, il affirme également que MSF n’a pas pris les mesures appropriées pour prévenir une telle attaque. Le rapport prétend que MSF n’avait pas affiché son emblème distinctif sur son bâtiment, ni ex-plicitement demandé à ce que ses installa-tions soient inscrites sur la liste des endroits protégés. Mais la réalité est toute autre : le complexe abritant le centre de traitement arborait trois logos distinctifs, et MSF a par-tagé par écrit son emplacement au moins 12 fois avec les autorités de la Coalition.

SOINS MÉDICAUX EN ACTION

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Un infirmier de MSF procède à un test de dépistage du paludisme sur une patiente dans le camp pour déplacés de Barsalogho au Burkina Faso.

DÉPÊCHESDépêches est publié deux fois par an et distribué aux supporteurs de Médecins Sans Frontières (MSF) Canada. Ce magazine est imprimé sur du papier recyclé par procédé d’impression à sec afin de réduire son impact environnemental.

Dépêches est également disponible en format numérique. Si vous préférez recevoir Dépêches électroniquement, veuillez nous écrire à : [email protected]

Page 4: Santé des femmes en zones de crise

Il y a plusieurs années, je faisais partie de l’équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) dans le nord de la République dé-

mocratique du Congo (RDC). Un jour, nous nous sommes rendus à un hôpital local en état de délabrement. En y entrant, j’ai aperçu un corps allongé par terre recouvert d’une couverture.

« Est-ce que quelqu’un est mort? » ai-je demandé.

« Oui, » m’a-t-on répondu. « Il s’agit d’une jeune femme qui est morte en accouchant. »

Je n’ai jamais su comment s’appelait cette jeune femme, mais je ne l’ai jamais oubliée. Je savais que les structures sa-nitaires dans cette région manquaient désespérément de ressources et de per-sonnel de santé formé. Je savais que de nombreuses femmes dans le monde n’ont pas la liberté de décider de louer un véhicule pour se rendre à l’hôpital le plus proche, même si c’est vraiment indispensable. Je savais que selon les sta-tistiques, près de 800 femmes meurent tous les jours des suites d’une grossesse. Et je savais que cette situation n’avait

pas lieu d’être. Mais le fait de voir cette femme gisant là, comme une laissée-pour-compte, m’a durement ébranlée.

J’ai éprouvé de la colère également. En ma qualité d’infirmière, voir une femme mou-rir inutilement faute de soins m’a donné envie de crier. C’était il y a longtemps, mais je suis aujourd’hui toujours aussi furieuse. Des morts comme celle-là se succèdent encore à une fréquence terrifiante de nos jours — et elles peuvent être évitées.

DES TAUX ÉLEVÉS DE MORTALITÉ

On a enregistré des progrès dans le do-maine de la santé des femmes, notamment une baisse significative de la mortalité ma-ternelle dans le monde. Cependant, dans de nombreux pays où MSF intervient, un nombre incroyable de femmes meurent en-core en vain.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, 50 fois plus de femmes meurent en couches en Afghanistan qu’au Canada. Les taux de mortalité maternelle sont 176 plus élevés en République centrafricaine qu’au Japon, et 214 fois plus élevés au Tchad qu’en Suède.

La mission de MSF consiste à prodiguer des soins médicaux essentiels aux personnes incapables d’y accéder. Bien que nous ne soyons pas une organisation spécifi-quement vouée aux soins des femmes, la majorité de nos patients sont des femmes et des enfants. Projet après projet, j’ai vu

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UN LOURD FARDEAU MSF n’est pas une organisation uniquement vouée à la santé des femmes, écrit Meinie Nicolai, mais il s’agit de notre plus grand groupe de patients. Et LEURS BESOINS SONT très particuliers et souvent urgents.

ARTICLE DE COUVERTURE : SANTÉ DES FEMMES

L’AN DERNIER, ON COMPTAIT PARMI LES SOINS MÉDICAUX HUMANITAIRES PRODIGUÉS PAR MSF :

18 800 TRAITEMENTS MÉDICAUX À LA SUITE D’ACTES DE VIOLENCE SEXUELLE ENVERS DES FEMMES

288 900 ACCOUCHEMENTS ASSISTÉS, NOTAMMENT PAR CÉSARIENNE

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nos salles d’attente pleines à craquer de femmes enceintes, blessées, malades ou accompagnées de leurs enfants. J’ai aussi vu tout le mal que les femmes se donnent pour prendre soin de leurs enfants.

Ces femmes sont remarquablement fortes et sont tout sauf des victimes. Certaines effectuent un travail éreintant en plus de tenir leur maison et de prendre soin des enfants et des autres membres de la fa-mille. Cependant, en dépit du lourd far-deau qu’elles portent, elles ont rarement le pouvoir de décider quand vient le temps pour elles de se faire soigner.

En termes simples, les femmes présentent des risques de santé particuliers, et il est primordial d’y prêter attention. Com-mençons par une évidence : les femmes deviennent enceintes et enfantent. À l’échelle mondiale, plus d’un tiers de tous les accouchements comportent des com-plications, y compris des pathologies ris-quant d’entraîner la mort si des soins ne sont pas dispensés immédiatement.

Les défis auxquels sont confrontées les femmes dépassent bien entendu l’accouchement. Les conflits sont propices à l’exploitation endé-mique des femmes et des filles, ainsi qu’au viol utilisé comme arme de guerre. En général, les déplacements de populations rendent les femmes et les filles plus vulnérables à la vio-lence sexuelle et à la traite de personnes.

ACCÈS À DES SOINS ESSENTIELS

À MSF, nous essayons d’aider autant de personnes que possible, et les besoins sont grands. Bien souvent, nous sommes la seule organisation médicale sur place. L’an-née dernière, nous avons assisté 288 900 naissances et soigné médicalement 18 800 victimes de violence sexuelle.

Les femmes qui nous consultent pour se faire soigner ne sont pas reléguées au se-cond plan. Elles ne peuvent subir un tel sort, car l’avenir a besoin d’elles.

