Schmitt - Trois Possibilités d'Une Image Chrétienne de l'Histoire

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  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    1/18

    UNE VUE CRITIQUE DE CARL SCHMITT SUR LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE EN 1950:

    Trois possibilits d'une image chrtienne de l'histoire Author(s): Andr Doremus and Carl SchmittReviewed work(s):Source: Les tudes philosophiques, No. 3, Questions de phnomnologie (Juillet Septembre2000), pp. 405-421Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/20849351.Accessed: 31/07/2012 14:54

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    tudes philosophiques.

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    http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=pufhttp://www.jstor.org/stable/20849351?origin=JSTOR-pdfhttp://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsphttp://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsphttp://www.jstor.org/stable/20849351?origin=JSTOR-pdfhttp://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=puf
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    NOTES ET DOCUMENTS

    UNE

    VUE

    ?

    CRITIQUE?

    DE

    CARL

    SCHMITT

    SUR LA PHILOSOPHIE

    DE

    L'HISTOIRE

    EN 1950

    ?Trois

    possibilites

    d'une

    image

    chretienne de

    l'histoire1>2>>

    L'annee

    ou

    parait

    cet

    article

    est

    pour

    Schmitt la fin

    d'une

    periode

    de

    tran

    sition

    entre

    sa

    sortie de

    prison

    -

    a

    Nuremberg,

    ou

    il fut

    finalement

    interroge

    en

    qualite

    de temoin

    -

    et

    son

    retour

    a

    Plettenberg,

    sa

    ville

    natale. Cest

    le

    debut d'une nouvelle

    vie,

    et

    pour

    certains

    l'objet

    d'une

    perplexite:

    Carl

    Schmittredivivus

    ,

    a

    quoi

    d'autres

    repondent

    avec

    assurance

    :

    arl Schmittredivi

    vus,

    en

    effet.

    Les

    annees

    1946-1950

    ne

    l'ont

    vu

    ni

    decourage,

    ni

    improductif,

    bien

    au

    contraire.

    II

    publie

    articles

    et

    compte

    rendus

    sous

    l'anonymat

    dans

    Universitas,

    et

    dans le

    journal

    protestant

    Christ und

    Welt

    (avatar

    de Die

    Tat).

    1950

    est

    bien l'annee de la

    mort

    de

    sa

    femme,

    Duschka

    Todoravic,

    mais c'est

    surtout

    l'annee

    de l'aboutissement

    du

    travail de

    cette

    parenthese

    de

    trois

    ans,

    loin de

    tout

    public

    mais

    non sans

    de

    tres

    proches

    amis,

    dont

    le

    Pr

    Joseph

    Kai

    ser,

    son

    futur

    executeur

    testamentaire. Dans

    cette

    seule

    annee

    paraissent

    a

    Cologne,

    a

    la

    Greven

    Verlag,

    Ex

    Captivitate

    salus,

    Erfahrungen

    der

    eit 1945

    1947, etDonoso Cortes ingesamteuropaischerInterpretationquatre articles de 1920,

    1927, 1929, 1944,

    avec un

    texte

    de

    presentation

    de

    1950);

    a

    Berlin,

    chez

    Duncker

    &

    Humblot,

    DerNomos

    derErde

    im

    Vb'lkerrecht

    desJus

    Publicum

    Euro

    peanum;

    et

    a

    Tubingen

    Die

    Lage

    der

    europdischen

    echtswissenschaft

    le

    texte

    de

    la

    1.

    Presentation

    et

    traduction

    par

    Andre

    Doremus.

    2. Drei

    Moglichkeiten

    eines christlichen Geschichtsbildes. Nous rendons ainsi

    a

    cet

    article

    son

    titre

    original, change

    par

    la redaction

    de la

    Revue

    Universitas

    en:

    Drei

    Stufen

    histo

    rischer

    Sinngebung

    (Universitas,

    1950,

    p. 927-931).

    La

    Revue

    Arbor,

    en

    revanche,

    donne

    une

    traduction de

    Particle

    sous

    son

    titre

    original:

    Tres

    possibilidades

    de

    una

    version cristiana de

    la historia

    (ArborXVIII,

    1951,

    237-241).

    La

    Revue

    Universitas,

    Zeitschrift ur Wissenschaft,

    Kunst

    und

    Literatur fut

    creee

    en

    1947

    par

    Serge

    Maiwald,

    ancien etudiant de Carl Schmitt

    ne en

    1916 dans

    un

    camp

    d'internement

    a

    Orienburg.

    C.

    S. lui rend

    un

    hommage

    exceptionnel

    lors de

    sa

    mort

    prematuree

    en

    fevrier 952

    :

    ?

    Zur Gedachtnis

    von

    Serge

    Maiwald

    ?,

    Zeitschriftur Geopolitik,

    3,

    7,

    (1952),

    447-448. Ce choix de la Revue

    de

    Haushofer

    pour

    publier

    cet

    hommage

    se

    comprend

    par

    reference

    a

    l'interet

    que

    S. M.

    portait

    a

    la

    geopolitique

    -

    en

    particulier

    aux

    rapports

    entre

    Est

    et

    Ouest,

    en

    lien,

    pour

    lui

    aussi,

    aux

    elements

    terre et

    mer.

    C.

    S.

    n'a

    publie

    aucun

    autre

    article

    dans

    cette

    Revue

    depuis

    sa

    creation.

    Les Etudes

    philosophiques,

    ?

    3/2000

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    3/18

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    Une

    vue

    ?

    critique

    de Carl Schmitt

    407

    Schmitt

    peut

    etre

    d'accord

    sur

    bien

    des

    points importants

    du

    livre,

    mais

    il

    estime

    pouvoir

    les

    depasser

    par

    la

    seule

    exigence

    logique

    du

    propos

    meme

    de

    son

    auteur.

    Seule

    la

    secularisation

    du

    christianisme

    prete

    celui-ci

    a

    une

    theologie politique

    de l'histoire

    (K.

    L.,

    p.

    193)

    ?

    -

    Schmitt

    acquiesce,

    mais il

    prolonge

    cette

    observation dans le theme du

    ?

    grand

    parallele

    ?

    (entre

    notre

    epoque

    du

    XIX

    et XXe

    siecle

    et

    les

    premiers

    siecles

    de

    notre

    ere),

    qui

    justifie

    Fexistence d'une

    theologie politique

    chretienne

    surmontant

    l'opposition

    des

    theses

    respectives

    d'une

    vue

    cyclique

    et

    d'une

    vue

    progressiste

    de l'histoire.

    L'histoire moderne

    ne

    peut

    a

    elle seule

    etre

    la

    scene

    reelle de la

    destinee

    humaine

    (K.

    L.,

    p.

    192)

    ?

    -

    Schmitt

    naturellement

    ne

    peut

    encore

    qu'etre

    d'accord; mais comment concilier une vue eschatologique quelle qu'elle soit

    avec

    la

    conscience

    historique

    positive?

    C'est

    ici

    que

    Schmitt

    avance

    le

    theme

    du

    katechon,

    sans

    doute

    la

    piece

    maitresse

    de

    l'ensemble

    de

    sa

    concep

    tion.

    Repense

    par

    lui,

    le

    katechon devient

    l'hypothese

    d'un

    centre

    situe hors

    de l'histoire entiere

    et

    pourtant present

    en

    chacune de

    ses

    epoques,

    capable

    de retenir

    et

    contenir 1'?

    adversaire

    ?,

    le

    mal,

    qui

    dans les

    temps

    modernes

    est

    la

    modernite

    elle-meme,

    en

    tant

    que

    dynamique aveugle

    de la civilisation

    technique

    devoreuse de la

    nature

    humaine.

    Enfin

    si

    l'esprit

    moderne n'a

    pas

    encore

    decide s'il devait

    etre

    chretien

    ou

    paien

    (K.

    L.,

    p.

    207),

    Schmitt

    repond

    par

    1'?

    Epimethee

    chretien

    ?,

    qui

    assure au

    christianisme

    sa

    reelle

    universalite.

    On

    remarquera

    en

    lisant

    Meaning of

    istory,

    que

    Schmitt

    se

    garde

    d'en

    relever directement l'incoherence discrete

    quand

    Lowith

    -

    estimant

    que

    seul

    le

    judaisme

    est

    capable

    d'une

    theologie politique,

    tandis

    que

    le

    christianisme,

    ne

    faisant

    qu'annoncer

    la fin

    des

    temps,

    ne

    peut

    legitimement pretendre

    a

    une

    interpretation

    specifiquement

    chretienne

    de l'histoire

    -

    met

    par

    ailleurs

    sur

    le

    meme

    plan

    judaisme

    et

    christianisme,

    en

    tant

    que

    comportant

    tous

    deux

    un

    abime

    entre evenement

    historique

    et

    consequences

    de

    la

    foi

    (p.

    196),

    d'ou il conclut

    ?

    mais

    sans

    plus

    parler

    a

    partir

    d'ici

    du

    judaisme

    (p. 197)

    -

    que

    le

    Nouveau

    Testament

    est,

    similarly

    l'Ancien,

    un

    ?

    appel

    a

    la

    dependance

    ?.

    Ici

    Schmitt ressent un

    defi

    a

    relever,

    ou

    plutot

    il

    se

    saisit

    de

    l'opportunite

    pour

    oser

    affirmer

    son

    propre

    defi,

    celui

    meme

    qu'il

    avait

    deja

    magnifiquement

    justifie

    en

    1917

    dans l'article

    sur

    ?

    La

    visibilite de

    l'Eglise

    ?,

    un

    texte

    curieusement

    couramment

    passe

    sous

    silence. Le

    texte

    de Lowith

    est

    construit

    sur

    un

    chiasme

    consistant

    a

    voir

    la

    politique juive

    du

    point

    de

    vue

    religieux,

    et

    la

    religion

    chretienne

    du

    point

    de

    vue

    politique.

    La

    distinc

    tion

    sur

    laquelle

    il

    insiste

    entre

    la

    source

    historique

    et

    ses

    consequences

    pos

    sibles

    est

    ainsi utilisee

    de maniere inverse dans le

    cas

    du

    judaisme

    et

    dans

    celui du

    christianisme.

