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en présence... » « ... En réalité, la question que tout le monde se pose à présent est de savoir si le mouvement va effectivement prendre une nouvelle ampleur, ou bien s'il va, au contraire, connaître une phase I d'incertitude. S'il s'ampliBe, on voit mal encore sur quoi il débouchera, j S'il hésite, au contraire, rien n'exclut alors que ceux que le conduisent ' s'emploient à lui trouver une solution dans la discussion. » / Voilà bien le problème posé. N u l n e sait en effet ce qui va se passer. Les dirigeants ouvriers ont parfaitement compris que l'action générale engagée le 20 décembre ne peut plus désormais se terminer sur un coup nul. Mais ils comprennent encore mieux que le régime capitaliste est menacé, et que le pouvoir bourgeois est gravement touché. Entre la menace représentée par la victoire bourgeoise contre leurs propres positions, et la crainte de la victoire ouvrière, ils doivent choisir. Hier, le bureau du P.S.B. a demandé la convocation immédiate du parlement. Le bureau élargi de la F.G.T.B. a réaffirmé tque son action est dirigée contre la loi unique, et non contre les institutions démo- cratiques ». L'appareil tient avant tout à préserver les institutions du pouvoir bourgeois. Pendant que les directions ouvrières temporisent, la bourgeoisie pousse le gouvernement à l 'offensive. « Les moyens dont disposent les entrepreneurs de révolutions sont tout de même dérisoires auprès de ceux que possèdent actuellement les forces de l'ordre» (La Libre Belgique, 26-12-60.) Le gouvernement fait garder par la troupe les ouvrages d'art et les centres vitaux (centrales électriques) dans tout le sud du pays. La grande manufacture d'armes F.N. d'Herstal est occupée militairement. On craint par-dessus tout, en effet, que les grévistes ne parviennent à s'emparer des stocks d'armes et de munitions qui y sont entreposés. Dans quelques jours le gouvernement videra les armureries d'Anvers de leurs stocks de munitions. Le ministre de l'Intérieur a demandé à tous les bourgmestres de lui dénoncer les gré- vistes du personnel communal. Les perquisitions chez les militant! socialistes se poursuivent. Le gouvernement va même jusqu'à faire arrêter Hubert Parotte, secrétaire de la Fédération socialiste de Ver- viers. La Volksgazet, quotidien socialiste flamand, est saisie. Mais il est évident que la bourgeoisie n'a pas encore pris son parti d'une action répressive de grande ampleur. Quelques provocations caractérisées sont organisées par les gen- darmes. Par exemple : un des rares trains qu'on a réussi à faire circuler est arrivé en gare de Bruxelles chargé de militaires, et portant cette inscription : « N'approchez pas ou nous tirons ! » Le ministre de la fonction publique envisage des sanctions contre les grévistes des services qui dépendent de lui. Il s'en donne à cœur joie en se réclamant de l'attitude de Camille Huysmans, socialiste de gouvernement, qui occupait son poste en 1948. O n citera aussi l'action de jaune du « socialiste > Van Acker contre les métallos en grève en juillet 1957. 34 A cette phase de la lutte, il est clair qu'il devient urgent pour les organisations ouvrières de prendre une initiative. Ne pas en prendre, c'est choisir délibérément de laisser le mouvement s'effriter et pourrir de lui-même. Le prolétariat belge est debout, prêt au combat. Que font ses chefs ? L'Action Commune se déclare, dans un communiqué publié mardi, « solidaire du mouvement général de grève ». Elle « réaffirme son atta- chement aux institutions démocratiques menacées par les entreprises réactionnaires ». Le communiqué poursuit : « Les quatre mouvements mobilisent toutes leurs forces dans ce gigantesque combat voulu par M. Eyskens, et qui se terminera par la victoire du monde du travail. » La perspective de la direction réformiste pendant ces journées cruciales est éloquente : « attachement » à la démocratie bourgeoise parlemen- taire. Mais, à cette date, elle n'ose pas encore intimer aux travailleurs l'ordre de reprendre le travail. Il lui faut laisser le temps agir et les ouvriers s'épuiser. Le parti communiste, fidèle à sa tactique, qui consiste à épouser autant que possible l'attitude de la direction du P.S.B., souligne le mardi 27 : « C'est la peur de la démocratie et du parlement qui a poussé le gouvernement des monopoles à interrompre les débats parlemen- taires... Les travailleurs n'accepteront qu'une seule solution : le retrait pur et simple de la loi unique. » Une action massive en direction du parlement, « aSn que celui-ci tienne compte de la volonté populaire-» ? Laissons Jean Blume nous expliquer de quelle action il s'agit dans l'esprit des dirigeants staliniens : « La deuxième proposition », écrit le secrétaire du P.C.B., « c'est que, dans l'intervalle » (entre le 26 décembre et le 3 janvier), « les députés P.S.C. et libéraux reçoivent la visite de piquets de grève et de délé- gations de travailleurs, afin de s'entendre expliquer que leur devoir est de se conformer aux aspirations de leurs électeurs, plutôt qu'aux ukases des banques et du gouvernement. » Sans commentaires ! Sur la première page du Drapeau Rouge (24-26 décembre) figurait un modèle de lettre dont le député communiste Dejacé propose l'appro- bation aux assemblées de grévistes et qu'il enverra aux députés libéraux et P.S.C. : « Cher Collègue. Nous nous sommes quittés vendredi dernier. A ce moment, vous étiez encore décidé à voter la loi unique. Et vous pensiez que les grèves n'avaient point de caractère profond. Nous espérons que votre avis est changé, aujourd'hui, après les manifestations puissantes qui se sont déroulées, dans lesquelles se trouvaient réunis socialistes, communistes, chrétiens et libéraux. Si te! n'était pas le cas, cela signi- fierait que vous êtes mal informé, et qu'il importerait que vous preniez contact immédiatement avec les assemblées populaires et les organi- sations responsables du mouvement gréviste ; ainsi vous seriez, nous en sommes sûrs, informé objectivement, et votre démarche serait appré- ciée par la population. De cette façon, le s janvier, vous pourriez mieux

