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LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018 NUMÉRO 3 DE 10 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AHIER SPÉ C D CIAL AHIER SPÉ SANTÉ Quand l’intelligence artificielle sauve des vies L’intelligence artificielle gé- nère beaucoup d’espoir pour le système de santé. Que ce soit pour prévenir ou guérir des maladies comme l’alzheimer, le diabète ou le cancer, pour désengorger le système, améliorer les soins à domi- cile ou encore repousser les limites humaines, l’IA en fait rêver plus d’un. Alors que certains parlent d’une ruée en santé, où en sont les percées et les recherches ? Les yeux, miroir de votre santé pour l’IA D 4 L’expertise québécoise en IA jusqu’aux étoiles D 7 Comment conjuguer recherche en santé et vie privée ? D 10

SANTÉ Quand l’intelligence artificielle sauve des vies...l’intérêt des professionnels de la santé, des chercheurs, des compagnies d’assurance et des ministères de la Santé,

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Page 1: SANTÉ Quand l’intelligence artificielle sauve des vies...l’intérêt des professionnels de la santé, des chercheurs, des compagnies d’assurance et des ministères de la Santé,

LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018

NUMÉRO 3 DE 10

I N T E L L I G E N C E A R T I F I C I E L L E

AHIER SPÉC

DCIAL AHIER SPÉ

SANTÉ

Quand l’intelligenceartificielle sauve des vies

L’intelligence artificielle gé-

nère beaucoup d’espoir

pour le système de santé.

Que ce soit pour prévenir

o u g u é r i r d e s m a l a d i e s

c o m m e l ’ a l z h e i m e r , l e

diabète ou le cancer, pour

désengorger le système,

améliorer les soins à domi-

cile ou encore repousser les

limites humaines, l’IA en fait

rêver plus d’un. Alors que

certains parlent d’une ruée

e n s a n t é , o ù e n s o n t l e s

percées et les recherches ?

Les yeux, miroir de votre santé pour l’IA D 4

L’expertise québécoise en IAjusqu’aux étoiles D 7

Comment conjuguer rechercheen santé et vie privée ? D 10

Page 2: SANTÉ Quand l’intelligence artificielle sauve des vies...l’intérêt des professionnels de la santé, des chercheurs, des compagnies d’assurance et des ministères de la Santé,

La collecte et l ’util isation de

vastes ensembles de données

font actuellement l’objet d’une

attention particulière dans le do-

maine des soins de santé. Leur

analyse par une intelligence arti-

ficielle suscite de plus en plus

l’intérêt des professionnels de

la santé, des chercheurs, des

compagnies d’assurance et des

ministères de la Santé, qui en at-

tendent des retombées tant sur

les plans de l’établissement de

diagnostics et de la recomman-

dation de traitement que dans

la gestion du système de santé.

HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN

Collaboration spéciale

À l’heure où l’introduction des don-nées massives participe de plus

en plus à la modernisation de nom-breux secteurs d’activité, quelle placede telles innovations peuvent-ellesprendre dans l’implantation d’un sys-tème de santé apprenant et perfor-mant? En quoi les mégadonnées peu-vent-elles contribuer à l’améliorationdes rapports entre professionnels etpatients, des pratiques cliniques etdes politiques de santé?

Ces questions et bien d’autres, leschercheurs et les professionnels dela santé se les sont posées en février

dernier lors du dernier colloqueJean-Yves-Rivard, organisé chaqueannée par l’École de santé publiquede l’Université de Montréal (Es-pum) et qui constitue un for umd’échanges entre gestionnaires, cli-niciens et chercheurs sur des sujetscruciaux pour le système de santéquébécois.

La preuve que l’implémentationde l’intelligence artificielle dans leshôpitaux et autres cliniques privéesest l’un des sujets prioritaires de-puis plusieurs années maintenantdans le secteur de la santé.

« Il s’agit, d’une par t, de gagneren efficacité en ce qui a trait à l’ad-ministration des infrastructures desanté et, d’autre part, de créer desoutils qui vont nous permettre d’al-ler vers une médecine plus person-nalisée et plus prédictive », expliquePascale Lehoux, professeure au Dé-partement de gestion et d’évaluationdes politiques de santé à l’Espum.

Analyse très fineL’analyse de données permet ainsid’améliorer l’accueil des patientsen fonction de paramètres prédé-terminés. Quel est le niveau de gra-vité ? Combien ai-je de personneldisponible dans les prochainsmois ? Quels cliniciens sont pré-sents à quel moment ? En fonctionde ces réponses et d’indicationstelles que le délai oppor tun à nepas dépasser selon l’état de santé,l’ordinateur est capable de conce-voir le meilleur horaire possible.

«On le faisait déjà, mais la capacitécomputationnelle fait que toute cettegestion clinico-administrative des éta-blissements de santé est aujourd’huibeaucoup plus fine, poursuit Mme Le-houx. Ça peut notamment se traduireau niveau de l’attente à l’urgence.»

L’autre pan concerne quant à lui letraitement des données à des fins dediagnostic et de recommandation detraitement. On observe déjà que lesdonnées permettent une améliorationdes dépistages par mammographie,un suivi facilité de la glycémie chezles patients diabétiques, ou encore unmeilleur appui à la prise de décisionclinique pour déterminer la probabi-lité d’une pneumonie ou celle d’uneréhospitalisation.

Mais l’analyse des mégadonnéespermet d’améliorer encore les résul-tats. Il est ainsi envisageable d’aug-menter la couverture vaccinale en ciblant certains groupes de patients.Recenser et traiter dans la commu-nauté des patients atteints de mala-dies chroniques peut réduire lesconsultations à l’urgence. Il est éga-lement possible de contribuer à amé-liorer la sécurité des patients parl’entremise, par exemple, d’alertespréventives en cas de thrombo-embolie veineuse ou encore d’uncontrôle ciblé des infections.

Données variées et véridiquesCe n’est toutefois qu’à mesure queles dépôts d’informations sur les pa-tients augmentent que ces améliora-tions se concrétisent.

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018D 2 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

L’IA au service d’unemédecine personnalisée

Pas de doute, l’IA a investi toute la recherche

médicale. En prévention ou en médecine cura-

tive, dans les entreprises comme dans les uni-

versités, des solutions intelligentes voient le

jour un peu partout dans le monde. Coup d’œil.

Collaboration spéciale

Les mégadonnées au service de la prévention du cancer

Plusieurs entreprises utilisent déjà l’IA pour améliorer les dia-

Imagia, on développe plutôt une méthode prédictive. Il s’agit, grâce au traitement par la machine de toutes les données sur les traitements et sur les patients qui les ont déjà reçus, de fournir plus d’informations au radiologue qu’il ne pourrait lui-même en digérer dans un délai raisonnable. Grâce à un algorithme, l’ordi-

et à tenir compte des données accessibles sur le patient pour les coupler avec les résultats obtenus dans le passé avec certains traitements.