    Visiblement,

    il

    insiste

    sur

    le

    cote

    religieux

    du

    judaisme pour

    sous-entendre

    la

    legitimite

    de

    sa

    capacite specifique

    a

    une

    theologie politique,

    tandis

    qu'il

    valorise la

    dimension

    politique

    heritee histo

    riquement

    du

    christianisme,

    pour

    mieux

    la lui

    denier

    en

    se

    referant

    au

    chris

    tianisme initial

    qui

    n'attend

    que

    la

    fin

    du

    monde.

    Finalement,

    les

    chretiens

    ne

    sont

    pas

    un

    peuple historique

    pour

    K.

    L.;

    leur

    solidarite dans lemonde

    entier

    n'est

    que

    celle

    de

    la

    foi

    entre

    individus

    -

    en

    quoi

    l'on

    croit

    presque

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    5/18

    408

    Carl Schmitt

    entendre la denonciation de Pinterpretation morale du christianisme, avec

    laquelle

    Schmitt

    ne

    peut

    qu'etre

    d'accord,

    et

    alors

    nous

    voyons

    que

    Pargu

    ment est

    a

    double

    face. Seul le

    peuple

    juif,

    parce

    que

    peuple

    parmi

    les

    peu

    ples,

    dit

    K.

    L.,

    est

    reellement

    promis

    a

    une

    conception politique

    de l'histoire

    du

    point

    de

    vue

    religieux.

    On

    peut

    facilement

    penser

    que

    Schmitt

    ici aussi

    donnait

    raison

    a

    K.

    L.,

    mais seulement

    in

    petto,

    puisque

    c'est

    justement

    la

    rai

    son

    de

    sa

    lecture

    politique

    du christianisme

    et

    done

    de

    PEglise,

    que

    de les

    amener

    sur

    le

    meme

    plan

    d'universalite

    politique,

    mais dans

    une

    forme dif

    ferente. On

    peut

    se

    demander,

    apres

    relecture du livre

    de

    K.

    L.,

    et

    de

    Particle

    de

    C.

    S.

    ou se

    situe

    finalement le lieu

    reel

    d'ou

    procede Popposition

    entre

    les

    deux auteurs.

    S'agit-il

    simplement,

    comme une evidence trop facile semble

    rait

    nous

    y

    conduire,

    de

    Popposition

    entre

    judaisme

    et

    christianisme ?

    Deux

    aspects

    de Pattitude

    de Schmitt

    se

    degagent

    de

    la lecture

    du

    Glossarium

    qui

    apportent

    une

    autre

    evidence

    au

    terme

    de

    laquelle

    une

    interpretation

    serieuse

    du

    fragment

    de

    la

    p.

    243

    (23/05-49)

    du Glossarium serait

    la

    bienve

    nue1. II

    est

    clair

    que

    Schmitt

    est

    intimement convaincu de

    la force

    politique

    du

    judaisme

    (et

    sans

    doute

    la lui

    jalouse-t-il);

    mais il

    est tout

    aussi

    clair

    qu'a

    ses

    yeux

    PEglise catholique

    a

    perdu

    de

    nos

    jours

    la

    capacite

    politique

    dont

    elle etait

    encore

    porteuse

    au

    siecle dernier.

    Et

    son

    temoignage

    -

    j'ai

    tout

    fait

    pour

    fortifier

    PEglise (Glossarium,p. 165, 16/06-48)

    -

    dit

    assez

    clairement

    que

    ce en

    quoi

    il

    se

    sentait

    engage

    c'est bien

    a

    fortifier

    PEglise

    et

    non

    pas

    a

    combattre

    le

    judaisme.

    L'inquietude

    et

    le

    souci

    de Schmitt

    sont

    tout

    entiers

    du

    cote

    de

    la

    faiblesse

    intellectuelle de

    l'Eglise

    catholique,

    de

    laquelle

    dtcovlt,

    par

    voie

    de

    consequence,

    e

    champ

    laisse

    ouvert

    a

    toute

    forme

    politique

    1.

    Ce

    fragment

    important

    merite d'etre cite

    in

    extenso:

    ?

    La

    proposition

    la

    plus impor

    tante

    de Thomas Hobbes

    reste

    :

    Jesus

    is

    theChrist.

    La

    force d'une telle

    proposition

    agit,

    meme

    si

    celle-ci,

    dans le

    syteme

    conceptuel

    de

    la

    construction de

    pensee,

    est

    refoulee

    au

    bord,

    oui,

    perceptible

    aussi bien

    a

    l'exterieur du cercle du

    concept.

    Ce

    refoulement

    est

    un

    evenement

    analogue

    a

    la

    "culturalisation*" du

    Christ,

    comme

    le Grand

    Inquisiteur

    de

    Dostoievskij

    l'effectue. Hobbes

    exprime

    et

    justifie scientifiquement,

    ce

    que

    fait le Grand

    Inquisiteur

    de

    Dostoievskij:

    mettre hors d'etat de nuire Faction du Christ dans le domaine social et

    poli

    tique

    ;

    des-anarchiser

    le

    christianisme,

    mais

    lui

    laisser

    a

    l'arriere-plan

    un

    certain effet

    de

    legiti

    mation,

    et

    en

    tout

    cas

    n'y

    pas

    renoncer.

    Un

    tacticien

    intelligent

    ne renonce a

    rien,

    a

    moins

    que

    ce ne

    soit inutilisable.

    En

    l'occurrence,

    ce

    n'etait

    pas

    encore

    le

    cas.

    Nous

    pourrions

    par

    consequent

    nous

    demander:

    qui

    est

    le

    plus proche

    du Grand

    Inquisiteur

    de

    Dostoievskij:

    l'Eglise

    romaine,

    ou

    bien le souverain

    de

    Thomas Hobbes

    ?

    Reforme

    et

    contre-Reforme

    se

    montrent

    parentes

    d'orientation.

    Dis-moi

    qui

    est ton

    ennemi,

    et

    je

    te

    dirai

    qui

    tu

    es.

    Hobbes

    et

    l'Eglise

    romaine: l'ennemi

    est notre

    propre

    question

    en

    tant

    que

    figure

    ?

    (p.

    243).

    Or,

    dix

    pages

    plus

    loin,

    nous

    lisons

    :

    ?Important

    pour

    Hobbes

    et

    l'epoque

    de

    Crom

    well

    :

    l'abandon

    conscient de la

    tradition du

    katechon

    de

    l'Empire

    romain

    (d'ailleurs

    meme

    chez

    Vitoria,

    plus

    rien de

    cela ).

    Pas de troisieme

    Rome

    (comme

    a

    Moscou)

    Plus

    de

    succes

    sion

    :

    mais cesarisme

    en

    France,

    jusqu'a

    l'empire

    de

    Napoleon

    Ier. n

    tout

    cas,

    pour

    Hobbes,

    l'Eglise

    romaine

    est

    le

    spectre

    qui siege

    sur

    la tombe de

    YImperium

    romanum.

    Critique

    de

    Ylmpe

    riumRomanum chez Bacon etHobbes : il n'etait

    pas

    du tout

    universel,

    iln'etait

    pas

    un Orbis ?

    (p.

    273).

    Ces

    deux

    fragments

    pris

    ensemble

    (et

    ecrits

    pratiquement

    a

    la

    meme

    date

    que

    le

    texte

    des

    Drei

    Stufen)

    laissent

    entrevoir

    et

    permettent

    de

    presumer

    a

    quel point

    le

    katechon

    auquel

    ?

    croit?

    Schmitt

    lui

    est

    devenu

    personnel,

    mais

    sans

    doute

    aussi

    dans

    l'esprit

    d'une tradition

    plus large

    que

    celle

    pratiquee

    par

    l'Eglise

    romaine.

    *

    Verkultung

    dans

    le

    texte

    :

    notre

    option

    semble

    justifiee,

    mais

    reste

    une

    option.

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    6/18

    Une

    vue

    ?

    critique

    de

    Carl

    Schmitt

    409

    d'existence

    au

    monde

    se

    suffisant

    a

    elle-meme

    au

    point

    d'en

    oublier

    sa

    propre

    condition de

    possibility.

    On

    relevera

    combien

    sont

    pleines

    d'ambivalence

    sous

    la

    plume

    de

    Schmitt

    et

    reprises

    a son

    propre

    compte

    des

    expressions

    comme

    ?

    auto

    comprehension

    de

    l'homme?,

    ?analyse

    critique?

    et

    ?philosophic

    de

    Thistoire

    ?

    et

    encore

    ?

    chemin

    pour

    l'initiation

    ?.

    On

    y

    reconnaitra aisement

    un

    aspect

    de

    sa

    strategic

    de

    pensee

    certes,

    mais

    cela

    ne

    resonne

    pas

    dans

    la

    sensibilite du lecteur

    comme

    l'expression

    d'une

    grande

    force de

    conviction.

    C'est

    que

    Schmitt s'offre

    ici

    dans

    une

    perspective

    de

    recherche,

    d'interro

    gation.

    II

    ne

    fait

    aucunement

    partie

    des

    ?

    chercheurs de Dieu

    ?;

    mais la

    per

    severance justement de sa prospection intellectuelle qui se veut refondatrice

    de

    l'Eglise

    en

    quelque

    sorte est

    a

    la

    mesure

    de

    sa

    conviction de

    l'Etre,

    dont

    on

    ne

    peut

    dire le

    nom.

    Schmitt

    ne

    se

    soucie

    guere

    de

    polemiquer:

    il

    n'oppose

    pas

    une

    argu

    mentation

    a

    une

    autre

    argumentation;

    il

    place

    seulement devant

    son

    interlo

    cuteur

    l'image

    dont

    il

    attend

    qu'elle

    suggere

    d'elle-meme

    sa

    capacity

    a

    porter

    en

    elle

    l'achevement

    surrationnel

    d'une

    vue

    purement

    rationnelle.

    II

    sait

    que

    ses

    trois

    themes,

    tous

    solidaires,

    et

    plus

    particulierement

    ceux

    du

    katechon

    et

    de

    l'Epimethee

    chretien,

    sont

    difficiles

    a

    accepter

    pour

    ce

    qu'ils procedent

    de la

    foi,

    et

    comme

    deja

    en

    1917

    dans l'article

    evoque

    plus

    haut,

    il

    cherche

    a

    en rendre l'acces

    possible conceptuellement,

    en

    passant

    par

    la reconnais

    sance

    du

    caractere

    historique

    de la

    venue

    du Christ

    (cf.

    ici le

    passage

    sur

    Ponce

    Pilate,

    p.