En tant qu’organisation, nous attendons avec impatience le jour où les femmes du

monde entier auront accès à ce type de soins médicaux que nous tenons bien sou-vent pour acquis dans les pays développés; le jour où aucune fille ni femme ne mourra faute de se rendre à l’hôpital à temps; le jour où nous aurons la conviction d’entrer dans un hôpital rural éloigné sans y voir par terre le corps recouvert d’une femme morte en accouchant.

Meinie NicolaiAncienne présidente, MSF Belgique

La version complète de cet article a été publiée à l’origine comme introduction à « Tomorrow Needs Her », une série de té-moignages recueillis auprès de travailleurs humanitaires de MSF sur la façon de ré-pondre aux besoins de santé des femmes dans le monde. Pour lire ces récits et en apprendre davantage sur le sujet, veuillez consulter le site womenshealth.msf.org (en anglais seulement).

Page 6: Santé des femmes en zones de crise

Une femme est assise sur un lit d’hôpi-tal vert, l’air confus. Elle donne l’im-pression d’avoir couru un marathon,

mais sans la sensation d’euphorie qui ac-compagne généralement un tel exploit. Elle vient de donner naissance à un garçon de 4,1 kilos – un poids record pour cette salle d’accouchement. Une sage-femme met le nouveau-né dans ses bras, et elle le serre contre sa poitrine.

Cette femme est une patiente de l’hôpital de Kutupalong de Médecins Sans Fron-tières (MSF) à Cox’s Bazar au Bangladesh, situé juste en face du plus grand camp de réfugiés au monde. Depuis la fin de 2017, Cox’s Bazar abrite près d’un million de ré-fugiés, membres de la minorité ethnique rohingya du Myanmar. La majorité d’entre eux ont franchi la frontière du Bangladesh en quelques semaines à la suite de la brutale campagne de violence menée contre eux dans leur propre pays. Ils vivent maintenant confinés dans des conditions de surpeuple-ment sur une petite bande de terre entre les deux pays, incapables de se déplacer libre-

ment au Bangladesh ni de rentrer au Myan-mar en toute sécurité.

La jeune femme assise sur le lit est l’une des rares femmes à choisir de donner naissance à l’hôpital, car environ quatre femmes rohin-gyas sur cinq à Kutupalong accouchent chez elles. « Je suis une grande partisane des ac-

couchements à domicile, » déclare Yvette, originaire du nord-ouest des États-Unis et responsable de la gestion des activités à la maternité de l’hôpital de MSF. « Mais ici, les conditions au foyer ne sont pas idéales. »

Le foyer pour la plupart des réfugiés à Kutupa-long, ainsi que dans les autres camps de for-

PEU D’OPTIONSLes femmes enceintes et les nouvelles mamans qui vivent au Bangladesh dans les camps bondés de réfugiés rohingyas sont exposées à de nombreux risques de santé et n’ont tout simplement nulle part où aller.

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SANTÉ DES FEMMES : MATERNITÉ

INTERVENTION DE MSF AUPRÈS DES ROHINGYAS* :

1 050 000 CONSULTATIONS MÉDICALES POUR LES RÉFUGIÉS ROHINGYAS AU BANGLADESH DEPUIS AOÛT 2017

49 401 CONSULTATIONS DE SANTÉ MENTALE

4 885 PATIENTS TRAITÉS POUR LA ROUGEOLE

* En date du 5 février 201906

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Onyeka Martins Madueke travaille comme administrateur pour Médecins

Sans Frontières (MSF) dans l’État

d’Anambra au Nigéria. Il a écrit un article de blogue à propos de la clinique de prise en charge des fistules obstétricales tenue par MSF à Jahun, dans le nord du Nigéria – en voici un extrait :

Comme il est contagieux le visage rayon-nant de ces femmes célébrant leur sortie de la clinique de réparation des fistules obsté-tricales tenue par MSF ici à Jahun! Nous tous ici présents pour célébrer avec elles en connaissons bien la raison.

La fistule est une lésion ayant des consé-quences dévastatrices, qui est principa-lement due à l’accouchement, après un obstacle physique empêchant le travail. Cela se produit quand il y a arrêt de la progression de l’accouchement – souvent parce que la tête du bébé est trop grosse pour passer par le bassin.

Si une césarienne n’est pas pratiquée d’urgence, la tête du bébé peut exercer une pression sur la paroi du canal vaginal et créer un orifice, ou « fistule », entre le vagin et la vessie ou le vagin et le rectum.

Au bout de quelques mois, à la suite d’un accouchement difficile ou compliqué, ces femmes constatent qu’elles sont inca-pables de retenir leur urine (pour les cas de fistules vésicovaginales) ou leurs selles (pour les cas de fistules rectovaginales).

Ces fluides passent par la fistule plutôt que la vessie ou le rectum, et s’écoulent constamment par le vagin; les femmes utilisent des chiffons ou des serviettes pour les absorber. Elles dégagent souvent une odeur répulsive ou embarrassante, ce qui fait qu’elles sont souvent rejetées par leur communauté.

Toutefois, la situation est en train de changer. Les femmes présentes à cette célébration ont retrouvé leur fierté alors qu’elles croyaient l’avoir perdue à tout jamais. La quasi-totalité, voire la totalité, des patientes qui sont admises au service de réparation de fistules sont inscrites en tant que femmes mariées. Toutefois, un certain nombre d’entre elles se font rejeter par leur mari et reçoivent une demande de divorce pendant qu’elles sont sous traite-ment à l’hôpital.

À ce stade, les femmes peuvent vraiment se sentir abandonnées; la dépression com-mence à s’installer et elles se demandent pourquoi elles subissent un tel sort – cer-taines pensent même être victimes d’une malédiction. C’est là le début d’un état psychologique préoccupant qui peut compromettre le prompt rétablissement de la patiente.

Les membres du personnel de la clinique MSF sont souvent considérés comme des proches pour ces patientes, et la raison pour laquelle la plupart d’entre elles se battent. Au début, rares sont celles qui pensent pouvoir un jour contrôler leurs pertes d’urine ou de matières fécales, mais en bout de ligne, cela finit toujours par se produire.

Pour ces femmes, il s’agit souvent d’une expérience qui transforme leur vie. Aujourd’hui, ces patientes qui ont reçu leur congé de l’hôpital retourne-ront chez elles avec plus d’assurance qu’avant d’y entrer.