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Des solutions intelligentes en développement

L’IA et la santé

en chiffres

Selon l’OMS, l’automatisation

médicale passera de

37 % à 79 %entre 2018 et 2024.

Un Canadien sur deuxirait prioritairement voir un

médecin qui utilise l’intelligence

artificielle pour l’établissement de

diagnostic et la recommandation

de traitement. Mais 40 % feraient

confiance à un diagnostic et à une

recommandation de traitement

s’ils provenaient d’un système

d’intelligence artificielle sans

supervision humaine.

Deux Canadiens sur troissont préoccupés à l’idée qu’une

personne puisse utiliser les

renseignements sur leur santé à

des fins autres que celles prévues,

pour évaluer leur admissibilité à

l’assurance maladie ou déterminer

s’ils peuvent obtenir un emploi

par exemple.

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLELE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018 D 3INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

« Plus on aura de données, plus ilsera possible de faire de la méde-cine personnalisée, indique la pro-fesseure Lehoux. L’IA pourra déter-miner que tel groupe de personnes,en fonction de son profil génétiqueet de son historique médical , répondra bien à tel traitement, dechimiothérapie par exemple, ne ré-pondra pas ou y répondra de ma-nière inadéquate. »

Pour que le système soit le plusef ficace possible, il faut donc lenourrir d’un très grand volume dedonnées variées et véridiques : lesimages numériques des patients,leurs pathologies, leur historiquemédical, les traitements qu’ils ontdéjà reçus, les antécédents fami-liaux, les tests de laboratoire, lesrésultats sanguins, les données gé-nomiques également et, de plus enplus, les objets connectés tels queles défibrillateurs cardiaques im-plantés chez les patients à risquede maladies cardiovasculaires.

Autant de données très person-nelles, très intimes, que les patientsne souhaitent pas voir tomber entren’impor te quelles mains. Un son-dage mené par Ipsos au printempspour le compte de l’Association mé-dicale canadienne (AMC) montreque, si les Canadiens sont prêts à en-trer de plain-pied dans l’ère de lamédecine assistée par l’intelligenceartificielle, ils s’inquiètent que leursinformations puissent être utilisées àmauvais escient.

« Ils redoutent par ticulièrementqu’on se ser ve de leurs donnéesdans des contextes autres que pourfaire avancer la médecine et trouverles meilleurs traitements, commenteSébastien Dallaire, directeur générald’Ipsos-Québec. Ils sont notammentpréoccupés à l’idée qu’une personnepuisse utiliser ces renseignementspour évaluer leur admissibilité à l’as-surance maladie ou déterminer s’ilspeuvent obtenir un emploi.»

IA responsableAinsi, 64 % d’entre eux s’inquiètentquant à la protection de leur vie pri-vée du fait que les renseignementspersonnels en matière de santé sontde plus en plus recueillis sous uneforme numérique facile à partager, et69 % estiment que les questions deconfidentialité et d’éthique n’ont pasété pleinement abordées lors de lamise en œuvre de programmes d’in-telligence artificielle dans le systèmede santé.

Un constat que par tage PascaleLehoux. Elle souligne que la plupartdes acteurs qui gravitent autour del’IA sont bien conscients des risqueset que c’est pour cette raison qu’ilssont en train de plancher sur la Dé-claration de Montréal pour un déve-loppement responsable de l’IA dontla nouvelle version sera dévoilée le4 décembre prochain.

« C’est comme mettre en place uncode de la route, explique-t-elle.Nous par tons de l’hypothèse quenous sommes plus en sécurité sinous avons des règles de conduitecommunes. C’est sûr que ça n’em-pêche pas tous les dérapages, maiscela permet de prévenir et d’agir encas d’accident. »

Une déclaration qui devra être as-sez forte pour rassurer les patients.Car pour que l’intelligence artificielledemeure la plus objective possible,elle doit être nourrie de donnéesexhaustives. Si tout un pan de la popu-lation refuse de partager ses rensei-gnements, il y a fort à parier que l’ou-til sera moins efficace.

«L’IA est encore très mal comprise,analyse Sébastien Dallaire. Les gensne savent pas où s’en vont leurs don-nées et ça les inquiète. Pour la popula-tion, c’est tout nouveau. Elle comprendqu’il y a des bénéfices à en tirer, no-tamment en matière de santé. Mais il ya aussi beaucoup de méfiance. Il esttemps que nous ayons de vraies dis-cussions sur le sujet.»

Analyser les images médicales grâce aux ultrasons

mondial en recherche, en éducation et en engagement commu-nautaire dans le domaine de l’amélioration de la santé, mène plu-

L’un d’eux, porté par le professeur en génie électrique et infor-

cliniciens à détecter et à traiter les maladies. De nouvelles tech-

l’ultrason et l’apprentissage machine, entre autres technologies,

Détecter les maladies dégénératives de façon précoce

Toujours au Centre Perform, le chercheur Tristan Glatard, ex-pert en science informatique et génie logiciel, conçoit des

mégadonnées. Son programme de recherche vise à élaborer de

-nement à un autre. Les travaux de M. Glatard portent particu-lièrement sur les neurosciences, mais les retombées pourraient toucher l’ensemble des disciplines liées à la science des don-nées. Le traitement automatisé des mégadonnées pourrait par exemple avoir un impact sur la détection de certaines maladies dégénératives telles que l’Alzheimer ou le Parkinson.

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018D 4 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

L e dépistage de la rétinopathie dia-bétique, une complication du dia-

bète qui peut mener à la cécité, de-meure généralement difficile d’accès.«Il est fait soit par les optométristes —ce qui encourt des frais pour les pa-tients — ou par les ophtalmologistes,très sollicités», indique par courrielAndrée Boucher, endocrinologue auCentre hospitalier universitaire deMontréal (CHUM). C’est pourquoi,depuis l’été dernier, la clinique d’endo-crinologie du CHUM expérimenteune plateforme d’intelligence artifi-cielle (IA) pour la dépister et mieuxrecommander ses patients, selon l’ur-gence, aux ophtalmologistes.

« C’est une plateforme de triage »,illustre Yves-Stéphane Couture, vice-président ventes chez Diagnos, l’en-treprise de Brossard qui a développécette technologie déjà implantéedans une quinzaine d’autres pays.

À partir d’une image de la rétine, lesalgorithmes détectent des micro-anévrismes, des exsudats et des no-dules cotonneux associés à la maladie.Puis, ils en évaluent la sévérité et sug-gèrent le délai avant lequel le patientdevrait être vu ou traité pour cette ma-ladie. Un coup de main salutaire pourdes médecins généralistes ou des mé-decins spécialistes qui ne sont pas desexperts des yeux.

Diagnos travaille depuis 2012 surcet outil. Elle a effectué de l’appren-tissage machine à l’aide de plus de

200 000 images de rétines annotéespar des optométristes ou des ophtal-mologistes. La PME avait accès àune vaste base de données déjà clas-sifiée en raison d’un logiciel de télé-médecine qu’elle avait auparavantmise en ser vice. Puis, les algo-rithmes continuent de se peaufineravec les nouvelles images traitées.