se déclare, dans un communiqué publié mardi, « solidaire ... · en présence... En réalité, la question que tout le monde se pose à présent est de savoir si le mouvement va

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Page 1: se déclare, dans un communiqué publié mardi, « solidaire ... · en présence... En réalité, la question que tout le monde se pose à présent est de savoir si le mouvement va

en présence... » « ... En réalité, la question que tout le monde se pose à présent est de savoir si le mouvement va effectivement prendre une nouvelle ampleur, ou bien s'il va, au contraire, connaître une phase I d'incertitude. S'il s'ampliBe, on voit mal encore sur quoi il débouchera, j S'il hésite, au contraire, rien n'exclut alors que ceux que le conduisent ' s'emploient à lui trouver une solution dans la discussion. » /

V o i l à b i e n l e p r o b l è m e p o s é . N u l ne s a i t en effet ce q u i v a se p a s s e r . L e s d i r i g e a n t s o u v r i e r s ont p a r f a i t e m e n t c o m p r i s que l ' a c t i o n g é n é r a l e e n g a g é e l e 20 d é c e m b r e ne p e u t p l u s d é s o r m a i s se t e r m i n e r s u r u n c o u p n u l . M a i s i l s c o m p r e n n e n t e n c o r e m i e u x q u e l e r é g i m e c a p i t a l i s t e est m e n a c é , et que l e pouvoir b o u r g e o i s est gravement t o u c h é . E n t r e l a m e n a c e r e p r é s e n t é e p a r la v i c t o i r e b o u r g e o i s e c o n t r e l e u r s p r o p r e s p o s i t i o n s , et l a c r a i n t e de l a v i c t o i r e o u v r i è r e , ils doivent c h o i s i r .