En écrivant ces lignes, je pense aux ef-forts incroyables déployés par MSF pour dispenser gratuitement de tels soins à la population d’ici. Et cela me rend très émo-tif. Je m’arrête ici de peur d’inonder mon clavier de larmes de joie.

Pour lire la suite du blogue d’Onyeka, consultez blogs.msf.org/bloggers/onyekamartins-madueke. (En anglais seulement)

Fistule obstétricale : rétablir dignité et santé au Nigéria

tune à Cox’s Bazar, consiste tout simplement en une hutte de terre battue et une bâche en guise de toit. Il faut aller chercher son eau à la pompe la plus proche, et les latrines commu-nautaires débordent souvent. « Ce n’est pas un endroit où il fait bon vivre, et encore moins accoucher », fait remarquer Yvette.

Pour les femmes qui accouchent chez elles, peu d’options existent en cas de problème. La nuit, les camps ne sont pas éclairés et les chemins escarpés et étroits sont glissants. Des ponts précaires enjambent des étangs et des ruisseaux vaseux. Les routes étant rares dans les camps, un transport en ambulance consiste à se percher sur une chaise en plas-tique attachée à deux tiges de bambou.

DES ACCOUCHEMENTS COMPLIQUÉS

Par conséquent, les femmes présentant des complications pendant le travail ne se déplacent habituellement pas la nuit. « Le lendemain, elles sont souvent en bien mau-vais état », explique Yvette. Ou alors, elles saignent chez elles pendant des jours et finissent par se présenter à la clinique, at-teintes de septicémie.

Les cas de naissance sans complication sont l’exception et non la règle à l’hôpital de Ku-tupalong. « Il est rare d’assister un accou-chement normal ici », admet Yvette. « En général, je ne vois que des cas graves – on a l’impression d’être dans une salle d’urgence plutôt que dans une salle d’accouchement. »

UN AVENIR INCERTAIN POUR LES BÉBÉS QUI NAISSENT

Selon les statistiques, sur les 10 lits occupés actuellement à la maternité, cinq femmes sont hospitalisées pour des situations d’ur-gence médicale : éclampsie, hémorragie post-partum, septicémie. Quatre autres sont hospitalisées pour raison de viol. Il est pro-bable que, sur ces 10 femmes, une seule uni-quement accouchera normalement.

Depuis l’année dernière, on n’enregistre plus les naissances des bébés rohingyas au Bangladesh. Ces enfants nés ici n’auront ni certificat de naissance, ni statut de réfugié, ni nationalité.

« Dans d’autres pays où j’ai travaillé avec MSF, les femmes de la maternité rendent vi-site aux autres femmes des lits avoisinants, mais ici ce n’est pas vraiment le cas », ra-conte Yvette. « Les femmes sont repliées sur elles-mêmes, se couvrent la tête ou le visage avec des foulards et se murent habituelle-ment dans le silence. »

Page 8: Santé des femmes en zones de crise

La Dre Lanice Jones pratique la médecine à Canmore en Alberta. Elle a récemment revêtu le rôle de sage-femme dans la cadre d’un projet médical de Médecins Sans Frontières (MSF) à Mweso en République démocratique du Congo (RDC). Voici un extrait du blogue qu’elle a tenu pendant son affectation :

«Pouvez-vous examiner cette femme pour moi? Il y a quelque chose de bizarre », a dit l’une des infirmières

en m’appelant. « C’est son 12e accouche-ment à terme, tous des accouchements par voie vaginale. Sept bébés sont vivants, quatre sont décédés mais pas à la nais-sance. Aucune césarienne. Le dernier ac-couchement remonte à deux ans. »

J’ai palpé l’abdomen de la femme : la taille et la position du bébé semblaient normales. J’ai enfilé un gant stérile pour vérifier l’ou-verture du col de l’utérus. La tête était haute, le col de l’utérus pas entièrement dilaté. Puis, j’ai senti quelque chose d’anor-mal quand mes doigts ont effleuré un petit conduit circulaire visqueux émettant des pulsations. « Cas rouge! » me suis-je écriée. « Prolapsus du cordon! »

« Quand une femme a eu de multiples ac-couchements, l’utérus est plus détendu et plus mou. Il y a par conséquent un plus grand risque que la tête du nourrisson ne s’appuie pas suffisamment sur la filière gé-nitale, permettant alors au cordon ombi-lical de se présenter avant la tête. Donc, à mesure que le bébé descend tête première dans le canal, le cordon peut être com-primé, ce qui bloque l’apport d’oxygène et de nutriments vitaux – ce phénomène provoque la détresse du nourrisson et peut même entraîner sa mort.

L’équipe est rapidement passée à l’action pendant que je gardais ma position, ma main refoulant la tête du bébé pour alléger la pression exercée sur le cordon ombilical. Trésor, le superviseur local du personnel, a informé l’équipe par radio de se préparer à procéder à une césarienne d’urgence.

Je me suis vite aperçue que je ne pour-rais pas continuer à courir à côté de la ci-vière, car la porte de la salle d’opération était trop étroite pour m’y laisser entrer en même temps. Donc, la seule façon de pouvoir continuer à maintenir une pres-sion constante sur la tête du bébé, et ainsi éviter un manque d’afflux sanguin dans le cordon ombilical, était de grimper sur la civière et de m’agenouiller derrière la pa-tiente. Alors, nous avons verrouillé les bar-rières latérales et hop! À toute vitesse vers le bloc opératoire!

Une fois rendue, je me suis accroupie à côté de la table d’opération et j’ai ressenti les

pulsations du cordon ombilical entre mes doigts, ce qui voulait dire que le nourrisson était toujours vivant. Mais le pouls était in-férieur à 110 battements par minute, et cela était inquiétant. J’ai ensuite senti quelque chose bouger contre ma main : la main du chirurgien effleurant mes doigts en instal-lant la ventouse sur la tête du bébé pour la soulever et l’extraire du bassin.