L’entreprise poursuit le développe-ment d’algorithmes pour automatiserde manière aussi ef ficace la détec-tion de la rétinopathie hypertensive,liée à l’hypertension artérielle. « Onne peut pas freiner l’évolution de larétinopathie diabétique si on ne rè-gle pas aussi les problèmes d’hyper-tension », soulève Hadi Chakor, mé-decin en chef chez Diagnos.

Si ces outils servent à mieux évaluerl’état de santé actuel du patient,Diagnos planche en parallèle depuisun an à mettre au point, toujours àl’aide de l’IA, un outil qui aiderait no-tamment à anticiper des accidentsvasculaires cérébraux. « À par tird’une image de l’œil centré sur [lesvaisseaux sanguins], on peut prédiredes événements cardiovasculaires »,assure M. Chakor.

Prédire l’alzheimerPrédire un problème de santé à

Les yeux, miroir de notre santé pour l’IADiabète, hypertension, alzheimer : l’intelligence artificielle est perçue

comme un moyen de mieux déceler, voire de prédire des problèmes de

santé rattachés à ces maladies. Pour y arriver, médecins, chercheurs et en-

treprises développent des algorithmes dans le but de mieux lire nos yeux.

Des micropuces intelligentes dans notre corps

On quitte le centre Perform, mais on reste à Concordia. Dans

de mettre au point des moyens novateurs permettant de mani-

science qui traite des écoulements de liquides dans des canaux

ou moulés dans un matériau — verre, silicium ou polymère — et qui, connectés entre eux, réalisent une fonction voulue : mélanges,

la miniaturisation de micropompes ou encore de systèmes per-mettant de diagnostiquer la réalité d’une crise cardiaque.

Détecter la dyslexie dès le plus jeune âge

l’orthographe, la compréhension de la langue et l’écriture. Pour détecter ce problème dès le plus jeune âge, la société suédoise Optolexia a développé un outil de détection de la dyslexie pour les jeunes enfants. Cette application aide les écoles à détecter ce trouble chez les élèves dès le plus jeune âge de manière à ce qu’ils puissent être traités plus rapidement. Ces quantités impor-tantes de données se retrouvent ensuite dans le nuage pour être analysées par des chercheurs.

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Des chercheurs ont l’ambitionde mettre au point pourl’alzheimer ce que lamammographie représentepour le cancer du sein

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLELE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018 D 5INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

l’aide d’une image de l’œil, c’est ceque cherchent aussi à réaliser lesjeunes entreprises montréalaises Op-tina et Imagia, qui collaborent depuiscet été sur des recherches. Leurbut ? Dépister de manière précoce, àl’aide de l’IA, la maladie d’Alzheimer.

Chez Optina, on affiche l’ambitionde mettre au point pour l’alzheimerce que la mammographie repré-sente pour le cancer du sein. LaPME a créé une caméra qui prendune centaine de photos du fond del’œil en une seconde. Puis, elle a dé-veloppé en interne des algorithmespour analyser les longueurs d’ondedans les clichés en les comparantavec les résultats, pour de mêmespatients, de la tomographie à émis-sion de positron (TEP).

Cette dernière technologie d’ima-gerie permet de détecter une accu-mulation dans le cerveau de protéinesbêta-amyloïde, dont les plaques sontsouvent associées à l’apparition de lamaladie d’Alzheimer, même si cer-taines personnes en présentent sansdévelopper les symptômes. La TEPest ainsi devenue un outil de choixpour mieux diagnostiquer cette mala-die, malgré ses coûts élevés et son ac-cès limité. Avec une technologie fon-dée sur des images de l’œil, « on estaussi précis qu’un radiologue avec laTEP », af firme Marie-Claude Mar-chand, vice-présidente du développe-ment des af faires chez Optina. LaPME effectue actuellement des dé-marches pour obtenir les autorisa-tions de la Food and Drug Adminis-tration (FDA), l’équivalent de SantéCanada aux États-Unis.

Mais Optina souhaite encoremieux prédire le développementd’agrégats de bêta-amyloïde. C’estpourquoi elle a amorcé une collabo-ration avec Imagia. Cette PME attireles regards en raison de l’IA qu’elle a

développée pour aider à diagnosti-quer des cancers. Un de leur logi-ciels permet entre autres d’aiguilleren temps réel un médecin pour sa-voir si un polype, filmé durant la co-loscopie, s’avère bénin ou malin.Mais Imagia s’intéresse plus large-ment au développement d’IA pourmettre au point des tests non invasifset peu coûteux pour accélérer l’accèsà des traitements.

« On a des architectures d’appren-tissage profond qui ont été entraînéessur des tâches de reconnaissanced’images dans le domaine médical,explique Mar tine Ber trand, cher-cheuse scientifique chez Imagia. Onprend ces architectures qui sont déjàentraînées pour des petits jeux dedonnées, comme ceux d’Optina ac-tuellement, et on les utilise pour ex-traire une série de valeurs qui enco-dent des patrons dans l’image […]Ce qu’on cherche à trouver parmi lesvaleurs, c’est s’il y en a qui sont cor-rélés avec la présence d’agrégats debêta-amyloïde.» La démarche permetainsi de découvrir des biomarqueurs,dans ce cas-ci associés à l’accumula-tion de la protéine à proximité devaisseaux sanguins.

La détection de la présence oup r é d i r e l e d é v e l o p p e m e n t d eplaques de bêta-amyloïde doit en re-vanche être jumelée à d’autres testspour établir un diagnostic d’alzhei-mer. Mais Alexandre Le Bouthillier,cofondateur d’Imagia, regarde plusloin que le diagnostic : il espère quecette technologie, une fois dévelop-pée, favorisera la découver te denouvelles thérapies. « Est-ce qu’onverra des variations dans le signallorsqu’un nouveau traitement sera àl’essai ? En ayant des tests non inva-sifs, on pourrait mieux faire ce suivipatient pendant une étude cli -nique », juge-t-il.

Faciliter la communication avec l’entourage

Depuis des décennies, les personnes atteintes de troubles du langage sont habituées d’utiliser des classeurs avec des picto-grammes pour s’exprimer. Une solution qui a fait ses preuves, mais qui peut être considérablement améliorée grâce à l’IA. L’en-treprise Equadex, soutenue par Microsoft, a mis au point l’ap-plication Helpicto. L’enjeu ? Faciliter la communication entre des personnes présentant des troubles du langage et leur entourage, médical ou familial, en remplaçant les classeurs à pictos par une application logicielle qui associerait à la fois la reconnaissance vocale et la reconnaissance d’images. Les bibliothèques d’images pourront également évoluer en fonction des besoins de l’enfant et de chaque personne de son entourage.