    146).

    Le

    katechon

    justifie ?l'irruption

    de

    l'eternite dans le

    temps

    ?,

    tout

    se

    passant

    comme

    s'il

    subsumait

    en

    lui

    creation

    et

    redemption,

    debut

    et

    fin

    de

    l'histoire,

    comme

    dans

    la

    constante

    presence-absence

    (du

    Christ)

    au

    cours

    du

    temps

    historique,

    il

    est

    le

    ?

    pont?

    par

    excellence;

    il

    illustre

    la realite du troisieme

    terme

    toujours

    cherche

    a

    tort

    dans

    l'equivalence

    trompeuse

    d'une solution definitive

    au

    probleme

    humain;

    il

    justifie

    l'autonomie de

    chaque

    grande

    epoque,

    analogue

    a

    la totalite de

    l'histoire ?indefiniment

    exceptionnelle?

    -

    seul

    eclairage

    decisif

    pour

    la

    vision

    politique

    de

    l'etat

    d'exception.

    La

    chretiente

    et

    les

    Grecs,

    tous

    deux

    religieux,

    sont

    d'accord

    sur

    l'absence

    de

    foi

    au

    progres,

    dit

    K. L. ?

    ?

    L'Epimethee

    chretien

    reconnaitra le

    christianisme dans

    le

    monde

    pre

    chretien,

    et

    celui-ci

    trouvant

    son

    achevement

    seulement

    dans

    celui-la,

    tout

    l'atheisme moderne devient

    sans

    raison,

    tant

    que

    le

    monde

    ne

    marche

    pas

    sans

    politique.

    On

    doit bien

    reconnaitre

    que

    les

    trois

    themes

    enonces

    par

    C. S.

    sans

    grande explication

    restent

    si

    enigmatiques

    que

    leur

    seule

    formulation

    en

    ferait oublier

    le

    probleme

    unique

    auquel

    ils

    sont

    censes

    apporter

    leur solu

    tion conjuguee. Ce probleme, enonce brutalement

    -

    Comment l'homme

    peut-il

    avoir

    encore

    une

    raison

    d'exister

    dans

    un

    monde dont Thistoire

    aboutit infailliblement

    a

    la

    possibility

    d'une autodestruction de

    la

    nature

    humaine

    ?

    -,

    est tout autant

    celui de

    K. L.

    aussi. Mais

    on

    peut

    douter,

    bien

    sur,

    que

    Lowith ait

    pu

    trouver

    dans

    cet

    article

    matiere

    a

    surmonter

    sa

    per

    plexity

    sur

    l'orientation des

    Temps

    modernes.

    D'ailleurs,

    si Schmitt

    pouvait

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    7/18

    410

    Carl

    Schmitt

    dire en 1978 que ? cet article est ecrit contre Lowith?, on peut facilement

    imaginer

    en

    retour

    que

    le travail

    de

    Lowith

    paru

    en

    1949 visait lui-meme

    le

    premier

    la

    prevention

    de

    Schmitt

    a une

    theologie

    politique

    chretienne1.

    Mais

    la courtoisie

    et

    Telegance

    de

    la

    contre-proposition,

    de

    part

    et

    d'autre,

    mon

    trent

    que

    la

    Republique

    des lettres

    n'est

    pas

    tout

    a

    fait

    inexistante,

    et

    peut

    en

    tout

    cas

    constituer

    un

    lieu

    d'echanges

    utiles

    pour

    la reflexion de

    tous.

    Andre

    Doremus.

    Trots

    possibilites

    a1'une

    image

    chretienne e thistoire

    Aujourd'hui

    tout

    essai

    de

    comprehension

    de soi

    se

    revele

    etre

    finale

    ment

    une

    orientation

    de soi

    (Selbstvervrtung)

    n

    termes

    de

    philosophic

    de

    Thistoire,

    ou

    bien

    une

    perte

    de

    ses

    propres reperes

    (Selbstentortung)

    ans

    l'utopie.

    [Tous

    les

    hommes

    qui

    planifient

    et

    cherchent

    a

    enroler les

    masses

    dans leurs

    planifications

    se

    livrent

    aujourd'hui

    a une

    forme de

    philosophic

    de Thistoire

    quelle

    qu'elle

    soit.

    Ils

    acceptent

    Texistence des

    moyens

    d'aneantissement

    que

    met

    dans les mains de

    tout

    detenteur de

    pouvoir

    la

    science moderne de la nature.Mais la

    question

    de savoir contre

    quels

    hom

    mes ces

    moyens

    seront

    utilises

    de

    fa$on

    judicieuse

    n'est manifestement

    pas

    une

    question qui

    releve

    des sciences

    de la

    nature.

    Elle

    est

    loin

    de

    n'etre

    non

    plus qu'une question

    juridique

    et

    morale.

    On

    ne

    la

    posera

    aujourd'hui,

    et

    il

    ne

    lui

    sera

    repondu

    qu'en

    termes

    de

    philosophic

    de Thistoire.

    Le marxisme

    en

    particulier

    est

    une

    philosophic

    de

    Thistoire

    a un

    degre

    si

    pousse que

    la

    moindre

    approche

    de

    cette

    doctrine devient

    une

    explication

    en

    termes

    de

    philosophic

    de Thistoire.

    Les

    elites

    qui dirigent

    et

    planifient

    se

    construisent,

    elles-memes

    et

    les

    masses

    qu'elles dirigent,

    a

    Taide

    d'interpretations

    de

    phi

    losophic

    de

    Thistoire.

    Toute

    propagande

    de

    masse

    cherche

    sa

    justification

    en estimant

    qu'elle

    se trouve du cote des choses

    qui

    viennent. Toute

    croyance,

    dans

    les

    masses,

    est

    seulement

    la

    croyance

    d'etre du bon

    cote tan

    dis

    que

    Tadversaire

    est

    du

    mauvais

    cote

    parce

    que

    temps,

    avenir

    et

    evolution

    travaillent

    contre

    lui. Et

    meme

    le

    desespoir

    ne

    trouve

    son

    dernier

    cri

    qu'en

    clamant la

    menace

    que

    Thistoire

    du

    monde

    risque

    de

    perdre

    son

    sens.]2

    1. K. L. avait

    deja

    en

    1935

    critique

    la

    pensee

    de

    Schmitt,

    dans

    laquelle

    il

    voyait

    une

    forme d'occasionnalisme: Politische

    Dezisionismus,

    in

    Internationale

    Zeitschrift f.

    Theorie

    des

    Rechts,

    .

    101-123

    (sous

    le

    pseudonyme

    de

    Hugo

    Fiala).

    2.

    Ce

    passage que

    nous

    avons

    mis

    entre

    crochets

    se

    retrouve

    presque

    litteralement dans

    VIntroduction ecrite aussi en 1950, de Donoso Cortes ingesamteuropaischerInterpretation (p. 11-12).

    Deux

    remarques

    s'imposent

    ici:

    1

    /

    1950,

    c'est

    deja

    le

    contexte

    historique

    de la

    guerre

    froide,

    avec en

    tout

    cas a

    lTiorkon

    la

    menace

    de destructions

    massives.

    2

    /

    Par

    ailleurs,

    pour

    C.

    S.

    l'actualite

    politique

    ne

    decide

    jamais

    elle-meme d'un theme: elle actualise

    au

    contraire

    ce

    theme,

    qui

    est

    toujours

    une

    donnee realiste

    de rhistoire.

    Mais

    personne

    n'accepte

    de lire

    ainsi

    l'histoire;

    tous

    les

    interpretes

    restent

    enfermes

    dans leur lutte

    et se

    confondent

    en

    cela

    :

    ?

    Rathenau

    et

    Goebbels

    sont

    d'accord

    entre

    eux:

    "Si

    9a

    ou ca

    arrivait

    (par

    ex.

    que

    Guil

    laume

    II

    ou

    les Russes

    entrent a

    Berlin

    comme

    vainqueurs

    par

    la Porte

    de

    Brandebourg

    (sic)),

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    8/18

    Une

    vue

    ?

    critique

    de Carl

    Schmitt

    411

    Aucun

    auteur

    ne nous

    instruit

    sur

    cette

    affaire

    avec

    plus

    de

    clarte

    dans

    la

    philosophic

    de Phistoire et une meilleure information sur Phistoire de

    Pesprit

    que

    Karl

    Lowith

    dans

    son

    livre

    Meaning

    in

    History

    (1949)1.

    U

    nous

    alors l'histoire

    mondiale

    aurait

    perdu

    son

    sens.

    Ah Vous

    autres

    bonnes

    gens.

    L'histoire

    mondiale

    a

    deja

    plus

    d'une

    fois

    perdu

    son

    sens,

    elle le

    perd

    continuellement,

    precisement

    le

    sens

    que

    vous

    lui donnez

    et

    attribuez..."

    ?

    (Gloss.,

    p.

    268;

    I

    /

    EK-1949).

    Plus

    explicite

    p.

    287

    (30

    /

    XII-1949):

    ?

    Que

    signifient

    es

    manieres

    de

    parler

    comme:

    Alors

    (c'est-a-dire

    uand

    cela

    se

    passe

    autrement

    que

    je

    pensais)

    l'histoire

    a

    perdu

    son

    sens

    ?Ou

    encore

    plus

    crument:

    9a

    ou

    9a

    (qui

    me

    semble

    horrible)

    st

    indigne

    e

    laProvidence.Cela

    ne

    signifie

    ien

    d'autre

    que:

    nous

    retirons

    Dieu. Une telle

    position

    contre

    Dieu

    et

    les

    dieux

    n'est

    pas

    une

    trouvaille

    du

    xixe

    siecle.

    Le

    grand parallele historique

    au

    xixyxx*

    siecle,

    le

    ler

    siecle,

    la connait

    deja.?

    Et

    Schmitt d'illustrer son

    propos

    en se referant a la Pharsale de Lucain:

    l'epopee

    de la

    guerre

    civile

    est

    pleine

    de telles manifestations athees

    ;

    et

    dire

    que

    ?

    Dieu

    est

    du

    cote

    des

    vainqueurs

    (est)

    encore

    pire

    que

    dire

    que

    Dieu

    est mort.