DE PETITS SIGNES DE VIE

Le nourrisson était flasque et silencieux quand il a été placé sur la table à infra-rouges. Après quelques secondes à peine, je trouvais que le bébé tardait à respirer alors j’ai crié « canule de Guedel! », en empoignant le petit tube pour l’insérer dans la bouche du bébé et dégager ses voies respiratoires.

J’ai introduit le tube, replacé le masque et soufflé dedans légèrement. Au bout d’une minute, le petit garçon cherchait laborieu-sement à inspirer, puis après deux minutes d’aide respiratoire, il a rompu le silence en émettant le plus beau son du monde – un cri énergique!

Alors que nous continuions à veiller sur le nourrisson et à lui prodiguer des soins, j’ai parcouru des yeux le bloc opératoire et j’ai remarqué que l’atmosphère s’était grandement détendue maintenant que le nouveau-né était sain et sauf, et que sa ma-man allait bien.

« Ça, c’était un spectacle surprenant à voir », a commenté le Dr Juan Diaz, le chirurgien de MSF, en retirant les champs opératoires. « J’ai entendu l’appel, je me suis précipité au bloc pour l’opération – et là je suis tombé nez à nez avec le der-rière d’une sage-femme agenouillée sur une civière! » Toute l’équipe a éclaté de rire et je me suis dit « note à moi-même : il faudrait s’informer pour faire élargir la porte du bloc opératoire! ».

Pour lire la suite du blogue de Lanice, veuillez consulter blogs.msf.org/bloggers/lanice-jones.

SANTÉ DES FEMMES : MATERNITÉ

UN ACCOUCHEMENT URGENTINTERVENTION RAPIDE D’UNE SAGE-FEMME CANADIENNE ET DE SES COLLÈGUES MSF POUR SAUVER LA VIE D’UN NOUVEAU-NÉ EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO.

La Dre Lanice Jones, à droite, avec la nouvelle maman et son bébé.

« Cas rouge! » me suis-je écriée. « Prolapsus

du cordon! »

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Le ciel au-dessus de la clinique La López à Choloma au Honduras se dégage après des pluies torrentielles alors que la psy-

chologue Ámbar Assaf de Médecins Sans Frontières (MSF) observe la rue, de l’autre côté des barreaux du lourd portail en fer.

« Les populations ici sont profondément touchées par la violence, surtout les femmes », a-t-elle expliqué. « Les patients qui me consultent sont pour la plupart des jeunes femmes âgées entre 15 et 35 ans. La violence physique, psychologique et sexuelle est monnaie courante ici. Je vois un grand nombre de femmes souffrant de dépression, car elles ont subi des violences qu’elles banalisent, ce qui est pour elles un mécanisme de défense. »

La Dre Assaf et son équipe aident les patients à surmonter leurs expériences et à retrouver un certain contrôle sur leur vie. Toutefois, la pré-dominance et l’intensité de la violence à Cho-loma peuvent laisser de profondes cicatrices.

« L’un des cas qui m’ont le plus marquée est celui d’une famille », a raconté la doc-

teure. « Une femme enceinte avec deux en-fants, de six et huit ans. Un jour, son mari n’est pas rentré à la maison. Il a été retrouvé mort, étranglé, et le corps portait de graves marques de violence. Les enfants ont tout vu. Nous voyons des cas comme celui-là régulièrement ici. »

DES CHOIX DIFFICILES

La famille a déménagé dans une autre ville située à deux heures de route, comme le font des milliers de déplacés internes au Honduras. Même en déménageant, ils ne se sentent toujours pas en sécurité, a sou-ligné Dre Assaf, et leur départ forcé les a coupés de leurs relations sociales, et privés de perspectives économiques. « La mère va accoucher dans un mois. Elle envisage de retourner à Choloma, car il n’y a pas d’em-ploi dans la ville où ils se sont établis. »

L’équipe de sensibilisation de MSF travaille avec les enfants pour leur apporter un sou-tien émotionnel et les aider à mettre en place des mécanismes leur permettant de faire le deuil de leur père.

Cependant, la famille est confrontée à un choix difficile, comme de nombreuses per-sonnes au Honduras : rester chez elles au pé-ril de leur vie ou partir malgré les dangers du voyage, dans l’espoir d’un avenir meilleur.

« Les besoins sont énormes dans cette ré-gion », a expliqué Dre Assaf, qui habite non loin de là, à San Pedro Sula. « Plus nous tra-vaillons, plus les besoins sont grands. Nous avons tous vu des personnes se faire tuer en pleine rue. Nous ne pouvons rien changer à la situation ici, mais nous pouvons soutenir les gens qui doivent vivre avec la violence. »

La criminalité est à la fois endémique et latente à Choloma, et ce sont les femmes et les filles qui sont souvent les plus me-nacées. Les équipes de MSF proposent des services de santé mentale, sexuelle et reproductive, notamment aux survivantes de violences sexuelles. Depuis 2017, ces équipes soutiennent une clinique locale du ministère de la Santé à Choloma. L’établis-sement dispense maintenant des services de santé sexuelle et reproductive et des soins d’urgence.

DES CICATRICES INDÉLÉBILESDANS CERTAINES RÉGIONS DU HONDURAS, LA CRIMINALITÉ ET LA VIOLENCE SONT ENDÉMIQUES, ET CE SONT LES FEMMES ET LES FILLES QUI Y SONT LE PLUS SOUVENT EXPOSÉES. UNE CLINIQUE DE MSF OFFRE SOINS ET SOUTIEN AUX SURVIVANTES.

Ruth, mère de quatre enfants, a fui le Honduras avec sa famille l’année dernière pour échapper à la violence quotidienne. Son mari a été enlevé puis relâché, mais leur vie était tout de même en danger. Bien que leur périple ait été très difficile, MSF a été capable de les aider en leur fournissant des soins médicaux et de santé mentale.

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SANTÉ DES FEMMES : BESOINS EN SANTÉ MENTALE

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L a voix de Tatiana* est presque inaudible lorsqu’elle raconte ce qui lui est arrivé à Bambari, en République centrafricaine

(RCA), il y a trois mois.