Aide à la prise de décisions

Il faut aujourd’hui des heures à un comité de traitement des tu-

pour examiner les données d’un patient et prendre les décisions de traitement. Et si l’avenir reposait sur des outils d’aide à la décision basés sur l’IA et sa capacité à analyser rapidement les mégadonnées ? C’est ce que tente de mettre en place le projet Hanovre en travaillant principalement dans trois directions : la lecture automatique permettant la conversion de textes tels que des articles biomédicaux en bases de données structurées, l’aide à la décision en matière de cancer et la prévention des maladies

associés, soit 90 % des dépenses de santé aux États-Unis.

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P our avoir un effet significatif etprofond, les approches de type IA

ne devront pas se cantonner aumonde de la recherche, mais biens’inscrire dans les systèmes de santéapprenants (SSA) qui intègrent laprestation des soins de santé, la re-cherche, mais aussi le transfert deconnaissances afin de rapidement met-tre en pratique les nouvelles connais-sances provenant de la recherche.

Le domaine de l’IA regroupe plu-sieurs approches et les commentairesà large portée sont hasardeux. Plu-sieurs succès, particulièrement dansle domaine de l’analyse de l’image(comme la reconnaissance de cancerde la peau sur une photo), illustrent lepotentiel important des approches dé-rivées de l’IA. Son déploiement ensanté reste toutefois complexe.

Pr emièr ement , p lus ieurs ap -proches en IA basent leur apprentis-sage sur des données historiques.L’utilisation de données historiquesporte un risque quant aux biais desoins qui sont présents en ce mo-

ment. On sait par exemple que le trai-tement pour l’hypertension chez lesfemmes est sous-optimal en regarddes lignes directrices. Sans explorerles causes d’un tel état de fait, utiliserles données existantes pour suggé-rer un traitement pour une patientepourrait perpétuer ce biais. L’ab-sence de données peut aussi poserproblème. La recherche en santé esttrès dynamique et de nouvellesétudes sont publiées fréquemment.Ces études mènent souvent à deschangements de pratique rapides etconsidérables. On s’attend donc à ceque le traitement des patients soit ra-pidement ajusté… mais commentfaire pour qu’un outil basé sur l’IAqui apprend à partir de données his-toriques suggère la bonne conduite,alors qu’aucun patient n’a encore ététraité de cette façon (et donc qu’au-cune donnée historique n’existe) ?L’arrimage des connaissances prove-nant des données et de la rechercheclinique est donc un enjeu de taille.

Deuxièmement, pour répondre par-

tiellement à l’absence de données, onpeut tenter de baser l’apprentissagenon sur les résultats historiques pourvalider le modèle, mais plutôt sur unecible (la cible est donnée par un outilappelé « oracle » dans le domaine).Les évidences scientifiques jouentbien sûr un rôle important, mais lesvaleurs, les préférences et l’histoirede vie y sont aussi pour beaucoup. Di-sons qu’on discute moins de nosétats d’âme avec notre Tesla qu’avecnotre oncologue ! On ne peut doncpas réduire le but à un allongementde la vie ou à une tension artériellequi a atteint la cible. Les données desanté ne traduisent pas fidèlement lesinteractions complexes et subjectivesentre patients et soignants menant auchoix d’un traitement et rendentdonc l’apprentissage pour l’IA pluscomplexe. La bonne réponse, s’il enexiste bien une seule, n’est pas évi-dente. Les outils provenant de l’IA de-vront donc s’insérer dans le proces-sus de décision au centre des SSApour le bonifier, mais ne pourront pasle remplacer.

À la lumière de ces défis, plusieurspublications en viennent donc à laconclusion que l’approche dite boîtenoire (une réponse est donnée sansdéterminer clairement les facteursexpliquant ce choix) ne sera pas ac-ceptable à court et à moyen terme ensanté, à tout le moins pour plusieurssituations.

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018D 6 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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Les avancées en intelligence artificielle (IA) laissent entrevoir des béné-

fices importants pour le domaine de la santé. La découverte de liens inat-

tendus (entre certains profils de patients et les bienfaits d’un traitement,

par exemple) permet d’espérer élucider plusieurs défis de la médecine

moderne avec, à la clé, une diminution de la mortalité et des complica-

tions, une amélioration de la qualité de vie ainsi qu’une diminution des

coûts. Pour y arriver, il faudra toutefois obtenir l’acceptation sociale né-

cessaire à un tel changement, mais surtout, intégrer l’IA de façon à ce que

l’humain garde toujours la prérogative de faire ses choix de vie.

L’intelligence artificielle en soutienaux systèmes de santé apprenantsT E X T E P A R

J E A N -

F R A N Ç O I S

E T H I E R , L U C

L A V O I E E T

A N N A B E L L E

C U M Y N

Membres du Groupe

de recherche

interdisciplinaire en

informatique de la

santé (GRIIS.ca)

VOIR PAGE D 11 : POINT DE VUE

« Pour libérer le plein potentiel de l’IA,nous devrons nous assurer d’avoir la meilleure connaissance possible des individus afin de prendre en comptele plus d’aspects de leur santé possible »

POINT DE VUE»

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLELE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018 D 7INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

S’envoler vers Mars, y atterrir, et revenir…

sain et sauf. Les conditions particulières de

l’espace posent de grands risques médicaux

pour l’équipage d’une future mission vers la

planète rouge. Avec des possibilités de com-

munication avec la Terre réduites, l’équipage

d’une telle mission devra être autonome, seul

dans une boîte de métal voguant dans le vide

intersidéral. Une équipe de scientifiques qué-

bécois lui apportera son soutien.

O L I V I E R S Y LV E S T R E

Collaboration spéciale

Q uels sont les plus grands risques médicauxdans l’espace ? Quels équipements pour les

traiter doit-on avoir à bord ? De combien et dequels genres de médecins auront-ils besoin ? Voilàdes questions qui pourraient préoccuper le capi-taine Kirk avant le décollage du vaisseau spatial En-terprise, mais qui seront plutôt l’affaire du capitaineCharles Patenaude, à bord du Romano Fafard.

C’est que l’Agence spatiale canadienne a sélec-tionné en juillet dernier une équipe de scienti-fiques de la Faculté de médecine de l’UniversitéLaval et des experts de Thales Recherche et Tech-nologie pour développer une base de connais-sances médicales informatisée et un outil de sou-tien à la planification des missions en vue d’uneéventuelle sortie vers Mars.

« Cet outil est un résumé de l’ensemble desconnaissances médicales pertinentes intégréesdans une base de données, explique le Dr PatrickArchambault, professeur à la Faculté de médecinede l’Université Laval et urgentologue à l’Hôtel-Dieude Lévis. Elle permettra de soutenir l’équipaged’une navette au cours d’une mission vers Mars. »

Le projet, prévu sur un an, en est maintenant àla mi-parcours. Composée de chercheurs etd’étudiants de l’Université Laval, l’équipe multi-discipl inaire devait d’abord, avec l ’aide deThales, prioriser une dizaine de problèmes médi-caux, à partir d’une liste préparée par l’Agencespatiale qui en comptait une centaine, problèmesqui mettraient en réel péril une mission vers laplanète rouge. L’équipe travaille maintenant à enfaire la synthèse.