    La

    phrase

    Causa

    victrix

    deisplacui

    a

    une

    significa

    tion entierement

    athee,

    de bas

    en

    haut,

    et

    joue

    rhomme

    contre

    le dieu

    cruel,

    c'est-a-dire inhu

    main:

    ...

    Dieu

    se

    met

    au

    pas

    (gleichgeschaltet)

    t

    est

    toujours

    mis

    au

    pas

    ?.

    La

    seule actualite

    qui

    ait

    jamais

    decide

    par

    elle-meme

    d'un

    theme

    reste

    pour

    Schmitt

    l'incarnation du Christ. Et

    puisque

    C.

    S.

    ne

    reconnait

    qu'une

    cause

    reelle

    en

    Dieu,

    K. L.

    pou

    vait

    paraitre

    tout

    a

    fait fonde

    a

    parler

    de

    l'occasionnalisme de Schmitt. Pourtant c'est la

    man

    quer

    l'essentiel de la demarche

    de

    celui-ci

    qui

    consiste

    a

    prendre

    a

    rebours

    1'occasionnalisme

    philosophique:

    Nous

    voyons

    la

    a

    quel

    point

    K.

    Lowith commettait

    un

    contresens

    en

    parlant

    d'occasionnalisme. C'est

    plutot

    d'occasionalisme

    a

    rebours

    qu'il

    conviendrait de

    parler

    quand

    nous

    voyons

    a

    quel point

    l'incarnation

    est

    l'unique

    evenement

    fondateur dans

    l'histoire,

    et

    omnipresent:

    ?

    A

    la

    place

    de

    decision

    (Decision, ici,

    et

    non

    pas Entscheidung), je

    pourrais

    dire

    aussi

    bien

    empreinte

    (Prdgung)...

    Mais ils

    ne

    comprendraient

    pas

    ?

    (Glossarium.

    p.

    268;

    1/9/94),

    ce

    qui

    signifie

    ue

    la fidelite

    u

    fait

    e

    l'incarnation

    st

    fidelite

    u

    rejet

    u

    Tentateur. Aussi Schmitt

    est

    d'autant

    plus

    sensible

    a

    l'appreciation

    irrecevable

    a

    ses

    yeux,

    que

    K.

    L.

    porte

    sur

    le

    Nouyeau

    Testament

    comme

    porteur

    d'un

    message

    de

    repentance

    qu'il

    estime

    (lui,

    C.

    S.)

    que

    l'Eglise

    s'est elle-meme effectivement mise

    dans

    une

    disposition

    a

    la

    repentance

    et

    done

    a

    l'attente.

    Ceci

    ouvre

    un

    aper^u

    sur

    la

    disposition

    dans

    laquelle

    C. S.

    a

    pu

    decider d'utiliser la situation offerte

    par

    l'existence du

    regime

    national-socialiste. En

    dehors

    de

    cet

    episode

    trompeur,

    il

    ne

    s'est

    engage

    dans

    aucun

    mouvement

    concret,

    mais

    il etait

    plein

    de

    comprehension

    pour

    son

    ami

    Gunther Krauss

    quand

    celui-ci

    s'engageait

    dans

    l'Opus

    Dei;

    regrettant

    seulement

    que

    ce ne

    fat

    encore

    qu'une position

    en

    porte-a-faux.

    Que

    dirait-il

    aujourd'hui

    de

    la

    politique

    de

    repentance

    de

    Tfeglise

    ?

    1.

    La

    date de ?1929

    ?

    qui

    figure

    dans

    l'original

    de Universitas

    est

    une erreur

    d'impression

    evidente. Le titre entier du livre est: Meaning inHistory. The theological implications ofthephilosophy

    of

    istory,

    London,

    University

    of

    Chicago

    Press

    et

    Cambridge

    Univ.

    Press,

    1949,

    Dix

    editions

    jusqu'en

    1970. Une

    premiere esquisse

    avait

    paru

    en

    1946

    sous

    le titre The

    theological

    back

    ground

    of

    the

    philosophy

    of

    History

    (SocialResearch,

    New

    York,

    13,

    51-80).

    En

    1950,

    paraitra

    sous

    le

    titre

    ?

    Christentum und

    Geschichte

    ?

    (Merkur,

    4,

    1241-1252),

    la traduction de la

    con

    clusion

    de

    la

    future edition allemande

    (augmentee)

    du

    livre

    de

    1949

    :

    Weltgeschichte

    undHeils

    geschichte,

    1953.

    Enfin

    sous

    le

    meme

    titre

    ?

    Christentum,

    und

    Geschichte

    ?,

    paraitra

    en

    1955

    (Numen

    2,

    147-155)

    un

    texte

    different

    (Conference

    de

    K. L.

    en

    1954

    a

    Bochum),

    reproduit

    ensuite

    sous

    le

    titre

    Christentum,

    Geschichte

    und

    Philosophic,

    dans la

    rendition,

    en

    1983,

    de

    Weltgeschichte

    nd

    Heilsgeschichtep.

    430-440),

    dans le

    t.

    2

    des Samtliche

    Schriften,

    ui

    prend

    lui

    meme

    le

    meme

    titre,

    tout

    en

    comprenant

    d'autres

    textes,

    notamment

    quelques

    fruits

    de

    son

    sejour

    au

    Japon

    pendant

    la

    guerre.

    L'inquietude

    de

    K.

    L.

    pour

    le

    sens

    de

    l'homme

    dans

    l'histoire

    apparait deja

    dans

    son

    pre

    mier livre,as IndividuumnddieRolledes itmenschen(1928)qui tient privilegiereMitwelt

    contre

    le

    Umweltde.

    Heiddeger; puis

    dans l'etude

    qu'il

    consacre

    a

    Jacob

    Burckhardt

    {].

    B.,

    der

    Mensch

    in

    Mitten

    der

    Geschichte,

    edite

    a

    Lucerne

    en

    1936)*,

    par

    qui

    il

    est

    fortement

    marque,

    et

    dont,

    partage

    entre

    judaisme

    et

    christianisme,

    il

    adopte

    finalement

    le

    scepticisme,

    tout en

    reconnaissant

    la

    dette de

    toutes

    les

    philosophies

    de l'histoire vis-a-vis du

    christianisme.

    Les

    deux

    principaux

    livres de

    K.

    L.,

    en

    plus

    de celui de

    1946,

    resteront

    Von

    Hegel

    t(u

    ietzsche

    (Europa Vlg,

    Zurich,

    1941

    -

    preface depuis

    Sendai,

    Japon, printemps

    1939

    ?;

    reed. New

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    9/18

    412

    Carl

    Schmitt

    donne

    une

    analyse critique qui

    merite reellement

    ce

    nom.

    Partant du

    pre

    sent,

    de

    Burckhardt1,

    Marx

    et

    Hegel,

    il

    remonte,

    en

    passant

    par

    les

    positi

    vistes

    et

    les hommes des

    Lumieres,

    et

    par

    Bossuet,

    Vico

    et

    Joachim

    de

    Flore

    jusqu'a

    Augustin,

    Orosius2

    et

    jusqu'a

    la

    Bible. C'est

    un

    chemin

    qui

    conduit

    de

    la

    philosophic

    de Phistoire

    a

    la

    theologie

    de

    Phistoire,

    et

    finalement

    a

    Peschatologie.

    Mais chez Lowith

    ce

    n'est

    pas

    un

    chemin

    pour

    neutraliser

    ce

    qui

    s'est

    passe

    jusqu'a

    present

    en

    le

    ramenant

    au

    niveau

    de

    l'actualite.

    C'est,

    au-dela de

    tout

    le

    savoir

    d'un

    erudit,

    un

    chemin

    pour

    l'initiation.

    En

    suivant

    ce

    chemin,

    l'auteur

    acquiert

    une

    profonde

    conscience

    de

    Phistoire

    de

    Pesprit,

    qui

    fonde

    sa

    superiorite

    sur

    les

    historiens modernes

    et

    sur

    les

    philo

    sophies

    de Phistoire, etmeme surArnold

    Toynbee

    en

    particulier3.

    York,

    1949,

    Stuttgart,

    1958,

    trad.

    Gallimard,

    1969

    -

    par

    Remi

    Laureillard)

    et

    Niet^sches

    Philo

    sopbie

    deremgen

    Wiederkehr des

    Gleichen,

    Stuttgart,

    1956,

    trad.

    Calmann-Levy,

    1991.

    *

    Utilement

    commente

    par

    Henning

    Ritter,

    in

    F. A.

    2.

    du

    2/08-97

    (n?

    177).

    1. L'eleve de

    Leopold

    von

    Ranke,

    quelque

    peu

    adrnirateur de

    Schopenhauer,

    refusait

    pour

    lui-meme

    l'etiquette

    de

    philosophe

    de l'histoire.

    II n'a

    pas

    moins

    construit,

    dans

    ses

    Weltgeschichtliche

    Betrachtungen,

    un

    systeme

    en

    six formes d'interaction des trois forces de base

    de la civilisation

    :

    la

    religion,

    la

    politique

    et

    la

    culture.

    C'etait

    la le

    fruit

    de

    son

    epoque

    de

    jour

    naliste

    a

    Bale

    dans

    les

    annees

    1840,

    repris

    dans

    les

    annees

    1868-1871

    sous

    forme de lecons

    auxquelles

    Nietzsche assista

    avec

    enthousiasme.

    En

    fait horrifie

    par

    la violence

    des

    conflits

    religio-politiques dont il etait temoin en Suisse avant meme 1848 (qu'il avait vu venir bien

    avant),

    il

    en

    resta

    fixe

    dans

    un

    humanisme

    plein

    de

    sagesse

    qui

    le

    credite de

    la

    formule

    ?

    Die

    Macht ist

    in

    sich bdse?

    (qu'Henning

    Ritter dit

    remonter

    en

    realite

    a

    Schlosser,

    cf. Particle cite

    dans

    la

    note

    precedente),

    que

    Schmitt

    ne

    manque

    pas

    d'interpreter:

    ?