« Mon mari a été tué par des hommes armés et j’ai été faite prisonnière. Dans leur camp, des hommes m’ont violée, j’ai été détenue pendant plusieurs jours, et j’ai perdu un de mes enfants. Peu de temps après, j’ai réussi à envoyer mon autre enfant à l’extérieur du camp pour acheter quelque chose. J’ai fina-lement réussi à m’enfuir. »

L’histoire de Tatiana n’est pas une histoire isolée. Depuis son ouverture en décembre 2017 à l’Hôpital communautaire de Bangui, la capitale du pays, la clinique de Méde-cins Sans Frontières (MSF) spécialisée dans le traitement des violences sexuelles a pris en charge près de 800 patients. La plupart des patients arrivant à la clinique sont des femmes, et un quart ont moins de 18 ans.

Dans l’ensemble de ses projets en RCA et rien qu’au cours des six premiers mois de 2018, MSF a soigné 1 914 survivants de vio-lence sexuelle, dont la vaste majorité a été reçue dans les cliniques et hôpitaux de Ban-gui. Ce flot continu de patients donne une idée des besoins considérables dans ce pays ravagé par la guerre et manquant à la fois

d’un système de santé fiable et d’un système judiciaire opérationnel.

Même si le sujet de la violence sexuelle est rarement abordé en public, Susi Vicente, coordonnatrice du projet sur la violence sexuelle de MSF à Bangui, confirme que les patients potentiels ne manquent pas.

« Il est évident que les personnes qui viennent consulter chez nous ne repré-sentent que la partie visible de l’iceberg. Nous savons que le problème est là, et la po-pulation doit être informée des traitements et de l’aide à sa disposition. Lorsque les gens savent qu’ils peuvent obtenir des services médicaux gratuits, ils sont impatients d’y avoir accès. »

LE VIOL COMME ARME DE GUERRE

Le recours fréquent à la violence sexuelle comme arme de guerre en RCA a été large-ment documenté : en 2017, Human Rights Watch a révélé que des groupes armés avaient régulièrement utilisé le viol et l’escla-vage sexuel comme tactiques de guerre entre le début de 2013 et le milieu de 2017.

Au vu des événements précédents, cette nouvelle escalade de violence dans le pays semble de mauvais augure pour les civils. En

2018, de nouvelles flambées de violence ont éclaté dans de nombreuses régions du pays. Bambari, une localité autrefois nommée « la ville sans armes », est retombée une nouvelle fois dans la violence en avril dernier, condui-sant à des situations comme celle de Tatiana.

Toutefois, bien que le conflit soit l’une des principales causes de la violence sexuelle dont de nombreuses femmes sont victimes, il n’est pas le seul responsable de ce fléau. Même si les dangers sont plus grands en pé-riode de combats, l’absence généralisée de dispositifs de sécurité et de mécanismes de protection pour les personnes les plus vulné-rables est aussi en cause, car elle engendre un environnement anxiogène pour les femmes et les enfants qui, souvent, ne peuvent recou-rir à la justice en cas d’agression.

« Si une personne signale aux autorités qu’elle a été agressée par son beau-père ou un cousin, il n’existe aucun système lui permettant de bénéficier d’un héberge-ment sécuritaire, et il arrive souvent que la famille de la victime ignore sciemment la situation », explique Susi Vicente. « Un grand nombre de nos patientes ont été victimes de violences domestiques, perpé-trées par un membre de la famille ou un résident du village. »

AIDER À GUÉRIR

La présence des sages-femmes, médecins et psychologues à la clinique de MSF permet aux patientes de recevoir un examen médi-cal tant au niveau physique que psycholo-gique. Si une patiente arrive dans la période cruciale des 72 heures après une agression, les médecins sont alors en mesure de lui prescrire une prophylaxie post-exposition qui peut lui permettre d’éviter une infection au VIH. Après une agression sexuelle, les psychologues de MSF jouent un rôle crucial sur le long terme pour aider les patientes à commencer à reconstruire leur vie.

Quant à Tatiana, elle reprend doucement le cours de sa vie. Elle vit désormais avec son frère et sa famille, et aide sa belle-sœur avec les tâches quotidiennes. Mais de tels trauma-tismes ne s’oublient pas si facilement, et les souvenirs restent souvent à fleur de peau.

« Au début, ce n’était pas facile pour moi. De-puis que j’ai été prise en charge ici, et après avoir beaucoup parlé au conseiller, je me sens un peu mieux qu’avant. Mais ce n’est pas fa-cile non plus. Ce n’est pas facile du tout. »

*Le vrai nom de Tatiana a été remplacé dans ce récit pour protéger son anonymat.

« CE N’EST PAS FACILE »En République centrafricaine, les possibilités de prise en charge et de soutien sont limitées pour les personnes survivant à un viol.

SANTÉ DES FEMMES : VIOLENCE SEXUELLE

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Amandine, 14 ans, a survécu à une agression sexuelle en République centrafricaine. Après avoir été prise en charge par MSF, elle a pu retourner à l’école.

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Il y a trois ans, Fajimatou a donné nais-sance à son quatrième enfant. Depuis, elle souffre d’incontinence et d’infec-

tions urinaires fréquentes. Trop embarras-sée pour parler de ce problème au person-nel de son poste de santé local, elle a gardé le silence. Lorsqu’elle a entendu parler de l’espace d’écoute dédié aux femmes et mis en place par Médecins Sans Frontières (MSF) dans son village, ce fut pour elle un véritable soulagement.

« Je savais qu’ici je pourrais parler à une femme en qui j’ai confiance. Jusqu’à main-tenant, nous n’avions pas d’endroit où parler librement de ces choses », a confié Fajimatou.

Fajimatou est loin d’être la seule femme à avoir gardé le silence pendant plusieurs années. Kolo, une jeune femme de 22 ans et mère de trois enfants, explique qu’elle éprouve des douleurs depuis qu’elle a commencé à avoir des relations sexuelles avec son mari il y a six ans. « Un jour, j’ai enfin trouvé le courage de me rendre à un centre médical pour consulter, mais lorsque je me suis retrouvée en face de l’agent de santé, je n’ai pas su expli-quer mon problème. » Les Nigériennes

éprouvent encore des difficultés à aborder leurs problèmes intimes avec une personne qu’elles ne connaissent pas, surtout s’il s’agit d’un homme. Ceci explique pour-quoi elles ont du mal à se rendre dans une structure médicale pour consulter. Donc, l’un des premiers obstacles que MSF de-vait surmonter dans la région de Diffa était de trouver un moyen d’encourager les

femmes à consulter et à obtenir des soins pour leurs problèmes de santé sexuelle et reproductive afin d’éviter des complica-tions potentiellement mortelles. C’est ainsi qu’est née l’idée des espaces d’écoute.