Seuls dans l’espace« La microgravité transforme la physiologie ducorps humain », explique le Dr Archambault. Dansl’espace, notre sang est distribué dif féremmentdans notre corps, et l’absence de gravité sur nos osles laisse se déminéraliser.

Résultat : les astronautes, « même s’ils sont trèsen forme », sont à haut risque de développer despierres au rein, de subir un infarctus ou de faireune embolie pulmonaire à bord du vaisseau. « Onpeut avoir plus de sang dans la tête, ce qui va cau-ser des maux de tête ou même des troubles de vi-sion», ajoute-t-il.

Une mission aller-retour vers Mars pouvant durerde 18 mois à trois ans, ses passagers subiront aussiune importante fonte de leur masse musculaire.

« Il faut être capable de prévoir les risques quecourent les astronautes, les protocoles pour lesprendre en charge, l’équipement nécessaire à leurtraitement et la formation dont ils auront besoin »,explique le Dr Archambault.

« Et lors d’une mission entre la Terre et Mars, ilne faut pas oublier qu’on n’a plus accès à Internet»,ajoute-t-il. S’il y a un problème à bord de la navette,Huston ne pourra pas y répondre rapidement : ledélai des communications entre la Terre et le vais-seau peut prendre jusqu’à 22 minutes. Les astro-nautes devront donc être autosuffisants.

Extraction des expertisesLe logiciel d’aide à la prise de décision MYRIAD, dé-veloppé par Thales, a permis au groupe de cher-cheurs de faire la sélection des conditions médicalesles plus importantes à prévoir.

«MYRIAD n’est pas un outil pour automatiser laprise de décisions, explique Daniel Lafond, spécia-liste en ingénierie cognitive et en facteur humainchez Thales. Il permet plutôt de capturer, chez desexperts, leur manière de penser.»

Une approche traditionnelle pour développer uneéquation aidant à la prise de décisions ressemblebeaucoup à la création des examens qu’on voit àl’école. On assigne différentes valeurs à plusieurscritères pour arriver à une réponse pondérée. «Maison se doutait bien que cette approche était un peusimpliste», dit M. Lafond.

Les experts consultés par l’Agence spatiale basentleurs recommandations sur l’ensemble de leursconnaissances accumulées. «MYRIAD permet l’ex-traction de leur expertise, de formaliser ce qui estdans leur tête», explique M. Lafond.

Au travers de l’analyse de situations fictives et del’avis des experts sur celles-ci, le logiciel, qui fonc-tionne grâce à l’intelligence artificielle, permet d’ex-primer dans un modèle plus complexe ce qu’ils peu-vent difficilement verbaliser, et donc pondérer. Cenouveau modèle de décisions, une équation, permetdonc de décider lesquelles des conditions médicalessont les plus importantes lors d’une mission spatialevers Mars.

Viser plus loinPourquoi se limiter à une dizaine de conditions qu’ilfaut absolument pouvoir traiter ? « En explorationspatiale, la limitation numéro 1, c’est le poids del’équipement à apporter », explique le Dr Archam-bault. Il faut d’abord vaincre la gravité terrestre,mais aussi pouvoir atterrir sur Mars et enfin être enmesure d’en redécoller. La charge de la navette doitdonc être très limitée. «Il faut apporter le strict mini-mum, mais aussi assurer la survie des astronautes.»

Les données recueillies lors du projet pourraientservir à la création d’un système médical intelligentde prise de décisions à bord de la navette. «L’idéal,ce serait d’avoir des senseurs qui peuvent détecterles signes vitaux des astronautes et leur envoyer desalertes s’il y a un problème», dit le Dr Archambault.Mais la technologie n’est pas encore là. «La naturesubjective de la perception de plusieurs symptômescomplique l’affaire», explique-t-il.

Si entamer un voyage vers Mars ne relève encoreque de la science-fiction, l’équipe garde les deuxpieds sur Terre. «Le genre de recherche qu’on fait,même si ça peut avoir l’air très flyé, c’est quandmême une technologie qui pourrait aider à assisterdes patients ici sur Terre, conclut le Dr

Archambault. Même ici, au Québec, il y a des ré-gions éloignées où des gens vivent le même genred’isolement que dans l’espace.»

«Pour moi, c’est comme réaliser le rêve d’un petitenfant, avoue tout de même le Dr Archambault. Jesuis un fan de science-fiction, de Star Trek et de StarWars. Pouvoir prendre part à cette grande aventurehumaine, c’est passionnant.»

L’expertise québécoise en IA jusqu’aux étoiles

ISTOCK

« Le genre de recherche qu’on fait, mêmesi ça peut avoir l’air très flyé, c’est quandmême une technologie qui pourrait aiderà assister des patients ici sur Terre »

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Le Centre hospitalier de l’universitéde Montréal (CHUM) a dévoilé cettesemaine la création d’une École del’intelligence artificielle (IA) appli-quée au domaine de la santé.

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

S’ assurer que l’IA est bénéfiquepour les patients : Fabrice Bru-

net, président-directeur général duCHUM, répète à plusieurs reprisescette préoccupation lors d’une entre-vue téléphonique accordée au Devoir.C’est entre autres pour répondre à cetenjeu que l’établissement a décidé demettre sur pied une École de l’IA ap-pliquée au domaine de la santé, quichapeautera l’enseignement, la forma-tion continue et la recherche dans lebut de valoriser et de vulgariser cettetechnologie, mais aussi pour permet-tre aux professionnels de la santé dese l’approprier et de l’apprivoiser.

L’IA génère beaucoup d’espoir pourle système de santé. Fabrice Burnetanticipe des percées aussi impor-tantes que celles qui ont découlé de lagénétique et juge que cette technolo-gie pourrait améliorer de manière ra-

pide la compétence et l’expertise deses équipes, en plus de permettre degagner du temps et d’optimiser l’utili-sation des ressources. «Maintenant, ily a des risques : si elle se trompe, sielle est mal utilisée, si l’être humain,un professionnel de la santé commeun patient, se sent menacé, elle ris-querait au contraire d’avoir des effetsnéfastes», dit-il.

Cette démarche d’enseignement etde recherche s’attardera aux donnéesqui alimentent la machine, à ses algo-rithmes et à la maîtrise des outils pours’assurer qu’ils n’engendrent pas, no-tamment, des diagnostics erronés.

« Si un algorithme se trompe,quelle est la responsabilité du sys-tème de santé, et en l’occurrence denotre organisation, qui a transmisune information pour aller vers un algorithme réputé fiable scientifique-ment mais qui ne sera pas responsa-ble de l’erreur? demande-t-il. Ce sontdes aspects qui demandent de la recherche pour bien préciser quelsseront les contours et les consé-quences sur l’organisation du sys-tème et la responsabilité médicale. »

En tant que directeur du CHUM, ilse montre aussi préoccupé par la po-sition que devra prendre le systèmede santé devant l’arrivée, par l’entre-mise de l’IA, de géants du secteur

privé et de l’industrie numérique,comme Apple ou Google. « Si on nefait pas attention à la façon dont ilsvont s’implanter, on risque de voir unaccès direct de la population avecdes gens qui, de l’autre côté de laconnexion, n’ont pas nécessairementles connaissances requises ou l’inté-rêt public à cœur», évoque-t-il.