    Les

    doux neutralises

    (die

    lauen

    Neutralisierten)

    s'excitent

    au

    sujet

    de l'atheisme

    et

    du

    nihilisme,

    mais

    ne

    remarquent

    pas

    qu'il

    entre

    dans

    un

    mot

    de

    Burckhardt

    (fort

    prise

    et souvent

    cite)

    infiniment

    plus

    d'atheisme

    et

    de

    nihilisme

    que

    dans

    toute

    Fceuvre de Bakounine.

    Je

    pense

    a

    la formule "La

    puissance

    est

    en

    soi

    mauvaise".

    Qui

    sait

    aujourd'hui

    que

    cette

    phrase signifie

    la

    meme

    chose

    que

    Dieu

    est

    mort

    ??

    {Glossarium,

    p.

    201;

    3/X-1948). Moyennant

    quoi J.

    B.

    se

    trouve

    range

    parmi

    les

    aveugles

    qui

    opposent

    encore

    droit

    et

    puissance

    (ibid,

    p.

    169,24/VT-48),

    tandis

    que

    la

    seule

    volonte

    ?

    mauvaise

    ?

    est

    la volonte

    ?

    d'impuissance,

    c'est-a-dire

    renoncant

    a

    la realisa

    tion

    ?

    {ibid,

    .

    139). Christoph tedingdeja

    estimait

    n

    1930

    {Das

    Reich

    und

    die rankheit er

    europdischer

    ultur,

    p.

    338)

    que

    J.

    B.

    ignore

    le domaine du

    politique

    -

    une

    reference

    que

    nous

    ne

    relevons que pour

    ce

    que Schmitt s'interroge

    encore

    apres guerre

    sur

    la forme d'ardeur qui

    le

    portait,

    dans les

    annees

    1920/1930,

    vers ce

    ?

    Unbuch?

    {Gloss.,

    p.

    95).

    Que

    J.

    B. soit

    rede

    couvert

    ou

    reapprecie

    au

    lendemain

    de chacune des deux

    grandes

    guerres

    n'est

    pas surpre

    nant,

    mais

    la

    sagesse

    qu'il

    porte

    en sa

    pensee

    serait

    injustement

    reduite

    a un

    humanisme

    moderne,

    si Ton voulait

    ignorer

    quelque prolongement

    ou

    echo

    en

    lui de

    E.

    von

    Lasaulx. Cf.

    Karl

    Joel,/.

    B. als

    Geschichtsphilosoph

    (1910),

    et

    Richard

    Winners,

    Weltanschauung

    und Geschicht

    sauffassungj.

    B.,

    in

    Hans Ulrich

    Instinsky,

    article de

    Hochland,

    1936,

    409-424.

    2. Ne

    a

    Tarragone (Espagne),

    theologien

    et

    historien de

    la

    premiere

    moitie du

    Vs

    siecle

    (liens

    avec

    Augustin,

    avec

    Jerome, juge

    ecclesiastique

    au

    synode

    de

    Jerusalem

    (415)

    devant

    condamner

    Pelage),

    Paul Orose

    a

    surtout

    laisse

    une

    Histoire du

    monde,

    ecrite

    a

    la demande

    d'Augustin,

    montrant

    que

    la

    terre

    fut

    toujours

    affligee

    de

    grandes

    calamites

    avant

    l'abolition

    du

    paganisme,

    a

    laquelle

    les Gentils attribuaient les calamites

    de

    l'Empire.

    Cette Histoire fut

    editee

    pour

    la

    premiere

    fois

    en

    1471

    par

    J.

    Schlusser,

    a

    Vienne,

    traduite

    et

    publiee

    en

    francais

    en

    1491, par

    Claude de

    Seissel,

    traduite

    en

    anglais par

    Alfred le Grand

    et

    editee

    en

    1773

    par

    Barrington,

    reprise

    enfin

    en

    1897 dans la serie

    Antiquarian

    Library.

    On

    la

    dit utile

    pour

    la

    geo

    graphic politique,

    en

    particulier

    pour

    la

    position

    des

    ?nations

    germaniques

    ?,

    a

    l'epoque

    d'Albert le Grand.

    3.

    Schmitt

    n'emboite

    pas

    le

    pas

    aux

    critiques

    courantes

    de l'ceuvre d'Arnold

    Toynbee

    (1889-1975),

    qui

    s'attardent

    a

    lui

    reprocher

    soit

    le modele

    d'explication

    choisi,

    soit la

    systematicite impossible

    de

    son

    entreprise,

    soit

    tout

    autre

    chose

    qui,

    dans

    celle-ci,

    ne

    peut

    que

    heurter

    l'historien

    positiviste,

    ou en

    tout

    cas

    specialiste

    d'un domaine

    particulier

    a

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    10/18

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    11/18

    414

    Carl

    Schmitt

    de

    grandes planifications qui

    sont

    ordonnees

    par

    des hommes

    a

    d'autres

    hommes,

    des

    positions

    de

    sens

    qui

    sont

    par

    consequent

    elles-memes

    a

    leur

    tour

    partie

    constituante des

    grandes planifications.

    Ainsi

    nous

    comprenons

    cette

    phrase

    de Lowith

    infiniment

    pleine

    de

    signification: plus

    loin

    nous

    remontons

    a

    partir

    d'aujourd'hui

    dans Phistoire de la

    pensee

    humaine de

    Phistoire,

    plus

    Pidee d'une

    planification

    disparait1.

    Une

    providence

    divine

    que

    Fhomme

    peut

    verifier,

    ou meme

    prevoir,

    n'est

    certainement

    a

    coup

    sur

    qu'une

    planification

    humaine2.

    La

    premiere

    observation

    que

    nous

    suggere

    la

    lecture de

    ce

    livre inhabi

    tuel

    concerne

    le

    grand parallele historique

    ou se

    concentre

    la

    comprehen

    sion historique que le siecle dernier avait de lui-meme. En amenant sa

    propre epoque

    a un

    parallele historique

    avec

    Tepoque

    des

    guerres

    civiles

    dans les

    associations

    psychologiques

    et,

    last but

    not

    least,

    meme

    phonetiquement,

    lliorreur,

    je

    veux

    dire des

    orgies

    du

    metteur

    en

    position

    (Setter),

    et

    la

    terreur

    de

    la

    position

    des

    positions

    (Set^ung Set^ungen),

    dans

    laquelle

    nous

    sommes

    embarques

    depuis

    1848

    comme

    dans

    un

    maelstrom...

    Tout

    ce

    qu'il

    y

    a

    de

    positivement

    etabli

    et

    pose

    (ponierte

    undposierte)

    est

    concerne

    aujourd'hui

    par

    cette

    malediction

    oui,

    comme

    aujourd'hui,

    toute

    "volonte de"

    quoique

    ce

    soit,

    se

    resout

    dans

    cette

    perspective

    et est

    decidee dans lliistoire de

    l'esprit?

    (Gloss.,

    p.

    85-86,

    19/01-48).

    Apres

    s'etre

    interroge

    sur

    l'opportiinite

    d'user

    des

    methodes

    anglaises

    pour

    assainir,

    par

    Faction du

    juge,?la

    banqueroute

    du

    legislateur

    ?,

    Schmitt

    developpe

    :

    ?Je

    voudrais

    expliquer

    (et

    je

    l'ai fait dans

    mes

    conferences

    sur

    la

    situation

    actuelle du

    droit

    europeen)

    la "loi"

    ("GesetfO

    dans l'ensemble de

    sa

    problematique

    concrete,

    dans

    l'integralite

    existentielle

    (par

    donnez

    ce

    mot

    a

    la

    mode,

    mais il

    a eu

    originairement

    un sens

    authentique)

    de

    son

    economie

    comme

    point

    de

    depart.?

    Ce

    point

    de

    depart

    est

    la

    raison

    de

    sa

    distinction

    entire

    legalite

    et

    legitimitela

    justice Justitf

    lus legitime

    ue

    toute

    legalite),

    t

    de

    son

    rejet

    du droitnaturel

    ?

    justification qui

    met

    a

    nu

    finalement

    le lieu de la modernite

    :

    ?

    Les hommes

    ne

    sont

    pas

    sans

    Dieu,

    mais

    incapables

    de Dieu

    ?

    (citant

    ici

    Alfred

    Dep,

    s.j.,

    ?

    pendu

    le

    2

    fevrier

    1945

    en

    meme

    temps

    que

    notre

    Popitz

    ?)

    -

    une

    formule

    qui

    confere

    un

    caractere

    moins

    negatif qu'il

    n'y

    parait

    a

    l'observation

    de Ball

    en

    1924,

    voulant

    que

    Schmitt

    parte

    moins

    ?

    d'une

    foi bien

    armee

    que

    des

    consequences

    de

    la foi?.

    Cependant

    la

    signification

    de la

    Set^ung

    n'est

    pas

    epuisee

    par

    la,

    car

    elle

    renvoie

    immedia

    tement

    aussi

    aux

    differentes formes du

    ?

    Ur-?

    que

    Schmitt

    cherche

    a

    integrer

    sans

    sa

    propre

    perspective,

    notamment aux

    Urpositionen

    qui

    seraient celles de la nature en Dieu

    (une

    pensee

    de

    Boehme,

    ou

    bien de Fichte

    ?,

    demande-t-il);

    et

    que

    ce

    soit dans

    cette

    perspective

    que

    seule

    la

    position (Set^ung)

    determine les

    fondements de

    la

    contemplation

    (selon

    Fichte

    encore),

    Schmitt

    le

    trouve

    particulierement

    riche

    d'enseignement

    pour

    lui-meme

    ?

    en

    tant

    qu'Epimethee

    chretien

    ?:

    voici done

    que

    la

    notion

    de

    Set^ung,

    qui

    n'apparait

    pas

    avant

    le len

    demain de

    la

    guerre

    -

    et

    souvenir

    apparent

    de Kant

    et

    de

    sa

    Set^ung Set^ungen,

    cf.

    les

    travaux

    d'Adickes

    -,

    se

    chargerait

    ici,

    une

    fois

    adoptee,

    d'une double

    signification,

    antinornique

    chez

    rEpimethee

    chretien,

    capable,

    forme

    audacieuse

    de secularisation

    encore,

    de

    neutraliser

    Tutopie

    des

    temps

    modernes

    puisque

    Tutopie

    est

    essentiellement la

    planification

    (cf.

    nom

    breux

    textes

    du Glossarium

    sur

    ce

    theme).