H i e r , l e b u r e a u d u P . S . B . a d e m a n d é la c o n v o c a t i o n i m m é d i a t e du p a r l e m e n t . L e b u r e a u é l a r g i de l a F . G . T . B . a réaffirmé tque son action est dirigée contre la loi unique, et non contre les institutions démo­cratiques ». L ' a p p a r e i l t i e n t a v a n t t o u t à p r é s e r v e r les i n s t i t u t i o n s du p o u v o i r b o u r g e o i s . P e n d a n t q u e les d i r e c t i o n s o u v r i è r e s t e m p o r i s e n t , l a b o u r g e o i s i e p o u s s e l e g o u v e r n e m e n t à l ' o f f e n s i v e . « Les moyens dont disposent les entrepreneurs de révolutions sont tout de même dérisoires auprès de ceux que possèdent actuellement les forces de l'ordre» (La Libre Belgique, 26-12-60.) L e g o u v e r n e m e n t f a i t g a r d e r p a r l a t r o u p e l e s o u v r a g e s d 'art et l es c e n t r e s v i t a u x ( c e n t r a l e s é l e c t r i q u e s ) dans t o u t le s u d du pays . L a g r a n d e m a n u f a c t u r e d ' a r m e s F . N . d ' H e r s t a l est o c c u p é e m i l i t a i r e m e n t . O n c r a i n t p a r - d e s s u s t o u t , en effet, que les g r é v i s t e s ne p a r v i e n n e n t à s ' e m p a r e r des s t o c k s d ' a r m e s et de m u n i t i o n s q u i y s o n t e n t r e p o s é s . D a n s q u e l q u e s j o u r s l e g o u v e r n e m e n t v i d e r a l e s a r m u r e r i e s d ' A n v e r s de l e u r s s t o c k s de m u n i t i o n s . L e m i n i s t r e de l ' I n t é r i e u r a d e m a n d é à tous les b o u r g m e s t r e s de l u i d é n o n c e r les g r é ­v i s t e s d u p e r s o n n e l c o m m u n a l . L e s p e r q u i s i t i o n s c h e z les m i l i t a n t ! s o c i a l i s t e s se p o u r s u i v e n t . L e g o u v e r n e m e n t v a m ê m e j u s q u ' à f a i r e a r r ê t e r H u b e r t P a r o t t e , s e c r é t a i r e de l a F é d é r a t i o n s o c i a l i s t e de V e r -v i e r s . L a Volksgazet, q u o t i d i e n s o c i a l i s t e flamand, est s a i s i e . M a i s i l est é v i d e n t q u e l a b o u r g e o i s i e n ' a pas e n c o r e p r i s s o n p a r t i d 'une a c t i o n r é p r e s s i v e de g r a n d e a m p l e u r .

Q u e l q u e s p r o v o c a t i o n s c a r a c t é r i s é e s s o n t o r g a n i s é e s p a r les g e n ­d a r m e s . P a r e x e m p l e : u n des r a r e s t r a i n s qu'on a r é u s s i à f a i r e circuler est a r r i v é en gare de B r u x e l l e s c h a r g é de m i l i t a i r e s , et p o r t a n t c e t t e i n s c r i p t i o n : « N'approchez pas ou nous tirons ! »

L e m i n i s t r e de l a f o n c t i o n p u b l i q u e e n v i s a g e des s a n c t i o n s contre les g r é v i s t e s des s e r v i c e s q u i d é p e n d e n t de l u i . I l s 'en d o n n e à cœur j o i e e n se r é c l a m a n t de l ' a t t i t u d e de C a m i l l e H u y s m a n s , s o c i a l i s t e de g o u v e r n e m e n t , q u i o c c u p a i t s o n p o s t e en 1948. O n c i t e r a aussi l 'action de j a u n e du « s o c i a l i s t e > V a n A c k e r contre les m é t a l l o s en grève en j u i l l e t 1957.

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A c e t t e phase de l a l u t t e , i l est c l a i r q u ' i l d e v i e n t u r g e n t p o u r l e s o r g a n i s a t i o n s o u v r i è r e s de p r e n d r e u n e i n i t i a t i v e . N e pas e n p r e n d r e , c 'est c h o i s i r d é l i b é r é m e n t de l a i s s e r le m o u v e m e n t s ' e f f r i t e r et p o u r r i r de l u i - m ê m e . L e p r o l é t a r i a t b e l g e est d e b o u t , p r ê t a u c o m b a t . Q u e f o n t ses c h e f s ?