Cette nouvelle donne entraîne desréflexions sur la façon dont les dé-marches de ces nouveaux joueursdans le domaine de la santé peuventse réaliser « en collaboration avecnous plutôt que parallèlement ». Unequestion sur laquelle la nouvelleÉcole de l’IA du CHUM prévoit dese pencher en réseau avec les autresétablissements de recherche hospi-taliers dans le monde, tous confron-tés à la vitesse à laquelle émergentces nouvelles technologies.

« Il y a une espèce de ruée vers lesystème de santé avec l’IA et les nou-velles applications. Et nous, il fautqu’on soit suffisamment nombreuxet qu’on réponde assez rapidement,sinon on va se retrouver dans une si-tuation où on ne maîtrisera plus dutout ces technologies. »

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018D 8 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Bravo aux gagnants du Championnat d’innovation étudiante de Thales Canada!Des étudiants canadiens du niveau postsecondaire utilisent l’IA pour lutter contre la désinformation en ligne.

Le Championnat d’innovation étudiante de Thales Canada a été créé pour offrir aux étudiants un aperçu du monde des affaires tout en appuyant de nouvelles façons de résoudre des problèmes.

Huit équipes finalistes ont fait leur présentation devant un jury composé d’experts de l’industrie, au Centre de Recherche et Technologie spécialisé en intelligence artificielle (cortAIx) de Thales, berceau de la Digital Factory de Thales en Amérique du Nord situé au cœur du pôle de l’IA à Montréal. Les équipes ont également participé à des ateliers mettant en vedette des conférenciers de Thales, d’IVADO, commanditaire de l’événement, et de Microsoft.

Équipe NeuroSci, Université de Western Ontario (London, Ontario)Kartik Pradeepan, Megha Verma et Qingfan Liu (présenté par M. David Lametti, Secrétaire parlementaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique et député de LaSalle—Émard—Verdun)

Premier prix (20 000 $)

Équipe RU-ML, Université Ryerson (Toronto, Ontario)Alex Dela Cruz, Kayvan Tirdad et Cory Austin (présenté par M. Jean-Marc Rousseau, directeur transfert technologique, IVADO)

Deuxième prix (10 000 $)

Équipe Rococo Basilisk, Université de Windsor (Windsor, Ontario)Kaival Patel, Ruturaj Raval et Zarreen Noawal Reza (présenté par M. Alexandre Boulerice, député de Rosemont- La Petite-Patrie)

Troisième prix (5 000 $)

Merci à notre commanditaire principal, IVADO

Une École de l’IA au CHUM

L’établissement a décidé de mettre surpied une École de l’IA appliquée audomaine de la santé.CATHERINE LEGAULT LE DEVOIR

« Il y a une espèce de ruéevers le système de santé avec l’IA et les nouvellesapplications »

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLELE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018 D 9INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

A u moment où je commence àparler, SAM se tourne vers moi.

Le réflexe semblerait naturel si satête ne ressemblait pas à un télévi-seur coif fé de la caméra d’uneconsole Kinect. Plus bas sur sontronc, huit microphones lui permet-tent de s’orienter vers la provenancedes sons durant ma conversationavec trois autres personnes dans unlaboratoire l’Institut interdiscipli-naire d’innovation technologique(3IT) de l’Université de Sherbrooke.

L’objectif de ce robot dépasse ce-lui du gadget : il se veut un outil detélémédecine semi-autonome pourpermettre un meilleur suivi des per-sonnes vieillissantes à leur domi-cile. SAM a par ailleurs été baptiséainsi pour Système d’aide à la mobi-lité. « L’idée est de limiter le travailde l’opérateur à distance », indiqueFrançois Michaud, professeur auDépartement de génie électrique etgénie informatique de l’Universitéde Sherbrooke. Il pilote le projet derecherche, financé par le réseaupancanadien AGE-WELL, qui amené à la conception de SAM.

En collaboration avec la Chaire entéléréadaptation de l’Université deSherbrooke, une plateforme a étémise au point pour discuter avec sonmédecin à distance et téléverser, àl’aide de la technologie Bluetooth,des données comme le poids, lerythme cardiaque, la glycémie ou latension artérielle.

Bonjour SAMMais c’est plus qu’un appareil de vidéoconférence sur roue. Avec l’élaboration d’algorithmes de recon-naissance de sons générant des mou-vements de la par t du robot, le professionnel de la santé peutconstater, sans explorer à tâtons, deséléments au départ hors du champ

de vision de la webcaméra. Un logi-ciel de reconnaissance faciale per-met, quant à lui, au clinicien de res-ter fixé sur le patient, peu importeses mouvements. « Il peut se concen-trer sur l’interaction plutôt que sur lecontrôle du robot », souligne Domi-nic Létourneau, ingénieur et profes-sionnel de recherche au 3IT.

Comme la sécurité est de misedans un logement habité par des per-sonnes vulnérables, le robot freinede lui-même lorsque des obstacles seprésentent devant lui. SAM enregis-tre par ailleurs, à l’aide de la camérad’une console Kinect, une carte tridi-mensionnelle des lieux après unesorte de visite du propriétaire. Il peutensuite se retrouver facilement dansle domicile, grâce à une architecturedu traitement de l’information inspi-rée de la mémoire humaine à courtet à long terme : certaines images si-gnificatives sont conser vées dansune sorte de mémoire de travail et,dès lors que le robot les remarquedans son environnement, il rappelleles informations liées à la pièce danslaquelle il se trouve pour mieux navi-guer. Par de l’apprentissage machinesupervisée, le robot a été entraînépour retourner et se rebrancher delui-même à sa borne de recharge.« Pour les soins à domicile, on nepeut pas s’imaginer, si le réseau decommunication lâche ou opérateurferme la session, que personne nepeut prendre soin de la personne »,souligne François Michaud.

Car toutes les fonctions dévelop-pées pour permettre au robot de selocaliser constituent une premièreétape dans le but de le rendre plusautonome. « On a une architecturedécisionnelle qui permet de facile-ment ajouter et intégrer des capaci-tés » , assur e M. Michaud, qu iévoque le potentiel de jumelé le toutavec d’autres travaux, notammentceux d’Éric Beaudry, professeur auDépar tement d’informatique del’UQAM, qui visent par exemple à

reconnaître visuellement si une per-sonne se fait une tasse de thé pourlui porter assistance.