    A

    Tepoque

    des

    perspectives

    de

    clonage

    humain,

    tout

    ceci

    prend

    un

    sens

    singulier.

    Que

    par

    ailleurs,

    a

    Toccasion de la

    Setting,

    la

    proximite

    de

    Tesprit

    de

    Joseph Schumpeter

    soit

    evoquee

    par

    Schmitt

    n'est

    pas

    fait

    pour

    surprendre.

    Mais

    pour

    une vue

    plus

    complexe

    du

    texte, le lecteur se

    reportera

    a la

    p.

    101 du Glossarium, en date du

    19/02-48.

    1. K.

    L.

    p.

    191,

    debut

    de la Conclusion

    :

    ?

    The farther

    we

    go

    from

    the

    philosophy

    of

    the

    eighteenth

    and nineteenth centuries

    to

    its

    original inspiration

    in

    biblical

    faith,

    the

    less

    do

    we

    find,

    with the

    exception

    of

    Joachim,

    an

    elaborate

    plan

    of

    progressive history.?

    Ceci

    conforte Schmitt dans

    son

    interpretation

    de

    l'utopie

    comme

    planification:

    cf.

    Glossarium,

    p.

    46-48

    (21/11-47),

    83-84

    (16/01/48),

    94-96

    (10/02/48)...

    2.

    Cf.

    Glossarium,

    .

    285

    (22/12/49).

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    12/18

    Une

    vue

    ?

    critique?

    de Carl Schmitt

    415

    romaines

    et

    du

    premier

    christianisme,

    ce

    siecle

    realisait la

    remarquable

    ten

    tative de se

    comprendre

    lui-meme

    historiquement

    par

    comparaison

    avec

    une

    epoque

    entierement

    differente,

    eloignee

    de deux

    millenaires.

    En

    dehors

    de

    toute

    dialectique

    hegeliano-marxiste

    et

    stalinienne

    de

    l'histoire,

    nous

    ne

    disposons

    effectivement d'aucun

    autre

    moyen

    d'auto-comprehension

    histo

    rique.

    Curieux

    que

    parmi

    le

    grand

    nombre

    d'evenements

    historiques

    et

    d'epoques

    qui

    se

    succedent,

    ce

    soit

    justement

    cette

    epoque

    du

    premier

    christianisme

    qui,

    pour

    nous,

    soit

    si convaincante.

    Curieuse

    aussi la certitude

    avec

    laquelle

    ce

    parallele

    se

    presente

    depuis

    la

    Revolution

    frangaise,

    chez des

    auteurs

    opposes

    et

    avec

    des conclusions

    contraires,

    grace

    a

    quoi

    ce

    parallele

    historique demeure lui-meme comme tel toujours comme allant de soi. Et

    tout

    particulierement

    curieux

    qu'un

    phenomene

    de

    l'histoire

    spirituelle

    d'une

    pareille

    evidence

    et

    d'une telle

    actualite,

    comme

    Test

    ce

    grand

    paral

    lele,

    n'ait

    ete

    jusqu'ici

    1'objet

    d'aucune

    monographic,

    ni

    dans

    un

    travail

    uni

    versitaire,

    ni dans la libre

    recherche.

    Le

    socialisme

    commence

    avec

    le

    Nou

    veau

    christianisme

    e

    Saint-Simon,

    et

    done

    avec

    l'appel

    a

    ce

    grand parallele.

    Jacob

    Burckhardt etait

    deja

    fortement

    marque

    par

    la

    signification

    de

    celui-ci,

    a

    travers

    Tinfluence

    de

    Ernst

    von

    Lasaulx1. Aussi

    bien

    la

    pensee

    cyclique

    que

    la

    pensee

    eschatologique

    peuvent

    se

    servir de

    ce

    grand

    parallele.

    Tous deux

    y

    trouvent

    la

    preuve

    de la fin d'un

    Aeon,

    la

    certitude d'un

    temps

    revolu,

    d'un

    tempo

    esauroto. a

    pensee

    cyclique

    rattache a cela l'inference d'une nouvelle

    periode

    du

    monde,

    la

    pensee

    progressiste

    conclut

    a

    l'intensification

    en

    spi

    rale d'une

    epoque

    plus

    accomplie,

    mais

    l'eschatologique

    y

    voit

    la

    proximite

    de la fin

    immediate.

    Le

    chretien doit elever

    ce

    parallele

    a

    l'identite,

    car

    pour

    lui

    les

    evenements

    qui

    sont

    au cceur

    de l'Aeon

    chretien

    -

    la

    venue,

    la

    cruci

    fixion

    et

    la

    resurrection

    du Fils de l'Homme

    -

    restent

    vivants

    dans

    une

    pre

    sence

    inchangee.

    L'autre

    observation

    touche

    a

    la

    question

    de

    savoir si

    la foi

    eschatolo

    gique

    et

    la conscience

    historique

    sont

    compatibles

    entre

    elles.

    A

    cette

    ques

    tion,

    on

    repond presque toujours par

    la

    negative.

    Toutes

    deux

    paraissent

    encore

    moins

    compatibles

    entre

    elles

    que

    la

    pensee

    cyclique

    et

    la

    pensee

    his

    torique.

    L'attente

    de

    la

    fin imminente

    semble

    priver

    toute

    Phistoire de

    sa

    1.

    Peter Ernst

    von

    Lasaulx

    (Koblentz,

    1805

    -

    Munich,

    1861)

    construit

    une

    Philosophic

    de

    Thistoire

    sur

    le

    principe

    de

    Tanalogie

    entre

    les

    grandes

    epoques

    : ce

    qui

    s'est

    produit

    dans le

    passe

    peut

    toujours

    se

    reproduire

    sous

    une

    autre

    forme

    dans

    le

    present;

    inversement les

    eve

    nements

    du

    present

    peuvent

    apporter

    des clefs

    pour

    la

    comprehension

    du

    passe

    :

    cf.

    Neuer

    Versuch

    einer

    Philqsophie

    der

    Geschichte,

    1856.

    Cette

    recherche

    est

    essentiellement

    d'inspiration

    chretienne: cf. Uber die

    theologische rundlage

    aller

    System,

    1856. Ce

    qui

    le conduit

    a

    etablir

    un

    parallele

    entre

    Jesus

    et

    Socrate,

    et

    a

    voir dans Promethee

    une

    forme de

    sauveur...

    La

    Deutsche

    Allg Bibliogpaphie

    e donne

    pour

    un

    romantique

    e

    la

    philologie classique

    (cf.

    Uber die

    prophe

    tischeKraft der menschlichen Seek in enken undDichten, 1858) qui represente avec Franz von Baa

    der

    le

    versant

    catholique

    d'un

    courant

    largement

    partage

    en

    Allemagne

    par

    les Protestants

    :

    cf.

    le

    cas

    de

    Kanne,

    dont

    Schmitt

    reedite

    et

    preface

    la

    biographie

    en

    1918.

    Naturellement

    en con

    flit

    comme

    Fr.

    v.

    Baader

    avec

    l'Eglise

    (cf.

    ses

    rapports

    avec

    Dollinger),

    son ceuvre

    a

    largement

    donne

    matiere

    a

    reflexion,

    de Nietzsche

    a

    Heiddeger

    et

    a

    Schmitt,

    en

    passant par

    Burckhardt

    et

    Jaspers.

    Le

    premier

    ouvrage

    important

    sur

    E.

    v.

    L.

    est recent:

    Siegbert

    Peetz,

    Die

    Wiederkehr

    im

    Unterschied: Ernst

    von

    L.}

    KarlAlber

    Vlg,

    Fribourg

    et

    Munich, 1989,407

    p.

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    13/18

    416 Carl Schmitt

    signification,

    et

    provoque

    une

    paralysie eschatologique dont Phistoire offre

    de

    nombreux

    exemples. Cependant

    il

    reste

    aussi la

    possibility

    d'un

    pont.

    Nous avions

    pour

    cela

    d'etonnants

    exemples

    dans Phistoire de

    Pempire

    medieval.

    Le

    pont

    consiste

    en

    Pidee d'une force

    qui

    retient

    la

    fin,

    et

    tient

    le

    mal

    en

    echec.

    C'est

    le

    kat-echondu

    passage

    tres

    mysterieux

    de

    la

    Seconde lettre

    de

    Paul

    aux

    Thessaloniciens1.

    L'empire

    medieval

    des

    empereurs

    allemands

    se

    represente

    lui-meme

    historiquement

    comme

    kat-echon. Luther

    encore

    Pa

    1.

    Se referant

    a

    Griinder

    {Quaritsch,

    1988,

    p.

    230),

    et

    s'appuyant

    sur

    la

    biographie

    de

    Peterson

    par

    Barbara Nichtweiss

    (1992,

    p.

    725

    sq.),

    Felix

    Grossheutschi

    (C.

    S.

    und die Lebre

    vom

    katechon, D&H.,

    1996)

    fait remonter le theme du katechon chez Schmitt aux

    rapports

    de celui

    ci

    avec

    E.

    Peterson

    avant

    sa

    conversion

    -

    tout

    en

    notant

    que

    Peterson lui-meme

    ne

    parle

    jamais

    du katechon sauf

    par

    une

    allusion

    dans Die

    Kirche,

    Schmitt

    et

    Peterson

    se

    sont

    connus

    a

    Bonn de 1924

    a

    1928,

    date du

    depart

    de Schmitt

    pour

    Berlin. n

    1932,

    chmitt

    t

    Peterson

    ont

    fait ensemble

    le

    voyage

    de Rome

    (fin

    mars a

    debut

    mai).

    Rupture

    en

    1933

    quand

    Schmitt

    entre

    au

    Parti

    (lermai).

    Mais

    en

    1936

    nouveau

    voyage

    de Schmitt

    a

    Rome,

    ou

    il

    rencontre

    Mussolini

    (dont

    il

    sort tres

    decu)

    et...

    Erik

    Peterson. Liens

    repris

    apres

    la

    guerre.

    F. Grossheutschi releve

    avec

    justesse

    que

    Schmitt

    n'use

    du

    mot

    katechon

    que

    depuis

    le

    texte

    de

    Das

    Reich,

    en

    1942

    bien

    qu'll

    dise

    en

    avoir

    eu

    l'idee

    depuis

    1932. Doit-on

    imaginer

    avec

    F. G.

    que

    l'arrivee de Hitler

    au

    pouvoir

    mettait

    un

    terme

    a

    l'angoisse

    de

    Schmitt devant

    l'universalisme

    liberaliste

    (mais

    pourquoi

    pas

    aussi devant

    le

    regime

    de l'URSS

    ?),

    et

    done

    aussi

    a

    la

    raison d'etre du katechon

    ?