L'Action Commune se d é c l a r e , dans u n c o m m u n i q u é p u b l i é m a r d i , « solidaire du mouvement général de grève ». E l l e « réaffirme son atta­chement aux institutions démocratiques menacées par les entreprises réactionnaires ». L e c o m m u n i q u é p o u r s u i t : « Les quatre mouvements mobilisent toutes leurs forces dans ce gigantesque combat voulu par M. Eyskens, et qui se terminera par la victoire du monde du travail. » L a p e r s p e c t i v e de l a d i r e c t i o n r é f o r m i s t e p e n d a n t ces j o u r n é e s c r u c i a l e s est é l o q u e n t e : « attachement » à l a d é m o c r a t i e b o u r g e o i s e p a r l e m e n ­t a i r e . M a i s , à ce t te date , e l l e n 'ose p a s e n c o r e i n t i m e r a u x t r a v a i l l e u r s l ' o r d r e de r e p r e n d r e l e t r a v a i l . I l l u i f a u t l a i s s e r l e t e m p s a g i r et l e s o u v r i e r s s ' épuiser .

L e p a r t i c o m m u n i s t e , fidèle à sa t a c t i q u e , q u i c o n s i s t e à é p o u s e r a u t a n t que p o s s i b l e l ' a t t i t u d e de l a d i r e c t i o n d u P . S . B . , s o u l i g n e l e m a r d i 27 : « C'est la peur de la démocratie et du parlement qui a poussé le gouvernement des monopoles à interrompre les débats parlemen­taires... Les travailleurs n'accepteront qu'une seule solution : le retrait pur et simple de la loi unique. »

U n e a c t i o n m a s s i v e e n d i r e c t i o n d u p a r l e m e n t , « aSn que celui-ci tienne compte de la volonté populaire-» ? L a i s s o n s J e a n B l u m e n o u s e x p l i q u e r de q u e l l e a c t i o n i l s 'ag i t dans l ' e s p r i t des d i r i g e a n t s s t a l i n i e n s : « La deuxième proposition », é c r i t l e s e c r é t a i r e d u P . C . B . , « c'est que, dans l'intervalle » ( e n t r e l e 26 d é c e m b r e et l e 3 j a n v i e r ) , « les députés P.S.C. et libéraux reçoivent la visite de piquets de grève et de délé­gations de travailleurs, afin de s'entendre expliquer que leur devoir est de se conformer aux aspirations de leurs électeurs, plutôt qu'aux ukases des banques et du gouvernement. » Sans c o m m e n t a i r e s !

S u r l a p r e m i è r e p a g e d u Drapeau Rouge (24-26 d é c e m b r e ) figurait u n m o d è l e de l e t t r e d o n t le d é p u t é c o m m u n i s t e D e j a c é p r o p o s e l ' a p p r o ­b a t i o n a u x a s s e m b l é e s de g r é v i s t e s et q u ' i l e n v e r r a a u x d é p u t é s l i b é r a u x et P . S . C . :

« Cher Collègue. Nous nous sommes quittés vendredi dernier. A ce moment, vous étiez encore décidé à voter la loi unique. Et vous pensiez que les grèves n'avaient point de caractère profond. Nous espérons que votre avis est changé, aujourd'hui, après les manifestations puissantes qui se sont déroulées, dans lesquelles se trouvaient réunis socialistes, communistes, chrétiens et libéraux. Si te! n'était pas le cas, cela signi­fierait que vous êtes mal informé, et qu'il importerait que vous preniez contact immédiatement avec les assemblées populaires et les organi­sations responsables du mouvement gréviste ; ainsi vous seriez, nous en sommes sûrs, informé objectivement, et votre démarche serait appré­ciée par la population. De cette façon, le s janvier, vous pourriez mieux