Dans les prochains mois, FrançoisMichaud prévoit réaliser une journéede démonstration et d’essais dans unerésidence pour personnes âgées, afinde voir comment ces derniers, ainsique leurs proches aidant, interagis-sent avec le prototype. «On a fait desétudes de besoins en montrant desrobots de science-fiction, mais il n’y arien de mieux que de voir le vrai.»

Utiliser l’Internet des objets Sans robot, l’Internet des objets vientaussi offrir un potentiel pour permet-tre un meilleur suivi à distance despersonnes en per tes d’autonomie.« Une fois que j’ai mes données, jefais quoi avec elles», soulève MounirBoukadoum, professeur au Départe-ment d’informatique de l’UQAM, quicommence en ce moment des tra-vaux pour combiner l’Internet desobjets avec l’intelligence artificielle.

« Si on prend toute cette informa-tion qui vient des capteurs et on secontente de la verser sur un méde-cin, c’est du sadisme, dit-il, en évo-quant avec amusement la quantitéastronomique de données générées.L’idée, c’est de leur simplifier la vie. »

Dans le but de monter un systèmede monitorage du bien-être d’un pa-tient d’un côté, puis un système deprédiction des chutes de l’autre, sonprojet de recherche vise dans unpremier temps à mettre au point uneinfrastructure de traitement de l’in-formation pour l’envoyer dans unsystème de gestion local, puis dansl’infonuagique lorsque, par exemple,une alarme doit être déclenchée au-près de proches ou cliniciens à l’ex-térieur du domicile. Au-delà des as-pects techniques, son équipe multi-disciplinaire abordera les questionsd’acceptabilité sociale et de confi-dentialité des données que posentde telles technologies introduitesdans un espace privé.

Répondre à la perted’autonomie par destechnologies autonomes

ISTOCK

Le robot SAM

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLE LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018D 10 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Comment conjuguer recherche en santé et vie privée ?

fonctionnent parfois avec des logi-ciels propriétaires et mettent en jeudes acteurs privés.

« La tendance naturelle en santéest de protéger ses données », ob-serve-t-elle. Dans ses sondages me-nés auprès du public à travers sesétudes, elle note que les attentes en-vers l’État demeurent très for tespour qu’il protège et réglementeleur accès, même si les patients quise retrouvent dans une situation dra-matique se montrent souvent plusdisposés à les partager, donnant lapriorité à leur espoir de trouver untraitement plutôt qu’à leur préoccu-pation que des informations ne tom-bent entre les mains d’un assureur.

La professeure, impliquée depuisun an dans la démarche de la Déclara-tion de Montréal pour un développe-ment responsable de l’IA, remarquepar ail leurs un grand déficit deconfiance dans la population enversles entreprises privées du domaine dela santé. « Si on pense à de vraiesgrandes avancées en IA, le secteurprivé ne pourra pas être un acteur cré-dible s’il n’y a pas un contrat social nu-mérique dans lequel des engage-ments clairs seront pris.»

Preuve de l’importance des don-nées, Pascale Lehoux rappelle que,depuis les années 1990, les imagesmédicales sont pour la plupart numé-risées et archivées. Il s’agit, selonelle, de la raison qui explique pour-quoi les avancées les plus fulgu-rantes en matière d’IA dans le sec-teur de la santé s’effectuent en lienavec l’imagerie. « Ce ne sont pas né-cessairement les plus pertinentes »,juge-t-elle néanmoins.

Des « autoroutes » à construireentre les donnéesEn se demandant où doivent aller lesinvestissements en IA, alors que lesgouvernements allouent des enve-loppes considérables à son dévelop-pement, Mme Lehoux réitère que lesplus grands défis du XXIe siècle rési-dent dans l’équité et la pérennité denos systèmes de soins. « Quand onmet près de 40% de nos dépenses col-lectives en santé, ça veut dire qu’onne met plus rien en éducation, en en-vironnement, en transport, en cul-ture, toutes des choses qui affectentnotre santé directement. »

Pour ser vir adéquatement le ré-seau de la santé, elle juge que leschercheurs en IA devraient mettredes ef for ts sur la recherche de

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

D ans le domaine de la santé, l’in-telligence ar tificielle (IA) ne

constitue pas une innovation commeles autres. Pascale Lehoux, profes-seure à l’École de santé publique del’Université de Montréal et directricedu programme de recherche In fierisur les innovations responsables ensanté, rappelle que la plupar t destechnologies en santé se sont déve-loppées dans des niches.

« Le pari derrière l’IA, c’est qu’enexaminant une grande quantité dedonnées et en s’appuyant sur une ca-pacité de calcul élevée, on va être ca-pables de découvrir des chosesqu’on ne connaît pas en ce moment,

rappelle-t-elle. Cette technologienous oblige à réfléchir sur ce qu’onpeut créer comme ponts entre diffé-rentes autoroutes, routes, ruelles quinous mènent à des sources de don-nées hétérogènes.»

Or, en matière de données, elle an-ticipe des progrès « laborieux et diffi-ciles ». D’abord en raison d’une nu-mérisation variable des informationsdans les hôpi taux . Mais auss ipuisqu’il reste à imaginer l’interopé-rabilité des données non seulementmédico-administratives, mais aussiles données issues de la génomique,des dispositifs implantables commeles défibrillateurs ou des statistiquessur la santé des populations. Sanscompter que les différents dispositifsélectroniques et objets connectéssont fournis par différents fabricants,

L’idée qu’un médecin puisse sauver des vies avec un outil informatique sophistiqué fait rêver. Mais en santé, les

défis en matière d’intelligence artificielle (IA) résident surtout dans la construction de bases de données et leur ju-

melage afin d’assurer l’équité et la pérennité des services, souligne Pascale Lehoux, professeure à l’Université de

Montréal et experte en matière d’innovation en santé. Entrevue.

moyens d’offrir des soins de qualité auxbons moments aux bonnes personnes.«Le point faible de tous les systèmes desoins, c’est l’accès, souligne-t-elle. Si onn’est pas capables de déployer en milieurural des technologies qui peuvent êtreutilisées par des médecins ou des infir-mières de première ligne, on manque lebateau.»

De plus, elle croit que les démarches enIA devraient s’attarder aux causes enamont qui mènent les personnes auxurgences, ainsi qu’aux données qui peu-vent être colligées à l’extérieur des hô-pitaux et des cliniques. « Où sont nospistes cyclables ? Où sont nos zones de

« On a besoin de bases dedonnées qui peuvent nous aiderà comprendre ce qui génère dela santé »

ENTREVUE»

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INTELLIGENCE ARTIFICIELLELE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018 D 11INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

IVADO, AU COEUR DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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pollution sonore ou de pollution at-mosphérique ? Comment af fectent-elles la santé de notre population ?Comment peut-on déployer nos res-sources à l’échelle des quartiers etdes territoires pour mieux prévenirdes suicides ? Quand arrivent leschèques ? Et qu’est-ce qu’on est enmesure de manger avec ces der-niers ? » énumère-t-elle comme ques-tions à se poser pour déterminer les« autoroutes » à construire entre lesdifférentes sources de données.