    L'auteur

    appuie

    sa

    presomption

    sur

    le

    fait

    que

    les ennuis de

    novembre

    et

    decembre 1936 n'auraient

    pas

    refroicfi

    l'enthousiasme

    de

    Schmitt,

    et

    qu'en

    tout

    cas

    on

    ne

    trouve

    pas

    trace

    de katechon dans les

    textes

    de

    politique

    internationale de

    Schmitt

    de

    1939

    a

    1942,

    date

    a

    laquelle

    Schmitt n'etait

    pas

    moins lucide

    que

    bien

    des

    officiers

    supe

    rieurs

    sur

    Tissue de

    la

    guerre

    a

    l'Est.

    Quand

    Schmitt

    argue

    de

    1932,

    on

    peut

    naturellement

    se

    tourner

    vers

    Legalite

    et

    Legitimite,

    paru

    en

    juillet

    1932,

    et

    dont la lecture

    retrospectivement

    est

    ambigue.

    Toutes

    ces

    donnees

    historiographiques

    ont

    leur

    importance.

    Mais dans

    la

    vie

    d'un

    ecri

    vain,

    les themes fondamentaux n'ont

    en

    general

    guere

    de date de

    naissance.

    Plus

    important

    en

    tout

    cas,

    pour

    une

    saisie

    du

    katechon

    tel

    que

    Schmitt

    le

    comprenait,

    est

    de

    nous

    reporter

    a

    la

    maniere

    dont

    celui-ci

    se

    refere

    en

    1947

    a

    Halberstadt

    :

    ?

    Sur le katechon:

    je

    crois

    au

    Katechon;

    il

    est

    pour

    moi

    la

    seule

    possibilite

    de

    comprendre

    l'histoire,

    en

    tant

    que

    chretien,

    et

    de

    la

    trouver

    utile.

    La

    doctrine

    paulinienne

    secrete

    n'est

    pas

    plus

    et tout autant

    secrete

    que

    chaque

    existence

    chretienne. Celui

    qui

    ne

    sait

    pas

    lui-meme

    in

    concreto

    quelque

    chose du

    katechon

    (souligne par nous)

    ne

    peut pas interpreter

    ce

    passage.

    Haimo

    von

    Halberstadt*

    arrive

    au

    katechon

    en

    tant

    qu'etant

    la

    source

    du

    katechon,

    et

    bien

    plus

    claire

    que

    celui-ci

    (Migne

    +

    117,

    col.

    779).

    Les

    theologiens d'aujourd'hui

    ne

    savent

    plus

    cela,

    et

    ne

    veulent

    au

    fond

    meme

    pas

    le

    savoir?

    {Glossarium,

    p.

    63

    :

    19/XII-47).

    a

    Haimo

    v.

    H.

    est

    un

    eveque

    benedictin,

    eleve d'Alcuin

    (autour

    de

    840).

    Le

    texte

    qu'evoque

    Schmitt merite

    en

    effet d'etre lu.

    Schmitt reviendra

    plus

    formellement

    sur

    cette

    notion

    dans

    son

    commentaire,

    en

    1958,

    de la

    Conference de

    1943-1944

    sur

    l'etat du droit

    en

    Europe

    (cf.

    Verfassungsrechtliche

    ufsdt^e,

    1958,

    p.

    426-429).

    Ici

    apparait

    clairement,

    si Ton

    peut

    dire,

    la

    dimension

    politico

    philosophique

    du katechon

    schmittien,

    encore

    mieux

    soulignee

    si

    Ton

    veut

    bien

    prendre

    en

    compte

    le

    parallele

    avec

    les

    developpements

    de Rene Guenon

    dans

    Le

    roi

    du

    monde

    (p.

    37-39,

    dans

    la

    reedition

    de

    1958),

    un

    auteur

    que

    Schmitt

    n'ignorait

    pas

    et

    qui apparait

    curieusement

    dans

    la

    page

    citee ci-dessus du

    Glossarium,

    juste

    avant

    lamention du

    katechon:?

    A

    ma

    connais

    sance,

    Rene Guenon

    est

    aujourd'hui

    l'auteur

    le

    mieux informe

    ?

    {Gloss.,

    p.

    63,19/XII-47).

    Toutes

    ces

    donnees

    prises

    ensemble,

    et

    avec

    elles l'histoire

    politico-religieuse

    du katechon

    au

    Moyen

    Age

    (cf.

    H. D.

    Rauch,

    Das

    Bild

    des

    Antichrist

    im

    Mittelalter, 1973,

    550

    p.),

    cette

    notion semble finalement

    jouer,

    dans

    la

    conception

    de l'histoire du

    juriste

    allemand,

    un

    role

    analogue

    a

    celui de la

    notion

    d'? eternel

    retour

    du

    meme

    ?

    dans la

    conception

    du monde de

    Nietzsche:

    une

    notion

    limite,

    impossible

    a

    demontrer

    et

    necessaire

    a

    supposer,

    bref

    une

    hypothese.

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    14/18

    Une

    vue

    ?

    critique

    de Carl Schmitt 417

    compris

    ainsi,

    tandis

    que

    Calvin

    prend

    un

    tournant

    decisif

    en

    tenant

    pour

    kat-echon

    non

    plus

    l'empire,

    mais la

    predication

    de la Parole de

    Dieu.

    L'idee

    de forces

    et

    de

    pouvoirs qui

    retiennent

    et

    retardent

    peut

    etre

    decelee

    sous

    une

    forme

    quelconque

    chez

    tout

    grand

    historien.

    Nietzsche,

    tout

    en

    fureur,

    a

    percu

    justement

    en

    Hegel

    et

    dans

    le

    sixieme

    sens

    des

    Allemands,

    le

    sens

    historique,

    le

    grand

    retardateur

    sur

    le chemin conduisant

    a

    Patheisme

    ouvert.

    Dans YHistoire mondiale de

    I'Europe,

    de

    Hans

    Freyer,

    recemment

    parue,

    les forces retentrices

    apparaissent

    comme

    des katechontes

    (II,

    616,

    915)1.

    U

    est

    clair

    que

    nous

    devons

    nous

    garder

    d'employer

    ce

    mot

    pour

    1.

    Les

    pages

    indiquees

    par

    Schmitt renvoient

    a

    la

    premiere

    edition,

    en

    deux

    volumes,

    de

    1948,

    que

    nous

    n'avons

    pu

    trouver.

    Elles

    correspondent

    en

    tout

    cas au

    chap.

    7

    de Fedition

    de

    1954

    en

    1

    vol.

    Selon

    Freyer,

    ces

    ?

    forces

    retenantes

    ?

    sont

    localisees

    a

    Test,

    dans

    la

    Russie

    orthodoxe,

    a

    Fouest dans

    l'Eglise catholique

    de

    Rome,

    et

    au

    centre

    dans

    FAllemagne.

    Weltgeschicbte

    Europas*,

    a

    ete

    ecrit selon Fauteur

    en

    grande

    partie pendant

    la

    guerre;

    il fait

    partie

    d'une litterature allemande considerable

    prenant

    diversement

    dans

    son

    champ

    d'observation lliistoire

    mondiale,

    et

    dont

    la

    motivation

    ne

    procede

    pas

    particulierement

    du

    choc

    recu

    de la

    derniere

    guerre,

    mais

    plus profondement

    et

    plus

    largement

    de

    la

    conscience

    de crise de

    civilisation

    qui

    s'ouvre

    vers

    1880,

    et

    se

    renouvelle

    autrement

    apres

    1945

    (cf.,

    pour

    l'apres-guerre,

    Giinther

    Moltmann,

    Das

    Problem der

    Universalgeschichte,

    in ie

    Funktion

    der

    Geschichte

    in

    unserer

    Zeit,

    1975,135-149).

    Important sociologue

    d'envergure philosophique,

    Hans

    Freyer

    (1887-1969)

    a

    prete

    comme tant d'autres ses esperances au nouveau regime en 1933, pour comprendre assez vite

    qu'il

    s'agissait

    d'autre chose.

    II

    a

    pu passer

    toute cette

    periode

    sans

    s'engager

    dans le

    Parti,

    mais

    ne

    s'est

    pas

    davantage

    engage

    dans

    Fautre

    Parti,

    a

    Leipzig,

    apres

    1945,

    ou

    il avait

    d'abord

    cru

    trouver

    encore

    une

    saine

    compensation

    a

    ses

    illusions

    deques.

    C'est

    en

    Allemagne

    de

    TOuest,

    finalement,

    qu'il

    a

    developpe

    son

    analyse

    des conditions

    du

    monde

    moderne,

    toute

    ideologic

    mise

    a

    part.

    S'il avait

    ete

    des

    avant

    la

    premiere

    guerre

    convaincu de

    la

    capacite

    du

    peuple

    a

    fonder FEtat

    (cf.

    Der

    Stoat,

    1925,1926), reagissant

    ainsi

    contre

    le

    romantisme

    poli

    tique

    dont

    Fopposition depuis

    l'exterieur

    a

    la

    montee

    technologique

    ne

    change

    rien

    a

    celle-ci;

    s'il

    veut

    s'opposer

    au

    pessimisme

    des

    Spengler,

    Tonnies,

    Weber

    et autres

    Simmel,

    qui

    ne

    font

    selon lui

    que

    contribuer

    a

    durcir

    Fopposition

    de la culture

    a

    la

    civilisation,

    il

    entend,

    apres

    1945,

    reprendre

    deliberement

    son

    idee du

    debut de maitriser culturellement

    de

    Finterieur

    la

    montee

    technologique.