En vue de créer un climat de confiance avec les femmes et de les aider à s’ouvrir, MSF a choisi de travailler main dans la main avec les sages-femmes du village. Elles re-présentent le premier point de contact des femmes. « S’adresser à une personne connue et respectée dans le village gé-nère une plus grande confiance chez les femmes, que de s’adresser à une personne extérieure », a expliqué Alira Halidou, coor-donnatrice de terrain pour MSF à Diffa.

GAGNER LA CONFIANCE

Pour les sages-femmes aussi, les espaces d’écoute ont amélioré de façon significa-tive leur travail et leur rôle dans le village. « Avant, j’assistais les femmes pendant leur grossesse et leur accouchement. Lorsque MSF a créé cet espace, j’ai reçu une for-mation sur les techniques d’écoute et la détection des signes de vulnérabilité. De-puis, un nouveau lien s’est créé entre moi et les femmes du village qui viennent me demander conseil plus souvent. Comme elles me font confiance, elles sont plus sus-ceptibles d’accepter que je les oriente vers les équipes de MSF », a expliqué Dalaran, une sage-femme de la région.

Kingui, une autre sage-femme, a constaté la même chose. « Je travaille depuis 10 ans comme sage-femme dans mon village, et les femmes ne sont jamais venues me

parler autant que maintenant. Des jeunes filles de 15 ou 16 ans viennent frapper à ma porte pour me poser des questions sur leurs règles ou leur première gros-sesse, alors qu’avant, elles n’auraient ja-mais osé se confier à une femme de 50 ans comme moi. Sur le plan culturel, c’est un énorme changement. »

Depuis septembre 2017, MSF a lancé des espaces d’écoute dans neuf villages de la région de Diffa. Les problèmes sur lesquels les sages-femmes doivent se pencher en particulier sont les maladies sexuellement transmissibles, la violence sexuelle et les complications suite à un accouchement.

« Le Niger compte l’un des taux de fertili-té les plus élevés du monde. De plus, près de 30 pour cent des femmes accouchent à la maison, sans assistance médicale. Ceci a évidemment des répercussions sur le taux de mortalité maternelle, qui est lui aussi très élevé », a expliqué Ann Mumina, coordonnatrice médicale pour MSF au Niger.

Pour les femmes qui, par honte, ont dissi-mulé leur souffrance pendant des années, l’espace d’écoute est très bien accueilli. « Je me sens mieux depuis que j’ai été opérée par MSF », a déclaré Fajimatou chez qui on a finalement détecté et soi-gné une fistule obstétricale. « Je ressens un grand soulagement dans ma vie quo-tidienne. Désormais, je suis la première à encourager d’autres femmes du village à se rendre à l’espace d’écoute pour obte-nir de l’aide. »

ZONES DE CONFORTAu Niger, beaucoup de femmes sont réticentes à l’idée de parler de leur santé personnelle. MSF a donc décidé de créer des espaces d’écoute où elles peuvent parler librement de leurs préoccupations médicales.

SANTÉ DES FEMMES : ACCÈS AUX SOINS

Fajimatou, une patiente de MSF.

Kolo, une patiente de MSF.

Kingui, sage-femme.

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VOTRE SOUTIEN : FAQ

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JE PRÉFÈRE DONNER À DES MOMENTS QUE JE CHOISIS. POURQUOI EST-CE QUE JE CONTINUE À RECEVOIR DES COMMUNICATIONS DE MSF ME SUGGÉRANT DE DEVENIR DONATEUR MENSUEL?

Vos dons permettent à MSF de fournir une aide humanitaire urgente dans près de 70 pays. L’année dernière, vous nous avez aidés à fournir plus de 10 millions de consultations médicales à des per-sonnes touchées par des catastrophes, des conflits ou d’autres situations mettant leur vie en danger.

Lorsque les contributions nous parviennent par versements mensuels et prévisibles, cela nous permet en quelque sorte de « planifier l’imprévisible » et d’être prêts à intervenir en cas d’urgence, et aussi de continuer à opérer nos programmes dans des régions négligées et de prendre en charge les populations qui souffrent loin de l’attention du monde.

Le maintien de nos activités courantes — ce qui nous permet d’assurer la continuité des soins aux personnes en situation de préca-rité — tout en conservant notre capacité de réaction nécessite des revenus et des res-sources prévisibles, et les dons mensuels

constituent l’un des meilleurs moyens de soutenir cette préparation.

MSF est une organisation d’intervention d’urgence totalement indépendante : puisque nous recevons plus de 95 % de notre financement de personnes comme vous, des donateurs privés au Canada et dans le monde, plutôt que de gouverne-ments ou de grandes institutions, nous pou-vons nous rendre là où les besoins sont les plus grands selon nos propres évaluations, et le faire sans ingérence ou influence poli-tiques, militaires ou économiques.

Cette indépendance est rendue possible par la générosité de nos donateurs, dont le soutien continu nous donne la flexibilité financière nécessaire pour agir rapidement et de manière décisive. Grâce à un modèle de revenus fondé sur des dons réguliers et fiables, notre première réaction en cas d’urgence est de mettre immédiatement nos équipes sur le terrain, plutôt que de commencer à chercher les fonds dont nous avons besoin pour agir.

Si vous avez des questions ou des préoccupa-tions que vous aimeriez soulever en tant que supporteur du travail médical humanitaire de MSF, veuillez contacter notre équipe de relations avec les donateurs au Canada au 1-800-928-8685 ou par courriel à l’adresse [email protected].