« Cette grande architecture dedonnées, qui a un très grand poten-tiel, devrait répondre à des préoccu-pations de santé des populations. Etles facteurs qui influencent notresanté, c’est où et comment on vit, ongrandit, on travaille et on se déplace,insiste-t-elle. On serait capable d’engénérer, des données à cette fin. »

Cette interconnexion entre dif fé-

rentes données pourrait ser vir àmieux révéler les variables qui vulné-rabilisent la santé des personnes,mais aussi celles qui l’améliorent. « Ilne faut pas oublier que des gens vontbien, se maintiennent et ne vont pasà l’hôpital, signale-t-elle. On a besoinde bases de données qui peuventnous aider à comprendre ce qui gé-nère de la santé. »

Résoudre des enjeux de préven-tion et de santé des populations luiapparaît comme une finalité per ti-nente dans l’orientation à donner audéveloppement de l’IA en santé. « Il ya un côté un peu fantastique derrièrel’IA, qui est impressionnant. Mais ilne faut pas perdre de vue où l’on metnos pions en ce moment, puis cequ’on veut vraiment, conclut-elle. En2018, je pense que ce sont des fac-teurs qui doivent déterminer la di-rection de l’innovation.»

Pour libérer le plein potentiel del’IA, nous devrons nous assurerd’avoir la meilleure connaissancepossible des individus afin de pren-dre en compte le plus d’aspects deleur santé… et offrir de meilleuressuggestions. Les données pour y ar-river ne sont pas cantonnées dansles hôpitaux ou les cliniques. Onjoue beaucoup plus souvent le rôlede citoyen que de patient. Il fautdonc mieux comprendre les fac-teurs affectant la santé des individushors des soins de santé: rapports depollution, statuts socio-économiqueset même les appareils de mesurepersonnels connectés (par exempleun podomètre). Ce n’est d’ailleurspas de la science-fiction. Une publi-cation datant de 2016 détaille laprise en charge d’un patient à l’ur-gence aux États-Unis grâce auxdonnées de son bracelet d’exercice.

Des approches scientifiquesexistent pour faire face à ce défi,mais il faudra s’assurer au préala-ble d’une acceptation sociale sansfaille. Cette dernière passera parun engagement non seulement deschercheurs en informatique et dudomaine clinique, mais aussi, etsurtout, des citoyens (patients etproches aidants). Il faudra aussidévelopper des mécanismes detransparence afin de permettreaux citoyens de comprendre et des’approprier leurs données et lesenjeux de leur utilisation. De plus,l’environnement législatif devraêtre adapté afin de protéger les pa-tients des risques faibles, mais toutde même présents, d’une utilisa-tion inappropriée des données (parexemple par une compagnie d’as-surance). Il faut toutefois réaliserque de ne pas utiliser les données,qui pourraient sauver de nom-breuses vies et nous permettre dedonner de meilleurs soins à tous,n’est pas non plus éthiquementplus acceptable !

SUITE DE L A PAGE D 6

POINT DE VUE

Connaître les individus

Pascale Lehoux, professeure à l’Université de Montréal et experte en matière d’innovation en santéUNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

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L’Institut national du sport du Qué-

bec (INSQ) s’est associé avec l’Insti-

tut de valorisation des données

(IVADO) pour développer une ex-

pertise de pointe en IA appliquée

au sport de haut niveau. L’objectif?

Réduire les risques de blessure et

améliorer les performances en

compétition.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

«C haque jour, on fait des me-sures objectives, on fait une

quantification de ce que font lesathlètes, explique Guy Thibault, di-recteur des sciences du spor t àl’INSQ. La nature de la séance, la dis-tribution des efforts, le sommeil, lesmoyens qui sont pris pour la récupé-ration, la musculation, les déplace-ments, etc. Il s’agit ensuite de mettreen parallèle les dif férentes compo-santes des séances d’entraînementavec les résultats en compétitionpour déterminer ce qui est favorableà la performance, mais aussi ce quiprovoque des blessures ou autresproblèmes de santé. »

Depuis son arrivée à la tête de ladirection des sciences du sport il y adeux ans, M. Thibault a fait prendreà l’Institut ce virage résolument tech-nologique mêlant l’IA, mais aussi larobotique et la réalité vir tuelle etaugmentée. L’initiative se concentrepour l’instant sur le patinage de vi-tesse courte piste parce que le Qué-bec est déjà en position dominante.L’INSQ a ainsi conclu en octobre unpartenariat avec l’IVADO afin d’utili-ser l’intelligence artificielle pour ti-rer par ti de la somme de donnéesdéjà collectées et qui ne cesse degrossir chaque jour.

Meilleure cartographie«L’INSQ nous apporte sur un plateaudoré un nombre incroyable de don-nées », confirme Maxime Raison,professeur au Département de géniemécanique à Polytechnique Mont-réal, chargé de ce premier projetavec l’Institut. Jusque-là, il travaillaitsur le traitement des déficits mo-teurs grâce au génie.

«Nous avons donc de quoi nourrirnos machines, ajoute-t-il. Dans unpremier temps, il va s’agir de voir sil’IA en arrive à prendre les mêmesdécisions que les entraîneurs afin des’assurer que cela fonctionne et deconvaincre du bien-fondé de la dé-

marche. Par la suite, on pourra sortirdes indications auxquelles les coachsn’auraient pas pensé.»

Parce que les ordinateurs ont la ca-pacité de digérer bien plus de don-nées que les humains. Mais aussiparce qu’ils sont plus objectifs etqu’ils ne se laissent pas influencerpar leurs habitudes.

« L’IA va faire des liens entre cer-tains indicateurs que l’on ne fait pastraditionnellement, explique M. Rai-son. Elle les combine mieux entreeux, de sor te qu’il en ressor t unemeilleure cartographie. »

Le projet en est à ses balbutiementset nul ne sait pour l’instant dans com-bien de temps les premiers résultatsse feront sentir sur la glace. Mais trèsvite, d’autres sports vont embarquer,et d’autres projets sont également déjàen réflexion. Le plongeon et le water-polo sont particulièrement ciblés afinde parvenir à mieux analyser l’inci-dence de chaque mouvement sur lesrésultats et les risques de blessure.

«Tout cela est ambitieux et auda-cieux, reconnaît Guy Thibault. Mais jesuis convaincu que, dans quelques cy-cles olympiques, lorsque l’on regarderaen arrière pour déterminer quelles sontles décisions qui ont été prises et quiont mené à la victoire, l’utilisation destechnologies modernes fera partie desréponses. Et ne nous le cachons pas,l’objectif, c’est bien de ramener plus demédailles à la maison.»

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE LE DEVOIR, LES SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 NOVEMBRE 2018D 12 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Récolter plus demédailles grâce à l’IA

UNSPLASH

Ce cahier a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependantpas de droit de regard sur les textes. La rédaction du Devoir n’a pas pris part

à la production de ces contenus.