    Cest

    dans

    cet

    esprit

    qu'il

    a

    ecrit

    la

    Weltgeschicbte Europas,

    puis

    en

    1955

    la

    Theorie des

    gegmvartigen

    Zeitalters

    (traduit

    en

    fran^ais

    en

    1965

    chez

    Payot,

    Les

    fondements du monde moderne, Theorie du temps resent), et en 1965 les SchweUenderZeit. Plus proche

    cette

    fois de Troeltsch

    et

    de

    Schmitt

    que

    des souvenirs de

    ses

    liens

    avec

    le

    cercle Diederich

    (Die Tat),

    ou avec

    Stapel

    (la

    Fichte-GeseUschaft,

    et

    le

    Deutsches

    Vblkstum)

    et

    at,

    il

    reste

    convaincu

    que

    la

    raison

    seule,

    avec son

    universalisme,

    pas

    plus

    que

    le

    peuple

    comme

    tei,

    comme

    il Favait

    cru

    un

    temps,

    ne

    peuvent

    fonder

    une

    societe coherente

    et

    vivante.

    A

    la difference des

    dog

    mes

    de

    la

    religion,

    les

    dogmes

    de

    la raison

    ne

    disposent

    pas

    de forces

    liantes

    et

    de

    preserva

    tion

    (haltende

    Mdchte)

    ;

    le rationalisme

    a

    la

    maniere

    du

    XVIir est

    incapable

    de

    remplir

    les

    fonc

    tions

    collectives

    d'integration

    et

    de continuite

    qu'assume

    la

    religion

    traditionnelle

    (W.

    E.,

    p.

    883):

    la base des societes

    pour

    Freyer

    n'est

    plus

    le

    peuple,

    mais les assises

    juridiques

    (sus

    ceptibles

    d'une

    dimension

    internationale).

    La

    coloration chretienne desormais de

    son

    inter

    pretation

    de lliistoire

    se

    prete

    sans

    doute

    aux

    remarques

    judicieuses

    de

    J.

    Z. Muller**. Et

    Arnold

    Gehlen lui

    fait

    remarquer

    a

    ce

    propos

    que

    son

    christianisme

    risque

    de

    n'etre

    qu'une

    religion

    devenue

    son

    propre

    substitut

    (Lettre

    d'A.

    G.

    a

    H.

    F.,

    30 avril

    1949,

    citee

    par

    Muller,

    p. 338 n.). Pourtant sa conviction semble plus

    qu'une

    coloration (qu'a ce titre ilpartage avec

    bien

    d'autres,

    cf.

    Muller,

    p. 338),

    et

    Schmitt

    a

    raison

    d'y

    reconnaitre

    l'effet

    d'une

    exigence

    rationnelle

    dans

    la

    comprehension

    de

    l'histoire,

    et

    qui prend

    celle-ci telle

    qu'elle

    est,

    en

    sa

    dynamique

    techno-economique

    qu'on

    dit

    volontiers

    dechristianisee.

    La demarche

    analytique

    de

    Freyer

    est,

    pour

    revenir

    a

    notre

    texte,

    d'orientation

    inverse de celle

    de

    Kart Lowith

    a

    la

    meme

    date: decidee

    a

    affronter le

    present,

    plutot

    que

    de

    rester sur

    la

    reserve

    devant

    le futur

    prochain.

    Le

    paradoxe

    -

    si

    tant

    est

    que

    e'en

    soit

    reellement

    un

    ?

    apparait

    clairement: d'un

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    15/18

    418

    Carl Schmitt

    caracteriser

    par generalisation

    des tendances

    simplement

    conservatives

    ou

    reactionnaires.

    Nous

    ne

    devons

    pas

    1'utiliser

    pour

    ajouter,

    avec ces

    termes

    de

    conservateur

    et

    de

    retardateur,

    quelques exemplaires

    a

    la collection dil

    theyenne

    des

    types

    d'historicisme.

    La

    force

    historique originaire

    de

    la

    figure

    d'un

    kat-echon

    demeure

    en

    depit

    de

    tout,

    et

    elle

    est

    capable

    de

    triompher

    de

    la

    paralysie

    eschatologique

    survenant

    sans

    cela.

    Notre

    troisieme

    remarque

    se

    rapporte

    au

    caractere

    indefiniment

    excep

    tionnel de

    la realite

    historique.

    Nous

    nous

    attachons ici

    au

    passage

    du livre

    de

    Lowith

    (p.

    196)

    ou

    il

    est

    dit

    que

    le

    message

    du

    Nouveau

    Testament

    n'etait

    pas

    un

    appel

    a

    Faction

    historique,

    mais

    a

    la

    repentance1.

    Voila

    bien

    somme toute que Phistoire ne debute pas par un

    appel

    a l'action

    historique.

    Elle

    est

    plutot

    une

    marche

    comme

    a

    travers

    le

    manque,

    la faim

    et

    Pimpuissance qui

    se

    fortifie.

    Mais,

    pour

    clarifier

    notre

    pensee, posons,

    face

    a

    la

    proposition

    de

    Lowith,

    une

    autre

    proposition

    qui

    doit

    ecarter toutes

    les

    neutralisations

    philosophiques,

    ethiques

    et

    autres,

    et

    osons

    affirmer

    ceci:

    la

    chretiente

    n'est,

    dans

    le

    coeurmeme

    de

    son

    etre

    (Wesenskern),

    ni

    une

    morale,

    ni

    une

    doctrine,

    ni

    un

    sermon sur

    la

    penitence,

    ni

    aucune

    religion

    au

    sens

    de

    la science

    comparee

    des

    religions,

    mais

    un

    evenement

    historique

    d'une

    infinie

    unicite,

    irremplafable

    et

    inoccupable2.

    C'est PIncarnation dans la

    cote

    accueil

    sans

    restriction

    du

    present

    (et

    du

    passe

    passe)

    avec

    le

    presuppose

    de forces de

    retention;

    de Pautre

    interrogation

    et

    scepticisme

    sur

    la

    capacite

    fondatrice du

    christianisme,

    avec

    reserve

    ou

    silence

    sur

    le

    present

    et

    le

    present

    a

    venir.

    *

    WeltgeschicbteEuropas

    est

    dediee,

    comme

    le

    sera

    deux

    ans

    plus

    tard

    Ex

    Captivitate

    Salus,

    a

    W.

    Ahlmann

    :

    ?In

    Memoriam &

    Wilhelm

    Ahlmann

    f

    7

    December

    1944.?

    **

    Sur Hans

    Freyer

    on

    lira:

    Jerry

    Z.

    Muller,

    The

    other

    od that

    failed,

    Hans

    Freyer

    and thedera

    decali^ation of

    Gennan

    Conservatism,

    Princeton Univ.

    Press,

    1987,

    449

    p.

    Carl Schmitt

    voit

    dans

    Freyer

    une

    autre

    filiation de

    Hegel

    que

    celle conduisant

    a

    Marx

    :

    cf. Die andere

    Hegel-Linie.

    Hans

    Freyer

    zum

    70

    Geburtstag,

    in

    Christ und

    Welt,

    n?

    30,25

    juillet

    1957.

    On

    ne

    doit

    pas

    mas

    quer

    combien

    cette

    autre

    filiation

    a

    conduit aussi

    au

    N.

    S.

    Ceci

    doit

    d'autant

    plus

    etre

    souligne

    ici

    que

    la

    passion

    investie

    par

    Schmitt

    dans

    plusieurs

    paragraphe

    de la

    Philosophie

    du

    droitet dans

    la

    Phenomenologie de Pesprit n'a guere a voir avec Pinterpretation de Hegel par Karl Larenz etal.

    1.

    ?

    ...

    The

    message

    of the

    New

    Testament

    is

    not

    an

    appeal

    to

    historical

    action

    but

    to

    repentance.

    Nothing

    in

    the

    New

    Testament

    warrants

    a

    conception

    of the

    new

    events

    that

    constitued

    early Christianity,

    as

    the

    beginning

    of

    a

    new

    epoch

    of secular

    developments

    within

    a

    continuous

    process...

    The

    "meaning"

    of the

    history

    of

    this

    world

    is

    fulfilled

    against

    himself

    because

    the

    story

    of

    salvation,

    as

    embodied

    in

    Jesus-Christ,

    reddems

    and dismantels

    as

    it

    were,

    the

    hopeless

    history

    f

    theworld

    ?

    (196

    et

    197).

    2. La

    proposition

    est

    presque

    litteralement

    reprise

    d'une lettre

    a

    Pierre

    Linn

    (traducteur

    avant

    guerre

    du

    Concept,

    de

    politiqui)

    reproduite

    dans

    le Glossarium

    en

    date

    du

    13/XII-49,

    p.

    283:

    ?...

    Ce

    que

    vous

    appelez

    "Manieur d'idees" n'est

    autre

    chose

    que

    la desinvolture

    d'une

    race

    spirituelle. Je

    n'ai

    pas

    change,

    il

    est

    vrai.

    Ma

    liberte

    vis-a-vis des

    idees

    est

    sans

    bor

    nes

    parce

    que

    je

    reste

    en

    contact

    avec

    mon

    centre

    inoccupable

    qui

    n'est

    pas

    une

    "idee" mais

    un

    evenement

    historique

    :

    Pincarnation du Fils de Dieu. Pour

    moi le

    christianisme n'est

    pas

    en

    premier

    lieu

    une

    doctrine,

    ni

    une

    morale,

    ni

    meme

    (excusez)

    une

    religion;

    il

    est

    un

    evene

    ment

    historique.

    ?*

    Et

    Schmitt

    de

    se

    referer

    ici,

    mais

    sans

    citation,

    a

    Summa

    contra

    Gentiles

    III,

    93,

    qui

    ne

    dit

    rien

    de tel.

    Quant

    au

    credo chretien

    qui

    parle

    de faits

    historiques,

    C.

    S.

    repond

    a

    K.

    L.

    p.

    189-190.

    Sur

    la

    reference

    a

    P

    ?incarnation

    de la

    Vierge

    ?,

    on

    relevera

    un

    glissement qui

    semble

    s'etre

    opere

    depuis

    1917/1925

    dans

    le theme

    de

    Pincarnation;

    Schmitt ecrit

    en

    1949: ?Sur les

    trois

    secrets,

    notre

    ennemi

    echoue

    toujours

    a nouveau : sur

    Pincarnation du

    Fils,

    sur

    la

    naissance

    a

  • 7/23/2019 Schmitt - Trois Possibilits d'Une Image Chrtienne de l'Histoire

    16/18

    Une

    vue ?

    critique

    de

    Carl

    Schmitt

    419

    Vierge.

    Le

    credo chr