UN IMPACT BONIFIÉ Chaque année, le généreux soutien de milliers de Canadiens contribue à rendre possible le travail médical humanitaire de Médecins Sans Frontières (MSF). Dans cette section de Dépêches, nous répondons à certaines des questions posées par nos donateurs sur le fonctionnement de MSF et leur rôle crucial dans la provision de soins aux personnes en détresse à travers le monde.

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L orsque la Dre Achai Bulabek, une Sud-Soudanaise de 28 ans, a commencé à travailler comme médecin à la clinique

de Médecins Sans Frontières (MSF) dans la ville d’Agok, le plus grand hôpital de la région ne disposait que d’un seul appareil à ultra-sons. Il se trouvait dans la salle de maternité et ne pouvait être utilisé que lorsqu’un médecin spécialisé dans les échographies était présent.

Les médecins travaillant dans cette partie du Soudan du Sud n’avaient pas accès à l’ima-gerie médicale pour diagnostiquer, ailleurs dans l’hôpital, des patients dans un état cri-tique comme ceux souffrant d’une fracture, d’un œdème pulmonaire ou d’une douleur abdominale aigüe.

Toutefois en 2017, l’hôpital s’est doté d’un appareil à ultrasons au point d’intervention (« point-of-care ultrasound », ou POCUS, en anglais) ce qui a permis de changer cette si-tuation. La Dre Bulabek et ses collègues ont ensuite été formés sur la manière d’utiliser cet appareil portatif qui se compose d’une sonde branchée à une tablette ou un ordina-teur portable, et qui peut être utilisé directe-ment au chevet du patient. Selon elle, l’ap-pareil à ultrasons portatif a changé la donne pour elle et ses collègues, car il a facilité et accéléré le processus de diagnostic ainsi que la prise de décision concernant la meilleure façon de traiter un patient.

« J’ai dû faire une échographie à un jeune garçon de 8 ou 10 ans. Il présentait des an-técédents traumatiques et souffrait de dou-leurs abdominales depuis 24 heures », se souvient-elle. « Au moyen de cet appareil à

ultrasons, j’ai procédé en moins de sept mi-nutes à une échographie, qui a révélé la pré-sence de liquide dans son abdomen et une rupture de la rate. La décision de procéder à une laparotomie et à une intervention chirur-gicale pour enlever la rate a été prise dans les 15 minutes, au chevet du patient. »

POCUS compte parmi les 36 projets de trans-formation que les équipes de MSF mettent en œuvre aux quatre coins du monde. En 2016, MSF a lancé le Fonds pour investissements transformateurs (FIT) dans le but de mieux ré-pondre aux besoins de ses patients aujourd’hui, tout en se préparant aux défis de demain.

« Ces 10 dernières années, nous avons constaté une forte augmentation de la com-plexité et de l’ampleur des problèmes mé-dicaux et humanitaires au niveau mondial. Parmi ces défis, on peut citer le taux de dé-placements de population sans précédent à l’échelle mondiale, les tendances évolutives des épidémies et un système de recherche et développement au niveau médical qui ne répond pas aux besoins des personnes que MSF assiste », explique Emmanuel Guillaud, responsable du Secrétariat du FIT, hébergé dans les bureaux de MSF Canada à Montréal et Toronto.

« En parallèle, nous constatons des avancées techniques et médicales incroyables, no-tamment dans le domaine de l’intelligence artificielle, de la biotechnologie, de l’éner-gie hybride et des mégadonnées. Toutes ces innovations présentent des opportunités uniques pouvant aider MSF à transformer sa capacité à répondre aux besoins médicaux et humanitaires des populations vulnérables dans le monde. »

Des employés de MSF travaillant aux quatre coins de la planète soumettent au Secrétariat des propositions qui sont ensuite étudiées par un comité de sélection international composé d’experts internes ou externes à l’organisa-tion. Un grand nombre des projets approuvés génèrent déjà des retombées positives.

L’un des plus importants projets, qui vise à améliorer l’accès aux soins et les traitements contre l’hépatite C, a montré des résultats extrêmement prometteurs pendant sa phase expérimentale. L’équipe responsable du pro-jet teste actuellement une nouvelle associa-tion de médicaments qui a procuré un taux de guérison de 97 pour cent lors d’un essai clinique mené dernièrement. Parmi les autres projets prometteurs actuellement à l’étude, on compte des projets d’incubation, comme l’expérimentation d’un système de climatisa-tion à énergie solaire et la mise en place d’un outil de compilation des antécédents médi-caux des migrants.

Claudia BlumeAttachée de presse de MSF Canada

Deng Kuol Nyanaguek, à droite, a besoin d’une échographie, mais ce service n’est pas disponible dans cette partie du Soudan du Sud. Un nouvel appareil permet aux équipes médicales de MSF de faire de meilleurs diag-nostics, même dans des endroits reculés. Ceci s’inscrit dans les initiatives de MSF visant à concevoir des outils d’importance vitale qu’elle pourra utiliser dans les contextes difficiles où elle intervient.

DE NOUVEAUX OUTILS POUR SAUVER DES VIES UNE INITIATIVE DE MSF BASÉE AU CANADA POUR AMÉLIORER LES SOINS DANS LES RÉGIONS AUX RESSOURCES LIMITÉES.

INNOVATION HUMANITAIRE

Préparer MSF aux défis de demain

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Nom : Prudence Motchokoua

Ville de résidence : Montréal

Quel poste occupez-vous actuelle-ment sur le terrain avec MSF? Je suis responsable de la comptabilité de la mis-sion MSF en République démocratique du Congo, basée à Bukavu. C’est la première fois que je travaille avec MSF.

Que faisiez-vous avant de rejoindre MSF? Mes antécédents sont en comptabi-lité et en finance. Jusqu’à tout récemment, j’étais conseillère financière pour la Banque CIBC. Je possède un diplôme en finance et en comptabilité de l’Université du Québec

à Trois-Rivières. Avant cela, je travaillais comme comptable au Cameroun.

Avez-vous pu appliquer votre expé-rience professionnelle antérieure à votre travail avec MSF? Oui, absolu-ment. Je fais la comptabilité et je gère les transactions, et mes tâches ressemblent beaucoup à celles de mes emplois précé-dents. Il y a quand même certaines diffé-rences : je n’avais jamais travaillé pour une organisation à but non lucratif, et la comp-tabilité n’est pas identique. Je gère aussi plus de personnel. La gestion du personnel n’est pas nouvelle pour moi, mais j’en fais beaucoup plus qu’avant. Et parfois, on est appelé à gérer des personnes qui vivent

dans la même maison que nous. Donc, ça aussi, c’est différent!

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué? Le fait de voir à quel point nous pouvons changer la vie des gens. Je travaille au bu-reau de Bukavu, mais je visite également nos projets et nos hôpitaux, et je rencontre certains de nos patients. Cela m’a fait com-prendre davantage notre rôle. Quand je suis entrée en poste, je me suis demandée pourquoi nous dépensions de l’argent pour fournir de la nourriture. En visitant nos projets, j’ai compris que les gens vi-vaient éloignés et devaient marcher de longues distances pour obtenir des soins et des médicaments pour leur famille, leurs enfants, leurs bébés. Ce n’est pas comme au Canada; il n’y a pas beaucoup de routes. C’est alors que j’ai compris. J’ai pu voir concrètement notre mission à l’oeuvre. Et le fait de prêter assistance à des personnes qui ont besoin d’aide est très gratifiant pour moi.

Qu’est-ce qui vous a incité à postuler auprès de MSF? En 2010, j’étudiais au Cameroun. J’avais un bon ami dont la fa-mille vivait à la frontière avec le Nigéria. Il est allé rendre visite à sa famille, mais il n’est jamais revenu. Il y avait beaucoup de conflits et de problèmes dans cette région. MSF était la seule organisation à travailler dans cette partie du Nigéria. Nous nous tournions donc vers MSF pour obtenir des informations. Je lui suis reconnaissante de l’aide qu’elle nous a apportée, mais je suis également très impressionnée par le travail qu’elle accomplit. J’ai alors déci-dé qu’après avoir terminé mes études et au moment opportun, je consacrerais au moins un an de ma vie à un travail huma-nitaire similaire. Quel conseil donneriez-vous à un Ca-nadien qui part pour la première fois avec MSF à l’étranger? Il faut trouver sa motivation et comprendre pourquoi on veut travailler pour MSF, car ce n’est pas fa-cile. Les amis et la famille sont loin. Donc, ça aide beaucoup d’être motivé.

Vous êtes à même de constater com-ment MSF gère les finances dans ses opérations sur le terrain. Comment le décririez-vous à ceux d’entre nous au Canada qui donnons pour soutenir le travail de MSF? Nous sommes très recon-naissants envers tous nos supporteurs pour ce qu’ils font. J’ai pu voir comment nous dé-pensons leur argent. Ils doivent savoir que chaque dollar a un impact concret sur la vie des gens. Et pour cela, je leur dis merci.

L’expérience professionnelle de Prudence Motchokoua l’a aidée à se préparer pour un poste sur le terrain avec MSF.

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« CHAQUE DOLLAR A UN IMPACT CONCRET »Une comptable de Montréal a pu constater de ses propres yeux tout le travail accompli par MSF en République démocratique du Congo.

Chaque année, des centaines de Canadiens partent travailler à l’étranger avec Médecins Sans Frontières (MSF) et participent à nos divers programmes d’urgence qui dispensent des soins médicaux de première ligne. Notre objectif est de vous présenter quelques-uns d’entre eux dans chaque numéro de Dépêches. Dans le présent numéro, nous nous sommes entretenus avec une comptable de Montréal qui aide à superviser les finances de MSF en République démocratique du Congo.

CANADIENS EN MISSION

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ILS PROVIENNENT DES PROVINCES SUIVANTES :

CANADIANS WORK FOR MSF IN:

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SUR LES 179 TRAVAILLEURS CANADIENS EN MISSION EN DATE DE JANVIER 2019 :

faisaient partie du personnel médical :médecins, infirmiers, sages-femmes, spécialistes

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faisaient partie du personnel non médical :administrateurs, ingénieurs, logisticiens,coordonnateurs

87

Québec7651

27184

Ontario

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Alberta, Saskatchewan et Manitoba

Colombie-Britannique

Yukon et Territoires du Nord-Ouest

Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Î.-P.-É, Terre-Neuve-et-Labrador

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NOUS RECHERCHONS : des administrateurs, CHIRURGIENS, spécialistes en eau et en assainissement, MÉDECINS, infirmiers, SAGES-FEMMES, spécialistes en chaîne d’approvisionnement, épidémiologistes, spécialistes en santé mentale, ANESTHÉSISTES, GYNÉCOLOGUES, LOGISTICIENS TECHNIQUES, SPÉCIALISTES FINANCIERS, pharmaciens, coordonnateurs des ressources humaines, spécialistes de laboratoire, nutritionnistes

SÉANCES D’INFORMATION MSFwww.medecinssansfrontieres.ca/content/événements-publics

Contactez-nous pour plus d’information.Numéro sans frais : 1 800 982-7903ou par courriel : [email protected]

CANADIENS EN MISSION

Qui délivre l’aide médicale humanitaire de MSF?

à tout moment de l’année, on compte une centaine de Canadiens dans les projets humanitaires de MSF dont le rôle est d’apporter des soins aux personnes les plus vulnérables de la planète. Ils sont médecins, infirmiers, ingénieurs, coordonnateurs, administra-teurs, chirurgiens, logisticiens, etc. Ils viennent des quatre coins du Canada et sont désireux de combler les besoins humanitaires

dans des endroits affectés par des conflits, des maladies, l’exclusion du système de santé ou des catastrophes naturelles.

Sans leur concours, MSF ne serait pas en mesure d’aider les gens démunis à retrouver la santé, leur dignité et l’espoir dans plus de 70 pays du monde. Nous sommes reconnaissants pour leur compassion, leur engagement et leur dévouement.

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UN GESTE PORTEUR D’AVENIR

En nommant Médecins Sans Frontières Canada dans votre testament, vous prenez un engagement extraordinaire.

Votre legs aidera à fournir une assistance médicale à des personnes touchées par une crise, peu importe qui elles sont et où elles se trouvent.

Contactez-nous :[email protected]

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medecinssansfrontieres.ca/faites-un-legs